Les couleurs dans la mode. Phénomènes lexicaux et données sociologiques
p. 113-121
Texte intégral
1La couleur est une sensation, une perception, et un ensemble d’usages ou codes souvent symboliques. C’est aussi un lexique qui retranscrit ces usages ou codes de la couleur. Le lexique des couleurs veut « faire voir », décrire une nuance. La rédaction du Dictionnaire des mots et expressions de couleur1 m’a permis de constater l’extrême diversité de ce lexique chromatique dans les domaines les plus variés (botanique, zoologie, mode, langue courante, argotique, etc.), ses liens avec des contextes d’emplois particuliers (éléments naturels, matières fabriquées, couleur de la peau, du teint, des cheveux, du pelage d’un animal, des étoffes et vêtements, etc.). Parmi ces divers domaines, j’ai choisi d’explorer les dénominations chromatiques des vêtements et le domaine de la mode, en me limitant à l’aspect descriptif de ce lexique, et non aux codes vestimentaires du vêtement2.
2De D’Aubigné et des Aventures du Baron de Fœneste, en passant par Le Journal des dames et des modes, La mode illustrée, Mallarmé et La Dernière mode..., l’évocation de la mode par les écrivains, les journaux de diverses époques, jusqu’aux catalogues de vente par correspondance contemporains, permet de mettre à jour un domaine qui, comme l’a noté Barthes3, a une véritable profondeur sociale, et constitue un système écrit, représenté et appuyé de légendes (parfois accompagné d’un signe iconique, d’une illustration de la couleur) avec ses règles et ses codes. Ce système permet de s’interroger sur la structure essentiellement référentielle, multiple et variable du lexique chromatique de la mode, sur sa valeur ambiguë et relative, sur son véritable rôle.
Les spécificités des dénominations chromatiques de la mode
Le lexique des couleurs français4
3Dans son désir de perfectionner l’emprise lexicale sur le phénomène complexe de la couleur, la langue crée un réseau de plus en plus dense de termes chromatiques. Aux termes directs, elle adjoint des termes référentiels, parfois des emprunts.
4Les dénominations directes, en nombre très limité, sont de véritables termes de couleur, directs et simples, créés spécialement pour désigner une couleur5. Il s’agit le plus souvent de termes génériques, termes courants, dits « de base » ou « fondamentaux ». Au nombre de onze, ils traduisent un « champ » chromatique : bleu, blanc, brun [marron], gris, jaune, noir, orange, rose, rouge, vert, violet6. Hyperonymes, leur sens inclut celui de plusieurs autres termes7. À ces termes génériques s’ajoutent quelques termes non génériques comme beige, glauque, etc. qui désignent, de nos jours, une simple nuance. Ces dénominations directes constituent une liste close, susceptible toutefois de certaines créations de dérivés (adjectifs, substantifs, verbes, adverbes) : blanchâtre, blancheur, blanchi, blanchir, blanchissage, blanchissant, blanchisserie, blanchoyer, etc. ; bleuâtre, bleueur, bleui, bleuir, bleuissage, bleuissant, etc. ; violâtre, etc. ; beigeasse, beigeâtre, glaucerie, glaucescent, glauceur, marronnasse, marronnâtre, etc.
5Les dénominations indirectes ou référentielles, extrêmement variées et nombreuses, sont des dénominations chromatiques créées métaphoriquement par analogie avec des référents d’origine très variée. À l’aide de constructions simples ou composées (terme de couleur direct + référent), elles désignent les variétés des couleurs directes et simples à l’intérieur d’un champ de couleur ou dans la zone chromatique entre divers champs de couleur. Ces dénominations référentielles sont des hyponymes d’une couleur générique et traduisent une nuance particulière d’un champ de couleur, les diverses variétés de cette couleur par rapport à la couleur « pure »8. Le plus souvent, ces dénominations sont données par analogie avec des référents matériels, concrets [environnement, milieu naturel] : [ciel] ciel, bleu azuré, horizon, cosmos, cascade, glacier, lagon, etc. ; [végétaux] [fleurs] barbeau, coquelicot, lilas, lin, mauve, myosotis, etc. ; [fruits] abricot, cerise, citron, marron, pêche, etc. ; [métaux, minéraux, pierres (généralement précieuses)] améthyste, anthracite, ardoise, bronze, émeraude, granit, ivoire, perle, saphir, smaragdin, turquoise, etc. ; [animaux] (bleu, vert-) canard, (gris) souris, serin, etc. ; [matières tinctoriales] bleu de prusse, indigo, pastel, etc. ; [corps humain, animal] chair, incarnat, sang, etc. ; [produits fabriqués] beurre frais, bordeaux, café, caramel, champagne, chocolat, cognac, crème, bleu charrette/charron, faïence, gauloise, gitanes, (bleu-, rose-) layette, etc. ; [œuvre artistique] Chardin, Nattier, etc. ; [lieux plus ou moins lointains] marengo, nankin, caraïbes, sienne, etc. ; [race, ethnies] bleu touareg, mordoré, nègre, tête de maure, etc. ; [époque] vert empire ou vert impérial, etc. ; [vêtements] (propres à une fonction) bleu gendarme, bleu roi, brun ramoneur, carmélite, marine, minime, etc. ; (propres à un personnage réel ou fictif) céladon, isabelle, etc. Parfois, ces dénominations sont données par analogie avec des référents évoquant une certaine chromaticité ou par un phénomène de correspondance entre une couleur et une idée, sans qu’il existe un lien manifeste avec une couleur réelle : bleu rêve, bleu vacances, bikini, tango, etc.
6Ces dénominations de couleur référentielles sont plus ou moins variables et constituent une liste ouverte.
7Les emprunts, au latin, au grec, et en particulier à l’anglais (aqua, black, blue, pink, navy, etc.) peuvent aussi être utilisés.
8Le lexique des couleurs est donc constitué, à la fois, d’une nomenclature close, stabilisée (les termes directs, le plus souvent génériques) et d’une nomenclature instable et évolutive, d’une liste ouverte de termes chromatiques référentiels, plus ou moins lexicalisés. Qu’en est-il dans le domaine de la mode ? quelles sont les caractéristiques du lexique chromatique dans ce contexte particulier ?
Le lexique des couleurs du domaine de la mode : une extrême diversité et mouvance
Divers lexiques9
9Le lexique chromatique de la mode est constitué de divers lexiques : un lexique ordinaire, un lexique de réserve, un lexique évolutif.
- Le lexique ordinaire, commun ou traditionnel, comprend les termes directs, génériques, et les termes référentiels très courants de la langue générale : blanc, noir, rouge, vert, bleu... mais aussi beige, écru, marine, marron, etc.
- Le lexique de réserve se compose d’anciens termes chromatiques, le plus souvent référentiels, créés sous des influences révolues. Il comprend des termes plus ou moins courants qui peuvent faire l’objet de retraits temporaires, mais qui sont parfois suffisamment évocateurs et mémorisés pour être repris à certains moments pour désigner des nuances standardisées. Ce sont notamment les anthracite, bordeaux, brique, chair, champagne, citron, souris, etc.
- Le lexique évolutif ou moderne est constitué de « percées créatives », de nouveaux composants du lexique qui correspondent à l’adaptation temporaire d’un terme à une teinte. Il s’agit de termes relativement éphémères, sujets aux effets de mode.
10Ces trois lexiques coexistent dans le vocabulaire de la mode, avec des spécificités par siècles, années ou saisons. Mais le lexique chromatique de la mode est très largement un lexique évolutif ou moderne, un ensemble de termes de couleur référentiels et néologiques.
11 Un aperçu de quelques dénominations de couleur du domaine de la mode, au fil des siècles (du xvie siècle à nos jours), souligne leur caractère éphémère et particulier
12 – Au xvi e siècle, Agrippa d’Aubigné, dans Les Aventures du baron de Foeneste cite soixante-dix teintes à la mode 10 parmi lesquelles ventre de nonnain ou ventre de biche, racleur de cheminée, espagnol malade ou mourant, fleur mourante, triste-amie, pêché mortel, baise-moi-ma-mignonne, ponceau, zinzolin...
13– Au xviie siècle ce sont les isabelle et selle-à-dos qui sont particulièrement au goût du jour. Mais on retrouve encore les tristamie et Espagnol malade :
Je suis d’avec que vous pour l’Espagnol malade,
La couleur en est morne, insensible, et trop fade
(A. Mareschal, Le Railleur ou la Satyre du temps, 1637)
On me fait un pourpoint de velours cramoisi,
Dont les chausses seront de satin tristamie
(Scarron, L’héritier ridicule, 1650)
14 – Le xviiie siècle verra le triomphe des cuisse-de-nymphe, queue-de-serin, puce, opéra brûlé, larmes indiscrètes, rose pompadour, caca dauphin, etc.
Je quitte mon habit opéra-brûlé, mon frac tison, et je m’habille ce soir en caca-dauphin, d’après l’échantillon véritable et reconnu.
(S. Mercier, Tableau de Paris, 1782)
La couleur générale, au moment que j’écris, est dos et ventre de puce (S. Mercier, Tableau de Paris, 1782)
15Ces dénominations de couleur s’exportent, en Italie notamment :
Au xviiie siècle, l’influence française sur la langue italienne atteindra des proportions exceptionnelles. Les voyages s’étaient multipliés de part et d’autre. Les noms de couleur les plus variés et les plus imagés entrent dans les usages italiens : isabelle, orangé, fleur de pêcher, mais aussi triste amie, ventre de biche [...], baise-moi ma mignonne...11
16 – Le xix e siècle mettra à la mode les nuances emma, réséda, marengo, oreille d’ours, flamme de punch, aile de mouche, bleu scabieuse, eau du Texas, vert Polignac, bronze Vendôme, bleu national, chaos, infante, etc.
Aux nuances vert roseau, emma, gris fumée, flamme de punch, dont nous avons parlé, il faut ajouter les couleurs alezan doré, aile de mouche (sorte de gris) et cannelle. (Journal des dames et des modes, 1821)
On notera [en 1830] les couleurs eau du Texas et champ d’azile (colonies des demisoldes aux États-unis), les couleurs marengo, ministres en faveur, [...] la couleur Lafayette [...], le vert Polignac [...], la couleur bronze vendôme, [...] la nuance des trois journées et le bleu national (bleu de roi).
(A. J. Greimas, Quelques reflets de la vie sociale en 1830 dans le vocabulaire des journaux de mode de l’époque, Thèse secondaire, 1948, repris dans La mode en 1830, PUF, 2000)
Pour toilette de ville, on y voit des draps casimir couleur feutre, oreille d’ours, marron, taupe.
(Petit courrier des dames, 1840)
Toutes les teintes [...] : mauve tendre, réséda, crépuscule, gris tzarine, bleu scabieuse, émeraude, marron doré.
(S. Mallarmé, La Dernière Mode, 1874)
Tout le monde ne peut pas acheter des robes bleu-rêve, chaos et infante, ni des tuniques loutre en pure laine du Tibet.
(S. Mallarmé, La Dernière mode, 1874)
17 – Au xx e siècle seront mises au goût du jour les nuances rouge baiser, rouge bikini, bleu ou rose dragée, layette, loukoum ou dentifrice, rose blush, rose buvard ou crevette, rose bonbon, rose Barbie, rose schiap, paprika ou kiwi.
18Le vocabulaire des couleurs de la mode se révèle, au cours des siècles, sujet à une grande mouvance et à des évolutions caractéristiques. Ces termes chromatiques référentiels, ces percées créatives sont en lien très étroit avec une époque, une société particulière et reflètent le langage du moment. Déterminés par des facteurs extra-linguistiques, culturels, ils ne peuvent donc être qu’en perpétuelle évolution. Aussi à chaque époque correspond un grand nombre de dénominations chromatiques qui lui sont spécifiques.
Le rôle du lexique chromatique de la mode
19L’analyse du lexique chromatique de la mode permet de mettre à jour les règles et les raisons de ce type particulier de vocabulaire.
Une valeur descriptive ou symbolique ? Une dénotation ou connotation ?
20Les multiples dénominations chromatiques référentielles tentent de traduire, le plus souvent, les nuances particulières, mais restent fréquemment ambiguës. Nous sommes en présence d’un grand nombre de dénominations chromatiques synonymiques, pouvant désigner une même nuance, mais également de dénominations de couleur polysémiques, définissant des nuances floues, fluctuantes, différentes. Plus que la traduction d’une teinte précise, le véritable but du nom de la couleur est la recherche de l’originalité, de la fantaisie, l’évocation affective, poétique, symbolique, la séduction évocatrice. Le choix des dénominations chromatiques n’est pas innocent : concret et figuré se trouvent étroitement liés dans des rapports d’interdépendance, le symbolique interférant sur la valeur descriptive.
Une « mise à la page » de la nomenclature des couleurs en écho aux phénomènes sociaux
L’influence de l’objectif de séduction
21Le destinataire des textes de mode (en particulier des catalogues de vente par correspondance – VPC – contemporains) est l’objet d’une visée particulière. Le locuteur/rédacteur des dénominations colorées cherche à agir sur le destinataire/ consommateur, à le séduire. Pour cela les dénominations chromatiques se doivent d’être positives, valorisées et doivent répondre aux attentes du lecteur-client potentiel. Pour cela il est nécessaire d’exclure certains termes et de faire appel aux thèmes et référents « porteurs », à un moment donné, en écho aux phénomènes sociaux.
22Sont donc exclus du vocabulaire de la mode les termes de couleur connotés de manière négative ou ne correspondant plus aux centres d’intérêt supposés du lecteur. Ainsi ont disparu peu à peu du lexique de la mode et de la VPC contemporaine, des termes autrefois largement utilisés : magenta (à connotation guerrière ou technologique, terme de couleur primaire en imprimerie), cramoisi, pourpre (termes qui, en qualifiant le teint, ont été chargés de valeurs négatives), glauque (dont le sens figuré est particulièrement dévalorisé : trouble, malsain, pas clair), nègre (à connotation raciste et injurieuse de nos jours, et qui est banni des lexiques et catalogues de mode depuis 1978 12). On peut ajouter à cette liste un certain nombre de termes chromatiques simplement démodés et ne correspondant plus aux réalités contemporaines, tels que ange bleu, bleu RAF13.
Des thèmes et référents porteurs
23Pour Greimas14 « la profusion des noms de couleurs, si profusion il y a, est due en grande partie à une nécessité, et la recherche de dénominations fashionables, la “mise à la page” de la nomenclature des couleurs, y joue évidemment un rôle non négligeable ». Dans son essai de description du vocabulaire vestimentaire en 1830 d’après les journaux de mode, l’auteur a démontré que les noms de couleur de l’époque avaient été empruntés, à la fois au théâtre, comme pour les nuances Faliero, Desdemona, aux œuvres littéraires, comme pour les couleurs Lord Byron, manteau de Socrate [...], et aussi aux événements politiques ou militaires comme en témoignent les appellations Lafayette, vert Polignac, terre de Morée ou tente d’Agar, ou encore le bleu Navarin, les couleurs coalisées, la couleur dey d’Alger (prise d’Alger), la couleur fumée d’Anvers (révolution belge), les couleurs eau du Texas et champ d’azile (colonies des demi-soldes aux États-unis), les couleurs marengo, la couleur bronze vendôme, la nuance des trois journées et le bleu national (bleu de roi), etc.15.
24Au xxe siècle et à l’époque contemporaine, nous sommes loin des référents des siècles passés. Les référents culturels et politiques sont relayés de nos jours par le référent « nature » qui est devenu, dans les trente-cinq dernières années, le référent privilégié du lexique chromatique de la mode.
- Les années 1970 ont vu la forte augmentation de dénominations végétales (notamment florales) mais aussi exotiques, avec l’usage de termes géographiques évocateurs d’évasion, de liberté et d’aventure (bleu glacier, Caraïbes, Lagune, Pacifique).
- La décennie 1980 a vu ce mouvement s’accentuer, et sous l’influence des aspirations écologiques, le vert s’est fait mousse, roseau, sous-bois, jade, savane ou safari, etc. Ont été évoqués les grands espaces, naturels (bleu cosmos, horizon), parfois lointains, suggérant un autre mode de vie, plus authentique, le retour à une nature plus ou moins sauvage et exotique (glacier, cascade, dune, forêt), source d’imprévus (brousse, safari, savane, marine, régate) et toujours susceptible de nous faire rêver (atoll, caraïbes, pacifique, lagon, lagune, Nil, baltique, mer du sud).
- Dans les années 1990, à la nature, s’ajoute un vocabulaire des couleurs issu de l’univers alimentaire se nourrissant de plus en plus de saveurs exotiques, depuis les fruits (mangue, kiwi), aux aromates (cayenne, curry, paprika, moutarde, paprika, safran), en passant par les infusions (menthe, thé, tilleul) et surtout une présence d’évocations florales en progression.
- Depuis la fin des années 1990 et en ce début du xxie siècle, le consommateur est à la recherche d’émotion, d’affectivité, de plaisir :
Le plaisir serait ce qui aujourd’hui motive les Français : « Les Français ont envie de renouer avec la convivialité, l’émotion, la sensibilité... Cette tendance se traduit par le retour en force des sens : le gustatif (avec la gourmandise) est réhabilité, l’odorat est sollicité par l’aromathérapie, l’œil par les couleurs. »
(Catherine Sainz, Directrice des études au Cetelem, L’Express, Le Magazine, 27.4.2000)
25Les sensations retrouvent une place de premier plan, et tous les sens sont mis en éveil jusque dans les mots qui nomment les couleurs : abricot, framboise, groseille, cerise, citron, pêche, miel, moutarde, chocolat, cognac, airelle, champagne, etc. Le développement du marketing polysensoriel fait jouer les synesthésies et les rapports entre la vue, la couleur et les autres sensations, en particulier le goût, notamment avec la mise sur le marché de limonades de diverses couleurs correspondant aux diverses saveurs dont on a aromatisé cette boisson : violette, pistache, rose, airelle, coquelicot, banane verte, mandarine, pomme, dans lesquelles le nom de la couleur se confond avec le nom de l’arôme16.
26Ces dénominations chromatiques sont le reflet de la société qui leur a donné naissance.
* * *
27Ce qui contribue à donner au lexique des couleurs de la mode ce caractère particulier et inhabituel, c’est le fait qu’il constitue un instrument de communication au service d’un groupe social et un moyen de publicité, ce qui fausse le vrai caractère de la désignation qui n’est plus de définir une teinte extrêmement précise, mais de faire impression, de séduire, de participer au discours de vente.
28La mode s’adresse à une foule hétéroclite et pénètre tous les domaines de la vie sociale (courants littéraires, spirituels, politique, théâtre) et jusqu’à la langue elle-même. Elle tente de s’approprier tous les termes dont elle a besoin, d’où qu’ils viennent, en faisant appel à des univers particuliers, à des thèmes porteurs, aux centres d’intérêt d’une société (la vie culturelle, la politique, la nature, l’exotisme, les sensations, l’émotion...).
29Ainsi les dénominations chromatiques de la mode se trouvent-elles en liaison avec les phénomènes sociaux. Véritable « écho » de la société, elles témoignent du fait que langage et société sont indissociables, et que, comme l’a écrit Barthes dans Système de la mode, « ce n’est pas l’objet, c’est le nom qui fait désirer ».
Notes de bas de page
1 Le Dictionnaire des mots et expressions de couleur sera constitué de onze volumes consacrés chacun à un champ de couleur. Les quatre premiers volumes sont actuellement publiés : Le Bleu (1998, nouvelle édition 2004), Le Rouge (2000), Le Rose (2002), Le Noir (2005) – CNRS Éditions. Le Blanc paraîtra fin 2007-début 2008.
2 Autrefois extrêmement codifié et représentatif d’un statut social, le vêtement est devenu peu à peu tributaire de coutumes et de règles de bienséances : couleur bleue, rose ou blanche des layettes et des dragées de baptême, noir du deuil, violet du demi-deuil, blanc de la robe de mariée, couleur « stricte » du costume de l’« homme d’affaires », etc. Voir notamment : Mollard-Desfour, Annie, « Codes, couleurs et marques de luxe », Les Cahiers de la recherche, Luxe-Mode-Art, 1, « Les marques de luxe : Signification et Contenu », 2004, p. 17-29, repris dans Allérês, D. (dir.), Marques de Luxe : signification et contenu, Economica, 2005, p. 53-68 ; « Les couleurs dans le vêtement et la mode : des codes et un lexique révélateur », Les Cahiers de la Recherche, Luxe-Mode-Art, 2 ; « Fringues, vêtements, parures... ou comment les mots habillent notre vie sociale » [avec la collaboration de Anne-Marie Hetzell], Les Cahiers de la Recherche, Luxe-Mode-Art, 3, repris dans Allérès, D. (dir.), Mode. Des parures aux marques de luxe, Economica, 2005, p. 80-98.
3 Barthes, R., Système de la Mode, Paris, Seuil, 1967.
4 Voir les différents volumes du Dictionnaire des mots et expressions de couleur, en particulier Le Bleu, Introduction.
5 Ou perçus de nos jours comme tels. « Dans les langues indo-européennes, en dehors du blanc, du noir et du gris – dont on peut toujours se demander s’ils sont des couleurs – il n’existe guère que quatre vrais noms de couleurs, ne désignant rien d’autre : le rouge, le bleu, le vert, le jaune. Encore n’est-il pas certain que, si l’on remonte aux étymons, il en reste autant. [...] Seul le rouge, au fond, descend d’une lignée incontestable de termes de couleur. » (Aumont, J., Introduction à la couleur : des discours aux images, 1994, p. 40).
6 Orange, rose et violet sont des termes d’origine référentielle mais qui sont de nos jours perçus comme de véritables termes de couleur directs et peuvent donc être rattachés à la structure directe.
7 Ainsi bleu est un hyperonyme qui inclut le sens de ses diverses nuances (et hyponymes) : azur, ciel, cobalt, horizon, indigo, lapis(-lazuli), etc.
8 Ainsi azur, ciel, cobalt, horizon, indigo, lapis(-lazuli), etc., sont des hyponymes qui sont inclus dans le bleu.
9 Certains éléments de l’analyse du lexique chromatique de la mode ont préalablement été développés dans un article écrit en collaboration. Voir Mollard-Desfour, A. et Fagot, Ph., « Couleurs contemporaines et sociétés. Observation des lexiques chromatiques dans des situations de commercialisation : le cas des catalogues de vente par correspondance », in Gambier, Y. et Gaudin, F. (dir.), Le Langage et l’Homme, vol. XXVIII, n° 4, déc. 1993, Bruxelles, Institut Libre Marie Haps, De Boeck Université, p. 273-287.
10 Dont certaines sont certainement de sa création mais qui seront reprises ultérieurement par d’autres auteurs !
11 Walter, H., « L’italien et le français : rencontre de deux langues sœurs ? », Seminario Nazionale, Fiuggi, 2002. Voir <http://www.hyperbul.org/numero5/refl/refwal5.htm>.
12 Encore présent dans le catalogue La Redoute Printemps/Eté 1978.
13 Dénominations de couleur VPC 1960-1970.
14 Greimas A. J., Essai de description du vocabulaire vestimentaire d’après les journaux de mode de l’époque, thèse pour le doctorat, 1948, in La mode en 1830, PUF, 2000.
15 Ibid, voir notamment p. 303, notes 150, 151.
16 Voir aussi : « La couleur prend de la saveur », Journal du Textile, n° 1645, 4 déc. 2000.
Auteur
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