Du bon usage des codes. Intertextualité et efficacité du monologue de théâtre en Angleterre et en France (1580-1640)
p. 215-227
Texte intégral
1Pour les saisons dramatiques des années 1601-1603, la troupe du Saint-John’s College de Cambridge donne les Parnassus Plays, une trilogie anonyme qui représente la vie des théâtres londoniens contemporains1. Dans le deuxième volet de cette trilogie, The Return from Parnassus, Richard Burbage et William Kempe, deux des plus grands acteurs de leur temps, cherchent de nouveaux comédiens parmi les diplômés de Cambridge2. Parmi les trois discours que Burbage choisit pour donner une leçon de déclamation au jeune Studioso, se trouvent deux monologues3 : l’un est le monologue le plus connu de Hieronimo, protagoniste de La Tragédie espagnole de Thomas Kyd (« What out-cries pluck me from my naked bed… »), l’autre est le premier monologue de Richard Gloucester (« Now is the winter of our discontent4… »). En France, dans les années 1630 qui voient s’épanouir le renouveau théâtral baroque, les scènes monologuées en stances sont parfois publiées à part dans des recueils, offertes aux lecteurs qui voudraient les entendre à nouveau et peut-être les apprendre ; et si l’on en croit Tallemant, le cardinal de Richelieu demande à Mondory de déclamer un monologue de passion pour son plaisir particulier5. À la fin du xvie et dans la première moitié du xviie siècle, en Angleterre et en France, le monologue est donc un texte qu’on répète, qu’on reprend et, on le verra, qu’on réécrit.
2Cette « affinité » entre d’une part ce procédé dramatique et d’autre part la reprise, la répétition ou la réécriture doit être interrogée du point de vue de la réception. Cela correspond d’abord à un choix méthodologique : lorsqu’il s’agit d’étudier les rapports que les textes entretiennent entre eux, inclure la dimension pragmatique dans l’analyse permet de compléter les définitions trop restreintes et d’enrichir les distinctions opérées a priori6. Cela tient ensuite et surtout à l’objet de cette étude : le statut de morceau de bravoure que possède le monologue à cette époque est indissociable des formes d’intertextualité qu’il met en œuvre7. La compréhension de l’efficacité dramatique des monologues baroques anglais et français du monologue mobilise en effet les trois concepts de reprise, de répétition et de réécriture. Leur articulation permet de repérer trois logiques d’écriture qui correspondent à trois grands types d’intertextualité en même temps qu’à trois modalités distinctes de l’effet dramatique.
Préambule : l’efficacité dramatique d’un morceau de bravoure
3Les monologues du théâtre élisabéthain et jacobéen et du théâtre baroque français présentent les caractéristiques d’un morceau de bravoure.
4Tout d’abord, le monologue est un passage relativement autonome, doté d’un caractère détachable. Il constitue une scène à lui seul et, au sein d’une poésie imprégnée par la rhétorique, il est composé comme un discours. De surcroît, à cette époque, il se distingue de plus en plus nettement du reste du texte dramatique : il s’affirme comme une convention spécifique, qui favorise les formes singulières d’écriture (comme les stances) et qui se trouve de plus en plus souvent réservée à la représentation des pensées et des passions8. Le rôle d’échantillon dramatique qu’il joue à l’occasion ou son caractère d’ornement viennent confirmer cette relative autonomie du texte9.
5Le monologue est en outre un morceau saillant au sein du texte dramatique. Les textes théoriques et dramatiques de l’époque montrent que l’on attend du monologue un effet puissant sur le public et qu’il constitue un moment particulièrement apprécié des spectateurs10. Il est en effet un vecteur essentiel de l’efficacité pathétique recherchée par les dramaturges : dans un théâtre pensé sur le modèle rhétorique de la communication des passions, il est la forme idéale pour représenter la passion et la transmettre au spectateur. De plus, le comédien est seul sur le plateau et peut d’autant mieux capter l’attention du public bruyant et dissipé. Tout concourt donc à faire du monologue une forme privilégiée par le poète dramatique.
6Enfin, le monologue est un passage obligé et attendu. Des textes théoriques le présentent comme une séquence nécessaire pour plaire au spectateur ou en critiquent le caractère prévisible et systématique11. De très nombreux monologues relèvent ainsi d’un type de scène (monologue de prison, lamentation, monologue surpris par un deuxième personnage…) et se composent d’éléments identiques d’une pièce à l’autre. Le contexte littéraire et théâtral de l’époque encourage par ailleurs la reprise des motifs et des procédés. En Angleterre et dans une moindre mesure en France, l’écritude codée peut en effet s’expliquer par la demande importante de pièces nouvelles et la rapidité d’écriture qu’elle exige : la programmation des théâtres change souvent pour satisfaire un public fervent et fidèle. À cette raison d’ordre matériel, il faut ajouter une raison d’ordre poétique : le système normatif des Belles Lettres, dans lequel la mimèsis est aussi imitation des anciens et des modèles, se caractérise par la stabilité des codes et des conventions.
7Les caractéristiques du monologue baroque qui le constituent en morceau de bravoure appellent donc l’intertextualité. Dans cette séquence dramatique, la tension entre ressemblance et différence supposée par les trois termes de reprise, de répétition et de réécriture joue avec plus de facilité qu’ailleurs. La manière dont elle est mise en œuvre dans les monologues de l’époque définit trois logiques d’écriture, chacune correspondant à un type d’effet recherché.
L’exploitation du répertoire
8La première de ces logiques repose sur la reprise de motifs bien connus du public, de situations topiques du genre et de conventions théâtrales à la mode. Dans les pièces anglaises et françaises de la fin du xvie et du premier xviie siècle, tout un ensemble de monologues se caractérisent par l’accumulation et la concentration des procédés récurrents. L’efficacité de ces scènes repose sur le charme de la reconnaissance et le comblement de l’attente des spectateurs qui connaissent bien les codes poétiques et dramatiques. « Reprise » s’entend ici dans deux de ses sens métaphoriques : le tissage serré des éléments textuels compose un motif attendu et apprécié ; les scènes types et les motifs sont comme autant de notes sur une partition virtuose.
9Dans les pastorales dramatiques et les tragi-comédies françaises, cette « stratégie de séduction » se trouve parfois mise en œuvre dans les monologues d’ouverture de la pièce ou de l’acte : ils se caractérisent par une concentration, voire une surenchère, d’éléments topiques du genre. La première scène de La Sœur valeureuse, ou l’Aveugle amante, tragi-comédie de Mareschal est exemplaire de ce type de composition12. Oronte, la fille du roi de Perse, entre « le casque en teste, et regardant le portraict de son Frere sur son écu ». Son discours expose la situation : elle est travestie en garçon ; elle arrive d’un long voyage et s’arrête dans cette forêt, où l’a conduit un oracle13 ; elle éprouve un amour incestueux pour son frère, mais elle a jusque là dissimulé son sentiment ; aussi l’amour et la nature se livrent-ils un combat douloureux dans son cœur ; elle souhaite qu’une mort prochaine vienne la délivrer de ses souffrances mais en l’attendant, elle s’endort épuisée au pied d’un arbre. Le travestissement, les adresses au portrait et les regards dirigés vers lui14, l’amour impossible et les hésitations, l’oracle obscur, le sommeil, le long voyage, la forêt, sont autant de motifs et de procédés récurrents du genre qui se trouvent rassemblés en une soixantaine de vers15. Les ouvertures de pièces ou d’actes des Bergeries (1625) de Racan, de La Sylvanire (1631) ou de La Sylvie (1628) de Mairet, les monologues surpris de l’Amélie (1638) ou de La Belle Alphrède (1639) de Rotrou, pourraient donner lieu à des énumérations du même genre.
10Dans le théâtre élisabéthain et jacobéen, cette logique de la concentration d’éléments d’un répertoire codé est particulièrement évidente dans les monologues du Villain, du Machiavel ou du Malcontent. Le personnage déploie et revendique son caractère par l’énumération de ses plans diaboliques, de ses désirs criminels, de ses vices et de ses subversions. L’un des plus achevés de ce point de vue est certainement celui du duc de Guise à la veille de la Saint-Barthélémy, dans The Massacre at Paris de Marlowe16. Dans une immense période qui multiplie les anaphores, le personnage capte les plus grands vices et les subversions les plus condamnables : une haine irrépressible à l’égard de Navarre, une persévérance hors du commun dans ses désirs criminels, une foi totalement hypocrite et la volonté d’usurper le pouvoir royal et légitime. La logique de l’accumulation trouve son sens dans ce moment qui montre justement cette puissante énergie, caractéristique des héros marlowiens17, avant qu’elle ne se libère dans le massacre.
11Cette exploitation du répertoire sollicite chez le spectateur une appréciation ou un jugement d’ordre esthétique, et cherche à susciter un plaisir pris à la technique poétique et dramaturgique. Dans une perspective barthésienne, il y a là quelque chose qui relève d’une érotique du texte par la répétition à l’excès18. Mais la séduction esthétique ne contredit en rien la recherche du pathétique et ne se limite pas à la conscience réflexive de la représentation. Cette logique de composition des monologues peut en effet s’interpréter comme une version strictement poétique du decorum ou de la convenance. Tout comme les personnages de la fiction doivent être conformes à certains types prédéfinis pour être crédibles, les monologues peuvent s’appuyer sur des structures et des motifs topiques pour s’adapter au public et assurer leur efficacité pathétique ; ils se conforment à son horizon d’attente et compensent ainsi le déficit de vraisemblance qui les caractérise19.
12Dans le système de Palimpsestes, cette logique de composition peine à trouver sa place ; elle peut se comprendre comme une pratique d’imitation particulièrement appuyée conjuguée à une intense relation à l’architexte. En revanche, les concepts de reprise (de la topique) et de répétition (de la forme monologuée) permettent de penser cette intertextualité, qui sans être explicite n’en est pas moins évidente, et de rendre compte de l’efficacité dramatique de ces monologues baroques.
Reprise et réécriture parodiques des codes
13À la lumière de ce premier type d’intertextualité, on peut aisément deviner le deuxième : il correspond aux monologues parodiques qui s’appuient justement sur ce système de codes stables et familiers pour créer un effet comique. La cible principale – et évidente, attendue – des monologues de comédie est la plainte tragique. Pour faire naître le rire parodique, deux types de dissonances ou de décalages dans l’usage du code sont possibles, qui correspondent à deux rapports intertextuels distincts et qui ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. Dans le premier cas, le discours monologué est identique au monologue tragique : il reprend le style de la lamentation tragique sans le changer mais l’insère dans un contexte qui désamorce et inverse l’effet pathétique. Dans le deuxième cas, le discours lui-même est modifié, l’hypertexte est dans une relation de transformation nette avec son hypotexte : les codes et les procédés rhétoriques sont altérés, exagérés ; le principe de convenance est subverti par l’usage d’un vocabulaire inapproprié ou d’une thématique décalée.
14On trouve un exemple du premier cas de figure dans The Knight of the Burning Pestle de Beaumont et Fletcher20. Jasper aime Luce mais les projets de mariage des pères s’opposent à leur union. Pour parvenir auprès de sa bien aimée et contrecarrer l’opposition familiale, Jasper fait semblant de mourir. Conformément aux dernières volontés du défunt, on apporte à Luce, qui ne sait rien du stratagème, le cercueil de son amant. Rien dans le discours de la jeune fille devant le cercueil de Jasper ne trahit sa dimension comique21 ; il est comme importé dans la comédie. C’est le contraste avec la situation – le public sait bien que Jasper est vivant dans le cercueil – qui produit l’ironie dramatique et le rire. En France, Scarron donne une scène du même ordre dans son Jodelet, ou le Maître valet. Le discours pathétique de Lucrèce déshonorée est entendu par Dom Fernand qui commente, apprécie le « style de roman », dont est incapable sa propre fille22.
15Ce type de discours monologué, qui s’analyse comme un pastiche introduit dans une situation de comédie, pose problème au regard de la catégorie de la parodie, même dans le sens élargi que lui donne les études récentes. Certes l’effet comique repose sur la reprise ludique d’un système littéraire reconnaissable par le public. Mais d’une part, il n’y a pas à proprement parler de réécriture ou de transformation du texte source, et d’autre part, il n’est pas du tout sûr que cet effet comique s’accompagne d’une mise à distance critique ou ironique de procédés dépassés, bien au contraire : ces procédés sont encore utilisés, appréciés, efficaces dans la tragédie. Parce qu’il est un passage obligé et codé dans la tragédie, le monologue de lamentation donne lieu à une forme particulière de parodie : la reprise à l’identique dans un contexte comique.
16Le deuxième type de comique parodique repose sur la réécriture de monologues topiques par l’altération des styles qui leurs sont associés. Dans le Jodelet, la parodie retrouve même le sens strict que lui donne Genette. La servante Béatris chante sa tristesse d’amoureuse éconduite avec le refrain suivant : « Pleurez, pleurez, mes yeux l’honneur vous le commande ; / S’il vous reste des pleurs, donnez-m’en, j’en demande23. » Le premier vers télescope un vers de La Mort de César de Scudéry avec un vers du Cid : « Ma main résolvons-nous ; l’honneur nous le commande » est un vers de Brute (acte I, scène 1) et « Pleurez, pleurez, mes yeux, et fondez-vous en eau », un vers de Chimène (acte III, scène 3).
17Sur la scène élisabéthaine et jacobéenne, les monologues de Hieronimo se donnent comme la cible facile d’une parodie parfois critique : Ben Jonson, Middleton, Shirley ou Tomkins s’attaquent au style très recherché, très rhétorique de Kyd, caractérisé par les images baroques, la répétition des figures et l’emphase24. Chez Shakespeare, le jeu ironique prend pour objet le dialogue avec soi-même dans The Merchant of Venice et l’apostrophe (et la personnification qu’elle suppose) dans A Midsummer Night’s Dream. Le clown Lancelot Gobbo est au service de Shylock ; il veut quitter son maître mais il a des remords et il les exprime dans un monologue comique, traditionnel du personnage de bouffon25. Il expose ses hésitations en opposant ses deux voix intérieures : celle de la conscience et celle de la tentation. L’une conseille de fuir, l’autre de rester avec son maître ; Lancelot rapporte avec précision leurs discours, ses propres réactions et ses réponses, et transforme la psychomachie en récit d’une scène très animée dans laquelle il joue les trois personnages26. La parodie de la personnification, dans la pièce interprétée par les artisans-acteurs pour les noces de Thésée et Titania, repose sur le même principe : prendre au pied de la lettre un procédé et le transposer dans la mise en scène, réaliser matériellement la métaphore conventionnelle. Pour leur interprétation de l’histoire de Pyrame et Thisbé, les comédiens amateurs ont choisi de faire représenter par des acteurs le clair de lune et le mur qui sépare les deux amants. Arrive Pyrame interprété par Bottom le tisserand, qui déclame :
O grim-looked night, O night with hue so black,
O night which ever art when day is not ;
O night, O night, alack, alack, alack,
I fear my Thisbe’s promise is forgot.
And thou, O wall, O sweet O lovely wall,
That standst between her father’s ground and mine,
Thou wall, O wall, O sweet and lovely wall,
Show me thy chink, to blink through with myne eyne.
Wall shows his chink
Thanks, courteous wall. Jove shield thee well for this27.
18Le comique de ce dernier discours repose principalement sur ces adresses à la nuit et au mur, parce qu’elles sont excessives et maladroites, et surtout, parce que la personnification est concrétisée par les acteurs et par leur jeu. Pour une fois, l’objet « inanimé » auquel est adressé le discours monologué réagit : la « fausse » apostrophe provoque presque un « vrai » dialogue.
19Mais là encore, il n’est pas du tout sûr que la réécriture prenne en charge une dimension critique même si, soulignés, les procédés sont mis à distance. Hamlet lui aussi recourt à l’apostrophe et à la double répétition (« Words, words, words », « Horror, horror, horror »). Peut-être faut-il alors renoncer à parler de monologues parodiques. Reste que là encore, les concepts de reprise et de réécriture permettent de décrire et de distinguer le rapport que ces monologues comiques entretiennent avec les textes qui les précèdent.
Le suspense d’une réécriture en creux
20Le statut de « scène à faire » du monologue ouvre sur un troisième type d’intertextualité qui repose lui aussi sur un jeu de réécriture du discours de lamentation. Mais cette fois l’effet est pathétique, et le texte insiste sur sa différence avec ses hypotextes plutôt que sur sa ressemblance. Avec les exemples d’Hamlet de Shakespeare et de la Sophonisbe de Mairet, on distinguera deux modalités de cette intertextualité qui sont, du point de vue de l’efficacité, deux stratégies du suspens et de l’évitement : la mise à distance du discours attendu d’une part, et sa « mise en réserve » d’autre part.
21En ce qui concerne cette dernière stratégie, le mécanisme de l’efficacité est simple : le dramaturge fait désirer le passage obligé pour attiser les passions, il feint de refuser le morceau de bravoure pour mieux satisfaire ensuite les attentes du spectateur. Dans sa Sophonisbe, Mairet retarde ainsi l’expression de la passion de son héros pendant deux actes, jusqu’au finale28. Massinisse, général numide alliés aux romains, a gagné la guerre contre le roi de Numidie, Syphax ; le soir même, il épouse la reine Sophonisbe (qui l’aimait secrètement depuis longtemps). Mais Scipion, le général romain, exige que la reine meure ou qu’elle participe au triomphe romain. Massinisse essaie par deux fois d’émouvoir sa pitié, en plaidant lui-même sa cause et en faisant intervenir Lélie, lieutenant du général romain. Mais ses tentatives restent vaines. Chaque fois, le verdict de Scipion provoque chez lui une réaction violente et le plonge dans une profonde rêverie qui n’est transposée dans aucun discours : le silence personnage est souligné par des didascalies ou dans le discours des personnages29. De plus, Massinisse laisse échapper des paroles qui indiquent qu’une décision a été prise, mais elles restent suffisamment obscures pour ne pas révéler laquelle : « la chose est résolue30 » et « la pierre en est jetée31 ». Cette décision est celle de son suicide, qui interviendra dans la dernière scène, à l’insu de tous les autres personnages qui l’ont laissé seul pleurer sur le corps de Sophonisbe empoisonnée. Or, ce suicide est une liberté que le dramaturge prend avec l’histoire et une originalité de sa réécriture par rapport aux versions de Trissino ou de Mellin de Saint-Gelais, voire de Marston32. L’effet pathétique devait être d’autant plus puissant que le dramaturge laisse planer le doute et joue avec les attentes du spectateur jusqu’aux derniers vers. Mairet garde ainsi pour son finale les sentiments les plus beaux et les plus violents. Le jeu de réécriture de Mairet avec le monologue pathétique et attendu est donc double : non seulement Massinisse se suicide, mais il donne à cette surprise toute sa portée et son efficacité par le jeu de suspens qui retarde l’expression de la passion du général numide jusqu’à la fin.
22Le deuxième type de réécriture à effet du monologue de lamentation repose sur le refus souligné de la reprise des codes et, partant, du monologue topique. La contradiction n’est qu’apparente : s’il y a bien réécriture c’est que le texte évoque ou annonce la scène attendue pour ensuite la refuser et la mettre à distance. Le monologue d’Hamlet à la fin de l’acte II (« What’s Hecuba to him, or he to Hecuba33 »), après la scène de l’arrivée des comédiens, est exemplaire de cette intertextualité retorse. Dans ce long monologue, Hamlet confronte la passion fictive du comédien – la représentation de la passion – avec ses propres sentiments ; il se juge faible et apathique ; puis il révèle son plan : pour tâcher de savoir si le Spectre n’est pas un piège du diable, il verra comment le roi réagit à la représentation d’une pièce qui montre un meurtre identique à celui qu’il aurait commis.
23Dans la séquence qui précède, Hamlet a réclamé au comédien une tirade qu’il aime particulièrement : le récit que fait Énée à Didon de la mort de Priam et de la douleur d’Hécube. Il y a donc d’abord une véritable répétition, théâtrale et textuelle. C’est Hamlet qui récite les premiers vers34, avant de laisser le comédien le relayer. Dans le plus pur style tragique, le comédien déclame le meurtre cruel de Priam et la terrible douleur d’Hécube, aveuglée par ses pleurs, courant en tous sens et dont les cris devaient émouvoir les dieux. L’interprétation est si intense que le comédien change de couleur et que ses yeux se remplissent de larmes. Hamlet l’interrompt et charge Polonius de recevoir dignement la troupe. Commence alors le troisième monologue d’Hamlet : il s’adosse tout entier à la tirade du comédien et en est comme la réécriture en creux. Le jeune prince s’étonne et s’afflige du contraste saisissant entre ce comédien, dont la douleur surgit au récit d’une histoire feinte, et lui-même, qui reste immobile et muet alors que le crime et l’injustice s’acharnent contre lui. Il voit le comédien comme son double inversé. La seule production de l’esprit, une idée, une fiction, c’est-à-dire rien, se manifeste chez le comédien par un violent trouble du corps. À l’inverse, chez lui, Hamlet, la douleur et les passions – colère, souffrance, vengeance – qui agitent son âme et qui sont bien réelles, restent invisibles et ne se manifestent par rien. Au premier acte, il avait dit à sa mère la reine : « I have that within which passeth show35. » Mais ici, la douleur et l’intériorité d’Hamlet vont en fait trouver leur expression et leur représentation à travers le refus explicite du monologue de lamentation. Le monologue esquisse en effet le texte qui aurait pu être le sien, l’interprétation qu’il en aurait donné sur scène et l’effet qu’il aurait eu sur le spectateur, si l’auteur avait comblé les attentes du public, c’est-à-dire si Shakespeare avait écrit le monologue d’un héros d’une tragédie de la vengeance. En effet, si le comédien avait les mêmes raisons qu’Hamlet de pleurer,
He would drown the stage with tears,
And cleave the general ear with horrid speech,
Make mad the guilty and appal the free,
Confound the ignorant, and amaze indeed
The very faculty of eyes and ears. Yet I
[…], peak
Like a John-a-dreams […]
And can say nothing36.
24Hamlet dit en fait : « je devrais agir comme le personnage d’une tragédie de la vengeance, mais je ne le fais pas ». Le vers hémistiche « O, vengeance37 ! » marque une rupture dans le discours et signale le refus des malédictions, des invectives, et plus généralement de la parole. Hamlet s’interdit de décharger son cœur en paroles tout comme Shakespeare met à distance les vers attendus du monologue de vengeance. La mobilisation de la figure d’Hécube va elle aussi dans le sens de la mise à distance des anciens codes de la représentation. L’un des topoi des monologues de lamentation de l’époque est en effet l’invocation de la reine troyenne, exemple paradigmatique de la plus grande douleur38. Or ici justement, Hécube est présente, mais dans la tirade du comédien, c’est-à-dire dans la scène précédente.
25Le discours de lamentation est présent mais comme un fantôme. Le texte topique est bien un texte possible mais il est convoqué pour être refusé. Ce monologue dit que l’ancien code est impossible, que pour Hamlet, il ne peut plus rien dire. Par la mise à distance des procédés poétiques et rhétoriques traditionnels, il donne à voir le tragique d’une intériorité à laquelle un langage propre fait défaut. C’est dans ce mouvement d’écart par rapport au discours de lamentation que peut se dire la singularité du sentiment et de cette conscience qui se découvre, justement, à côté du rôle qui devrait être le sien – tout comme le temps est « out of joint39 ».
26L’articulation des formes de reprise, de répétition et de réécriture mises en œuvre dans les monologues anglais et français de la fin du xvie et de la première moitié du xviie siècle permet donc de repérer différentes modulations de l’intertextualité, qui correspondent chacune à des régimes distincts de l’efficacité dramatique : surenchère topique pour un plaisir esthétique garant du pathétique, déplacements des codes pour un comique parodique ou encore suspens du monologue attendu pour toucher plus sûrement le spectateur, et lui donner à voir des formes nouvelles de la subjectivité. Si l’on met de côté les stratégies du suspens (qui restent d’ailleurs relativement exceptionnelles au sein du corpus), on voit qu’aux xvie et xviie siècles les phénomènes de reprise et de réécriture s’appuient sur le code, qui fonctionne dans une certaine mesure comme un écran entre réalité et littérature. Au xviiie siècle, ils chercheront au contraire à le déconstruire.
Notes de bas de page
1 The Three Parnassus Plays, [1601-1603], éd. J. B. Leishman, Londres, 1949.
2 Ils sont, avec Shakespeare, les principaux membres de la troupe des Comédiens du Chambellan. William Kempe (?-1603) est surtout connu dans le registre comique ; Richard Burbage (1573-1619) est le véritable entrepreneur et l’acteur vedette de la troupe : il crée, entre autres, les rôles de Richard III, Hamlet, Othello, Lear.
3 Dictionnaires et textes théoriques de l’époque définissent le monologue comme un discours sans allocutaire fictif, une scène où l’acteur parle seul.
4 Thomas Kyd, The Spanish Tragedy, [1585], acte II, scène 5, dans Four Revenge Tragedies, éd. Katharine Eisaman Maus, Oxford-New York, Oxford University Press, 1995. Cette tragédie de la vengeance a connu dès sa création un immense succès et Hieronimo est très vite devenu le personnage paradigmatique du vengeur. William Shakespeare, Richard III, [1591], acte I, scène 1, dans Histoires II, éd. Michel Grivelet et Gilles Montsarrat, Robert Laffont, 1997.
5 Gédéon Tallemant des Réaux, Historiettes, t. I, éd. Antoine Adam, Gallimard, 1960, p. 400-401. Mondory est le grand comédien du Théâtre du Marais, jusqu’en 1637 où il est frappé d’une attaque d’apoplexie ; il crée les grands rôles cornéliens ou celui d’Hérode dans la Marianne de Tristan l’Hermite (1636).
6 Nombre de travaux récents sur l’intertextualité ou la répétition le prouvent, dans les domaines de la linguistique, de la stylistique et de la théorie et de l’histoire littéraires : voir par exemple Répétition, Altération, Reformulation dans les textes et discours (Colloque international, Besançon, Juin 1988), éd. François Migeot et Jean-Marie Viprey, Semen, n°12, 2000 ; Georges Molinie, « Problématique de la répétition », langue française 101, 1994, p. 102-111 ; Anne-Claire Gignoux, La récriture. Formes, enjeux, valeurs. Autour du nouveau roman, PUPS, 2003 ; Yen-Mai Tran-Gervat, « Pour une définition opérationnelle de la parodie littéraire : parcours critique et enjeux d’un corpus spécifique », dans Nouvelles Approches de l’intertextualité, éd. Alain Tassel, Narratologie, N°4, 2001, p. 65-78.
7 Je laisse à « intertextualité » un sens large, proche de celui que lui donne Riffaterre, et qui correspond en gros à ce que Genette rassemble sous les catégories d’« intertextualité », d’« architextualité » et d’« hypertextualité » (Gérard Genette, Palimpsestes, Seuil, 1982). Par ailleurs, les rapports de similitude envisagés ne s’établissent que d’un texte à l’autre et non à l’intérieur d’un même texte.
8 Je me permets de renvoyer à ma thèse de doctorat, Discours de récitants et paroles de personnages. Le monologue de théâtre en Europe (Angleterre, Espagne, France. 1580-1640), Université de Paris IV-Sorbonne, 2005.
9 Voir ci-dessus The Return from Parnassus, et ce qu’en dit Corneille dans son Examen du Clitandre [1660] : « Les Monologues sont trop longs et trop fréquents en cette Pièce ; c’était une beauté en ce temps-là : les Comédiens les souhaitaient, et croyaient y paraître avec plus d’avantage. » (Œuvres complètes, t. I, éd. Georges Couton, Paris, Gallimard, 1980, p. 104. Je souligne).
10 Voir par exemple d’Aübignac, La Pratique du théâtre, [1657], éd. Hélène Baby, Paris, Champion, 2001, p. 368 et p. 431-432 ; Hippolyte Jules Pilet de la Mesnardière, La Poétique, Paris, Antoine de Sommaville, 1639, Genève, Slatkine Reprints, 1972, p. 409.
11 Plusieurs traités italiens et espagnols des xvie et xviie siècles identifient les monologues comme des passages obligés de pièces réussies. En Angleterre, les textes théoriques sont rares et lorsqu’ils se font plus nombreux au moment de la Restauration, la « mode » du monologue est passée : il fait par exemple l’objet des critiques de John Sheffield, Earl of Mulgrave (An Essay upon Poetry, [1682], dans Critical Essays of the Seventeenth Century, vol. 2, 1650-1680, éd. J. E. Springarn, Oxford, 1908, p. 291 et 294-295).
12 André Mareschal, La Sœur valeureuse, ou l’Aveugle amante, Paris, Antoine de Sommaville, 1634, p. 1-5.
13 Ibid., p. 3 : « Dans la forest d’Eluye, aprés estre guery / Ton cœur obligera Pere, Frere, et Mary. »
14 Une autre didascalie précise, avant qu’elle ne s’endorme : « Puis regardant le portraict » (Ibid., p. 5).
15 Ce qui est particulièrement resserré pour un dramaturge qui peut écrire des monologues de plusieurs centaines de vers.
16 Christopher Marlowe, The Massacre at Paris, [1592-1593], éd. Edward J. Esche, dans The Complete Works of Christopher Marlowe, vol. V, Oxford, Clarendon Press, 1998, scène 2, v. 34-109. On peut bien sûr évoquer les monologues du Richard III de Shakespeare, mais aussi ceux du Sejanus de Ben Jonson (Sejanus, 1603) ou du Piero Sforza de John Marston (Antonio’s Revenge, 1602).
17 Sur les héros de Marlowe, voir Stephen Greenblatt, « Marlowe and the Will to Absolute Play », Renaissance Self-fashioning. From More to Shakespeare, Londres et Chicago, The University of Chicago Press, 1980, p. 214 et suiv.
18 Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Seuil, 1973, p. 68.
19 La mode des scènes de prison sur la scène française des années 1630 et 1640 est un autre exemple de ces ressorts poétiques du pathétique : « scène à faire », occasion d’une démonstration de virtuosité poétique (stances, pointes) et moment pathétique. Par exemple : les stances d’Égée dans Médée, celles de Polyeucte (Polyeucte, acte IV, scène 2) ou de Genest (Rotrou, Le Véritable Saint Genest, acte V, scène 1), et dans Tyr et Sidon, de Jean de Schélandre (2e journée, acte III, scène 3), ou dans Ligdamon et Lidias de Scudéry (acte III, scène 4). Sur ce point, voir Raymond LEBèGuE, « La tragédie “shakespearienne” en France au temps de Shakespeare », Études sur le théâtre français, Nizet, t. I, 1977, p. 299-340. Dans cette perspective, la reprise de la scène de prison par Corneille dans L’Illusion comique (acte IV, scène 7) est à la fois audacieuse et moqueuse. Le public est alors rassuré sur le sort de Clindor. Mais Corneille se lance le défi d’émouvoir malgré tout son spectateur, et mobilise à cet effet la scène de prison et ses accessoires pour le disposer à un moment pathétique. Parallèlement, l’inutilité de la scène et sa situation dans la pièce encadrée peuvent se lire comme les signes d’une mise à distance critique des discours pathétiques qui ne répondent pas à la nécessité interne de la fable.
20 Francis Beaumont et John Fletcher, The Knight of the Burning Pestle, [1613], Le Chevalier de l’ardent pilon, trad. et éd. Marie-Thérèse Jones-Davies, Paris, Aubier-Montaigne, 1958.
21 Ibid., acte IV, scène 4, v. 7 : « Come, come o death, bring me to thy peace » (« Viens, ô Mort, viens, conduis-moi à la paix ») ; v. 31 : « Hast thou deceiv’d me thus, and got before me ? » (« M’as-tu trompée en partant avant moi ? ») Lorsque Jasper se dresse dans le cercueil, la parodie de la tragédie se poursuit : Luce prend Jasper pour l’ombre de son amant. C’est le baiser qui dissipera toute illusion : le corps est toujours la pierre de touche de la réalité comique.
22 Scarron, Jodelet, ou le maître valet, [1645], acte II, scène 3, v. 436-445, dans Théâtre du xviie siècle, t. II, éd. Jacques Scherer et Jacques Truchet, Gallimard, 1986.
23 Ibid., acte V, scène 1.
24 Voir Claude Dudrap, « La “Tragédie espagnole” face à la critique élisabéthaine et jacobéenne », dans Dramaturgie et société. Rapports entre l’œuvre théâtrale, son interprétation et son public aux xvie et xviie siècles, éd. Jean Jacquot, t. II, éditions du CNRS, 1968, p. 607-631.
25 William Shakespeare, The Merchant of Venice, [1596], acte II, scène 2, l. 1-22, dans Comédies II, éd. Michel Grivelet et Gilles Montsarrat, Paris, Robert Laffont, 2000.
26 Il écoutera le conseil du diable. C’est une transposition comique de la scène topique dans laquelle le personnage entend la voix de la conscience, connaît donc le chemin de la vertu mais choisit celui du vice.
27 Shakespeare, A Midsummer Night’s Dream, [ ?1595], acte V, scène 1, v. 167-175, dans Comédies I, éd. Michel Grivelet et Gilles Montsarrat, Robert Laffont, 2000. (« Ô nuit sinistre, ô nuit à la couleur si noire ! / Ô nuit qui est toujours lorsque le jour n’est pas, / Ô nuit, ô nuit, ô nuit, hélas, hélas, hélas ! / Thisbé de sa promesse a-t-elle encore mémoire ? / Et toi, ô mur, doux mur, bon mur, toi qui te tiens, / Clôture, entre les biens de son père et les miens, / Ô mur, doux mur, bon mur, ô muraille charmante, / Pour que je puisse voir, montre à mes yeux ta fente. / Le Mur montre sa fente. Merci, aimable mur. Que Jupiter te garde pour cela. »)
28 Jean de Mairet, La Sophonisbe, [1634], dans Théâtre du xviie siècle, t. I, éd. J. Scherer, Gallimard, 1975.
29 Ibid, acte IV, scène 3 (« Ici il sepourmène sans rien dire » et v. 1315-1316) ; acte V, scène 3, v. 1569-1572.
30 Ibid., acte IV, scène 4, v. 1323.
31 Ibid, acte V, scène 3, v. 1572.
32 Comme il s’en expliquera dans l’avertissement au lecteur au moment de la publication de la pièce, il en espérait un surcroît de pitié chez le spectateur et il a semble-t-il réussi dans son entreprise. La justification de l’altération de l’histoire est la seule question abordée par l’avertissement « Au lecteur » qui précède l’édition originale de 1635. Ibid., p. 670 : « Tant y a que je fais faire à Massinisse ce qu’il devait avoir fait, et que la fin de la tragédie étant la commisération, je ne la pouvais pas mieux treuver qu’en le faisant mourir. […] l’expérience a montré sur le théâtre que je n’ai point mal fait de m’éloigner un peu de l’histoire. »
33 Shakespeare, Hamlet, [1600], acte II, scène 2, v. 492-548, dans Tragédies I, éd. Michel Grivelet et Gilles Montsarrat, Robert Laffont, 1995.
34 Ibid, acte II, scène 2, v. 402-13.
35 Ibid, acte I, scène 2, v. 85 (« Ce que j’ai en moi échappe au spectateur. »).
36 Ibid., acte II, scène 2, v. 505-512 (« Il noierait la scène de larmes, / Fendrait l’ouïe de chacun de paroles horribles, / Rendrait fous les coupables, atterrerait les justes, / Confondrait l’ignorance, et pour sûr laisserait / La vue même et l’ouïe interdites. Mais moi, / […], je me morfonds, / […] sans pouvoir dire un mot […]. »).
37 Ibid, acte II, scène 2, v. 525-531 : « O, vengeance ! – / Why, what an ass am I ? Ay, sure, this is most brave, / That I, the son of the dear murderèd, / Prompted to my revenge by heaven and hell, / Must, like a whore, unpack my heart with words / And fall a-cursing like a very drab, / A scullion ! Fie upon’t, foh ! – About, my brain. » (« Oh ! vengeance ! – / Eh bien, quel âne je fais ! Oui, pour sûr, il est beau / Que moi, le fils aimant de celui qu’on a tué, / poussé à me venger par le ciel et l’enfer, / J’aille, comme une pute, décharger mon cœur en paroles, / Et me mette à jurer comme une vraie traînée, / Une souillon ! Repoussant ! Pouah ! – À l’œuvre, cerveau ! »).
38 Sur ce point, voir Wolfgang Clemen, Die Tragodie vor Shakespeare : ihre Entwicklung im Spiegel der dramatischen Rede, [1955], English Tragedy Before Shakespeare. The Development of Dramatic Speech, trad. T. S. Dorsch, Londres, Methuen, 1961, p. 232 et suiv.
39 Shakespeare, Hamlet, op. cit., acte I, scène 5, v. 189-190 : « The time is out of joint. O cursed spite / That ever I was born to set it right. » (« Ce temps est mal en point, maudite adversité / Si pour le rétablir il faut que je sois né. »).
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Comparer l’étranger
Enjeux du comparatisme en littérature
Émilienne Baneth-Nouailhetas et Claire Joubert (dir.)
2007
Lignes et lignages dans la littérature arthurienne
Christine Ferlampin-Acher et Denis Hüe (dir.)
2007