La révolution américaine et l’abolition de l’esclavage : d’une ambition des Lumières à l’échec constitutionnel fédéral (1765-1808)
p. 21-38
Texte intégral
INTRODUCTION
1Longtemps négligée par l’historiographie de la révolution américaine, la question de l’esclavage et de son abolition lors de ces années de transformations sociales et politiques (1765-1800 environ) a progressivement investi le champ des études révolutionnaires. Elle trouve sa place dans ce dossier tout naturellement. En se posant la question de l’abolition de l’esclavage et de sa mise en œuvre, les « Fondateurs » américains soulevèrent plus largement la question de l’ouverture démocratique de la citoyenneté et de ses limites dans une société esclavagiste. Les années de révolution puis de stabilisation post-révolutionnaire doivent être considérées comme une « période de négociation » sociale, politique et intellectuelle sur la nature de la nouvelle république et de ses institutions. En ce qui concerne l’esclavage et son abolition, les difficultés de cette négociation se traduisent par de nombreuses ambivalences et finalement par des compromis constitutionnels engageant lourdement l’avenir de la nation, tandis que les esclaves libérés se trouvent progressivement réduits à une citoyenneté de second rang. Mais avant d’aller plus loin dans cette présentation de la problématique, il convient de brosser à larges traits le contexte historiographique de la question.
2La période de la révolution américaine est aux États-Unis une période fondatrice, propice à l’hagiographie : les révolutionnaires les plus fameux, George Washington – qui mena l’Armée continentale à la victoire –, Thomas Jefferson – qui rédigea la déclaration d’Indépendance –, ou encore Benjamin Franklin – qui vint négocier à Paris le soutien de la France, puis le traité de paix –, ont longtemps fait figure d’autorités nationales intouchables, de « Pères fondateurs », comme on les nomme d’ailleurs aux États-Unis1.
3L’historiographie de la révolution américaine a commencé à être bouleversée dans les années 1970, sous la double impulsion du bicentenaire de la révolution (l’Indépendance est proclamée le 4 juillet 1776) et de la publication des travaux de jeunes historiens, révisionnistes et parfois même « radicaux » tels Al Young2. Influencés par l’École des Annales, ces jeunes chercheurs allaient écrire une histoire de la révolution américaine qui faisait la part belle aux humbles, aux artisans qui avaient animé l’insurrection dans les années qui précédèrent la guerre d’Indépendance elle-même (1775-1781), ou à la piétaille de l’Armée continentale, mais bien moins aux « Pères fondateurs » eux-mêmes. Ces travaux produisirent une vision contrastée de cette révolution américaine, qui paraissait traversée de conflits sociaux, et qu’on ne pouvait ramener à une simple lutte d’indépendance coloniale3.
4Les années 1970 virent également les débuts d’une vague historiographique qui allait peu à peu dominer le paysage de l’histoire américaine, au moins jusqu’en 2000, l’histoire des Noirs américains, sous l’impulsion de grands auteurs tels Ira Berlin4. La conjonction de ces deux mouvements, histoire de la révolution et histoire des Noirs aboutit à la mise en relief d’une question d’histoire qui avait été négligée jusque-là, ou traitée comme marginale, la question de la place des Noirs et de l’esclavage dans la révolution américaine. Certains, comme William Freehling, cherchèrent alors à rappeler que l’esclavage avait bien constitué une préoccupation des Fondateurs : Freehling cherchait à justifier les efforts d’émancipation seulement partiels des Fondateurs en arguant d’autres priorités, telles que la construction et la stabilisation d’une République dans un monde dominé par les monarchies5. Mais c’était peine perdue : poussée par la demande sociale (le mouvement des droits civiques et ses suites) et une curiosité historiographique irrésistible de la part des jeunes historiens de gauche, la question de l’esclavage et de son abolition dans la révolution américaine s’est peu à peu imposée.
5Il n’est pas question ici de faire un bilan exhaustif des publications sur le sujet : on doit cependant noter que l’antiesclavagisme nord-américain entre 1776 et 1830, souvent considéré comme trop modéré, a donné lieu à bien moins de publications que l’abolitionnisme « immédiatiste » des années 1830-1860, plus militant6. Sans prendre parti, cet article a comme seul objectif de donner au lecteur les éléments permettant de comprendre la centralité de ce sujet pendant la période révolutionnaire au sens large, de 1765 (début des événements de la révolution américaine) à 1808 (fin officielle de la traite atlantique aux États-Unis).
6Même si les « Pères fondateurs » ne rentrèrent pas en guerre contre la Grande-Bretagne pour mettre un terme à la traite et à l’esclavage7, ces questions (traite, esclavage, émancipation) ne représentèrent pas des préoccupations marginales : au contraire, elles ne cessèrent de soucier les dirigeant américains, qui cherchèrent à réconcilier avec plus ou moins de bonheur leurs principes de liberté et d’égalité avec la réalité d’une société esclavagiste. Ils eurent le courage de soulever de grandes questions engageant l’avenir de leur pays, pour finir par accepter des compromis intenables au moyen et long terme, alors que le préjugé racial se renforçait plutôt qu’il ne se dissipait dans le pays tout entier.
LA QUESTION DE LA TRAITE ET DE L’ESCLAVAGE DANS LES ANNÉES QUI PRÉCÈDENT LA GUERRE D’INDÉPENDANCE (1765-1776)
7Comme David Brion Davis l’a démontré dans son ouvrage The Problem of Slavery in Western Culture, au milieu du dix-huitième siècle, les esprits occidentaux avaient été préparés à reconsidérer l’esclavage, qui portait atteinte aux droits naturels de l’homme aux yeux des penseurs des Lumières, et pour les prédicateurs évangéliques, constituait un péché envers l’humanité. La morale commune s’élevait peu à peu contre cette institution et les violences que l’on faisait subir aux esclaves. C’est sur ces bases contextuelles qu’il aborde, dans l’ouvrage qui fit suite, The Problem of Slavery in the Age of Revolution, le sujet du mouvement abolitionniste transatlantique qui devait aboutir à la célèbre campagne d’opinion britannique et à l’abolition de la traite en 1807 en Angleterre8.
8En 1765, lorsque les colons britanniques d’Amérique du Nord commencent à se rebeller contre les tentatives de taxation anglaise, ils utilisent le terme slavery pour parler de l’oppression qu’exerce envers eux le Parlement britannique9. Le terme a alors une dimension politique, et a été employé par Locke dans son Second Traité sur le Gouvernement, pour fonder théoriquement son opposition au gouvernement des Stuart, comme à tout gouvernement absolu10. Mais ce mot ne peut être utilisé innocemment dans des colonies qui, toutes, recèlent des esclaves en leur sein dans de plus ou moins grandes proportions : il renvoie également à l’oppression des Noirs esclaves, les colons sont bien placés pour le savoir et certains le clament haut et fort. Le contexte est d’autant plus favorable que des militants quakers nord-américains, tels John Woolman ou Anthony Benezet, rédigent dans ces mêmes années des ouvrages opposés à la traite et à l’esclavage, qui commencent à avoir un impact certain, au moins sur leur propre communauté religieuse, dans les colonies britanniques d’Amérique du Nord11.
9Dans ce contexte intellectuel favorable, James Otis du Massachusetts, dès 1764, s’élève contre l’esclavage dans un pamphlet révolutionnaire, en reprenant les arguments de Montesquieu, largement diffusés dans le monde atlantique12. Les Sudistes ne sont pas en reste, car ils perçoivent également la dimension intolérable de cette institution. Le Sud « haut » (Virginie, Maryland et Delaware) amorce d’ailleurs à l’époque une transition économique qui rend les esclaves moins rentables, d’une agriculture très coûteuse en main-d’œuvre (le tabac) à une agriculture céréalière : il n’est pas encore question de cultiver le coton. En 1765, George Mason, célèbre révolutionnaire qui devait rédiger la déclaration des droits de Virginie en 1776, modèle de la déclaration d’Indépendance, propose un large recours au métayage pour attirer des travailleurs blancs : dès ce moment, on constate que s’opposer à l’esclavage, revient parfois à envisager une Amérique de citoyens blancs, et pas seulement à défendre l’égalité des droits entre les hommes. Arthur Lee, autre Virginien célèbre, s’attaque à l’esclavage le 19 mars 1767 dans la Virginia Gazette. Au fil des années et des conflits avec la Grande-Bretagne, les pamphlets esclavagistes augmentent en nombre. Le plus grand nombre apparaît en 1773 à la veille de la guerre d’Indépendance13.
10La montée des tensions en 177414 coïncide avec la parution du pamphlet A Summary View of the Rights of British America par le Virginien Thomas Jefferson. Celui-ci développe l’argumentaire selon lequel les colons n’ont recours à l’esclavage que parce que la métropole déverse en Amérique du Nord des cargaisons d’esclaves pour servir les intérêts des négriers15. Les colons sont en quelque sorte victimes de la traite internationale des esclaves qui est dominée par les Britanniques. L’argument permet d’éviter tout sentiment de culpabilité et de se projeter dans un avenir indépendant où la tare de l’esclavage disparaîtrait avec la colonisation britannique. L’émancipation des esclaves, dit Jefferson, ne peut intervenir qu’après l’arrêt de cette traite imposée aux coloniaux. Fort de cet argumentaire, le Premier congrès continental interdit la traite. Cette même année, allant plus loin, les Quakers américains interdisent aux membres de leur groupe religieux de posséder des esclaves. En 1775, se crée la Société Anti-esclavagiste de Pennsylvanie, première société antiesclavagiste au monde, dominée par ces mêmes Quakers.
11Après 1775, le début des hostilités mène insensiblement les colons britanniques sur la voie de l’Indépendance : Thomas Jefferson tente de glisser un mot d’opposition à la traite dans le premier jet de la déclaration d’Indépendance, où son argumentaire demeure essentiellement antibritannique. Dans un texte si important, qui marque à la fois la rupture avec la Grande-Bretagne, et la naissance d’une nouvelle nation, cette référence doit cependant être supprimée sous la pression des délégués du Sud « bas », la Géorgie et la Caroline du Sud16. Pourtant les premières lignes de la Déclaration d’indépendance de 1776 précisent que « tous les hommes sont créés égaux, que leur Créateur les a dotés de certains droits inaliénables, que parmi ceux-ci se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur » et sont bien comprises comme une invitation universelle à la jouissance de ces droits. L’historien Henry Wiencek rappelle que le planteur Landon Carter, en lisant la Déclaration pour la première fois, ne voit pas d’autre interprétation possible17. Le débat est indubitablement lancé sur la place publique et l’on voit que si traite et esclavage font bien l’objet d’une critique de fond par les Fondateurs, apparaissent simultanément ambiguïtés et oppositions, puisque certains défendent déjà vigoureusement cette « institution particulière » pourtant décriée par la majorité.
12Les limites, voire le caractère spécieux et opportuniste de l’argumentation de Thomas Jefferson, qui permet aux Américains de se disculper de la tare de l’esclavage en en condamnant l’origine britannique, sautent immédiatement aux yeux des officiels de l’ex-métropole, dont certains, comme l’ancien gouverneur du Massachusetts, Thomas Hutchinson, se demandent comment les délégués du Sud vont pouvoir « […] expliquer qu’ils privent plus de cent mille Africains de leur droit à la vie, et à la poursuite du bonheur, et d’une certaine mesure à leur vie, si ces droits sont aussi inaliénables18». Il ne sera pas le dernier à épingler le paradoxe américain. Mais au Nord, des pasteurs, tels Samuel Hopkins, conçoivent cependant l’abolition comme l’objectif exemplaire que doit se donner cette Amérique providentielle en cette année de fondation 177619. Face à ces religieux animés par une foi humaniste, l’historien Duncan McLeod, rappelle que d’autres habitants des ex-colonies du Nord, tels George Mason au Sud, voient plutôt en l’abolition le moyen de préserver le travail libre, c’est-à-dire le travail des hommes blancs20.
PENDANT LA GUERRE D’INDÉPENDANCE 1776-1783
13Tout autant que le mouvement révolutionnaire, mais de manière différente, la guerre d’Indépendance transforme les données de la question de l’esclavage et de l’abolition en Amérique du Nord, car elle se traduit par une large libération d’esclaves, et plus largement par un bouleversement général de l’institution de l’esclavage. « De quelques milliers dans les années 1760 » […] le nombre de libres atteignit « presque 200 000 à la fin de la première décennie du XIXe siècle », écrit Ira Berlin21. Au Nord, l’idéologie des Lumières aboutit effectivement, avec plus ou moins de difficultés, selon les États, à des décisions d’interdiction de poursuite de la traite et d’abolition de l’esclavage. Dès 1773 et 1774, les habitants de Nouvelle-Angleterre avaient multiplié les pétitions antiesclavagistes tandis que les esclaves du Nord faisaient entendre leur voix, eux aussi par le biais de pétitions22. Le Vermont interdit l’esclavage dans sa première constitution de 1777 ; en 1784, tous les autres États de Nouvelle-Angleterre ont passé des lois d’abolition graduelle de l’esclavage : mais ce sont des régions où ceux-ci sont très peu nombreux, et ces émancipations sont assorties de nombreuses restrictions23. Dans les États du centre, tels New York et le New Jersey, les esclaves sont plus nombreux, ils représentent un capital très important et leur émancipation suscite des réserves24. Pourtant la Pennsylvanie s’engage dès 1780 sur la voie de l’émancipation graduelle, donnant ainsi l’exemple d’un processus qui permet de préserver sa propriété dans une large part tout en libérant les esclaves25. Seuls les enfants des esclaves seront libérés, et uniquement après avoir accompli de longues années au service des propriétaires de leurs parents, ceci afin de compenser les frais encourus durant leur petite enfance.
14Cette croissance du nombre de libres au Nord encourage les fuites d’esclaves du Sud, surtout d’États du Sud proches, comme le Maryland. La législation sur les émancipations privées s’assouplit d’ailleurs dans le Sud « haut », comme en Virginie (loi de 1782) et quelques années plus tard dans le Delaware et le Maryland, comme dans l’État de New York26. Mais les esclaves se libèrent d’autres manières, parfois spectaculaires. Dès le début des hostilités, les Britanniques offrent la liberté à tout esclave qui rejoindrait leurs rangs : c’est la proclamation de Lord Dunmore, gouverneur royal de Virginie en novembre 1775. Elle n’aboutit qu’à un désastre militaire pour ceux qui ont effectivement rejoint l’armée britannique, mais combien d’esclaves profitent de la proclamation pour profiter du chaos ambiant et s’enfuir27 ? Lorsque le théâtre des opérations de la guerre d’Indépendance se déplace du Nord au Sud, en 1778, des milliers de Noirs rejoignent les troupes britanniques. Côté nouveaux États américains, l’appel aux esclaves pour grossir les rangs de l’armée n’est pas immédiat. À la demande de la Caroline du Sud, ils ne peuvent être intégrés dans l’Armée continentale au début de la guerre : mais les hostilités se prolongeant, les États du Nord utilisent des soldats noirs, en dépit de l’opposition initiale des États du Sud « bas ». Les États du Sud « haut » font également appel aux Noirs libres comme aux esclaves. Les esclaves incorporés reçoivent la liberté à l’issue des combats, même si la Géorgie et la Caroline du Sud continuent de ne pas approuver cette démarche28.
15Si le contexte des Lumières et la pression évangélique produisent effectivement presque partout « une souplesse nouvelle dans les attitudes raciales de quelques Blancs et un bref recul de la ligne de couleur29 », l’implication des Noirs dans les opérations militaires américaines a aussi pu convaincre certains d’abandonner leurs préjugés raciaux de manière concrète. Telle est la thèse que défend Henry Wiencek dans An Imperfect God. George Washington, His Slaves and the Creation of America. George Washington ne rédigea qu’en 1799 le testament qui libérait ses esclaves et prévoyait les conditions de leur libération. Mais cette décision était le produit d’une longue réflexion personnelle et d’expériences, dont ses campagnes de la guerre d’Indépendance. Après avoir soutenu l’exclusion des Noirs de l’Armée continentale en novembre 1775, il finit par avancer vers le Sud au printemps 1776 à la tête de troupes intégrées sur le plan racial et qui devaient le rester jusqu’à la fin de la guerre. Washington ne soutient cependant pas le projet du Carolinien du Sud John Laurens, désireux de lever des régiments noirs dans son propre État. Mais lors de la bataille finale de Yorktown, le Premier régiment de Rhode Island, composé à 75 % de Noirs, donne l’assaut qui conduit à la victoire. Lafayette, qui participait également aux opérations finales, devint immédiatement après la guerre un abolitionniste convaincu et militant et s’entretint avec George Washington de ses projets d’émancipation d’esclaves aux Antilles françaises : ce dernier, qui considérait le jeune noble français comme son fils spirituel, lui confia son espoir de voir aboutir l’émancipation en Amérique, mais estimait que ce serait un processus graduel30.
16En dépit de la reddition de Cornwallis à Yorktown, les Britanniques reprirent confiance à la fin de la guerre, grâce à quelques victoires, en mer et sur le théâtre d’opérations européen : au moment des négociations de paix, ils n’étaient donc pas prêts à tout céder à leurs anciens colons. Les esclaves qui avaient rejoint les troupes britanniques, et qui restaient regroupés dans les bastions britanniques de New York et de Charleston, devinrent un enjeu considérable à la fin de la guerre. Les Américains veulent les récupérer et insèrent à cet effet une clause dans le traité de 1783 ; les Britanniques refusent de les rendre, puisque les Loyalistes fidèles à la Couronne se voient confisquer leurs biens31. Ce sujet devait envenimer les relations américano-britanniques jusqu’au début des années 1800. La position américaine révèle que si les Fondateurs méprisaient l’esclavage dans leur ensemble, la question de la propriété s’avérait prioritaire : entre les idéaux et les pratiques, entre l’objectif d’une citoyenneté démocratique idéale et la réalité d’une prééminence des citoyens propriétaires, les dirigeants de la nouvelle nation allaient rapidement choisir. À New York, le général britannique Carleton préfère embarquer les esclaves réfugiés, au grand dam de Washington qui voudrait les récupérer en personne ; les Britanniques repartent également avec leurs protégés noirs à Savannah et Charleston32. Au total, écrit Henry Wiencek, ce sont 13 000 à 14 000 Africains-Américains qui quittent les États-Unis dans le sillage des forces de l’ancienne métropole, dont quelques esclaves, et une majorité de libres que les sentiments élevés – ou revanchards – de certains officiers britanniques protègent d’un retour chez leurs maîtres.
17À la fin de la guerre, on peut donc voir que les Sudistes ne sont pas prêts à abandonner l’esclavage, au moins sous l’angle du capital, de la propriété qu’il représente. Pourtant, même si les antiesclavagistes restent minoritaires parmi eux, ils ont collectivement pris certaines positions progressistes pendant la guerre. La Virginie en particulier, interdit la traite par une loi de 1777. Pour Sylvia Frey, il s’agit surtout d’éviter les révoltes d’esclaves dans une époque déjà troublée, mais la mesure doit être notée33. Le Maryland suit cet exemple en 1783. Sur le plan de l’affranchissement, qui doit logiquement suivre si l’on en croit Jefferson dans son pamphlet de 1774 (Summary Rights), on a déjà signalé qu’en 1782, l’assemblée de Virginie autorise les émancipations privées qui étaient interdites depuis 1723. Ces émancipations sont très encadrées : ni les enfants, ni les personnes âgées ne peuvent devenir des fardeaux pour la société et restent à la charge des maîtres. Il n’est pas question que les anciens esclaves puissent être abandonnés à la charge du public par des planteurs qui se reconvertiraient à une autre forme d’agriculture et auraient besoin de moins de bras34.
18On doit tirer de cette période plusieurs enseignements : les ex-colonies britanniques d’Amérique du Nord ne se résolvent pas pendant la guerre à prendre des mesures ambitieuses d’émancipation qui mettraient leurs actes en accord avec leur idéologie. Cependant, la force de l’engagement révolutionnaire conduit à une évolution notable de la situation : arrêt de la traite dans tous les États sauf le Sud profond, émancipations immédiates ou graduelles dans de nombreux États du Nord, lois d’émancipation privées dans certains États du Sud. Comme l’État fédéral n’existe pas encore (avant 1787 et la nouvelle Constitution, le Congrès confédéral a très peu de pouvoirs), il est presque logique que toutes ces décisions relèvent du local. Sur le terrain, et même dans le Sud, les églises évangéliques, les Méthodistes, les Baptistes, condamnent également l’esclavage. Tandis que de nombreux Africains-Américains prennent leur destin entre leurs mains en prenant la fuite ou en rejoignant les troupes britanniques, les libres se regroupent dans les villes. Pour la première fois, une nation appartenant à la civilisation occidentale se trouve confrontée à l’émancipation massive d’esclaves sur son propre sol. Les années suivantes vont susciter un large débat sur les ajustements auxquels la société américaine doit procéder pour accueillir ces esclaves.
1787, LE COMPROMIS CONSTITUTIONNEL DE PHILADELPHIE
19Lors de la Convention de Philadelphie en 1787, la question de l’esclavage est l’objet d’un débat houleux entre certains délégués du Nord, tels le New-Yorkais Gouverneur Morris, et les délégués du Sud « profond », Caroline du Sud et Géorgie, qui menacent de ne pas adhérer au nouvel ensemble fédéral si son texte fondateur prévoit l’abolition de l’esclavage (une ratification est nécessaire par au moins neuf États)35. La sécession devant être évitée à tout prix, les constituants préfèrent garantir l’union nationale plutôt qu’abolir l’esclavage, même les plus antiesclavagistes d’entre eux36. David Waldstreicher, dans son ouvrage Runaway America. Benjamin Franklin, Slavery and the American Revolution37, dresse un portrait amer du rôle de Franklin lors des débats : alors qu’il vient d’accepter la présidence de la Société abolitionniste de Pennsylvanie38, le célèbre savant participe pourtant au comité qui élabore un compromis national sur l’esclavage, et en reçoit même les membres chez lui39.
20Aurait-on pu éviter un compromis, et forcer la Caroline du Sud et la Géorgie à accepter l’abolition de l’esclavage ? Dans Race and Revolution, Gary Nash pense que ces États auraient bien été embarrassés si les autres n’avaient pas cédé à leur chantage, car hors de l’Union, leur avenir n’était guère assuré. Plus que tout autre État, ils avaient besoin de l’appui de l’armée fédérale et des autres États, face à une double menace au Sud, espagnole et indienne40. L’autre argument de Nash concerne la notion de propriété : jamais à aucun moment l’État fédéral ne fut mieux placé pour offrir aux propriétaires d’esclaves une compensation monétaire à la hauteur de leurs exigences. En effet, il disposait des terres de l’Ouest, des Appalaches au Mississippi, acquises en 1783 des Anglais, et pouvait utiliser l’argent de la vente pour régler une fois pour toutes le problème de l’esclavage en Amérique du Nord41.
21Les arguments de Nash relèvent hélas seulement de l’histoire-fiction : le débat constitutionnel de 1787, lui bien réel, accoucha de plusieurs compromis sur l’esclavage, compromis qui devaient engager l’avenir de la nation jusqu’à la guerre de Sécession42. Tout d’abord, la Constitution donnait au Sud une place indue à la Chambre (où se discutait le budget) en fondant la représentation des États sur le nombre des personnes libres, augmenté de trois cinquièmes du nombre d’esclaves (article 1, section 2, alinéa 3). Certains historiens rappellent que ce premier compromis devait surtout permettre de pouvoir taxer le Sud sur la base d’une estimation de la population qui ne prenne pas seulement les libres en compte43 ; d’autres signalent qu’il n’était pas alors question d’impôts directs, et que les Sudistes tenaient à ce calcul pour assurer leur domination en matière de représentation à la Chambre44. Sans doute les constituants pensaient-ils qu’avec le déclin de l’esclavage, ce calcul embarrassant deviendrait caduc ; ce n’est qu’au fil des ans, l’esclavage se renforçant, que la clause des trois cinquièmes devait en fait assurer la prééminence politique des Sudistes et fonder la démocratie nord-américaine sur l’esclavage.
22En deuxième lieu, la Constitution (article 4, section 2, alinéa 3) permettait aux maîtres de récupérer leurs esclaves en fuite sur tout le territoire : cette mesure allait progressivement miner les relations nord-sud, mais en cas de fin graduelle de l’esclavage sur tout le territoire, elle serait devenue également caduque. Enfin, tout en prévoyant la fin de la traite, la Constitution n’y fixait qu’un terme lointain, vingt ans plus tard, afin de donner aux planteurs le temps, si nécessaire, de reconstituer leur main-d’œuvre entamée par la guerre et les fuites (article 1, section 9, alinéa 1). Mais en fait, à la fin des années 1780, tous les États à l’exception de la Géorgie, avaient d’une manière ou d’une autre, interdit, suspendu ou limité l’importation des esclaves : cette clause ne paraissait pas alors menaçante45.
23La Constitution est sûrement apparue à ses rédacteurs comme un texte plutôt « ouvert » en matière d’esclavage : elle ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une opposition figée nord-sud, entre États libres et États esclavagistes46. En dépit des compromis inscrits au cœur de la Constitution fédérale, les militants antiesclavagistes ont donc plutôt l’impression, dans les années qui suivent immédiatement l’établissement du gouvernement fédéral, que la période est propice à une extinction graduelle totale de l’esclavage. D’ailleurs, parallèlement à la rédaction de la Constitution, le Congrès confédéral a interdit l’esclavage dans les territoires du Nord-Ouest avant de se dissoudre : on peut penser que cette institution malheureuse ne va pas s’étendre dans les nouveaux États47.
1787-1808, VERS UNE CITOYENNETÉ À PLUSIEURS NIVEAUX
24Avec la mise en œuvre du gouvernement fédéral, en 1789, s’ouvre la perspective d’une action centralisée pour les militants antiesclavagistes. Assez rapidement, il paraît cependant difficile d’agir au niveau fédéral. En 1790, la Société antiesclavagiste de Pennsylvanie, toujours présidée par Benjamin Franklin, dépose une pétition dénonçant la traite et l’esclavage, et, en dépit du compromis de 1787, encourage le Congrès à utiliser ses prérogatives pour mettre fin à l’esclavage. Mais les élus de Caroline du Sud et de Géorgie s’insurgent et réagissent avec virulence face à ce qu’ils estiment être une remise en cause du pacte fédéral sur l’esclavage. Les antiesclavagistes ne sont d’ailleurs pas soutenus par les élus du Nord, même les plus opposés à l’esclavage, tels Gouverneur Morris, à un moment où il semble plus crucial de rétablir les finances de la jeune nation et de ne pas diviser inutilement le Congrès48. Franklin, qui a endossé la pétition d’une lettre de sa main, est l’objet d’attaques personnelles, qu’il tourne en dérision dans un petit pamphlet (mais les Quakers sont également critiqués). Ainsi assure-t-il sa renommée antiesclavagiste ultérieure49. Ces débats qui se tiennent lors du premier Congrès fédéral voient l’émergence d’un argumentaire proesclavagiste, ce qui tranche avec la période précédente50. En 1792, le Quaker virginien Warner Mifflin, qui a libéré ses esclaves ainsi que ceux de sa femme, soumet au Congrès un mémoire opposé à la traite et à l’esclavage, qui lui est retourné, accompagné de violentes critiques. Face à la poursuite des attaques, il doit se défendre en 1796 d’avoir ainsi cherché à « promouvoir la justice, la pitié et la paix dans l’humanité51 ». D’une certaine façon, le Congrès donne pourtant suite à ces pétitions et mémoires en passant une loi, le 22 mars 1794, par laquelle il est interdit de se livrer à la traite pour le compte d’autres pays. Cette loi est renforcée en 180052. Maigre résultat cependant, alors qu’en 1793, le Congrès a voté le Fugitive Slave Act, une loi qui renforce partout aux États-Unis l’autorité du maître sur son esclave en fuite, déjà bien établie par la Constitution53.
25Si l’action fédérale semble impossible, certaines personnalités sudistes continuent de publier des plans d’émancipation graduelle des esclaves, petits essais d’économie politique, où sont envisagés concrètement des dispositifs de libération et l’intégration sociale des esclaves. Ces essais poursuivent l’effort des juristes des États du Nord qui viennent d’imaginer, dans le cadre des lois d’émancipation graduelle, la fin socialement acceptable de l’esclavage : un processus qui fait peser la charge de la peine sur les anciens esclaves davantage que sur les anciens maîtres. L’émancipation graduelle poursuit d’ailleurs son chemin dans les États du centre, non sans difficultés. Ce n’est qu’en 1799 que l’État de New York finit par voter sa loi d’émancipation, suivi par le New Jersey en 1804.
26Durant la guerre d’Indépendance, Thomas Jefferson avait proposé un projet de loi d’émancipation en Virginie, mais il envisageait le retour en Afrique des Noirs une fois libérés54. Dans Race and Revolution, Gary Nash a publié plusieurs autres plans d’émancipation. Ferdinando Fairfax, planteur de Virginie, pense comme Jefferson en 1790 que l’émancipation graduelle doit s’accompagner d’un retour des Noirs en Afrique55. Comme Jefferson, il estime que de douloureux souvenirs empêcheraient la cohabitation ultérieure des deux races : ceci alors que les États du Nord s’y voient progressivement confrontés. Ainsi, au Sud, l’émancipation ne semble pas pouvoir se comprendre comme un simple processus d’égalisation des droits, si graduel soit-il. Bien décidés à abolir l’esclavage, ces penseurs énoncent pourtant l’indispensable séparation entre anciens esclaves et Blancs qui doit, selon eux, découler de l’abolition. En 1796, dans un autre plan d’émancipation, le juriste virginien St. George Tucker s’indigne qu’il soit impossible d’accorder simplement leurs justes droits naturels aux esclaves : mais les préjugés de ses concitoyens sont tels qu’il conseille également, après l’émancipation graduelle, le bannissement des Noirs libérés. Et il craint déjà l’opposition des propriétaires d’esclaves pour qui même l’émancipation graduelle ne peut servir de compensation face à la perte des enfants d’esclaves à naître56. Entre les esclaves dont il dénonce le sort, et ses concitoyens dont il respecte même les préjugés les plus méprisables, Tucker a choisi : si indigné soit le ton du document, il ne relève pas de l’antiesclavagisme, considère l’historien Dwight Lowell Dumond57. Tucker cherche avant tout une solution acceptable pour des planteurs racistes et attachés à leur propriété : la Virginie finit par ne jamais passer de loi d’émancipation graduelle. La conspiration de Gabriel à Richmond, capitale de Virginie (en 1800), porte un coup fatal aux plans d’émancipation des esclaves dans le Sud et convainc les Sudistes qu’un renforcement du contrôle social des esclaves est impératif, bien davantage qu’une émancipation générale, même graduelle.
27En ne prévoyant la libération de ses esclaves qu’à sa mort (l’émancipation se produisit en 1801), George Washington agit d’ailleurs aussi discrètement que possible, car il pense que ses concitoyens de Virginie ne sont pas encore mûrs pour s’engager sur la voie d’une émancipation générale. De larges émancipations privées se produisent encore dans le Sud. C’est le cas du planteur virginien Robert Carter qui émancipe 452 esclaves à partir de 1792 et leur offre la possibilité de devenir métayers sur ses terres58. Quant aux Noirs libérés (par leurs maîtres ou eux-mêmes) et qui sont restés en Amérique du Nord59, ils sont nombreux à s’être dirigés vers les grandes villes, comme Baltimore ou Philadelphie, où ils trouvent le soutien d’une communauté africaine-américaine, de l’emploi (le plus souvent sur le port ou comme domestique) et l’appui des sociétés d’émancipation qui se multiplient60. Ces sociétés sont très sensibles au « problème noir » créé par les émancipations et l’accroissement rapide du nombre de libres. Il est évident pour elles que ces Africains-Américains, pour la plupart illettrés, sans habitude de la ville, doivent être éduqués et encadrés pour ne pas encourir l’ire de leurs concitoyens blancs par un comportement non conforme61.
28Les sociétés s’occupent également de défendre les anciens esclaves ou les esclaves contre des maîtres qui en réclament la propriété. Leur action est d’ailleurs fort efficace dans les premières années : en 1795, la société antiesclavagiste du Maryland obtient la libération de 138 personnes, des résidents de Baltimore pour la plupart62. Pour réclamer leur liberté en fonction des nouvelles lois du Maryland, les anciens esclaves doivent simplement prouver un ancêtre blanc : comme le fait remarquer Matthew Mason, on est bien loin des lois qui avaient institutionnalisé l’esclavage sur la seule base d’une mère noire63. En Virginie, ces actions en justice pour obtenir la liberté, les freedom suits, suscitent suffisamment d’émoi parmi les membres de l’Assemblée de l’État qui passe en 1795 une loi pour pénaliser tous ceux qui apportent de l’aide aux esclaves dans le cadre de procès infructueux64. Il faut dissuader les esclaves de s’engager sur la voie de ces procédures, sauf cas exceptionnel ; il faut également dissuader les membres des sociétés d’émancipation de leur apporter un soutien trop actif.
29Le contexte des années 1790 n’est plus propice au travail de ces sociétés : jusqu’en 1791, elles peuvent compter sur un contexte international porteur, car l’antiesclavagisme se développe rapidement en Grande-Bretagne par le biais d’une campagne d’opinion extrêmement réussie ; en France, les Amis des Noirs peinent à s’imposer face aux planteurs à l’Assemblée, mais cette société est en contact étroit avec les antiesclavagistes anglais et américains. À compter de l’été 1791, quand éclate l’insurrection de Saint-Domingue, l’inquiétude va grandir chez les planteurs américains face à une contagion possible. D’autant que les réfugiés de Saint-Domingue, planteurs, esclaves et libres, débarquent dans les ports américains, au Nord comme au Sud, porteurs de nouvelles dramatiques pour la domination blanche. Mais à compter de 1793, la France et la Grande-Bretagne sont en guerre, ce qui affaiblit le mouvement antiesclavagiste international. On accuse le Britannique Wilberforce, promoteur d’une loi contre la traite au Parlement, d’être à la solde des Français et de vouloir ainsi affaiblir les Antilles britanniques. Le mouvement américain antiesclavagiste se retrouve isolé et perd de ce fait une partie de sa crédibilité. Les Sociétés démocratiques, sortes de clubs politiques proches de la France et de sa Révolution, mais plus généralement favorables à des idées égalitaires, perdent pied dans le Sud après 179365. Face à la menace que représente l’exemple haïtien, le gouvernement de Thomas Jefferson rompt progressivement ses liens économiques avec la République noire, en dépit de l’intérêt américain pour cette zone économique66 : en 1806, il est officiellement interdit de commercer avec Haïti.
30Les grands planteurs, tels Robert Carter en 1792, puis George Washington après sa mort en 1799, qui ont libéré leurs esclaves dans les années 1790, ne font guère d’émules dans le climat plus tendu des années 1800 : les héritiers de Washington contestent d’ailleurs la décision de leur illustre parent, avec véhémence, mais sans succès67. Les fils de Carter cherchent également à revenir sur la décision de leur père68. D’autant plus qu’à compter de 1797, il devient plus facile de cultiver du coton dans le Sud grâce à la mise au point d’un procédé révolutionnaire, l’égreneuse à coton d’Eli Whitney. On assiste à un véritable renforcement de l’institution particulière. Avant sa fermeture définitive en 1808, la traite est rouverte par certains États du Sud : ainsi le nombre d’esclaves présents aux États-Unis se trouve-t-il paradoxalement plus élevé après la période révolutionnaire, en dépit de nombreuses émancipations au Sud, et la libération graduelle ou immédiate des esclaves au Nord69.
31D’un sentiment égalitaire, où les considérations de race sont éclipsées par les impératifs humanistes des Lumières, on passe à une conception de la citoyenneté à plusieurs niveaux, que semble confirmer la difficulté d’assimilation des esclaves nouvellement libérés. Le citoyen américain, tel que le présente la culture civique américaine des premières décennies de la République américaine, est avant tout autonome, tant sur le plan économique que sur le plan politique : une interprétation qui va s’ancrer surtout dans les esprits au début du XIXe siècle, comme le montre François Furstenberg, et qui justifie le racisme grandissant. « Les esclaves […] étaient représentés comme incapables d’être citoyens », écrit François Fürstenberg : on ne se souvenait plus de leur engagement et de leur courage pendant la guerre d’Indépendance, seul leur statut de dépendants avait une valeur70. Pour être citoyen, encore fallait-il pouvoir choisir de « consentir » au gouvernement, ou alors se rebeller, selon les termes de la Déclaration d’indépendance : c’est ce qu’avaient fait les insurgés de la révolution. Par extension, les Noirs libres étaient victimes de discrimination : minoritaires, ils ne pouvaient faire oublier l’image du Noir impuissant car asservi. On avait complaisamment oublié l’image du soldat noir de la révolution.
32Suivant Ira Berlin, et son pionnier Slaves Without Masters (1974), de nombreux historiens ont dépeint les Noirs libres comme des « esclaves sans maîtres », des citoyens de seconde catégorie, du Nord au Sud. Privés de la plupart des droits dont jouissaient leurs concitoyens, ils auraient été victimes d’un véritable ostracisme. Joanne Pope Melish a étudié « l’émancipation graduelle et la race en Nouvelle-Angleterre, de 1780 à 1860 » : elle affirme que les Noirs libres étaient confrontés à bien moins d’obstacles avant l’émancipation qu’après. La campagne antiesclavagiste, en insistant d’abord sur la fin de la traite, avait implicitement répandu l’idée selon laquelle il fallait diminuer le nombre d’esclaves, donc de Noirs, perçus comme source de problèmes. Les Noirs libres, eux, nourrissaient de grands espoirs de la rhétorique révolutionnaire : ils seraient libres, et pas seulement « libérés ». Or les Blancs de Nouvelle-Angleterre opposèrent une résistance de tous les instants à cette perspective, préférant considérer les anciens esclaves comme appartenant à une catégorie problématique, ni asservis, ni égaux. Paradoxalement, le travail des sociétés d’émancipation, souvent axé sur l’aide aux anciens esclaves, allait dans ce sens, puisque les antiesclavagistes, sensibles à la « différence » des anciens esclaves, cherchaient avant tout à les assimiler à la société blanche en les éduquant, sans militer pour que la société blanche les prenne par la main. Aux Noirs récemment libérés de gagner leur égalité en s’en montrant dignes, grâce à une attitude en tout point irréprochable : objectif évidemment inatteignable71. Si certains prospèrent en dépit d’obstacles, de nombreux anciens esclaves peuplent les prisons : en 1801, les Noirs composent un tiers du nombre des prisonniers de l’État de New York72.
33Quelques maîtres seuls prirent l’ampleur de la responsabilité qui incombait à la société blanche en s’occupant de l’avenir de leurs esclaves, en leur donnant des terres en particulier : ce fut le cas de Richard Randolph. À travers l’exemple de ce fils d’une des plus grandes familles de Virginie, l’historien Melvin Patrick Ely a récemment commencé de nuancer la thèse de Slaves Without Masters (1974) où Berlin défendait l’idée qu’au Sud, les anciens esclaves libérés seraient restés des esclaves virtuels, privés d’égalité des droits. Dans un ouvrage qui fait date, Israel on the Appomattox, Ely a reconstitué la vie des quelque 90 esclaves que Richard Randolph, grand planteur de Virginie, libéra à sa mort en 1795 en leur confiant une part de sa propriété73. Ce type d’émancipation correspondait aux vœux des antiesclavagistes les plus convaincus. Il s’agissait de donner une chance aux libres et de ne pas les lâcher dans la nature, sans éducation ou argent, au risque de confirmer les pires préjugés de leurs compatriotes blancs. Les anciens esclaves de Randolph connurent une certaine prospérité sur leur petit domaine. Loin de vivre dans un ghetto, ils travaillaient aussi pour leurs voisins blancs et à la ville voisine. Quoique hostiles aux libres en tant que catégorie, les Blancs les fréquentaient sur le plan individuel ; les tribunaux les protégeaient. Il ne faudrait donc pas céder à une vision monolithique du statut des libres, dont les expériences furent diverses et variées. En Virginie, les esclaves émancipés par Richard Randolph ne pouvaient voter, servir comme juré, à l’instar des femmes et des pauvres blancs ; ils ne pouvaient pas non plus témoigner contre les Blancs dans le cadre d’un procès. Mais en Caroline du Nord, ils purent voter jusqu’en 1835. Si la vie des libres du Sud était encadrée de nombreuses restrictions, encore davantage qu’au Nord, les règles de discrimination étaient parfois si peu appliquées qu’elles en étaient comme invalidées : il ne s’agissait pas encore de ségrégation74.
34Il n’en reste pas moins qu’au cours des années 1800, l’effort abolitionniste s’essouffle, tout d’abord dans le Sud « haut », puis sur le plan national. Les sociétés abolitionnistes du Nord, qui cherchent à animer un réseau actif de sociétés semblables à travers tout le pays, y compris au Sud, admettent que cet effort ne rencontre pas l’écho espéré. La coordination nationale ne se rassemble plus que tous les trois ans. Une fois de plus, le contexte international est particulièrement défavorable. Les années 1805-1815 correspondent à une période d’hostilité croissante entre les États-Unis et la Grande-Bretagne. Or ce dernier pays a alors renoué avec sa campagne antiesclavagiste, et s’achemine vers une abolition totale de la traite en 1807. Mais cette même année voit culminer les conflits navals entre les deux pays. Parallèlement, l’insurrection de Saint-Domingue connaît un dernier avatar victorieux avec la Proclamation d’une République en 1804, puis d’une constitution qui interdit aux Blancs toute propriété terrienne sur l’ex-colonie française. Depuis dix ans qu’ils recueillent les planteurs français en fuite, et leurs récits épouvantés, les Nord-Américains en ont conçu de grandes craintes pour leur propre sécurité qui se traduisent par un renforcement du contrôle social de leurs esclaves : en 1806, la Virginie revient sur la loi de 1782 qui permettait les émancipations privées. Tout nouvel affranchi devra quitter l’État dans un délai de un an75. En 1808, lorsque les États-Unis abolissent également la traite, il s’agit bien davantage d’entériner la fin du délai de grâce accordé en 1787 aux planteurs du Sud « bas » pour qu’ils reconstituent leur main-d’œuvre, que de suivre l’exemple de la Grande-Bretagne, où la nouvelle campagne antiesclavagiste, largement soutenue par la population, a finalement abouti en 1807 à l’interdiction de la traite.
35En s’opposant à la tyrannie et à l’« esclavage » que leur imposait la métropole par le biais de nouveaux impôts, les insurgés américains ont également compris que leurs principes révolutionnaires remettaient en cause l’esclavage qu’eux-mêmes pratiquaient. La guerre d’Indépendance a bouleversé l’institution esclavagiste, et donné aux esclaves la possibilité de revendiquer ou de prendre la liberté de multiples façons. En cherchant après la guerre à émanciper largement les esclaves, les Nord-Américains ont surtout produit des solutions de libération graduelles, qui indiquaient bien leur perplexité quant à l’intégration de ces anciens esclaves dans le corps social et politique de la nation. Du Nord au Sud, les « libres » ont rarement joui des droits naturels – liberté, égalité, droit à la poursuite du bonheur –, que revendiquait pour les citoyens blancs la Déclaration d’indépendance. Ils ont souvent formé une caste de citoyens de seconde classe, que les Blancs auraient aimé voir émigrer vers l’Ouest ou repartir en Afrique, quand ils ne rejetaient pas finalement la perspective de leur émancipation. Si la situation des libres a peut-être été moins dramatique qu’on ne l’a laissé penser, il est cependant clair que la nation a cessé de s’engager sur la voie d’un antiesclavagisme plus généreux juste au moment où l’abolition de la traite était enfin proclamée. Les préjugés raciaux se sont renforcés au moment où les Noirs libres se trouvaient confrontés aux attentes irréalisables de la société et aux valeurs dominantes de la propriété.
Notes de bas de page
1 Encore aujourd’hui, les biographies de ces personnages célèbres figurent en bonne place dans toutes les librairies généralistes aux États-Unis. Naomi Wulf avec Marie-Jeanne Rossignol, « La révolution américaine : sujet brûlant ou vieille querelle ? », Transatlantica, n° 2006 : 2, Dossier « Autour de la révolution américaine », http://www.transatlantica.org/document1140.html. Consulté le 2 octobre 2008.
2 Alfred F. Young, The American Revolution. Explorations in the History of American Radicalism, De Kalb, Northern Illinois University Press, 1976. Pour une présentation plus complète de cette école historiographique, voir Élise Marienstras, « Révoltes, révolution, radicalisme. Les concepts en usage dans la révolution américaine et son historiographie », Transatlantica, n° 2006 : 2, Dossier « Autour de la révolution américaine », http://www.transatlantica.org/document1143.html. Consulté le 2 octobre 2008.
3 Edward Countryman, The American Revolution, New York, Hill and Wang, 2003.
4 Ira Berlin, Slaves Without Masters ; the free Negro in the antebellum South, New York, Pantheon Books, 1975 [1974], et Many thousands gone : the first two centuries of slavery in North America, Cambridge, Ma., Belknap Press of Harvard University Press, 1998.
5 William W. Freehling, « The Founding Fathers and Slavery », American Historical Review, n° 77-1, février 1972, p. 81-93.
6 Depuis les ouvrages majeurs de David Brion Davis, dans les années 1960 et 1970, d’autres grands auteurs comme Gary B. Nash, se sont penchés sur le sujet du « premier abolitionnisme ». Actuellement, Richard S. Newman redonne un nouvel élan à ce sujet : voir The Transformation of American Abolitionism. Fighting Slavery in the Early Republic, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2002. Mais il n’est pas le seul, comme les notes de ce travail le montrent. Cet article me sert d’ailleurs de présentation des grandes lignes d’un ouvrage de synthèse en français sur le sujet.
7 « Les esclavagistes du Sud ne firent certainement pas la révolution pour se débarrasser de l’esclavage », écrit avec ironie Alfred Young dans The American Revolution, op. cit., p. 460.
8 David Brion Davis, The Problem of Slavery in Western Culture, Ithaca, N. Y., Cornell University Press, 1966 ; The Problem of Slavery in the Age of Revolution, Ithaca, N. Y., Cornell University Press, 1975.
9 Duncan J. McLeod cite un des pamphlétaires des débuts de la révolution, John Dickinson, qui dans Letters from a Farmer in Pennsylvania, utilise le concept d’esclavage pour parler de l’oppression britannique : il ne pouvait penser à « aucun esclavage plus complet, plus malheureux, plus ignominieux, que celui d’un peuple, où la justice est administrée, le gouvernement exercé et une armée professionnelle entretenue, aux frais du peuple, sans que celui-ci ait le moindre contrôle ». Dickinson cité par Duncan J. McLeod, Slavery, Race and the American Revolution, New York, Cambridge University Press, 1974, p. 16. Mais les exemples sont innombrables, même sous la plume des habitants des colonies les plus esclavagistes.
10 John Locke, The Second Treatise of Civil Governement, Londres, 1690, chap. IV, « Of Slavery » http://www.constitution.org/jl/2ndtreat.htm.
11 John Woolman publie en 1754 Some Considerations on the Keeping of Negroes, Philadelphie, James Chattin puis en 1762, Considerations on Keeping Negroes, Philadelphie, James Chattin. Son journal est publié à titre posthume en 1770. Durant sa vie, il est passé de quaker marginal à membre respecté et suivi de la communauté. Plus connu encore, Anthony Benezet publie plusieurs ouvrages consacrés à la traite et à l’esclavage, en 1760, 1762 et 1767 et crée en 1770 une école pour les Noirs à Philadelphie. Sous l’impulsion de ces militants, la communauté quaker prend progressivement des mesures pour que ses membres ne se livrent plus à la traite et ne possèdent plus d’esclaves. Voir Gary B. Nash et Jean R. Soderlund, Freedom by Degrees. Emancipation in Pennsylvania and its Aftermath, New York, Oxford University Press, 1991, p. 43-73, p. 82, p. 89.
12 James Otis, The rights of the British colonies asserted and proved, cité par McLeod, op. cit., p. 186. Otis reprend l’argument satirique développé par Montesquieu dans le livre 15, chap. 5 de L’Esprit des Lois (1748).
13 McLeod, op. cit., p. 73, p. 29 et 186. À noter en particulier le pamphlet antiesclavagiste du Philadelphien Benjamin Rush, futur signataire de la Déclaration d’Indépendance : An Address to the Inhabitants of the British Settlements in America, upon Slavekeeping, Philadelphie, John Dunlap, 1773.
14 Année où se tient un Premier congrès continental réunissant toutes les colonies pour gérer la crise avec la Grande-Bretagne.
15 http://www.yale.edu/lawweb/avalon/jeffsum.htm/ : « Mais avant de libérer nos esclaves, il est nécessaire d’exclure toute importation supplémentaire d’Afrique : cependant, nos tentatives répétées pour y parvenir par des interdictions, ou en imposant des droits qui reviendraient à une interdiction, ont été jusqu’ici contrecarrés par le veto de sa majesté. Qui préfère ainsi les avantages immédiats de quelques corsaires africains aux intérêts durables des États américains, et aux droits de la nature humaine, profondément blessée par cette pratique infâme » (passage traduit par mes soins).
16 Philip Gould cite le passage oblitéré dans Barbaric Traffic. Commerce and Antislavery in the Eighteenth-Century Atlantic World, Cambridge, Ma., Harvard University Press, 2003, p. 12 : « Cette guerre de pirates, l’opprobre des puissances INFIDÈLES, c’est la guerre du roi CHRÉTIEN de Grande-Bretagne ». Pour le texte complet et définitif, voir : http://www.yale.edu/lawweb/avalon/declare.htm.
17 Henry Wiencek, An Imperfect God. George Washington, His Slaves and the Creation of America, New York, Farrar, Strauss, Giroux, 2003, p. 192.
18 Thomas Hutchinson, Strictures Upon the Declaration of the Congress at Philadelphia, Londres, 1776, p. 9-10, cité par Sylvia Frey, « Liberty, Equality, and Slavery : The Paradox of the American Revolution », in Jack P. Greene (éd.), The American Revolution. Its Character and Limits, New York, New York University Press, 1987, p. 231.
19 Duncan J. McLeod, Slavery, Race and the American Revolution, op. cit., p. 26. Samuel Hopkins, A Dialogue, Concerning the Slavery of Africans, Norwich, Conn., Judah P. Spooner, 1776.
20 Duncan J. McLeod, Slavery, Race and the American Revolution, op. cit., p. 29.
21 Ira Berlin, « The Revolution in Black Life », in Alfred F. Young (dir.), The American Revolution. Explorations in the History of American Radicalism, DeKalb, Northern Illinois University Press, 1976, p. 351.
22 James Brewer Stewart, Holy Warriors. The Abolitionists and American Slavery, New York, Hill and Wang, 1996, p. 11-12, p. 21.
23 Matthew Mason, Slavery and Politics in the Early Republic, Chapel Hill, University of North Carolina, 2006, p. 14-15. J. B. Stewart, Holy Warriors, op. cit., p. 23. Pour le texte de la Constitution du Vermont, voir : http://www.yale.edu/lawweb/avalon/states/vt01.htm (chap. 1, Déclaration des droits, 1). Ira Berlin, Many Thousand Gone. The First Two Centuries of Slavery in North America, Cambridge, Mass., The Belknap Press of Harvard University Press, 1998, p. 229, p. 234.
24 I. Berlin, Many Thousand, op. cit., p. 229.
25 Pour le texte de cette loi d’émancipation graduelle : http://www.yale.edu/lawweb/avalon/states/statutes/pennst01.htm
26 Gary B. Nash, Race and Revolution, New York, Madison House, 1990, p. 17. I. Berlin, Many Thousand, op. cit., p. 234.
27 Le désastre est décrit dans Simon Schama, Rough Crossings. Britain, the Slaves and the American Revolution Londres, Random House, 2005, p. 93-109. Voir sur l’impact de la Proclamation de Dunmore, Berlin, Many Thousand, op. cit., p. 353.
28 I. Berlin, « The Revolution in Black Life », loc. cit., p. 354-355.
29 Ibid., p. 363.
30 H. Wiencek, op. cit., p. 201, p. 215, p. 232-33, p. 244, p. 263.
31 Pour le texte du traité de paix de 1783 et son article 7 qui prévoit la restitution des esclaves « emportés » par les Britanniques, voir http://www.yale.edu/lawweb/avalon/diplomacy/britain/paris.htm.
32 H. Wiencek, op. cit., p. 256-58.
33 S. Frey, loc. cit., p. 238.
34 « Virginia Manumission Law of 1782 », in G. Nash, op. cit., p. 115-116.
35 Dwight Lowell Dumond, Antislavery. The Crusade for Freedom in America, New York, Norton, 1966, p. 37.
36 J. B. Stewart, Holy Warriors, op. cit., p. 27.
37 David Waldstreicher, Runaway America. Benjamin Franklin, Slavery and the American Revolution, New York, Hill and Wang, 2006.
38 Pennsylvania Society for Promoting the Abolition of Slavery and the Relief of Free Negroes Unlawfully Held in Bondage : comme on l’a vu plus haut, une première forme de cette société existait avant la guerre, mais en raison de la neutralité quaker, ses activités sont mises en sourdine pendant les hostilités et la société renaît en 1784.
39 D. Waldstreicher, Runaway America, op. cit., p. 231-234.
40 G. Nash, op. cit., p. 27.
41 G. Nash, op. cit., p. 36-37.
42 Pour le texte complet de la Constitution fédérale : http://www.yale.edu/lawweb/avalon/usconst.htm. Pour un résumé bref des termes du compromis, voir J. B. Stewart, Holy Warriors, op. cit., p. 27.
43 Don Fehrenbacher, The Slaveholding Republic : An Account of the United States Government’s relations to slavery, New York, Oxford University Press, 2001, p. 28-48 pour le détail de cette discussion.
44 Leonard L. Richards, The Free North and Southern Domination, Baton Rouge, Louisiana State University Press, p. 32-33.
45 D. Fehrenbacher, The Slaveholding Republic, op. cit., p. 28.
46 Ibid., p. 47. Leonard Richards rappelle qu’en 1787, la répartition entre États libres ou « du Nord » et États esclavagistes ou « du Sud » était loin d’être définitivement fixée (The Free North, op. cit., p. 47).
47 Pour le texte de l’Ordonnance du Nord-Ouest (et l’article 6 qui interdit l’esclavage dans les territoires), voir http://www.yale.edu/lawweb/avalon/nworder.htm.
48 D. Waldstreicher, Runaway America, op. cit., p. 234-237.
49 Ibid., p. 238.
50 D. L. Dumond, Antislavery, op. cit., p. 54-56.
51 Ibid., p. 76. The Defense of Warner Mifflin Against Aspersions Cast on Him on Account of His Endeavors to Promote Righteousness, Mercy, and Peace Among Mankin, Philadelphia, Samuel Sansom.
52 Duncan J. McLeod, Slavery, Race and the American Revolution, op. cit., p. 192.
53 D. L. Dumond, Antislavery, op. cit., 58-59.
54 Thomas Jefferson, « Laws », Notes on the State of Virginia, éd. William Peden, New York, Norton, [1787] 1982, p. 137-143. Jefferson renvoie dans ce texte à sa tentative de mettre en œuvre l’émancipation graduelle en Virginie pendant la guerre d’Indépendance, qu’il raconte après guerre dans ses Notes.
55 G. Nash, op. cit., p. 146-148.
56 Ferdinando Fairfax, « Plan for Liberating the Negroes within the United States » et St. George Tucker, « A Dissertation on Slavery : With a Proposal for the Gradual Abolition of It, in the State of Virginia », in G. Nash, op. cit., p. 146-158.
57 D. L. Dumond, Antislavery, op. cit., p. 79.
58 Andrew Levy, The First Emancipator. Slavery, Religion, and the Quiet Revolution of Robert Carter, 2005, New York, Random House, 2007.
59 On ne parle pas ici des Noirs qui avaient quitté les États-Unis avec les forces britanniques à la fin de la guerre d’Indépendance, et qui connurent des sorts divers : installés en Nouvelle-Écosse (puis en Sierra Leone) pour certains, vendus aux Antilles britanniques pour d’autres.
60 Dans le Nord, outre la Pennsylvania Abolition Society, on peut citer : la New York Manumission Society, créée en 1785, la Connecticut Society for the Promotion of Freedom, and for the Relief of Persons Holden in Bondage, en 1790 et enfin la New Jersey Society for the Abolition of Freedom ; dans le Sud, on note la Delaware Society for Promoting the Abolition of Slavery and for the Relief and Protection of Free Blacks and people of Colour Unlawfully Held in Bondage, crée en 1788, et en 1789 la Maryland Society for Promoting the Abolition of Slavery, and the Relief of Free Negroes and Others Unlawfully Held in Bondage. Cette liste n’est pas exhaustive. Ces sociétés s’organisent en Convention nationale en 1794, qui se réunit à intervalle régulier : mais l’essentiel de l’action des sociétés s’effectue à l’échelon local.
61 On peut lire un échantillon des comptes rendus de séances de la New York Manumission Society qui reflète bien les préoccupations de ses animateurs sur le site suivant : http://www.columbia.edu/cu/lweb/digital/jay/JaySlavery.html
62 Duncan J. McLeod, Slavery, Race and the American Revolution, op. cit., p. 123.
63 M. Mason, Slavery and Politics, op. cit., p. 19.
64 Duncan J. McLeod, Slavery, Race and the American Revolution, op. cit., p. 124.
65 Ibid.
66 Marie-Jeanne Rossignol, Le ferment nationaliste : aux origines de la politique extérieure des États-Unis, 1789-1812, Paris, Belin, 1994, chap. 6.
67 H. Wiencek, op. cit.,
68 M. Mason, Slavery and Politics, op. cit., p. 21.
69 I. Berlin, Many Thousand Gone, op. cit., p. 223-224 : « Une grande partie de cette augmentation découla de la réouverture de la traite, étant donné que le nombre d’Africains transportés en Amérique du Nord pour y servir d’esclaves fut aussi important que toutes les émancipations organisées par les États auxquelles on ajouterait toutes les émancipations privées. »
70 François Fürstenberg, In the Name of the Father. Washington, Legacy, Slavery and the Making of a Nation, New York, The Penguin Press, 2006, p. 22.
71 Joanne Pope Melish, Disowning Slavery. Gradual Emancipation and “Race” in New England, 1780-1860, Ithaca, Cornell University Press, 1998, p. 40, p. 53, p. 82, p. 88, p. 120, p. 121.
72 Duncan J. McLeod, Slavery, Race and the American Revolution, op. cit., p. 168.
73 Melvin Patrick Ely, Israel on the Appomattox : A Southern Experiment in Black Freedom from the 1790s Through the Civil War, New York, Knopf, 2004.
74 Melvin Patrick Ely, Israel on the Appomattox, op. cit., p. 457, p. 463, p. 465, p. 467, p. 472.
75 Ibid., p. 8.
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