Des « royaumes doubles » de part et d’autre de la Manche au vie siècle ?
p. 43-78
Résumés
L’existence de royaumes doubles de part et d’autre de la Manche à l’époque des migrations bretonnes s’inscrit dans la réflexion sur le concept de frontière. Le fait a été considéré comme acquis par la majorité des historiens du XXe siècle. Cette idée reçue est à présent remise en cause par plusieurs chercheurs. En effet, les sources hagiographiques qui recèlent les principales informations à ce sujet sont postérieures de plusieurs siècles aux événements qu’elles sont censées rapporter. De plus, ce genre littéraire n’a pas pour objectif de faire de l’histoire mais d’édifier (au double sens du terme) commanditaires et destinataires. C’est pourquoi, afin de retrouver la trace, sinon le tracé, de ces « frontières oubliées », il convient d’appliquer une démarche pluridisciplinaire à des sources de nature très diverse (textes, généalogies, épigraphie, toponymie, archéologie, etc.).
Cette communication reprend l’hypothèse d’un royaume double de Domnonée. Avec le soutien des Mérovingiens, la Bretagne continentale a probablement fait sécession au milieu du VIe siècle. La fondation outre-Manche d’un royaume subordonné de Cornwall pourrait être une conséquence de cette politique. Le retour en Bretagne des chefs momentanément écartés du pouvoir expliquerait alors la partition entre Cornouaille et Vannetais. Une telle hypothèse rendrait enfin compte de l’apparition dans les textes du gentilice Cornugallensis avant la mention de la Cornubia/Cornugallia.
The existence of “double kingdoms” on both sides of the Channel at the time of the Breton migrations is an inherent part of the reflection on the concept of “Frontier”. This fact has gone unquestioned by most historians of the twentieth century. This belief is now being challenged by several researchers. Indeed, the hagiographical sources which contain the main information about this subject come later, by several centuries, than the events they are supposed to relate. Moreover, this literature does not aim at making history but to edify sponsors and addressees. Therefore, in order to find the trace of, even the tracks of, these forgotten “Frontiers”, it is advisable to apply a multidisciplinary approach to very diverse sources (texts, genealogies, epigraphy, toponymy, archaeology, etc.).
This article takes up the hypothesis of a double kingdom of Domnonia again. Brittany probably seceded in the middle of the 6th century with the support of the Merovingians. The foundation in Britain of a petty kingdom of Cornwall was perhaps a consequence of this policy. The return to Brittany of its leaders who had found themselves temporarily out of power might then explain the partition between “Cornouaille” and “Vannetais”. Such a hypothesis would finally explain the appearance in the Breton sources of the gentilic “Cornugallensis” before the mention of “Cornubia/Cornugallia”.
Texte intégral
1Le stéréotype qui représente la Manche comme une barrière naturelle donnée par la géographie a la vie dure. Au XIXe siècle, en brossant son Tableau de la France, Jules Michelet n’hésitait pas à confronter, à grands coups de clichés, les identités française et anglaise : « Ces deux peuples sont placés front à front comme pour se heurter ; les deux contrées, dans leurs parties principales, offrent deux pentes l’une en face de l’autre ; ou si l’on veut, c’est une seule vallée dont la Manche est le fond. Ici la Seine et Paris ; là Londres et la Tamise. Mais l’Angleterre présente à la France sa partie germanique ; elle retient derrière elle les Celtes de Galles, d’Écosse et d’Irlande. La France, au contraire, oppose un front celtique à l’Angleterre. Chaque pays se montre à l’autre dans ce qu’il a de plus hostile1. »
2Toutefois, dans un article classique de 1928, Lucien Febvre réagissait déjà contre cette conception en affirmant que « la frontière littorale […] n’a rien de géographique […] ni de “naturel”. Elle est conventionnelle2 ». Si besoin était, une thèse récente d’histoire moderne vient de démontrer comment cette notion de « frontière maritime » entre la Grande-Bretagne et la France résulte, en fait, d’une construction historique. Certes, les Bretons ont la portion congrue dans cette étude3 ; mais, récemment, en replaçant la bataille de Saint-Cast (11 septembre 1758) « dans la perspective de ce que l’on pourrait qualifier de Cross-Channel studies », Yann Lagadec et Stéphane Perréon ont rappelé à juste titre combien « la Manche, sans nul doute, tout autant qu’une frontière – plus qu’une frontière… – est un théâtre4 ».
3Dès 1980, Léon Fleuriot ne disait pas le contraire en introduction de son ouvrage Les origines de la Bretagne. Il affirmait que « dans l’Antiquité, les deux rives de la Manche participaient à une même civilisation » et dénonçait vigoureusement l’« ignorance singulière des choses de la mer » qu’il a fallu pour voir « dans un chenal aussi étroit un obstacle, alors qu’il était un lien5 ». De son côté, tout en ne dissimulant pas la part d’hypothèses qu’il faut nécessairement poser pour étudier ces « temps anciens », Jean-Christophe Cassard rappelle en préalable à une réflexion sur l’arrivée des Bretons en Armorique dès la fin de l’époque romaine que « la Bretagne est née de la mer par suite de l’organisation durable sur son sol de communautés venues de la proche Grande-Bretagne6 ».
4Dans la perspective du colloque Frontières oubliées, frontières retrouvées, il est pertinent de se référer au bref commentaire par Bernard Tanguy de la carte de synthèse publiée dans l’Atlas d’Histoire de Bretagne :
« Conséquence d’une immigration bretonne venue principalement des régions du Devon et du Cornwall ou de la fondation de royaumes doubles de part et d’autre de la Manche le fait est que la péninsule fut partagée en deux puis trois grandes principautés, les premières Dumnonia et Cornovia (en breton actuel Kerneo) d’origine ethnique, le troisième, le Bro Waroc ou Broérec résultant d’un fait de conquête7. »
5Cet état de la question qui récapitule les acquis récents de la recherche a l’intérêt majeur de distinguer deux questions qui ont trop souvent tendance à interférer.
6D’une part, il est incontestable que deux des principales régions de la Bretagne continentale ont repris les noms des peuples britto-romains des Dumnonii et des Cornovii qui, dans l’Antiquité tardive, étaient établis au sud-ouest de la Grande-Bretagne (entre le canal de Bristol et la Manche8). Il paraît logique de voir dans ce fait (conforté par des données linguistiques9) une indication sur la provenance des flux migratoires les plus conséquents d’une rive à l’autre de la Manche durant cette période10.
7Mais, d’autre part, l’hypothèse de l’émergence de « royaumes doubles » structurant politiquement ces mouvements de population ne repose pour l’essentiel que sur des sources hagiographiques postérieures de plusieurs siècles à l’époque des migrations bretonnes11. Force est de reconnaître que ce sont là des « récits décalés » dont le « langage codé » spécifique à ce genre de littérature « ne se laisse pas lire facilement au premier degré »12. De plus, il y a lieu de soupçonner les scriptoria monastiques de la Bretagne carolingienne dont émanent la plupart de ces documents de répondre surtout ainsi à la nécessité de « recomposer le passé » en fonction des nouvelles normes (tout autant idéologiques que stylistiques) en passe de s’imposer au moment de leur rédaction13. En somme, comme le dit pertinemment Joseph-Claude Poulin, toute la question revient à déterminer si cette documentation « reflète » la mémoire des origines bretonnes ou si elle la « fonde »14 ?
8« Transmettre ou falsifier la mémoire ? », c’est en ces termes encore plus lapidaires que Joëlle Quaghebeur formule le même dilemme15 qui doit sous-tendre notre réflexion. C’est pourquoi, nous commençons par interroger les rares témoignages disponibles sur le cadre politique dans lequel s’inscrivent la Bretagne continentale et la Grande-Bretagne à l’époque mérovingienne. Puis, nous soulignons le paradoxe qui fait que les mentions de « Cornouaillais » en Bretagne soient antérieures à l’apparition de la Cornouaille proprement dite. Enfin, avec les précautions qui s’imposent, nous nous interrogeons sur la fonction des traditions généalogiques qui ont circulé durant tout le Moyen Âge entre Pays de Galles, Cornwall et Bretagne. Le recoupement entre les données de l’hagiotoponymie et les légendes hagiographiques tardives qui reprennent les noms transmis par ces généalogies évoque peut-être les traces de « frontières oubliées ».
BRITANNIA ET DOMNONIA AU VIe SIÈCLE
9Pour mémoire, selon la Notitia Dignitatum tam civilium quam militarium in partibus Orientis et Occidentis [Occident, III, 14-31] qui dresse le tableau administratif de l’Empire romain « pour l’extrême fin du IVe siècle ou même le début du Ve siècle » (vers 428 ?), la province de Britannia Prima occupe alors le sudouest de la Grande-Bretagne16, tandis qu’en Gaule, la Bretagne actuelle relève de la IIIe Lyonnaise (Lugdunensis tertia)17. Moins de deux siècles plus tard, plusieurs auteurs parlent de Britannia pour désigner la partie de la péninsule armoricaine occupée par les Brittani (ou Britones). Ces dénominations apparaissent simultanément dans les œuvres de Grégoire de Tours († 594), Marius d’Avenches († 594) voire Fortunat († 600)18.
10Toutefois, la seule source contemporaine susceptible de rendre compte de ce déplacement de sens du nom de la Britannia n’apporte pas les éclaircissements que l’on souhaiterait y chercher ! En effet, le De Excidio Britanniae de Gildas († vers 560) est un violent pamphlet dont l’auteur se veut prophète et pas historien. Il ne fait vaguement allusion aux migrations bretonnes que pour convaincre ses compatriotes que leurs déboires face aux Barbares sont un juste châtiment divin. Aussi Gildas esquisse-t-il un tableau lamentable des épreuves infligées par Dieu aux Bretons dont les uns se retranchaient dans leurs montagnes, d’autres étaient devenus esclaves de leurs ennemis tandis que certains « gagnaient les régions d’outre-mer en hurlant beaucoup ; sous leurs voiles gonflées, ils chantaient non des refrains de marins, mais ce psaume : “Tu nous as livrés comme des agneaux au boucher et tu nous as dispersés parmi les nations” (Ps. 43,12)19 ». En fait, la « patrie » de Gildas se restreint à la Britannia insula et, pour lui, celle-ci se définit avant tout comme une ancienne province romaine, conformément à la géographie administrative de l’Antiquité tardive20.
11En revanche, dans le dernier quart du VIe siècle (573-594), Grégoire de Tours, en tant que métropolitain de la province ecclésiastique de IIIe Lyonnaise, héritée – grosso modo – du découpage administratif de l’Empire chrétien21, était donc particulièrement bien placé pour se faire l’écho de ce qui se passait alors dans la péninsule bretonne. Pourtant, il n’est pas toujours facile de discerner de quelle Bretagne il parle dans son Historia Francorum22, sans doute parce que la distinction n’aurait pas été pertinente pour les destinataires de l’ouvrage. Ainsi Grégoire se contente d’indiquer que « cela s’est passé dans les Bretagnes » (in Britann[i]is haec acta sunt)23, lorsqu’il rapporte les circonstances de la naissance du Broérec. Par contre, le statut politique des regna impliqués dans ces événements a été préalablement précisé dans une célèbre formule : « Car les Bretons après la mort du roi Clovis furent toujours sous le pouvoir des Francs et ils furent appelés comtes et pas rois24. » Dans ce contexte (comme encore à l’époque carolingienne) « regnum n’est pas synonyme de royauté ». C’est « une région qui à cause de sa spécificité géographique, ethnique, linguistique ou culturelle […] se voit reconnaître une large autonomie. Elle demeure cependant incluse dans le regnum Francorum dont seul le roi dispose de la potestas, c’est-à-dire de la plénitude de la puissance publique25 ». En soulignant la force de cette notion juridique de potestas26, André Chédeville estime que Grégoire date sans doute ainsi de la mort de Clovis (511), « plus par commodité que par ignorance », une situation politique qui résulterait plutôt de la reconnaissance officielle du roi franc par l’empereur de Constantinople (508) comme « dominus légitime de la Gaule ». Dès lors, « en droit, les chefs bretons ne pouvaient plus légitimement se parer du titre royal27 ». De ce fait, ne faut-il pas réexaminer la notion même de « royaumes doubles » de part et d’autre de la Manche, qui est considérée comme un fait acquis par bien des travaux historiques28 ? Une telle conception pose en effet le problème institutionnel du statut des chefs bretons, « romains par le droit et par le cœur », au regard du pouvoir mérovingien, « héritier de la puissance publique romaine ». Elle supposerait de la part des rois francs – alors que, selon Joëlle Quaghebeur, ceux-ci apparaissent par ailleurs conscients de leur regalis potestas – l’abandon de « toute velléité de prérogative sur ce territoire relevant primitivement de la Gaule29 ». À moins que ce ne soit l’inverse. Léon Fleuriot déduisait, au contraire, des allusions à ces « royaumes doubles » dans certaines sources hagiographiques30 que les prétentions de Childebert et d’autres rois francs à dominer la Grande-Bretagne par leur intermédiaire s’inscrivaient dans la « tradition d’entente avec les Brittoromains » inaugurée par Germain d’Auxerre et ses successeurs (Aetius, Aegidius, Syagrius), derniers tenants de la puissance romaine en Gaule du Nord31.
12C’est pourquoi, la Vita Ia Samsonis que tous les critiques s’accordent à considérer comme la « tête de série » de l’hagiographie bretonne constitue une pièce essentielle du dossier32. Ici, comme dans l’œuvre de Grégoire de Tours, les références à la Britannia (ou aux Britanni) sont « éminemment fluctuantes33 ». Pourtant, Magali Coumert entend démontrer que Britannia désigne toujours la Grande-Bretagne et Romania le Continent, tout comme Europa. Mais, pour ce faire, elle doit commencer par déstructurer une proposition du Prologue de la Vita que l’hagiographe a savamment construite sur une alternance entre « ce côté-ci de la mer » (citra mare) et « l’autre côté de la mer » (ultra mare) :
« Ce n’est pas tout car il y a encore nombre de récits remarquables des actions prodigieuses qu’il accomplit merveilleusement de ce côté-ci de la mer (citra mare), en Bretagne et en Romanie (in Britannia ac Romania) qui furent emportés outremer (ultra mare) par le saint diacre dessus-dit, appelé Henoc34. »
13Envisager, « trois régions différentes » où le saint accomplit des « actions prodigieuses », comme le propose Magali Coumert, c’est-à-dire « de ce côté-ci de la mer, pour l’Armorique de l’hagiographe, en Bretagne, pour la Grande-Bretagne et en Romanie pour les régions franques », supposerait, en effet, de déconnecter la locution adverbiale citra mare de son antonyme ultra mare qui lui fait pendant à la fin de la phrase. Soit :
[Samson] + prodigiosis actibus | citra mare |
[Henoc] + quamplura ac delicata […] verba | ultra mare |
14Or la formule ultra mare vient ici délibérément en écho à la proposition précédente dans laquelle le rédacteur de la Vita se réfère aux traditions familiales relatives à Samson qu’il dit tenir « d’un pieux et vénérable vieillard (ou « Ancien35 » ?) qui menait, depuis près de quatre-vingts années, une vie catholique et pieuse dans son monastère fondé par Samson en personne de l’autre côté de la mer (ultra mare36) ». Soit :
[l’Ancien] adfirmabat. | ultra mare |
[Samson] fecit | citra mare |
[Henoc] adportauit | ultra mare |
15En clair, il faut comprendre, me semble-t-il, que le rédacteur de ce prologue se présente (à tort ou à raison) comme ayant longtemps séjourné au monastère de Saint-Sampson-of-Golant (Grande-Bretagne)37. Chargé à ce titre de mettre à la portée de ses confrères de Dol (Bretagne continentale) la Vie du saint telle qu’elle avait cours dans les établissements samsoniens d’outre-Manche38, il invoque, pour la partie insulaire de la carrière du saint fondateur, les traditions authentifiées par la famille de celui-ci. Pour la partie continentale (in Britannia ac Romania), il se réfère à une Vita primigenia qui faisait autorité en Grande-Bretagne. Son auteur, Hénoc, le cousin du saint, avait accompagné celui-ci sur le Continent avant de retourner outre-Manche avec ces « Actes plus élégants » (emendatiores gestae) de saint Samson39.
16Voici près d’un siècle, l’abbé François Duine dont les travaux sur l’hagiographie bretonne n’ont rien perdu de leur utilité avait effectué un relevé de ces locutions afin d’en clarifier la signification40. Dans la Vita Ia telle qu’elle nous est parvenue, les adverbes citra et ultra (mare) interviennent « de façon homogène, bien qu’inégale41 » et la formule citra ultraque mare qui affleure à diverses reprises (i, 9 ; i, 60 ; ii, 11), au sens de « de part et d’autre de la mer » incite d’emblée à relativiser la perception de la Manche comme une frontière maritime42 :
Ultra mare | Citra mare | ||
Prol. 2 | Grande-Bretagne (?) | Prol. 2 | Continent (= Britannia ac Romania) |
ii, 8 | ipsius loco ultra mare = monastère de Grande-Bretagne (épisode de Morin) | i, 38 | Continent |
i, 45 | Dol (car l’expression est placée dans la bouche de l’ange qui apparaît au saint en Grande-Bretagne pour lui enjoindre de passer en Armorique | i, 52 | Dol (car c’est de son point de vue que parle ici l’auteur dont personne ne conteste qu’il écrit dans ce monastère) |
i, 9 | Citra ultraque mare = « des deux côtés de la mer » |
17De plus, lorsque dans le livre II qui prend la forme d’un sermon à l’occasion de la fête de saint Samson, l’expression ultra citraque mare revient pour s’appliquer à « de nombreux Bretons et habitants de la Romanie43 », force est d’admettre, à l’encontre de l’interprétation de Magali Coumert44, que les Britanni désignent à la fois ici les Bretons de Grande-Bretagne et ceux de Bretagne continentale ; sinon il faudrait comprendre que « ce saint éminent dont nous rappelons la mémoire » n’était vénéré « de ce côté-ci de la mer » que par les Romani, ce qui serait bien entendu totalement incohérent de la part de l’hagiographe.
18Enfin, la confrontation du titre 42 de la table des chapitres (« Les innombrables miracles que le Seigneur accomplit en Europe par l’intermédiaire de Samson ») et de la proposition qui introduit le chapitre correspondant de la Vita Ia (i, 61 : « Ainsi ayant mené à terme tous les miracles que Dieu accomplit par son intermédiaire tant en Bretagne qu’en Romanie45 ») conduit Joseph-Claude Poulin à confirmer que Britannia désigne ici l’Armorique puisqu’Europa s’applique toujours au continent dans le corps de la Vita (i, 46, 47, 52, 53), de même que la Romania est, selon lui, la « contrée dominée par le roi Childebert » (Prol. 2, I, 60, i, 61). On peut donc souscrire aux conclusions de ce chercheur pour qui la Britannia vise tantôt la « Grande-Bretagne » tantôt la « Petite-Bretagne » quand « ce n’est pas une appellation générique attribuée au monde breton dans son ensemble » de part et d’autre de la Manche46. Bref, explicitement, du point de vue de l’auteur de la Vita Ia Samsonis47, il y a de ce côté-ci de la mer, une Bretagne à côté de la Romanie, et, à côté des « Romains48 », il y a des Bretons de ce côté-ci de la mer comme il y en a outremer :
Prol. 2 | ii, 11 |
citra mare in Britannia ac Romania | Brittannorum Romanorumque ultra citraque mare |
19Cela posé, c’est dans cette perspective qu’il convient de relire un épisode clé de la Vita Ia Samsonis qui tient une place importante dans l’argumentation en faveur de l’existence de royaumes doubles. Le chapitre (I, 59) qui comporte la première mention de la Domnonia dans l’hagiographie bretonne situe en effet celle-ci en Brittania. Soit l’action se place en Bretagne continentale et il faut en déduire que les immigrants bretons avaient redonné le nom de leur pays d’origine à l’une des régions de leur terre d’accueil49 ; soit elle se déroule en Grande-Bretagne où l’existence d’un royaume de Domnonée est attestée dès la première moitié du VIe siècle dans le De Excidio Britanniae de Gildas50. Voici une brève analyse des chapitres du livre I de la Vita consacrés à « la plus grande et la plus merveilleuse action que le Seigneur accomplit ici en Europe par l’intermédiaire [de Samson]51 ». Après avoir débarqué « de ce côté-ci de la mer » et fondé le « monastère » de Dol (i, 52), Samson est amené à s’impliquer dans la vie politique locale (i, 53). Son intervention auprès du « roi Childebert », aboutit à restaurer au pouvoir Judwal (presul heriditario ritu) qui avait été évincé par un usurpateur et que le roi franc retenait captif à sa cour. Une série de miracles vaut au saint de gagner les faveurs de Childebert qui lui permet de fonder le monastère de Pental (i, 38 : Penetale monasterium = Saint-Samson de la Roque [76]), sur la Seine (i, 58 : Sigona). Puis Samson regagna la Bretagne en compagnie de Judwal en passant par l’actuel archipel anglo-normand (i, 59 : Lesia = Guernesey et Angia = Jersey) et leva des hommes pour soutenir Judwal qui put ainsi « abattre d’un seul coup l’injuste et violent Commor et régna ensuite, personnellement, avec ses descendants sur toute la Domnonée52 ».
20Bien sûr, rien ne garantit que l’enchaînement des événements tels que relatés par la Vita corresponde à la réalité historique. Toutefois, la souscription de Samson au concile de Paris (561-562), sinon le fait qu’en 575 Chilpéric et Frédégonde aient donné le nom de Samson à l’un de leurs fils53, atteste des relations entre le fondateur de Dol et le pouvoir franc54. Même si le personnage de Commore occupe le poste du « méchant » dans la plupart des légendes hagiographiques ultérieures, son historicité est elle aussi incontestable55. C’est l’un des comtes des Bretons mentionnés par Grégoire de Tours56. Il doit probablement être identifié à Kynvawr qui figure dans les généalogies insulaires et il y a peut-être lieu de reconnaître en lui Aurelius Caninus de Gildas57.
21Une localisation en Domnonée insulaire de « la région dont fut évincé Judwal » avant l’affrontement décisif entre celui-ci et Commore conduirait à infliger au texte de l’hagiographe des distorsions qui ne s’imposent pas, me semblet-il58. Certes, comme le rappelle à juste titre Magali Coumert, les rois francs prétendaient exercer leur « protectorat » sur le sud de la Grande-Bretagne au même titre qu’en Armorique59. Mais, alors que, comme le constate cette historienne « le récit suivait jusqu’ici une logique chronologique », on concevrait mal pourquoi il se poursuivrait en déconnectant les exploits de Samson à la cour de Childebert du récit de la fondation de Dol. D’autre part, l’argument selon lequel le retour de Samson qui s’effectue par mer impliquerait une destination outre-Manche n’emporte pas non plus la conviction. Pour Magali Coumert, le détour par l’archipel anglo-normand correspondrait à une simple contrainte narrative afin d’annoncer un miracle accompli ultérieurement par le saint dans l’île de Lesia (ii, 11). Au contraire, la route maritime entre Pental et Dol par les îles anglo-normandes est la plus directe et sa fréquentation durant le haut Moyen Âge est bien établie60. Stratégiquement, la levée des partisans de Judwal dans ces îles (bretonnes jusqu’aux invasions normandes et dont les relations avec Dol sont bien attestées par ailleurs) se conçoit davantage dans l’optique d’une intervention en Domnonée continentale que d’une expédition en Domnonée insulaire. À mon avis, c’est donc bien dans la péninsule que l’hagiographe situe le rétablissement de Judwal et de ses descendants dans leurs « droits héréditaires ».
22La qualité d’externus iudex attribuée à Commore a bien entendu été l’objet de nombreuses spéculations. Pierre Flobert considère le mot iudex comme « biblique et celtique » et traduit donc l’expression par « chef étranger » (i, 53), en référence au livre des « Juges » de l’Ancien Testament (au sens de chef habilité à décider, plutôt qu’apte à rendre la justice61). Peut-être est-ce en ce sens qu’il convient d’infléchir le second volet (moins célèbre que le premier, mais tout aussi percutant) de la célèbre formule de Gildas : Reges habet Britannia, sed tyrannos ; iudices habet, sed impios62 ? Dans l’Antiquité tardive, le titre est porté par le « gouverneur de province63 » ; au début de la période mérovingienne, les actes ecclésiastiques, tels ceux du concile d’Orléans de 511, appellent ainsi des « délégués du pouvoir royal dont la fonction est mal connue64 » ; le terme en vient, chez Grégoire de Tours, à s’appliquer à « tout officier public, du plus élevé jusqu’au comes civitatis65 ». Ces diverses acceptions incitent à faire de Commore l’un des chefs bretons dont l’Historia Francorum explique que, passés sous la coupe des Mérovingiens, ils « furent appelés comtes et pas rois ». Reste à cerner la portée du qualificatif externus. « Étranger à la région, mais non pas au peuple breton », interprète à juste titre André Chédeville66. Les analyses précédentes permettent peut-être même d’ajouter – au moins à titre d’hypothèse de lecture – que, d’une part, Commore exerçait un gouvernement sous la tutelle du pouvoir franc à l’extérieur de la Domnonée continentale (externumque iudicem uenisse) et que, d’autre part, sa mainmise sur celle-ci, entérinée dans un premier temps par le roi mérovingien, a suscité les contestations des partisans de l’héritier du lignage en passe de s’imposer sur ce territoire (presul […] hereditario ritu illorum terram tenentem).
23Si l’on ne rejette pas l’identification avec le comte Chonomor (pratiquement homonyme) qui figure dans l’Historia Francorum (IV, 4) de Grégoire de Tours, on peut même se risquer à tirer quelques déductions complémentaires sur la situation en Bretagne méridionale au même moment. L’intervention de Chonomor, coordonnée à l’action de l’évêque Félix de Nantes, dans le sanglant conflit qui oppose, vers 550, Macliau à son frère Chanao permet de stabiliser la situation jusqu’à la mort de ce dernier. À Chanao, l’intégralité du regnum (regnum eius integrum accepit) ; à Macliau, le siège épiscopal de Vannes (Veneticam urbem expetiit ibique tonsoratus et episcopus ordinatus est). Si Félix de Nantes est impliqué dans ce compromis et que l’épiscopat de Vannes est concédé à Macliau en compensation de « son royaume » (regnum eius) dont il a été dépouillé par son frère, il faut considérer Conomor (auprès de qui Macliau avait préalablement trouvé refuge), comme tout aussi externus à la partie méridionale de la péninsule qu’à la Domnonée continentale.
24Dès lors, c’est le modèle d’un royaume double qui ressort du dossier67. Il y a – au moins – deux regna au milieu du VIe siècle dans une Bretagne perçue comme un ensemble transfrontalier sous protectorat franc. Dans la mesure où l’assise de son autorité réside outre-mer, le iudex breton impliqué dans les questions successorales à la tête de l’un comme de l’autre de ces territoires, est explicitement qualifié d’externus à l’un, mais il l’est, tout autant, implicitement, à l’autre. Le pouvoir mérovingien est dans son rôle en apportant dans un premier temps son soutien à Commore face aux prétentions d’émancipation des membres d’une puissante famille (presul) en passe de s’implanter au Nord de la péninsule. La contre-épreuve est fournie en Bretagne méridionale où Chonomor paraît intervenir dans une même optique afin de contrer les forces centrifuges en passe d’aboutir à la fragmentation du regnum. Sans en tirer de conclusion définitive, on doit noter que dans les deux cas, à terme, l’échec de cette stratégie résulte d’interventions ecclésiastiques. En Domnonée, Samson qui, on l’a vu, parvient à convaincre Childebert de changer de politique et de jouer la carte du lignage de Judual aurait subi « la jalousie et la calomnie, surtout de la part de méchants évêques68 ». À Vannes, l’évêque Félix de Nantes a placé Macliau sur le siège épiscopal. Mais ce dernier est ensuite lâché par l’épiscopat qui l’excommunie quand il entend récupérer (en même temps que sa propre épouse) le royaume de son frère à la mort de celui-ci. Il est tentant de relier ces faits avec les canons du concile de Tours (567) dénonçant les élections épiscopales bretonnes, entachées d’illégalité69. Ce serait sortir du cadre de ce colloque sur les « Frontières oubliées » que de pousser plus avant l’enquête en tâchant de démêler les liens qui paraissent associer les protagonistes de ces histoires de famille embrouillées à la puissante gens britto-romaine des Aureliani, omniprésente dans les sources sur les origines de la Bretagne70.
CORNUBIA, CORNOUAILLE ET CORNWALL
25En somme, la Vita Ia Samsonis n’implique pas l’existence d’une Domnonée armoricaine distincte de son homonyme insulaire. Il s’agit plutôt ici d’une seule et unique entité de part et d’autre de la Manche. D’autre part, jamais l’Historia Francorum ne mentionne une éventuelle « grande Cornouaille » continentale. Il faut donc admettre que, du point de vue de Grégoire de Tours, il n’apparaissait pas nécessaire de définir, ni même de nommer, aucune des entités politiques rivales dont le récit de la partition du regnum de Macliau suppose l’existence simultanée dans la péninsule71. Magali Coumert ajoute que, de leur côté, « les sources britanniques du premier millénaire n’évoquent jamais une coexistence de ces deux royaumes [= Domnonée et Cornwall] antérieure au VIIe siècle72 ». Toutefois, la rareté de la documentation disponible pour cette période autorise à poser différemment la question. Dès que les sources se font un peu plus prolixes, en Bretagne insulaire comme en Bretagne continentale, les mentions de la Domnonia précèdent systématiquement, ici et là, celles de la Cornubia. Quelle est la signification de ce décalage, de plus d’un siècle à chaque fois ?
26Commençons par récapituler la situation en Grande-Bretagne dans la mesure où elle fait, semble-t-il, à peu près consensus73. Nous avons vu que dès la première moitié du VIe siècle, le De Excidio Britanniae de Gildas atteste de l’existence d’un royaume de Domnonée outre Manche en fustigeant le « tiern Constantin, petit de l’immonde lionne de Domnonée (= Damnonia)74 ». Par contre, il faut attendre la première décennie du VIIIe siècle pour relever (aux environs de 705), dans les Carmina rythmica d’Aldhelm de Malmesbury (vers 640-709) une distinction entre la « funeste » Domnonia et la Cornubia « désolée » (usque diram Domnoniam per carentem Cornubiam), dépeinte cependant sous un jour plus plaisant75. Pour autant, il serait hasardeux, à mon avis, d’en déduire qu’outre Manche, l’affirmation la Cornouaille comme une entité politique autonome résulte de l’avancée de la conquête anglo-saxonne76. Étant donné les lacunes documentaires, la probabilité de l’existence précoce d’un royaume subordonné de Cornubia dans le cadre d’une grande Domnonée n’est pas à exclure77. En effet, le « tiern Constantin », associé au VIe siècle par Gildas à la Domnonée78, se reconnaît sous l’appellation de Custennin Gorneu (= « le Cornovien ») dans les textes gallois postérieurs79.
27Par contre, « sur le continent », un sondage de « terminologie géographique » effectué par P.-R. Giot dans les Vitae les plus anciennes paraît étayer la position de Magali Coumert. Ce savant en concluait que ces dénominations n’apparaissent qu’à l’époque carolingienne. Dès lors, il en déduisait, lui aussi, que « la division bipartite » de la Bretagne continentale était « héritée » des hagiographes du IXe siècle80. Toutefois, il me paraît important de constater que, curieusement ici, le nom de Cornubia n’affleure pas dans la documentation avant le gentilé cornugallensis, lui-même dérivé de Cornugallia. La première mention explicite d’un « évêque cornouaillais » est la souscription dans un acte de Redon datant du règne d’Erispoé (851-857) d’Anaweten cornogallensis […] episcopi81. Quelques décennies plus tard, vers 870, en composant la Vita major du saint patron de son monastère, l’abbé de Landévennec Wrdisten, applique ce qualificatif sous la forme cornugillensis à saint Guénolé dans l’intitulé de sa préface82. L’auteur reprend ce même adjectif cornugillensis pour qualifier « l’océan cornouaillais et britannique » près duquel il réside dans la dédicace de la version de cette Vita adressée à l’évêque Jean d’Arezzo (vers 868-900)83. Cependant, il transcrit à destination de ce correspondant l’homélie qu’il a par ailleurs composée à l’occasion de la fête du saint. Or la lectio Ia de celle-ci qualifie les Cornouaillais de Cornubentibus (= cornubensibus, dans le ms. Quimper BM 16) : « [Jésus Christ] nous donna aussi saint Guénolé, à nous les Cornouaillais qui le valaient le moins, installés au bout du monde et dans les régions occidentales extrêmes des Gaules84. »
28La même formulation est démarquée dans son préambule par le rédacteur de la charte 2 du Cartulaire de Landévennec au milieu du IXe siècle85. Mais cet acte passe de la petite échelle à la grande échelle en situant le monastère au seuil de la Cornouaille. En effet, il enchaîne en rapportant l’entrée en Cornubia du saint et de ses frères après la traversée de l’« océan profond86 ». Le récit du passage miraculeux de la mer d’Iroise (= per profundum pelagus ?) préside au transfert de la communauté depuis son établissement initial sur l’îlot de Tibidi, à l’embouchure de la rivière du Faou, jusqu’à Landévennec, situé, effectivement, sur la rive cornouaillaise de la rade de Brest.
29Cette charte fait écho au chapitre II, 3 de la Vita major dans lequel Guénolé traverse les « pays domnonéens » (per pagos […] Domnonicos) puis « explore la frontière de la Cornouaille » (circaque Cornubie confinium) avant de se fixer à Tibidi87. Le père Marc Simon fait pertinemment remarquer que sur le manuscrit de la BM Quimper 16 (fo 69) qui porte Cornubie, le copiste paraît avoir hésité en rencontrant ici le nom pour la première fois sur son modèle. Il a donc réservé l’espace voulu pour inscrire une forme longue de ce mot avant de revenir compléter la racine Cornu-, écrite dans un premier temps, par la terminaison-bie, au génitif, et remplir le blanc restant par un trait ondulé88. Comme la leçon cornugillensium donnée par le manuscrit Paris BnF lat. 5610 A pour cette même phrase appartient aussi au vocabulaire de l’auteur, force est de saluer, à la suite du père Marc Simon, le souci de fidélité du copiste du manuscrit de la BM Quimper par rapport au texte original. D’abord tenté par la forme longue, courante au XIe siècle, le scribe se serait donné le temps de la réflexion en rencontrant pour la première fois le mot Cornubie sur son modèle. En retrouvant celui-ci dans les chapitres versifiés qui suivent (II, 15 : De humili Gradloni, Cornubensium regis, apud eundem et familiari allocutione ; II, 19 : De altitudine Cornubiae et ejus nobilitate), il se serait convaincu de l’authenticité de cette forme puisque les règles métriques excluent l’éventualité d’une modification ultérieure89.
30Quelles conclusions tirer de cette analyse du lexique géographique de Wrdisten dans la perspective d’une réflexion sur les frontières oubliées ? D’emblée, il faut poser que la forme Cornubia a la préférence de l’abbé de Landévennec. D’une part, les contraintes de la scansion métrique pourraient suffire à expliquer que l’abbé de Landévennec ait été amené à retenir ce toponyme dans les passages versifiés, mais rien ne l’y obligeait dans le chapitre en prose (comme le montre – a contrario – la variante cornugillensium du manuscrit de Paris). D’autre part, il avait effectivement déjà à sa disposition la forme alternative Cornugallia à laquelle toutefois il ne recourt jamais90. En effet, dans l’Omelia, l’hagiographe paraît gloser l’ethnonyme cornubensibus par la périphrase in fine mundi positis […] extremis Galliarum […] atque occiduis in partibus. On peut donc supposer qu’il se réfère implicitement ici à l’étymologie savante qui décompose le toponyme Cornu Gallia comme la « Corne de la Gaule91 ».
31Au reste, pour désigner la population de la région, le balancement entre les deux ethnonymes cornubensis et cornugillensis, construits à partir des deux formes du toponyme, confirme que celles-ci avaient bien cours, l’une comme l’autre, en Bretagne au IXe siècle. Mais il y a lieu de penser (puisque celle-ci est garantie par deux traditions manuscrites indépendantes) que la graphie cornugillensis remonte à Wrdisten lui-même. Si l’hagiographe s’écarte de la forme courante, de ce gentilé, cornugallensis, alors qu’elle rendrait transparente la pseudo-étymologie de Cornu Gallia, c’est probablement parce que cela n’apporterait rien à son propos. Le père Marc Simon qui qualifie Cornugallia de « forme bâtarde » émet l’hypothèse que celle-ci correspond à « une interprétation disons “franque”, plus satisfaisante pour les non-bretonnants latinistes du Xe et du XIe siècle92 ». Toujours est-il que les chroniqueurs francs des Xe-XIe siècle appliquent plutôt l’expression Cornu Galliae/Cornugallia à l’ensemble de la péninsule bretonne93, tandis qu’à partir du début du XIe siècle, les deux termes alternent dans les sources régionales94. En fin de compte, on peut se rallier à la conclusion d’André-Yves Bourgès. C’est à partir du XIe siècle que l’on trouve généralement la Cornouaille armoricaine appelée Cornugallia, tandis que le mot Cornubia tombe dans une relative défaveur. Auparavant, c’est cette dernière appellation qui sert plutôt à « désigner la Cornouaille armoricaine, tandis que Cornugallia (pour Cornu Galliae) s’applique plutôt à l’ensemble de la péninsule95 ».
32Alors que le nom de Cornubia, dérivé de Cornovia, est la transposition latine du breton Kerneo (équivalent du cornique Kernow et du gallois Cernyw/Kernyw), la forme Cornugallia dont l’étymologie n’est parlante que pour les latinistes, « évoque » l’appellation du « Cornwall » (Cornwalum/Cornwealum)96 qui est pourtant une construction bilingue, juxtaposant un élément celtique et un élément anglo-saxon97. Un pointage (qui n’a pas la prétention d’être exhaustif98) dans les diverses versions de la Chronique anglo-saxonne indique que l’apparition du nom de Cornwall pour désigner la Cornubia insulaire est pratiquement contemporaine de celle de la Cornu Gallia chez les auteurs continentaux99. Pour le présent propos, on en déduira qu’il est peu probable que la proximité phonétique entre le nom du Cornwall et celui de la Cornouaille (Cornwealum/Cornugallia) résulte d’une coïncidence fortuite entre deux formations complètement indépendantes linguistiquement. Il est encore moins concevable que les lettrés anglo-saxons aient éprouvé le besoin de transposer la forme latine Cornugallia en Cornwealum afin de réinterpréter artificiellement ce nom selon une étymologie bilingue traduisant la configuration géopolitique de leur contrée. L’inverse est par contre beaucoup plus plausible. Coutumiers de l’étalage d’un savoir étymologique (plus ou moins assuré), les lettrés continentaux, férus de latin, auront perçu l’élément germanique weala comme une forme atténuée (en voie d’amuïssement ?) de Gallia, ce qui leur permettait de placer les Cornugallensis à « la corne de la Gaule ». Mais pour que cette opération de naturalisation ait un quelconque intérêt, force est d’admettre que la dénomination en passe de s’imposer sous la poussée anglo-saxonne chez leurs congénères britanniques était en cours d’importation par les Bretons continentaux. Voilà qui pourrait dès lors expliquer pourquoi, comme nous venons de le voir dans les sources bretonnes, le gentilé cornugallensis précède le toponyme Cornugallia dont il est pourtant censé dériver. En somme, il y aurait eu des Cornouaillais en Bretagne avant qu’ils n’attachent leur nom à la Cornouaille. C’est ce que confirment les vers dans lesquels Wrdisten célèbre la « Grandeur et illustration de la Cornouaille » (ii, 18, De altitudine et nobilitate Cornubiae). L’hagiographe se lance dans une superbe envolée à la gloire passée de sa patrie :
« Ainsi donc portée par ces quatre colonnes La patrie de Cornouaille, était remplie d’une abondance de biens100… »
33Ce vers (Cornubiae patria, rerum quoque copia plena) fait écho à la première phrase du premier chapitre de la Vita : « L’île de Bretagne […] passe pour avoir joui d’une grande abondance de biens » (Britannia insula […] haec magnam habuisse rerum copiam narratur)101. Bref, la Cornubia est donnée comme le pendant de la Britannia dont elle est le rejeton.
GÉNÉALOGIES, HAGIOTOPONYMIE ET LÉGENDAIRE HAGIOGRAPHIQUE
34C’est pourquoi, il peut être révélateur d’interroger dans cette perspective les traditions généalogiques qui ont circulé durant tout le Moyen Âge entre le Bretagne insulaire et Bretagne continentale. Il ne saurait évidemment être question de prendre au premier degré les données transmises par ces sources tardives. Mais, avec toutes les précautions méthodologiques nécessaires, on ne doit pas s’interdire de réfléchir sur la fonction éventuelle de cet effort de recomposition du passé de la part des lettrés médiévaux. Un cas de figure exemplaire de ce mode de questionnement est fourni par le Liber Landavensis. On sait qu’il a été compilé durant la troisième décennie du XIIe siècle à l’initiative de l’évêque Urbain (1107-1134) pour étayer les prétentions du diocèse de Glamorgan face aux contestations des évêchés voisins de Hereford et Saint-David’s. À cette fin, ce cartulaire juxtapose Vies de saints, bulles pontificales, canons conciliaires, chartes et autres documents diplomatiques102. Par bien des côtés, il s’agit donc d’un faux ingénieux (a clever forgery). Mais c’est précisément en mettant au jour les motivations de ces falsifications que Wendy Davies a été en mesure de faire ressortir l’intérêt historique des remaniements infligés aux originaux103. Apparemment, du point de vue du cartulariste, à l’œuvre dans la première moitié du XIIe siècle, la Cornugallia désigne encore la Bretagne dans son ensemble puisque l’archevêché de Dol est localisé in Cornugalliam dans la charte qui rapporte le pèlerinage pénitentiel effectué en Bretagne continentale par le prince gallois Guidnerth excommunié pour fratricide par saint Oudocée104. L’auteur de la Vita Oudocei incluse dans ce même Cartulaire n’avait probablement pas accès aux Annales continentales, mais sans doute avait-il lu l’Historia Britonnum attribuée à Nennius puisqu’il avance que l’Armorique « s’étendait jusqu’aux Alpes » du temps de Budic, le père de saint Oudocée (= Euddogwy). Selon cette Vita, le saint aurait succédé sur le siège épiscopal de Landaff à son oncle Teilo dont la sœur, Anaumed, une princesse locale, avait épousé Budic105. Ce dernier, « natif de Cornouaille continentale » (= Cornugallia) aurait été « expulsé de son pays » et serait « venu avec sa flotte en Démétie [= Dyded] du temps du roi Aircol Lauhir [= Aercoll Lawhir : “à la main large”]106 ». Nous verrons ci-dessous tout l’intérêt de cette indication.
35À la mort de leur roi, les habitants de sa région natale de Cornouaille (de natiua sua regione Cornugallia) l’auraient rappelé pour qu’il prenne le pouvoir. « Il emmena sa femme enceinte et toute sa famille, dirigea sa flotte vers son pays, et régna sur toute l’Armorique107. » C’est donc ici encore à toute la péninsule que s’applique le nom de Cornugallia. Cependant, la Vita précise un peu plus loin, que « la Cornouaille fut ensuite appelée Cerniu Budic108 ». Quoique l’information ne soit pas confirmée par ailleurs, il est possible que l’hagiographe ait enregistré ici une appellation contemporaine des événements qu’il évoque confusément109. L’apposition du nom d’un chef (Budic) à la dénomination ethnique (Cerniu) de son territoire n’a rien d’aberrant : en effet, c’est ainsi que le Vannetais est devenu le Bro Erec (« Pays de Waroc »). C’est pourquoi, en paraphrasant le chapitre (V, 16) de l’Historia Francorum de Grégoire de Tours qui rapporte la formation du « Pays de Waroc », fils de Macliau, l’historien Pierre Le Baud, au XVIe siècle s’estime autorisé à préciser que « les dessus-nommez [étaient] Maclian Comte de Vennes et Bodic Comte de Cornoüaille110 », dans la mesure où ce nom de Budic revient à trois reprises dans les listes médiévales des comtes de Cornouaille111.
36La majorité des historiens ultérieurs de la Bretagne ont suivi ici Pierre Le Baud, quitte à surinterpréter le récit de Grégoire du Tours. Celui-ci rapporte simplement que Budic et Macliau s’étaient engagés réciproquement, en cas de décès de l’un d’entre eux, à ce que le survivant sauvegarde les intérêts des enfants de l’autre. En dépit de ce serment, à la mort de Budic, son fils Thierry fut dépossédé par Macliau qui annexa son bien. Ultérieurement, « longtemps fugitif et errant » (profugus vaguusque), Thierry, de retour en Bretagne, attaqua Macliau qui fut tué ainsi que son fils Jacob (577). Ainsi Thierry rétablit-il son pouvoir sur une partie des domaines de son père ; le reste demeura aux mains de Waroc, un autre fils de Macliau112. Or, comme l’a rappelé André Chédeville, le nom germanique Theudericus appartient au patrimoine onomastique de la famille mérovingienne. Thierry († 533), le fils aîné de Clovis, a hérité de la partie orientale du regnum francorum (la future Austrasie) et ce nom est typique de la « dynastie rhénane ». Son adoption dans une famille dirigeante bretonne113 constitue un indice « particulièrement probant » à l’appui de relations étroites « qui auraient pu aller jusqu’à un mariage dont Thierry aurait été le fruit114 ».
37Pourtant, la Vita Oudocui ne s’est évidemment pas inspirée de l’Historia Francorum puisque, selon l’hagiographe, c’est Budic qui aurait été expulsé de Cornugallia, alors que d’après l’historien franc, ce n’est pas lui, mais son fils Thierry qui a été contraint à l’exil. C’est pourquoi, à la suite du chanoine Gilbert-Hunter Doble115, Léon Fleuriot puis André Chédeville116 ont attiré l’attention sur une entrée des listes comtales de Cornouaille qui recoupe confusément les propos de l’hagiographe gallois du XIIe siècle. En effet, la version insérée dans le Cartulaire de Quimperlé (milieu XIIe siècle) ajoute que Budic117, « de retour ici, tua Marchel et récupéra le comté paternel » (ou la « dignité comtale » ?). La précision, apparemment aberrante, selon laquelle il revenait d’Alamannia doit s’entendre par rapport à son prédécesseur Daniel Drem Rud qualifié de rex Alamannis118. Sans doute la correction Albania s’impose-t-elle ici119 et convientil d’en déduire que ces mentions concernent la Grande-Bretagne (= Albion)120 ?
38Durant tout le Moyen Âge, on n’a cessé de puiser, avec tous les risques d’erreurs et de confusions (intentionnelles ou non) que cela implique, dans un fond commun à la Bretagne et la Grande-Bretagne121. De part et d’autre de la Manche, les noms de Teuderic (Theodoric/Thierry), Budic, et Marchel se rencontrent associés les uns aux autres dans des sources généalogiques et hagiographiques tardives. Ainsi diverses listes généalogiques galloises (à commencer par le De Situ Brecheniauc, XIe siècle122) font de Teuderic un roi semi-légendaire de Garth Matrun (aujourd’hui Talgarth, Breconshire) dont la fille, Marchel, aurait mis au monde Brychan, éponyme du royaume de Brycheiniog (Breconshire actuel)123. Il va sans dire que ces données généalogiques sont invérifiables en termes de parenté biologique. À ce degré, elles relèvent d’une mythologie du pouvoir qui s’inscrit dans les perspectives d’une « histoire de synthèse » − si l’on nous permet de traduire ainsi malicieusement les concepts de « synthetic history » ou de « pseudo-history » forgés par nos collègues d’outre Manche124. Ce légendaire historicisé qui prétend remonter jusqu’à Constantin le Grand et à Hélène fonde, en définitive, la légitimité du pouvoir sur la mémoire de Rome et de l’Empire chrétien125. C’est ainsi que l’Ach Morgan ab Owain (= Morgan hen, Xe siècle) qui remonte aux origines de la dynastie du Morgannwg (Glamorgan, Sud Galles)126 juxtapose aux noms de personnages historico-légendaires omniprésents dans les traditions galloises, bretonnes et corniques (Custenint, Elen, Cynan, Eudaf hen, etc.), ceux de Twdwr et de Kynwar127 qu’il est séduisant d’assimiler à Thierry et à Chonomor que Grégoire de Tours fait intervenir en Armorique. Est-on en droit pour autant de déduire de la présence d’un nom d’origine franque comme Teuderic (équivalent exact de la forme celtique * Toutorix) dans des sources britanniques l’existence d’un royaume double préalable au démembrement (en 577) d’une hypothétique grande Cornovia continentale dont l’Historia de Grégoire de Tours rapporterait les circonstances ?
39Une des légendes hagiographiques tardives susceptible de conforter l’hypothèse de « l’instabilité de cette première Cornouaille128 » est la Passio de saint Guigner (= Fingar) et de ses compagnons. Ce récit « assez élégant et pieux sans excès129 » rédigé en Bretagne au début du XIVe siècle par un clerc du nom d’Anselme130 est un « texte composite » qui combine deux légendes : celle de saint Guigner, éponyme de Pluvigner (Morbihan) et de Gwinear (Cornwall) et celle de saint Guengar (= corn. Gwinear), appelé ici Fingar, équivalent irlandais exact de cet anthroponyme brittonique (win : « blanc », « saint » et car : « ami », « parent », en vieux-breton131). L’auteur prétend s’appuyer sur de breves notulae antérieures132 dont la réalité n’est pas à écarter. Il n’avait pas de raison de censurer les informations que celles-ci pouvaient contenir, ni forcément les moyens critiques d’en saisir toute la portée.
40Appelé d’emblée Fingar, le saint est présenté dans sa Passio comme le fils du roi païen le plus puissant d’Irlande133. Le bon accueil réservé par le jeune homme à la prédication de saint Patrice provoque la colère de son père et lui vaut une condamnation à l’exil (i, 2) que beaucoup des jeunes nobles irlandais de sa génération choisissent de partager134.
41Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, le nom de Clito donné par Anselme au père de saint Fingar (i. 2 : nomine Clito ; ii, 7 : Clitone patre defuncto ; iii, 17, regis Clitonis) n’est sans doute pas une invention de l’hagiographe, puisqu’il est attesté par ailleurs dans l’anthroponymie celtique135. Je me hasarde à rapprocher le nom de ce roi irlandais de celui de Clutorigus/Clutorix136 qui se déchiffre sur deux inscriptions lapidaires aujourd’hui conservées dans les églises de Llandysilio West et de Nevern au sud-ouest du Pays de Galles (Pembrokeshire actuel), deux sites de l’ancienne Demetia (= Dyfed) où la présence irlandaise est attestée depuis l’Antiquité tardive137.
Llandysilio West (Pembrokeshire) | Nevern (Pembrokeshire) | ||
LDYSI/1 | CLUTORIGI FILI PAULINI MARINI LATIO | NEVRN/1/1 | MAGLOCVN(I) FILI CLVTORI |
NEVRN/1/2 | MAGLICUNAS MAQI CLUTA[RI]138 |
42Sous le nom de Clotri (= Clodri, une forme de Clutorix en moyen gallois), ce personnage fait sa réapparition dans la liste royale de Démétie (Dyfed), probablement compilée au milieu du Xe siècle dans l’orbite de St. David’s/Mynyw, qui prétend (comme il se doit) remonter jusqu’à l’empereur Constantin le Grand. Il y est mentionné parmi les prédécesseurs d’Aircol et de Triphun dont les noms dérivent manifestement des nomina latins Tribunus et Agricola bien attestés par ailleurs dans la romanité139. Il est vraisemblable qu’ils ont été adoptés par des fédérés « demi-irlandais », plus ou moins romanisés, établis sur les côtes occidentales de la Grande-Bretagne par l’administration impériale afin d’en assurer la défense pour le compte de Rome140. Ceux-ci font de la figuration dans l’hagiographie galloise ultérieure. Triphunus (= Trifinus) intervient dans les Vitae de saint David et de saint Gildas. Nous avons vu plus haut que, de son côté, Aircol Lauhir (= « à la main large ») intervenait, entre autres, dans la Vita de saint Oudocée141. Évidemment, ces sources ne garantissent pas l’historicité (plus que suspecte a priori) du nom de Clito porté par le père de saint Fingar. Par contre, dans la mesure où bien des traditions historico-légendaires du Pays de Galles ont été par la suite relocalisées en Cornwall, le discours de l’hagiographe en tire une certaine cohérence et suppose de sa part de vagues réminiscences des implantations irlandaises à l’ouest de la Grande-Bretagne durant l’Antiquité tardive142.
43La Passio enchaîne sur l’arrivée des jeunes irlandais en Britannia minor où ils sont bien accueillis – conformément à un cliché hagiographique – dans sa provincia (i, 3), par le dux (i, 3 ; i, 6) de Bretagne. Le titre de « iudex Britanniae » que l’hagiographe applique au duc quand celui-ci apprend que « de nouveaux habitants sont arrivés sur son territoire143 » n’était plus d’actualité à la fin du Moyen Âge sinon, peut-être, pour évoquer anachroniquement le justiciarius (= justiciar), qui exerçait les fonctions de régent ou vice-roi dans l’administration anglo-normande144. On peut donc plutôt supposer que la source invoquée par l’auteur de la Passio attribuait à ce dominus Britanniae (i, 6) anonyme le titre de iudex externus, appliqué à Conomor dans la Vita Ia de saint Samson. L’établissement que le duc de Bretagne finit par concéder aux nouveaux arrivants est sans aucun doute « l’église placée sous la titulature » du saint dont les traditions servent de trame à la première partie de la Passio, Aucune donnée géographique ne permet de localiser cet épisode145. Toutefois Bernard Tanguy a établi que la paroisse de Pierric (Morbihan) était patronnée par saint Guengar146. Ce chercheur a en outre démontré que Pierric, mentionnée pour la première fois en 1133, s’était substituée à la plebs de Cornou qui figure dans six actes du Cartulaire de Redon avant de disparaître de la documentation à partir de 870147. Le nom de cette paroisse disparue constitue un toponyme ethnique qui a retenu l’attention de plusieurs historiens. Il reste « aléatoire » d’y voir un éventuel indicateur de l’« ancienne extension » de la Cornovia, comme le pensait Léon Fleuriot148. Mais cet ancien nom de la paroisse demeure susceptible de correspondre à « une implantation ancienne de Cornoviens » bien au-delà de la future Cornouaille armoricaine149.
44Autant les indications topographiques relatives à la Bretagne continentale fournies par l’hagiographe sont évasives, autant celui-ci est précis quand il passe à la Cornubia insulaire. Cette région est le théâtre des deux derniers chapitres de la Passio dans lesquels la forme britonnisée de Guigner alterne désormais avec le nom de Fingar. Le saint qui a renoncé à la succession paternelle débarque sur la côte septentrionale du Cornwall où il est décapité par Théodoric, le roi du pays. Ce thème du martyre, rare dans l’hagiographie celtique, est un des lieux communs d’un cycle hagiographique dans lequel Tewder/Teudar (= Théodoric) tient le mauvais rôle et persécute des saints d’origine irlandaise (ou prétendue telle : Petroc, Breaca, Ké, Mériadec, etc.150) dont le culte est localisé dans une douzaine de paroisses à proximité de l’embouchure de la rivière Hayle (hundred de Penwith), au nord-ouest du Cornwall151. Aussi, au XVIe siècle, en adaptant la légende de saint Guigner, Pierre Le Baud a-t-il naturellement confondu Cornwall et Cornouaille et délocalisé en Bretagne continentale les épisodes que sa source situait outre Manche152. Bien qu’il remarque pertinemment que « neantmoins en cest endroit leur legende appelle [Théodoric] roy », en présentant ce dernier comme le « comte de Cornoüaille qui tua Maclian et Vignier comme dit a esté dessus153 », Pierre Le Baud (suivi par Albert Le Grand), effectue explicitement la suture entre les Acta Fingari et le livre V des « Chronicques » de Grégoire de Tours et identifie le « tyran haïssable à Dieu » (odibilis Deo tyranus154) de la Passio avec le chef breton dont l’historien franc évoque l’exil outre-Manche.
45Voici donc qu’interfère à nouveau la question des « royaumes doubles ». En effet, la Passio de saint Fingar précise qu’à l’annonce du débarquement du futur martyr et de ses compagnons sur les côtes britanniques, la « renommée » de l’arrivée d’un grand nombre de chrétiens « résonna aux oreilles de Théodoric, roi de Cornouaille ». Banale en apparence, la formule prend toute sa portée si on la met en regard d’une tournure analogue de la Vita de saint Paul Aurélien (composée en 884 à Landévennec par Wrmonoc) :
Passio Fingari c.iii, 11 | Vita Pauli Aureliani, lib.i, 8. |
Sonuerat iam pervulgante fama in auribus Theodorici, regis Cornubie155. | fama eius regis Marci peruolat ad aures quem alio nomine Quonomorium uocant156. |
46La reprise, pour l’appliquer à Théodoric, dans la Passio Fingari (sinon l’une des notulae dont Anselme dit avoir disposé) d’une formule qui sonne comme une sorte de « sobriquet » de Conomor, identifié au roi Marc, dans la Vita Pauli Aureliani, inscrit ces deux textes hagiographiques dans un même registre narratif. L’insistance de l’hagiographe carolingien sur les oreilles de Marc Conomor157 pourrait constituer une attestation précoce du motif des « oreilles de cheval » dont le roi Marc est affligé dans le Tristan de Béroul158. La légende est répandue en pays celtiques et particulièrement sur la frange côtière de la Cornouaille et du Léon (Finistère actuel)159. Contentons-nous de rappeler ici160 que le recoupement de la formule allusive de la Vita de saint Paul Aurélien avec l’inscription du Tristan stone (appelée aussi Castel Dore stone ; Fowey, Cornwall) ouvre des perspectives sur la localisation en Cornwall de la légende de Tristan161 : DRUSTANUS HIC IACIT CVNOMORI FILIVS (= « Ci-gît Drustanus fils de Cunomor [as] »)162.
47André-Yves Bourgès a proposé de restituer à Conomor ses tria nomina et de voir en *Marcus Aurelius Commorus l’héritier de la puissante famille brittoromaine des Marci Aurelii qui, depuis le bas Empire jusqu’au haut Moyen Âge, aurait contrôlé la navigation transmanche163. La reprise dans la Passio Fingari, pour l’appliquer à Théodoric, d’une formule qui sonne, dans la Vita Pauli, comme une sorte de « sobriquet » de Marc Conomor, les inscrit l’un et l’autre, dans un même registre historico-légendaire. Est-ce une simple coïncidence si des sources de genre et d’époque très diverses convergent confusément pour faire, en quelque sorte, de Théodoric/Thierry ou de Budic (son père, selon Grégoire de Tours) des aventuriers de la mer164 ? Qualifié de rex dans la Vita Pauli, Conomor apparaît comme praefectus regis dans trois sources postérieures, et particulièrement dans la Vita de saint Hervé (XIIe siècle sous sa forme actuelle)165. Cette fonction de « préfet du roi » Childebert traduit plus qu’une simple vassalité166. André-Yves Bourgès a interprété ce titre comme celui d’un praefectus classis, à la tête de la flotte, à l’époque romaine167. Dans la mesure où les chapitres liminaires de la Vita de saint Hervé sont susceptibles d’émaner d’une source issue du scriptorium de Landévennec à l’époque carolingienne168, celle-ci pourrait avoir fossilisé de précieuses informations sur la géographie historique du très haut Moyen Âge169. Lorsque le père du héros, le barde Hoarvian, qui a fait carrière en tant que « chanteur-compositeur » (cantor figmentarius) à la cour du roi Childebert, envisage de rentrer en Grande-Bretagne d’où il est originaire, le roi l’adresse à Commore avec « des lettres royales » (cum regalibus litteris) prescrivant à celui-ci de lui procurer un navire pour faire la traversée170. « La traversée est courte entre notre Domnonée et la Bretagne ultérieure », explique l’hagiographe171. L’adjectif possessif nostra implique qu’il existe une autre région du même nom dans la terre natale de Hoarvian (terram suae nativitatis). Les deux territoires homonymes, reliés par mer, paraissent donc soumis à un même pouvoir politique172.
48Une vision angélique bouleverse ce projet de retour au pays. L’union entre les parents du futur saint est célébrée chez le paterfamilias (= « chef de clan » ; en breton : pencenedl173) Malot « qui devait donner l’hospitalité cette nuit-là au préfet et à sa suite174 ». Il est séduisant, à la suite d’André-Yves Bourgès175, de localiser la résidence de Malot (recte : Maloc ?) où Hoarvian est censé faire étape avant d’embarquer pour la Grande-Bretagne au lieu-dit Porz-Malo, en Plouguerneau176, pour lequel on dispose d’une prononciation traditionnelle Porz-Malog. Ce havre doit sans doute être identifié avec le Porz Moalleuc attesté au XVe siècle177 dont Bernard Tanguy a démontré qu’il n’était autre que le Portus calvosus où aurait débarqué Maxime selon le Livre des Faits d’Arthur (XIIIe siècle ?)178. Les déductions qui s’imposent sont d’autant plus intéressantes qu’elles ressortent du recoupement de données fournies par des auteurs dont aucun ne disposait des outils critiques permettant d’en tirer des conclusions qu’ils ne se préoccupaient d’ailleurs pas d’atteindre.
49En effet, comme le confirme la forme Ploe kerneu (attestée vers 1330), ce nom de Plouguerneau est « d’origine ethnique » et s’applique à un établissement majoritaire de « cornoviens » sur la côte septentrionale de la péninsule179, de même que le nom de Cornou implique la présence de ceux-ci sur la rive gauche de la Vilaine. Mais alors, dans ce dernier cas, certaines formes relevées par B. Tanguy dans le Cartulaire de Redon ne permettent pas de considérer Cornou comme une paroisse bretonne primitive180, le premier élément du nom de Plouguerneau désigne incontestablement cette paroisse comme une ploue. Les questionnements sur la nature et la fonction de la plebs ne rentrent pas ici en ligne de compte181. Personne ne conteste que ce type d’établissement remonte à « la période d’installation et d’organisation des Bretons entre le Ve et le VIIe siècle182 ».
50Force est donc de constater que les traditions relatives à des figures historico-légendaires telles que Conomor ou Théodoric qui sous-tendent des Vitae tardives comme celle de saint Fingar et celle de saint Hervé s’inscrivent dans le cadre d’une géographie historique qui garde l’empreinte du brassage initial des immigrants venus de Grande-Bretagne dans la péninsule armoricaine183. La Domnonée s’étend de part et d’autre de la Manche ; les « cornoviens » circulent d’une rive à l’autre, avant que ne se dessinent les frontières de la Cornouaille et du Cornwall.
51En conclusion, « confronter des témoignages de nature différente (de dates variées, disputées, souvent tardives) » revient évidemment à se placer « sous le signe du conditionnel et de l’hypothétique ». Je conviens donc volontiers que l’on ne peut en attendre « un enregistrement factuellement exact du processus historique de l’installation des Bretons en Petite-Bretagne184 ». Mais, il est du moins permis d’espérer « retrouver » ainsi sinon le tracé, du moins les traces de « frontières oubliées » qui s’inscrivent dans le thème de ce colloque. Pour ce faire, je reprendrai les trois catégories distinguées par Charles Thomas185 : « certain », « raisonnablement probable », « possible, sans plus ».
52Il est « certain » qu’au début du VIe siècle, Gildas applique encore exclusivement le nom de Britannia à la Grande-Bretagne, conformément à la géographie administrative de l’Empire romain. Moins d’un siècle plus tard (et peut-être dès le milieu du VIe siècle), le nom désigne l’ensemble des territoires occupés par les Brittani (ou Britones) de part et d’autre de la Manche.
53Il est « probable » que le royaume de Domnonée dont Gildas atteste l’existence en Grande-Bretagne dès la première moitié du VIe siècle se soit étendu alors à la Bretagne armoricaine. D’après la Vita Ia Samsonis (VIIe-VIIIe siècle ?), l’ensemble paraît gouverné sous contrôle mérovingien par un iudex externus établi outre-Manche jusqu’à ce que l’intervention de saint Samson ne favorise la prise de pouvoir à la tête de la Domnonée armoricaine d’un lignage auquel il est peut-être apparenté. La même grille de lecture peut être appliquée au récit de l’émancipation du Vannetais selon l’Historia Francorum de Grégoire de Tours. L’épiscopat local intervient dans la partition du regnum breton établi au sud de la Bretagne continentale, tandis que les puissantes familles impliquées dans cette guerre de sécession semblent disposer de positions de repli en Grande-Bretagne.
54Il est « possible » que ces « histoires de famille » aient eu, entre autres conséquences, la création outre Manche d’un royaume subordonné de Cornubia dans le cadre de la grande Domnonée insulaire186. En Bretagne continentale, certains toponymes supposent l’implantation, dès l’époque des migrations bretonnes, d’établissements de « cornoviens » à une échelle plus large que la future Cornouaille. L’émancipation du Broerec serait la résultante de ces conflits de pouvoir.
55Pour terminer, il serait encore plus téméraire de pousser plus loin les hypothèses187. Cependant, les crises de succession au sud de la Bretagne qui auraient contraint Théodoric à se replier outre-Manche pour y reprendre des forces n’auraient-elles pas contribué à la constitution d’un royaume de Cornubia à l’extrême ouest de la Domnonée insulaire ? Ce royaume subordonné devrait son nom au retour à cette occasion de Cornovii émigrés dans la péninsule dont des légendes tardives se font vaguement l’écho188. Sur le continent, le Broerec, bien attesté historiquement, et l’énigmatique Cerniu Budic résulteraient de cette guerre de sécession. Les chassés-croisés entre Cornugallensis et Cornubiensis d’une part, Cornubia et Cornugallia de l’autre, dans les sources postérieures au IXe siècle trouveraient peut-être ainsi un début d’explication.

Notes de bas de page
1 Michelet J., Le Tableau de la France. Géographie physique, politique et morale, 1833, p. 3 cité par Morieux R., Une mer pour deux royaumes…, ibid., p. 21 qui donne n. 23 un florilège de variations sur ce même thème. Reclus E., Géographie universelle, 1879, p. 355 : « L’Angleterre présente à la France sa partie allemande ; elle retient les Celtes dans ses péninsules lointaines et dans l’île occidentale : le contraste des deux peuples se fait sans transition ethnique des deux côtés du détroit » ; Vidal de la Blache P., Tableau de la Géographie de la France, Paris, Hachette, 1908 (1re éd. : 1903), p. 58 : « Ce fut, à la place du celtisme refoulé le germanisme que la France vit s’établir sur la côte qui lui fait face. Ainsi une zone d’étroit contact entre le monde roman et le germanisme se constitua au seuil de la mer du Nord. »
2 Febvre L., « Frontière : le mot et la notion », Revue de Synthèse historique. Bulletin du Centre International de Synthèse. Section de Synthèse historique, no 45, juin 1928, p. 31-44 ; repris dans Pour une Histoire à part entière, Paris, EHESS, 1962, p. 19.
3 Morieux R., Une mer pour deux royaumes. La Manche, une frontière franco-anglaise (XVIIe-XVIIIe siècle), Rennes, PUR, 2008. Voir le compte-rendu par Chappey J., Annales historiques de la Révolution française (en ligne), 357, juillet-septembre 2009, mis en ligne le 9 décembre 2009, consulté le 18 janvier 2010. URL : http://ahrf.revues.org/10647. Le recenseur s’étonne cependant au passage de ce que « les Bretons [soient] bizarrement laissés de côté dans cette étude ».
4 Lagadec Y. et Perréon S., Hopkin D. (collab.), La bataille de Saint-Cast (Bretagne, 11 septembre 1758). Entre histoire et mémoire, Rennes, PUR, 2009, p. 33 qui se référent à Davies C. S. L., « The alleged “sack of Bristol” : international ramifications of Breton privateering, 1484-1485 », Historical Research, 67 (1994), p. 239.
5 Fleuriot L., Les origines de la Bretagne, Paris, Payot, 1980, p. 13.
6 Cassard J.-C., Les Bretons et la mer au Moyen Âge, Rennes, PUR, 1998, p. 15.
7 Tanguy B., « Principautés et Pagi : Domnonée, Cornouaille et Broérec », in Tanguy B. et Lagrée M. (dir.), Atlas d’Histoire de Bretagne, Morlaix, Skol Vreizh, 2002, p. 60. Cf., par ex., Chédeville A., Guillotel H., La Bretagne des saints et des rois, Rennes, Ouest-France Université, 1984, p. 22 ; Giot P.-R., Guigon Ph., Merdrignac B., Les Premiers Bretons d’Armorique, Rennes, PUR, 2003, p. 96-97 (c’est moi qui souligne).
8 Coumert M., « Le peuplement de l’Armorique : Cornouaille et Domnonée de part et d’autre de la Manche aux premiers siècles du Moyen Âge », in Coumert M. et Tétrel H. (dir.), Histoires des Bretagnes. 1. Les mythes fondateurs, Brest, CRBC, 2010, p. 17-20, rappelle que ces dénominations apparaissent pour la première fois dans la Géographie du géographe alexandrin Claude Ptolémée (entre 141 et 180) et dresse un bilan de la répartition des populations britto-romaines à la fin de l’Antiquité tardive. Je remercie vivement cette collègue de m’avoir aimablement communiqué son étude, alors que celle-ci était encore inédite, afin de nourrir ma réflexion. L’état de la question le plus à jour se trouve dans Snyder C. A., Early Peoples of Britain and Ireland : An Encyclopedia, Greendwood World Pub., Oxford/Wesport-Connecticut, 2008, 2 vol. : voir les notices de Jankulak K., « Cornovii », « Cornwall » et « Dumnonia », « Dumnonii », p. 160-162 et 196-198.
9 Dépourvu des compétences nécessaires, j’éviterai prudemment de m’impliquer ici dans les débats en cours sur les origines du breton qui ont fait l’objet d’un colloque international organisé par le Centre de recherche bretonne et celtique (EA 4451 CRBC) à l’université Rennes 2, les 29 et 30 avril 2010 : « La langue bretonne des origines. Les origines de la langue bretonne ».
10 Coumert M., « Le peuplement de l’Armorique… », ibid., p. 16, indique que cette argumentation, résumée au début du XXe siècle par L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. II, L’Aquitaine et les Lyonnaises, Paris, 2e éd., 1907, p. 252, a souvent été reprise « la plupart du temps sans davantage de précision » au cours du XXe siècle.
11 Cf. Coumert M., « Le peuplement de l’Armorique… », ibid., p. 40-41, qui met en avant la Vita Ia Samsonis et la production hagiographique de l’abbaye de Landévennec au IXe siècle.
12 Poulin J.-C., L’hagiographie bretonne du Haut Moyen Âge. Répertoire raisonné, Beihefte der Francia, vol. 69, Ostfildern (Thorbecke), 2009, p. 64.
13 Cf. Cassard J.-C., « La mise en texte du passé par les hagiographes de Landévennec au IXe siècle », BSAF, t. 122 (1993), p. 382-385.
14 Poulin J.-C., L’hagiographie bretonne…, ibid.
15 Quaghebeur J., La Cornouaille du IXe au XIIe siècle. Mémoire, pouvoirs, noblesse, Quimper, SAF, 2001, p. 178. Cassard J.-C., « La mise en texte du passé par les hagiographes de Landévennec au IXe siècle », BSAF, t. 122 (1993), p. 382-385.
16 Cf. Kerneis J., Les Celtiques. Servitude et grandeur des auxiliaires bretons dans l’Empire romain, Presses Universitaires de la Faculté de droit de Clermont-Ferrand, 1998, p. 211-212 et n. 3, qui débat, entre autres, de l’hypothèse de Dornier A., « The Province of Valentia », Britannia 13 (1982), p. 253-260. Voir en dernier lieu White R., Britannia Prima. Britain’s. Last Roman Province, Stroud, Tempus/The History Press, 2007 que je n’ai pu consulter.
17 Cf. Pape L., « L’Armorique dans la Gaule. Éclipse et renaissance », in Vendries Ch. (dir.), Regards sur l’Armorique romaine, ABPO, 105 (1998/2), p. 11-27, en part. p. 25. Le dossier cartographique sur l’Occident romain compilé par ce chercheur complète les cartes régionales des îles britanniques dans l’Antiquité réunies par Coumert M., « Le peuplement de l’Armorique… », ibid., p. 18-21. Voir aussi les « Annexes » de Kerneis S., Les Celtiques, ibid., p. 292-294.
18 Selon Loth J., L’émigration bretonne en Armorique du Ve au VIIe siècle de notre ère, Rennes, 1883, (reprint, Slatkine, Paris-Genève, 1980) p. 170, un passage controversé de l’Histoire des guerres de Justinien [VIII, 20, 4-5] par Procope de Césarée († v. 562) qui distingue assez confusément l’île de Brittia et la Bretannia permettrait peut-être d’antidater d’un demi-siècle l’attribution du nom de Britannia à la péninsule armoricaine. Dans cette même optique, d’après Thompson E. A., « Procopius on Brittia and Britannia », Classical Quarterly 30, (1980) p. 498-507, Brittia serait la Grande-Bretagne, Britannia, la Bretagne continentale (Contra, Jones M. E., The End of Roman Britain, Ithaca, Cornell University Press, 1996, p. 55). Voir Lebecq S., Marchands et navigateurs frisons du haut Moyen Âge, vol. 2, Corpus de sources écrites, PUL, 1983, p. 225-226 ; Tanguy B., « Procope de Césarée et l’émigration bretonne », in Laurent C., Merdrignac B., Pichot D. (dir.), Mondes des villes et villes du monde. Regards sur les sociétés médiévales. Mélanges en l’honneur d’André Chédeville, PUR-SHAB, Rennes, 1998, p. 29-35.
19 Gildas, DEB, XXV : alii transmarinas petebant regiones cum ululatu magno ceu celeumatis vice hoc modo sub velorum sinibus cantantes : dedisti nos tamquam oves escarum et in gentibus dispersisti nos. Cf. Kerboul-Vilhon Ch. M. J. (texte et trad.), Gildas le Sage, De Excidio Britanniae. Décadence de la Bretagne, Sautron, Éditions du Pontic, 1996, p. 127.
20 Kerlouégan F., Le De excidio Britanniae de Gildas. Les destinées de la culture latine dans l’île de Bretagne au VIe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1987, p. 528 et 560-561 ; en « note du ch. 12 », p. 195 n. 8, ce chercheur relève 22 occurrences du terme patria dans le De Excidio. Sur la portée du qualificatif transmarinus, voir la discussion entre Fleuriot L., Les origines de la Bretagne, ibid., p. 237 et Kerlouégan F., Le De excidio Britanniae de Gildas, ibid., « notes du ch. 11 », p. 185-186, n. 74.
21 Conséquence tardive et inattendue de cette cote mal taillée qui s’est pérennisée jusqu’au XIXe siècle, l’ouvrage de Poulin J.-C., sur L’hagiographie bretonne du Haut Moyen Âge. Répertoire raisonné, Beihefte der Francia, vol. 69, Ostfildern (Thorbecke) 2009 présente la production hagiographique de la « Province de Bretagne ». En dépit des explications avancées par ce chercheur, p. 32-34, cette « dénomination moderne » constitue un anachronisme puisque, comme il le reconnaît (p. 32), cela revient « au sens strict » à s’en tenir à l’archevêché de Rennes instauré sous le Second Empire (et à la région administrative actuelle qui s’y superpose).
22 Cf. Le dossier de sources constitué par Fleuriot L., Les origines de la Bretagne, ibid., p. 238-243.
23 Greg. Turon., Hist. Franc., V, 16. MGH, Script. Rer. Mer., I, 1, p. 214.
24 Greg. Turon., Hist. Franc., IV, 14. MGH, Script. Rer. Mer., I, 1, p. 137 : Nam semper Brittani sub Francorum potestatem post obitum regis Chlodovechi fuerunt, et comites, non regis appellati sunt. La place de Nam a suscité bien des commentaires, depuis « un mauvais car », selon Bertrand d’Argentré jusqu’à « un repentir du chroniqueur ». Cf. Chédeville A., « Francs et Bretons pendant la première moitié du VIe siècle : avant la rupture », in Rouche M. (dir.), Clovis, Histoire & mémoire. Actes du colloque international d’histoire de Reims. Septembre 1996, t. 1. Le Baptême de Clovis, l’événement, PUPS, 1997, p. 900. En fait, l’emploi de nam est correct. Le mot ne sert pas ici de conjonction confirmative et explicative (= « car ») ; il fait fonction de particule affirmative destinée à introduire une idée nouvelle ou une réserve (= « car, en effet »… quand l’expression n’est pas pléonastique !).
25 Chédeville A., « Francs et Bretons… », ibid.
26 Cf. la lettre adressée en 494 à l’empereur Anastase de Constantinople par le pape Gélase (494-496), qui définit la regalis potestas par rapport à l’auctoritas sacralis pontificum (trad. in Dagron G., Empereur et prêtre. Étude sur le césaropapisme byzantin, Paris, Gallimard, 1996, p. 310 sq.).
27 Chédeville A., « Francs et Bretons… », ibid., p. 904.
28 Coumert M., « Le peuplement de l’Armorique… », p 16 : « l’argument fut repris à l’envi, mais la plupart du temps sans davantage de précision que dans l’œuvre de L. Duchesne ».
29 Cf. Quaghebeur J., CR de Giot P.-R., Guigon Ph., Merdrignac B., Les Premiers Bretons…, in MSHB, t. 83 (2005), p. 580-581.
30 Carrée A. et Merdrignac B. (éd.), La vie latine de saint Lunaire, Landévennec, Britannia Monastica-CIRDoMoC, 1992, p. 145, § 13 : Rex autem Gillebertus qui illo regnabat tempore in Frantia similiter et in Britania ; ibid., p. 158, § 28 : Fuit uir unus in Britannia ultra mare nomine Rigaldus qui in nostra primus uenit citra mare habitare prouintia qui dux fuit Britonum ultra et citra mare usque ad mortem.
31 Fleuriot L., Les origines de la Bretagne, Paris, Payot, 1980, p. 189-190. Cf. Tonnerre N.-Y., « L’Armorique à la fin du Ve siècle », in Rouche M. (dir.), Clovis. Histoire et mémoire. t. 1 : Le baptême de Clovis, l’événement, Paris, PUPS, 1998, p. 150-151.
32 Ce n’est ni le lieu ni le moment de rouvrir ici le débat sur la chronologie des diverses versions de la Vita Samsonis. Poulin J.-C., L’hagiographie bretonne du Haut Moyen Âge, ibid., p. 329-335 fait objectivement état – afin de les contrer – des arguments opposés à la « datation basse » de la Vita Ia qu’il soutient. Il suffit de les coordonner pour conforter une « datation haute » en faveur de laquelle je me suis naguère impliqué (cf. Merdrignac B., « La première Vie de saint Samson : Étude chronologique », Studia Monastica, 30 (1988/2), p. 243-290). D’une part, les contacts avec Bède soupçonnés par Flobert P. (éd.), La Vie ancienne de saint Samson de Dol, Paris, CNRS Éditions, 1997, p. 98-99 et 272, susceptibles effectivement de remettre en cause cette « datation haute », n’ont pas convaincu Banniard M. (compte rendu de l’ouvrage de Flobert P., in Revue des Études Augustiniennes, p. 190 sq.). D’autre part, Flobert P., « Le remaniement carolingien de la Vie ancienne de saint Samson », Britannia Monastica 9 (2005), p. 47-48, conteste vigoureusement la tentative par Poulin J.-C. de distinguer deux « couches rédactionnelles » dans la version qui nous est parvenue : « l’une constituée de la primigenia d’Henoc [= milieu du VIIIe siècle] « corrigée » par un remanieur dolois ; l’autre faite d’additions ajoutées aux deux extrémités […] ou intercalées à l’intérieur de la primigenia par le Dolois [= fin du VIIIe siècle-début du IXe siècle] ». Il n’y a donc rien de « dilatoire » de ma part à considérer que l’hypothèse d’une « datation haute » de la première moitié du VIIe siècle demeure encore la plus plausible. Cf. Giot P.-R., Guigon Ph., Merdrignac B., Les Premiers Bretons d’Armorique, Rennes, PUR, 2003, p. 112.
33 Poulin J.-C., « La “Vie ancienne” de saint Samson de Dol comme réécriture (BHL 7478-7479) », Analecta Bollandiana, vol. 119 (2001), p. 290-291.
34 Flobert P. (éd.), La Vie ancienne de saint Samson de Dol, Paris, CNRS Éditions, 1997, p. 142-143, Prol. 2 : Et non solum hoc, sed etiam quamplura ac delicata de eius prodigiosis actibus quae citra mare in Britannia ac Romania mirabiliose fecit, uerba, supradictus sanctus diaconus Henocus nomine, congruis stilis polite ultra mare adportavit.
35 Senex (« l’ancien ») constitue aussi un titre honorifique s’appliquant à un abbé (cf. Duine F., Origines bretonnes. Etude des sources. II. La Vie de saint Samson. Sources, époque et langue de la Vita, Paris, 1914, p. 63). Flobert P., La Vie ancienne, op. cit., p. 143 n. 2-5, rappelle ce sens du terme senex et en relève des occurrences ailleurs dans la Vita (I., 12, 18, 20, 21), mais il ne retient pas cette traduction dans la mesure où il est ici question du « grand âge » de ce personnage.
36 Flobert P., La Vie ancienne de saint Samson de Dol, Paris, CNRS Éditions, 1997, p. 140-141, Prol. 2 : hoc quod [audivi ?– il manque ici un verbe restitué par l’éditeur] a quodam religioso ac uenerabili sene, in cujus domo, quam ultra mare ipse solus Samson fundaverat, ille, per octogenarios fere annos, catholicam religiosamque uitam ducens, propissimeque temporibus eiusdem supradicti sancti Samsonis, matrem eius tradidisse auunculo suo, sanctissimo diacono, qui et ipse diaconus consobrinus esset sancto Samsoni, mihi ueraciter adfirmabat multaque de eius admirabilibus gestis ad me misericorditer referens.
37 Burkitt F.-C., « Saint Samson of Dol », Journal of Theological Studies, t. 27 (1926), p. 48-49. Cf. Merdrignac B., « La première Vie de saint Samson », ibid., p. 246-247. Merdrignac B., « Henoc, les philosophi et Pental : remarques sur la Vita Ia Samsonis », in Le Menn G., Le Moing J.-Y. (dir.), Bretagne et pays celtiques. Langues, histoire, civilisation. Mélanges offerts à la mémoire de Léon Fleuriot, Rennes, PUR, Saint-Brieuc, Skol, 1992, p. 169-170.
38 Merdrignac B., « La première Vie de saint Samson », ibid., p. 250-251. Cf. Merdrignac B., « Une course en char dans l’hagiographie bretonne ? Saint Samson contre la theomacha », in Carey J., Herbert M. et O’Riain P. (éd.), Studies in Irish Hagiography : Saints and Scholars, Dublin, Four Court Press, 2001, p. 140-142, repris (et remanié) dans Merdrignac B., Les saints bretons entre histoire et légendes. Le glaive à deux tranchants, Rennes, Pur, 2008, p. 115-117.
39 Flobert P. (éd.), La Vie ancienne de saint Samson de Dol, ibid., p. 146-148, I, 1 : emendatioribus gestis ; cf. Grégoire le Grand, Homil. in Evang., 3, 3.
40 Duine F., Origines bretonnes, ibid., p. 65. Bur droit, ms. 471, fo 223.
41 Poulin J.-C., « La “Vie ancienne” de saint Samson de Dol comme réécriture (BHL 7478-7479) », Analecta Bollandiana, vol. 119 (2001), p. 290. Qu’il soit possible ou pas de mettre au jour des portions de Vita primigenia par Hénoc enchâssées dans la Vita Ia n’a pas d’implications pour le présent propos. En effet, le « traitement des réalités géographiques » ne peut servir à « départager » ce qui reviendrait à chacun le cas échéant, puisque l’un et l’autre auteur sont censés avoir travaillé à Dol selon Poulin J.-C. (ibid., p. 261-312) ; cf. id., L’hagiographie bretonne du Haut Moyen Âge, ibid., p. 313-320.
42 Merdrignac B., « La première Vie de saint Samson », ibid., p. 246.
43 Flobert P. (éd.), La Vie ancienne de saint Samson de Dol, ibid., p. 258-259, II, 11 : ille egregius sanctus de quo nobis mentio est et cuius festiuitas apud multos Brittannorum Romanorumque ultra citraque mare et ut ita dicam in caelo et in terra. On notera au passage cette juxtaposition de trois binômes qui rend d’autant plus improbable la définition de « trois régions » en Prol. 2 postulée par Coumert M. « Le peuplement de l’Armorique… », ibid., p. 30.
44 Coumert M. « Le peuplement de l’Armorique… », ibid., p. 31.
45 Flobert P. (éd.), La Vie ancienne de saint Samson de Dol, ibid., p. 136-137 : (42) De innumeris ac magnificis uritutibus quas in Europa per Samsonem Dominus operatus est ; ibid., p. 234-235, I, 61 : Perfectis itaque omnibus miracula tam in Brittania quam in Romania uirtutibus quae per eum Deus fecit.
46 Poulin J.-C., « La “Vie ancienne” de saint Samson de Dol comme réécriture », ibid., p 290-291.
47 L’éventualité de l’existence de deux strates rédactionnelles successives n’invalide pas ce tableau puisque dans cette hypothèse le Prologue et le livre II seraient l’œuvre du même remanieur dolois ; cf. Poulin J.-C., « La “Vie ancienne” de saint Samson de Dol comme réécriture », ibid., p. 268 et 274-275.
48 Coumert M. « Le peuplement de l’Armorique… », ibid., conteste à juste titre l’interprétation de Flobert P. (éd.), La Vie ancienne de saint Samson de Dol, ibid., p. 143 n. 5 selon qui Romania, en Prol. 2, désignerait la Grande-Bretagne. Mais comme du point de vue de cette historienne, « dans la plus ancienne Vie de Samson », Romania sert à désigner « le continent, tout comme Europa », cela induirait qu’en II, 11 les Bretons armoricains seraient englobés parmi les Romani… ce qui, évidemment, pose problème !
49 Flobert P. (éd.), La Vie ancienne de saint Samson de Dol, ibid., p. 233, n. 3 : « La Domnonée, au nord de la Bretagne est une fondation de la Domnonia cornouaillaise (le Devon). »
50 Gildas, DEB, 28,1 : immundae leanae Damnoniae tyrannicus catulus Constantinus. Voir infra p. 52.
51 Flobert P. (éd.), La Vie ancienne de saint Samson de Dol, ibid., p. 224, I, 53 : Unum tamen maximum ac mirabilium opus quod in hac Europa per eum Dominum fecit.
52 Flobert P. (éd.), La Vie ancienne de saint Samson de Dol, ibid., p. 232, 1, 59 : ita ut Commorum illum iniuste uiolentem uno ictu prostauerit et ipse postea in totam cum suis sobolis regnauerit Domnoniam.
53 Greg. Turon., Hist. Franc., V, 22 : His ita gestis, Samson, filius Chilperici regis iunior, a desenteria et febre conpraehensus, a rebus humanis excessit. Cf. Le Jan R., Famille et pouvoir dans le monde franc (VIIe-Xe siècle). Essai d’anthropologie sociale, Paris, PUPS, 1995, p. 189-190.
54 Chédeville A., « Francs et Bretons pendant la première moitié du VIe siècle », ibid., p. 912-913 qui fait toutefois remarquer, à l’encontre de l’hypothèse séduisante de Régine le Jan, que « la dynastie a utilisé des noms vétérotestamentaires sans référence particulière ».
55 La bibliographie est considérable et ne peut être débattue ici. Cf. Chédeville A., Guillotel H., La Bretagne des saints et des rois, Rennes, Ouest-France Université, 1984, p. 75-77. Bourgès A. Y., « Commor entre le mythe et l’histoire : profil d’un « chef » breton du VIe siècle », « Commor entre le mythe et l’histoire : profil d’un « chef » breton du VIe siècle », MSHAB, t. 74 (1996), p. 419-427.
56 Greg. Turon., Hist. Franc., IV, 4 : De Brinctanorum comitibus. Chanao quoque Brittanorum comes tres fratres suos interfecit. Volens autem adhuc Macliavum interfecere, conpraehensum atque catenis oneratum in carcere retinebat. Qui per Filicem Namneticum episcopum a morte liberatus est. Post haec iuravit fratri suo, ut ei fidelis esset ; sed nescio quo casu sacramentum inrumpere voluit. Quod Chanao sentiens, iterum eum persequebatur. At ille, cum se evadere non posse videret, post alium comitem regiones illius fugit, nomen Chonomorem.
57 Gildas, DEB, 30 : Quid tu quoque, ut propheta ait, catule leonine, Aureli Canine, agis ? * Kon-mor, signifiant « grand chien », serait donc le surnom d’un membre de la puissante famille brittoromaine des Marci Aureliani qui paraît avoir tenu un rôle déterminant dans l’émigration bretonne. Le prologue de la Vita de saint Goueznou (XIIe siècle ?) glose canica capite (« tête de chien ») le surnom de pengonet revendiqué par les habitants du Léon. Cf. Bourgès A.-Y., « Les origines fabuleuses de la famille Du Chastel », in Le Trémazan des Du Chastel, du château fort à la ruine, Brest, CRBC, 2004, p. 29-44. Sur le « sobriquet » catule leonine appliqué par Gildas à Aurelius Caninus, cf. Kerlouégan F., Le De excidio Britanniae de Gildas, ibid., p 502-503. Pour ma part, je me contente de relever ici, dans dom Morice, Preuves, I, 170, une formule de la Lettre de Henri de Huntingdon († 1160) : Octavius dedit filiam et regnum Maximi filio Leonini, avunculi Helena, qui appellerait sans doute des recherches ultérieures.
58 Contra, Coumert M., « Le peuplement de l’Armorique… », ibid., p. 34.
59 Cf., par ex., Chédeville A., « Francs et Bretons pendant la première moitié du VIe siècle : avant la rupture », in Rouche M. (dir.), Clovis, Histoire & mémoire. Actes du colloque international d’histoire de Reims. Septembre 1996, t. 1. Le Baptême de Clovis, l’événement, PUPS, 1997, p. 906.
60 Merdrignac B., « L’insularité des miracles de saint Magloire », in Racinet Ph. (dir.), Les religieux et la mer. Actes du colloque de Lille-Baie de Somme (21-23 septembre 2001), Histoire Médiévale et Archéologie, année 2004, vol. 16 p. 77-93 ; id., Les saints bretons entre histoire et légendes. Le glaive à deux tranchants, PUR, Rennes, 2008, p. 164-165.
61 Flobert P. (éd.), La Vie ancienne de saint Samson de Dol, ibid., p. 26, n. 34 et p. 67. Un rapprochement s’impose avec le terme gallois udd (= « seigneur »), entrant en composition dans les noms Iudael, Iudicael, Iudwal, voire Iudimacle (si l’on rectifie ainsi la forme Vidimacle de l’Historia Francorum, IX, 18). Cf. LOTH J., « Notes étymologiques et lexicographiques », RC, 40 (1923), p. 342 ; Lambert P.-Y., EC, 30 (1994), p. 275.
62 Gildas, DEB, 27 (41, 5). Kerlouégan F., Le De excidio Britanniae de Gildas, ibid., p. 562 considère comme « significative » l’opposition iudices vs impios, pour éclairer la distinction rex vs tyrannus. Dans l’Historia Brittonum (8) attribuée à Nennius, iudex paraît synonyme de rex. Cf. Morris J. (éd.), Nennius : British History and the Welsh Annals. History from the Sources 8. London and Chichester : Phillimore, 1980, p. 59 : Sic in proverbio antiquo dicitur quando de iudicibus vel regibus sermo fuit : « Iudicavit Britanniam cum tribus insulis ».
63 Jérôme : Ep. CXXV, 15 : Iudex unus provinciae. Cf. Reydellet M. La royauté dans la littérature latine de Sidoine Apollinaire à Isidore de Séville, Rome, École française de Rome, Paris, de Boccard, 1981 p. 42, n. 61.
64 Theis L., Clovis de l’histoire du mythe, Paris, Complexe, 1996, p. 81, n. 30, cité par Chédeville A., « Francs et Bretons pendant la première moitié du VIe siècle », ibid., p. 906.
65 Niermeyer J.-F., Lexicon, sv. Greg. Tur., HF, 6, 46 : De interitu Chilperici regis : Et in praeceptionibus, quas ad iudicis pro suis utilitatibus dirigebat, haec addebat : « Si quis praecepta nostra contempserit, oculorum avulsione multetur ». HF 7, 42 : De virtute sancti Martini : Post haec edictum a iudicibus datum est, ut qui in hac expeditione tardi fuerant damnarentur. Cette acception du terme est récurrente dans les décrets et conciles du VIe siècle.
66 Chédeville A., « Francs et Bretons pendant la première moitié du VIe siècle », ibid., p. 906.
67 La seule alternative serait de reléguer Commore/Chonomor soit en Poher, soit en Léon, comme l’ont fait ultérieurement certains hagiographes. Cette interprétation reprise par certains chroniqueurs et quelques historiens est cependant à écarter puisque rien n’indique l’existence de ces entités politiques à haute époque. Contra, Tanguy B., « Les premiers temps médiévaux », in Le Gallo Y. (dir.), Le Finistère de la Préhistoire à nos jours, Saint-Jean d’Angély, Bordessoules, 1991, p. 89.
68 Flobert P. (éd.), La Vie ancienne de saint Samson de Dol, ibid., p. 232, I, 60 : […] et quantum inudiae blasphemiaeque, maxime a sacerdotibus prauis, pertulerit.
69 Flobert P. (éd.), La Vie ancienne de saint Samson de Dol, ibid., p. 233, 60, n. 3.
70 Giot P.-R., Guigon Ph., Merdrignac B., Les Premiers Bretons d’Armorique, ibid., p. 97-100. Merdrignac B., « Généalogies et secrets de famille », in Lemoine L. et Merdrignac B. avec la collab. de Calarnou A. (éd.), Corona Monastica. Mélanges offerts au père Marc Simon. Britannia Monastica 8, Pur-cirdomoc, Rennes, 2004, p. 311-322.
71 Greg. Turon., Hist. Franc., V, 16. MGH, Script. Rer. Mer., I, 1, p. 214.
72 Coumert M. « Le peuplement de l’Armorique… », ibid., p. 22.
73 Cf. Jankulak K., notices « Cornovii », « Cornwall » et « Dumnonia », « Dumnonii », in C. A Snyder, Early Peoples of Britain and Ireland : An Encyclopedia, Greendwood World Pub., Oxford/Wesport-Connecticut, 2008, 2 vol., p. 160-162 et 196-198.
74 Gildas, DEB, 28,1 : immundae leanae Damnoniae tyrannicus catulus Constantinus. Chez Gildas (comme montre Kerlouégan F., Le De excidio Britanniae de Gildas, ibid., p. 562-563 et « Notes », p. 215-216) le terme tyrannus s’applique à un pouvoir de fait se substituant sans mandat, mais dans les formes, à l’autorité défaillante de l’empire romain.
75 Aldhelmi Opera. MGH, AA, 15, p. 524-525, vers 8 à 12 : « Quando profectus fueram/usque diram Domnoniam/per carentem Cornubiam/Florulentis cespitibus/Et foecundis graminibus/Elementa inormia/Atque facta informia/Quassantur sub aethera/Convexi celi camara/Dum tremet mundi machine/Sub ventorum monarchia ». Giot P.-R., in Giot P.-R., Guigon Ph., Merdrignac B., Les Premiers Bretons d’Armorique, ibid., p. 57 se contentait de noter qu’« on comprend mal pourquoi quelqu’un de Malmesbury trouverait la Domnonée “sinistre” et “aimerait davantage le Cornwall” ». Peutêtre se demandait-il si Aldhelm envisageait ici la Cornouaille continentale ? Mais, il ne s’en est pas ouvert à ses coauteurs et, avec prudence, il n’est pas allé jusqu’à formuler explicitement cette hypothèse !
76 Coumert M. « Le peuplement de l’Armorique… », ibid., p. 22-24.
77 Cf. Jankulak K., notices « Cornovii », « Cornwall » et « Dumnonia », « Dumnonii », in Snyder C. A, Early Peoples of Britain and Ireland : An Encyclopedia, ibid., p. 160-162
78 Sur Constantin, « figurant de l’hagiographie pan-britonnique », cf. Kerlouégan F., Le De excidio Britanniae de Gildas, ibid., p. 502-506 qui renvoie en « Notes » (p. 181, n. 36) à Chadwick N. K., « Anote on Constantine prince of Devon », in Chadwick N. K. et al., Studies in Early British History, Cambridge, reprint. 1959, p. 56-60. Voir aussi Duine F., Mémento des sources hagiographiques de l’histoire de Bretagne. Première partie : les fondateurs et les primitifs du Ve au Xe siècle, Rennes, 1918, § 228, p. 177-178.
79 Bromwich R., Trioedd Ynys Prydein. The Welsh Triads, Cardiff, University of Wales Press, 1978, p. 314-315, sv « Custenin Vendigeit » et p. 356-358, sv « Gereint m. Erbin ».
80 Giot P.-R., Guigon Ph., Merdrignac B., Les Premiers Bretons d’Armorique, Rennes, ibid., p. 57. Cf. Coumert M., « Le peuplement de l’Armorique… », ibid., p. 40-41.
81 Courson A. de (éd.), Cartulaire de l’abbaye de Redon en Bretagne ; Paris, 1863, Appendix XXXI, p. 366 (cf. dom Lobineau, Hist. Britann., t. II, col. 58). Sans précision de siège, Anaweten episcopus souscrit encore à la charte XXX (datée de 862 par H. Guillotel) ; cf. Chédeville A., Guillotel H. et Tanguy B. (éd.), Cartulaire de l’abbaye Saint-Sauveur de Redon, t. I, Rennes, Association des Amis des Archives historiques du diocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo, 1998, fo 54 du fac-similé (cf. Quaghebeur J., La Cornouaille du IXe au XIIe siècle, ibid., p. 179). Duchesne L., Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule. t. II, L’Aquitaine et les Lyonnaises, ibid., p. 82, l’identifie avec le successeur de Felix (Aneweten ou Huarnuethen) qui figure en no 6 dans le Catalogue des évêques de Quimper ; Quaghebeur J., La Cornouaille du IXe au XIIe siècle, ibid., p. 88 distingue par contre Aneweten (milieu du IXe siècle) et Huaruuethen attesté au début du Xe siècle dans l’acte 24 du Cart. de Landévennec. Voir Guillotel H., in Chédeville A., Guillotel H., La Bretagne des saints et des rois, ibid., p. 305-306.
82 La borderie A. de, Cartulaire de l’abbaye de Landévenec. 1 : Texte du cartulaire, avec notes et variantes, publié pour la Société archéologique du Finistère, Rennes, 1888, p. 181 précise que ce titre n’intervient que dans le ms. 5610A de la BnF qu’il corrige en cornugallensis. Duine F. Memento, ibid., § 7, p. 48 fait toutefois remarquer que cette rectification ne se justifie pas puisque la forme cornugillensis revient dans la lettre à Jean d’Arezzo (voir infra).
83 Cf. Garavaglia C., Les relations entre la Bretagne et l’Italie (VIe-XIe siècle), Rennes 2, mémoire de DEA, sous la direction de B. Merdrignac, dactyl., 2002-2003, p. 79 : Notitia consolationis vestre erga fratres nostros […] nostras ad usque devenit regiones qui cornugillensem atq (ue) brittanicum iuxta considimus pontum.
84 Garavaglia C., Les relations entre la Bretagne et l’Italie (VIe-XIe siècle), ibid., p. 86 : [JC] cornubentibus in fine mundi positis, minus idoneis, extremis Galliarum sanctum direxit atque occiduis in partibus Winualoeum. La Borderie A. de, Cartulaire de l’abbaye de Landévenec…, ibid., p. 129 : cornubiensibus [en fait, cornubensibus, vérifié par moi sur le ms. BM Quimper, 16, f. 130vo]. Cf. Morice Y., L’abbaye de Landévennec des origines au XIe siècle à travers la production hagiographique de son scriptorium, thèse dactyl., sous la direction de B. Merdrignac, Rennes 2, 2007, p. 342. Je remercie Mme A. Le Hüérou de m’avoir aidé à cerner la portée de l’expression minus idoneis : « les moins appropriés » (= « qui ne le méritaient pas », « pas adaptés »). L’ethnonyme Cornubensium est repris par Wrdisten dans le titre du ch. II, 15 (De humili Gradloni Cornubensium regis apud eundem et familiari allocutione) où il paraît synonyme de Cornubiorum (vers 3 : moderator Cornubiorum).
85 Cf. Poulin J.-C., L’hagiographie bretonne du haut Moyen Âge, ibid., p. 430.
86 La Borderie A. de, Cartulaire de l’abbaye de Landévenec…, ibid., p. 149 […] ita etiam et de insula Thopopegia pergentem siccis pedibus cum undecim fratribus per profundum pelagus, quousque Cornubiam deveniret.
87 La Borderie A. de, Cartulaire de l’abbaye de Landévenec…, ibid., p. 60 : II, 3 : […] per pagos ad occidentem versus Domnonicos transiens circaque Cornubie confinium perlustrans, tandem in insula quae Thopepigia nuncupatur cum supradictis comitibus prospere hospitatus est. Cf. Coumert M., « Le peuplement de l’Armorique… », ibid., p. 37-38.
88 Simon M., « Les hagiographes de Landévennec au IXe siècle, témoins de leur temps », in Le Menn G. et Le Moing J.-Y. (éd.), Bretagne et pays celtiques, ibid., p. 185. Cf. Poulin J.-C., L’hagiographie bretonne du haut Moyen Âge, ibid., p. 408.
89 Simon M., « Les hagiographes de Landévennec au IXe siècle témoins de leur temps », ibid., p. 183 (Vita major Winwaloei, II, 15 : moderator Cornubiorum ; II, 19, Cornubiae proceres […] Cornubiae patria ; II, 21 : Haec est Cornubia ; Vita versificata, 22 : Cornubia egregia).
90 Un calendrier de Landévennec du début du Xe siècle (Copenhague, ms. Thott 239, v. 908-955) commémore au 28 avril le natale de saint Guénolé : « III kal. Maii. In cornu Galliae natale sancci UUinualoei confessoris ». Sur ce calendrier voir Simon M., « Les hagiographes de Landévennec au IXe siècle, témoins de leur temps », ibid., p. 183. Cf. Duine F., « Bréviaires et missels des églises et abbayes bretonnes de France antérieures au XVIIIe siècle », BMSAIV 35 (1906), p. 138-140 ; en fait, il y a confusion entre natale et translatio : voir Morice Y., L’abbaye de Landévennec des origines au XIe siècle, ibid., p. 382.
91 Simon M., « Les hagiographes de Landévennec au IXe siècle, témoins de leur temps », ibid., p. 183 ; Tanguy B., « Les premiers temps médiévaux », in Le Gallo Y. (dir.), Le Finistère de préhistoire à nos jours, ibid., p. 93. Reprise dans la version adressée à Jean d’Arezzo, cette formulation pourrait traduire le souci de l’auteur de se placer du point de vue de ce correspondant, qui était un haut dignitaire de la cour de Charles le Chauve. Cf. Delumeau J.-P., Arezzo, espace et sociétés, 715-1230, Rome, École Française de Rome, 1996, t ; 1, p. 491-494.
92 Simon M., « Les hagiographes de Landévennec au IXe siècle, témoins de leur temps », ibid., p. 183-185.
93 Voir Merdrignac B., « Aux « extrémités de la Gaule », la Cornouaille » (à paraître). Dans Chédeville A., Guillotel H., La Bretagne des saints et des rois, ibid., p. 392-393, Hubert Guillotel hésitait sur la portée du terme Cornu Galliae chez Flodoard et évitait de trancher catégoriquement : « S’agit-il de l’extrémité de la Gaule, en d’autres termes de la péninsule armoricaine, de la Bretagne historique, ou de la Cornouaille ? »
94 Rappelons que d’après Guillotel H., in Chédeville A., Guillotel H., La Bretagne des saints et des rois, ibid., la dénomination de Cornu Galliae étant alors en passe de se substituer alors à celle de Poher ; voir aussi Quaghebeur J., La Cornouaille du IXe au XIIe siècle, ibid., p. 12-13. La Vita Wenaili, lect. 6, mentionne la terra quae Cornugallia dicitur (cf. Morvannou F., Saint Guénaël. Études et documents, Britannia Monastica, t. 4 (1997), p. 90). Mais sa datation est controversée. Morice Y., L’abbaye de Landévennec des origines au XIe siècle…, ibid., p. 125-135, la place au IXe siècle avec des arguments séduisants ; contra Poulin J.-C. L’hagiographie bretonne du haut Moyen Âge, ibid., p. 385-386.
95 Cf. Bourgès A.-Y., Le dossier hagiographique de Saint Mélar. Textes, traduction, commentaires, Britannia Monastica 5 (1997), p. 158-159.
96 Tanguy B., « Les premiers temps médiévaux », in Le Gallo Y. (dir.), Le Finistère de la Préhistoire à nos jours, ibid., p. 93.
97 Le terme se décompose entre un premier élément « corn » d’origine celtique (d’où dérive l’ethnonyme Cornovii) et un second élément « wealas » désignant les « étrangers » en vieil anglais (cf. angl. Welsh) qui s’applique aux Bretons en général (Bretwalas/Brytwalas) dans la Chronique anglo-saxonne et qui rend compte aussi du nom du Pays de Galles (Norðwealum/Norðwalum) et de celui du Strathclyde (Stræcledweala/Stręcledwalas).
98 Voir Merdrignac B., « Aux “extrémités de la Gaule”, la Cornouaille » (à paraître). Pour des raisons de commodité, on a utilisé l’édition électronique par Jebson T. dont le site « The Anglo-Saxon Chronicle : An Electronic Edition » (en ligne : http://asc.jebbo.co.uk/intro.html) est hautement recommandable.
99 Morris J., The Age of Arthur. A History of the British Isles from 350 to 650, London, Phoenix Press, reprint, 2001, p. 254.
100 La Borderie A. de, Cartulaire de l’abbaye de Landévenec…, ibid., p. 81-82, II, 19 : Quam bene candelis splendebant culmina ternis/Cornubiae, proceres cum terni celsa tenebant/[…] Jamque tamen ternos precesserat ordine sanctus/Eximius istos Tutgualus nomine, clarus/Cum meritis monachus, multorum exemplar habendus/[…] Ast igitur fulchris tunc eminet alta quaternis/Cornubiae patria, rerum quoque copia plena.
101 La Borderie A. de, Cartulaire de l’abbaye de Landévenec…, ibid., p. 7. Morice Y., L’abbaye de Landévennec des origines au XIe siècle, ibid., p. 343-344.
102 Martin H., Merdrignac B., Culture et sociétés dans l’Occident médiéval, Gap-Paris, Ophrys, 1999, p. 178.
103 Davies W., An Early Welsh Microcosm : Studies in the Llandaff Charters, London, Royal Historical Society 1978, p. 2-6, en part. p. 5.
104 Davies W., The Llandaff Charters, ibid., p. 181 : Finitis tribus annis requisiuit ueniam apud beatum Oudoceum data ei uenia misit eum in peregrinationem usque ad archiepiscopum Dolensem in Cornugalliam propter ueteram amicitiam & cognitionem quam sancti patres habuerant antecessores sui inter se sanctus Teliaus uidelicet et sanctus Samson archiepiscopus primus dolensis ciuitatis. Et propter aliam causam eo quod ipse Guidnerth et brittones & archiepiscopus illius terrę essent unius linguę et unius nationis quamuis diuiderentur spatio terrarium. Cf. la trad. par Fleuriot L., A Dictionary of old breton - Dictionnaire du vieux breton. Part 1, Toronto, 1985, p. 13 : « car Guidnerth lui-même et les Bretons et l’archevêque de cette terre étaient de la même langue et de la même nation, bien qu’ils fussent séparés par la distance ». Voir Loth J., L’Émigration bretonne en Armorique du Ve au VIIe siècle de notre ère, Slatkine reprint, Paris-Genève, 1980, p. 173.
105 Davies W., The Llandaff Charters…, ibid. : De qua Anaumed nati sunt sibi Ismael et Tyfei martir iacens in Pennalun. Ismael est l’éponyme de St. Ishmael (près de Milford Haven, Pembrokeshire, Wales) et de St. Ishmael (Llanishmael, Carmarhenshire) et Tyfei, enterré à Penaly (près de Caldey Id, Pembrokeshire), serait le patron de Llamphey (Pembrokeshire = Lantefei chez Giraud de Barry). Cf. Rees R., An Essay on the Welsh Saints, London, 1836, p. 252. Doble G. H., Evans D. S., Lives of the Welsh saints, Cardiff, University of Wales Press, 1971, p. 211.
106 Evans J G. et Rhys J., Text of the Book of Llan Dav Reproduced Diplomatically from the Twelfth Century Gwysaney Manuscript, Aberystwyth, National Library of Wales, (nouv. éd.) 1979, p. 131 : Fuit uir Budic filius Cybrdan natus de Cornugallia qui in Demeticam regionem tempore Aircollauhir regis eiusdem regni uenit cum sua classe expulsus patria sua. Qui cum moraretur in patria accepit sibi uxorem Anauued nomine filiam Ensic. Cf. Bartrum P.-C., Early Welsh Genealogical Tracts, Cardiff, University of Wales Press, 1966, p. 28. Fac-similé en ligne, Liber Landavensis (NLW MS 17110E), digital version : http://digidol.llgc.org.uk/METS/LIB00001/physical?div=0&subdiv=0&locale=en&mode=thumbnail.
107 Evans J G., Rhys J., Text of the Book of Llan Dav…, ibid., p. 131 : Facto ab illis consilio uno ore audita legatione et accepta affectuose accepit uxorem suam pregnantem cum tota familia sua et classe applicuit in patria et regnauit per totam armoricam terram.
108 Evans J G., Rhys J., Text of the Book of Llan Dav…, ibid., p. 132 : Venit divina uox ad sanctum Teliaum ut cum suis clericis et populo iret Cornugalliam quae postea uocata est Cerniu Budic.
109 Doble G. H., Evans D. S., Lives of the Welsh saints, ibid., p. 210-211. Voir Merdrignac B., « Bro Erec et Cerniu Budic : de l’Historia Francorum de Grégoire de Tours à la Vita Oudocei dans le Liber Landavensis » (à paraître).
110 Le Baud P., Histoire de Bretagne, Paris, 1638, p. 70.
111 Quaghebeur J., La Cornouaille du IXe au XIIe siècle, ibid., p. 108.
112 Greg. Tur., HF., V, 16 : De interitum Macliavi - In Brittanis haec acta sunt. Macliavus quondam et Bodicus Brittanorum comites sacramentum inter se dederant, ut, quis ex eis superviveret, filius patris alterius tamquam proprius defensaret. Mortuus autem Bodicus reliquit filium Theudericum nomen. Quem Macliavus, oblitus sacramenti, expulsum a patria, regnum patris eius accipit. Hic vero multo tempore profugus vaguusque fuit. Cui tandem misertus Deus, collectis secum a Brittania viris, se super Macliavum obiecit eumque cum filio eius Iacob gladio interemet partemque regni, quam quondam pater eius tenuerat, in sua potestate restituit ; partem vero aliam Warochus, Macliavi filius, vindicavit. Cf. Chédeville A., Guillotel H., La Bretagne des saints et des rois, Rennes, Ouest-France Université, 1982, p. 72.
113 Chédeville A., in Chédeville A., Guillotel H., La Bretagne des saints et des rois, ibid., p. 61 émettait l’hypothèse d’un rapport éventuel avec la révolte de Chramne en 558 contre son père Clotaire (cf. Grégoire de Tours, HF, IV, 20).
114 Chédeville A., « Francs et Bretons pendant la première moitié du VIe siècle », ibid., p. 907. Cf. Quaghebeur J., La Cornouaille du IXe au XIIe siècle, ibid., p. 11
115 Doble G. H. et Evans D. S., Lives of the Welsh saints, ibid., p. 211, remarquent que le dernier des trois Budic mentionnés dans la liste comtale succède, dans la version de celle-ci transmise par le Cartulaire de Landévennec, à Diles Heirgor Chebre. (Kembre dans les versions des Cartulaires de Quimper et de Quimperlé : « l’exilé de Cambrie ») ; d’où l’hypothèse selon laquelle le nom de Cybrdan donné par la Vita Oudocui au père de Budic serait une vague réminiscence (an imperfect reminiscence) de ce surnom. En fait, Budic Budberhuc (= Budic Castellin, selon le Cartulaire de Quimperlé) est le premier des comtes de Cornouaille connu avec certitude ; son décès doit prendre place entre 1008 et 1019. Cf. Quaghebeur J., La Cornouaille du IXe au XIIe siècle, ibid., p. 106-114.
116 Fleuriot L., Les origines de la Bretagne, ibid., p. 190. Chédeville A., Guillotel H., La Bretagne des saints et des rois, ibid., p. 78.
117 Huc rediens, Marchel interfecit et paternum consulatum recuperavit Dans le Cartulaire de Landévennec (XIe siècle) cette mention constitue une addition interlinéaire, apparemment du XIIIe siècle, au-dessus du nom de Iahan Reith. Dans celui de Quimperlé, elle passe de Iahan Reith à Budic : Budic et Maxenri duos fratres. Horum primus rediens ab Alamania […] ; dans la version, plus tardive, du Cartulaire de Quimper (XIVe siècle) Budic devient Benedic.
118 Maitre L., Berthou P. DE, Cartulaire de l’abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé. 2e édition, revue, corrigée, augmentée, Rennes-Paris, 1904, p. 89-90. Le Cartulaire de Landévennec porte : qui fuit rex Alamanie.
119 Giot P.-R., Guigon Ph., Merdrignac B., Les Premiers Bretons d’Armorique, ibid., p. 80 : Dans le De Gubernatione Dei (Ve siècle) de Salvien, on rencontre déjà la confusion Alani/Alamani/Albani !
120 Chédeville A., Guillotel H., La Bretagne des saints et des rois, ibid., p. 78.
121 Sur les échanges entre Llandaf et Quimperlé, voir Tanguy B., « De la Vie de saint Cadoc à celle de saint Gurthiern », EC 26 (1989), p. 173-175 ; id., « D’Anaurot à Kimper Ellé. La Vita sancti Gurthierni », in L’Abbaye Sainte-Croix de Quimperlé des origines à la Révolution. Actes du colloque de Quimperlé (2-3 octobre 1998), Brest-Quimperlé, CRBC - Association des amis de l’Abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, 1999, p. 20-23.
122 Bartrum P.-C., Early Welsh Genealogical Tracts, ibid., p. 14 : In initio temporum erat Teuderic rex illius regione qui quondam uenit in Garth Matrun […] Teuderic uero dixit ad Marchell filiam suam…
123 Largillière R., Six saints de la région de Plestin ; Saint Haran, saint Karo, saint Tudor, saint Nérin, saint Kemo, saint Kirio. Essai d’hagiographie bretonne, Rennes, 1922, p. 57, n. 1, rappelle, à la suite de Loth J. (éd.), Les Mabinogion, t. 2, Paris, 1913, p. 333 et n. 2, que ce personnage, homonyme du saint breton Tudor, n’a aucun rapport avec Tewdwr, père de Rhys ap Tewdwr († 1093), roi de Deheubarth, dont le nom comporte l’élément dubr (« eau »). C’est de la souche de Rhys ap Tewdwr que serait issue la dynastie Tudor.
124 Dumville D. N., Histories and Pseudo-Histories of the Insular Middle Ages, London, Aldershot, 1990 ; CAREY J. The Irish National Origin-Legend. Synthetic Pseudohistory. Dublin, 1994. Sur cette « pseudo-histoire synthétique », cf. Lambert P.-Y., « Le Livre des Conquêtes de l’Irlande », in Coumert M. et Tétrel H. (dir.), Histoires des Bretagnes…, ibid., p. 84-88.
125 Fleuriot L., « Old Breton Genealogies », Bulletin of the Board of Celtic Studies, t. 26. (1974), p. 1-6 ; Merdrignac B. dans Giot P.-R., Guigon Ph., Merdrignac B., Les Premiers Bretons d’Armorique, ibid., p. 97-100 ; id., « Généalogies et secrets de famille », in Lemoine L. et Merdrignac B. (éd.), Corona Monastica. Moines bretons de Landévennec : histoire et mémoire celtiques. Mélanges offerts au père Marc Simon, Rennes, PUR, 2004, p. 275. Cf. Davies W., Wales in the Early Middle Ages, Leicester University Press, reprint 1989, p. 95-99.
126 Manifestement corrompues par les copistes successifs, les listes généalogiques ont été copiées à la fin du XIVe siècle dans le manuscrit Jesus College ms. 20 à partir d’une source, peut-être antérieure à 1200. Celle-ci s’est servie de matériaux utilisés aussi par l’auteur la Vita de saint Cadoc qui étaient disponibles simultanément à Sainte-Croix de Quimperlé. Le document provient sans doute du Sud Galles, étant donné son intérêt pour la descendance de Brychan (Plant Brychan) et pour les origines de la dynastie du Morgannwg (Ach Morgan ab Owain). Cf. Bartrum P.-C., Early Welsh Genealogical Tracts, ibid., p. 41-42.
127 Bartrum P.-C., Early Welsh Genealogical Tracts, ibid., p. 45, § 9-16.
128 Chédeville A., « Francs et Bretons… », ibid., p. 901.
129 Duine F., Memento, ibid., p. 127, n. 1 ne résiste pas au plaisir de relever un savoureux récit de châtiment. Moi non plus ! Cf. AASS, Mar., vol. III, p. 459, III, 17 : Super sarcophagum venerabilis cuiusdam episcopi qui de contubernalis fuerat regis Clitonis, corruptor quidam gremia cuiusdam mulieris incestare praesumpsit qui more canum in ipso opere turpitudinis inseparabiliter copulati, nulla poterant ratione ab inuicem separari. Adducuntur tandem ad memoriam martyris gloriosi Guigneri ubi merito testis Christi et intercessione fidelium liberantur. Duine F. qualifiait ce miracle d’« unique dans l’hagiographie bretonne ». Doble G. H., « Saint Gwinear », The Saints of Cornwall. Part 1, ibid., p. 105, n 6 fait allusion à un épisode analogue dans la Vie Tripartite de saint Patrice et fait le parallèle avec le conte folklorique « The Golden Goose » (AT. 571 : All Stick Together). Le même motif facétieux intervient dans un poème anglais du XIVe siècle « The tale of the Basyn » (Thompson S., The Folktale, Bekerley & Los Angeles, University of California Press, reprint 1978, p. 154). La culture impeccable de l’abbé Duine lui permet donc de replacer intuitivement cet exemplum dans son contexte historico-culturel quand il le qualifie à juste titre d’« historiette à l’usage des pèlerins de Chaucer ». C’est cette « citation d’hagiographe reproduite en latin » qu’Hippolyte Vatar, l’imprimeur rennais du Memento de Duine F., a eu la velléité de supprimer « parce qu’elle offensait sa pudeur ». Voir Heudré B., avec la collab. de DUFIEF A. (éd.), Souvenirs et observations de l’abbé François Duine, Rennes, PUR, 2010, p. 289, n. 3.
130 Orme N., The Saints of Cornwall, Oxford University Press, 2000, p. 136-137 ; p. 105. Contra Duine F., Memento, ibid., p. 127. Tanguy B., « Cornou, une ancienne paroisse disparue », in Charpiana. Mélanges offerts par ses amis à Jacques Charpy, Rennes. Fédération des sociétés savantes de Bretagne, 1991, p. 576 ne tranche pas entre l’origine cornique ou bretonne de l’auteur. La Vita a parfois été attribuée fautivement à Anselme de Cantorbéry ; cf. Jankulak K., « Fingar/Gwinear/Guigner : an “Irish” Saint in Medieval Cornwall and Brittany », in CAREY J., Herbert M., et Riain P. Ó (éd.), Saints and Scholars : Studies in Irish Hagiography, Dublin, Four Courts Press, 2001, p. 123.
131 Duine F., Memento, ibid. Tanguy B., « Cornou… », ibid., p. 576.
132 AASS, Mar., vol. III, p. 456, prol. : « vitam quam prius brevibus notulis retinebas… »
133 Cf. Doble G. H., « Saint Gwinear », The Saints of Cornwall. Part 1, Saints of the Land’s End District, reprint, Felinfach, Llanerch Publishers, 1997, p. 110, « a fancy of the middle ages ». Orme N., The Saints of Cornwall, ibid., p. 137.
134 AASS, Mar., vol. III, p. 456, I, 1 : « Patricius, cum in Cornubiae partibus sanctis actibus moraretur intentus, admonitus est voce angelica ut Hiberniae insulam fidem Christi in ea praedicaturus adiret. » Selon l’hagiographe ce serait donc, curieusement, à partir du Cornwall où il aurait alors résidé que saint Patrice aurait entrepris sur l’injonction un ange d’évangéliser l’île voisine. Cet écart par rapport à la tradition patricienne commune rend peut-être compte confusément de l’influence d’un substrat irlandais (a small high-status irish presence) aux Ve-VIe siècles à l’extrême ouest du Cornwall confirmé par des données archéologiques.
135 Delamarre X., Nomina Celtica Antiqua Selecta Inscriptionum (Noms de personnes celtiques dans l’épigraphie classique), Paris, Errance, 2007, p. 67, sv Clito : Nertomarus Clitonis, PI, Wiener Neustadt, III-4552 ; N Clito SIIAPI IA […]P[…]O[…]SSA[…]I sttl, Lusit. Casais de Capela, 1991-948. Les Annales Cambriae enregistrent en 919 la mort d’un roi nommé Clydog : Clitauc rex occisus est ; cf. Morris J. (éd. et trad.), Nennius, ibid., p. 90.
136 Le radical clut, clot existe, en effet, en vieux-breton avec le sens de « renommée » et le second élément pourrait être le mot rix : « roi ». Cf. Delamarre X., Nomina Celtica Antiqua Selecta Inscriptionum, ibid., p. 68, sv Clutorix,-rigus. Je remercie Bernard Tanguy qui m’a aimablement encouragé à explorer cette hypothèse.
137 Voir Merdrignac B., « Épigraphie, hagiographie et généalogies durant le haut Moyen Âge. Des pouvoirs en quête de légitimation de part et d’autre de la Manche » (à paraître).
138 Cf. le site du Celtic Inscribed Stones Project mis en ligne par le Department of History et l’Institute of Archaeology - University College London (en ligne : http://www.ucl.ac.uk/archaeology/cisp/database/)
139 Selon Thomas C., And Shall These Mute Stones Speak ?, ibid., p. 80, Triphun est la transcription irlandaise de Tribunus tandis qu’Aircol est la transcription brittonique d’Agricola.
140 Kerneis S., Les Celtiques, ibid., p. 223-225. Thomas C., And Shall These Mute Stones Speak ?, ibid., p. 80-81.
141 Evans J G., Rhys J., Text of the Book of Llan Dav, ibid., p. 131 : Fuit uir Budic filius Cybrdan natus de Cornugallia qui in Demeticam regionem tempore Aircollauhir regis eiusdem regni uenit cum sua classe expulsus patria sua. Qui cum moraretur in patria accepit sibi uxorem Anauued nomine filiam Ensic. Cf. P.-C. Bartrum, Early Welsh Genealogical Tracts, ibid., p. 28. Fac-similé en ligne, Liber Landavensis (NLW MS 17110E), digital version : http://digidol.llgc.org.uk/METS/LIB00001/physical?div=0&subdiv=0&locale=en&mode=thumbnail. Voir Merdrignac B., « Bro Erec et Cerniu Budic : de l’Historia Francorum de Grégoire de Tours à la Vita Oudocei dans le Liber Landavensis » (à paraître).
142 Pearce S.-M., The Kingdom of Dumnonia : Studies in History and Tradition in South Western Britain (A. D. 350-1150), Padstow, Lodenek Press, 1978, p. 159-168. Thomas C., And Shall These Mute Stones Speak, ibid., p. 188-195. Pour de plus amples développements, voir Merdrignac B., « Épigraphie, hagiographie et généalogies durant le haut Moyen Âge », ibid. (à paraître).
143 AASS, Mar., vol. III, p. 456, I, 3 : « Quo audito iudex Britanniae in terram suam novas accolas aduentasse, eos sibi exhiberi praecepit. »
144 justitiarius, sv (par Du Cange C., 1678), in Du Cange et al., Glossarium mediae et infimae latinitatis, éd. augm., Niort : L. Favre, 1883-1887, t. 4, col. 476b. (en ligne : http://ducange.enc.sorbonne.fr/IUSTITIARIUS1). Cf. Boussard J., « CR de F. West, The justiciarship in England. 1066-1232, Cambridge, University Press, 1966 », in Bibliothèque de l’école des chartes, no 126-1 (1968), p. 280-283.
145 Tanguy B., « Cornou… », ibid., p. 578 − Le fait que l’hagiographe n’éprouve pas le besoin de localiser la paroisse concernée constitue un argument − a contrario − en faveur de l’origine bretonne de la Passio. En effet, les « fidèles » destinataires de ce texte n’avaient pas besoin qu’on leur dise où ils habitaient. Cf. : AASS, Mar., vol. III, p. 459, III, 18 : Haec ego servus Christi Iesu Anselmus de passione sanctorum et virtutibus martyris pretiosi Guigneri, juxta fidem narrantium, brevi stylo digessi ut habeant fideles qui eius spirituali titulo gloriantur quibus se lectionibus occupent et patroni proprii fortia gesta cognoscant. Je suis redevable du mot à mot de ce passage à Mme Armelle Le Hüérou que je remercie vivement : « Moi serviteur du Christ Jésus, Anselme, c’est en un style concis que j’ai traité ce qui concerne la passion des saints et les vertus du précieux martyr Guigner selon la foi de ceux qui en parlent [= la tradition orale ?] afin que les fidèles qui se glorifient de son titre spirituel [= l’église placée sous sa titulature spirituelle], chez vous, aient des lectures auxquelles s’occuper et par lesquelles connaître les gestes assez courageux de leur propre patron. »
146 « Eccl. Sti Guengari » en Pierric, d’après Tanguy B., « Cornou », ibid., p. 575-576. Cf. Loth J., Les noms des saints bretons, Paris, Champion, 1910, p. 51. Cf. Loth J., Les noms des saints bretons, Paris, Champion, 1910, p. 51. Par la suite, selon B. Tanguy, l’église de Pierric aurait (à une date indéfinie) pris pour patron saint Guénolé. l’Estourbeillon R. de « Itinéraire des moines de Landevennec fuyant les invasions normandes », Bull. arch. de l’Assoc. Bretonne, t. 8 (1888), p. 49 confondait fautivement « saint Gingâ » (= Guengar) et « saint Guingalois » (= Guénolé).
147 Guillotel H., Chédeville A. et Tanguy B. (éd.), Cartulaire de l’abbaye Saint-Sauveur de Redon, ibid., fo 75vo : ch. no cviii (843) (voir fos 62ro, 99ro, 112ro-vo, 120ro). Tanguy B., « Cornou », ibid., p. 573-578 pense que l’élément plebs associé à Cornou dans certaines chartes n’est pas pour autant partie intégrante du toponyme qui figure simplement sous la forme Cornou dans d’autres.
148 Fleuriot L., OB, ibid., p. 240.
149 Chédeville A., « Francs et Bretons… », ibid., p. 901 ; Tanguy B., « Cornou », ibid., p. 576 ; Jankulak K., « Fingar/Gwinear/Guigner », ibid., p. 138.
150 Sur la circulation de la Vita de saint Petroc (XIIe siècle) en Bretagne, cf. Jankulak K., The Medieval Cult of St Petroc, Woodbridge : Boydell Press, 2000, passim Quant à la Vita de sainte Breaca, celle-ci ne subsiste que sous forme d’un abrégé tardif. Par contre, l’Ordinale de sancti Mereadoci episcopi et Confessoris, plus célèbre sous le titre Beunans Meryasek (Peniarth MS 105B : Bywnans Meryasek) a longtemps été le seul document connu en moyen-cornique (4 568 vers). Mais, récemment, en 2002, de larges fragments manuscrits du Beunans Ke (National Library of Wales, Aberystwyth : MS 23849D) ont été exhumés. Voir Padel O.-J., « Les voyages d’un saint, de son culte et de ses reliques », Britannia Monastica 11 (2007), p. 49-59. Ce chercheur a généreusement mis en ligne une version provisoire de sa transcription et traduction anglaise de ce texte (http://www.asnc.cam.ac.uk./level2/BewnansKe.htm). Ces deux mystères (ordinalia) ont probablement été composées simultanément à la fin du XVe siècle sous l’égide de la collégiale de Glasney (Penryn, Cornwall). Voir Jankulak K., « Fingar/Gwinear/Guigner : an “Irish” Saint in Medieval Cornwall and Brittany », in Carey J., Herbert M., et Riain P. Ó (éd.), Saints and Scholars : Studies in Irish Hagiography, Dublin, Four Courts Press, 2001, p. 128-129, n. 43. Orme N., The saints of Cornwall, Oxford University Press, 2000, p. 188-189. Merdrignac B., « Saint Mériadec dans le Bréviaire vannetais de 1589 », in Cassard J.-C., Coativy Y., Gallicé A. et Le page D. (éd.), Le prince, l’argent, les hommes au Moyen Âge. Mélanges offerts à Jean Kerhervé, Rennes, PUR, 2008, p. 148-149.
151 Thomas C., And Shall These Mute Stones Speak, ibid., p. 186-187 montre que ce corpus hagiographique se rattache spécifiquement à un groupe d’une douzaine de paroisses de Cornwall occidentale « with interlinked “Irish” patronal saints ».
152 Le Baud P., Histoire de Bretagne, p. 71 transcrit le nom du « portum qui vocatur Heul » selon la Vita (AASS, Mar., vol. III, p. 458, II, 9) correctement en « un port qui est appellé Heyl » (= Hayle, près de Lelant, hundred de Penwith, Cornwall), mais localise curieusement celui-ci en Cornouaille bretonne.
153 Le Baud P., Histoire de Bretagne, ibid.
154 AASS, Mar., vol. III, p. 458, I, 11.
155 AASS, Mar., vol. III, ibid.
156 V. S. Pauli Aureliani, I, 8, Cuissard P. (éd.), « Vie de saint Paul de Léon en Bretagne », Revue Celtique, t. 5 (1883), p. 431
157 V. S. Pauli Aureliani, I, 9, Cuissard P. (éd.), ibid., p. 433 : et in aures regis […] uisionem retulit.
158 Tanguy B., « Du Loonois du Roman de Tristan au Leones d’Idrisi : Douarnenez, patrie de Tristan ? », BSAF, 1988 (t. 117), p. 124-125. Tanguy B., in Tanguy B., Irien J. an, Falhun S., Castel Y.-P., Saint Paul Aurélien. Vie et culte, Éditions Minihi Levenez, 1991, p. 25-26.
159 Merdrignac B., « “Quatre langues” et “deux oreilles” : Paul Aurélien et Marc Conomor », in Langues de l’histoire, langues de la vie. Mélanges offerts à Fañch Roudaut, Brest, Les amis de Fañch Roudaut, 2005, p. 39-53, rappelle que la greffe par Béroul des « oreilles de cheval » sur la figure légendaire du roi Marc n’est probablement pas d’origine littéraire (Ovide, Met, XI, 85-193). Le CT AT 782 (Midas and the Ass Ears), bien attesté en pays celtiques, est aussi diffusé dans le Finistère actuel, sur la frange côtière de la Cornouaille et du Léon où son association au roi Marc est ancienne, comme l’a montré Milin G., Le roi Marc aux oreilles de cheval, Genève, Droz, 1991.
160 Cf. annexe 3. Voir Merdrignac B., « Épigraphie, hagiographie et généalogies durant le haut Moyen Âge » (à paraître). Un point rapide sur la question se trouve dans Giot P.-R., Guigon Ph., Merdrignac B., Les Premiers Bretons d’Armorique, ibid., p. 99
161 Padel O.-J., « Some south-western sites with Arthurian associations », in Bromwich R. (éd.), The Arthur of the Welsh. The Arthurian Legend in Medieval Welsh Literature, Cardiff, University of Wales Press, 1991, p. 241-243.
162 Cf. le site du Celtic Inscribed Stones Project mis en ligne par le Department of History et l’Institute of Archaeology - University College London (en ligne : http://www.ucl.ac.uk/archaeology/cisp/database/) : CSTLD/1. Je cite la traduction par Thomas C., And Shall These Mute Stones Speak, ibid., p. 279-280.
163 Bourgès A.-Y., « Commor entre le mythe et l’histoire », ibid., p. 419-427 fait, entre autres, le lien entre l’usurpation de Marcus Aurelius Carausius à la tête de la Classis Britannica à la fin du IIIe siècle et la mention dans les triades galloises de March fils de Merchyavn (= Marcianus), un des trois navigateurs (= « possesseurs de navires ») de Bretagne. Cf. Chédeville A., « Francs et Bretons pendant la première moitié du VIe siècle », ibid., p. 906 ; Giot P.-R., Guigon Ph., Merdrignac B., Les Premiers Bretons d’Armorique, ibid., p. 99-100 ; Bromwich R., TYP, ibid., p. 444-448.
164 Il est significatif que dans le folklore cornique, tyran Teudar (= Tewder, Théodoric) n’a plus aucun rapport avec le milieu maritime lorsqu’à la fin du XVe siècle le Beunans Meriasek et le Beunans Ke fixent définitivement les traits du personnage (voir supra n. 150).
165 Il s’agit des Vitae IIa et IIIa Tuduali et de la Vita Hervei. Cf. Chédeville A., « Francs et Bretons pendant la première moitié du VIe siècle… », ibid., p. 906 ; Fleuriot L., OB, ibid., p. 189.
166 Tanguy B., St Herve. Vie et culte, Minihi Levenez, 1990, p. 41.
167 Cf. supra n. 163. Chédeville A., « Francs et Bretons pendant la première moitié du VIe siècle… », ibid., p. 906, n. 38 qualifie l’hypothèse de « séduisante », tout en rappelant que « dans l’Empire [romain], il n’y avait pas de praefecti que pour la flotte » et qu’encore au IXe siècle, Eginhard donne à Roland le titre de Brittanici limitis praefectus. Cf. Halphen L. (éd. et trad.), Eginhard, Vie de Charlemagne, Paris, Champion, 1923, p 30.
168 Tanguy B., Saint Hervé : vie et culte, Minihi Levenez, 1990, p. 33 – suivi par Poulin J.-C., L’hagiographie bretonne…, ibid., p. 458 – n’exclut pas l’existence d’« un fond ancien, dans certains cas antérieur au Xe siècle ».
169 Le paragraphe suivant s’inspire largement de l’argumentation mise en ligne par André-Yves Bourgès le 8 juillet 2009 sur le forum « L’arbre celtique » (http://www.arbre-celtique.com/forum/viewtopic.php?f=6&t=4969) à propos de la communication donnée par Magali Coumert sur « La géographie des origines bretonnes et britanniques », à la journée d’étude du CIRDoMoC (Landévennec) le 4 juillet 2009 dont la teneur se retrouve dans Coumert M., « Le peuplement de l’Armorique… », ibid.
170 Comme le rappelle Chédeville A., « Francs et Bretons pendant la première moitié du VIe siècle… », ibid., p. 906, n. 38, La Borderie A. de voyait dans ces regales litterae l’héritage du système romain de la tractoria ; sur cette institution, cf. Ganshof F. L, « La tractoria-contribution à l’étude des origines du droit de gîte », The Legal History Review, vol. 8-1 (1927), p. 69-91 (que je n’ai pu consulter).
171 La Borderie A. de, « Saint Hervé », SECdN, t. 29 (1891), p. 236, c. 2 : brevis est transitus maris inter nostram Domnoniam et ulteriorem Britanniam. Bourgès A.-Y., « Commor entre le mythe et l’histoire », ibid., p. 423 qualifie cette explication de « simpliste et d’ailleurs fallacieuse ».
172 Bourgès A.-Y., « Commor entre le mythe et l’histoire », ibid.
173 Tanguy B., St-Herve, ibid., p. 47.
174 La Borderie A. de, « Saint Hervé », ibid.
175 Bourgès A.-Y., « La cour ducale de Bretagne et la légende arthurienne au bas Moyen Âge : Prolégomènes à une édition critique des fragments du Livre des faits d’Arthur », in Bihan H., Buron G., Calarnou A. et Merdrignac B. (éd.), À travers les îles celtiques. Mélanges à la mémoire de Gwenaël Le Duc, Britannia monastica, 12 (2008), p. 89-90 (en ligne : http://www.scribd.com/doc/20806854/Le-Livre-Des-Faits-d-Arthur).
176 Bourgès A.-Y., « La cour ducale de Bretagne et la légende arthurienne au bas Moyen Âge », ibid., p. 90, n. 59 ajoute que « l’histoire de ce “complexe portuaire” reste à faire : ainsi, en ce qui concerne le port de Lilia, il faut notamment prendre en compte la présence d’une importante voie antique qui, depuis Carhaix, aboutissait aux environs du Castelac’h, retranchement fortifié littoral ».
177 Lat. calvus ; bret. moal =« chauve ». Tanguy B., « Et Maxime débarqua à Portus Calvosus… Quelques réflexions sur la géographie de l’émigration bretonne en Léon, d’après le Livre des faits d’Arthur et la Legenda sancti Goeznovei », BSAF, t. 127 (1998), p. 239 : « si la disparition de la diphtongue ne soulève pas de difficulté phonétique [Malog = Moalog], la chute de la consonne finale pose problème, à moins de supposer une attraction paronymique avec le nom de saint Malo ».
178 Tanguy B., « Et Maxime débarqua à Portus Calvosus », ibid., p. 238. Je cite ici la transcription inédite par Le Duc G. (LFA, ms. ADIV 1F 1003, p. 188, v. 9-11) que celui-ci faisait généreusement circuler parmi ses amis (cf. Bourgès A.-Y., « La cour ducale de Bretagne et la légende arthurienne au bas Moyen Âge », ibid., p. 89) : Maximus interea gressus Aquilone benig [n] o/Dirigit ad Portum Caluosum classe superba/Ap[p]licat introitu patrie Letauia nomine. Au XVIe siècle, Pierre Le Baud, Histoire de Bretagne, paraphrase ainsi ces trois vers latins : « Maxime aidé par le vent d’Aquilon, avec grande et superbe congrégation de navire, s’adressa à l’entrée du païs de Létanie [= Léon] où il appliqua à un havre nommé le port Chauveux ». Moal =« chauve » en breton, d’où portus calvosus (et « port chauveux ») pour Porz Moalleuc.
179 Tanguy B., Dictionnaire des noms de communes, trèves et paroisses, du Finistère, Douarnenez, Chasse-Marée-Ar Men, 1990, s. v., p. 164-165.
180 Tanguy B., « Cornou », ibid., p. 576.
181 Merdrignac B., Plouchart L., « La fondation des évêchés bretons : questions de l’histoire religieuse à la géographie sociale », in F. Mazel (éd.), L’espace du diocèse dans l’Occident médiéval. Ve-XVIIe siècle, PUR, Rennes, 2008, p 144-146. Cet article s’inscrit dans le cadre du projet interdisciplinaire (2007-2010) « Maillage religieux de l’Espace » (CERHIO - UMR 6258 CNRS ; RESO - UMR ESO 6590 CNRS) soutenu par la Maison des sciences de l’Homme en Bretagne. Il s’agit de croiser la réflexion des historiens sur l’amorce d’un réseau paroissial dès le haut Moyen Âge, facteur important de la structuration progressive des sociétés rurales jusqu’aux communes d’aujourd’hui, et celle des géographes sociaux sur les critères prévalant à la définition puis à la recomposition, durant ces dernières décennies de ces circonscriptions ecclésiastiques, par les institutions religieuses (en ligne : http://www.mshb.fr/mshb/la_recherche/pole_mondes_armoricains_et_atlantiques/maillage_religieux_de_lespace).
182 Tanguy B., Dictionnaire des noms de communes du Finistère, ibid., p. 16. Cf. GIOT P.-R., Guigon Ph., Merdrignac B., Les Premiers Bretons d’Armorique, ibid., p. 88-89.
183 Selon Loth J., Les noms des saints bretons, ibid., p. 51, saint Guengar (= Fingar) est aussi l’éponyme de l’ancienne paroisse de Languengar, aujourd’hui en Lesneven (Nord-Finistère).
184 Poulin J.-C., L’hagiographie bretonne du Haut Moyen Âge, ibid., p. 64.
185 Thomas C., Christianity in Roman Britain to AD 500, London, Batsford, 1981, p. 100-101 ; cf. Guigon Ph., « Les preuves archéologiques du début du christianisme en Bretagne », Britannia Monastica, 3 (1994), p. 36-37 (et passim).
186 LOT F., « Arthur en Cornwall », Romania, (1901), p. 9, constatait déjà que les appellations de Devon et Cornwall « sont (parfois) synonymes ». Il en tirait la conséquence que le nom de Cornwall « n’a rien à faire avec les Comovii de Chester (Deva) et Wroxeter (Uriconium), comme on le dit habituellement (Loth, La Borderie, etc.). Il s’applique simplement aux Bretons occupant l’angle (corn) sud-ouest de l’île » et ajoutait que « l’étude des origines de la Cornouaille française » le conduisait à la même conclusion.
187 Thomas C. (éd.), « Character and Origins of Roman Dumnonia », Rural Settlement in Roman Britain : papers given at a CBA conference held at St Hugh’s College, Oxford, January 1 to 3, 1965, London, Council for British Archaeology, CBA Research Report 7 (1966), p. 74-98, spec. p. 81-82, n’hésite pas à invoquer à ce propos les relations entre les Vénètes et le futur Cornwall depuis la protohistoire. Je remercie vivement Karen Jankulak de m’avoir aimablement communiqué copie de cet article. Tout en rapportant les connexions archéologiques entre la Bretagne (ou la France du Nord) et le Cornwall, K. Jankulak signale toutefois, in « Cornovii », in Snyder C.-A., Early Peoples of Britain and Ireland : An Encyclopedia, ibid., 2008, vol. 1, p. 161 : « However Thomas’theory as to link between these archaelogical connections to the name of the Cornovii via Venetic traders remains controversial. »
188 Outre la légende de Tristan et Iseult, la littérature médiévale garde l’empreinte de ces traditions. On sait que le titre éponyme du roman de Chrétien de Troyes Erec et Enide associe le nom du chef breton Waroc (= Guerec) et celui de la ville de Vannes (= Gwenned). Le récit gallois correspondant Gereint vab Erbin, conserve Enid pour héroïne, mais Erec est remplacé par Gereint dont le nom est associé, comme on l’a vu, à la première mention de la Cornubia britannique : cf. Bromwich R., TYP, ibid., p. 355-356. De son côté, le Livre de Caradoc (tiré de La première continuation de Perceval), rapporte comment Caradoc Briebras, roi de Vannes épouse Guigner, sœur de son ami Cador de Cornouaille après que celle-ci ait sacrifié l’un de ses seins pour délivrer le héros d’un serpent qui s’était accroché à son bras et qui lui ôtait lentement la vie. Cf. Szkimnik M. (éd.). La Légende arthurienne : le Graal et la Table ronde, Paris, Laffont (Bouquins), 1991. p. 433-510 ; Le Menn G., La femme au sein d’or. Des chants populaires bretons… aux légendes celtiques, Saint-Brieuc, Skol-Dastum, 1986, p. 29-31.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
S’adapter à la mer
L’homme, la mer et le littoral du Moyen Âge à nos jours
Frédérique Laget et Alexis Vrignon (dir.)
2014
Figures et expressions du pouvoir dans l'Antiquité
Hommage à Jean-René Jannot
Thierry Piel (dir.)
2009
Relations internationales et stratégie
De la guerre froide à la guerre contre le terrorisme
Frédéric Bozo (dir.)
2005
La France face aux crises et aux conflits des périphéries européennes et atlantiques du xviie au xxe siècle
Éric Schnakenbourg et Frédéric Dessberg (dir.)
2010
La migration européenne aux Amériques
Pour un dialogue entre histoire et littérature
Didier Poton, Micéala Symington et Laurent Vidal (dir.)
2012
Mouvements paysans face à la politique agricole commune et à la mondialisation (1957-2011)
Laurent Jalabert et Christophe Patillon (dir.)
2013
Sécurité européenne : frontières, glacis et zones d'influence
De l'Europe des alliances à l'Europe des blocs (fin xixe siècle-milieu xxe siècle)
Frédéric Dessberg et Frédéric Thébault (dir.)
2007
Du Brésil à l'Atlantique
Essais pour une histoire des échanges culturels internationaux. Mélanges offerts à Guy Martinière
Laurent Vidal et Didier Poton (dir.)
2014
Économie et société dans la France de l'Ouest Atlantique
Du Moyen Âge aux Temps modernes
Guy Saupin et Jean-Luc Sarrazin (dir.)
2004