« Pastoral Hide & Seek ». Sur la déconstruction de l’imaginaire pastoral (Handke, MacCarthy, Simon)
p. 61-69
Texte intégral
1De nombreux romans de Peter Handke, Cormac McCarthy et Claude Simon1 thématisent ouvertement l’échec d’un projet pastoral, déconstruisant par là un héritage fictionnel inscrit tout entier dans une pensée de l’essence, de la stabilité et de la permanence de l’être. Car de l’île de Lesbos au Mississippi, en passant par les doux monts de Forez, la pastorale se présente toujours comme un imaginaire de la clôture ontologique, de l’endiguement du réel et de l’histoire, et du déni d’altérité – puisque l’altérité est au principe même de l’histoire. La tradition légitime ce désir de préservation de l’ordre face à l’incertain de l’histoire et au foisonnement chaotique de la nature originelle par une fable érotique orchestrée dans l’abondance : il y va de la jouissance hédoniste du capital, et pas de la puissance confuse du divers qu’est l’Éros primordial. Mon hypothèse est que la déconstruction des ressources essentielles de l’héritage pastoral (clôture spatiale, temporalité figée, restriction communautaire) engage en réalité une critique globale de l’essentialisme et de l’anthropocentrisme de la fiction en général, et s’opère au nom d’une impulsion biocentrique. Elle repose en outre, au plan esthétique, sur une stratégie de remotivation du sublime.
2La mémoire pastorale se manifeste en premier lieu par la modification de la hiérarchie explicite entre homme et nature supposée par le canon pastoral : autant dire par l’apparition d’une visée environnementaliste dans la fiction. J’entends par là : l’installation, au cœur de la fiction, du problème de l’espace, de son statut, de sa fonction et de sa figuration. Là où le canon pastoral livre une vision économique et métrique de l’espace, celle d’un espace entièrement soumis au sujet humain qui l’habite (c’est un domaine, une plantation : une exploitation), les romans de Handke, McCarthy et Simon, dans lesquels les domaines sont d’entrée de jeu ruinés, privilégient une vision intensive et directionnelle de l’espace. Ils cherchent à raconter ce qui, selon la formule de Handke, ne se laisse « presque pas raconter2 », parce qu’un espace est d’abord une étendue occupée par les « intensités, les vents et les bruits, les forces et les qualités tactiles et sonores3 », où domine la concomitance plus que la successivité. Ils établissent ce faisant surtout l’impossibilité de le circonscrire et d’en rendre compte par le biais de conceptualisations. A fortiori de le posséder. Les nombreuses scènes cartographiques qui émaillent ces fictions soulignent d’ailleurs systématiquement la vanité de tout tracé.
3Si « la question [n’est] pas de savoir si la carte [est] exacte, mais si l’on [peut] seulement en établir une4 », si la carte ne peut rien dire du monde, c’est qu’elle ne peut prévoir ce qui du monde ne peut être prévu, ses excès (incendies, séismes, inondations), ce par quoi il n’est au fond que pleinement lui-même, stricte contingence événementielle indifférente à la présence humaine à sa surface. Le monde échappe toujours au cadre schématique construit par les hommes pour se l’approprier, leur reste en lui-même inaccessible, les laissant seuls face au système de coordonnées qu’ils se sont donnés et qu’ils projettent sur lui. L’espace, dans ces fictions, n’a donc rien d’un jardin : c’est un plan d’immanence non médié par la culture ou par le capital, un agrégat de choses soustrait à toute logique du signe : une forme de transcendance pour notre époque postmoderne.
4Plaçant l’espace au centre du récit, les révisions pastorales suggèrent en outre que l’histoire humaine est impliquée dans l’histoire naturelle, qu’elle s’y insère et en dépend5. Les rêveries de Suttree sur la fossilisation attestent cette dépendance6, de même que l’analogie essentielle des Géorgiques, qui suppose l’inclusion de l’historique dans le géorgique, plutôt que leur équivalence7. Elles ne disent pas le rapport du sujet à l’espace en fonction d’un point de vue égocentrique de maîtrise, mais à partir d’une perception écocentrique du moi8, d’un point de vue que le narrateur de Méridien de sang appelle « démocratie optique9 ». En démultipliant les figures de la désorientation (vide, saturation, décomposition, instabilité ontologique…), elles mettent en avant un postulat anthropologique matérialiste qui privilégie l’idée de relation participative horizontale, ne reconnaît aucune suprématie à l’humain, et entame ainsi résolument l’anthropocentrisme implicite de la fiction. Ce renversement de la prescription pastorale en impulsion environnementaliste, cette volonté de produire une fiction qui décentre le rapport traditionnel entre l’homme et son environnement et engage à penser l’espace en d’autres termes que ceux de la cardinalité et de l’utilité constitue le premier enjeu du recyclage.
5Le deuxième porte sur l’hypothèse temporelle anti-naturelle qui structure l’imaginaire pastoral, celle de la fuite hors du temps, du rêve de soustraction à toute forme processuelle de temporalité, et du repli sur le fantasme d’identité inaltérable qui en découle. Les réécritures contemporaines poussent à bout cette utopie et enregistrent son éclatement. La pastorale gothique10 qu’est L’Obscurité du dehors explicite non seulement le noyau fantasmatique du pastoral, l’inceste, mais elle met aussi admirablement en scène l’effondrement de communautés pastorales au sein desquelles le temps et l’altérité refoulés font retour, sous l’aspect d’un étrange et parodique trio d’assassins, et se vengent sans pitié11 : toutes les communautés présentes dans l’univers diégétique se décomposent alors, celle que forme le couple d’enfants incestueux, celles que constituent les familles de « personnages de pierre tirés de l’architecture de temps révolus » qu’il leur arrive de rencontrer12, celles enfin que forment les villages qu’ils traversent et qui semblent plongés dans une temporalité fantôme, indéterminée.
6Une logique d’invalidation similaire apparaît dans Le Vent, qui rapporte l’effondrement du rêve communautaire de Montés et ses échecs répétés pour endiguer le sentiment de terreur que lui inspire le passage du temps. Fasciné par l’immobile, enfermé dans une position d’attente fusionnelle, anticipant même physiquement la cessation du temps en mimant la placidité mate d’un corps mort, Montés espère ainsi, en vain, se soustraire à la dynamique temporelle. À cette position régressive, la fiction oppose toutefois une autre figure de la résistance au temps, une figure bien plus efficace que celle de la « pulsion » pastorale incarnée en Montès. C’est celle de la collecte. Celle que porte le narrateur, scrupuleux rassembleur de fragments discursifs et passionné d’archéologie romane. C’est la position du « témoin », même indirect, de celui qui récapitule les traces du passage du temps, plutôt que de prétendre à son annulation par le fantasme. Car du processus de dissolution générale qu’est le temps, quelque chose réchappe toujours, reste, insiste, témoignage muet et imparable de la puissance d’emportement : une ruine, une carcasse, un fossile (celle du domaine dans Le Vent ou de la ferme-château des Géorgiques13). Le temps ne disparaît pas. On peut le voir – et on le voit immédiatement chez Simon, dans le rythme, dans le phrasé –, on peut le toucher. Il produit, excrète, prouve son passage par le legs de choses qui retournent en deçà de la forme, en deçà du temps, à la pure indistinction de la matière brute, première, amalgamée, la rouille, la terre, la boue informe. Le temps devient ainsi palpable, invisible comme processus mais tangible dans ce travail de corrosion, de production de débris, dans la transformation « digestive » des choses. Et cette position vis-à-vis de la temporalité prend à rebours, intégralement, le fantasme pastoral.
7La critique de l’assomption temporelle propre à la pastorale s’opère chez Handke, du moins depuis la Tétralogie du lent retour, par la remise en question de la notion d’épiphanie. À l’idée d’un temps statique et condensé, la fiction handkéenne oppose avec insistance celle d’une temporalité géologique14, lente et stratifiée. Contre l’idée d’une suspension du temps, qu’elle assimile clairement à un symptôme de névrose, elle avance ce que Keuschnig appelle une « respiration avec15 », une forme d’appréhension non causale, non déterminée du temps, qui permet de lier l’ensemble des phénomènes et d’instaurer de la continuité entre l’homme et le phénomène. Le personnage handkéen ne rêve donc jamais d’un hors-temps, mais il se poste aux contreforts de l’histoire et développe une façon d’être au temps ouverte, continue, prismatique, qui rend hommage à ce qui dure dans le paysage, devient dans la durée. Sa compréhension de la durée est spinoziste, plus que bergsonienne : elle se présente comme continuation indéfinie de l’instant, « continuation indéfinie du fait d’exister16 ».
8Emmêlement continu des strates (Simon), affleurement permanent de l’archaïque (McCarthy), temps géologique doublant l’historique (Handke) : à l’unité inaltérable du temps pastoral, les recyclages contemporains opposent donc en réalité des configurations mouvantes et impures.
9L’entreprise de révision touche en outre à la grammaire idéologique du pastoral. C’est la notion de communauté qui s’y joue. La communauté pastorale se présente toujours comme narcissiquement close et substantiellement définie. Comme un groupe homogène et fusionnel. Elle tient sur le fantasme de sa pureté et de sa perfection organique intemporelle17. Or, il est évident que des fictions comme La Route des Flandres, Le Grand Passage ou Mon année dans la baie de personne prennent leur distance avec l’idée de communauté substantielle et avec ses représentations légitimes (couple, famille, nation…). Elles lui substituent l’hypothèse d’une communauté sans racine, modulable, infiniment travaillée par le dehors, et s’efforcent de redéfinir le commun de la communauté comme activité, et non comme substance. Cette activité, c’est celle du récit. Le partage du récit. C’est la compétence narrative qui peut tracer les contours de cette autre forme de communauté utopique pensée à partir de la rencontre que suppose l’expérience narrative et de la séparation qu’elle implique18. C’est une communauté toujours en formation, sans centre, sans hiérarchie – une communauté horizontale et imprévisible : une communauté de la relation, « présente dans l’événement pur de sa manifestation19 ». Une communauté qui tient sur ce que Jean-Luc Nancy appelle la « comparution20 » : sur l’exposition à l’autre, indépendamment de ses déterminations. Elle tient, simplement, sur le avec ; ce n’est pas son contenu qui la détermine, puisqu’elle n’en a pas initialement ; mais elle en gagne un au gré des implications subjectives temporaires. Exposition d’étrangetés réciproques, dont le commun n’est pas d’ordre ontologique, mais testimonial. Elle tient sur la déclinaison, la variation, la modulation, la démultiplication du récit. Pas sur la totalisation des récits, leur identification collective, leur synthèse, mais sur leur multiplicité ouverte, leur circulation, leur archipelisation (Glissant). Ce n’est donc pas une communauté essentialisée (qui serait celle du Bon, du Beau, du Vrai), mais plutôt le jaillissement d’un commun sans communauté. Cela s’appelle aussi, dans un autre lexique : une alliance.
10Cette figure de l’alliance narrative rapproche tout particulièrement Mon année dans la baie de personne et Le Grand Passage, qui la font émerger après que les formes d’appartenance communautaire traditionnelles ont été rappelées et révoquées. À leur place se manifeste un principe de contiguïté participative. Avoir du commun avec l’autre, c’est participer à son récit : ce qui est d’abord souligner la nécessité de l’écoute, puis celle de la reprise, ou de la communion avec son témoignage. C’est l’idée d’accompagnement de l’autre qui fonde cette possibilité de communauté de récitants, caractérisée par sa nature temporaire : elle n’a de durée que celle de la continuation des récits. Mais si elle est nécessairement amenée à se défaire, elle est également, et tout aussi nécessairement, appelée à se recomposer, à se reformer en n’importe quel lieu, et à n’importe quel moment. C’est une forme de communauté « éternelle », supérieure en cela aux communautés généalogiques et identitaires qu’elle ne tient sa légitimité d’aucune forme de violence, ni d’aucune mise en forme idéologique du réel, mais d’un geste pacifique de consentement à l’écoute de l’autre, de la seule capacité d’ » amitié narrative ». C’est une communauté ouverte, « reposant sur l’être qui vient, qui est l’être quelconque, singularité quelconque, sans identité, de l’être ainsi21 ». Le récit, mieux : la dynamique narrative, crée ainsi le sens et la valeur de la vie, et la vérité ne se trouve pas hypostasiée dans telle ou telle version d’un événement, mais dans le fait même de sa narration.
11La révision de la pastorale que ces fictions engagent au nom d’une éthique environnementaliste et d’une pensée modulaire de la communauté, repose, au plan esthétique, sur une entreprise de remotivation du sublime. J’évoquerai pour conclure trois modalités de sa mise en œuvre, autant dire trois procédés de débordement22 : la saturation lexicale, la prépondérance du descriptif, la prolifération syntaxique.
12Les mots ne manquent pas dans les textes en question, qui du fait de leur appartenance à un lexique technique rare (McCarthy), de leur nature archaïque, décalée ou intempestive (Handke), ou de leur puissante polysémie (Simon) constituent autant de zones d’effondrement, de tremblement du sens : autant de microexpériences de stupéfaction et de ravissement, pour le lecteur. Les mots rares ou obsolètes désarçonnent parce qu’ils apparaissent comme les signaux exemplaires d’une volonté de référenciation exacte, mais produisent un effet d’indétermination totale qui la rend justement impossible : leurs signifiés et leurs référents demeurant alors obscurs, opaques, bien là, mais indiscernables, ou seulement discernables par les jeux de la dissémination contextuelle. Ils rendent ainsi, subitement, brièvement, la lecture intransitive. Deux stratégies se dessinent, qui relèvent de ce qu’on a pu appeler l’ » exhibitionnisme lexical23 » : le manque et l’excès. La mise en relief du signifiant plutôt que du signifié, et la surcharge du signifié par rapport au signifiant – autant dire : la polysémie. Mot écran ; mot giratoire. Ces deux cas de figure conduisent cependant le lecteur à se focaliser de la même manière sur la nature du médium linguistique, sur l’étrange concrétion lexicale qu’il a sous le nez, à se distraire du monde projeté par l’œuvre pour prêter toute son attention à la matière dont il est fait, à créditer les mots eux-mêmes d’une « présence » plus forte, d’un effet émotionnel plus intense que ceux du monde qu’ils projettent.
13La remotivation du sublime se manifeste ensuite dans une logique commune d’inversion des polarités textuelles traditionnelles au profit du descriptif et d’émergence d’un modèle pictural dans l’écriture. Car si la narration répond, de façon générale, au désir de représenter la relation active de l’homme au monde, si le narratif est en cela foncièrement anthropocentrique, la description, elle, se situe davantage du côté d’un rapport passif, ou démocratique, c’est-à-dire non hégémonique, de l’homme au monde. Sa prépondérance tend à affirmer la présence des choses qui composent le paysage comme en dehors de tout regard anthropocentrique. Ce qui se raconte, justement, quand le descriptif prime, c’est ce que la fiction, traditionnellement, marginalise ou instrumentalise. Comme si l’espace parlait de lui-même, et pour lui-même. Car la description ne laisse plus subsister, en se déployant, qu’une sorte de physique immédiate des corps, une perception atomiste des faits, des mots et des choses dont l’élémentarité défait la valeur morale de l’action : celle-ci, moins narrée que décrite, se trouve immédiatement soustraite à toute orientation téléologique, et comme ramenée à son strict effort de dénombrement du monde. Le descriptif, ici, ne violente pas la narrativité, mais la « relève », la relance, la remet en circulation dans le cadre d’une éthique fictionnelle environnementaliste. Ainsi, ce n’est pas dire que, dans ces fictions, s’opère un retour à la nature, mais que la description rend possible le retour de la nature dans et par le moyen de l’art.
14Mais l’essentiel se joue au plan de la syntaxe : car qu’est-ce qu’un texte « sublime », un texte de la surprise admirable, si ce n’est avant tout un texte qui prend moins l’indéterminé comme sujet, qu’il ne le fait littéralement être comme expérience pour son destinataire, qui montre dans son propre corps, qu’il y a de l’illisible dans le lisible qu’organise le texte ? Et c’est forcément, avant tout, une affaire de relief, de géographie linguistique. Bien entendu, cela concerne aussi l’énonciation, dans la mesure où des stratégies de type elliptique ou hypothétique affectent la distribution du sens. Mais je reste géographe, encore un peu. Et choisis d’insister sur la phrase. Et demande : qu’est-ce qu’une commotion dans la phrase ? Qu’est-ce qu’une phrase sublime ? C’est une phrase qui déplace l’idée même de phrase vers une compréhension plus esthétique que strictement linguistique ; c’est une phrase qui, par sa forme, ou sa masse, par sa démesure, rend la lecture inquiète : introduit le sentiment d’une disproportion entre le texte et son lecteur, donne à ce dernier l’impression qu’il s’égare au milieu d’une forêt obscure, qu’il perd pied. Or la phrase, chez Handke, McCarthy et Simon, excède bien souvent une ou plusieurs de ses « limites » traditionnelles : physiologique, mentale et esthétique24. Qui entre dans l’espace qu’elles ouvrent s’y égare souvent, ressent des moments de flottement, voit ses capacités d’orchestration, d’attribution des dépendances logiques entre les différents segments et d’orientation débordées : se trouve subjugué avant tout par la matière et le rythme des mots. L’usage hérétique de la ponctuation que font McCarthy (ascèse) et Simon (excès) fait en outre circuler différentiellement le sens dans la phrase25, ce qui intensifie la puissance d’affect du langage et affecte la faculté du lecteur à assurer sa maîtrise sur le texte. La phrase longue laisse flotter l’actualisation du sens au profit d’un effet de ravissement « pathétique » du lecteur : elle constitue un lieu stratégique dans la mesure où la lecture y bascule du côté du playing, de l’abandon consenti à l’effet de fascination26. Or c’est de toute évidence la dominance temporaire de cet effet de playing qui marque l’expérience sublime, plaçant le lecteur sous la coupe du texte. La phrase erre, court sur son erre, égare au beau milieu d’un espace verbal en expansion. Quelle que soit la finalité cognitive qui la détermine, la phrase longue laisse flotter l’actualisation du sens au profit d’un ravissement par les sens.
15Les critères de sublimité sont encore plus nombreux dans ces textes et il y aurait, par exemple, beaucoup à dire sur les logiques de saturation à l’œuvre dans la pratique de la comparaison ou de la qualification. Mais cela suffit, je pense, pour étayer l’hypothèse que le programme de révision pastorale engage une esthétique qui fait du débordement de l’humain son principe de structuration.
Notes de bas de page
1 Je pense en particulier, concernant Claude Simon, à Le Vent. Tentative de restitution d’un retable baroque, Éd. de Minuit, 1957, L’Herbe, Éd. de Minuit, 1958, et Les Géorgiques, Éd. de Minuit, 1981 ; à L’Obscurité du dehors, Arles, Actes Sud, 1991 [Outer Dark, New York, Random House, 1968], Suttree, Arles, Actes Sud, 1994 [Suttree, New York, Random House, 1979] et Le Grand Passage, Éd. de l’Olivier, 1997 [The Crossing, New York, Alfred A. Knopf Inc., 1994] de McCarthy ; à Mon année dans la baie de personne. Un conte des temps modernes, Gallimard, 1997 [Mein Jahr in der Niemandsbucht. Ein Märchen aus den neuen Zeiten, Frankfurt/Main, Suhrkamp Verlag, 1994] de Handke.
2 Peter Handke, Espaces intermédiaires. Entretiens avec Herbert Gamper, Christian Bourgois, Éditeur, 1992, p. 95 – Aber ich lebe nur von den Zwischenräumen – Ein Gespräch mit Herbert Gamper, Frankfurt/Main, Suhrkamp, 1990, p. 95.
3 Gilles Deleuze & Félix Guattari, Mille Plateaux, Éd. de Minuit, 1989 [1980], p. 598.
4 Grand passage, p. 192-193 – Crossing, p. 184-185.
5 Lawrence Buell fait de cet élément un critère décisif pour le statut environnementaliste d’un texte. The Environmental Imagination, Cambridge & London, Harvard University Press, 1995, p. 7, sq.
6 Suttree (vf), p. 108 – Suttree (vo), p. 82. Dans le même ordre d’idée, Billy trouvera des pétroglyphes dans les falaises des mesas (Grand passage, p. 141 – Crossing, p. 135), et le lecteur de Obscurité du dehors ne peut jamais vraiment se défaire de l’impression que Culla et Rinthy circulent dans une sorte de forêt pétrifiée (Obscurité du dehors, p. 20-21 ; 226 – Outer Dark, p. 16-17 ; 242).
7 L’ultime cavale de LSM le fait rentrer, par-delà l’histoire des hommes, dans celle de la nature. Elle déterritorialise ainsi le politique et le généalogique par le bucolique.
8 Voir sur ce point Tim Poland, « “A Relative to All That Is” : The Eco-Hero in Western American Literature », dans Western American Literature, 1991, n°26, p. 196.
9 Cormac McCarthy, Méridien de sang ou le rougeoiement du soir dans l’Ouest, Éd. de l’Olivier, 1998, p. 284 – Blood Meridian or The Evening Redness in the West, Vintage Books, 1992, p. 247.
10 C’est par le jeu explicite de l’hybridation du pastoral avec les codes du gothique, par la surdétermination d’un prétexte générique par un autre, qu’est mise à nu la face cachée, obscure, du topos pastoral, et que s’accomplit son renversement.
11 Voir sur ce point les remarques de John M. Grammer dans « A Thing Against Which Time Will Not Prevail. Pastoral and History in Cormac McCarthy’s South », dans Edwin T. Arnold & Dianne C. Luce (éd.), Perspectives on Cormac McCarthy, Jackson, University Press of Mississippi, 1999, p. 37.
12 L’Obscurité du dehors, p. 74 – Outer Dark, p. 77.
13 Géorgiques, p. 144 sq : « […] immobilisée dans la cour, son agressive peinture orange disparaissant à demi sous les poussiéreuses plaques de graisse et de boue, comme une espèce de crustacé mort […], l’épave d’un tracteur anachronique déjà lui aussi, dans ce décor, ces vestiges déchus des grandeurs passées […] comme si lui-même (le tracteur) datait d’une époque presque aussi reculée que l’appareil diamanté du portail, comme si à peine le concessionnaire de la ville voisine était venu le livrer, à peine touché le sol de la cour, il […] était resté là depuis, immobile, amas de tôles démantibulées et d’engrenages grippés, inutilisable et inutilisé, se rouillant lentement, tout juste bon à servir de perchoir aux poules rousses […]. »
14 Walter H. Sockel, « Das Apokalyptische und dessen Vermeidung. Zum Zeitbegriff im Erzählwerk Handkes », dans Gerhard Fuchs & Gerhard Melzer (éd.), Peter Handke. Die Langsamkeit der Welt, Graz, Literaturverlag Droschl, 1993.
15 Baie de personne, p. 380 ; Mein Jahr, p. 489.
16 Spinoza, Éthique, II, déf. 5b Éd. du Rocher, 1974, p. 90.
17 Voir sur la pastorale sudiste les analyses passionnantes de Lewis Simpson dans The Dispossessed Garden, Athens, University of Georgia Press, 1975.
18 On retrouve ici plus ou moins la proposition de Maurice Blanchot dans La Communauté inavouable, Éd. de Minuit, 1983.
19 François Noudelmann, Pour en finir avec la généalogie, Éd. Léo Scheer, 2004, p. 166.
20 Jean-Luc Nancy, La Communauté désœuvrée, Christian Bourgois, 1986.
21 Giorgio Agamben, La Communauté qui vient, Montpellier, Fata Morgana, 1994, p. 85.
22 Ce principe définit l’esthétique du sublime, qui est d’essence chosale et quantitative. Elle tient globalement sur deux affirmations : la première avance l’hypothèse de la différence ontologique, de la disparité entre homme et monde naturel, en s’appuyant essentiellement sur les notions de contraste violent et de disproportion ; la seconde accentue plutôt le calme intérieur, le ravissement, susceptible d’être provoqué par la contemplation d’un panorama infini et de paysages inondés de lumière. Dans les deux cas, il s’agit bien d’une « présentation négative », comme l’avait bien vu Kant, c’est-à-dire partielle, allusive, de la puissance infinie et de la grandeur absolue. D’un témoignage qu’il y a de l’inexprimable, de l’indéterminé, que l’indéterminé prime, peut-être, dans l’expérience humaine. Voir sur ce point Jean-François Lyotard, « Le sublime et l’avant-garde », dans L’Inhumain. Causeries sur le temps, Galilée, 1993, p. 101-118.
23 Brian McHale, Postmodernist Fiction, Cambridge University Press, 1987, p. 151.
24 Laurent Jenny, La Parole singulière, Belin, « L’Extrême contemporain », 1990, p. 167-182.
25 Theodor W. Adorno qualifie les signes de ponctuation de « signaux de circulation » : « Satzzeichen », dans Noten zur Literatur, G.S. XI, Suhrkamp, 1997 [1974], p. 106.
26 Michel Picard, Lire le temps, Éd. de Minuit, 1989.
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