Introduction
p. 31-32
Texte intégral
1La plupart des critiques modernes, lorsqu’ils parlent d’une tragédie galante qui aurait existé dans les vingt années qui ont suivi la Fronde, déclarent avoir recours à des outils endogènes, jugements formulés par les contemporains eux-mêmes. De fait, il est vrai que les témoignages condamnant la galanterie dans le théâtre tragique se multiplient vers 1660. Pourtant, à bien y regarder, ces jugements non seulement sont tous hostiles à la galanterie (on n’a donc que le point de vue des détracteurs) mais encore ne sont pas exactement contemporains du phénomène : quand la galanterie s’immisce dans le théâtre tragique dès la rénovation de la tragédie, sa critique ne surgit que quelque vingt ans plus tard. C’est ce décalage chronologique entre le moment où la galanterie gagne le théâtre tragique (vers 1634-1640) et la critique du phénomène (à partir de 1660) qui est à l’origine du mythe d’une tragédie qui deviendrait galante vers 1660.
2Plus précisément, dans quelles décennies et autour de quels griefs le réquisitoire contre la galanterie, socle de ce mythe, s’élabore-t-il ? Plutôt que d’examiner dans une perspective strictement chronologique les apports de chaque décennie au réquisitoire, depuis 1660 jusqu’au début du xviii e siècle (cette perspective chronologique figurant néanmoins en conclusion de la partie i), nous nous proposons de regrouper les griefs mis en avant par des auteurs qui écrivent parfois avec vingt ans d’écart, afin de mettre en relief les différentes présentations qui sont faites d’un même reproche. Il se trouve que les griefs à l’encontre de la galanterie sont au nombre de trois, touchant les « mœurs » des personnages, la conduite de la fable et la moralité du spectacle. Au plan des « mœurs » du personnage, ce que nous pourrions nommer le modèle galant est critiqué en ce qu’il est peu apte à peindre des héros ayant toute la majesté tragique : il conduirait largement à montrer des personnages qui ressemblent outrageusement à des héros de roman. Au plan de la conduite de l’intrigue, la création d’un épisode amoureux, pratique courante depuis les années 1640, est contestée au nom de sa froideur (l’épisode amoureux serait inintéressant) et de sa luxuriance (il encombrerait inutilement la trame de l’action principale). Enfin, au plan de la moralité, la présence de la passion amoureuse nuirait à la moralité du spectacle. Le modèle galant selon ses détracteurs pécherait donc autant sous l’angle de la poétique que sous celui de la moralité.
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