Les pactes sociaux de la révolution néogrenadine, 1808-1816
p. 131-158
Texte intégral
1Les révolutionnaires américains considérèrent les abdications de Bayonne comme une rupture du pacte social conclu par la maison des Bourbons avec les pueblos des deux Espagnes. En effet, de la même façon que les vassaux auraient versé de bon gré leur sang pour défendre les rois, ces derniers auraient dû perdre leur vie avant de consentir à des actes aussi contraires au droit naturel et des gens. La juste rétribution des parties contractantes l’exigeait ainsi. Les graves manquements de la part de Charles IV et Ferdinand VII signifièrent donc une rupture du contrat social et du serment et des obligations contractées par les pueblos, qui se trouvèrent dès lors libres et indépendants pour former le gouvernement de leur choix1. Ces raisonnements, en même temps qu’ils fournissaient des fondements juridiques à l’acéphalie de l’empire, impliquaient un difficile programme de négociations dont le but était la recomposition de l’unité ruinée. Un tel processus est le sujet de cet article.
L’ANARCHIE
2L’avocat Juan de Dios Morales, dans les plaidoyers qu’il écrivit début 1810 depuis sa prison afin de défendre sa conduite et celle du peuple de Quito, fit allusion avec insistance à l’état de parfaite anarchie dans lequel se trouvait l’Espagne depuis l’emprisonnement de Ferdinand VII et le refus des provinces de la Péninsule d’obéir à l’Empereur des Français. La conséquence la plus importante d’une telle situation était, selon lui, la décomposition de la nation en États fédératifs2. Ces réflexions n’étaient pas le seul fait de l’ancien ministre d’État de la Junte Suprême de Quito. Au contraire, il semble qu’elles furent l’un des fondements de la révolution dans la vice-royauté néogrenadine. L’utilisation des mêmes arguments de la part d’autres acteurs de la période l’indique. En août 1810, par exemple, le docteur José María Gutiérrez de Caviedes affirma au sein de l’échevinage de Mompox que la révolution de Santa Fe signifiait la rupture des liens qui avaient uni jusqu’alors les Pueblos avec le Conseil de Régence. En conséquence, ceux-ci se trouvaient désormais dans l’« état auguste mais inapproprié de nature » [« estado augusto pero no conveniente de naturaleza »] et n’avaient d’autre souverain qu’eux-mêmes3. Les députés des Cités Amies de la Vallée du Cauca, dans une communication adressée à l’échevinage de Popayan, justifièrent la création d’une junte particulière à cause de l’état de « parfaite anarchie » régnant, c’est-à-dire par l’absence de toute « autorité légitime qui conservât les liens de l’unité et qui se fit obéir ». En de telles circonstances, les villes et les cités étaient entrées dans la jouissance de leurs droits originaux, « dans laquelle il n’y a d’autre différence entre un Pueblo et un autre que celle qui existe entre deux souverains4 ». Les mêmes raisonnements furent exprimés par l’évêque Cuero y Caicedo afin de convaincre l’échevinage de Quito de reconnaître l’autorité du Congrès Suprême créé quelques jours plutôt : avec l’emprisonnement de Ferdinand VII et la soumission de la Péninsule « la monarchie devint acéphale et le gouvernement anarchique, pendant que les liens politiques qui unissaient les parties intégrantes du Royaume furent dissous ». En conséquence, les provinces de Quito, comme « toutes celles de l’Amérique », devaient réassumer la souveraineté qui leur revenait partiellement de droit et régler chacune leur administration intérieure5.
3L’anarchie produite par l’emprisonnement du roi ne signifiait pourtant pas un strict retour à l’état de nature. Les hommes n’avaient pas abandonné leurs hameaux, villages ou cités. La loi du plus fort ne régnait pas et la menace du pillage ne pesait pas sur les propriétés. Comme signala à juste titre Juan Germán Roscio le 12 juin 1811 devant le Congrès du Venezuela, les abdications de Bayonne signifiaient la dissolution des liens du pacte social, mais pas pour autant la rupture de « la dépendance du fils au père, de l’inférieur au supérieur, du soldat à son Chef, de l’esclave au Seigneur6 ». Le séisme ne compromit donc pas les bases de la société et les droits de liberté, sécurité et propriété restaient intacts. Que signifiait donc cette anarchie dont on parlait avec tant d’insistance ? Pour José María Gutiérrez de Caviedes, elle consistait dans la « juste récupération qu’une société fait des droits dont une autre société l’a privée ». C’était un état essentiellement positif, à tel point que l’avocat n’hésitait pas à le qualifier comme « le principe du bonheur des peuples ». L’anarchie était donc une sorte de « limbe » produit par l’extinction de l’ancien gouvernement, une sorte de crépuscule s’interposant entre le despotisme et la révolution. Si, dans de telles circonstances, les leaders révolutionnaires considéraient comme incontournable la convocation du peuple, la présence de ce dernier n’était utile que pour sanctionner ce qui avait été décidé, c’est-à-dire en tant que principe de légitimation de la mutation politique7. L’exemple péninsulaire avait montré qu’avec la disparition du monarque les liens entre les différents royaumes s’étaient brisés. La destitution des autorités de la vice-royauté vint à bout également de la hiérarchie sur laquelle étaient bâties les relations entre les provinces, et la disparition des gouverneurs et corregidores libéra les villes et les villages de l’obéissance due à leurs capitales respectives. Cependant, les échevinages poursuivaient leurs activités, les recouvrements du fisc continuaient à se faire et les curés à être respectés par leurs paroissiens. L’anarchie ne signifiait donc pas la disparition de toute autorité, mais seulement son extrême fractionnement. Pour le dire avec Filangieri, la disparition des autorités de la vice-royauté ne pouvait signifier un retour à la société primitive et moins encore à un état pré-civil considéré comme une absurdité. Le seul effet de la déposition des fonctionnaires de la monarchie était la multiplication des personnes morales, la décomposition de la raison publique8. Félix Víctor de Sanmiguel, le procureur chargé de l’instruction du procès des chefs de la révolution quiténienne de 1810 définit l’anarchie révolutionnaire comme un état dans lequel « tous étant des juges, nul n’était sujet9 ». L’avocat de Mompox n’entendait pas par là que tout un chacun fût devenu un magistrat en vertu de la crise de la monarchie, mais plutôt que les liens de dépendance qui avaient jusqu’alors uni les corps politiques avaient disparu. Le discours de Sanmiguel semble inspiré par les thèses de Locke qui définit en 1690 l’état de nature comme l’absence de tout supérieur commun, c’est-à-dire celle d’un juge revêtu d’autorité, capable de résoudre les conflits suscités entre les hommes10. Ce qui est vraiment intéressant dans la théorie de Locke, c’est qu’au lieu de restreindre l’état de nature à l’enfance de l’humanité, elle affirme que ce dernier peut survenir au-delà de l’établissement des sociétés politiques. Selon le publiciste, l’usurpation du pouvoir équivaut à une rupture des liens de sujétion et donc à une dissolution du corps politique11. Précisément – et cela s’avère fondamental pour notre cas –, Locke définit l’anarchie, non comme l’absence de toute forme de gouvernement ou d’État, mais plutôt comme le manque de « lois et règlements pour désigner certaines personnes et les revêtir d’autorité publique ». Ce qui veut dire que toute personne arrivant au pouvoir par une voie différente de celle prescrite par les lois ne peut nullement prétendre être obéie. En ce sens, les abdications de Bayonne – qui avaient produit une sorte de limbe juridique – ne pouvaient signifier que la rupture des hiérarchies territoriales de l’empire espagnol, car le pouvoir du monarque n’entraînait pas dans sa chute les autorités locales ; tout du moins, pas les échevinages. De cette façon, lorsque Félix Víctor de Sanmiguel fit allusion dans son diagnostic politique à l’anarchie dans le sens lockéen du terme, il se référait à l’écroulement de l’obéissance : la fracture de l’autorité signifia la ruine de l’harmonie qui pendant trois siècles avait régné entre les corps politiques de la monarchie et l’apparition, à sa place, d’une rude émulation qui ne pouvait que causer des désordres et des guerres civiles.
4En somme, l’invasion napoléonienne ne supposait pas la dissolution de la monarchie, mais seulement sa désarticulation. L’obéissance au roi captif et sa dignité de seigneur naturel étaient reconnues encore partout. On peut affirmer donc que l’anarchie à laquelle font allusion en permanence les sources de l’époque est celle d’un état de nature entre les gouvernements d’un corps social orphelin. Elle signifiait, tout simplement, l’apparition d’un monstre politique, la dégénérescence du corps social tel qu’il avait été conçu depuis le Moyen Âge par les scolastiques : du Nouveau Royaume de Grenade jaillirent soudain de très nombreuses têtes. L’affirmation précédente est bien plus qu’une figure rhétorique. En effet, avec la déposition du vice-roi et des oidores, les autorités de chaque province assumèrent non seulement les fonctions propres au capitaine général, mais aussi celles du tribunal d’appel12. Là où on ne trouvait qu’un chef et une audience on vit surgir, dans le second semestre de l’année 1810, de multiples vicariats du monarque. Cela se produisit même dans les provinces loyales qui ne manquèrent pas de reconnaître les gouvernements intérimaires créés successivement dans la Péninsule. Tel fut le cas, par exemple, de Cuenca. Lorsque le président Joaquín de Molina expliqua les raisons pour lesquelles il avait pris la décision d’installer l’Audience de Quito dans cette cité, il affirma :
J’ai considéré notamment le fait que dans l’état informe et désarticulé de ces Pueblos, advenu avec l’insurrection de la Capitale et leur volontaire et heureuse séparation de celle-ci, le Gouvernement et les Tribunaux inférieurs de chacun devenaient en vérité des arbitres absolus du sort des Habitants dans une branche de l’administration aussi importante que les jugements, sans lesquels il est impossible que la plus petite congrégation d’hommes puisse subsister ; car aucun tribunal n’étant établi où ceux-ci puissent demander immédiatement la réparation des affronts qu’on leur inflige, [les tribunaux inférieurs] se voient en dehors de toute sujétion et de toute limite pour agir à leur guise, et trouvent grande ouverte la Porte des abus du pouvoir, ce qui, dans les circonstances présentes, serait aussi funeste que la rébellion qui forcément s’ensuivrait, en servant en outre de justification spécieuse à la conduite de traîtres et en accroissant leur nombre et leur force13.
5Par des raisons semblables, le gouverneur de Santa Marta justifia l’abolition de la junte de cette province – fidèle s’il en fut – et cela malgré le fait qu’elle avait été approuvée par la Régence : si la révolution avait signifié la dissolution des hiérarchies, un territoire loyal ne pouvait pas se permettre de conserver un commandement multiple. Car de la sorte le gouverneur, malgré son poste de président de la junte, aurait été toujours en vérité « un sujet de celle-ci » puisqu’il ne disposait que d’une voix et devrait se soumettre inévitablement aux décisions adoptées pas la majorité14. Ce qu’il faut retenir de l’argumentation du président de l’Audience de Quito et du gouverneur de Santa Marta c’est qu’elle implique la reconnaissance tacite d’une révolution généralisée dans le Nouveau Royaume, révolution qui répandit ses effets sans qu’on le soupçonnât à l’intérieur même des provinces d’une fidélité irréprochable. La fédéralisation de la monarchie n’était donc pas un caprice théorique des avocats créoles.
6Comment échapper aux ravages que nécessairement devait produire l’anarchie ? Nul doute que, pour les magistrats de la Régence, la solution passait par un retour aux vieilles structures de gouvernement. Les juntes devaient disparaître, les échevinages abdiquer leurs attributions extraordinaires et les gouverneurs, présidents et oidores récupérer leur influence habituelle. Cependant, pour les révolutionnaires du Nouveau Royaume, un tel compromis était simplement absurde. Au lieu d’un retour à l’ordre ancien, jugé despotique et dégénéré, il fallait souscrire de nouvelles conventions qui permissent de conserver intact le vaste territoire néogrenadin et les droits acquis grâce à la mutation du gouvernement. Par ces nouveaux pactes, les paroisses se lieraient rationnellement et solidement aux échevinages et ceux-ci à leurs anciennes capitales. Les provinces nouvellement constituées pourraient former entre elles un gouvernement général du Royaume, lequel, éventuellement, se réunirait, grâce à des négociations politiques, aux autres états de l’ancienne et très étendue monarchie castillane. La reconstitution des liens sociaux impliquait donc toute une série de négociations progressives. Les premiers pas de ce processus sont généralement ignorés à cause de l’existence des préjugés politiques à l’encontre des petites souverainetés. En effet, si un homme comme Voltaire s’était moqué des princes allemands et italiens du fait que leurs États pouvaient être parcourus en une demi-heure15, que ne pouvait-on dire à propos des gouvernements néogrenadins de l’interrègne ? C’est cette perspective qui a été d’habitude choisie pour l’étude du phénomène. Néanmoins, si l’on veut vraiment comprendre ce qui eut lieu alors, il vaut mieux la rejeter et se servir à sa place d’un véritable « microscope politique », comme aurait dit l’avocat de Caracas Miguel José Sanz.
LA MULTIPLICATION DES ÉCHEVINAGES
7L’une des premières mesures prises par la Junte Suprême de Santa Fe (6 août 1810) fut de concéder le titre de ville à onze villages (Zipaquirá, Ubaté, Chocontá, Bogotá, La Mesa, Guaduas, Cáqueza, Tensa, Sogamoso, Turmequé et Chiquinquirá). Lorsque les rédacteurs du Diario Político rapportèrent cette nouvelle extraordinaire, ils écrivirent :
La géographie politique du Royaume va éprouver une altération considérable. Sous l’ancien gouvernement, les habitants devaient dépenser beaucoup d’argent pour obtenir le privilège de voir leur village érigé en ville ou en cité. Il était alors nécessaire d’envoyer jusqu’à la cour de Madrid un recours difficile et pénible [et] de satisfaire l’avarice de ses agents pour obtenir une cédule royale donnant la permission aux villages d’avoir dans leurs territoires les ressources de la justice. Le fait que l’on se soit libéré de ces prédations n’est pas le moindre des avantages de notre nouvelle constitution. Désormais, il ne faut plus traverser les mers ou attendre dix ou vingt ans pour obtenir, sous la forme d’une grâce, ce qui n’est qu’un droit naturel des pueblos16.
8Les rédacteurs n’exagéraient pas en ce qui concerne les délais interminables et les énormes quantités d’argent nécessaires pour obtenir l’établissement d’un nouvel échevinage. Pour ne mentionner qu’un cas minutieusement étudié, la création d’une ville dans la vallée d’Aburra avait pris pas moins de trente ans17. L’arrêté de la Junte Suprême de Santa Fe était donc très audacieux et avait pour but de démontrer que la révolution du 20 juillet avait été beaucoup plus qu’un simple changement de gouvernement. Avec magnanimité et sans hésitation, l’assemblée accorda l’administration de la justice en première instance à des villages qui n’avaient même pas eu le temps de demander ce privilège. Cette mesure indiquait clairement qu’à l’émancipation politique du Royaume, devait correspondre celle des localités d’une importance suffisante. Le message était net et très efficace : étaient arrivés les temps où la rationalité et la justice succéderaient aux intrigues et à la vénalité de l’ancien gouvernement. Pour que ces établissements se fissent avec rapidité, la Junte Suprême chargea des avocats d’assister les notables locaux pour remplir les formalités requises. De cette façon, furent choisis non seulement les alcaldes, regidores et procuradores, mais encore les armoiries et les titres qui devaient distinguer et décorer les nouvelles villes. Les membres de l’échevinage de Bogotá, par exemple, accompagnés par le docteur Miguel José Montalvo, choisirent l’épithète d’« impériale », afin de rappeler qu’en ce lieu « les anciens souverains des Indiens » avaient eu leur « cour ». S’appuyant sur les mêmes raisons, ils désignèrent ensuite en guise d’armoirie « une couronne impériale avec un carquois rempli de flèches, une lance et d’autres armes propres aux Indiens » et, comme bordure à tout cela une chaîne brisée en trois morceaux18. Les avocats de la révolution durent aussi interposer leur médiation dans les conflits que suscitèrent ces établissements, car les habitants de quelques paroisses se dressèrent contre les nouveaux liens de dépendance et demandèrent à en être exemptés19.
9Bien évidemment, le décret de l’érection des onze villes avait une indéniable fonction de propagande. En effet, la Junte Suprême de Santa Fe n’avait alors que deux semaines d’existence et luttait encore pour sa consolidation. La création de ces échevinages devait lui offrir donc une allégeance sans réserve. En ce sens, le décret était de la même nature que l’abolition des monopoles, inspirés par la révolution quiténienne de 1809. La manœuvre était aussi très efficace par rapport à d’autres provinces qui refusaient d’obéir au nouveau gouvernement de la capitale du Royaume. Il ne faut pas oublier que la Junte de Santa Fe s’intitulait Suprême, ce qui voulait dire qu’elle avait la prétention de commander à toutes les provinces néogrenadines. Ainsi, l’extraordinaire et multiple création de villes du 6 août devait servir d’incitation pour que les Pueblos s’unissent directement au gouvernement de Santa Fe ou pour qu’ils fissent pression pour que leurs capitales provinciales respectives adhèrent à la Junte Suprême. Le cas que nous venons d’étudier montre que les gouvernements révolutionnaires ne pouvaient s’affermir avec le seul concours des échevinages de leur juridiction. Pour se consolider, ils devaient tenir également compte de nombreuses localités qui, ne possédant pas d’autorités propres, étaient cependant considérables, tant par leur taille que par leurs ressources. En conséquence, les hommes politiques néogrenadins durent établir avec elles de nouvelles conventions qui garantissent la stabilité du corps social. En échange donc de la reconnaissance, les gouvernements de l’interrègne n’hésitèrent pas à les émanciper de leurs anciens chefs-lieux.
10Plus tard, d’innombrables villages et hameaux voulurent emprunter le chemin ouvert imprudemment par la Junte de Santa Fe, de telle sorte que la plupart des nouvelles autorités provinciales durent composer avec la création de différents échevinages. La documentation disponible concernant l’érection d’une ville dans le village de Barichara, dans la province du Socorro, permet de mieux appréhender les négociations politiques qui eurent lieu dans des cas semblables et qui mêlaient, non seulement les juntes et des notables villageois, mais aussi l’échevinage mutilé par la ségrégation. En effet, les prétentions de Barichara engendrèrent immédiatement des disputes et des contradictions avec son chef-lieu, l’ancienne ville de San Gil. Les conflits s’expliquent facilement, car la création d’un nouvel échevinage devait signifier une diminution, non seulement du pouvoir politique, mais aussi du pouvoir économique de la municipalité démembrée. Pour trancher la question se réunirent en une assemblée improvisée deux membres de la Junte Suprême de la Province, tout l’échevinage de San Gil, deux représentants de Barichara et deux autres de la paroisse de La Cabrera. On leur associa comme médiateur l’avocat de Mompox Celedonio Gutiérrez de Piñeres20. Ce docteur et professeur en droit canon avait joué un rôle très actif dans la création dans ladite ville d’un gouvernement indépendant de Carthagène. Lorsque celui-ci fut anéanti, Gutiérrez de Piñeres avait dû s’exiler dans la province du Socorro21. Pendant la réunion, on se mit d’accord sur une intéressante convention qui établit les limites du nouvel échevinage et précisa l’origine des ressources devant lui permettre de satisfaire à ses dépenses. Celles-ci consistaient notamment dans des tarabites au moyen desquelles on traversait la rivière nommée Sardinas. Cependant, comme il se trouvait que la ville de San Gil ne pouvait se passer d’une partie de ces ressources, les députés de Barichara s’engagèrent à lui verser chaque année 600 pesos22. La manière dont les députés de Barichara se référèrent dans les pactes à la promotion qu’ils venaient d’obtenir est digne d’attention : d’après leur discours, l’« émancipation politique à laquelle la poussaient les circonstances et le bonheur de ses habitants », bien loin de rompre les liens d’union et fraternité devait contribuer « à les rendre de plus en plus forts23 ». L’union naturelle de la famille politique, comprise ici comme celle que constituaient un centre urbain et ses paroisses environnantes, devait donc se transformer, au fur et à mesure que les dernières s’affranchiraient, en une amitié fondée sur la rationalité et la reconnaissance. L’emploi de la figure juridique de l’émancipation à ce niveau « constitutif » montre clairement l’existence d’une logique générale dans tout le processus révolutionnaire qui devait se prolonger au moins jusqu’au retour de Ferdinand VII sur le trône de l’Espagne. La crise monarchique ne signifiait pas seulement la dissolution des liens sociaux, mais aussi une occasion unique pour les réformer afin qu’ils puissent garantir le salut de l’empire et le bonheur de ses habitants. De la disparition généralisée des liens naturels devait donc surgir une union d’autant plus ferme qu’elle était essentiellement volontaire24.
11Évidemment, plus la situation d’une province était troublée, plus ses autorités étaient enclines à créer des échevinages : dans un contexte général de dissolution, les concessions faites aux pueblos devaient être plus grandes afin de préserver leur loyauté. L’exemple de Pamplona est en ce sens fort éclairant. En effet, la création d’une junte dissidente dans la cité de Giron provoqua une courte guerre civile dans le second semestre de 1810. Pour vaincre son ennemi, la capitale provinciale n’hésita pas à octroyer le titre de ville à Piedecuesta, localité qui, non seulement l’avait réclamé dans les années précédentes, mais qui plus est, l’avait sollicité en vain du gouvernement de Giron. Afin de saper la mince autorité que détenait encore la junte illégale, les autorités de Pamplona élevèrent au même rang la paroisse de Bucaramanga25. Ainsi, les négociations politiques, plus que les actions militaires, décidèrent du résultat de la dispute.
12Le rapport ébauché entre création de municipalités et difficultés de constitution d’États provinciaux explique le fait que le plus grand nombre de nouveaux échevinages soient apparus dans les gouvernements révolutionnaires de l’est de la vice-royauté qui furent victimes des velléités expansionnistes de Santa Fe. Le cas de Neiva est en ce sens très révélateur, puisque les quatre échevinages qui existaient dans sa juridiction avant la crise monarchique firent place à onze en 1815. Pendant ces années, la province hésita entre la constitution d’un gouvernement souverain et la simple agrégation à l’État de Cundinamarca. Les paroisses surent profiter de ces circonstances pour obtenir leur indépendance politique en échange de leur fidélité. Tel fut le cas de Carnicerías qui reconnut le gouvernement de Neiva à condition qu’il lui fût permis de se gouverner au moyen d’un échevinage26. Une situation identique se présenta avec la paroisse de Gigante qui se déclara proche du Congrès des Provinces-Unies afin de se séparer de son chef-lieu, la ville de Timaná en Garzón qui avait adhéré à l’État de Cundinamarca27. Lorsque cessa la menace de Cundinamarca avec la prise de Santa Fe par les troupes de l’Union en décembre 1814, les vieilles autorités de la province voulurent récupérer leur pouvoir politique en détruisant les nouveaux échevinages. Pour ce faire, elles profitèrent de la réunion de la Convention de l’État : dans une de ses séances, ses membres réussirent à supprimer à la majorité « les villes de création nouvelle ». Désormais, pour qu’une localité pût recevoir ce titre, elle devait avoir une population de 6 000 habitants, un bâtiment approprié pour l’échevinage, une prison et une école publique, ainsi que des fonds annuels de 4 000 pesos, dont les intérêts servissent à payer les dépenses indispensables du conseil municipal28. La polémique déchaînée – on pouvait s’y attendre – fut de grande ampleur : les échevinages menacés nommèrent sur-le-champ des mandataires qui s’adressèrent au Congrès des Provinces-Unies pour lui demander d’intervenir29. Ces plaidoyers sont fort intéressants, car ils insistent sur le rapport direct qui, pour les pueblos, existait entre indépendance politique et progrès rapides et ostensibles. Comme l’affirme le mandataire de Palermo,
[l’échevinage] tant absorbé qu’il était par la lutte qui nous occupe à présent et par les difficultés propres aux débuts de toute entreprise, a érigé des monuments qui font peut-être même défaut à la cité de Neiva malgré son étonnante ancienneté. Palermo depuis qu’elle porte ce nom […], c’est-à-dire depuis cinq ans, toujours soucieuse de ses progrès particuliers et sans perdre de vue les devoirs qui lui incombent en tant que partie intégrante du continent américain, a réussi à édifier dans ce très court laps de temps au Dieu des armées trois temples dont la toiture est faite de tuiles et les a décorés le mieux possible et de la manière la plus convenable ; deux d’entre eux se trouvant dans la ville même et le troisième dans le nouveau Village qu’elle a aussi créé dans le canton de Bache, afin d’associer de nombreux Indiens qui erraient dans ces déserts immenses : elle a construit un cimetière en torchis et en tuiles d’une taille conséquente ; une École publique où apprennent les fondements de la foi et à lire et écrire plus de soixante enfants chaque année ; elle a déjà prévu une maison pour l’échevinage que tous les habitants souhaitent construire, et pour ces chantiers, ainsi que pour tous les autres qu’elle souhaite entreprendre, elle établit tout près une tuilerie qui lui fournit les matériaux nécessaires30.
13Encore plus intéressante fut l’argutie à laquelle eurent recours les habitants de Carnicerías pour conjurer les menaces d’abolition de leur échevinage. S’en tenant strictement au décret de la convention, ils constatèrent que celui-ci ne les regardait pas : en effet, l’accord en question avait ordonné la dissolution des nouvelles villes et ils n’en constituaient pas une ni ne souhaitaient le faire. En vérité, ils étaient une simple municipalité gouvernée par un échevinage composé de deux alcaldes, un procurador general mayordomo de propios et un secrétaire31. Cette question, qui est pourtant du plus grand intérêt, n’a jamais été étudiée. Face au besoin de créer de nouveaux échevinages pour passer des pactes avec les Pueblos, les autorités provinciales devaient aussi tenir compte de l’impossibilité dans laquelle se trouvaient beaucoup d’entre eux d’assumer les charges d’un conseil municipal ordinaire. Pour résoudre cette difficulté, on trouva une solution fort appropriée : des gouvernements révolutionnaires comme ceux de Neiva ou Socorro créèrent de « petits échevinages » qu’on appela aussi des « municipalités moyennes ». Cette mesure était sans doute inspirée d’un décret des Cortès Extraordinaires relatif à la formation des échevinages constitutionnels [ayuntamientos constitucionales]. En effet, considérant à juste titre qu’il devait exister une proportion entre « le Gouvernement du village et le nombre de ses habitants » [« el Gobierno del pueblo y su vecindario »], les députés des deux Espagnes se mirent d’accord au milieu de l’année 1812 pour que le nombre des membres d’un échevinage dépendît directement de la taille de la population de la localité où il se trouvait32.
14Les villages de Neiva étaient si attachés à leurs échevinages que la décision de la Convention de l’État de les abolir provoqua une véritable commotion. Afin de calmer les esprits, les autorités de l’Union députèrent Juan Luis García, un distingué politicien local, qui parcourut pendant sept semaines la province. À la fin de son voyage, le commissaire conclut que la préservation de la paix rendait indispensable le maintien de tous les échevinages, même si plusieurs d’entre eux avaient des difficultés pour financer leur gestion33.
15Si généralement les villages et les hameaux essayèrent d’obtenir leur émancipation politique, l’établissement d’échevinages ne fut pas toujours une bonne nouvelle pour les pueblos comme le démontre le cas de Simacota, dont les habitants demandèrent en 1814 en se fondant sur des arguments solides l’extinction de l’échevinage :
L’érection de nouvelles Municipalités dans des localités ayant plus de quatre mille habitants, où il n’y a que très peu d’individus capables d’exercer les emplois d’Alcaldes Ordinarios et de Síndico Procurador porte généralement plus de préjudices que de bienfaits aux mêmes villages. La réunion de rares notables habitant dans chacun de ceux-ci, qui d’ordinaire doivent tour à tour rendre la justice, créera de fait une sorte d’Aristocratie dans une branche de l’administration aussi importante que la judiciaire, ce qui ne peut qu’opprimer et laisser à l’abandon les autres classes de ces petites sociétés. Toute précaution prise pour que les emplois échoient par libre élection à n’importe quel autre citoyen sera inutile car l’influence de quelques-uns doit prévaloir toujours en raison de leurs abondants moyens et de leur plus grande compétence34.
16L’application extrême de la logique émancipatrice était donc aussi nocive que les absurdes privilèges de l’ancien régime. Dans le cas des municipalités, leur érection dans des localités trop petites, au lieu de constituer un bienfait, équivalait à une prostitution de l’administration de justice et à l’établissement d’une pénible tyrannie de la part des patriciens. Le cas de Simacota montre que parfois, au lieu de souscrire des pactes douteux, il valait mieux se contenter des anciens liens de dépendance.
17Nous avons montré comment le besoin de conquérir le soutien des villages et paroisses amena les gouvernements révolutionnaires à créer de nombreux échevinages. Au contraire, dans les provinces plus paisibles, les autorités s’opposèrent à l’introduction de grands changements. Tel fut le cas d’Antioquia où, pourtant, les propositions d’instaurer de nouvelles municipalités ne furent pas absentes. En 1812, le président de la convention de l’État proposa, par exemple, de
créer une ville à Envigado, en ajoutant à sa juridiction les villages d’Amagá et Titiribíes ; faire de même avec Santa Rosa, avec l’agrégation de Los Altos et les lieux environnants ; et faire que Sonsón, qui fait aujourd’hui partie du département de cette cité [de Rionegro], jouisse du même privilège ; et de cette façon, en même temps que l’on stimule la croissance de la population et qu’on évite d’énormes préjudices, on composerait entre tous ces départements un parfait équilibre et on mettrait fin à la lutte pour la suprématie qui oppose tous les hameaux, il n’y aurait plus de jalousie et on obtiendrait enfin l’union qui est notre meilleure protection35.
18Cet ambitieux projet fut rejeté, sans doute parce qu’il portait atteinte à de grands intérêts qui ne pouvaient s’estomper que devant de graves menaces. C’est pourquoi on ne créa point dans la province d’Antioquia de nouvelles municipalités pendant l’interrègne. Néanmoins l’idée d’y établir un équilibre durable conduisit l’année suivante à promouvoir les villes de Medellin et Marinilla au rang de cité36.
19Les établissements d’échevinages que nous avons analysés jusqu’à présent furent motivés par des disputes territoriales entre des gouvernements souverains. Il faut signaler aussi un autre facteur qui contribua notablement à la multiplication des municipalités. Nous faisons allusion, bien entendu, à la guerre contre les autorités de la Régence. Nous ne citerons que deux exemples. Le 11 novembre 1811, la Junte Supérieure Gouvernante de Quito octroya le titre de cité aux villes de Riobamba et Ibarra et celui de ville aux villages d’Alausi, Guaranda, Ambato, Latacunga et Otavalo. Le décret ordonnant la réforme fit part de la nécessité d’améliorer le découpage des provinces afin de pourvoir à leur développement, ainsi que de la grande utilité de récompenser le patriotisme de leurs habitants37. Les privilèges décernés étaient fort opportuns car les gouvernorats de Cuenca et de Guayaquil avaient refusé d’adhérer à la Junte de Quito et cherchaient à l’anéantir avec le soutien du vice-roi de Lima. Les promotions étaient donc motivées par le besoin de « fixer l’opinion » et d’engager la volonté des Pueblos dans une lutte que l’on savait longue et pénible38. Des raisons identiques amenèrent les autorités de l’État de Carthagène à créer huit nouveaux échevinages dans une juridiction dans laquelle il n’y en avait que cinq avant la révolution. En effet, la guerre contre Santa Marta, très longue et difficile, provoqua la promotion des anciennes « capitanías a guerra » au rang de villes et de capitales départementales. Suivant les pas de la Junte Suprême de Santa Fe en 1810, on octroya aussi à chacun des nouveaux échevinages leurs armoiries respectives. Ce processus qui commença en octobre 1812 avec l’élévation de la ville de Mompox à la catégorie de cité39, continua au mois d’avril de l’année suivante avec l’instauration d’un échevinage dans la localité de Barranquilla40. Le 4 mai, ce fut le tour de Nuestra Señora del Carmen41 et, au mois de juin, de Mahates, Corozal, Lorica, Chinú et Magangué42. Finalement, le 8 mars 1814, le village de Soledad fut séparé du département de Barranquilla pour devenir la Ville de Soledad de Colombia43.
20L’érection des nouveaux échevinages constitue un des faits le plus importants de la révolution néogrenadine. Les sources que nous avons pu consulter montrent que le phénomène fut quasi-général, car à part quatre gouvernements révolutionnaires, tous les autres créèrent de petits échevinages, des villes et des cités. Ces exceptions s’expliquent facilement : dans le haut et le bas Choco il n’y avait point d’échevinages avant la révolution. En conséquence, la junte souveraine de Citará constituait en elle-même une promotion pour sa capitale (Quibdo). Quant à Mariquita et Popayan, il faut dire que toutes deux possédaient un nombre très élevé d’échevinages par rapport aux autres provinces du Royaume (7 et 10, respectivement). C’est pourquoi la crise de la monarchie ne provoqua pas de si vives luttes visant l’émancipation des pueblos. C’est que le pouvoir politique était mieux distribué.
21Si l’on tient compte de ce qui a été dit et du fait que les informations disponibles sont fragmentaires, il résulte que pendant l’interrègne néogrenadin furent créés au moins 47 échevinages dans le Nouveau Royaume de Grenade44. Le chiffre est énorme, surtout si on considère qu’à la veille de la révolution, dans la vice-royauté, d’après les calculs de la Junte Suprême de Santa Fe, il y en avait environ 7045. En cinq ans seulement, le nombre de municipalités augmenta au moins de 60 %. Néanmoins, le phénomène ne peut pas être évalué dans toute son étendue si l’on ne tient pas compte des échevinages constitutionnels créés dans les provinces royalistes en vertu de l’application de la Constitution de Cadix. En effet, celle-ci ordonna l’établissement d’un conseil municipal électif « dans les localités où il n’existe pas encore et où il convient d’en établir un », la création étant obligatoire, cependant, dans les villages ayant au moins mille habitants46. En ce sens, au-delà de différences locales, on peut affirmer que la multiplication des échevinages est une caractéristique propre à la révolution hispanique. Il convient donc de se demander dans quelle mesure, à partir d’un moment donné, l’érection de municipalités de la part des gouvernements révolutionnaires du Nouveau Royaume ne fut pas également conditionnée par la constitution gaditaine. En effet, si ces derniers prétendaient s’imposer comme les autorités légitimes, ne devaient-ils pas aller au-delà de ce que les Cortès offraient comme avantages aux pueblos ? La Constitution de Cadix fut appliquée en quelques régions fidèles du Nouveau Royaume, tels Santa Marta ou l’isthme de Panama. Cependant, nous ne disposons pas d’études sur l’instauration dans lesdites provinces des échevinages constitutionnels47. Le livre de Federica Morelli, qui analyse le phénomène dans l’Audience de Quito, permet de pallier ce manque et de constater que le régime libéral espagnol signifia une « accélération dramatique » du processus de fragmentation politique initié par les juntes et les États révolutionnaires. En effet, même si dans les territoires insurgés de ce royaume, l’article 310 de la Constitution de Cadix ne fut pas appliqué, du moins subsistèrent les échevinages qui y avaient été créés. Quant aux provinces de Guayaquil et Cuenca où la norme fut introduite, on établit 13 et 19 échevinages constitutionnels respectivement48. La réforme entraîna évidemment des conflits, mais à cause de l’existence des autorités monarchiques, ceux-ci furent moins importants et ne dégénérèrent pas en guerres civiles comme dans le Nouveau Royaume révolutionnaire.
22On peut donc affirmer que le surgissement dans le Nouveau Royaume de Grenade d’une douzaine d’États souverains et indépendants pendant la révolution est inséparable de la multiplication des échevinages. La consolidation des premiers ne pouvait s’effectuer qu’au détriment des prétentions centralistes de la capitale de la vice-royauté et des velléités autonomistes des villes et échevinages secondaires de chaque gouvernement. En ce sens le soutien de pueblos était incontournable et avait, bien entendu, un prix à payer. Néanmoins, l’affirmation des États provinciaux permit de refréner aussi, paradoxalement, l’expansion des municipalités qui atteignit dans d’autres zones de l’empire des niveaux bien plus considérables49.
PETITES AMPHICTYONIES
23Il convient de souligner l’existence, pendant la crise de la monarchie en Amérique, d’une sorte de convention, à laquelle nous avons déjà fait allusion, selon laquelle les Pueblos étaient les véritables dépositaires de la souveraineté. Cependant, il existait aussi un postulat notoire qui limitait sérieusement les droits des paroisses, hameaux et échevinages de deuxième ordre. De toute évidence, ceux-ci ne pouvaient pas se gouverner dans une totale indépendance. C’est pourquoi l’exercice de la souveraineté les concernant se réduisait dans la pratique à la faculté de négocier les nouveaux pactes par l’intermédiaire des électeurs ou des députés que, selon les cas, ils pouvaient nommer. Cela veut dire que les villages étaient assimilés à des mineurs dont la seule faculté était celle de ratifier la tutelle de leurs chefs-lieux respectifs. À cause, donc, de l’incapacité manifeste des localités de vivre en autarcie, les liens qui les liaient entre elles et qui n’avaient pas changé essentiellement avec la crise de la monarchie, primaient sur la volonté particulière de chacune. On comprendra dès lors l’importance de l’histoire, du commerce et des parentés auxquels se réfèrent maints documents de cette époque turbulente. Néanmoins, le droit de chaque village de déposer le fragment de souveraineté qu’il possédait légitimement était incompatible avec la violence. En d’autres termes, les négociations devaient présider à l’accumulation progressive de l’autorité suprême. C’est pourquoi, lorsque la logique représentative était brisée ou lorsque les pactes établis étaient violés, les villages considéraient qu’ils avaient la faculté de s’insurger. Dans un tel cas, surgissaient des alliances spontanées entre les localités affectées. Les paroisses, les hameaux et les échevinages établirent ainsi des confédérations inférieures afin, non seulement de se défendre, mais aussi de créer un territoire suffisamment puissant, capable d’assumer le gouvernement dans un état d’orphelinage.
24Les documents qui ont été préservés témoignent de l’existence d’au moins quatre de ces amphictyonies dans l’interrègne néogrenadin : celle du Magdalena, celle de Soata, celle des Vallées de Cucuta, et celle du Cauca. La première d’entre elles fédérait trois paroisses du gouvernorat de Santa Marta (Guaimaro, Remolino, Sitionuevo) qui sous la direction du docteur Agustín Gutiérrez Moreno essayèrent de se séparer de leur province pour s’incorporer à celle de Carthagène50. On ne sait presque rien de la petite amphictyonie des « Pueblos-Unis de Soatá ». Née avec l’érection d’une junte dissidente début septembre 181051, elle chargea son président Fernando Pabón de négocier la réincorporation à la province de Tunja. Dans ce but, le commissaire gagna Santa Fe où il se réunit avec le docteur Joaquín Camacho, qui avait été nommé comme député de Tunja au congrès du Royaume. Finalement, la réintégration fut scellée moyennant un accord dont les bases étaient l’octroi du titre de ville pour Soata et la faculté pour elle de nommer un député à la junte provinciale52.
25Comme les deux précédentes, la Confédération de Cucuta fut motivée par les divergences surgies avec la capitale provinciale. En effet, les dissensions au sein de la Suprême Junte de Pamplona provoquèrent la réunion, début septembre 1811, des quatre juridictions de la vallée (les villes de San José et El Rosario, la cité de Salazar de las Palmas et le gouvernorat de San Faustino) moyennant des pactes solennels conclus par des délégués nommés expressément. Le but de l’alliance était, non seulement de se soustraire à l’obéissance du gouvernement provincial, mais aussi d’exiger des réformes et le respect des pactes provinciaux53. Afin d’éviter une guerre civile, les autorités de la province de Pamplona acceptèrent la médiation proposée par les gouvernements voisins de Mérida de Venezuela, Tunja, Socorro et Casanare54. La rebellion fut apaisée ainsi « par la raison et l’amitié », c’est-à-dire en vertu d’un traité souscrit par les parties opposées sous les auspices des deux députés nommés par les autorités révolutionnaires de Mérida55. L’accord permit le rétablissement de la tranquillité et conféra de la légitimité au Collège Électoral et Constituant qui travaillait à Pamplona depuis le 17 octobre. Le retour de la sérénité ne signifia pas, cependant, la disparition de la Confédération de Cucuta. En effet, celle-ci continua à exister – tout au moins de façon latente – comme on devait le constater par la suite. Après l’entrée des troupes royalistes de Maracaibo dans les vallées (juillet 1812), les députés des différentes juridictions de ce territoire se réunirent à nouveau pour entériner, en formant un seul corps, leur agrégation légale au gouvernorat envahisseur « sans que la vice-royauté de Santa Fe, une fois rétablie sous son ancienne forme, puisse revendiquer notre appartenance à sa Juridiction, car à partir de maintenant, nous nous séparons d’elle pour nous unir, comme nous l’avons déjà dit, au [gouvernorat] de Maracaibo dont nous sommes à juste titre des sujets56 ». Ce document est fort intéressant car il démontre que même les autorités des provinces royalistes considéraient la crise de la monarchie comme une opportunité sans égale pour réformer les entités provinciales. Le respect des formes légales de la part du gouvernement de Maracaibo – qui sollicita sans doute le traité d’incorporation – s’explique par la volonté de celui-ci de donner un caractère définitif à une situation exceptionnelle. D’ailleurs, si l’on analyse l’acte du point de vue de la culture politique, on voit très bien que le triomphe militaire n’arrachait pas aux pueblos l’« aptitude de s’occuper de leur bien-être57 ».
26La plus importante des petites amphictyonies néogrenadines fut sans doute celle des Cités Amies de la Vallée du Cauca. Comme celles du Magdalena et de Cucuta, sa création répondit au besoin de résister aux desseins de la capitale provinciale. Popayan, en effet, insistait sur la reconnaissance de la Régence et le gouverneur Miguel Tacón menaçait les dissidents d’une soumission par la force. L’interception de la correspondance, le recrutement de troupes et l’envoi d’émissaires pour orchestrer des séditions, convainquirent les six cités septentrionales de la province (Caloto, Buga, Cartago, Anserma, Toro et Cali) de la nécessité de se fédérer. Elles résolurent ainsi la création d’un Conseil qui
concentre dans un seul endroit l’autorité et puisse œuvrer légalement dans toutes les localités avec l’énergie et la sérénité propres aux circonstances, sans qu’il faille demander l’avis des très illustres échevinages par l’envoi de communications réciproques, ce qui apporterait beaucoup de retard aux mesures particulières concernant chaque cité et causerait un grand désordre qui peut-être conduirait ces pueblos à la ruine58.
27La Junte fut formée selon le mécanisme habituel de la délégation. Chacune des cités désigna, donc, un agent qui, non seulement négocia et souscrivit les pactes, mais aussi agit par la suite comme représentant de ses commettants dans l’amphictyonie. La particularité de la Confédération du Cauca – comme on l’appelait également – consiste dans le fait que celle-ci était suffisamment puissante pour projeter de devenir une nouvelle province, avec l’inclusion du haut et du bas Choco et le district minier du Raposo59. La fédération de cités était en outre soutenue par la Junte Suprême de Santa Fe pour laquelle il était très important de réduire, d’une part, la menace d’une contre-révolution venue du sud, et, d’autre part, les velléités expansionnistes des Quiténiens. C’est pourquoi l’amphictyonie du Cauca reconnut d’abord le gouvernement révolutionnaire de la capitale de la vice-royauté, croyant que les autres provinces néogrenadines agiraient de la sorte. Cependant, lorsque furent vaincus les royalistes de Popayan, le système fédératif s’imposa pour la réorganisation politique. Les Cités Amies rejetèrent alors la tutelle de Santa Fe et résolurent de créer une Junte Suprême Provinciale avec le concours, cette fois, de l’échevinage de Popayan. Celle-ci, qui fut installée le 26 juin, devait participer avec les autres juntes du Royaume à la création d’un gouvernement général pour l’ancienne vice-royauté60.
LE ROYAUME AUTREMENT
28En 1810, surgirent et se consolidèrent, malgré les difficultés, des juntes de gouvernement dans presque toutes les provinces du Nouveau Royaume. Ces gouvernements intérimaires, cependant, ne pouvaient se circonscrire à eux-mêmes car leur persistance était liée de manière indissoluble à celle du Royaume comme système politique. Au mois de septembre Camilo Torres l’expliqua avec une clarté sans failles :
De même que dans l’ordre physique, les corps ne peuvent pas subsister sans que leurs parties soient réunies, ainsi dans l’ordre politique la permanence des Sociétés ne peut se passer de la bonne entente et des relations harmonieuses des individus qui les composent. Rien ne peut exister sans union dans l’univers, et ce qui chez les êtres est une force physique, une attraction, chez l’homme est un précepte qui nous est imposé par la nature et que nous recommandent toutes les lois divines et humaines61.
29Clément Thibaud a donc signalé à juste titre que les associations de type fédéral reposaient sur une métaphysique commune, sur une règle qui n’était pas seulement politique, mais aussi cosmique62. L’autonomie des corps politiques néogrenadins avait ainsi une limite infranchissable. Aucune province ne pouvait légitimement refuser l’union avec les autres, tout simplement parce que chacune avait une « existence précaire et était dépendante des autres du Royaume et notamment de celles avec lesquelles elle avait une frontière en commun63 ». Les biens consommés par chacune venaient des champs de ses voisines et le commerce de toutes dépendait des marchés limitrophes. C’est pourquoi les députés au Congrès du Royaume réunis à Santa Fe avaient le droit de sommer le gouvernement de Santa Marta, qui refusait l’envoi d’un représentant aux Cortès, où devaient être reconstruits les liens de l’union. Le bonheur commun était impossible sans la convergence de tous les membres du corps disloqué et la sûreté du Nouveau Royaume ne pouvait être garantie sans l’unanimité. La sécession d’une province côtière était d’autant plus dangereuse qu’elle pouvait devenir la porte d’entrée des invasions qui nécessairement devaient susciter l’appétit des puissances européennes. Les dangers de la crise et l’existence d’une « volonté générale des pueblos » [« voluntad general de los pueblos »] rendaient licite la guerre entre des provinces-sœurs en vue de la reconstitution de l’union64.
30Entre ces nouvelles souverainetés, obligées par la nature et par leurs besoins d’avoir des relations réciproques, n’existaient pourtant pas de liens légaux capables de réglementer leurs rapports. Comme dirait Locke, chaque corps politique se trouvait à l’égard de ses semblables dans un état de nature comparable à celui qui régnait parmi les hommes avant la fondation des sociétés politiques65. Afin de prévenir les résultats néfastes de cette situation chaotique, les juntes néogrenadines s’accordaient donc sur la nécessité de recréer les liens de leur communauté, dissous depuis la disparition des autorités de la vice-royauté. Cependant, les conflits d’intérêts étaient si nombreux, les divergences si importantes et les difficultés de la confédération si complexes que les juntes comprirent qu’il valait mieux constituer des alliances partielles avec leurs voisines immédiates ou avec leurs partenaires stratégiques. Avec la souscription des traités de confédération, le droit et non pas le hasard ou le caprice, baliserait leurs relations mutuelles. Il y a plusieurs exemples de ces traités de confédération partielle, bien qu’on en ignore dans la plupart des cas le détail. On sait que la province de Novita signa ce type de pacte avec Popayan et que, plus tard, elle le désavoua pour s’unir avec le Citara66. Il est également certain que le gouvernement du Casanare souscrivit une alliance étroite avec Barinas et qu’il chercha à faire de même avec la Guyane67. De même, les États de Popayan et Quito signèrent, début 1812, des traités d’union et amitié68. Enfin, les provinces orientales (Tunja, Socorro, Casanare et Pamplona) composèrent une confédération pour s’opposer aux prétentions hégémoniques de Cundinamarca69.
31Néanmoins, des traités de ce genre que nous connaissons, le plus intéressant est, sans doute, celui que conclurent, le 9 août 1811, José Manuel Restrepo et Manuel Bernardo Álvarez, plénipotentiaires, respectivement, d’Antioquia et Cundinamarca. C’est pourquoi il sera pris ici en tant que modèle et analysé en détail. Tout d’abord, il faut signaler que les signataires du traité étaient, en principe, des députés au congrès du Royaume. En tant que tels, ils travaillaient depuis plusieurs mois afin de fixer les bases de l’union. Ces longues négociations devaient aboutir à l’Acta de Federación, promulgué dans la capitale du Royaume le 27 novembre 181170. C’est donc malgré les tentatives qui avaient lieu pour négocier des pactes généraux que les représentants d’Antioquia et Santa Fe crurent bon de signer un traité particulier d’alliance et d’amitié. Il faut se demander pourquoi. Évidemment, les discussions des députés au Congrès concernant la manière dont devaient se fédérer les provinces néogrenadines n’assuraient aucunement que ceux-ci trouveraient un compromis. Si les négociations venaient à se rompre – ce qui était déjà advenu – le dangereux état de nature qui régnait entre les gouvernements révolutionnaires du Nouveau Royaume devrait se prolonger. Si par hasard cela n’advenait pas, il existait encore un risque significatif : celui de longues démarches de ratification. En effet, l’acte fédératif devait être approuvé par les différents gouvernements qui discuteraient préalablement et avec détail de la totalité des articles71. Combien de temps ce processus pouvait-il durer ? Un an ? Deux ? Dans le meilleur des cas, c’était là un délai trop long pour ce qui constituait un état juridique incertain. C’est afin d’éviter cette nocive lenteur que les plénipotentiaires d’Antioquia et Santa Fe s’engagèrent au nom de leurs commettants à ratifier le traité d’alliance particulière en moins de 40 jours72. En somme, la signature des pactes partiels était avant tout une façon de prévenir les graves préjudices qu’impliquait l’échec ou le retard de l’union générale. En outre, les articles de l’acte fédératif, aussi exhaustifs qu’ils fussent, ne pouvaient embrasser complètement les intérêts des provinces ni normaliser tous les liens qu’elles entretenaient. C’est pourquoi l’alliance partielle d’Antioquia et Cundinamarca avait aussi l’intention claire de résoudre les insuffisances des traités généraux. Ces deux raisons conduisirent les plénipotentiaires à établir les bases qui devaient régir la correspondance et le commerce réciproques. Quant à ce dernier, il faut dire que la dépendance des habitants d’Antioquia en ce qui concernait le monnayage d’or fut, sans aucun doute, une des raisons qui motivèrent la négociation du traité. En effet, le minerai était « le seul effet de son commerce » [« el único ramo de su comercio »] et à son exploitation se consacraient la plupart des habitants de l’État73. Traditionnellement, les mineurs d’Antioquia envoyaient le fruit de leur travail à la Maison de la monnaie de Santa Fe pour le monnayage. Néanmoins, avec la rupture des anciens pactes sociaux, la méfiance s’était emparée d’eux : ils craignaient, non sans raison, les détournements et les confiscations. En ce sens, le traité constituait un gage précieux de bonne foi74. Les pactes conclus par Restrepo et Alvarez avaient pour but, enfin, d’éviter à tout prix la guerre civile. Après avoir reconnu leurs commettants respectifs comme des « États égaux, libres, indépendants et souverains », les plénipotentiaires s’engagèrent à garantir l’intégrité des territoires qu’Antioquia et Cundinamarca possédaient « avec paix et quiétude sans souffrir aucune contradiction75 ». Cette clause est d’une clarté éloquente. Le gouvernement de Santa Fe avait entrepris depuis le mois de mars une politique expansionniste qui menaçait d’aboutir à une véritable conflagration dans le Nouveau Royaume. Avec les traités d’alliance, le jeune Restrepo cherchait donc à soustraire sa province, non seulement aux agressions que l’on craignait de Cundinamarca, mais aussi à la guerre civile qui pouvait dévaster le Royaume. Il faut dire, cependant, que malgré la conclusion des traités, les soupçons du député d’Antioquia et de son suppléant concernant l’attitude de la capitale de la vice-royauté ne cessèrent de croître. Ainsi, lorsque début 1812 ils apprirent que le gouvernement de Santa Fe avait incorporé à son territoire plusieurs localités du Socorro, ils envoyèrent des missives à la « Représentation Nationale » d’Antioquia pour lui faire part des risques très sérieux qui menaçaient la province d’une conquête militaire76. Il convient d’ajouter que le traité d’alliance bénéficiait non seulement à Antioquia mais aussi à Cundinamarca. Grâce à la garantie du territoire et aux promesses de paix et d’alliance contenues dans le traité, la province d’Antioquia, qui était une des plus riches de l’ancienne vice-royauté77, devait rester en dehors de tout conflit intérieur dans une stricte neutralité. De même, le gouvernement de Santa Fe obtint une reconnaissance tacite de plusieurs incorporations qu’il avait entreprises à cette époque.
32On peut donc affirmer pour conclure que les difficultés à restaurer rapidement les pactes sociaux qui avaient lié pendant trois siècles l’ensemble des provinces néogrenadines conduisirent les gouvernements révolutionnaires à souscrire des alliances partielles. Comme l’indique leur nom, leur objectif était la restauration fragmentaire des relations d’amitié existant entre deux corps politiques ou plus unis par des intérêts très étroits. La tâche d’établir ces nouveaux liens fut confiée à des agents diplomatiques qui négocièrent des traités bannissant les procédés arbitraires de l’anarchie. Avec la renaissance de la confiance soutenue par la foi publique des différentes autorités révolutionnaires, les échanges en général pouvaient se développer à nouveau sans inquiétude. De même, disparaissait entre les États contractants le fantôme de conflits intestins et de guerres de conquête.
UNE CONFÉDÉRATION DE CONFÉDÉRATIONS
33Dans une série d’articles publiés pour la première fois dans la Gazeta de Caracas en 1811, William Burke proposa la création d’un intéressant système politique comprenant les anciennes vice-royautés et capitaineries générales de l’Amérique espagnole. En effet, la dispersion du pouvoir provoquée par la crise de la monarchie impliquait un double danger qu’il convenait d’éviter avant tout autre. D’une part, les nouveaux États pouvaient composer un équilibre politique fragile susceptible de susciter l’ambition de l’un d’entre eux, ce qui provoquerait des guerres intérieures interminables. D’autre part, le fractionnement avait pour conséquence un affaiblissement dangereux qui ferait des républiques naissantes une proie facile pour les invasions étrangères. Afin de conjurer ces menaces, Burke conseilla la création de deux grandes confédérations au Mexique et en Amérique du Sud78. Selon l’écrivain irlandais, les Américains étaient dans l’obligation de tirer les conséquences de l’exemple européen, dans lequel l’absence d’un « système général d’union » avait produit des siècles d’effusions de sang et de dévastations. Napoléon était la preuve palpable de la nécessité de trouver une union digne, faute de quoi tôt ou tard devait surgir un tyran imposant la servitude. Mais comment obtenir un bien si précieux ? Une confédération comme celle de l’Amérique du Nord était, sans doute, le remède approprié pour « assurer les droits du peuple et la tranquillité du continent ». Le cas des États-Unis était, en outre, la preuve selon laquelle l’étendue du territoire n’était pas un obstacle pour l’union à condition que l’on fît appel au système représentatif79.
34Ce que Burke proposait était en réalité l’établissement de deux confédérations de confédérations. Pour ce faire, chacun des États ayant surgi en Amérique espagnole convoquerait et réunirait un congrès devant rédiger une constitution fondée sur le principe de la division des pouvoirs. Afin d’agir vite, du sein de chacune de ces assemblées, on élirait le nombre correspondant de députés aux deux Congrès Généraux qui devaient se réunir respectivement à Santa Fe et à Mexico80. De ces réunions surgiraient deux confédérations continentales capables de lever chacune une armée de cinq cent mille hommes. De cette façon, on pourrait s’opposer aisément aux prétentions des usurpateurs domestiques et aux agressions des nations étrangères. Les confédérations continentales auraient, entre autres, le pouvoir de faire la paix, de déclarer la guerre, de dépêcher des ambassadeurs, de contracter des emprunts et d’imposer des contributions. William Burke était conscient, cependant, que son projet était irréalisable en 1811. En attendant que les conditions nécessaires à la réalisation de celui-ci fussent réunies, il proposa la création de confédérations partielles établies selon les mêmes principes que celles qui naîtraient plus tard à l’échelle continentale81. Son plan venait ainsi légitimer les négociations qui, en ce moment même, avaient lieu pour établir une confédération entre le Venezuela et le Nouveau Royaume. Cette association devait être ainsi le premier pas vers la création d’une union continentale.
35Francisco Javier Ustariz était également convaincu de l’opportunité de créer un vaste corps politique comprenant tout le « Continent Américain Espagnol » [« Continente Americano Español »]. Cependant, l’établissement d’un tel gouvernement était sinon impossible, tout du moins extrêmement difficile. En conséquence, l’avocat vénézuelien proposa la réunion de quelques portions de l’ancien empire capables « par leur taille, leurs forces et leurs ressources d’imposer le respect à toute nation étrangère ». Tel était le cas, par exemple des territoires compris entre Guayaquil et Cumana, ou entre Tumbes et Buenos-Aires. D’après Ustariz, la conservation des nouveaux États hispano-américains dépendait de leur capacité à intégrer le nouvel ordre mondial qui était, à cette époque-là, en phase de consolidation. Si Napoléon semblait prêt à inclure dans son empire l’Espagne et l’Italie et à poursuivre la création de départements français sur les rives de la Baltique, n’aurait-il également le dessein d’étendre sa domination au continent américain ? L’Angleterre n’avait-elle pas multiplié ses colonies ? N’était-elle pas de plus en possession du commerce de l’Afrique, de la Mer Rouge, du Golfe Persique, de l’Inde et de la Chine ? Et les États-Unis, n’avaient-ils pas fait de progrès surprenants, que louaient tous les observateurs politiques ? Enfin, la cour portugaise ne s’était-elle pas transférée dans l’énorme territoire du Brésil82 ? Ainsi la proposition d’Ustariz de créer des confédérations très étendues en Amérique espagnole comme seule option pour assurer son indépendance, procédait des vieilles théories européennes de l’équilibre politique83 : une fatalité tenant à la nature même des rapports de forces conduisait les vieilles vice-royautés et capitaineries générales à s’associer pour opposer des contrepoids efficaces aux pouvoirs colossaux qui les menaçaient de destruction.
36Don Manuel de Pombo, contador de la Maison de la monnaie de Santa Fe, énonça en 1812 une proposition encore plus osée que celles de Burke et Ustáriz. Elle consistait en la création d’une confédération de confédérations composée de celle du Nouveau Royaume de Grenade ainsi que des 13 autres qui devaient s’établir dans les autres zones de l’empire (Buenos-Aires, Chili, Pérou, Venezuela, Cuba, Saint-Domingue et Porto Rico, Guatemala, Mexique, Guadalajara, Nouveau-Mexique, Louisiane, Philippines et Mariannes, et les Canaries). Une fois que le gouvernement de Cadix aurait reconnu l’indépendance des territoires d’outre-mer.
et [que serait] éteinte, en conséquence la guerre civile qu’il a enfantée une politique aussi aveugle que maladroite et fausse, toutes les confédérations entreraient dans la coalition, étouffant généreusement les rancunes, pour envoyer des trésors abondants vers la Péninsule, malgré l’état fatal de sa conquête84.
37Le texte de Pombo démontre que quelques Créoles croyaient encore dans la possibilité d’établir une véritable « fédération hispanique ». Et cela malgré le fait qu’entre 1808 et 1810, les autorités intérimaires de la monarchie aient fait avorter la participation active des territoires d’outre-mer à la révolution des provinces d’Espagne, en refusant avec entêtement la création de juntes dans les diverses vice-royautés et capitaineries générales85. En ce sens, il est important de ne pas considérer les déclarations d’indépendance promulguées par les États américains comme une renonciation aux projets de formation de fédération impériale86. De même que les reniements solennels de Ferdinand VII faits par le Venezuela, Cartagena, Cundinamarca, Antioquia, Tunja et Neiva n’empêchèrent pas ceux-ci de souscrire des traités d’union ou d’entamer des négociations afin de créer des corps politiques plus étendus, on ne doit pas écarter la possibilité qu’un triomphe des libéraux espagnols eût pu produire des pactes confédératifs entre l’Espagne et l’Amérique. La lettre que Miguel de Pombo écrivit lorsqu’il apprit la déclaration d’indépendance du Venezuela en est une preuve. Les transports de joie n’empêchèrent pas le jeune avocat de se laisser aller à une rêverie dans laquelle il s’adressait aux députés des Cortès de Cadix pour leur dire que, pour être heureuse, la nation espagnole devait renoncer à jamais à Ferdinand VII, construire une république fédérative entre toutes les provinces de la Péninsule et reconnaître l’indépendance de l’Amérique. C’est alors seulement que serait possible l’alliance étroite entre les deux continents87.
38La véritable rupture, la brisure définitive commença à se produire avec le retour du roi Ferdinand VII sur le trône d’Espagne et avec son désaveu de la Constitution de Cadix au mois de mai de l’année 1814. Cela explique qu’au mois de septembre de cette même année, le Comte de Casa-Valencia ait écrit un texte dans lequel il affirmait que, tant que les États révolutionnaires de l’Amérique agiraient d’une façon isolée, la liberté du continent ne pourrait point être consolidée. Leur existence ne pouvait être que précaire tant que l’Espagne posséderait ne serait-ce qu’un petit territoire dans le Nouveau monde. Et même lorsque toute l’Amérique méridionale serait libre, son sort ne serait pas scellé tant que le Mexique resterait sous la sujétion. Il était donc « peut-être plus important d’établir et multiplier les communications entre toutes les zones des deux Amériques, fussent-elles indépendantes ou soumises, plutôt que les opérations militaires mêmes ». Casa-Valencia crut bon de rappeler, également, aux leaders de la révolution que l’émancipation des Pays-Bas – celle qui offrait le plus de ressemblances avec celle de l’Amérique – n’avait pas été acquise jusqu’à ce que se fût produite la réunion de « toutes ses provinces pour œuvrer à l’unisson ». C’est pourquoi il proposa :
que toutes les grandes divisions territoriales nomment sur-le-champ leurs mandataires ou députés généraux à la Junte générale ou ligue Américaine pour la liberté universelle de l’Amérique Espagnole : que cette grande Junte, ou ligue avec tous les pouvoirs nécessaires dirige les opérations militaires, de gouvernement et diplomatiques : qu’elle se réunisse dans une Localité proche de Carthagène, cité qui a tous les avantages, se trouvant comme elle se trouve au centre des deux Amériques et proche d’un Port à partir duquel on peut envoyer avec rapidité des ordres et des avertissements : qu’elle seule négocie, au nom de tous, avec les Puissances étrangères, et fasse parvenir des aides de toute sorte et de toute origine au pays qui serait attaqué. Cette union des volontés, cette simultanéité d’efforts accélérerait le but recherché : et les puissances de l’Europe recevraient le Représentant de tant de millions d’hommes tout autrement que celui d’un seul État comme Caracas ou Buenos-Aires88.
39Des projets comme ceux de Burke, Ustáriz, Pombo et le Comte de Casa-Valencia montrent que les révolutionnaires de la Terre-Ferme étaient conscients de la nécessité d’établir des relations liant tous les gouvernements hispano-américains et même toutes les possessions d’outre-mer de l’empire. Ils savaient que, pour s’opposer avec succès aux prétentions hégémoniques des grandes puissances, il valait mieux créer une union regroupant tous les vassaux du roi, ce qui équivalait, en fin de compte, à fédéraliser la monarchie. Que s’est-il produit ? Pour quelle raison ces liens ne furent-ils pas créés ? Nous pensons que la réponse se trouve dans l’extrême difficulté de consolidation étatique. En effet, l’installation d’un congrès confédératif au Nouveau Royaume prit plus de deux ans et cette assemblée ne représenta jamais l’ensemble des provinces de l’ancienne vice-royauté car quelques-unes de ces dernières, aussi importantes que Santa Marta ou celles de l’Audience de Quito ou de l’isthme de Panama, restèrent toujours en dehors. En somme, si les Néogrenadins, par exemple, ne cherchèrent pas avec plus de diligence à créer des liens avec le Rio de la Plata, le Chili ou le Mexique, ce ne fut pas par manque d’intérêt mais par l’impossibilité de consolider l’union de tous les gouvernements du Royaume. Il en fut donc des projets de constitution continentale et impériale comme de l’établissement de liens diplomatiques avec les puissances étrangères : afin de tisser des liens fermes avec celles-ci ou avec les nouveaux États révolutionnaires de l’Amérique, il fallait d’abord se constituer soi-même solidement. Ce fait explique une particularité de la naissance de la diplomatie hispano-américaine : malgré les forts liens culturels qui liaient les nouveaux États, leurs relations se nouèrent aux États-Unis et en Angleterre. Philadelphie, Washington et Londres furent le théâtre des débuts de l’amitié entre les nouvelles républiques89. Quant au projet d’une confédération de confédérations calquée sur l’ancien empire, il faut dire que celui-ci ne pouvait fonctionner sans l’aide des hommes politiques de la Péninsule. En ce sens, on peut affirmer avec José M. del Portillo que la fédéralisation de la monarchie échoua essentiellement par le refus des métropolitains d’accepter l’idée selon laquelle les territoires d’Amérique constituaient, eux aussi, des communautés parfaites90.
CONCLUSION
40En raison de l’invasion napoléonienne, se produisit la dissolution de la famille monarchique et les liens en quelque sorte naturels qui subsistaient entre ses membres se disloquèrent. En conséquence, et d’après les théories du droit naturel, il fallut entreprendre le pénible rétablissement de l’union moyennant de nouvelles conventions. Les pueblos, reconnus partout comme les véritables dépositaires de la souveraineté, devaient être le point de départ du processus de reconstruction. Dans le meilleur des cas, les villages approuveraient les représentants nommés par leur chef-lieu respectif et accepteraient les décisions prises par les assemblées provinciales. À leur tour, les juntes souveraines désigneraient des députés qui formeraient les cortès néogrenadines et célébreraient des traités solennels d’union et d’alliance. Le Royaume ainsi reconstitué nommerait également des plénipotentiaires dans le but d’établir avec les représentants des autres États de l’Amérique une confédération de confédérations capable d’orchestrer la résistance contre n’importe quel usurpateur et de négocier avec les gouvernements de la Péninsule ou le monarque rétabli sur son trône, le cas échéant, le degré d’autonomie convenable.
41Les nouveaux pactes avaient donc comme objectif la mise en consignation progressive de la souveraineté des pueblos. Leur logique était agrégative et supposait l’existence de différents niveaux de constitutions : provinciale, vice-royale, continentale, impériale. La montée de chaque échelon supposait des négociations qui n’étaient, finalement, qu’un exercice de synthèse grâce auquel on créait une seule opinion à partir de plusieurs. La consolidation de cette volonté générale des pueblos permettait, également et paradoxalement, de créer une volonté particulière susceptible de s’entendre avec d’autres de même nature91. Dès lors, elle devenait une personne morale pouvant être incarnée par un agent politique. C’est pourquoi la reconstitution des liens politiques ne pouvait se passer du mécanisme de la délégation qui permettait à des communautés entières de faire des pactes et de se fondre dans un nouveau corps social. Néanmoins, les négociations s’avérèrent plus complexes qu’on ne pensait. Les hameaux voulurent devenir des paroisses, les villages être reconnus comme villes, les villes comme des cités, les échevinages comme de nouvelles provinces et les provinces comme des États souverains. Ces aspirations supposaient de s’attaquer à des intérêts très puissants auxquels il était difficile de renoncer. Dans ces circonstances, l’explosion de conflits était inévitable et la guerre civile, chose certaine. C’est pourquoi nous avons insisté sur la nécessité d’étudier les niveaux intermédiaires de constitutions, qui apparaissaient précisément dans ces conditions de fracture du corps social, à cause de l’échec ou de la difficulté d’entreprendre des négociations. Les confédérations de paroisses et échevinages naquirent, comme nous l’avons montré, pour défendre des intérêts particuliers devant des attentats avérés ou fictifs de la capitale provinciale. De même, les alliances particulières des États néogrenadins furent conclues dans un contexte d’incertitude, car on se fiait de moins en moins à la possibilité d’organiser rapidement des autorités communes. La difficulté d’établir des liens généraux conduisit les gouvernements révolutionnaires à souscrire des pactes partiels afin de sortir de l’état de nature qui régnait entre eux et qui menaçait leurs intérêts les plus chers. Finalement, la complexité du processus reconstitutif empêcha la réalisation d’une confédération américaine ou impériale qui présupposait l’existence de gouvernements organisés dans chacune des vice-royautés et capitaineries générales. C’est pourquoi surgirent des projets fédératifs entre les diverses unions de provinces. Tel fut le cas, par exemple, du Nouveau Royaume de Grenade et du Venezuela qui tentèrent de s’allier en différentes occasions comme nous le montrerons plus tard.
42L’étude des niveaux intermédiaires de constitution est également importante pour échapper à l’interprétation téléologique qui mène comme par un canal naturel – après quelques hésitations tenues pour déconcertantes – à la formation des États hispano-américains actuels. En ce sens, il est fondamental d’établir des comparaisons avec d’autres niveaux de l’empire. Un tel exercice démontre que chaque niveau constitutif aurait pu être le dernier, c’est-à-dire marquer la fin de la logique agrégative. Le cas du Costa Rica indique qu’un gouvernorat pouvait devenir un État indépendant et souverain ; celui du Chiapas, qu’une intendance était en capacité de se séparer de l’audience à laquelle elle appartenait pour s’unir à un autre royaume ; celui de l’Équateur, qu’une association partielle de provinces souveraines pouvait être politiquement viable ; et celui de la Colombie bolivarienne, qu’à partir d’une union d’anciens « royaumes », il était possible de consolider une république.
Notes de bas de page
1 Juan Germán Roscio à Andrés Bello (Caracas, 23 mai 1811), in Manuel Pérez Vila (ed.), Epistolario de la Primera República, Caracas, Academia Nacional de la Historia, 1960, t. 2, p. 196-210. Voir également les réflexions de Miguel José Sanz dans le Semanario de Caracas, n° VII (16 décembre 1810) et celles de Fray Servando Teresa de Mier, Historia de la revolución de la Nueva España, Édition critique dirigée par A. Saint-lu et M.-C. Benassy, Paris, Publications de la Sorbonne, 1990, p. 508.
2 Représentation de Juan de Dios Morales (s. d.), in Archivo Restrepo (désormais AR), Fondo I, vol. 25, f. 180 et 185 v.
3 Le discours a été publié par Manuel Ezequiel Corrales dans les Documentos para la historia de la Provincia de Cartagena de Cartagena de Indias, hoy Estado Soberano de Bolívar, en la Unión Colombiana (DPHC), Bogotá, Imprenta de Medardo Rivas, 1883, t. 1, p. 191-195.
4 « La Junte de Cités Amies de la Vallée du Cauca à l’échevinage de Popayan (Cali, 14 mars) », Archivo General de Indias (désormais AGI), Quito, 235.
5 L’évêque Cuero y Caicedo à l’échevinage Quito (20 décembre 1811), in AGI, Quito, 222.
6 L’allocution se trouve dans El Publicista de Venezuela n° 1 (4 juillet 1811), Caracas, édition facsimilaire de l’Academia Nacional de la Historia, 1959.
7 Véronique Hébrard, Le Venezuela indépendant. Une nation par le discours 1808-1830, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 37-47.
8 Gaetano Filangieri, La scienza della legislazione [1780], edition critique dirigée par Vicenzo Ferrone, Venise, Centro di studi sull’illuminismo europeo Giovanni Stiffoni, 2003, libro I, cap. I.
9 « Vista fiscal del Dr. Víctor Félix de Sanmiguel (Quito, marzo 6 de 1813) », AGI, Quito, 222.
10 John Locke, Traité du gouvernement civil, Paris, Flammarion, 1992, III, § 19.
11 Ibid., VII, § 87-89, XVII, § 197, XIX, § 211-212.
12 « Pueblo fiel de la ylustre Santa Marta y havitantes leales de toda su Provincia (14 de octubre de 1811) », AGI, Santa Fe, 1022.
13 « Représentación de Joaquín de Molina (29 janvier 1812) », AGI, Quito, 257.
14 « Représentation du gouverneur Tomás de Acosta (1er juillet 1811) », AGI, Santa Fe, 1182.
15 Micromegas, chapitre premier.
16 « Noticia », Diario Político de Santafé de Bogotá, n° 10 (25 septembre 1810), in Luis Martínez Delgado et Sergio Elías Ortiz (ed.), El periodismo en la Nueva Granada 1810-1811, Bogotá, Academia Colombiana de Historia, 1990.
17 Roberto Luis Jaramillo, « De pueblo de aburraes a villa de Medellín », in Jorge Orlando Melo (coord.) Historia de Medellín, Medellín, Suramericana de Seguros, 1996, t. I, p. 106-120. Sur le cas également tortueux du Socorro, John Leddy Phelan, The People and the King. The Comunero Revolution in Colombia, 1781, Madison, The University of Wisconsin Press, 1978, p. 39-41.
18 Enrique Ortega Ricaurte, Heráldica Colombiana, Bogotá, Archivo Nacional de Colombia, 1952, p. 255.
19 Ibid., p. 247, 255, 265.
20 Pactes célébrés entre la ville de San Gil et les députés de Barichara (San Gil, 16 octobre 1811), in Archivo General de la Nación (Colombie, désormais AGN), Section Archivo Anexo Historia (désormais SAAH), t. 13, f. 313.
21 À propos de Celedonio Gutiérrez de Piñeres, on peut consulter le dossier composé pour la confirmation de son titre de Regidor Alguacil Mayor en 1803 (AGI, Santa Fe, 742). Voir également la communication du commissaire royal Antonio Villavicencio à Miguel de Lardizábal y Uribe (16 juin 1810), in DHPC, p. 103-104.
22 Pactes cités.
23 Ibid.
24 La famille étant considérée comme le premier modèle des sociétés politiques et cette métaphore ayant été employée abondamment dans les textes politiques néogrenadins de l’interrègne, il semble licite d’avoir recours dans ces analyses à la transformation des liens entre pères et enfants ébauchée par Rousseau, Du contrat social, livre I, chap. II.
25 « Représentation de l’échevinage de Giron à Pablo Morillo (16 mai 1816) » AGN, SAAH, t. 20, f. 46-53. Curieusement, Piedecuesta obtint également le titre de ville du Conseil de Régence le 14 juin 1810, AGI, Santa Fe, 549.
26 « Représentation des mandataires Carnicerías au Congrès des Provinces-Unies (1er janvier 1814) », AGN, Section Archivo Anexo Gobierno (désormais SAAG), t. 27, f. 558-564.
27 Pour l’érection de l’échevinage de Gigante, ibid., f. 573-577.
28 Acte de la Convention Provinciale de Neiva (26 août 1815), in ibid., f. 539.
29 A Carnicerías on effectua un plébiscite auquel participèrent tous les vecinos afin de décider si on devait engager ou pas la lutte pour réserver l’échevinage. Le premier point de l’alternative triompha par 112 voix contre 9, Acta de los vecinos de Carnecerías que concurrieron a tratar sobre ocurrencia p a defender su cav o de la demolición que hay noticia intenta el Srmo Colegio de Neyba en el prez te año y poder q e dan a los jueses de este municipio pa ello, en : ibid., f. 545 et ss.
30 « Representación de Ignacio Antonio Buendía, ciudadano de la República de Neiva y apoderado de la Villa de Palermo al Congreso (septembre 1815) », ibid., f. 535.
31 « Plaidoyer de Rafael Flores, mandataire de l’échevinage de Carnicerías », ibid., f. 543 et 555.
32 Décret 158 : « Formación de los ayuntamientos constitucionales » (23 mai 1812), in Colección de los decretos y órdenes que han expedido las Cortes Generales y Extraordinarias…, Cadix, Imprenta Nacional, 1813, t. II, p. 231.
33 Compte-rendu aux autorités de l’Union (Neiva, 28 février 1816), in Criminal contra Luis José García…, Real Academia de Historia (Madrid, désormais RAH), CM, 9/7712.
34 « Algunos vecinos de Simacota piden se nombre un comis do p a q e explore la voluntad del Pueblo sobre la extinción ó permanencia de Municip d (1814) », AGN, SAAG, t. 24, f. 578.
35 « Acte de la Représentation Nationale de la Province d’Antioquia (17 fevrier 1812) », Archivo Histórico de Anatioquia (désormais AHA), Fondo Independencia, t. 821, doc. 12948, f. 142 v.
36 Le décret a été publié par Roberto M. Tisnés Jiménez, Don Juan del Corral, libertador de los esclavos, Cali, Banco Popular, 1980, Cali, Banco Popular, 1980, p. 129 et ss.
37 Décret de la Junte de Quito, AGI, Quito, 269.
38 Trois mois plus tard, les représentants de ces anciens villages souscrivirent le pacte de confédération de l’État de Quito, ce qui démontre qu’en vertu de la crise ces localités n’étaient plus de simples sujets, Federica Morelli, Territoire ou nation ? Reforme et dissolution de l’espace impérial. Équateur 1765-1830, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 70.
39 Le document a été publié par Enrique Ortega Ricaurte, Heráldica Colombiana…, p. 271.
40 Ibid., p. 277.
41 Décret imprimé du Suprême Pouvoir Législatif de l’État de Carthagène des Indes, in AR, Fondo I, vol. 9, f. 55.
42 Décret imprimé du Suprême Pouvoir Législatif de l’État de Carthagène des Indes (9 juin 1813), in ibid., f. 62.
43 Décret imprimé du Suprême Pouvoir Législatif de l’État de Carthagène des Indes, in ibid., f. 82.
44 Cités de Nóvita, Riobamba, Ibarra ; Villes de Bogotá, Ubaté, La Mesa, Cáqueza, Zipaquirá, Chocontá, Guaduas, Barranquilla, Nuestra Señora del Carmen, Mahates, Corozal, Lorica, Chinú, Magangue, Soledad de Colombia, Arauca, Barroblanco, Garzon (Nueva Timaná), Yaguará, Nepomuch [anciennement Villavieja], Palermo [anciennement Guagua], Piedecuesta, Bucaramanga, La Matanza, Ambato, Latacunga, Otavalo, Alausí, Guaranda, Varaflorida [Barichara], Moniquirá, Puente Nacional, Santa Rosa, Tenza, Sogamoso, Turmequé, Chiquinquirá, Soatá, Cocuy, Chiscas ; Nouveaux échevinages des paroisses de Gigante, Paycol, Carnecerías, Mogotes ; Municipalités mineures du Valle, Simacota. Sources : AGI, Quito, 269, Santa Fe, 970 ; AGN, SAAH, t. 7, f. 34-41 ; t. 11, f. 99-100 ; t. 15, f. 480 ; t. 20, f. 46-53 et Gobierno, t. 24, f. 543-574, t. 26, f. 579, t. 27, f. 530-614, t. 28, f. 44 ; AR, Fondo I, vol. 9, f. 55, 62 et 82, vol. 11, f. 202, vol. 12, f. 283, 290, 292 ; RAH, CM, 9/7711 ; Gazeta Ministerial de Cundinamarca n° 87, Argos de la Nueva Granada n° 4 y 35, Heráldica Colombiana ; Guillermo Hernández de Alba (comp.), Archivo Nariño, Bogotá, 1990, t. III, 76-77.
45 Acte de la Junte Suprême de Santa Fe (26 juillet 1810), in Eduardo Posada (ed.) El 20 de Julio. Capítulos sobre la revolución de 1810, Bogotá, Imprenta de Arboleda & Valencia, 1914, p. 177.
46 Art. 310, chap. I, Tít. VI, « Del gobierno interior de las provincias y de los pueblos ».
47 Ernesto Restrepo Tirado rapporte que dans la province de Santa Marta furent érigés des échevinages constitutionnels dans les localités de Fonseca, Barrancas et San Juan Bautista del Cesar, Historia de la Provincia de Santa Marta, Bogotá, Ministerio de Educación Nacional, 1953, t. 2, p. 381.
48 Federica Morelli, Territoire ou nation ?, op. cit., chap. V, p. 195-270.
49 Malheureusement, on ne dispose pas de beaucoup d’informations permettant d’établir des comparaisons pour la période 1812-1814. On sait qu’à Puerto Rico où existaient 5 échevinages en furent créés 40 autres, Antonio Gómez Vizuete, « Los primeros ayuntamientos liberales en Puerto Rico (1812-1814 y 1820-1823) », en Anuario de Estudios Americanos, XLVII (1990), p. 581-615. Pour les années 1820-1821 on peut consulter avec intérêt l’article d’Antonio Annino, « Voto, tierra, soberanía. Cádiz y los orígenes del municipalismo mexicano », in François-Xavier Guerra (éd.), Las revoluciones hispánicas : independencias americanas y liberalismo español, Madrid, Editorial Complutense, 1995 ; le livre de Jordana Dym, From Sovereign Villages to National States. City, States, and Federation in Central America, 1759-1839, Albuquerque, University of New Mexico Press, 2006 ; et l’ouvrage de Gabriella Chiaramonti, Suffragio e rappresentanza nel Perú dell’800. Parte prima : Gli itinerari della sovranità (1808-1860), Turin, Otto Editore, 2002, p. 156-160.
50 Représentation de la Confédération du Magdalena au président et membres de la Junte de Carthagène (30 juin 1811). Le document a été publié alors par l’Argos Americano à partir du numéro 48 (19 août 1811) et reproduit in DPHC, p. 258-273. Voir également : Representación del Cabildo de Santa Marta al Supremo Concejo de Regencia (7 de septiembre de 1811), AGI, Santa Fe, 1183.
51 La Junta de Soatá à celle de la province du Socorro (Soatá, septiembre 7 de 1810), AGN, SAAH, t. 11, f. 99.
52 Le Dr. Joaquín Camacho a la Junta de Tunja (Santa Fe, febrero 26 de 1811), RAH, CM, 9/7648, f. 24-25.
53 « Communication des représentants de la Vallée de Cucuta à la Junte de Pamplona (Ville de San José, 3 septembre 1811) », La Bagatela, n° 20 (17 novembre 1811).
54 « Communication du gouvernement de Tunja à celui de Pamplona (20 septembre 1811) », AGN, SAAH, t. 12, f. 589 ; « Oficio dirigido por las cuatro jurisdicciones del Valle de Cúcuta a la Junta de la Ciudad de Pamplona » (Villa del Rosario, 21 septembre 21 1811), publié par Belisario Matos Hurtado in Boletín de Historia y Antigüedades, vol. XXV, n° 281, p. 105.
55 Casimiro Calzo, président de Mérida, au président du Pouvoir Exécutif du Venezuela (Merida, 27 novembre 1811), in Gazeta de Caracas n° 63 (31 décembre).
56 L’acte (ville de San José, 13 juillet 1812) se trouve in AGN, SAAH, t. 22, f. 19.
57 Ibid.
58 « Acte d’Installation de la Junte Provisoire de Gouvernement des Cités Amies de la Vallée du Cauca (Cali, 1er février 1811) », in Alfonso Zawadsky, Las ciudades confederadas del Valle del Cauca en 1811, Cali, Imprenta Bolivariana, 1943, p. 100.
59 Tulio Enrique Tascón, Nueva Biografía del General José María Cabal, Bogotá, Editorial Minerva, 1980, p. 204-206.
60 La Junte Supérieure Provinciale de Gouvernement des Cités Amies de la Vallée de Cauca au Brigadier D. Antonio Baraya (Cali, 12 mai 1811), in Documentos importantes sobre las negociaciones que tiene pendientes el Estado de Cundinamarca para que se divida el Reyno en Departamentos, Santa Fe de Bogotá, En la Imprenta Real por Don Bruno Espinosa de los Monteros, 1811, p. 57-59. Sobre la erección de la Junta de Popayán ver Nueva Biografía del General José María Cabal…, op. cit., p. 234.
61 « Proclama en que se exhorta à los habitantes del Nuevo Reyno de Granada à la unión y fraternidad en el presente estado de las cosas » (Santa Fe, 18 septembre 1810), AGI, Santa Fe, 668.
62 « De l’Empire aux États. Le fédéralisme en Nouvelle Grénade (1780-1853) », supra.
63 « Intimación de los Diputados al Congreso del Reyno al gobernador y cabildo de Santa Marta (Santa Fe, 9 octobre 1811) », AGI, Santa Fe, 1022. Publié par Manuel Ezequiel Corrales, DPHC, t. 1, p. 342-345.
64 Ibid.
65 Traité du gouvernement civil…, XII, § 145.
66 Le secrétaire d’État et des Affaires étrangères au Gouvernement de Novita (Tunja, 29 mars 29 1813), AR, Fondo I, vol. 11, f. 38 ; José María Valencia, président du Citará, a Juan del Corral (Quibdo, 2 novembre 1813) et acte joint du Collège Constituant de cette province (29 octobre 1813), in AHA, Fondo Independencia, t. 828, doc. 13076, f. 2 et 3.
67 Le président du Casanare au Gouverneur de Tunja (Pore, 2 février 1812), AR, Fondo I, vol. 12, f. 274 ; L’échevinage de Guadualito au gouvernement du Casanare (23 avril 23 1812), ibid., f. 287 ; la Junte du Casanare aux autorités de la Guayane (Pore, 7 mai 1811), AR, Fondo I, vol. 4, f. 482-483.
68 « Ratification du gouvernement de Quito des traités d’amitié, alliance et confédération perpétuelle avec Popayán (20 avril 1812) », AGI, Quito, 269.
69 Argos Americano, N° 44 (29 juillet 1811).
70 Acta de Federación…, doc. cité.
71 Ibid., article 77.
72 « Traités d’Alliance conclus entre les provinces d’Antioquia et Cundinamarca (9 août 1811) », AHM, Fondo Concejo, t. 78, f. 289. Une copie de ce traité se trouve également in AR, Fondo I, vol. 7, f. 101-102 v.
73 « Relación que hace á los Representantes de la República de Antioquia el C. Dictador Juan del Corral, á cerca de las medidas que ha tomado p a sus progresos en el discurso de los últimos quatro meses de su administrac on y del estado en que dexa sus intereses al concluirse el término de su Gobierno Dictatorio (Rionegro, febrero 20 de 1814) », in ibid., f. 409-410 y 425. Ce compte rendu de Corral fut imprimé la même année à Santa Fe. Un exemplaire est conservé à la Bibliothèque Nationale de Colombie.
74 Cependant, la méfiance ne disparut pas pour autant. En 1813, José Miguel Restrepo, qui occupait alors la présidence d’Antioquia, écrivit à Nariño pour exprimer les craintes persistantes des mineurs concernant la sûreté « des grandes quantités d’or qu’ils envoient monnayer à cette capitale [de Santa Fe] ». En conséquence, il exigea des garanties et menaça d’adresser désormais l’or à Popayan où l’on monnayait également. Nariño répondit avec fermeté en sommant le président d’Antioquia : « si vous suspendez l’envoi de l’or, je suspendrai moi aussi les traités célébrés avec ce gouvernement, j’augmenterai les tarifs douaniers et j’enverrai des troupes à Nare pour couper le commerce avec votre province », Piezas oficiales de los Gobiernos de Santafé y Antioquia…, doc. cité, p. 5-7 (ces communications furent reproduites dans l’Archivo Nariño, t. 4, p. 173). La nécessité d’échapper à la désagréable dépendance de Santa Fe explique la création d’une Maison de la monnaie dans la province d’Antioquia pendant l’administration de Juan del Corral (la construction des machines fut confiée au très diligent Caldas). Sur ce thème, voir la Relación que hace a los Representantes el C. Dictador Juan del Corral…, op. cit.
75 « Traités d’Alliance conclus entre les provinces d’Antioquia et de Cundinamarca… », op. cit.
76 Acte de la Représentation Nationale de la Province d’Antioquia (Rionegro, 17 février 1812), in AHA, Fondo Independencia, t. 821, doc. 12948, f. 140.
77 D’après Anthony McFarlane, pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, Antioquia devint le district minier le plus important du Nouveau Royaume. Pour comprendre la véritable signification de ce fait capitale, on doit tenir compte du fait que l’or finançait le commerce de la vice-royauté avec la Péninsule et stimulait les échanges interrégionaux, Colombia antes de la independencia…, op. cit., p. 117-142.
78 Ici et partout où il sera question de l’œuvre de William Burke, nous suivons l’édition de l’Academia Nacional de la Historia de Venezuela : Derechos de la América del Sur y México, Caracas, 1959, 2 vol.
79 L’étendue du territoire avait, selon Burke, moins d’importance qu’on ne le supposait. En Amérique du Sud les fleuves Maragnon, Orénoque et Paraguay, agiraient en guise d’artères unissant tout le territoire comme c’était le cas aux États-Unis. Burke proposa, en outre, d’édifier une ville dans le Haut Maragnon qui se trouverait à 1 500 milles du point le plus éloigné du continent, ibid., t. 2, p. 182.
80 Ibid., t. 1, p. 209-212.
81 Ibid., t. 2, p. 22-25.
82 « Confederación con Venezuela. Carta del Ciudadano Francisco Xavier Uztariz (Caracas, 28 juillet 1811) », in Argos de la Nueva Granada n° 5 et 6 (Tunja, 9 y 16 de diciembre de 1813).
83 Georges LIVET, L’équilibre européen de la fin du XVe à la fin du XVIIIe siècle, Paris, PUF, 1976.
84 « y extinguida por consiguiente la guerra civil, que ha encendido con una política tan ciega como torpe y falsa, todas las Confederaciones entrarían en la coalición, ahogando generosamente los resentimientos, y enviarían al efecto tesoros abundantes á la misma Península ; sin embargo del fatal estado de su conquista ». Manuel de Pombo, Carta a don José María Blanco residente en Londres, satisfaciendo á los principios con que impugna la independencia absoluta de Venezuela, en su periódico intitulado El Español : y demostrando la justicia y necesidad de esta medida, sin perder momentos, en todos los demás Estados de América y Filipinas, por el ciudadano Manuel de Pombo, ministro contador de la Casa de Moneda de Santafé, Santafé, Imprenta Patriótica de D. Nicolás Calvo, 1812, p. 36.
85 José M. Portillo Valdés, Crisis Atlántica. Autonomía e independencia en la crisis de la monarquía hispana, Madrid, Fundación Carolina/Marcial Pons, 2006, chap. I.
86 Clément Thibaud, « De l’Empire aux États… », supra.
87 Lettre de Miguel de Pombo écrite probablement à Domingo González (22 août 1811), in Gazeta de Caracas n° 371 (11 octobre 1811).
88 [Sans titre] Carthagène, En la Imprenta del Gobierno, Por el C. Manuel González, Año de 1815-5, 3 p., AR, Fondo I, vol. 9, f. 104-105.
89 Un exemple. Grâce à la Gazeta de Caracas, on sait que le gouvernement vénézuélien tenta vainement d’établir des relations d’amitié avec celui de Buenos-Aires. Le premier contact entre les deux États n’aurait lieu qu’en février 1812 à Philadelphie par l’intermédiaire de leurs commissaires (Telésforo de Orea en représentation du Venezuela, et Diego Saavedra et Juan Pedro Aguirre en représentation respectivement du Río de la Plata et du Chili). Gazeta de Caracas, 20 mars 1812.
90 José M. Portillo, « La Federación imposible. Los territorios europeos y americanos ante la crisis de la Monarquía Hispana », in Jaime E. Rodríguez (coord.), Revolución, independencia y las nuevas naciones de América…, op. cit., p. 99-121.
91 À la fin du XVIIe siècle, Locke avait nommé ce pouvoir du nom de « pouvoir fédératif », Traité du gouvernement civil…, chap. XII, § 145-146.
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