Introduction
p. 9-24
Texte intégral
1Quel peut être l’intérêt de rechercher un lien entre mobilité quotidienne et identité ? Et surtout que peut apporter la notion d’identité dans la compréhension des déplacements quotidiens et de leurs enjeux ? Pour comprendre les enjeux de cette relation, il nous semble important de revenir sur ces deux termes qui ont en commun le fait qu’ils relèvent autant du discours scientifique que du discours quotidien. De plus, ces deux notions sont mobilisées et manipulées dans plusieurs disciplines scientifiques, et même dans plusieurs champs de la société. Enfin, cette relation entre mobilité spatiale et identité renvoie à des interrogations qui traversent l’histoire humaine et toutes les couches de la société. Quand Montesquieu utilise, dans les lettres persanes, des correspondances fictives de voyageurs étrangers pour introduire une distance imaginaire dans sa critique des mœurs de sa propre société, quand on raconte à ses amis les expériences « dépaysantes » de ses dernières vacances, ou encore quand on évoque tout simplement, comme l’a écrit Annie Ernaux dans Journal du dehors (1993), ses trajets quotidiens en métro ou en voiture, pour se rendre à un rendez-vous comme pour aller travailler, dans tous les cas, les déplacements dans l’espace géographique semblent systématiquement associés à un discours identitaire. Autrement dit, la mobilité géographique est difficilement isolable des significations, socialement construites, qui sont associées à l’espace géographique comme à autrui : se déplacer dans l’espace géographique, c’est exprimer son rapport aux autres par le trajet et le lieu de destination, par le mode utilisé, par son rapport au temps et à ceux que l’on croise lors du déplacement, etc. ; bref, par un jeu de régulation des distances effectué selon diverses modalités parfois cumulées. Dans le même mouvement, l’identité sociale de la personne structure ses déplacements géographiques : prenons l’exemple d’une (jeune) femme qui se demande s’il est raisonnable de traverser la ville seule à une heure tardive ; ou encore l’illustration de ceux qui élaborent et proposent des lieux et des trajets de manifestation publique en ville, en les ajustant aux revendications visées par les groupes sociaux qu’ils représentent ; ou enfin le cas de l’émigrant qui a une forte probabilité de se rendre dans le quartier de la ville déjà façonné par les exodes ou migrations auxquels il participe.
2Pour le dire autrement, notre façon d’appréhender cette relation entre mobilité et identité ne part pas du postulat que la mobilité est productrice d’identité sociale, approche qui est par ailleurs la plus courante et la plus souvent implicite. À l’opposé, nous ne cherchons pas à adopter le parti qui consiste à considérer l’identité comme une entité atopique qui déterminerait les rapports à l’espace géographique, en pratique comme en représentation. Notre perspective consiste à rechercher comment les processus de construction et d’intériorisation de l’identité sociale s’appuient notamment sur une distribution spatiale spécifique des éléments qui la composent (que ces éléments soient d’ordre physique, comme un type formel d’habitat, ou d’ordre pratique et représentationnel, comme un mode d’habiter) et qui conditionnent ensuite la mobilité géographique, tant au niveau du déplacement (transport) qu’à celui des lieux fréquentés. Cette dimension géographique de l’identité est donc surtout socialement distinctive, en même temps qu’elle participe à l’inscription psychologique des individus dans certaines formes de continuité (Ramadier et al., 2009). Elle n’est donc pas une dimension physique qui, en tant que telle, est à l’origine de l’identité ou de sa production. C’est en ce sens que nous proposons d’aborder ici la mobilité comme une des modalités révélatrices d’une identité socio-spatiale. Autrement dit, dans quelle mesure le raisonnement dominant sur la relation entre identité sociale et espace géographique peut-il être renversé ? Dans quelle mesure les dimensions spatiales sont-elles des ressources sociales et les dimensions sociales sont-elles spatialement structurées ?
3Cet ouvrage collectif cherche donc à investiguer en quoi la mobilité quotidienne relève de l’identité sociale de celui qui pratique l’espace géographique, dans l’optique de cumuler et d’améliorer les connaissances scientifiques sur les ségrégations socio-spatiales. Lesquelles contribueraient alors à ouvrir de nouvelles pistes politiques et urbanistiques sur l’aménagement de l’espace géographique à l’échelle urbaine ou régionale.
4Mais revenons sur les notions clés qui fondent cet ouvrage. Pour ce qui concerne l’identité tout d’abord, c’est une notion qui a été fortement développée à partir des années 1960. Depuis, elle a si fréquemment été analysée ou elle a si couramment servi d’outil d’analyse pour comprendre d’autres problèmes de société que, pour certains chercheurs, elle ne semble plus opérante, parce que trop mobilisée dans les travaux cherchant à résoudre des questions de société et chaque fois transformée dans son acception (Brubaker, 2001). Une des caractéristiques de cette dérive s’observerait dans l’adjonction de plus en plus fréquente de qualificatifs à cette notion (Grandjean, 2009). Enfin, et c’est un point qu’il nous semble important de considérer, ce n’est pas l’identité en tant que notion qui pose problème, mais la manière dont elle est utilisée (Brubaker, 2001). Par conséquent, ce qu’elle représente dans les imaginaires collectifs. En effet, l’identité s’inscrit fréquemment dans une dimension politique et idéologique que certains dénoncent comme dangereuse1 (Bourdin, 2001) ou insatisfaisante, quand bien même l’approche est constructiviste (Avanza et Laferté, 2005). Autrement dit, est-ce que l’identité peut aussi être une notion scientifiquement heuristique ? Les critiques la concernant sont nombreuses. Elles sont d’autant plus aisées à formuler que les remarques (souvent fondées) portent sur l’identité telle qu’elle est employée dans une autre discipline ou un autre champ de recherche que celui dans lequel s’inscri(ven)t le(s) chercheur(s) qui les formule(nt). Ce jeu de regards morcelés correspond à la première étape interdisciplinaire possible : commenter une autre approche que la sienne à partir de sa propre approche. Du coup, ce processus renvoie exactement au cheminement inverse que propose la notion d’identité dans son acception « forte » (Brubaker, 2001). En cherchant à rendre compte d’une permanence dans le changement (la similitude, l’unité, la continuité), elle devient la cible de nombreuses transformations par la généralisation de son utilisation. En revanche, son acception post-moderne « faible » (Brubaker, 2001) développe l’idée qu’une personne ne peut plus être envisagée comme unitaire, mais comme fragmentée, voire changeante. Pour toutes ces raisons, d’aucuns diront qu’il n’y a plus d’intérêt à employer cette notion dans l’analyse des faits sociaux.
5Pourtant aborder l’identité, c’est finalement interroger des catégories de pensée, et plus précisément, c’est aborder la construction sociale et cognitive de frontières qui se forment à des niveaux très différents. C’est analyser des processus de catégorisation sociale. C’est inscrire l’individu dans le collectif (Rhein, 2002). En ce sens, l’identité est nécessairement sociale. Elle renvoie à des frontières entre le « moi » (objet constitué de jugements d’autrui intériorisés) et le « je » (sujet qui répond aux réactions intériorisées d’autrui) au niveau psychologique (Mead, cité par Lorenzi-Cioldi & Doise, 1994), entre le « eux » et le « nous » au niveau sociologique ou psycho-sociologique, entre un lieu et un autre au niveau géographique, entre un temps et un autre au niveau historique. Qui plus est, la construction de toutes ces frontières ne se fait pas indépendamment les unes des autres. C’est aussi précisément une des forces de la notion d’identité : condenser des dimensions qui correspondent à des logiques de fonctionnement différents, mais qui sont pourtant en relation lors de leur construction respective. L’identité peut donc être vue comme étant en relation étroite avec la production de catégories de pensée en tous genres. Elle produit de la différence notamment parce qu’elle se définirait classiquement dans un rapport dialectique entre la similitude, l’unité, la continuité d’un côté, et la différence, la distinction et le changement de l’autre. L’un de ses « pôles » ne peut être défini sans l’autre ; et, l’identité correspond ainsi à leur mise en rapport. Il n’est donc pas étonnant que, comme le constate Kaufmann (2004), l’identité prenne de l’ampleur à mesure que l’individualisme s’ancre toujours plus dans tous les champs de la société. Et il n’est pas étonnant que le débat entre identité individuelle et identité sociale aille lui aussi croissant.
6Si toutes les disciplines abordent l’identité comme un processus générateur de différences, de contrastes, la psychologie sociale a privilégié un ancrage des phénomènes identitaires dans les relations entre le groupe d’appartenance et le « hors-groupe » (Lorenzi-Cioldi, 1999). De plus, Tajfel et Turner (1979) ont développé un modèle théorique dans lequel l’identité relève autant d’une dynamique sociale qu’individuelle : « À une différenciation entre groupes s’opposerait ainsi une différenciation entre individus personnels » (Lorenzi-Cioldi & Doise, 1994, 76). Tajfel (1981) propose alors d’associer la redéfinition du rapport entre les groupes à des changements sociaux, alors que la redéfinition des différences entre personnes serait cette fois en relation avec la mobilité sociale. Autrement dit, en termes identitaires, cela voudrait dire que nous pouvons associer (en partie) l’identité sociale à une position sociale (espace social) et l’identité individuelle à une trajectoire sociale (mobilité sociale).
7Tout semble donc se passer comme si l’identité se construisait à la fois sur un mode individuel et collectif. Car c’est toujours sur une unité (et une continuité) dans la construction sociale de la différence que repose cette notion d’identité2, et non dans une soi-disant différence manifeste3. Cela veut bien dire que l’identité ne repose pas sur une dialectique ou sur une interaction entre des opposés ou des compléments, comme on voudra, mais sur une orientation particulière, celle de construire socialement et de manière pérenne de la différence. C’est pour cette raison qu’il nous semble que l’acception « dure » (la permanence4) et l’acception « molle » (la construction sociale) de l’identité (Brubaker, 2001) ne sont pas inconciliables. Il nous semble également important d’éviter de figer la conceptualisation de l’identité en la scindant en « identité-mêmité » d’une part et « identité-ipséité » d’autre part, comme le propose Ricœur (1990) ; même si le travail de cet auteur a eu le mérite de mettre en évidence ces deux dimensions de l’identité. Car continuité et distinction sont deux facettes indissociables de l’identité.
8Il est important de rappeler que de nombreux psycho-sociologues ont montré qu’un individu définit son identité d’abord à partir de son rôle, de son statut ou de son appartenance sociale. Autrement dit, il existerait une relation forte entre identité et position dans l’espace social (Kuhn et Mc Partland, 1954). Ces recherches confirment que l’identité repose sur des processus de catégorisation sociale qui ne relèvent pas d’une « mécanique » cognitive, mais de processus socio-cognitifs qui dépendent de la position sociale de l’individu qui est catégorisée (Lorenzi-Cioldi, 2002), et par conséquent d’enjeux liés à l’appartenance à un groupe (Allport, 1954 ; Neuberg & Fiske, 1990). Mais surtout, ce lien étroit entre la position et l’identité sociale nous incite à penser la notion d’identité comme le construit phénoménologique d’une structure sociale que l’individu ne peut appréhender qu’indirectement, par les significations que sa position sociale lui permet d’élaborer et d’intérioriser. En effet, d’un côté l’identité est une notion qui confère à l’individu la possibilité de produire du sens dans son environnement (Di Méo, 2009), et de l’autre, l’espace social n’est qu’une construction théorique pour l’individu. Ce dernier ne peut saisir que « sa place dans la société », c’est-à-dire les caractéristiques manifestes de sa position sociale, et non la position sociale telle que peut la reconstruire le sociologue5. Autrement dit, l’identité sociale équivaut à l’expérience vécue de l’espace social depuis la position occupée par la personne. D’autres auteurs, comme De Gaulejac et Taboada Leonetti (1994), abordent cette relation entre identité et position sociale de la sorte : « Il existe des rapports étroits entre l’identité sociale et l’idéologie, leurs statuts théoriques sont très voisins. Si l’idéologie représente un ensemble de représentations, de normes et de valeurs dont la fonction est de légitimer une organisation sociale, l’identité sociale de son côté peut apparaître comme un ensemble de représentations des relations de soi à la société dont une des fonctions est précisément de situer les individus dans leurs rapports sociaux et de légitimer cette place » (p. 62).
9Aborder l’identité sociale ainsi, c’est-à-dire comme l’expression ou la définition phénoménologique d’une position sociale (construite à partir des rapports pratiques et des représentations sociales qui existent à un moment donné entre cette position sociale et les autres), requiert plusieurs avantages. Tout d’abord, cela permet de sortir la notion d’identité d’une approche strictement culturaliste ; une approche qui tend à estomper les inégalités sociales pour les envisager surtout comme des différences en termes de contenus des pratiques et des représentations. Ensuite, cela permet d’éviter les travers d’une vision essentialiste de l’identité, quand bien même on prend par ailleurs de la distance avec l’approche culturaliste, sachant que cette dernière est souvent envisagée comme un rempart contre l’essentialisme biologique ou géographique. Pour finir, si l’identité est pensée comme étant le contenu manifeste d’une position sociale permettant à l’individu d’exprimer ses différences et ses ressemblances avec autrui à partir des significations qu’il attribue à ses pratiques et ses représentations, alors on comprend qu’il n’y ait pas nécessairement d’unité dans celles-ci. En effet, pratiques et représentations n’ont pas qu’une fonction en soi et pour soi. Leur forme et leur contenu dépendent aussi du contexte social dans lequel ils s’inscrivent. Par exemple, nos loisirs ainsi que le discours que nous tenons sur leur mise en actes s’ajustent à celui avec qui ou auprès de qui nous les réalisons. Ainsi, faire l’économie de l’identité, c’est finalement amputer la compréhension des rapports sociaux de l’incidence que peut avoir la relation entre une position sociale (disposition) et son vécu, tel qu’il est exprimé et mis en acte vis-à-vis d’autrui (situation), lui aussi porteur d’une position sociale spécifique implicite. Concernant cette fois la mobilité géographique, depuis que la recherche scientifique tente de trouver des permanences, des régularités, des formes géographiques aux déplacements humains dans l’espace physique, nous sommes progressivement passés de l’étude des migrations, c’est-à-dire des déplacements qui ont une relative stabilité dans le temps, aux déplacements quotidiens, qui eux sont en apparence plus labiles, plus difficiles à saisir. Mais surtout, nous sommes passés d’une analyse « matérialiste » et technique du déplacement, celle que l’on nomme les « études transports » (où les infrastructures et la géographie physique des déplacements sont le cœur de l’analyse spatiale), à des analyses centrées sur l’individu, avec ses désirs, ses schèmes de pensées, ses conditions de possibilité spécifiques selon son âge, ses caractéristiques physiques, sa position sociale, etc. Bref, nous sommes passés du déplacement à la mobilité, d’une approche sectorisée à une vision plus intégrée, de l’uni-au multidimensionnel, d’une approche disciplinaire à une approche interdisciplinaire du regard porté sur les espaces et les mouvements de l’individu. Pour autant, ce changement de perspectives tournées davantage vers l’individu, a souvent été réduit, et le reste encore, à des approches centrées sur les compétences, les capacités, au point de privilégier essentiellement l’aspect fonctionnel de l’espace pour comprendre l’accès à la mobilité, minimisant alors certaines dimensions socio-cognitives (et identitaires) dans la compréhension des rapports des individus à l’espace, au déplacement, à la mobilité. Néanmoins, les études centrées sur les liens entre des trajectoires résidentielles, sociales et professionnelles pour comprendre les effets des structures sociales sur les mobilités quotidiennes ne manquent pas (Bozon, 1984 ; Orfeuil, 2002 ; Le Breton, 2002 ; etc.) ; mais généralement, ces effets sont soit étudiés à partir du sens que l’individu donne à sa trajectoire ou à son vécu individuel, soit étudiés en termes de recomposition territoriale, soit enfin analysés à partir des mobilités professionnelles. Ces « effets sociaux » sont rarement étudiés à partir des rapports inter-groupes et des processus socio-cognitifs qu’ils engendrent dans les constructions identitaires.
10Ce rapide tableau nous montre que la mobilité géographique s’inscrit dans un contexte similaire à celui de l’identité. La notion de mobilité devient un moyen, une manière de se détacher d’une approche initialement essentialiste des « études transports ». Le basculement sur l’individu – sujet social – comme unité d’analyse des déplacements géographiques quotidiens ne s’est probablement pas fait indépendamment de l’évolution des investigations sur les migrations et les mobilités résidentielles. Lesquelles ont intégré d’ailleurs plus précocement une approche identitaire, ou du moins une approche sociologique6. Mais des recherches restent à mener sur ce point, et cela d’autant qu’elles devraient contribuer à ouvrir des pistes aux actuelles études sur la relation entre mobilité résidentielle et quotidienne ; un corpus de connaissances important qu’il serait fondamental de constituer pour la pratique d’aménagement et la gestion politique de l’espace. La mobilité, comme l’identité, sont maintenant tout autant des notions politique, scientifique et vernaculaire. Et ce n’est pas le fait d’employer le terme de mobilité qui pose problème, mais plutôt la manière dont on l’emploie7.
11C’est en posant l’hypothèse qu’il existe probablement des permanences chez l’individu et/ou des profils différents de mobilité quotidienne entre les groupes sociaux que la mobilité géographique est devenue un objet d’étude des sciences sociales qui a trouvé une légitimité au-delà de la géographie humaine. Si la sociologie tente d’en faire depuis peu un objet d’étude sociologique à part entière, ce qui est le but affiché de Bourdin (2005) ou de Urry (2000-2005), d’autres disciplines comme les sciences économiques (Strada, 2002), politiques (Courty, 2007) ou historiques (Flonneau et Guigueno, 2009) commencent également à investir ce paradigme. En revanche, d’aucuns conçoivent encore difficilement que la mobilité quotidienne puisse être un objet d’étude en psychologie. Pourtant, comme pour l’identité, la mobilité renvoie à des espaces différents qui ont leur propre logique : espace géographique, social, politique, économique, sémantique, cognitif, etc. Et comme pour les différentes dimensions de l’identité, ces espaces ne sont pas étanches les uns des autres. Autrement dit, contrairement au déplacement, qui renvoie avant tout à un changement de localisation (mesure d’un écart) dans l’espace géographique8, la mobilité est multi-dimensionnelle et renvoie à un changement de position. Ainsi, d’un point de vue géographique, la mobilité d’un individu correspond à la structure socio-spatiale de l’ensemble de ses déplacements géographiques (Ramadier, 2002). Cette définition est particulièrement efficace pour l’analyse de la construction progressive de la mobilité des enfants (Depeau, 2003). D’un point de vue sociologique, en revanche, elle est l’expression d’un mode d’insertion sociale dans l’espace géographique, le déplacement étant sa mise en œuvre et le transport, son outil (Cologan, 1985). Enfin, d’un point de vue psycho-sociologique, la mobilité correspond à la configuration de la relation entre l’appropriation en actes (lieux fréquentés) et l’appropriation en pensée (lieux représentés) de l’espace géographique, autrement dit à l’accessibilité socio-cognitive de l’espace (Ramadier, 2010). Elle ne se construit ou se développe d’ailleurs qu’à travers ou en appui d’espaces entre-deux que sont les représentations socio-cognitives. Lesquelles définissent l’accessibilité environnementale et conditionnent les modalités de développement de la mobilité (Depeau, 2003).
12Comment, maintenant, mettre en relation la mobilité quotidienne avec l’identité sociale de l’individu ? Il nous semble que c’est précisément par l’approfondissement du rapport entre permanence et construction sociale dynamique, à la fois pour l’identité et pour la mobilité quotidienne, qu’il est possible de trouver des modèles explicatifs. De tels modèles permettent le renouvellement de la recherche sur les déplacements quotidiens, et des solutions aux problèmes du gestionnaire de l’espace géographique, en transport : pourquoi certaines catégories de personnes ne prennent-elles pas les transports en communs, par exemple ? À propos de la mixité sociale : quelles sont les discontinuités sociales dans l’espace qui dépendent des mobilités quotidiennes ? Sur l’habitat, quels sont les différents modes d’habiter des multi-résidentiels ?… pour ne prendre que quelques exemples possibles. Si nous utilisons la notion d’identité, c’est aussi pour tenter de s’écarter des analyses qui, après avoir mis en relation la mobilité géographique avec le statut social des individus, abordent ensuite les difficultés de déplacements comme des externalités du fonctionnement social, c’est-à-dire comme un problème uniquement matériel et économique ou pire encore, comme une question de « capabilité »9 quand le raisonnement théorique est centré sur la personne. Dans tous les cas, ces approches stipulent qu’il suffirait de rétablir les « dégâts » par un système d’aides sous diverses formes. Cette approche n’a jamais eu l’efficacité pratique et politique que l’on attend d’elle parce qu’elle envisage la mobilité comme un système de pratiques et de représentations considéré comme un capital spécifique (Kaufman, 2004). Peut-on, à l’inverse, considérer que la mobilité nécessite des espèces de capital (Ramadier, 2009) ? Ou encore, peut-on envisager que la mobilité quotidienne soit révélatrice d’identités sociales et spatiales conjuguées (Ramadier et al., 2007) ? Cette orientation de recherche est alors compatible avec l’hypothèse intéressante et novatrice formulée par Di Méo (2009) ; à savoir que l’espace géographique est un « consolidateur » des identités sociales et individuelles. Pour cet auteur, les identités sociales ne s’appuient pas sur l’espace géographique, car ce dernier n’est pas qu’un support. Les identités sociales, et plus généralement les rapports sociaux ne se font pas dans mais avec l’espace géographique (Lussault, 2009), car « tout fonctionnement collectif a des conditions spatiales » (Halbwachs, 1938 [1970]). Sans l’espace, identité et groupes sociaux ne peuvent exister. Mais cela ne veut pas dire que l’espace géographique est pour autant un déterminant des identités. C’est un constituant. On rejoint ici les propositions formulées en psychologie environnementale par Proshansky et al. (1978) avec la notion d’identité spatiale, ainsi que celle d’identité topologique (Felonneau, 2004) ou encore celle d’identité d’habitation (settlement identity) développée par Roberta Feldman (1990) ; une notion plus proche de nos préoccupations car en relation avec la mobilité géographique. En effet, l’identité d’habitation permet d’expliquer la continuité des expériences résidentielles des individus entre leurs lieux de résidence passés, présents et en projet. C’est aussi dans cette direction que nous menons actuellement des travaux autour de la notion d’identité de déplacement (Ramadier et al., 2009). Finalement, la notion d’identité, quand elle est appliquée à la problématique de la mobilité, peut être un moyen de sortir d’une psychologisation simpliste de la structure des déplacements quotidiens, où l’auto-détermination n’est pas le seul processus ; et ce n’est probablement pas le plus important de ceux qui gouvernent la logique des décisions quant aux lieux de destination.
13Partant du principe que l’identité sociale est en rapport avec les processus de catégorisation et de classification, appliquée à la mobilité quotidienne, la notion d’identité permet donc de mettre en classe ces configurations de déplacements géographiques. Mettre en relation l’identité sociale avec la mobilité quotidienne est ainsi un moyen de sortir de la classification spatio-temporelle qui définit cette dernière par contraste avec la migration, le voyage et la mobilité résidentielle. Cette catégorisation des déplacements dans l’espace géographique est maintenant de moins en moins opérante à mesure que se développent la multi-résidentialité et le parcours de très grandes distances entre le domicile et le lieu de travail ; des cas de figure qui seront évoqués dans cet ouvrage. Utiliser l’identité comme un processus socio-cognitif de catégorisation sociale qui fonde les conditions de production du sens accordé à l’environnement comme aux pratiques spatiales, et cela depuis sa position dans l’espace social, c’est finalement permettre d’envisager des orientations théoriques qui s’écartent des incidences de la mobilité sur l’identité sociale par l’ouverture des horizons sociaux, voire par certaines formes d’échappatoires : échapper aux structures socio-spatiales héritées (Dubois et Chalas, 1997), restructurer l’espace social (Urry, 2000) généralement par la co-présence (Nochis, 1984 ; Augé, 1992 ; Lussault, 2009). Dans ces approches théoriques, tout semble se passer comme si la « liberté » que procure la mobilité repose sur le fait que le déplacement dans l’espace géographique délite les liens sociaux entre groupes différents, au point que nous serions au mieux en présence de couches sociales qui n’entretiennent pas des liens entre elles car ce sont leurs propriétés intrinsèques respectives qui les définissent. Bref, la co-présence dans l’espace géographique ne semble possible et envisageable qu’à partir du moment où il n’y aurait plus d’espace social.
14Toutes les contributions qui constituent le présent ouvrage ont à voir avec la classification des mobilités quotidiennes à partir des rapports sociaux. Issues du colloque « Mobilités, identités, altérités » organisé à Rennes par les laboratoires ESO-Rennes et Image et Ville, elles n’ont pas nécessairement un positionnement fort avec la notion d’identité. Cette dernière est cependant toujours présente. Dans certains chapitres, l’identité sociale est approchée comme générant des mobilités spécifiques (Amotz Giladi). Dans d’autres, elle est abordée comme un élément normatif du rapport à(ux) l’autre(s) qui apparait explicitement à la conscience de ceux qui se sont engagés dans des pratiques spatiales spécifiques (Caroline Legrand et Nathalie Ortar). D’autres travaux conjuguent le caractère explicite ou implicite de cette dimension normative de l’identité sociale avec les pratiques spatiales (Hadrien Dubuc ; Hélène Bailleul et Benoit Feildel). Mais ce n’est pas sur cet angle d’analyse qu’il nous a semblé le plus judicieux d’organiser ces recherches sur le rapport entre identité et mobilité. Il nous a paru, en revanche, qu’une perspective qui s’appuie sur les notions de trajectoire et de position paraissait plus propice à la mise en exergue d’une manière de classer la diversité de la mobilité quotidienne entre les groupes sociaux, et souvent à l’intérieur même d’une fraction spécifique (les migrants japonais à Paris, les personnes en situation de grande précarité, les écrivains). Cette lecture de la relation entre mobilité et identité nous semble avoir l’avantage de présenter la logique sociale comme devant faire avec la logique spatiale, et inversement ; que ce « faire avec » donne l’impression que ce sont des processus psychologiques (choix, préférence, etc.) qui sont à l’origine de, ou déterminent, cette relation soi disant dialectique. Or, trajectoire et position, sans être des notions nouvelles raccrochées à celle de mobilité, nous donnent l’occasion de mettre en avant l’idée que les processus cognitifs et affectifs font partie de – et articulent au moins autant qu’ils ne la produisent – cette relation entre les trajectoires ou les positions spatiales d’un côté, et sociales de l’autre. Autrement dit, sans processus psychologiques, le social et le spatial ne pourraient être reliés.
15Trajectoire et position peuvent être soit spatiales soit sociales. Et l’identité, en tant que processus socio-cognitif de catégorisation sociale est un moyen de lier la trajectoire sociale à la trajectoire spatiale lorsque l’identité est en (re)construction ou lorsqu’elle est en mouvement elle-même. Ce sont les points communs des quatre premiers chapitres de l’ouvrage. Les quatre derniers chapitres quant à eux reposent plus fortement sur le statut des personnes à partir duquel la mobilité est scrutée. Ici, contrairement aux quatre premiers chapitres, l’identité est envisagée de manière plus statique, à partir de permanences sociales comme spatiales qui structurent les mobilités quotidiennes. L’identité correspond alors effectivement à l’expérience de la position sociale qu’occupe la personne, aux significations qui en émanent tant à propos de l’espace géographique que des rapports sociaux.
16Le premier chapitre est une contribution méthodologique sur la mobilité quotidienne au regard des trajectoires sociales et spatiales. Dans ce chapitre, Hélène Bailleul et Benoît Feildel proposent un outil d’investigation des trajectoires biographiques dans l’espace géographique en procédant en deux étapes. La première s’appuie sur le récit de vie, lequel est ensuite « cartographié » par le chercheur, pour être finalement présenté à l’enquêté afin d’amorcer et de stimuler un discours sur la reconstruction de la trajectoire spatiale, et sur la production des significations liées à cette trajectoire. Cette démarche est un moyen qui permet de révéler les rapports sociaux qui participent au rapport à l’espace géographique de la personne. Autrement dit, l’outil qualitatif mis au point par ces deux auteurs repose sur la mobilité géographique comme révélateur d’identités sociales, notamment par les significations associées à l’espace depuis les pratiques spatiales successives, mais également depuis la réinterprétation de ces pratiques, voire depuis une remise en scène biographique et spatiale de la trajectoire et des déplacements. Et c’est en conjuguant mobilité et identité qu’Hélène Bailleul et Benoît Feildel saisissent le rapport à l’espace géographique de la personne. Le second chapitre aborde la trajectoire résidentielle sous l’angle, cette fois, de multi-résidentialité. Caroline Legrand et Nathalie Ortar nous présentent quatre profils de mobilité liée à des « résidences » multiples afin de montrer ici que, en dehors d’un « habitus nomade », les déplacements réguliers sur des grandes distances mettent à l’épreuve l’identité sociale de la personne dès lors qu’ils instaurent une tension, voire un conflit, soit dans l’univers familial, par la mise en cause de la valeur dominante de la vie conjugale (à savoir la vie commune au quotidien), soit entre les deux lieux de résidence. Ici, l’identité sociale est montrée comme étant dépendante de l’unité des pratiques spatiales sans pour autant envisager la mobilité géographique comme structurante. En d’autres termes, dans une société où les valeurs dominantes se sont fondées et sont structurées autour de la sédentarité, la stabilité de la position géographique contribue à stabiliser l’identification sociale de l’individu. Dans le troisième chapitre, Hadrien Dubucs nous montre comment les trajectoires spatiales, qui peuvent en apparence sembler identiques dans leurs grandes lignes (mobilité résidentielle internationale avec une origine et une destination identiques), apparaissaient très différentes à l’échelle du quotidien (trajectoire résidentielle locale et mobilité quotidienne) et en relation avec une trajectoire sociale qui relève aussi d’une construction identitaire en cours. Ainsi, à chaque recomposition identitaire, en lien avec le rapport au pays d’origine, correspond un mode d’habiter dans le pays d’accueil. Enfin, une dernière contribution d’Amotz Giladi aborde le lien entre trajectoire sociale et trajectoires spatiales à partir de mobilités qui ne sont classables, ni dans la rubrique des mobilités quotidiennes, ni dans celle des migrations ; en revanche, elles le sont dans celle des voyages vers Paris, ici récurrents, de deux écrivains italiens avant-gardistes du début du XXe siècle, deux écrivains reconstruisant sans cesse mais différemment leurs voyages vers Paris à la hauteur de l’épaisseur de leur ancrage identitaire et à coup de « transplantation » (entre autres) des attributs identitaires. La comparaison de ces deux cas montre nettement dans quelle mesure la trajectoire sociale de l’écrivain, et par conséquent le mode d’appropriation des lieux fréquentés (en France comme en Italie) correspond à des identités sociales très différentes, notamment par rapport aux deux pays concernés. On comprend alors que pour une fraction très spécifique et très homogène de la population, ici le milieu intellectuel d’avant-garde, les trajectoires spatiales puissent fortement diverger dès lors que les trajectoires sociales se distinguent. Ces dernières s’accompagnent par ailleurs d’une trajectoire géographique également divergente lorsqu’on l’observe à l’échelle intergénérationnelle de la famille.
17Les quatre derniers chapitres de l’ouvrage concernent des recherches qui reposent sur la position sociale ou spatiale de l’individu. Ainsi, le cinquième chapitre est une radioscopie d’un processus de construction identitaire auprès des professionnels des transports que sont les routiers. Guillaume Courty nous décrit, dans ce chapitre, les trois étapes importantes de ce processus de construction en mettant l’accent sur la position sociale du groupe concerné. S’appuyant sur la notion de stéréotypée, une notion qui permet d’évacuer le caractère problématique de celle d’identité (Avanza et Laferté, 2005), l’auteur montre que l’image sociale du routier apparaît avec l’édification d’une représentation de la profession depuis l’extérieur. Elle se construit d’ailleurs de manière homologique avec la représentation de leur outil professionnel (le « poids lourd »). Dans un second temps, il est question d’identification et d’esthétisation de la corporation par des représentants qui sont devenus les porte-paroles du groupe, bien qu’ils n’occupent pas la même position sociale (en termes de diplômes et de métiers notamment). Enfin, l’intériorisation de l’identité par les membres du groupe constitue la dernière étape. Cette étude nous montre alors à quel point l’espace géographique a son importance dans le processus d’identification, où l’enjeu est de convaincre que tous les membres du groupe ne font qu’un (une catégorie sociale singulière), puisque c’est dans les lieux de rencontre (cafés et restaurants qui adopteront le sigle « Les routiers ») que cette étape se réalise, quand bien même chaque membre du groupe est caractérisé par la mobilité. Cette étude montre également et simultanément l’importance des rapports entre les classes sociales dans la construction des identités. Dans le sixième chapitre, Yves Jouffe s’attache à distinguer les déplacements liés au travail auprès d’un échantillon d’intérimaires qui cumulent précarités économique et contractuelle. Ici, l’identité est reconstruite à partir du lien entre les rapports sociaux d’une part, et les significations et les pratiques relatives aux mobilités quotidiennes, d’autre part. Si les individus de l’échantillon étudié ont la caractéristique commune de lutter contre le déclassement par la mobilité quotidienne, des formes différentes sont toutefois décrites. Ainsi, d’un côté on trouve des individus dont l’identité repose sur l’émancipation, c’est-à-dire sur une prise de distance, que ce soit avec les injonctions des employeurs ou des valeurs dominantes (famille), ou encore avec les proxémies dans l’espace public. Cette catégorie révélée qui recherche le « respect » et la « liberté » dans les interactions sociales quotidiennes correspond aux personnes précaires les plus mobiles, tant professionnellement que géographiquement. D’un autre côté, certains s’inscrivent dans l’attachement aux valeurs comme aux relations sociales. Ce sont les personnes les moins mobiles mais qui recherchent la reconnaissance par l’adhésion, le partenariat dans tous les rapports sociaux tissés, afin de se prémunir d’un déclassement. Le septième chapitre concerne une recherche qui s’appuie initialement sur la position spatiale des individus, pour finalement conclure que celle-ci relève également d’une position sociale vécue sur un mode identitaire. Ainsi, Sylvain Pasquier et ses collaborateurs décrivent comment la disparition d’une frontière physique, ici avec la construction du pont de Normandie au sud du Havre, s’est transformée en frontière sociale du fait de la co-présence dans l’espace géographique de groupes sociaux différents quant à leur rapport à l’espace et quant à leurs conditions matérielles, sociales et symboliques d’existence. Les auteurs parlent alors de co-territorialité, dans le même sens que Lussault (2007) parle de co-spatialité. Cette recherche montre alors que la « mobilité généralisée », si elle contribue à réduire les distances physiques entre les groupes sociaux, ne réduit pas pour autant les distances sociales (Chamborédon et Lemaire, 1970) et les processus identitaires qui participent à la différenciation des pratiques spatiales quotidiennes et résidentielles. Enfin, Samuel Carpentier cherche, dans le dernier chapitre de ce livre, à cerner comment se distinguent les représentations sociales des modes de déplacement (bus et automobile) selon l’importance de leur utilisation, mais surtout et comme dans le précédent chapitre, selon la localisation résidentielle de la personne dans l’aire urbaine et le type de logement qu’elle occupe. Ainsi, la recherche montre que les constructions sociales de la représentation d’un mode de transport sont plus fortement en relation avec un mode d’habiter qu’avec l’utilisation d’un des modes de déplacement. Autrement dit, ce sont les pratique résidentielle et identités spatiales, associées à cette position à la fois spatiale et sociale, qui déterminent le rapport que l’individu entretient avec chaque mode de déplacement, plutôt que l’usage même du mode.
18Ainsi, chaque auteur-e, à sa manière, contribue à montrer que classer la mobilité pour mieux l’expliciter ne se résume pas à rechercher des configurations géographiques. Classer la mobilité a toujours à voir avec les processus de catégorisation sociale qui sont en vigueur dans une société donnée. Or, ces processus ne s’étayent pas sur un nombre restreint d’indicateurs sociologiques, mais au contraire, sur les indicateurs souvent composites. Pour le dire autrement, ce n’est pas le statut social des personnes, pris isolément, qui permettra de décrire et d’expliquer judicieusement ces processus, et plus généralement la relation entre espace et société, entre mobilité et identité. Des indicateurs composites sont nécessaires pour comprendre la structure socio-spatiale des déplacements géographiques. Car la mobilité semble être au croisement de la structure sociale et de la structure spatiale du moment ; sachant par ailleurs que chacune d’elles ne peut se construire sans s’appuyer sur l’autre.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Alors même que l’alternative proposée pour se débarrasser définitivement de l’identité consiste à s’appuyer sur le modèle théorique de l’homme rationnel, faisant des choix raisonnés à partir de ses intérêts, autrement dit sur une maximisation de l’utilité parmi un ensemble de ressources disponibles… ce qui n’est pas moins idéologique et dangereux dans ses conséquences pratiques !
2 C’est ici l’hypothèse géographique ou sociologique de l’« espace » comme ensemble de positions relatives mais structurées de manière à maintenir une permanence entre les différents écarts de position.
3 Ce point de vue est une approche bio-physicaliste de la culture, où l’hypothèse de la « culture » est souvent envisagée à partir de différences substantielles, comme les caractéristiques physiques de l’espace et/ou les caractéristiques biologiques de l’individu, voire sur la conjugaison de ces deux types de caractéristiques.
4 Ici la permanence n’est pas synonyme d’immuable, d’inébranlable, mais de stabilité ou de régularité produite par l’inertie d’une structure sous-jacente. Un système de catégories (de penser et de percevoir le monde) n’est pas opératoire s’il est remis en cause à chaque situation, mais il n’est pas plus efficace s’il est immuable, s’il ne permet pas un certain ajustement.
5 De la même manière, nous verrons que l’individu ne peut saisir que sa place dans l’espace géographique, définie par le lieu où il se trouve (« je suis au magasin x » par exemple) et non sa position dans l’espace géographique telle que le géographe peut l’objectiver par un système de coordonnées.
6 En France, les recherches de Halbwachs sur les expropriations de Paris lors de la seconde moitié du XIXe siècle sont certainement les premiers travaux de sociologie urbaines qui, sans problématiser les analyses à partir de la notion d’identité mais en s’appuyant sur celle de morphologie sociale, lient les déplacements dans l’espace à des rapports sociaux. De même, une décennie plus tard l’École de Chicago, explore, dans son laboratoire privilégié qu’est la ville de Chicago les liens entre mobilité résidentielle intra-urbaines et groupes sociaux.
7 Par exemple, la notion de mobilité tend, dans certaines de ses acceptions, à être synonyme de flexibilité, dans d’autres, elle est synonyme de liberté ou de préférence géographique. Si, dans ces exemples, la notion de mouvement est toujours présente, en revanche, les notions de distance et d’espace ne sont plus au centre de son acception, contrairement au déplacement. Ce dernier, dans le langage courant, signifie d’ailleurs un changement d’espace, une modification du quotidien, une prise de distance même parfois avec ce qui rassemble et donc ceux qui se ressemblent (être « en déplacement » comme être « loin de chez soi »).
8 Notons toutefois que la psychanalyse use aussi de la notion de déplacement, mais cette fois comme processus participant à la construction des névroses, en mettant en évidence la différence entre l’objet investi effectivement par l’individu et l’objet investi originairement (ou objet à l’origine de l’investissement).
9 C’est par exemple le cas des hommes et des femmes qui, quand ces deux groupes sont définis uniquement par rapport aux caractéristiques biologiques des individus, constituent des groupes sociaux dont les pratiques, voire les représentations (et dans cet exemple le débat sur les différences quant aux compétences relatives à la construction cognitive des représentations de l’espace géographique est exemplaire) sont chaque fois « naturalisées » par ces caractéristiques, permettant ainsi d’éluder la domination masculine.
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