Chapitre VII. La difficile conciliation de l’idéal galant et de l’idéal tragique
p. 267-289
Texte intégral
1Comment réunir le vieil idéal tragique et le nouvel idéal galant ? À l’échelle de la pièce, la question semble relativement aisée à résoudre et Corneille, après une premier essai inabouti avec Médée en 1634, réussit à mêler harmonieusement dans sa tragédie d’Horace personnages incarnant le vieil idéal tragique traditionnel et personnages incarnant le nouvel idéal mondain. Le problème devient en revanche plus épineux quand les deux idéaux doivent être réconciliés non plus à l’échelle de la pièce, mais à celle du personnage. peindre un caractère de tragédie qui soit héroique sans cesser d’être galant peut apparaître à bien des égards comme la quadrature du cercle.
Héros honnête contrebalançant un héros furieux
2L’alliance dans une même pièce de l’idéal tragique et de l’idéal mondain est réalisée de façon éclatante par Corneille dans sa Médée, dont rien dans le sujet (c’est le moins que l’on puisse dire) ne le prédisposait à envisager la question de la galanterie au théâtre. Cette dimension est pourtant si importante dans la pièce de Corneille que Subligny, dans la préface de La Folle Querelle, cite en exemple la scène d’exposition de Médée pour donner à l’Oreste de Racine des leçons de civilité. La scène inaugurale de Médée, qui montre les retrouvailles de deux amis, Pollux et Jason, a été analysée par J.-Y. Vialleton1 qui montre à quel point Pollux incarne le parfait idéal d’honnêteté et de galanterie moderne. Pollux en effet sait rattrapper un impair pour le tourner en compliment d’éloge, remplit avec prudence tous les devoirs de conseil que demande l’amitié et ne quitte Jason qu’en alléguant une visite de congratulation à rendre au roi. Quand Pollux enfin quitte définitivement Corinthe, c’est pour se rendre à une fête galante, aux noces de sa sœur.
3Grâce au personnage de Pollux, la Médée de Corneille ajoute à la fureur et au crime issus de la fable l’idéal de galanterie moderne. Mais l’idéal tragique et l’idéal mondain sont-ils vraiment réconciliés, ou n’est-ce qu’une juxtaposition d’éléments qui cohabitent sans réellement s’entremêler ? Un quart de siècle après la création de sa pièce, Corneille penche pour la seconde hypothèse, et se reproche de ne pas être parvenu à une égalité de style : « Quant au style, il est fort inégal en ce Poème, et ce que j’y ai mêlé du mien approche si peu de ce que j’ai traduit de Sénèque, qu’il n’est point besoin d’en mettre le texte en marge, pour faire discerner au Lecteur ce qui est de lui, ou de moi2 ».
4Une autre pièce de Corneille tente, fructueusement cette fois nous semble-t-il, d’allier le vieil idéal tragique et le nouvel idéal moderne, honnête et galant. Il s’agit d’Horace, où l’idéal tragique traditionnel est assuré par les personnages du vieil Horace et de son fils, ainsi que par la forte présence d’éléments abondants dans l’ancienne tragédie, tels que les oracles, les songes, et les discours judiciaires. Ne nous attardons pas sur le vieil Horace, dont la construction a été extrêmement étudiée, mais penchons-nous plutôt sur le personnage d’Horace son fils. Sur ce personnage, les interprétations, comme l’a montré récemment M. Escola3, se divisent en trois grandes familles. Soit l’on considère, à la suite des travaux de G. Forestier4, le point de vue de Corneille (exprimé dans l’Examen de 1660) comme digne de foi, et il faut alors accepter que le personnage d’Horace semble double, en d’autres termes, qu’il réponde mal à l’égalité de mœurs. Les signes censés montrer le caractère farouche d’Horace avant le combat sont si faibles, de l’aveu même de Corneille, qu’Horace a pu sembler avoir été introduit comme l’ami réconfortant de Curiace5, le frère compréhensif de Camille6 et le tendre mari de Sabine, prêt à faiblir devant les reproches de sa femme7.
5Soit l’on veut à tout prix unifier le personnage d’Horace en projetant l’Horace meurtrier de l’acte IV sur les trois premiers actes, et Horace devient un guerrier inhumain, proprement barbare : pareille lecture était notamment celle de Pascal8 et de l’abbé d’Aubignac, qui condamnait avec le fratricide la « vertu féroce et barbare » du personnage. Soit enfin, toujours dans une volonté unifiante, l’on projette l’Horace des trois premiers actes sur les deux derniers, et Horace devient l’incarnation de la vertu héroïque romaine, vertu quelque peu farouche. De nombreux critiques universitaires ont abondé dans cette voie, G. Lanson s’appuyant sur les thèses cartésiennes de la générosité9, G. Couton sur le contexte politique et historique (la guerre contre la maison d’Autriche et la politique de Richelieu)10, J. Maurens sur le courant néo-stoïcien des années 16311, M. Fumaroli sur les débats concernant la vertu romaine et l’idéal de magnanimité12. Pour notre part, nous choisissons de croire Corneille, et de voir ainsi un Horace à la vertu farouche insuffisamment mise en valeur avant l’acte IV, vertu farouche qui fait de lui, sans qu’il y ait certes tous les « acheminements nécessaires » pour cela, un meurtrier pour le nom de Rome ensuite.
6Les « indices » de cette vertu farouche, s’ils sont insuffisants, existent en effet bel et bien et Corneille, dans son Examen, met en évidence deux biais qui auraient dû acheminer le fratricide, mais qui de fait n’ont fait que le rendre crédible. Le premier indice réside dans l’ethos d’Horace et sa vertu farouche. Dès la première scène où il apparaît, Horace proclame : « La gloire qui le [le trépas] suit ne souffre point de larmes13 ». Et dans la grande scène de discussion avec Curiace14, Horace oppose au simple héroïsme ce qu’il nomme « la vertu », qui requiert une attitude proprement extraordinaire, et choisit pour sa part cette « solide vertu » qui « n’admet point de faiblesse avec sa fermeté15 ». Le deuxième indice annonciateur est l’avertissement délivré explicitement à l’adresse de Camille, à la fin de la scène 4 de l’acte II. Horace évoque tour à tour les deux issues possibles du combat et demande instamment à sa sœur « après le combat [de] ne pense[r] plus au mort16 » pour aimer le vainqueur, quel qu’il soit17. De ce que ces deux indices n’ont pas la force d’« acheminements nécessaires » résulte la dualité d’Horace, guerrier farouche d’abord, fratricide ensuite18.
7Au personnage farouche et violent d’Horace s’opposent les personnages de Curiace et de Valère, tout empreints de galanterie moderne. Curiace a indéniablement toutes les vertus mondaines. Ainsi, lorsqu’il apprend qu’Horace et ses frères ont été choisis pour combattre Albe (et avant de savoir qu’il a eté choisi également comme représentant d’Albe), Curiace adresse à son beau-frère et ami un compliment très civil19. Au vieil Horace dont il doit devenir le gendre le lendemain en épousant Camille, Curiace veut faire ses adieux avant de partir au combat, mais ne sait que dire, car évoquer un futur signifie la mort des fils du vieux Romain. Dans cette situation des plus délicates, l’intention du compliment est tout ce qui peut se dire, et le compliment, par une belle prétérition, consiste à dire que l’on souhaite avoir une parole aimable, dont le contenu précis n’existe pas :
Quel Adieu vous dirai-je et par quels compliments…
8Cette ébauche de compliment, interrompue non par une réticence de Curiace mais par le vieil Horace qui lui coupe la parole pour lui venir en aide, montre une telle honnêteté que le vieux Romain, ému jusqu’à avoir les larmes aux yeux20, encourage la vaillance de Curiace, en s’en remettant au choix des Dieux pour l’issue des combats (« Faites votre devoir, et laissez faire aux Dieux »).
9À l’égard de sa maîtresse, Curiace a également les paroles et les attitudes d’un galant homme. Lorsque Camille se met à pleurer de ce que Curiace ne renonce pas au combat, celui-ci, attendri, avoue qu’il sent sa vertu chanceler devant les pleurs de celle qu’il aime21, et que son seul espoir de partir au combat est de ne lutter que contre la fureur de son amante. Mais, après avoir annoncé à Camille qu’il allait l’outrager, ce qui diminue considérablement le pouvoir de l’outrage, il multiplie les injures brèves et peu crédibles22. Ainsi, ce qui se donne à lire dans les tentatives peu convaincantes de Curiace pour susciter la fureur de Camille, c’est l’insupportable pouvoir qu’ont les larmes de l’amante sur cet amant sensible.
10Relève aussi de l’univers mondain et galant, comme le personnage de Curiace, parfaitement policé, celui de Valère, qui, tout en étant superfétatoire au plan de l’intrigue (il ne modifie à aucun moment le cours de l’action), insuffle à la pièce beaucoup de civilité. C’est d’abord lui que choisit le roi pour envoyer un compliment au vieil Horace et pour annoncer sa propre visite. En homme distingué, Valère commence parfaitement son compliment, qui est pourtant délicat, puisqu’il doit mêler les condoléances (deux de ses enfants sont morts) aux éloges (le troisième a assuré la gloire de Rome). Excellent courtisan, il ne manque pas, en quittant son hôte, de lui signaler qu’il va parler de lui en bien au roi23. Enfin, sans jalousie aucune, Valère n’hésite pas à peindre l’amour que Camille avait pour son rival, Curiace. Afin de charger Horace dans son procès, il esquisse un tableau pathétique de son amante épousant son rival bienheureux24. Le nouvel idéal galant se voit donc représenté par deux personnages, Curiace et Valère, ce qui assure à la pièce un bon équilibre entre vieil idéal tragique d’une part, et nouvel idéal mondain de l’autre.
11Comme Horace, un nombre non négligeable de pièces25 mêlent habilement en leur sein personnages de l’arrière-garde tragique et personnages modernes, honnêtes et galants. Le problème pourtant se corse singulièrement si le dramaturge cherche à concilier idéal tragique et idéal mondain à l’échelle du personnage, à présenter un personnage qui soit conforme à la fois à ce que la tradition tragique exige de lui, et à ce que commande la galanterie.
Virilité, heroïsme et galanterie
12Comment concilier idéal galant et idéal tragique dans le personnage masculin, quand le traditionnel héros guerrier tend à passer pour une brute, et le héros galant pour un blondin ? Le dramaturge peut choisir de mettre sur la scène des personnages historiques qui étaient à la fois de fins généraux ou de grands stratèges, et des personnes raffinées dans la vie civile, mais, hélas, ces héros historiques sont en nombre limité. Si le poète ne veut pas puiser toujours dans le même vivier de caractères historiques, il lui faut alors peindre son personnage en tenant compte autant de l’idéal tragique que de l’idéal galant. Or deux qualités seulement semblent communes à ces deux idéaux, la constance et l’honnête complaisance.
Héros à la constance admirable dans le malheur
13Le type de héros le plus admirable est sans nul doute celui qui pourrait se révolter contre son oppresseur, mais qui, par grandeur d’âme, ne le fait pas. Tel est le héros cornélien, de sang royal (qu’il connaisse sa filiation ou non) lorsqu’il est aux prises avec un tyran qui l’opprime, et contre lequel il se refuse à se révolter : c’est la situation que G. Forestier a désignée comme une « persécution dans le cadre d’une situation bloquée26 ». Deux tragédies cornéliennes jouent sur ce schéma, qui de fait allie idéal tragique et idéal mondain : ce sont Rodogune et Héraclius. Dans Rodogune, face à sa mère Cléopâtre définie comme « une seconde Médée », le héros Antiochus est dans l’impossibilité d’agir, bien que sa vie soit menacée. Car Antiochus, à la différence de son frère jumeau Séleucus, n’éprouve que de la honte d’être né d’une telle mère, et ne se révolte pas en sortant du « jeu ». Il tente de vaincre la proposition de Rodogune en s’offrant comme victime expiatoire à la place de sa mère27, et pleure également devant sa mère en lui offrant sa propre vie pour qu’elle renonce à la mort de Rodogune :
Heureux si par ma mort je puis vous satisfaire,
Et noyer dans mon sang toute votre colère28.
14Devenu roi, Antiochus doit rendre la justice au sujet de l’assassinat de son frère en écoutant les plaidoiries respectives de Cléopâtre et Rodogune. Or Antiochus ne veut pas juger, parce qu’il ne le peut pas29. Antiochus se trouve ainsi dans une totale impossibilité d’agir, bien qu’il en ait les moyens, car sa vertu de roi l’empêche de répondre violemment aux agressions dont il est l’objet.
15Ce principe de la persécution dans le cadre d’une situation bloquée est également mis en œuvre dans Héraclius. Cette tragédie a le même schème que le sujet d’Électre, et présente l’histoire du retour vengeur de l’héritier légitime du trône, attendu comme un sauveur par sa sœur prisonnière de l’usurpateur, le fils du roi assassiné n’étant pas à l’étranger comme Oreste, mais caché sous une fausse identité au milieu de la cour. Or ce fils ne dispose d’aucune liberté d’action, doutant de son identité (puisqu’un autre a été désigné comme le véritable Héraclius), et craignant par là-même d’assassiner non un usurpateur, mais son propre père. Comme l’explique G. Forestier, la situation est bloquée du fait que le déguisement d’identité est antérieur au commencement de l’action : ce déguisement, après avoir servi à surmonter un obstacle (en l’occurrence à ne pas être assassiné comme fils du roi légitime), devient, au moment où commence l’action de la pièce, une entrave. En effet, savoir qu’il est le fils de l’empereur légitime Maurice ne lui sert à rien et le met même en danger, puisqu’un autre personnage, Léonce (qui se révélera être Martian, le véritable fils du tyran Phocas), est pris pour Héraclius. Le héros est donc bel et bien prisonnier de son déguisement : il ne peut retrouver le trône à cause du personnage qui a pris son identité, et s’il révèle sa véritable identité, il ne fait que mettre le tyran face à deux Héraclius, qu’il se propose tous deux de tuer.
16Opprimés de telle sorte qu’il leur semble impensable de se révolter contre leur bourreau, Antiochus et Héraclius apparaissent magnifiques par leur générosité et leur constance dans le malheur, qualités qui éloignent d’eux la tentation du blasphème, des injures ou de la simple colère, et dotent ces deux héros de vertus également mondaines. Dans un cas de figure particulier (la persécution dans le cadre d’une situation bloquée), la générosité cornélienne, loin d’être un courage austère, se révèle ainsi une vertu pleinement mondaine. Faire, à la suite de nombreuses interprétations traditionnelles, de l’héroïsme cornélien une vertu essentiellement guerrière et farouche, ou une vertu politique où l’individu se sacrifie pour le bien public, semble donc être un jugement hâtif et très discutable : l’héroïsme cornélien englobe aussi des vertus privées. Le héros qui s’abstient de s’emporter rejoint ainsi le mondain qui connaît la nécessité du silence en certaines occasions.
Héros à l’honnête complaisance
17La complaisance, aussi paradoxal que cela semble, est une qualité qui peut ressortir à la fois à l’idéal tragique et à l’idéal galant en ce qu’elle repose sur la notion de dissimulation, qui est une vertu mondaine aussi bien que politique. Qu’est-ce exactement que la complaisance ? Définie par Furetière comme « la déférence aux sentiments et aux volontés d’autrui », elle se distingue nettement de la flatterie, jugée vile et lâche. La différence entre complaisance et flatterie est réelle et ne pas la percevoir, comme Alceste, est source de comique. La mise au jour de cette différence est l’objet de la préface de Mathilde de Mlle de Scudéry. Philiste, ouvrant son billet, « trouva que c’était à elle de faire voir la différence du flatteur et du complaisant30 ». La flatterie se voit caractérisée comme une complaisance qui a cessé d’être « honnête31 » et « raisonnable32 ». En d’autres termes, « [l]a première qualité [du flatteur] est de renoncer à la vérité sans nul scrupule33 ». Complaisance détachée du critère de vérité et de sincérité, complaisance souvent intéressée, la flatterie est une forme de tromperie et ne manque pas d’être associée à la lâcheté34, tandis que la complaisance « est conduite par la raison35 ». L’attitude de la personne complaisante intègre des éléments de civilité non répréhensibles en soi (comme l’adaptabilité et la bienséance) et qui ne deviennent blâmables que lorsqu’ils sont utilisés à des fins de tromperie, lorsque est dit exactement le contraire de ce qui est. Ce qui distingue la complaisance de la flatterie est donc essentiellement un critère éthique, et non pas un critère quantitatif. La flatterie ne saurait se définir comme une complaisance excessive :
Les véritables amis [ceux qui pratiquent l’honnête complaisance] ne doivent pas être ni grondeurs, ni brusques, ni désagréables ; ils doivent louer et mieux louer que les flatteurs, et d’autant plus que pour s’acquérir le droit de reprendre leurs amis en quelques occasions, il faut qu’ils les louent en d’autres quand ils en sont dignes36.
18Pour les gens du monde, la complaisance est d’abord louable en ce qu’elle rend la vie en société possible : « elle unit, elle adoucit, elle lie la société » dit Philiste37. Mais elle est aussi une forme de générosité, celle qui consiste à faire l’effort d’entrer dans la pensée et le raisonnement de son interlocuteur pour louer seulement ce qui peut l’être. La complaisance est une politesse délicate à l’égard d’autrui. C’est ce qu’exprime La Rochefoucauld dans ses Réflexions diverses : « On peut conserver ses opinions, si elles sont raisonnables ; mais en les conservant, il ne faut jamais blesser les sentiments des autres, ni paraître choqué de ce qu’ils ont dit38 ».
19Dans l’univers tragique, la complaisance, que l’on pourrait définir comme un comportement évitant de contredire et de heurter un personnage, doit se comprendre comme le complément indispensable de la dissimulation. Or la dissimulation est une vertu qui, comme vertu politique, appartient à l’univers de la tragédie, comme l’a montré G. Forestier a propos d’Othon39. Dans cette pièce, les deux méchants que sont Lacus et Martian ne mentent pas, tandis que tous ceux qui, à un moment ou à un autre, épousent la cause d’Othon sont amenés à dire le contraire de ce qu’ils veulent ou de ce qui est. Seuls mentent donc les personnages bons. Othon, véritable héros comme le montre son refus du change amoureux, a dû, à peine apparu à la cour de Galba, choisir une « adroite et prompte servitude40 » et prendre Vinius comme protecteur, sous peine de mort. Pour détruire ensuite la cour, il utilise « le moyen qui lui a paru depuis toujours le seul apte à triompher […] de la cour : le mensonge41 », en faisant croire à sa mort. L’annonce de la fausse mort est un mensonge politique qui ne salit pas le héros et qui est respectable une fois replacé dans le contexte de la cité. Chapelain est formel sur ce point, qui écrit dans son Dialogue avec la gloire :
[…] toute tromperie fait injure à la vertu et blesse la morale qui veut que l’on procède en tout avec candeur et sincérité. Mais celle-ci ne blesse ni ne choque la Politique qui est la science architectonique à laquelle toutes les autres doivent soumettre leur devis pour les accomoder aux besoins des hommes. C’est tromper il est vrai, mais c’est tromper vertueusement que de ne tromper que pour faire mieux parvenir à la vertu42.
20Dans le cadre de la politique et donc dans le cadre de la tragédie qui règle le sort des États, la dissimulation et ses corrolaires (le mensonge, la complaisance) sont louables dès lors que la finalité de ces truchements est juste et bonne.
21Placé dans une situation où la franchise n’a pas de sens et où le courage politique passe par le mensonge, Othon est véritablement un personnage glorieux par sa connaissance de la politique et l’usage qu’il en fait. Cette qualité se révèle également être une qualité mondaine : savoir louer, c’est-à-dire simultanément mentir par omission et surexposer certaines qualités, est indispensable au courtisan, comme le montre la place qu’occupe ce chapitre dans les traités de civilité43.
Héros tragique inspiré d’un personnage historique guerrier et galant
22Le dramaturge peut également concilier idéal tragique et idéal galant en optant pour un personnage historique connu pour allier qualités militaires et qualités mondaines. Certains héros historiques (César, Agésilas, Thésée, Alexandre, Alcibiade) sont un matériau béni pour le dramaturge, tant ils sont connus pour leur vertu guerrière et leurs perfections dans la vie civile, et la tâche du poète consiste alors simplement à voiler un défaut ou à le justifier au nom de l’amour. La passion amoureuse sert ainsi souvent d’alibi à des travers que le poète aurait sans cela du mal à expliquer. Cette galanterie surajoutée à des personnages historiques déjà courageux et civils donne pourtant des résultats très divers, certains héros apparaissant très réussis aux contemporains, d’autres beaucoup moins (c’est le cas notamment de l’Alexandre de Racine et de l’Alcibiade de Campistron). Quel est pour le poète le bon usage de cette galanterie destinée à améliorer le personnage ? Confrontons le Jules César de Corneille, dans La Mort de Pompée (1644), célébré par les contemporains et l’Alexandre de Racine, dans sa tragédie du même nom (1665), qui reçut un accueil très mitigé.
23Courageux et civils, César et Alexandre le sont également avec éclat et les parallèles entre les deux grands conquérants abondent ainsi au xviie siècle. Saint-Evremond déclare, sur un ton amusé, qu’il n’est personne, à la fin des années 1650 (dates des traductions de De la Vie et des actions d’Alexandre Le Grand de Quinte-Curce par Vaugelas et des Commentaires de César par Perrot d’Ablancourt), qui n’ait son avis sur la supériorité de l’un ou de l’autre44. En commun, les deux hommes ont la noblesse de la naissance, la libéralité envers leurs soldats, la clémence envers les vaincus, et la conduite irréprochable envers les captives.
24Individuellement, les deux hommes ont néanmoins des caractères sensiblement différents, selon les historiens. Suétone a donné de César l’image de la grandeur conquérante de la générosité face aux vaincus, mais aussi de la magnificence et de la galanterie, en montrant que César était à la fois un conquérant guerrier et un conquérant des cœurs. Suétone le présente en effet maître dans l’art militaire, alliant prudence et intrépidité, pardonnant aux vaincus, libéral envers ses soldats comme envers le peuple45, et insiste aussi sur son goût extrême pour les œuvres d’art46, son sens de la civilité47. Soucieux de son apparence physique, César avait même, dit-il, adopté une fausse négligence dans le port de la ceinture qui le rendit célèbre48. Aimant les plaisirs de l’amour (ses conquêtes étaient nombreuses et raffinées49), César cultivait aussi l’éloquence, et ses discours suscitaient l’admiration de Cicéron50. Quant à Alexandre, Plutarque souligne combien ce grand conquérant avait, dans la vie civile, le culte de l’amitié, combien il appréciait la littérature51 et pratiquait les jeux de mots spirituels52.
25Quel est, dans chacun de ces héros, le défaut majeur que le peintre devra habilement camoufler, non seulement en montrant son modèle selon son profil le plus avantageux (technique ancienne et éprouvée), mais aussi en le masquant derrière une qualité toute moderne, la galanterie ? Dans le cas de César, le défaut qui lui est imputé par toute la tradition républicaine est celui d’ambition personnelle, défaut qui permet d’opposer l’ambitieux César au pur et désintéressé Pompée, ainsi que l’a montré M. Fumaroli à travers la lecture de La Pharsale de Lucain53. Or ce défaut se prête particulièrement bien à être enjolivé par la galanterie : César, dans cette optique, ne poursuit Pompée qu’afin de bien servir sa maîtresse Cléopâtre, et pour assouvir une ambition personnelle. G. Forestier a pu ainsi montrer comment, une fois César apparu en scène, nul ne doute de sa magnanimité et de sa réelle galanterie, le discours critique étant cantonné aux propos tenus par Cornélie, la veuve de Pompée54. La galanterie gomme efficacement tout soupçon d’ambition personnelle : si César a poursuivi et vaincu les ramées de Pompée, c’est pour déposer ses victoires aux pieds de sa maîtresse Cléopâtre.
26Dans le cas d’Alexandre, les défauts à masquer sont sa colère (accentuée par son ivrognerie) et surtout son peu de goût pour les femmes. Pour ce faire, Racine, dans Alexandre le Grand, passe sous silence l’irascibilité du conquérant et le montre très soucieux du sort de Cléophile, qu’il ne veut pas quitter un instant. Contrairement à La Mort de Pompée, la galanterie dans Alexandre le Grand ne sert donc pas à expliquer un travers, à en donner une lecture plus noble (« Si César était ambitieux, c’était pour offrir ses conquêtes à sa belle »), mais seulement à prendre le contre-pied d’une faute jugée en plein xviie siècle inexcusable : il s’agit de nier qu’Alexandre ait pu ne pas être enclin aux plaisirs de l’amour (ou du moins des amours féminines), en un mot de corriger l’histoire. Tandis que la galanterie du César de Corneille comble un trou de l’histoire (elle établit un lien entre deux événements historiques attestés, la chute de Pompée et l’amour de César pour Cléopâtre), celle de l’Alexandre de Racine heurte frontalement celle-ci. Or aller à l’encontre des témoignages historiques célèbres, ce n’est rien moins, selon Saint-Evremond, qu’offenser le spectateur :
Un faiseur de Romans peut former ses Héros à sa fantaisie ; il importe peu aussi de donner la véritable idée d’un Prince obscur, dont la réputation n’est pas venue jusques à nous ; mais ces grands personnages de l’Antiquité, si célèbres dans leur siècle, et plus connus parmi nous que les vivants même, les Alexandres, les Scipions, les Césars, ne doivent jamais perdre leur caractère entre nos mains. Car le spectateur le moins délicat sent qu’on le blesse, quand on leur donne des défauts qu’ils n’avaient pas, ou qu’on leur ôte des vertus qui avaient fait sur son esprit une impression agréable. […] Gardons-nous de faire un Antoine d’un Alexandre, et ne ruinons pas les Héros établis par tant de siècles, en faveur de l’amant que nous formons à notre seule fantaisie55.
27Réconcilier idéal tragique et idéal galant au sein du personnage masculin ne semble donc possible que si le dramaturge opte pour la construction de personnages stoïques (comme Antiochus et Héraclius) ou dissimulateurs (comme Othon), ou encore s’il choisit des héros historiques connus pour combiner res militaris et ars amandi et supportant une transposition sur la scène tragique qui ne heurte pas l’histoire. Si pareille réconciliation n’était pas aisée dans le cas de personnages masculins, elle apparaît pourtant encore plus complexe dans celui des personnages féminins.
Féminité, héroïsme tragique et mondanité
28Comment peindre les personnages féminins conformément à la tradition tragique et à l’esthétique galante ? En premier lieu, quelle est la bonne peinture de l’héroïne d’après l’idéal tragique traditionnel ? Aristote ne s’étend pas sur la peinture du caractère en fonction du sexe, et se contente de prohiber la femme virago : « être virile ou trop intelligente ne convient pas à une femme56 ». Horace, bien que plus loquace sur le critère de convenance, développe surtout le critère de l’âge, opposant les traits de l’enfance à ceux de l’adolescence, puis de l’âge d’homme, et enfin du vieillard : « Il faut marquer exactement les traits de chaque âge et peindre de couleurs convenables les caractères qui changent avec les années57 ». La Mesnardière, glosant amplement Aristote, propose une peinture des qualités propres à chaque sexe, et caractérise ainsi les femmes comme étant « dissimulées, douces, faibles, délicates, modestes, courtoises, sublimes en leurs pensées, soudaines en leurs désirs, violentes dans leurs passions, soupçonneuses dans leur joies, jalouses jusqu’à la fureur, passionnées pour leur beauté, amoureuses de leurs visions, des louanges et de la gloire, orgueilleuses dans leur empire, susceptibles d’impressions, désireuses de nouveauté, impatientes et volages58 ». Quant aux princesses et aux reines, personnel habituel de la tragédie, elles n’ont de commun avec la gent féminine selon La Mesnardière que la pudeur : « Les Reines doivent être chastes, pudiques, graves, magnifiques, tranquilles et généreuses59 ». Représenter une héroïne tragique selon la convenance traditionnelle du genre, c’est donc montrer un personnage doux, modeste, pudique, qui s’afflige sur son malheur. De ce fait, les héroïnes tragiques traditionnelles sont souvent des mélancoliques, soit de complexion, soit à la suite d’un malheur précis. Ainsi, la Bérénice de Tyridate est rendue mélancolique par son amour pour le personnage éponyme, qu’elle ne peut épouser, étant promise à son frère. De même, Fauste, dans Maximian de Th. Corneille, doit son humeur « sombre et noire » et son « ennui » à la conjuration que son père trame contre son époux. Mérope en revanche, dans la pièce du même nom de Gilbert, serait plutôt une mélancolique de tempérament, qui aime rester seule avec ses pensées.
29Contrairement à l’idéal tragique, l’idéal mondain et galant promeut à la fois les femmes mélancoliques et les enjouées. Combien, aussi paradoxal que cela paraisse, les mondains célèbrent simultanément l’humeur enjouée et l’humeur mélancolique, c’est que montre la manière dont Sarasin loue Voiture : « Monsieur de Voiture […] vint alors avec un esprit très galant et très délicat, et une mélancolie douce et ingénieuse, de celles qui cherchent sans cesse à s’égayer60 ». Chez Voiture, inégalable dans son art du monde, ce sont autant la délicatesse joyeuse que la mélancolie qui sont célébrées, sans qu’aucune des deux humeurs soit jugée préférable à l’autre. Comment comprendre alors que la galanterie promeuve aussi bien l’enjouement que la mélancolie ? Par son étymologie (galer signifie s’amuser, prendre du plaisir), la galanterie s’inscrit immédiatement dans le champ de la joie, de la bonne humeur, de la légèreté. Mais par son modèle imaginaire, la galanterie est essentiellement fondée sur une nostalgie, sur la conscience d’un paradis perdu : les origines de la galanterie sont à rechercher dans le rêve de l’Astrée, comme l’a montré E. Bury61. L’Astrée, véritable guide de politesse et de sociabilité à l’usage du gentilhomme62, mêle la rêverie pastorale à un souvenir politique, la cour lettrée des derniers Valois. L’univers astréen a en effet pour toile de fond l’idéal de cour hérité de l’Italie et que les Académies des Valois avaient tenté de naturaliser en France.
30Si les femmes mélancoliques n’entrent pas en contradiction avec le vieil idéal tragique et peuvent ainsi fleurir sans difficulté dans la tragédie63, il n’en est pas de même pour les enjouées. La femme à l’attitude enjouée, au verbe railleur et spirituel plutôt que « doux et modeste », correspond pleinement au modèle mondain qui privilégie les grâces de la conversation, celle-ci se présentant, pour la bonne société du xviie siècle, comme une activité du loisir noble, au même titre que le bal ou les concerts :
[…] moi qui n’ai pour objet de mon espérance qu’une agréable promenade, une conversation qui me plaît, quelque musique, quelque collation, ou quelque autre semblable divertissement64.
31De même qu’il est nécessaire pour une femme de savoir danser une gavotte ou un menuet, de même il convient qu’elle connaisse les règles de la conversation et dispose de quelques talents. Les qualités que les femmes doivent mettre en œuvre dans ce « jeu » qu’est la conversation sont en effet multiples. Elles doivent savoir susciter et recevoir les compliments policés des hommes65, comprendre quelle est la part de politesse et la part de sincérité66, et répondre toujours avec esprit (c’est là tout l’art de la raillerie), en faisant montre d’une humeur enjouée. Celle-ci repose sur l’humour, qui protège l’enjouée, selon ses dires, de la souffrance de la fortune et de l’amour (« Ma belle humeur qui rit au milieu des malheurs », dit Lyse dans L’Illusion comique67), lui évite de se plaindre (« Ma libre et gaie humeur hait le ton de la plainte », dit Hippolyte dans La Galerie du Palais68) et la rend agréable en compagnie (« Votre humeur est trop bonne/Et votre esprit trop beau pour ennuyer personne » dit Adraste dans L’Illusion comique69). Le type de l’héroïne de tragédie à l’humeur enjouée est illustré de façon significative par Aglatide, dans la tragédie de Corneille Agésilas. Le caractère d’Aglatide est explicité dans la pièce par sa sœur, qui lui dit :
Ma sœur, je vous admire, et ne saurais comprendre
Cet inépuisable enjouement,
Qui d’un chagrin trop juste a de quoi vous défendre,
Quand vous êtes si près de vous voir sans amant ?
32À quoi Aglatide répond : « La joie est bonne à mille choses/Mais le chagrin n’est bon à rien ». Le père d’Aglatide lui-même rappelle l’esprit joyeux de sa fille : « Aglatide est d’humeur à rire de sa perte/Son esprit enjoué ne s’ébranle de rien70 ». C’est une railleuse, qui aime tourner en dérision son propre malheur :
La belle humeur, froide galanterie
D’affecter par bravade à tourner son malheur
En importune raillerie71 !
33Mutine, badine, riant de ses misères et ne résistant pas au plaisir de faire un bon mot, c’est ainsi qu’apparaît l’héroïne mondaine, dont les lieux de prédilection littéraire ont longtemps été le roman et la comédie72.
34Comment la conciliation entre ces deux idéaux tragique et mondain est-elle possible ? Quelques héroïnes historiques ou mythologiques peuvent peu ou prou réunir ces exigences très différentes en ce qu’elles sont à la fois « graves, magnifiques, généreuses » et joyeuses en amour. Ce sont les guerrières éperdument amoureuses de leur amant, telles Atalante (dans les Méléagre de Benserade en 1639 et de La Grange-Chancel en 1699), Diane (dans Les Amours de Diane et d’Endymion de Gilbert en 1656 et dans l’Endymion de Fontenelle en 1692) ou Bradamante (dans les tragédies du même nom de La Calprenède en 1636 et de Th. Corneille en 1695). Les guerrières amazones, bien qu’étant viriles, sont en effet conformes au vieil idéal tragique qui leur confère une place particulière sur l’échiquier poétique, comme le montrent les nombreuses mentions par La Mesnardière du sujet d’Atalante dans sa Poétique.
35Mais dans le cas le plus fréquent, où l’héroïne sort tout entière de l’imagination du dramaturge, ce dernier doit idéalement réussir la gageure de peindre l’héroïne tragique réservée, modeste, fidèle et simultanément taquine, railleuse, indépendante. Une première solution consiste à peindre un personnage tantôt réservé, tantôt enjoué, l’égalité de mœurs étant rompue par une passion analogue par ses effets à la folie d’Ajax, l’amour : sous le coup de l’amour, le personnage féminin perd régulièrement la pudeur due à son sexe pour se permettre des taquineries et des plaisanteries légères communes aux amants, puisque l’Amour, rappelons-le, est représenté avec les traits d’un enfant, tant les amoureux s’adonnent, sous son empire, à de petits jeux puérils. À cette catégorie d’héroïne appartient Chimène, tantôt réservée, tantôt plus légère et prompte aux aveux amoureux, et qui à ce titre est taxée d’inégalité de mœurs par Scudéry mais aussi par l’Académie française73. Une seconde solution consiste à faire de l’héroïne une douce « visionnaire » qui se voit, dans un rêve éveillé, comme elle n’est pas, la mondaine se rêvant héroïque et la virago, inversement, s’imaginant délicate.
36Le cas de l’héroïne tragique qui se voit à tort comme un modèle d’héroïsme est magistralement illustré, nous semble-t-il, par le personnage de l’Infante, dans Le Cid de Corneille. La critique, prenant les déclarations de l’Infante au pied de la lettre, en fait un modèle de douceur héroïque et de résignation, en princesse qui connaît les devoirs de son rang, mais il semble que l’Infante puisse être lue comme une complète visionnaire à l’héroïsme purement chimérique74.
37Angélique, dans Les Amours d’Angélique et de Médor de Gilbert (1664), peut également être lue comme une coquette qui se rêve pourvue de tous les attributs de l’héroïsme féminin traditionnel, au premier rang desquels la pudeur. Angélique se présente en effet en permanence comme la pudeur faite femme. « Pudique » et « vertueuse75 », elle n’aime que par reconnaissance, non par un hasard inexplicable (de l’amour qu’elle éprouve pour Médor, elle dit : « La raison me gouverne et non pas le caprice76 »), et encore son amour est-il parfaitement « honnête77 ». Bref, elle n’est pas, dit-elle, de ces femmes dévergondées qui, pour avoir un chevalier qui combatte pour elles au tournoi, s’abbaissent à demander cette faveur, « s’oubli[ant] et fai[sant] la cour aux hommes78 ». De manière révélatrice, elle engage même à la modération et à la raison les chevaliers venus lui proposer de combattre en son nom79. Toutefois, Angélique est la seule à parler de sa vertu parfaite, et ses amants louent tous plutôt sa beauté. Arimant-Médor célèbre ainsi la splendeur de « l’illustre Angélique,/Cette rare beauté, dont la gloire est publique80 » qui « est aussi fière que belle81 », la fierté renvoyant à sa condition de princesse qui doit recevoir le trône en héritage. Renaud pense qu’« Angélique au-dessus des vulgaires beautés/Tient avec tous les sens les esprits enchantés82 ». La pudeur n’est jamais comptée au nombre des qualités dominantes d’Angélique, et Arimant-Médor fait même allusion au penchant qu’Angélique a eu pour Renaud et Roland à un moment où ils étaient indifférents à elle83.
38Ce discours de célébration de soi n’est peut-être par ailleurs qu’un discours purement social auquel Angélique a fini par croire, puisque lorsqu’elle est seule et déchirée de douleur, elle reconnaît que la pudeur vaut surtout pour les amants que l’on n’aime pas84. La vertu et la chasteté ne sont ainsi peut-être que de vains songes, tant Angélique n’est guère conforme à ce qu’elle prône. Elle fustige les femmes qui combattent en guerrières dans les tournois, n’ayant pas de mots assez durs pour Bradamante et Marphise qui jouent les Amazones, mais elle-même a souvent combattu sous une armure d’homme et avec des armes, comme le rapporte son fidèle amant Arimant-Médor85. Prônant la modestie et la vertu, elle se comporte en coquette, Bradamante disant qu’elle se soucie seulement de l’éclat de son teint86, tandis que Marphise accuse Angélique de « [vouloir] plaire à tous87 ».
39Les mondaines qui s’imaginent pétries d’un héroïsme traditionnel, héroïsme de générosité dans le sacrifice ou de parfaite pudeur, telles l’Infante de Corneille et l’Angélique de Gilbert, trouvent leur pendant dramaturgique dans les femmes aux vertus viriles qui se rêvent mondaines et délicates, telles la Zénobie de l’abbé d’Aubignac (1640) et la Sémiramis de Desfontaines (1646).
40La Sémiramis de Desfontaines, dans sa pièce du même nom (1646), s’est illustrée dans les combats, et les personnages de la pièce rendent régulièrement hommage à ses vertus guerrières. Ninus, roi des Assyriens et époux de Sémiramis, célèbre la vaillance de celle qui le défia dans un combat singulier et qui, devenue reine, combattit au côté de son époux. Même les seigneurs de la cour rendent hommage aux vertus guerrières de Sémiramis : « Elle est femme, il est vrai, mais femme généreuse,/ Invincible, prudente, adroite et valeureuse », dit d’elle le prince Oronclide88. Cette valeur guerrière s’accompagne d’ailleurs d’une certaine férocité. Cruelle, Sémiramis l’est en commandant l’assassinat de son époux, moins parce qu’il se saisit à la guerre des états de son père que parce qu’il gêne ses amours avec un jeune général d’armée, et en se disant prête, si besoin est, à exécuter elle-même le meurtre89.
41Or cette Sémiramis guerrière et tyrannique ne doute pas d’être une amante pleine de douceur, et joue de ses charmes, en se présentant comme fragile et frivole, auprès de son époux Ninus :
NINUS : Ne saurai-je jamais le trouble où je vous vois ?
Vous verrai-je toujours dans la mélancolie,
Où votre âme paraît si fort ensevelie ? […]
SEMIRAMIS : Il suffit de savoir que je suis femme et vaine,
Et que ma vanité fait vos soins et ma peine90.
42Pour expliquer la mélancolie qui l’occupe et qui est en fait due à son amour, Sémiramis avance un caprice qui la taraude et qu’elle reconnaît elle-même comme une frivolité. Elle voudrait régner seule trois jours, dit-elle au roi91. Et cette demande est aussitôt suivie d’un mea culpa, Sémiramis se reconnaissant trop gourmande, et d’une proposition au roi de la mettre à mort pour cette demande excessive, proposition qui ne l’engage guère puisqu’elle sait parfaitement que le roi, fou amoureux d’elle, ne lui refusera rien et ne la mettra jamais à mort92. La comparaison avec la Sémiramis de Gilbert permettrait par ailleurs de mesurer combien la Sémiramis de Desfontaines n’est pas une virago monolithique et satisfaite de sa condition. Malgré sa condition guerrière, elle nourrit d’authentiques rêves de délicatesse, minaudant auprès de son époux Ninus et s’autorisant des caprices de mondaine.
43Une autre virago qui nourrit d’étranges rêves de délicatesse est la Zénobie de l’abbé d’Aubignac, dans sa tragédie du même nom créée en 1640. Zénobie n’est pas une reine ordinaire, comme disent ses servantes : elle prend part à toutes les batailles aux côtés de ses généraux (« Je vous ai vu combattre, et j’ai combattu moi-même avec vous » dit-elle en recevant les deux princes93), résiste depuis longtemps à Rome les armes à la main et Aurélien lui-même la qualifie à plusieurs reprises d’« Amazone tant de fois victorieuse94 ». Sa fierté et sa majesté sont également sans faille : elle s’offusque lorsqu’elle apprend que ses deux fidèles généraux nourrissent une secrète passion pour elle, et n’entend pas élever un simple sujet au rang de roi par son mariage95.
44Or cette amazone forte femme nourrit de surprenants rêves romanesques qui contredisent quelque peu ses discours. Contrairement aux propos raisonnables qu’elle tient sur le mariage, Zénobie rêve toujours d’un mariage d’amour, comme le montre sa colère persistante à l’égard d’Aurélien pour l’avoir demandée en mariage alors qu’il n’était pas épris d’elle. Elle se plaint ainsi à ses généraux au début de la pièce :
Vous remarquâtes bien l’un et l’autre, que l’ambition parlait, et non pas l’amour.
Aussi de ma part sans considérer la bassesse de sa naissance, ni les faibles dignités
dont il voulait tirer alors avantage, son humeur impérieuse me fit rejeter cette recherche96.
45Ce que la toute-puissante reine Zénobie reproche à Aurélien, ce n’est pas la modestie de sa naissance (elle lui dira d’ailleurs qu’elle « estime un simple villageois de Pannonie qui s’est fait Empereur de Rome97 »), ni le fait qu’au moment de la demande en mariage Aurélien ne soit que simple « gouverneur de Province98 », mais bien qu’il ose proposer un mariage politique. Ce reproche qu’elle fait à Aurélien de ne pas l’aimer ne cesse de hanter son esprit : si Aurélien peut triompher d’elle au combat, c’est bien qu’il ne l’aime pas, répète-t-elle99 à l’envi. Lorsque Aurélien vient lui rendre visite en vainqueur, ce reproche ne tarde pas à sortir de sa bouche. Si elle a répondu par un refus sec à la demande en mariage d’Aurélien, c’est que celle-ci n’était pas celle d’un homme amoureux :
AURÉLIAN :
Vous pouviez éconduire Aurélian avec moins d’aigreur.
ZÉNOBIE :
Une femme peut bien rejeter de véritables sentiments d’affection avec civilité, mais à l’ambition
il faut répondre par le mépris100.
46Forte femme longtemps à la tête d’un empire, la Zénobie de l’abbé d’Aubignac a la tête pleine de rêves de jeune fille, rêves galants où les mariages sont tous des mariages d’amour.
47Peindre un personnage féminin selon la tradition tragique et l’esthétique galante est aisé si le dramaturge choisit de montrer une mélancolique. En revanche, s’il veut combiner l’humeur enjouée, également chérie des mondains, et les caractères de l’héroïne tragique que sont la douceur, la modestie et la pudeur, sa tâche ressemble fort à un probléme épineux, qui semble n’admettre que trois solutions. La première consiste à puiser dans le vivier des guerrières profondément amoureuses (Atalante, Diane, Bradamante) qui jouissent d’un statut particulier dans les poétiques et ne sont pas ainsi condamnées pour leur virilité excessive. La seconde solution consiste à peindre un personnage tantôt réservé, tantôt enjoué, la constance du caractère étant mise à mal par la passion amoureuse : Chimène appartient aux yeux de Scudéry et de nombreux détracteurs de Corneille à ce type d’héroïnes. La troisème solution enfin suppose de faire de l’héroïne une douce folle qui se voit comme elle n’est pas, la mondaine s’imaginant empreinte d’héroïsme (l’Infante, l’Angélique de Gilbert) et la virago se trouvant sensible et raffinée (la Zénobie de l’abbé d’Aubignac et la Sémiramis de Desfontaines).
Conclusion du chapitre vii
48Le reproche est fréquent, qui consiste à trouver un air de parenté à tous les héros de tragédie. Voltaire déjà, dans Le Temple du goût, trouvait que les héros de Racine se ressemblaient tous entre eux101. Hugo, dans son poème « Réponse à un acte d’accusation », confond tous les personnages de Racine, perçus comme s’exprimant dans une convenance maximale102, et fait de tous les dramaturges contemporains ou légèrement postérieurs à Racine des champignons parasites de celui-ci : la formule expéditive « Sur le Racine mort le Campistron pullule » est restée célèbre. Cette illusion d’optique par laquelle toutes les créatures tragiques d’un même dramaturge semblent autant d’infimes variations sur un même modèle naît en fait d’un problème proprement poétique, la concurrence de deux codes divergents pour le poème tragique au xviie siècle. La tragédie n’a pas renoncé au vieux modèle de grandeur guerrière et virile, si bien que les héros qui sont de purs galants ne manquent pas d’être condamnés. Par ailleurs, le nouveau modèle mondain et galant, prégnant dès la renaissance de la tragédie, s’est complètement imposé dans les années 1660, et il devient impensable pour le personnage de ne pas être honnête homme et galant. C’est encourir pour lui le risque de se voir taxer de matamore, de campagnard, voire d’homme indécent. Deux modèles contradictoires s’affrontent donc. Le modèle mondain exige un héros urbain, sachant bien se conduire avec les femmes et ayant les vertus propres à l’univers privé. Le modèle tragique exige au contraire un héros viril et guerrier, tourné vers le service de la cité. Le héros galant ressemble selon les partisans du modèle héroïque à un héros falot et insipide, tandis que le héros conforme au vieil idéal tragique est perçu comme une brute épaisse par les partisans de l’esthétique galante. Les mêmes traits de comportement sont ainsi loués selon un modèle, et condamnés selon l’autre.
49La franchise sur sa propre valeur est célébrée comme une vertu dans l’univers tragique mais blâmée dans l’univers mondain. Dire que l’on connaît sa valeur relève d’une noble fierté parfaitement compatible avec le vieil idéal tragique, mais les héros qui déclinent ouvertement leurs qualités (Cinna, Don Diègue ou Suréna) sont déplaisants aux yeux de l’idéal mondain. La fierté de la vieille tragédie s’oppose à la galanterie moderne qui préfère davantage d’humilité. L’emportement de la passion pose le même problème que la fierté. Se plaindre en montrant l’étendue de son malheur est pathétique et louable comme tel dans le vieil univers tragique (Camille et Sabine dans Horace se disputent le titre de la plus malheureuse) ; c’est en revanche être un fâcheux dans la vie mondaine et il est ainsi bon, dans les compliments de condoléances, de minimiser sa souffrance pour mieux plaindre autrui. La tragédie multiplie également les sujets qui sont parfaitement inconvenants selon le critère mondain. Les songes, prophétiques ou obsédants, appartiennent à part entière au vieil arsenal tragique et les héros racontent ainsi souvent longuement leurs rêves à des personnages qui en cherchent la signification. Or les traités de civilité sont formels sur ce point : raconter ses rêves, aussi bien d’ailleurs que tout ce qui appartient à l’intimité, est de la dernière vulgarité.
50Quand deux modèles aussi divergents doivent être réconciliés, les solutions n’abondent pas. Les deux modèles se recoupent en effet rarement dans les qualités qu’ils louent : la constance admirable dans le malheur et l’honnête complaisance semblent être les rares vertus qui leur soient communes. Les héros qui restent impassibles dans le malheur sont louables selon le vieil idéal tragique pour leur hauteur, et selon le nouvel idéal galant pour leur aptitude à savoir, en homme du monde, quand il est bon de garder silence. Quant aux personnages qui savent se montrer agréables sans être de vils flatteurs, ils satisfont à la qualité de l’homme du monde qui doit savoir louer, autant qu’à celle du stratège de la tragédie qui doit savoir dissimuler à bon escient et mentir à propos quand il y va de sa vie et de celle de sa patrie. Dans cette perspective, s’ils ne sont pas impassibles dans le malheur (peinture qui conduit à trouver, quelques siècles plus tard et selon une erreur de perspective, que la plupart des héros tragiques sont des stoïciens) ou dissimulateurs (peinture qui amène là encore de façon erronée à penser que le héros manque d’héroïsme), les personnages masculins ne peuvent guère être que des héros historiques grands guerriers et galants hommes transposables sur la scène tragique.
51Quant aux personnages féminins, si le dramaturge ne puise pas dans le vivier des guerrières amoureuses, il semble quasi condamné à peindre des héroïnes visionnaires dans la tragédie. Le poète tragique, devant l’étroitesse des solutions œcuméniques, peut alors opter pour un code plutôt que l’autre. Mais s’il propose de pudiques héroïnes respectant la convenance de leur sexe et de leur naissance, conformes au vieil idéal tragique, il est accusé de peindre de raides héroïnes hautaines et viriles. Il suffit de songer à la longue critique qui reproche aux héroïnes de Corneille d’être des viragos. Et s’il propose des héroïnes taquines et rieuses, conformes à l’idéal mondain d’enjouement, on ne manque pas de faire valoir que ces héroïnes ont leur place dans la comédie, mais non point dans la tragédie. Que l’on songe sur ce point au commentaire de Voltaire sur Aglatide, dans Agésilas. Enfin, si le poète se tourne vers le modèle élégiaque, modèle également compatible avec le modèle mondain, il tombe sous l’accusation d’importer dans la tragédie des héroïnes qui n’avaient droit de cité que dans l’élégie. Songeons sur ce point à la critique faite par Villars de la Bérénice de Racine.
52D’un problème proprement poétique naît donc un phénomène de trompe-l’œil. Par le biais de celui-ci, les personnages masculins de Corneille semblent influencés par des éthiques prônant la grandeur d’âme extrême (stoïcienne, cartésienne ou jésuite), tandis que la plupart de ses personnages féminins ressemblent à des « matrones », comme disait J. Lemaître.
53Par ailleurs, quand la conciliation entre les deux modèles semble très difficile, et que les héros amoureux ont toutes les chances de déplaire, au nom d’un modèle ou de l’autre, le dramaturge peut être tenté de prendre acte de la nécessaire faiblesse de la peinture des héros qui soupirent pour leur amante : il peut être tenté de rechercher ainsi un pathétique qui se situerait en dehors de l’amour. Le pathétique des amants pourrait ainsi se voir renforcé par d’autres formes de pathétique, peu exploitées jusqu’alors. À moins, solution plus radicale, que le dramaturge ne renonce à peindre des héros artificiellement amoureux et qu’il n’abandonne ainsi le procédé de l’épisode.
Notes de bas de page
1 J.- Y. Vialleton, op. cit., p. 128.
2 Examen de Médée.
3 Dans son édition d’Horace en GF Flammarion, parue en 2001.
4 G. Forestier, Essai de génétique théâtrale. Corneille à l'œuvre, Paris, Klincksieck, 1996.
5 II, 3, v. 398 ; II, 3, v. 507.
6 II, 4, v. 327.
7 II, 6.
8 Pour Pascal, Horace est le prototype du caractère inhumain, et l’antithèse de toutes les vertus chrétiennes : « Comminuentes cor (saint Paul), voilà le caractère chrétien. Albe vous a nommé, je ne vous connais plus (Corneille), voilà le caractère inhumain. ». Pensées, éd. Ph. Sellier, Paris, Classiques Garnier, 1991, p. 335.
9 G. Lanson, Corneille, Paris, Hachette, 1898.
10 G. Couton, Corneille, Paris, Hatier, 1958.
11 J. Maurens, La Tragédie sans tragique. Le néo-stoïcisme dans l'œuvre de Pierre Corneille, Paris, A. Colin, 1966.
12 M. Fumaroli, Héros et orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornéliennes, Genève, Droz, 1990.
13 II, 1, v. 400.
14 II, 3.
15 V. 486.
16 V. 530.
17 V. 518-530.
18 Notons qu’outre l’ethos même du personnage d’Horace, la pièce comporte d’autres éléments appartenant au vieil arsenal funeste et effrayant de la tragédie, comme les oracles (voir l’oracle du Ier acte fait à Camille), les songes (en particulier le songe de Camille) et, dans une moindre mesure, les discours du genre judiciaire (concentrés dans le cinquième acte où la scène est transformée en tribunal pour juger Horace fratricide).
19 V. 347-358.
20 V. 709.
21 V. 583-586.
22 V. 587-594.
23 V. 1169-1171.
24 V. 1504-1506.
25 Dans Ariane de Th. Corneille, c’est Pirithoüs, personnage secondaire introduit comme l’ami de Thésée, qui fait preuve de qualités mondaines et galantes. Alors que la légende prête à Pirithoüs des qualités de guerrier (il est connu pour avoir vaincu les Centaures, aidé Thésée à enlever Hélène et avoir entrepris lui-même d’enlever Perséphone pour son compte), Th. Corneille dote son personnage de qualités oratoires et diplomatiques, qualités qui traditionnellement échoient à Ulysse. Dans Le Jeune Marius de Boyer, le personnage éponyme fait preuve de vertus proprement civiles et galantes, qui tranchent nettement avec la cruauté et la tyrannie de Sylla, ainsi que le reconnaît Céclie qui pourtant n’aime pas le jeune homme (I, 3).
26 G. Forestier, Essai de génétique théâtrale. Corneille à l'œuvre, p. 252-261.
27 IV, 4.
28 IV, 3 v. 1343-1344.
29 V, 4 v. 1767-1770.
30 Mlle de Scudéry, Les Jeux [servant de préface à Mathilde], Paris, E. Martin, 1667, p. 44. Édition numérisée : Paris, INALF, 1961 (base « Frantext »), disponible sur Gallica : http://gallica.bnf.fr.
31 Ibid., p. 45.
32 Ibid., p. 46.
33 Ibid., p. 46.
34 Ibid., p. 50.
35 Ibid., p. 54.
36 Ibid., p. 54-55.
37 Ibid., p. 56.
38 La Rochefoucauld, Réflexions diverses, « De la conversation », dans Réflexions ou sentences et maximes morales et réflexions diverses, éd. L. Plazenet, Paris, Champion, 2005, p. 256.
39 G. Forestier, Corneille. Le sens d’une dramaturgie, Paris, Sedes, 1998, p. 86-101.
40 V. 29.
41 G. Forestier, Corneille. Le sens d’une dramaturgie, p. 98.
42 J. Chapelain, Dialogue sur la gloire (1652), cité par O. Nadal, Le Sentiment de l'amour dans l'œuvre de Pierre Corneille, Paris, Gallimard, sans date [1re éd. 1948], p. 2-53.
43 Voir notamment Bouhours, « Second dialogue » de La Manière de bien penser dans les ouvrages d'esprit, éd. cit., p. 197-210 et les Entretiens galans (1681), t. II, dans lequel le chapitre « Les louanges » ne comporte pas moins de cent vingt pages (p. 161-281).
44 « Sur Alexandre et César », dans Œuvres en prose, éd. cit., t. I, p. 201-202. La Bruyère, par exemple, écrit (Caractères, II, 31) : « Peut-être qu’ALEXANDRE n’était qu’un héros, et que CÉSAR était un grand homme ».
45 Suétone, Vies des douze Césars, « César », XXXVIII, trad. d’Henri Ailloud, Paris, Gallimard, p. 56.
46 Ibid., XLVII, p. 62.
47 Ibid., LIII, p. 66.
48 Ibid., XLV, p. 61.
49 Ibid, L, p. 64. Sur ses amours luxueuses avec Cléopâtre, voir ibid., LII, p. 65.
50 Ibid., LV, p. 66-67.
51 Plutarque, « Vie d’Alexandre », éd. cit., p. 46.
52 Ibid., XXXI, p. 74.
53 M. Fumaroli a montré comment le républicain Lucain, en opposant Pompée et César au début de La Pharsale, avait opposé la véritable magnanimité, la magnanimitas, d’essence purement contemplative, qui protège l’héritage de la vertu romaine, à une magnitudo animi fondée sur l’orgueil et l’ambition. Voir M. Fumaroli, Héros et orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornéliennes, Genève, Droz, 1996 [1re éd. 1990], p. 334-335.
54 G. Forestier, Essai de génétique théâtrale, p. 250-251.
55 Saint-Evremond, « Dissertation sur le Grand Alexandre », dans Œuvres en prose, éd. cit., t. II, p. 95-96.
56 La Poétique, 1454 a 22, éd. R. Dupont-Roc et J. Lallot, Paris, 1980, Seuil, p. 85.
57 Horace, Art poétique, dans Œuvres, éd. F. Richard, Paris, Flammarion, 1967, p. 263.
58 La Mesnardière, La Poétique, p. 123-124.
59 Ibid., p. 121.
60 Pellisson, Discours sur les œuvres de M. Sarasin, dans L'Esthétique galante, éd. A. Viala et alii, Toulouse, SLC, 1989, p. 69.
61 E. Bury, Littérature et politesse, p. 84-104.
62 M. Magendie a consacré de nombreuses pages de son ouvrage La Politesse mondaine… à montrer l’éducation des mœurs et de l’esprit à laquelle procédait d’Urfé : voir en particulier les chapitres III et IV de la IIe partie.
63 Voir sur ce point notre chapitre V.
64 Clélie, VII, 436 ; cité par D. Denis, La Muse Galante, p. 247.
65 Notons comment il convient qu’un homme prenne congé d’une femme : « Eh de grâce Madame […], souffrez que je vous conjure de me priver de l’honneur de votre présence. » Clélie, I, 47-8 ; cité par D. Denis, ibid., p. 256.
66 « C’est le point le plus important de toute la Morale des Dames, que de douter de tout ce qu’on leur dit en galanterie. », Madeleine de Scudéry, Conversations sur divers sujets, I, 158 ; cité par D. Denis, ibid., p. 262.
67 IV, 2.
68 V, 5.
69 II, 6.
70 II, 5.
71 IV, 5.
72 On trouve aussi deux personnages typiques de mondaine enjouée dans la tragédie à machines Circé de Th. Corneille (1674) : Célie, nymphe accompagnant Scylla, et Astérie, nymphe accompagnant Circé.
73 Voir Les Sentiments de l'Académie sur Le Cid, dans Corneille, Œuvres complètes, éd. cit., t. I, 809-811.
74 Nous nous permettons de renvoyer pour cette démonstration à notre article « Tragédie et goût mondain : le rôle de l’Infante dans la réécriture du Cid », Lectures du jeune Corneille : L'Illusion comique et Le Cid, Presses Universitaires de Rennes, octobre 2001, p. 39-55.
75 II, 5.
76 III, 2.
77 III, 2.
78 II, 5.
79 III, 2.
80 I, 1.
81 I, 1.
82 III, 1.
83 III, 1.
84 V, 1.
85 À la scène 1 de l’acte I.
86 « La guerre qui pour nous a de charmants appas,
Rend l’esprit moins galant, les teints moins délicats. » II, 5.
87 II, 5.
88 III, 3. Voir également les propos de Sémiramis, à la scène 3 de l’acte I.
89 II, 3.
90 I, 3.
91 I, 3.
92 I, 3.
93 I, 2.
94 III, 7 et IV, 6.
95 I, 3.
96 I, 2.
97 IV, 3.
98 C’est l’expression que Zénobie emploie à la scène 3 de l’acte IV.
99 II, 2.
100 IV, 3.
101 Voltaire, Le Temple du goût, éd. E. Carcassonne, Genève, Droz, 1953, p. 141.
102 Racine, par opposition à Corneille, est celui qui ferait culminer la séparation entre termes nobles et termes bas : Hugo, « Réponse à un acte d’accusation », Les Contemplations, Paris, Gallimard, 1973, p. 43.
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