Le parcours et les engagements de Louis Guilloux dans les enjeux de son temps (1930-1950)
p. 31-46
Texte intégral
1Le parcours personnel, intellectuel et littéraire de Louis Guilloux, né en 1899, s’inscrit dans les turbulences du vingtième siècle, scandé par deux guerres mondiales, une grande dépression économique, sans oublier l’Occupation et la Libération, les conflits de la décolonisation et les événements de Mai 1968. Pour bon nombre d’intellectuels, avec l’Affaire Dreyfus, ce vingtième siècle s’ouvre sous le signe de l’engagement et du combat, même s’il faudra attendre l’après Deuxième Guerre mondiale pour que Jean-Paul Sartre théorise ce « devoir d’engagement » dans le premier numéro des Temps modernes en octobre 1945. Mais comme le rappelle Jean-François Sirinelli, cette entrée dans « l’ère de l’engagement » s’est opérée en réalité au cours des années 1930 :
Le tournant n’est pas, dans ce domaine en 1945 mais dans les années 1930, quand le couple des forces anticommunisme-antifascisme mobilisait très largement et, de ce fait structurait le milieu intellectuel1.
2En France, cet « affrontement simulé » des années trente selon Serge Berstein2, qui voit se heurter dans la vie politique et culturelle et parfois dans la rue les deux grandes idéologies antagonistes du fascisme et du communisme sur fond de culture républicaine finalement solidement enracinée, a conduit de nombreux intellectuels et notamment des écrivains à prendre partie pour l’un ou l’autre camp. Dans ce champ de forces qui s’opposent ouvertement par pétitions, meetings et manifestations interposées, des grands noms de la littérature surgissent au début des années trente : d’André Gide à André Malraux, de Louis Aragon à Paul Eluard, pour ne citer que des écrivains engagés à gauche dans le camp antifasciste. Dans ces enjeux, Louis Guilloux n’apparaît pas sur le devant de la scène. Mais il prend part, modestement parfois, à ces combats des années 1930 aux années 1950 qui marquent son œuvre, sans doute plus pour défendre des valeurs auxquelles il croit, comme la défense des humbles et la fraternité, que pour des raisons principalement politiques. C’est dans ce contexte politique et social, puis militaire agité qu’il convient de retracer l’itinéraire de Louis Guilloux, ses engagements et leurs limites, en tenant compte de son milieu social et de sa formation, de ses réseaux de relations et de ses premiers succès littéraires.
Aux origines des engagements de Louis Guilloux
3Par ses origines sociales et familiales, dès sa petite enfance Louis Guilloux a été mis en contact avec la dure réalité des milieux populaires briochins. Son père Louis, artisan cordonnier à Saint-Brieuc, un temps gardien à l’école Baratoux, a dû se battre pour nourrir sa famille. Et, le jeune Louis, boursier au Lycée de Saint-Brieuc, avant et au début de la Première Guerre mondiale a certainement rencontré quelques difficultés pour s’affirmer dans un milieu de professeurs et d’élèves relevant du monde de la bourgeoisie.
4Mais, pour l’enfant et l’adolescent, le modèle de l’engagement politique et syndical, a été fourni par son père, l’un des premiers militants socialistes briochins. Les combats quotidiens sont rudes pour cette poignée de pionniers du socialisme dans un département rural et une petite cité bretonne en cours d’industrialisation. Dans les Côtes-du-Nord, ces adhérents de la SFIO au nombre de 119 en 1913 ne sont plus que 22 en 1918, à l’issue de la désorganisation de 1914 et de l’hécatombe de la guerre. C’est cette expérience militante de son père et de ses camarades qui nourrit la vision du monde du jeune Guilloux ainsi que sa première œuvre publiée en 1927, La Maison du Peuple. Le personnage de François Quéré, figure emblématique du roman, s’inspire de son père et bon nombre de personnages qui rêvent de construire une maison du peuple dans les années 1909-1914 sont des figures que l’historien peut identifier aisément comme des acteurs de l’histoire politique et sociale briochine. D’ailleurs Louis Guilloux paiera sa dette à leur égard sans ambiguïté dans la dédicace de La Maison du Peuple :
A mon père et à ma mère, à leurs camarades et aux miens (...) à tous les camarades morts et vivants de l’ancienne section socialiste de S B.3
5Il énumère six noms de militants dont cinq morts à la guerre. Par cette dédicace, Louis Guilloux s’identifie à ces militants qu’il a fréquentés avec son père lors de réunions. En outre, les liens amicaux de son père l’ont mis en relation avec Augustin Hamon, théoricien, fondateur et responsable de la jeune fédération socialiste des Côtes-du-Nord. En rupture de lycée, à l’été 1917, il est même quelque temps secrétaire particulier d’Augustin Hamon à Port-Blanc4. Autant dire que l’adolescent Guilloux n’ignore rien des idées socialistes, ni de l’engagement militant tant il a baigné dans ce climat.
6Toutefois, la guerre provoque une rupture. On ne trouve plus trace (dans les archives publiques) d’une activité du père de Louis Guilloux dans la reconstruction d’une fédération socialiste à Saint-Brieuc dans les années 1920. Louis Guilloux lui-même part pour Paris afin de pouvoir écrire, vivant de ses collaborations à différents journaux, notamment comme traducteur d’anglais au service étranger de L’Intransigeant, publiant des contes et des chroniques littéraires dans Excelsior mais aussi dans des journaux engagés tels Le Populaire, l’organe de la SFIO et Le Peuple, de la CGT. Ces collaborations semblent indiquer une sensibilité de gauche dans la mouvance socialiste, mais l’apprenti-écrivain ne milite pas dans un parti. On peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure la lecture qu’il fait des manœuvres du Dr Rébal dans La Maison du Peuple, en réalité le Dr Boyer, ambitieux responsable SFIO de Saint-Brieuc qui aspirait à devenir maire lors des élections municipales de 1908, n’amène pas Louis Guilloux à se méfier de toute prise de carte dans un parti politique ? Cette prise de distance vis-à-vis de la SFIO paraît confirmée par deux annotations des Carnets I. Le 29 janvier 1929, Louis Guilloux note :
Je fais une causerie sur Tolstoï. A ne pas recommencer5.
7Cette causerie a sans doute eu lieu à Angers où enseigne son épouse. L’écrivain semble avoir été un peu exaspéré des remarques et des questions de l’auditoire sur « la richesse », « l’oisiveté », l’intérêt de la vie et de la pensée de Tolstoï pour le prolétariat. En second lieu, en août 1929, évoquant des promenades dans le Trégor, il signale être passé à Port-Blanc devant Ty-an-Diaoul, la demeure de Augustin Hamon, « où je n’étais pas revenu depuis 19176 ».
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8Second facteur, les amitiés et les relations parisiennes des années 1920-1930 ne vont pas manquer d’influer sur la vision du monde de l’écrivain, marqué comme tant de jeunes gens de sa génération par une guerre qu’il n’a pas faite. Après s’être laissé gagner par la fièvre patriotique de 1914, le jeune homme s’est imprégné dans les années 1920 du pacifisme qui irrigue l’ensemble de la société française y compris les anciens combattants7. L’œuvre de Louis Guilloux porte la marque indélébile de ce terrible conflit mondial, de Dossier confidentiel (1930) au Sang Noir (1935) et au Jeu de Patience (1949). Au début des années 1920, avec son ami Jean Grenier, rencontré à la bibliothèque de Saint-Brieuc en 1917, agrégé de philosophie en 1922, il prend la mesure des combats d’une époque imprégnée de pacifisme, d’espoirs révolutionnaires, de victoire du fascisme mussolinien, s’intéressant déjà au sort des exilés et des réfugiés politiques. Au cours d’un voyage en Italie et en Europe Centrale avec Jean Grenier qui vient d’être nommé à Alger pour la rentrée, Louis Guilloux participe le 2 août 1923 à une manifestation pacifiste à Vienne en Autriche où il fait la rencontre d’exilés politiques, notamment de communistes hongrois, réfugiés après l’écrasement de la Révolution de Bela Kun. Il évoquera ces souvenirs dans Absent de Paris (1952)8. Des rencontres et des amitiés essentielles se nouent avec de jeunes écrivains au Quartier Latin durant ces années 1920 : d’abord avec André Chamson en 1921. C’est André Chamson qui le présente en 1926 à Daniel Halévy qui dirige la collection « les Cahiers verts » chez Grasset, son premier éditeur. Puis grâce au salon des Halévy, Louis Guilloux rencontre Julien Benda, Jean Guéhenno (en 1927), autre fils de petit cordonnier breton, et André Malraux de retour d’Asie avec lequel il nouera une amitié durable. La fréquentation de ces deux derniers écrivains va certainement peser lourd dans les engagements de Louis Guilloux dans les années 1930.
9Mais pour l’heure, l’écrivain en herbe se cherche : vers 1923-1925, il paraît intéressé par le communisme à une période où son ami Grenier participe à l’expérience de la revue Philosophies avec de jeunes intellectuels communistes. Puis, vers 1926, selon diverses correspondances, Louis Guilloux est attiré par la foi. Enfin avec ses amis Lambert, Chamson et Grenier, il s’est tourné en 1927-1928 vers l’européisme et la réconciliation franco-allemande dans l’esprit du briandisme, de la SDN et du désarmement. Un projet de société culturelle pour promouvoir des rencontres franco-allemandes n’aboutira pas9. Les Carnets I 1921-1944 sont peu loquaces sur cette période de la vie de Guilloux et sur sa participation au début des années vingt à un obscur groupe « Vorticiste » qui se voulait « un tourbillon intellectuel dominé par l’esprit de liberté » selon André Chamson, en opposition avec les surréalistes10. Louis Guilloux, qui semble avoir voulu oublier cette expérience, peut-être exagérée par André Chamson, n’en a sans doute pas moins été marqué dans son rapport à l’action politique : « cet esprit de liberté » expliquant sans doute sa réserve quant à l’engagement dans un parti. Il n’en reste pas moins que Louis Guilloux appartient à cette nouvelle génération d’écrivains des années 1920 qui, pour s’affirmer, cherchent à se démarquer de leurs aînés.
10Grâce à ses relations, Louis Guilloux est entré dans les cercles littéraires parisiens dans la seconde moitié des années vingt. Par Jean Guéhenno, directeur d’une collection chez Grasset, il publie sa Maison du Peuple (1927), puis avec Daniel Halévy, les Lettres de Proudhon annotées (1929). Désormais, il collabore à la NRF et à Europe où il publie un premier compte rendu en 1927. C’est ce qui l’amène à participer aux débats et aux combats culturels de son temps en plongeant totalement dans « le bain pacifiste » (Jean-François Sirinelli). On trouve une première trace d’un engagement public de Louis Guilloux dans une pétition contre la « loi Paul-Boncour », du nom du rapporteur socialiste, sur « l’organisation générale de la nation en temps de guerre » dans le numéro d’Europe du 15 avril 192711. La pétition contestait certains articles de la loi votée à l’Assemblée nationale le 7 mars 1927 (par 500 voix contre 31) qui prévoyaient la mobilisation : « dans l’ordre intellectuel, une orientation des ressources du pays dans le sens des intérêts de la défense nationale ». 160 clercs avaient signé dont André Chamson, Jean Guéhenno et Louis Guilloux car, écrivaient les auteurs de cette pétition,
Ce texte nous semble abroger pour la première fois en temps de guerre toute indépendance intellectuelle et toute liberté d’opinion, supprimer le simple droit de penser. Nous estimons qu’il constitue l’atteinte la plus grave qui ait jamais été portée à la liberté de conscience, qu’il serait d’ailleurs en désaccord avec l’idée d’une nation armée qui suppose le libre assentiment des citoyens. (...)
11Alain, Henri Barbusse, Romain Rolland mènent campagne avec véhémence dans Europe et dans Libres Propos contre ces dispositions du texte.
12De par ses origines sociales, sa formation et ses réseaux de sociabilité dans le monde littéraire, Louis Guilloux se sent concerné par la vie de la cité et les enjeux de son temps à la fin des années 1920, mais on peut penser que la reconnaissance et la réussite littéraires comptent sans doute davantage que l’engagement, même si sa conception du monde et sa vision de la société ont été façonnées à la fois par les événements historiques (guerre de 14-18, Révolution russe) et par ses discussions avec Jean Grenier.
Le tournant des années 1930 : vers l’engagement
13Selon la typologie de Nicole Racine appliquée à Jean Guéhenno (né en 1890), des écrivains « humanistes » s’interrogent sur les enjeux politiques et sociaux de leur temps :
Dans les années vingt, des écrivains, souvent marqués par un pacifisme d’inspiration rollandienne, par un socialisme de tradition jauressienne, développent une conception de l’engagement, fondée sur les valeurs d’un humanisme, préservant des risques de dictature d’une classe ou d’un parti12
14Nicole Racine classe explicitement Louis Guilloux dans cette catégorie d’écrivains :
Avec Jean Guéhenno, Louis Guilloux (né en 1899) partage une même conception d’un humanisme fait de fidélité aux valeurs de fraternité et de solidarité de son milieu d’origine ; fidélité qu’il exprime dans ses premiers romans13 (···)
15Après la Libération, Jean-Paul Sartre discréditera ces écrivains « humanistes », du genre des radicaux-socialistes de la Troisième République,
(...) sensibles aux injustices sociales, mais trop cartésiens pour croire à la lutte des classes.
16Abusivement, Sartre les soupçonnera d’être passés à côté des combats majeurs des années 1930-194514. Si la catégorisation d’écrivain humaniste peut être retenue pour Louis Guilloux, ce jugement assassin de Jean-Paul Sartre a posteriori mérite d’être passé au crible des engagements réels.
17Comme pour de nombreux contemporains, avec la montée en puissance du nazisme en Allemagne et les ravages économiques et sociaux de la Grande Dépression, le début des années trente est celui d’une prise de conscience de la menace fasciste. C’est ce qui amène l’écrivain briochin à devenir compagnon de route du parti communiste français (PCF). Le romancier, installé à Saint-Brieuc (en 1932), travaille au Sang Noir et paraît donc tourné vers la Première Guerre mondiale, mais il ne reste pas insensible à la détresse sociale qui monte, notamment dans les campagnes bretonnes. Dans les années 1931-1935, les Carnets I font régulièrement écho aux difficultés des humbles, à la « misère paysanne » et à l’augmentation à la fin de 1933 des ventes-saisies de fermiers ne pouvant plus payer leurs baux15. Cette crise économique va réveiller le mouvement social dans l’ouest des Côtes-du-Nord et voir les militants socialistes et communistes se mobiliser, notamment dans la CGPT, contre les expulsions. Dès 1932, dans La Charrue Rouge, l’hebdomadaire qu’il a créé, le socialiste de gauche Augustin Hamon a appelé au combat. Dans ce contexte de luttes sociales et paysannes inédites, Louis Guilloux fait la connaissance de militants communistes très engagés comme Yves-Marie Flouriot et Francis Marzin, les deux principaux responsables du PCF dans les Côtes-du-Nord, et, en 1934, il va accepter de prendre des responsabilités militantes.
18En outre, par ses amis Jean Guéhenno et surtout André Malraux qui vient souvent à Saint-Brieuc, Louis Guilloux allant au-delà de la question sociale et de la solidarité, est déjà bien averti de la menace nazie. Dès décembre 1932, André Malraux, a adhéré à l’AEAR, l’Association des écrivains et des artistes révolutionnaires, fondée par le PCF. Il est bientôt rejoint sur les tribunes des meetings antifascistes par André Gide qui accepte d’entrer au comité directeur de la revue Commune, l’organe de l’AEAR, après l’arrivée au pouvoir de Hitler. Un premier meeting important de l’AEAR, présidé par André Gide, se tient à Paris le 27 mars 1933. A la tribune siègent André Malraux, Jean Guéhenno, Eugène Dabit ainsi que le communiste Paul Vaillant-Couturier, le véritable animateur de l’AEAR. Face à la menace fasciste, André Malraux déclare :
en cas de guerre nous nous tournerons par la pensée vers Moscou, nous nous tournerons vers l’Armée Rouge
19et Jean Guéhenno affirme que :
le devoir des écrivains est dans l’engagement [et de préciser] je crois pour ma part, que le devoir de tous les artistes et de tous les écrivains est de dire tout de suite de quel côté ils sont16.
20Tout en étant proche du PCF dans le combat antifasciste, Jean Guéhenno se garde bien d’adhérer à l’AEAR17. Avec quelques mois d’écart, l’attitude de Louis Guilloux est comparable à celle de Jean Guéhenno, même si, selon Jean-Charles Ambroise, l’écrivain briochin aurait adhéré à l’AEAR en 193318. Loin de Paris, Louis Guilloux se tient informé des combats pacifistes et antifascistes, notamment en lisant la revue Monde de Barbusse et Europe. Il n’ignore rien des activités du Comité international pour la libération de E. Thaelmann, le secrétaire général du PC allemand (KPD), présidé par André Gide et par André Malraux, ni des campagnes pour l’acquittement et la libération du bulgare Georges Dimitrov, secrétaire de la Troisième Internationale communiste, arrêté en Allemagne. A. Malraux et A. Gide font le voyage de Berlin en janvier 1934 pour réclamer à Goebbels la libération de Dimitrov, effective à la fin février.
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21Durant ces combats antifascistes des années 1932-début 1934, Louis Guilloux paraît davantage être spectateur qu’acteur. Pour lui, le tournant se produit avec le choc des manifestations parisiennes du 6 février 1934, considérées par les forces de gauche (syndicats et partis) comme un tentative de coup de force fasciste des Ligues nationalistes. A Paris et dans 259 villes de province dont Saint-Brieuc, la riposte unitaire s’organise19. A Saint-Brieuc, la CGT et la CGTU, le SNI et deux fédérations de fonctionnaires, la SFIO et le PCF, la Ligue des droits de l’homme et la Ligue internationale pour la paix, ont appelé à un meeting le dimanche 11 février, suivi d’une manifestation. Louis Guilloux y participa certainement, lui qui fait dire au narrateur du Jeu de Patience :
Nous avions défilé en ville, derrière le drapeau rouge, aux cris de « Chiappe en prison ! A bas les voleurs ! » - Oui : de bien étranges souvenirs20
22Cette manifestation, la plus importante depuis les grèves de 1919-1920, a rassemblé un millier de personnes pour défendre la République menacée21. Dès lors, pour l’écrivain briochin, l’engrenage de l’engagement se met en route pour plusieurs années.
23Pourtant, Louis Guilloux ne semble pas appartenir à la première fournée des signataires du manifeste unitaire du 5 mars 1934 « Aux travailleurs », lancé par Alain, Paul Langevin et Paul Rivet qui est le texte fondateur du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, réunissant déjà 2300 signataires le 8 mai 1934, 8500 en octobre 193522. Mais, il y adhère sans doute rapidement et en est membre en octobre 1935. L’engagement de l’écrivain se fait plutôt en faveur d’une cause concrète en novembre 1934. C’est à Saint-Brieuc, à l’automne 1934, que Louis Guilloux est contacté par les responsables communistes du Secours Rouge international, notamment par Yves-Marie Flouriot. Dans Le Jeu de Patience, des pages relatent ce meeting briochin pour la défense de paysans poursuivis pour leur action contre les ventes-saisies. L’orateur pansien du Secours Rouge a fait d’abord un exposé de la situation politique internationale23. Et le narrateur-Guilloux de noter :
Ce n’était là pour moi rien de bien nouveau.
24Récemment créé, le Secours Rouge est animé à Saint-Brieuc par une poignée de militants communistes, rejoints par des socialistes comme le couple Mazier. L’orateur du meeting unitaire (PCF-SFIO-CGTU-CGT) qui a rassemblé en fait 130 personnes, un certain Didier, a rencontré le lendemain, le 23 novembre 1934, Louis Guilloux pour lui proposer de prendre la tête du comité briochin du Secours Rouge24. Grâce aux sources de police, on peut donc dater avec précision l’engagement de l’écrivain dans les combats politiques et sociaux du milieu des années trente et le début de son « compagnonnage » actif avec les communistes. Le narrateur-Guilloux précise que ces militants, au début de la construction du Rassemblement populaire, sont à la recherche d’hommes qui ne sont pas au parti :
Nous avons besoin d’hommes comme vous qui n’appartiennent à aucun parti (...). Il faut que vous acceptiez de devenir le responsable (...).
25Mais, s’il accepte, il ne cache pas ses réticences :
Je venais peut-être de me mettre dans le cas de ne plus pouvoir travailler comme je le voudrais. J’ignorais d’ailleurs à quoi je venais de m’engager – et je m’étais engagé à quelque chose. Mais le moyen aussi de demeurer insensible au malheur des autres ! C’était vrai aussi que le monde était entré dans une période de luttes brutales et qu’il était rempli de malheureux chassés de leur patrie ou emprisonnés pour leurs idées, de femmes et d’enfants dans la misère. Et c’était vrai aussi que je menais une vie dans l’ensemble confortable (…).
26Dans la foulée, c’est l’organisation d’un arbre de Noël pour les enfants de chômeurs le 24 décembre 1934 et la création d’un comité provisoire de chômeurs avec Flouriot, le personnage de Maréchal dans le roman, événements longuement développés dans Le Jeu de Patience (p. 420-430) et attestés dans les sources de police. Comme plus tard, en 1937-1939 avec l’accueil des réfugiés espagnols, c’est surtout le travail concret de terrain, la solidarité réelle et la fraternité, beaucoup plus que les grandes batailles idéologiques et politiques sur les tribunes qui intéressent l’écrivain.
Rythmes et formes de l’engagement
27Les années 1935-1938 sont particulièrement fructueuses pour l’activité publique de Louis Guilloux avec quelques temps forts. Tout d’abord, l’année 1935, celle de la notoriété et du succès avec la publication du Sang Noir qui rate le prix Goncourt d’une voix, en décembre. Le prix a été attribué à Joseph Peyré, qui passe pour être « le candidat de Léon Daudet », c’est-à-dire de l’Action Française et de l’extrême droite25. Pour dénoncer ce choix, les écrivains de gauche se mobilisent alors à Paris, le 12 décembre 1935, pour la « défense du roman français. Ce que signifie le Sang Noir » A l’affiche, sous la présidence de l’académicien Goncourt Roland Dorgelès, figurent André Malraux (prix Goncourt 1933), Jean Cassou, Louis Aragon, Moussinac, Paul Nizan. L’œuvre de Guilloux devient objet de l’affrontement gauche-droite qui divise l’intelligentsia française, avec un soutien appuyé des ecrivains communistes.
28Il faut dite qu’en France, à l’occasion de la guerre d’Ethiopie, le climat chez les clercs est de plus en plus à l’affrontement. A l’automne 1935, le 4 octobre, un manifeste « pour la défense de l’Occident », rédigé par Henri Massis et signé de 64 intellectuels, est publié par Le Temps. Il va recueillir les signatures d’un millier de clercs hostiles à des sanctions contre l’Italie mussolinienne qui vient d’attaquer l’Ethiopie26. Toutes « les élites » de la droite dont 16 membres de l’Académie française ont paraphé ce texte de facture apparemment néo-pacifiste (refus d’un conflit avec l’Italie) qui appuie la guerre coloniale et dénonce la menace de
sanctions qui, pour mettre obstacle à la conquête civilisatrice d’un des pays les plus arriérés du monde (où le christianisme même est resté sans action), n’hésiterait pas à déchaîner une guerre universelle (…).
29Il s’agissait de faire pression sur le gouvernement de Pierre Laval pour qu’il refuse ces sanctions à la Société des Nations. La réponse de 209 intellectuels de gauche est immédiate et paraît dans L’Œuvre du 5 octobre. Les signataires se veulent « les véritables représentants de l’intelligence française » et des masses populaires contre ceux qui affirment :
l’inégalité en droit des races humaines, idée si contraire à notre tradition, et si injurieuse en elle-même pour un si grand nombre de membres de notre communauté.
30Parmi les écrivains sollicités, tous les grands noms du combat antifasciste et du CVIA se solidarisent avec ce texte dont André Gide, André Chamson, Jean Guéhenno, André Malraux, Louis Guilloux et beaucoup d’autres. Les réseaux de sociabilité de la gauche antifasciste, bien structurés depuis plusieurs mois, fonctionnent avec une très grande rapidité pour riposter aux intellectuels des droites. Louis Guilloux paraît désormais bien inséré dans ces réseaux comme en témoigne sa participation, même modeste, au premier Congrès des Ecrivains pour la défense de la culture réunit à Paris du 21 au 25 juin 193527.
31C’est un événement important du monde des lettres, organisé par l’AEAR et donc orchestré par le PCF et ses « compagnons de route ». Ce Congrès rassemble 250 écrivains et intellectuels de 38 pays et attire de 2500 à 3000 personnes dans la grande salle de la Mutualité à Paris. Les délégations étrangères sont nombreuses avec des écrivains antifascistes allemands exilés et pas moins de 12 Soviétiques encadrés par Ilya Erhenbourg, mais sans Maxime Gorki. En revanche, suite à l’intervention d’André Malraux et d’André Gide auprès de l’ambassade soviétique à Paris, Boris Pastemark, qui impressionna tant Louis Guilloux, et le conteur Isaak Babel, arrivent au dernier moment. Des écrivains libéraux sont présents mais les surréalistes avec André Breton et les trotskystes sont marginalisés dans des débats parfois houleux comme lors de l’évocation de l’affaire Victor Serge, emprisonné par Staline. Des amis de Louis Guilloux tiennent la vedette, André Malraux, Jean Guéhenno, André Chamson. Chamson, proche des radicaux-socialistes, va d’ailleurs lancer à l’automne 1935, avec Jean Guéhenno et Andrée Viollis, un nouvel hebdomadaire, Vendredi, qui soutient le Rassemblement populaire et se veut le journal des écrivains favorables à la gauche28. Louis Guilloux prit sa part à ce grand rassemblement en participant aux tâches très lourdes d’organisation et de secrétariat du Congrès (accueil et hébergement des congressistes). Selon une interview inédite recueillie par l’historien Jean-Pierre Rioux en 1978, c’est André Malraux qui l’avait sollicité pour remplacer Louis Martin-Chauffier malade29. L’écrivain insiste dans cet entretien sur « le devoir » de cette participation mais aussi sur la lourdeur des tâches. Les responsabilités de Louis Guilloux ont été moins importantes qu’on ne l’a dit parfois. Il n’a pas été secrétaire, au sens politique communiste du terme, de l’Association du Congrès des écrivains pour la Défense de la culture, mise en place à l’issue des assises parisiennes. Louis Guilloux figure bien parmi les 18 écrivains français du bureau international permanent de 112 membres, mais il n’est pas dans le bureau français (7 écrivains) ni l’un des quatre secrétaires30. Ce sont ses amis Malraux et Chamson avec les communistes Aragon et Jean-Richard Bloch. En outre Louis Guilloux n’a pas participé aux congrès suivants, tenus à Londres en juin 1936 et en Espagne, à Valence et à Madrid, avec clôture à Paris en juillet 1937.
32L’année 1936, paraît moins active sur le plan militant pour Guilloux. Il quitte la France pour un voyage en URSS peu après la victoire du Front populaire et au moment où la vague de grèves (début juin) atteint Saint-Brieuc31. Alors que Jean Guéhenno a quitté la direction d’Europe désormais contrôlée par le PCF, et que Jean Grenier, publiant L’esprit d’orthodoxie, s’éloigne du Parti, Louis Guilloux paraît s’en rapprocher. En juin 1936, il accepte d’être l’invité d’André Gide lors de son voyage en Union Soviétique avec Herbart, E. Dabit, J. Schiffrin, Jef Last. Mis à part quelques bribes de souvenirs notés dans ses Carnets I, Louis Guilloux ne donnera guère que des impressions de voyage sans jugement sur le pays du socialisme réel32. Il va se sentir davantage concerné par le putsch des militaires franquistes contre la République espagnole qu’il apprend à Moscou, à la mi-juillet 1936, au cours de son voyage de retour en France.
33Néanmoins, il est possible de cerner la position de l’écrivain briochin vis-à-vis de l’Union Soviétique lors de la violente polémique qui divise les antifascistes avec la publication du Retour d’URSS d’André Gide, peu après la condamnation à mort de Zinoviev et de Kamenev dans la vague des Procès de Moscou. On peut d’abord dire que Louis Guilloux n’est pas revenu antisoviétique de son séjour. Convié par Gide le 23 septembre 1936 à la lecture du premier jet, il trouve « qu’il faut beaucoup de courage pour publier un tel livre » mais il refuse de s’y associer notant dans ses Carnets I :
C’est un revirement total, brutal, inattendu. Un beau scandale en perspective ; il voudrait rendre tous ses compagnons de voyage solidaires de ses vues, il y a une phrase très nette en ce sens, que je lui demande de supprimer, ce à quoi il consent33.
34Malgré les pressions amicales mais avec l’appui de Vendredi, le livre paraît à la mi-novembre 1936.
35Au début de l’année 1937, Louis Guilloux se rapproche un peu plus du PCF en acceptant, à la demande d’Aragon, d’entrer au quotidien communiste Ce soir comme responsable de la page littéraire. Mais cette collaboration va être de courte durée car Guilloux, en homme libre, supporte mal les pressions des communistes. En effet, au début de 1937, avec la publication par Gide des Retouches à mon « Retour d’URSS », la polémique rebondit de plus belle. A plusieurs reprises, Aragon et Jean-Richard Bloch pressent Guilloux d’écrire « quelque chose » sur l’URSS. Guilloux, agacé, déclare qu’il n’a pas vu grand chose dans un voyage aussi « touristique », puis se refuse à écrire contre Gide dont il était l’invité personnel34. Le 6 septembre 1937, il note dans ses Carnets I :
Si j’avais envie d’écrire pour le public « quelque chose » sur mon voyage en URSS avec Gide, ce ne sont pas les procès de Moscou, ni la guerre d’Espagne qui m’y inciteraient.
36Il faut dire que le 27 août précédent l’écrivain, pas assez docile, a été licencié de Ce Soir pour « compression de personnel » et remplacé par Paul Nizan. Bien que désapprouvant l’attitude de Gide qui a accepté tous les honneurs en URSS, Louis Guilloux étouffe de plus en plus à Ce Soir, ne supportant pas la discipline de parti, ni la censure d’Aragon, à un moment où les difficultés et les divergences entre les partenaires du Front populaire s’accumulent avec un durcissement du PCF vis-à-vis de la SFIO et des radicaux, notamment sur la non-intervention en Espagne. On voit là les limites de l’engagement partisan de l’écrivain briochin. Son attitude, à travers ses Carnets, peut se caractériser par un double refus : refus de condamner Gide publiquement et refus d’attaquer l’Union Soviétique considérée comme un rempart face aux menaces nazies et fascistes. Jusqu’au pacte germano-soviétique du 23 août 1939 sur lequel Louis Guilloux a des réactions ambigües35, de nombreux écrivains de gauche ont une attitude comparable par antifascisme. Selon Nicole Racine :
Cependant, à propos de la légitimation du régime stalinien par les écrivains antifascistes, plutôt que d’aveuglement, on pourrait parler d’une mise entre parenthèses des interrogations sur la nature du régime, liée à une appréciation du rapport de force à l’échelle internationale36.
37Pour eux la priorité demeure l’Espagne républicaine. C’est bien là l’attitude de Louis Guilloux qui, une fois rentré à Saint-Brieuc au début septembre 1937, va se lancer à corps perdu dans l’accueil des républicains espagnols. Cette solidarité concrète et cet activisme de l’écrivain dépassent les clivages gauche-droite traditionnels. Louis Guilloux travaille avec des communistes, des socialistes, des chrétiens (l’abbé Vallée et le pasteur Crespin, prototypes de personnages du Jeu de Patience) et des sans parti. L’écnvain est certainement plus à l’aise dans cette action quotidienne, qui dérange les autorités municipales et préfectorales, que dans les grands débats et les polémiques politiques37. Ces années d’engagement intense s’achèvent sur la débâcle et l’Occupation.
Louis Guilloux durant la Seconde Guerre mondiale
38Il ne s’agit ici que de rappeler certains points que nous avons développés par ailleurs38. Comme l’ensemble des Français occupés Louis Guilloux vit douloureusement ces années noires avec leur lot de peur, d’angoisse, de pénuries à mesure que l’occupation allemande se durcit à Saint-Brieuc, ville de la zone côtière interdite. S’il a songé quelques heures à s’embarquer pour l’Angleterre, peu avant l’arrivée des Allemands le 18 juin 1940, il réside le plus souvent à Saint-Brieuc fréquentant dès 1941 des pionniers de la résistance naissante. Au début 1941, Louis Guilloux rencontre l’abbé Chéruel, l’un des futurs promoteurs de la Résistance dans les milieux modérés de Défense de la France et surtout l’abbé Vallée qui lance quelques semaines plus tard la feuille clandestine Veritas, destinée au clergé, distribuée à Saint-Brieuc le 25 août 194139. Surtout, sans être directement engagés, Louis Guilloux et son épouse hébergent en 1940-1942, Hélène Le Chevalier, jeune fille au pair qui prend des cours chez eux pour préparer son baccalauréat. Or, il s’agit d’une militante communiste qui participe à la réorganisation du parti et est responsable départementale, à la fin 1942, des comités populaires féminins. Au début 1943, elle organise les premiers groupes du Front national (FN), jusqu’à son arrestation par la police de Vichy le 18 mars 1943. Louis Guilloux est inquiété : la police perquisitionne chez lui mais il entreprend des démarches pour obtenir sa libération. Elle sera internée jusqu’en décembre 194340. L’écrivain n’hésite pas à prendre des risques et il est en contact avec le FN et le PCF par l’intermédiaire du militant et ami du Secours Rouge Pierre Petit qui a réorganisé le parti dès l’automne 1940 avec Pierre Le Queinec.
39Louis Guilloux va donc être amené à jouer un rôle modeste dans le processus d’unification des mouvements de Résistance des Côtes-du-Nord. Du fait de ses relations dans les milieux chrétiens et socialistes, le PCF clandestin lui demande d’établir le contact. Le jour de l’Ascension 1943, Louis Guilloux rencontre donc l’abbé Chéruel au nom du FN et du PCF. Une seconde réunion se tient chez lui, jetant les bases d’un rapprochement des forces résistantes un temps retardé par le départ précipité de Petit. Louis Guilloux n’a, à notre connaissance, jamais revendiqué ces actes de résistance mais il n’en a pas moins pris des risques et connaît les principaux responsables des mouvements briochins. Lui-même appartient au FN à la libération de Saint-Brieuc et il aurait même été sollicité pour assumer les fonctions de maire de la ville à la Libération41. Louis Guilloux n’est donc pas un simple spectateur attentiste pendant l’Occupation. Sans être un résistant actif, il n’en contribue pas moins, comme beaucoup d’autres Français, à permettre l’essor du combat patriotique par un appui logistique à la poignée de résistants.
40Mais cet engagement clair ne l’empêche pas de dénoncer les excès de l’épuration, en particulier les scènes de tontes de femmes à Saint-Brieuc et d’intervenir auprès de Henri Avril, le président du Comité départemental de la Libération, pour obtenir l’élargissement d’un écrivain engagé aux côtés du PNB, le parti séparatiste breton, notant : « Il n’est pas toujours facile de se sentir du bon côté42 ». Sa fonction d’interprète du maire de Saint-Brieuc à la Libération conduit l’écrivain à s’engager militairement comme interprète des Américains, pendant cinq semaines. Son travail l’amène à dresser dans OK Joe ! un tableau sans complaisance des Bretons libérés et nous donne de l’intérieur une image de l’armée des libérateurs qui ne correspond pas aux mythes de l’époque. A travers les enquêtes et les procès des GI’s noirs poursuivis généralement pour des viols, c’est une armée raciste que nous décrit Guilloux. Après cette période particulièrement agitée de la Libération, l’écrivain briochin prend du recul vis-à-vis de ses engagements passés. Ses relations fortes avec Albert Camus ne sont sans doute pas étrangères à une prise de distance à l’égard de l’intervention sur la scène publique. L’écrivain briochin qui accède peu à peu aux honneurs et voyage beaucoup à l’étranger, se tient en retrait pendant les années de guerre froide. Il n’en accepte pas moins des missions à caractère humanitaire, comme deux visites dans des camps de réfugiés en Allemagne et en Autriche en décembre 1961, puis en Yougoslavie, en Italie et en Grèce en mars-avril 1962. Sans doute, s’enthousiasme-t-il pour le mouvement des Maisons de la culture développées par son ami Malraux, devenu ministre de la Culture du général de Gaulle, notamment lors de l’effervescence de Mai 1968. Mais Louis Guilloux est sans doute alors un homme désabusé sur son temps.
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41Le parcours politique de Louis Guilloux présente l’intérêt d’épouser les enjeux et les luttes du premier xxe siècle. Son œuvre et ses engagements, avec leurs limites, témoignent de la fidélité à ses origines. Il appartient à cette génération des jeunes écrivains de l’après-Première Guerre mondiale, marqués par le pacifisme, qui se battent pour s’imposer. Si Guilloux n’est jamais au premier plan, il est présent quand les combats de l’antifascisme et de la gauche, de 1934 à 1939, sollicitent ces écrivains qui accèdent à la notoriété. Il subit le choc de l’Occupation mais ne se retire pas dans sa tour d’ivoire. Somme toute, le parcours de l’homme Guilloux, allergique à l’embrigadement partisan mais toujours prêt à défendre les humbles et à condamner l’injustice, est plus qu’honorable. Peut-être l’ouverture aux chercheurs de la correspondance de Louis Guilloux avec ses collègues permettra-t-elle de préciser certaines influences et d’infléchir certaines analyses.
Notes de bas de page
1 « Le temps des masses. Le vingtième siècle » dans Histoire culturelle de la France, sous la direction de Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli, Paris, Le Seuil, 1998, t. IV, p. 214.
2 Serge Berstein, « L’affrontement simulé des années 1930 », Vingtième siècle, revue d’histoire, n°5, janvier-mars 1985, p. 39-53.
3 Christian Bougeard, « Louis Guilloux, un écrivain en son siècle », Dix-neuf/Vingt, revue de littérature moderne, n°4, octobre 1997, p. 133-160.
4 Louis Guilloux, L’Herbe d’oubli, Paris, Gallimard, 1984, p. 234-252.
5 Louis Guilloux, Carnets I 1921-1944, Paris, Gallimard, 1978, p. 58.
6 Ibid., p. 61.
7 Antoine Prost, Les Anciens combattants et la société française 1914-1939, Paris, FNSP, 1977.
8 Louis Guilloux, Absent de Paris, Paris, Gallimard, 1952, p. 20-21.
9 Toby Garfitt, « Le milieu intellectuel des années 20 : Guilloux, Grenier, Lambert », Louis Guilloux, Colloque de Cerisy, Quimper, Calligrammes, 1986, p. 37-52.
10 André Chamson, Il faut vivre vieux, Paris, Grasset, 1984, p. 30-31. Cité par Toby Garfitt.
11 Jean-François Sirinelli, Intellectuels et passions françaises. Manifestes et pétitions au xxe siècle, Paris, Fayard, 1990. Rééd. Gallimard, Folio, 1996, p. 127-130.
12 Nicole Racine, « Les écrivains dans le Maitron : champ et hors champ », Intellectuels engagés d’une guerre à l’autre, Cahiers de l’IHTP, n° 26, mars 1994, p. 51-67.
13 Ibid., p. 56-57.
14 Jean-Paul Sartre, Situation de l’écrivain en 1947 dans Qu’est-ce que la littérature ? Paris, Gallimard, Folio-essais, 1948, p. 199.
15 Louis Guilloux, Carnets I, p.103-105.
16 Jean Lacouture, Malraux, une vie dans le siècle, Paris, Le Seuil, 1976, p. 147 et Herbert R Lottman, La Rive gauche, Paris, Le Seuil, 1981, p. 88-89.
17 Nicole Racine, op. cit., p. 58-59.
18 Jean-Charles Ambroise, « Louis Guilloux et les années trente : un auteur décalé ? », Louis Guilloux, homme de parole, Ville de Saint-Brieuc, 1999, p. 47.
19 Danièle Tartakowski, Le pouvoir est dans la rue. Crises politiques et manifestations en France, Paris, Aubier, 1998. Elle a recensé, les 11 et 12 février 1934, 274 manifestations dans 259 villes de 85 départements.
20 Louis Guilloux, Le Jeu de patience, Paris, Gallimard, 1949, t.I, p. 156-157.
21 Archives Départementales des Côtes d’Armor (AD C-A). 1 M. Manifestations (1907-1938).
22 Nous n’avons pas consulté les listes de signataires mais le nom de Louis Guilloux ne figure pas à cette date parmi ceux des écrivains cités par J.-F. Sirinelli mais seulement en octobre 1935, Intellectuels et passions françaises, op. cit., p. 144 et 157. Benda, Dabit, Gide, Guéhenno y figurent. Les Carnets I sont muets sur cette période.
23 Louis Guilloux, Le Jeu de patience, op. cit., p. 155-160.
24 AD C-A.1 M. PCF. Activités, réunions, propagande (1920-1938).
25 Michel Denis, « L’empreinte du siècle sur Louis Guilloux et sa génération », Louis Guilloux homme de parole, op. cit., p. 19-21.
26 J.-F. Sirinelli, Intellectuels et passions françaises, op. cit., p. 147-157.
27 Michel Winock, Le siècle des intellectuels, Paris, Le Seuil, 1997, rééd.Points, 1999, ch. 35 et Christian Bougeard « Louis Guilloux et le Congrès des Ecrivains antifascistes de Paris (1935) », Colloque de Cerisy, op. cit., p. 184-195.
28 Michel Winock, op. cit., ch. 29.
29 Interview réalisée par Jean-Pierre Rioux le 17 novembre 1978. Nous le remercions vivement de nous avoir aimablement communiqué cet enregistrement.
30 Nous nous appuyons sur les discours et documents du Congrès de Paris, publiés dans l’ex -RDA en 1982, présentés par Wolgang Klein, Erster Internationaler Schriftstellerkongress Zur Verteidigung Der Kultur, Berlin, Akademis-Verlag.
31 Christian Bougeard, Le choc de la guerre dans un département breton : les Côtes-du-Nord des années 1920 aux années 1950, thèse d’Etat, Université de Rennes 2, 1986, p. 482-494.
32 Louis Guilloux, Carnets I, op. cit., p. 132, 153 et 162.
33 Ibid., p. 133.
34 Ibid., p. 140-141, 152 et 165.
35 Christian Bougeard, « Louis Guilloux et son temps », Louis Guilloux, Plein Chant, n° 11-12, 1982, p. 131-148.
36 Nicole Racine, op. cit., p. 58-59.
37 Soulignons que l’image que l’écrivain donne dans ses Carnets d’une municipalité briochine de gauche indifférente à la misère des réfugiés ne correspond pas totalement à la réalité. Des aides ont été fournies avant le retour de Guilloux dans sa ville.
38 Christian Bougeard, « Louis Guilloux et la Libération : un écrivain face à un événement historique majeur », Le Mal absolu. Louis Guilloux et ta guerre, sous la dir. de Yannick Pelletier ; Ville de Saint-Brieuc, 1995, p. 111-129 et article de Plein Chant déjà cité.
39 Louis Guilloux, Carnets I, op. cit., p. 265.
40 Ibid., p. 284 et le témoignage d’Hélène Le Chevalier sur Louis Guilloux, Confrontations, Bulletin de la Société des Amis de Louis Guilloux, Saint-Brieuc, n° 1, novembre 1994, p. 8-10.
41 Interview de Jean-Pierre Rioux citée.
42 Louis Guilloux, Carnets I et II et OK Joe !, Paris, Gallimard, 1976, p. 105-107 et 111-114.
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