« Oh to be silent ! Oh to be a painter1 » « The sisters’ arts », Virginia et Vanessa
p. 149-165
Texte intégral
1 « The sisters’ arts » joue sur « the sister arts 2 », les arts sœurs de la peinture et de la poésie, jeu de mots auquel n’a pas résisté la critique3 l’appliquant à la relation entre Vanessa Bell et Virginia Woolf toutes deux engagées dans la pratique de deux média traditionnellement envisagés comme complémentaires mais agonistiques. Leonard dans son paragone plaçait la peinture à un niveau supérieur à la poésie. Remontons d’un cran dans l’histoire et nous trouvons le célèbre parallèle d’Horace, ut pictura poesis et encore d’un cran, l’aphorisme de Simonide de Ceos : « la poésie est une peinture parlante, et la peinture une poésie muette », Pictura loquens, poesis tacens 4. « The sister arts » donc, formule célèbre que Virginia Woolf cite à propos d’une mise en scène de « A Lover’s Complaint » de Shakespeare dont Duncan Grant avait fait les décors : « Mr Grant exquisitely emphasized the visual side of the poem by his decorations, and suggested how curiously the sister arts might illustrate each other if they chose 5 ».
2Quel lien avec le pur et l’impur ? Défini comme une contamination – le terme relevant du langage médical –, plutôt que comme une souillure – l’image renvoyant cette fois au vocabulaire religieux – l’impur se tiendrait du côté du profane plus que du sacré. Woolf emploie le terme à plusieurs reprises : pour elle, la biographie est « A bastard, an impure art 6 ». Le mélange peinture/poésie qui nous occupera ici sera vu comme impur revendiqué, lorsque le texte s’ouvre à un medium hétérogène qui risque de le « contaminer ». L’inrersémioticité serait alors impureté. À en croire Roger Fry, la littérature serait elle-même un medium impur, « mixed with intellectual curiosity 7 », lorsqu’elle a des préoccupations extra-artistiques : « criticisms of life, of manner, of morals » au lieu de viser « a simple, perfectly organic aesthetic whole ». La peinture, elle, située hors des contingences matérielles, resterait pure. Dans une lettre à Vanessa, Woolf écrit : « I respect [the art of painting] more and more. I adore its severity ; its bareness from impurity. All books are now rank with the slimy seaweed of politics, mouldy and sinewed 8 ». Même les mots seraient impurs, « words are an impure medium : better far to have been born into the silent kingdom of paint 9 ». Dans la logique de Bloomsbury, il existerait donc un risque exogène d’impureté, lorsque le texte littéraire, déjà marqué de l’impureté de préoccupations extra-esthétiques et des mots eux-mêmes, est aussi contaminé par un autre medium artistique. Un second risque, endogène, inscrit l’impureté de l’intergénéricité lorsque essai et fiction se mêlent10. Pour nous, l’impureté sera source de richesse lorsque par l’hybridation elle ouvrira l’accès à l’Autre du texte, la peinture sœur, moyen aussi d’innover.
3Sans perdre de vue la poétique de Woolf, les essais, les lettres et le journal permettront d’examiner son rapport à la peinture. Mais le va-et-vient entre œuvres littéraires « impures », entachées de références à la peinture et œuvres « impures » parce que non littéraires, restera constant et source de plaisir. Deux essais emblématiques ouvriront une voie d’accès vers les énigmes du rapport entre peinture et poésie : l’avant-propos au catalogue de l’exposition de Vanessa Bell11 et « Walter Sickert : a Conversation », véritable « précipité » d’interrogations sur la perception de la peinture. Le silence, la couleur, la synesthésie, le topos de la conversation fourniront de beaux sujets de réflexion.
« Over the depths of our childhood12 »
4Si Woolf a un temps caressé l’idée de devenir peintre (L 1, p. 170), la répartition des rôles s’est faite très tôt comme l’atteste la photographie dans laquelle, un livre sur les genoux, elle regarde Vanessa en train de peindre13. Complices et rivales, elles incarneront le paragone en un dialogue ininterrompu14. Aux yeux de Virginia, Vanessa possèdait ce qu’elle n’aurait jamais :
Orlando is recognized for the masterpiece it is. The Times does not mention Nessa’s pictures. Yet, she said last night, I have spent a long time over one of them […] Then I think to myself. So [sic] I have something, instead of children, I fall comparing our lives. I note my own withdrawal from those desires ; my absorption in what I call, inaccurately, ideas : this vision. (D 3, p. 217)
5Le succès de l’une vient paradoxalement renforcer celui de l’autre : « I like you to be praised chiefly because it seems to prove that I must be a good writer » (L. 3, p. 34)
6Un lien étroit unissait Virginia Woolf aux peintres de Bloomsbury comme Vanessa et Clive Bell, Roger Fry, Duncan Grant, Walter Sickert, mais visiter une exposition avec un peintre la rendait nerveuse : « out [the writers] bolt, lest they should be caught at their mischief and made to suffer the most extreme of penalties, the most exquisite of tortures – to be made to look at pictures with a painter » (« Pictures », EVW 4, p. 243). L’influence de Roger Fry est bien connue15 ; dans la tradition de l’ut pictura poesis, le regard du peintre sur la littérature est critique : « I know that this queer business of writing is quite as odd and peculiar as ours of putting paint on 16 ». Enfin, on connaît l’importance des deux expositions post-impressionnistes à Londres co-organisées par Roger Fry et Clive Bell.
7Vanessa a illustré de nombreuses œuvres de Virginia. Leurs lettres témoignent de leur collaboration que Diane Gillespie voit comme : « a nexus in the relationship between the sisters and their art media 17 ». Le plus remarquable exemple d’imbrication de leur travail à la manière de William Blake, est la seconde édition de « Kew Gardens », dont Vanessa a conçu la couverture et les 21 illustrations18. La complémentarité des deux arts y est visible : les dessins se mêlent au texte, lui servent de cadre, le rompent. D’autres œuvres autonomes de Vanessa, comme The Conversation, témoignent d’intérêts ou de thématiques communes aux deux sœurs. L’attitude de Woolf face à la peinture est cependant toujours restée ambivalente. Pleine de crainte et de retenue, elle réaffirmait sans cesse son incapacité à juger d’une toile, mais en même temps, la supériorité de l’écriture sur la peinture ne faisait pour elle aucun doute. Le rapport entre les deux arts était compétitif mais aussi complémentaire et fructueux.
« Blessed are the painters…19 »
8Ainsi les mots manquent-ils pour dire la chose20. La phrase est célèbre : « If I were a painter I should paint these first impressions in pale yellow, silver and green 21 », tirée de l’esquisse des premiers souvenirs. A Quentin Bell, elle écrit, « and if I were a painter I should take my colours to the window » (L IV, p. 142), et encore « How I wish I were a painter » (L IV, p. 236). Mais la difficulté de dépeindre les paysages est grande : « Blessed are the painters with their brushes, paints and canvases […] But words are flimsy things they turn tail at the first approach of visual beauty » (« To Spain », EVW, p. 363). Woolf enviait aux peintres l’apparente immédiateté du rendu qui se passe de la médiation du langage « impur » tout en réaffirmant la supériorité de la poésie capable d’aller au-delà des apparences pour atteindre la transcendance. Tandis que la peinture dé-crirait en surface, les mots exprimeraient, la poésie pouvant mieux rendre le mouvement22 de la vie, le trajet de la pensée créatrice ; vision dans laquelle on retrouve la conception traditionnelle du Laocoon de Lessing séparant la peinture – art de l’espace –, de la poésie - art du temps –, ainsi que la dichotomie arts de la convention/arts naturels. Pourtant, dans son œuvre, Woolf ne cesse de faire référence à la peinture qui reste une énigme caractérisée par sa réticence dont elle ne peut percer le mystère.
9Le silence de la peinture fascine et effraie Virginia. Si la peinture est muette c’est que « analogon du monde réel », plus proche du monde sensible, elle serait hors du contact de l’humain23, du langage, « out of reach of the human voice 24 ». Dans son avant-propos à l’exposition de Vanessa Bell, Woolf, conformément aux idées de Roger Fry, redit la matérialité de la peinture et fait du silence sa caractéristique majeure :
No stories are told ; no insinuations are made. The hill side is bare ; the group of women is silent ; the little boy stands in the sea saying nothing. If portraits they are, they are pictures of flesh which happens from its texture or its modelling to be aesthetically on an equality with the China pot or the chrysanthemum 25.
10Ceci explique aussi la réticence du peintre en son silence inviolable : « But Mrs Bell says nothing. Mrs Bell is as silent as the grave. Her pictures do not betray her. Their reticence is inviolable26 ». De même, dans « Walter Sickert », elle désigne le domaine de la peinture par la métaphore du territoire du silence : « We have reached the edge where painting breaks off and takes her way into the silent land » (« Walter Sickert », CE II, p. 241) qui désigne l’indicible, ce qui échappe à la description, et appartient en propre à l’art de Vanessa. La couleur, elle, peut être partagée mais représente aussi un défi pour les mots.
« Fields rolling in waves of colour27 »
11Les deux sœurs discutaient fréquemment de la différence du rendu de la couleur par les deux arts, ainsi Vanessa :
I don’t see how you use colours in writing, […] the mere words gold or yellow or grey mean nothing to me unless I can see the exact quality of the colours […] perhaps you don’t really describe the looks [of things] but only the impression the looks made upon you 28.
12Pour Virginia, la conscience de la couleur primait sur la couleur elle-même tandis que pour Vanessa, peintre coloriste, la couleur était la matière même de la peinture. A propos d’un portrait de Quentin, Woolf complimente Vanessa : « What a poet you are in colour » (L. VI, p. 381), que l’on peut contraster cependant avec : « all great writers are great colourists » (CE II, p. 241 ). Quand Virginia lit de la poésie : « the Colour sense is first touched : roused 29 ».
13L’œuvre de Woolf baigne dans une lumière teintée de bleu et de vert, couleurs fétiches. Lorsqu’il s’agit de peindre avec les mots : « Blue and green’s the day 30 ». Dans la préface à l’exposition de Vanessa le bleu et le vert reviennent :
Her vision excites a strong emotion and yet when we have dramatized it or poetised it or translated it into all the blues and greens, and fines and exquisites and subtles of our vocabulary, the picture itself escapes. It goes on saying something of its own 31.
14 « Blue and Green », c’est aussi le titre d’une très courte nouvelle de deux paragraphes incluse dans Monday or Tuesday. Couleurs associées au jour et à la nuit, du vert on passe au bleu. Elles servent de substrat au minimum narratif inscrivant le passage du temps dans la perception des couleurs érigées au rang de sujets de la nouvelle, chaque paragraphe pouvant être comparé à « un pan32 », sinon de mur jaune, du moins de texte bleu ou vert. Orlando décrivant la nature est pris au piège de ces mêmes couleurs :
[…] and in order to match the shade of green precisely he looked […] at the thing itself, which happened to be a laurel bush growing beneath his window. After that, of course, he could write no more. Green in nature is one thing, green in literature another. Nature and letters seem to have a natural antipathy ; bring them together and they tear each other to pieces. The shade of green Orlando now saw spoilt his rhyme and split his metre 33.
15La couleur a joué un grand rôle dans la perception de l’éclipse de 1927 que Woolf reprendra sous trois formes différentes34. Dans le journal, elle se traduit par la disparition puis le retour de la couleur « of the most lovely kind. Fresh various : here blue and there brown ; all new colours as if washed over and repainted 35 ». Dans l’essai « The Sun and the Fish », « the earth we stand on is made of colour » (CE IV, p. 181). L’éclipse et le monde vus comme expérience de la couleur occupent aussi les dernières pages de The Waves, avec de nouveau une prédominance du bleu et du vert lorsque la métaphore liée au visible porte le titre de l’œuvre « fields rolling in waves of colour » :
How then does light return to the world after the eclipse of the sun ? Miraculously […] Then under the dullness someone walks with a green light. Then off twists a white wraith. The woods throb blue and green, and gradually the fields drink in red, gold, brown. Suddenly a river snatches a blue light. The earth absorbs colour like a sponge slowly drinking water […] So the landscape returned to me ; so I saw the fields rolling in waves of colour beneath me 36.
16La couleur « rendue » par la peinture sert à traduire des émotions, certes, mais chaque mot est aussi comme une touche, une zone colorée avec son aura ou son « halo ». Ainsi dans To the Lighthouse, « words like little shaded lights, one red, one blue, one yellow, lit up in the back of her mind 37 ». La couleur est première, le sens vient après, ce que l’on retrouve dans l’essai sur Sickert à propos du rouge et du vert (« Walter Sickert », CE II, p. 233). Et c’est encore dans The Waves que la voix se lamente sur l’opacité du langage, « blue, red – even they distract, even they bide with thickness instead of letting the light through. How describe or say anything in articulate words again 38 ? ». Ecrivain de la vision, Woolf, fascinée par les couleurs, écrit à sa sœur :
In Duncan’s Highlands, the colours in a perfectly still deep blue lake of green and purple trees reflected in the middle of the water which was enclosed with green reeds, and yellow flags, and the whole sky and a purple hill – well enough. One should be a painter. As a writer I feel the beauty which is almost entirely colour, very subtle running over my pen, as if you poured a large jug of champagne over a hairpin. (L VI, p. 243-244)
L’image en texte
17Virginia a intégré des illustrations à ses écrits. Ainsi, les dessins de Flush représentent Elisabeth Browning vue du point de vue de son chien. Dans l’édition originale d’Orlando 39 « Orlando as a boy » et « The Archduchess Harriet », sont tous deux des portraits d’ancêtres de Vita Sackville-West40, « Marmaduke Bonthrop Shelmerdine, Esquire », celui d’un inconnu toujours visible à Sissinghurst. Deux photographies représentent Vita et Angelica déguisées en princesses russes, d’autres figurent dans les éditions originales de Three Guineas et de Moments of Being 41. La photographie qui intéressait Woolf42 fournit le sujet de l’article sur son aïeule, Julia Cameron (« Julia Margaret Cameron », CE IV), elle est utilisée comme comparant dans « A Sketch of the Past », lorsque la mémoire est « a sensitive plate exposed to invisible rays », et dans « Gorky on Tolstoy » (CE III) et « Gold and Iron » (CE III). Hétérogène, voire impure, la photographie permettait une réécriture de l’histoire personnelle, une révision des conventions. Insérée dans l’œuvre elle prend valeur artistique et documentaire. Trace d’un passage, elle est vérité-mensonge ajoutant de la fiction à la fiction. Ambivalente, la photo fabriquée noue ensemble le code réaliste et l’imaginaire, comme celle d’Angelica dont le titre « Orlando as a Russian Princess » ne correspond pas à la réalité43. L’impur est alors mélange entre mensonge et réalité. Texte et image figurent bien au programme de la démarche pseudo-biographique44.
18Dans l’œuvre littéraire, le visuel est largement présent et assez classiquement sous la forme de la citation de peintres, d’emprunts au lexique pictural. Les ekphraseis sont innombrables et figurent dans presque tous les romans, avec parfois en guise de variation la description picturale. Les effets de cadrage, les fenêtres et les miroirs abondent comme autant de reflets et de réverbérations45 des « inscapes » de l’esprit humain. Dans l’œuvre « impure », le matériau qui explore les relations entre les « arts sœurs », prend valeur de système comparatif. Les titres sont révélateurs : « Roger Fry », « Three Pictures », « The Fleeting Portrait », « The Private View of the Royal Academy », « Plays and Pictures », « Pictures » « Pictures and Portraits », « Portraits of Places », « It is Strange As One Enters the Mansard Gallery », « Walter Sickert ». L’ekphrasis figure au programme des essais comme à celui de la fiction. On connaît l’importance de la vision chez Woolf pour qui souvent l’être n’est qu’un œil :
Why did my eye catch the trees ? The look of things has a great power over me. Even now I have to watch the rooks beating up against the wind, which is high, and still I say to myself instinctively ‘What’s the phrase for that ?’ and try to make more and more vivid the roughness of the air current and the tremor of the rook’s wing slicing as if the air were full of ridges and ripples and roughness. But what a little I can get down into my pen of what is so vivid to my eyes, and not only to my eyes ; also to some nervous fibre, or fanlike membrane in my species 46.
19Le réel impressionne l’œil et entre en résonance avec la fibre nerveuse de l’être, mais la plume est impuissante. L’être est absorbé par l’œil dans le réel, happé, poussé par la pulsion scopique et le désir haptique. Caresser du regard c’est aussi devenir la chose regardée au point d’en prendre la couleur comme les insectes évoqués dans « Walter Sickert » : « Were we once insects like that, a diner asked ; all eye ? Do we still preserve the capacity for […] becoming colour furled up in us […] ? » (« Walter Sickert », CE II, p. 234). Le devenir-couleur de l’être woolfien se réalise alors dans une galerie de peinture.
20De nombreuses vignettes regorgent ainsi de détails visuels. Le recours au trope de la peinture est une nécessité, soit sous la forme d’une énonciation marquée par « like » (« like painting »), opérateur de mise en relation qui fait le choix d’un comparant à visée esthétisante, soit sous la forme indirecte du lexique pictural qui s’infiltre constamment (« wet brush », « canvas », « through any painted shade of mine » [L. VI, p. 417]). Comme dans la peinture, les passants sont « cadrés », « detached portraits – cut out, emphatic, seen thus separately compared with the usual way of seeing them in crowds » (D 2, p. 126). Dans « A Sketch of the Past », « people dotted on the sand and on the water » renvoie au pointillisme de l’école française. Spontanément, Woolf effectue des parallèles entre peintres et écrivains. Pour son attention aux détails, Tennyson est comparé aux Pré-Raphaélites dans « Books and Portraits », et à l’enluminure dans « Walter Sickert ». Hardy est mis en parallèle avec les paysagistes anglais. Le comparant privilégié, qui affecte d’un coefficient esthétique le comparé, pratique la citation picturale permettant ainsi d’établir une connivence entre un lecteur et un narrateur cultivés. Le recours à l’image sert aussi de substitut au mot défaillant. Les comparaisons font alors appel à un troisième terme médiateur comme le miroir, comme c’est la cas dans « The Lady in the Looking-Glass ». Recours paradoxal à l’image (peinte, imaginée ou réfléchie) puisque, la peinture est pour Woolf, le lieu du silence, de la réticence qui accèderait à l’indicible par l’indicible.
21Dans le va-et-vient esthétique, le trope de la peinture stimule et revivifie l’inspiration. Il ne s’agit pas d’une simple instrumentalisation mais plutôt d’un travail en symbiose. Woolf se servait de son journal comme l’artiste de ses carnets d’esquisse. Elle y croquait ses amis composant « a gallery of little bright portraits hanging against the wall of my mind » (D 2, p. 156). La contemplation d’un tableau est pour l’incorrigible écrivain, une incitation à la description. L’image déclenche l’imaginaire, elle est la forme même de la mémoire comme dans « A Sketch of the Past ». Il y a bien alors double contamination de l’essai par la fiction et par la peinture. A propos de Sickert, Woolf déclare : « I should like to possess his works, for the purpose of describing them » (L II, p. 331), ce quelle fait derechef produisant une ekphrasis de l’Ennui, et inventant aux personnages une histoire. Elle réagissait alors aux peintures en écrivain se préoccupant peu de la forme picturale. En même temps, le déroulement de l’image devenue prétexte à récit l’inscrivait sur l’axe temporel rejouant de nouveau le drame du bouclier d’Achille. C’est bien ce que révèle une autre constante des essais, la référence au moment.
Le moment woolfien
22D’un soir d’été elle écrit : « Yet what composed the present moment ? […] To begin with : it is largely composed of visual and of sense impressions » (CE II, p. 293). Hardy aurait dû se méfier lorsque Woolf vint lui rendre visite, car celle qui se rangeait du côté des pilleurs, des « raiders », devait lui emprunter l’un de ses concepts-clés, le « moment of vision 47 ». Mise en crise de la mémoire et de la perception, mise en scène du temps, fusion des repères spatio-temporels, le « moment of being » est l’un des points d’aboutissement du projet moderniste :
Many bright colours ; many distinct sounds ; some human beings, caricatures ; comic ; several violent moments of being always including a circle of the scene which they cut out, and all surrounded by a vast space–that is a rough visual description of childhood. This is how I shape it ; and how I see myself as a child, roaming about, in that space of time which lasted from 1882 to 1895. A great hall I could liken it to ; with windows letting in strange lights ; and murmurs and spaces of deep silence. But somehow into that picture must be brought, too, the sense of movement and change. Nothing remained stable for long 48.
23Woolf concevait ses œuvres en termes de scènes à recomposer en tableau. Percevoir une peinture c’est comme percevoir la vie en une série de moments saisissants (« a series of vivid moments »), le tout entouré d’un halo ou d’un globe translucide. Du sensible qui tremble.
24De nouveau, les titres des essais sont parlants : « Evening over Sussex : Reflexions in a motor Car 49 » ; « Moments of Being », The Moment and Other Essays, « The Moment : Summer’s Night », « Moments of Vision ». Tous désignent l’acte de voir comme moment prégnant. Le moment révélateur devient fragment autonome, image, à l’instar du miroir ou du tableau. « Morceau fini de l’infini50 », le microcosme reproduit le macrocosme. La « pensée visuelle » de Virginia Woolf est aussi un moment de risque. Succession d’instants, de prises de conscience extraits du flux de la durée, le moment rapproche le récit du tableau qui, lui aussi, privilégie le moment, le punctum temporis du cliché photographique qui en retour lui prête son esthétique. La fusion entre narration et description dit la négociation entre les arts sœurs comme dans les tableaux vivants victoriens mis en scène par Julia Cameron.
25C’est encore le moyen de figurer le temps comme dans To the Lighthouse où l’activité créatrice, le cheminement, travaillent le roman et occupent Lily. Telle la figure de l’admonitor de la peinture classique, le délégué du peintre dans l’œuvre, elle désigne du doigt ce qu’il faut regarder : une femme et son enfant, une ligne, juste au bon endroit. Dans son rôle déictique elle met en œuvre le processus dont le produit fini ne porte que les traces. C’est bien le portrait d’un portrait en train de se faire, autoportrait de l’artiste au travail, du travail en travail. Dans The Waves, les interludes sont aussi du temps mis en image, une animation dont le prélude est le lent lever de rideau de la femme à la lampe. Dans l’avant-propos à l’exposition de Vanessa, l’entrée dans la galerie requiert un moment de suspens sur le seuil, un arrêt sur pensée avant d’entrer dans le royaume de l’Autre : « That a woman should hold a show of pictures in Bond Street, I said, pausing upon the threshold of Messrs Cooling’s gallery, is not usual 51 ».
L’hybride de thé, « l’absente de tous bouquets52 »
26 « But the blurring of compartments in her notebooks doesn’t just suggest that she was messy and absent-minded. She wanted boundaries to overlap : it was a form of cross-fertilization 53 ». Les carnets sont à ce titre révélateurs car ils visent l’hybridation temps/espace, peinture/écriture, narration/description, non-fiction/fiction. Ecriture impure et donc, comme forcément, projet esthétique moderne. Car Woolf, on le sait, dans sa tentative de trouver de nouvelles formes prônait l’hybride, témoin le « play-poem » de The Waves, le « Novel-Essay » de The Pargiters, qui deviendra The Years et Three Guineas. Elle tente alors d’écrire avec des images, « I wonder if I could write “The Three Women” in prose 54 » et en même temps déclare « all the arts are literary » (L III, p. 483). Elle allie le granit et l’arc- en ciel, le solide et la lumière, le permanent et l’évanescent. « All your pictures […] are built up of flying phrases » (L III, pp. 340-341) écrit-elle à Vanessa privilégiant la mixité des arts, « The best critics, Dryden, Lamb, Hazlitt, were acutely aware of the mixture of elements, and wrote of literature with music and painting in their minds » (« Walter Sickert », CE II, p. 242).
27La peinture reste cependant inférieure à la littérature, cette « cannibale » (CE II, p. 224-225), qui dévore tout. Virginia devient, comme Sickert, « a raider » dans l’autre domaine :
[…] among the many kinds of artists, it may be that there are some who are hybrid. Some, that is to say, bore deeper and deeper into the stuff of their own art ; others are making raids into the lands of others. Sickert it may be is among the hybrids, the raiders. (« Walter Sickert », CE II, p. 244)
28Où se lit l’idée de vol, d’expédition en terrain défendu hors de sa propre réserve. Alors, l’ut pictura poesis ne dit plus le conflit entre les arts sœurs mais l’échange, il est « marge solaire », « the sunny margin where the arts flirt and joke and pay each other compliments » (ibid., p. 243). La ligne lumineuse où les arts flirtent entre eux reproduit l’effacement des frontières entre les genres, mélange opéré par le motif visuel. Woolf utilise la peinture comme trope, comme figure de l’Autre qui, par la fragmentation (que l’on songe aux neuf interludes en forme de description picturale de The Waves) vise à privilégier le moment, l’infime, le sensible, le strié contre l’uni, le linéaire, le lisse, l’autoritaire. Dans « le moment », s’effectue le va-et-vient entre les arts, dans la porosité, l’hybridité, l’échange :
For though they must part in the end, painting and writing have much to tell each other : they have much in common. The novelist after all wants to make us see […] and he must often think that to describe a scene is the worst way to show it. It must be done with one word, or with one word in skilful contrast with another […] It is a very complex business, the mixing and marrying of words that goes on, probably unconsciously, in the poet’s mind to feed the reader’s eye. All great writers are great colourists, just as they are musicians into the bargain ; they always contrive to make scenes glow and darken and change to the eye. (ibid., p. 241)
29Ce qu’incarne parfaitement l’art de la conversation et la conversation sur l’art :
‘The Loves of the arts’–that is more or less the title [a book on the subject] would bear, and it would be concerned with the flirtations between music, letters, sculpture, and architecture, and the effects that the arts have had upon each other throughout the ages. Pending his enquiry it would seem that literature has always been the most sociable and the most impressionable of them all […] and now we are undoubtedly under the influence of painting. (« Pictures », EVW 4, p. 243)
30La conversation c’est du temps représenté et vécu, une temporalité discursive, un discours forcément temporalisé, la voix de l’étant. Nous passerions ainsi de la coexistence à la consecution des éléments picturaux ; où l’on retrouve Lessing et le bouclier d’Achille. Du langage se déroule mais l’image reste statique, les protagonistes, immobiles, le décor, immuable. Seul le temps progresse avec/par les mots.
« Their chief amusement was conversation…55 »
31Ainsi Angelica Garnett décrit-elle la relation de Vanessa Bell et de Virginia Woolf, et de poursuivre : « I amused myself while they enjoyed what they called a good old gossips56 ». Que l’on songe aux nombreuses conversations autour de la table du repas (To the Lighthouse, The Waves) ou à la préparation de la réception de Mrs Dalloway : c’est le banquet de Platon à la V. Woolf. Dans le journal, The Waves est conçu comme « a gigantic conversation 57 ». Entretissage de monologues, polyphonie ; le « rythme des vagues » et la rumeur des voix sont aussi perceptibles dans des nouvelles comme « Kew Gardens », « Solid Objects », « A Society », dont l’illustration, un tête-à-tête féminin gravé sur bois par Vanessa est particulièrement éloquente. Le genre de la nouvelle est en affinité avec le pictural puisque la spatialité du cadre, la saisie du sujet dans sa totalité, comme le recommandait Poe, produisent l’impression d’unité, d’immédiateté du tableau. C’est ce que l’on trouve notamment dans une autre nouvelle, « The Evening Party » qui serait à rapprocher de l’essai consacré à Walter Sickert, de l’avant-propos à l’exposition de Vanessa Bell, et de « The Moment : Summer’s Night » dont le rythme et la temporalité disent un moment, au crépuscule, un soir d’été, scandé par la lumière défaillante et le frottement d’allumettes qui cadrent la conversation. On touche là à quelque chose de fondamental dans l’esthétique woolfienne.
32La comparaison entre les arts sœurs réunit peintres et écrivains en scènes visuelles mâtinées de paroles, le biographique faisant ici retour, comme le confirment les lettres, le journal, et la Préface à l’exposition de Vanessa : « Were it not that Mrs Bell has a certain reputation and is sometimes the theme of argument at dinner tables many no doubt would stroll up Bond Street […] thinking about anything but pictures as is the way of the English 58 ». Procédé que l’on retrouve dans The Waves, qui se moule aussi sur la vie à Bloomsburv et les réunions du club du Jeudi. La conversation des deux artistes mettait en scène l’ut pictura poesis, imbrication de leur travail tout frémissant d’émulation et d’emprunts. Vanessa fit en 1925 une conférence à Leighton Park School sur les arts sœurs et par trois fois, peignit une conversation : Street Corner Conversation, The Conversation, A Conversation Piece 59, soit, des mots mis en image, la représentation visuelle d’un topos woolfien, l’essai-conversation.
33Forme intermédiaire entre le biographique et la fiction, il s’agit bien d’un genre hybride, impur, souvent proche de la narration et propre à théâtraliser des idées. D’où le titre original de l’essai, « Walter Sickert : A Conversation », pour la couverture duquel Bell dessina une nature morte au compotier qui exclut les parleurs mais évoque le compotier du repas de Mrs Ramsay. Les essais sont des images mises en mots.
34C’est que le dispositif du repas est commode pour mettre en scène des discussions théoriques qui risqueraient de lasser le lecteur. Des participants partagent le même lieu, échangent des idées autour de la table, tissant l’humain. La conversation prend valeur festive et intellectuelle évoquant aussi la tradition picturale anglaise, The Conversation Piece, ni « sacrée » ni « angélique », mais scène de genre dont l’un des avatars contemporains de Woolf, A Bloomsbury Family d’Orpen (1907), montre la famille de Sir W. Nicholson avec Ben Nicholson enfant. La conversation permet la multiplicité des points de vue et leur unité, le fameux « whole » recherché par Woolf, d’où la célèbre image de l’œillet dans The Waves fait de pétales de personnages unis en une seule fleur littéraire. L’argumentation fragmentée est passée au crible de la voix, de la multiplicité des points de vue, des aléas du discours comme dans « Walter Sickert » :
Though talk is a common habit and much enjoyed, those who try to record it are aware that it runs hither and thither, seldom sticks to the point, abounds in exaggeration and inaccuracy, and has frequent stretches of dullness. Thus when seven or eight people dined together the other night […] ( « Walter Sickert », CE II, p. 233)
Les voix du voir, la nuance et le rythme
35C’est par le biais de la synesthésie que la fusion pourra s’accomplir, à l’instar de l’ut pictura poesis, lorsque l’ouïe et la vue, mais aussi voir-toucher-entendre s’associent pour rendre compte de la « myriade d’impressions » qui « bombardent l’être ». I See a Voice écrit Jonathan Rée60. Chez Woolf, la conversation se fait maïeutique, dépassant le simple « gossiping », elle représente les voix du voir, tout en effectuant une synesthésie réunissant le son et l’image, la peinture et la poésie. Ainsi dans The Waves : « visual impressions often communicate thus briefly statements we shall in time come to uncover and coax into words 61 ». Où l’on sort du mode de pensée binaire « à la Lessing », car les sens sont convoqués simultanément, simple question de dosage62. Entre la vue et l’ouïe, il faut entendre les voix du voir. Le paysage n’est pas « personnifié », il ne s’agit pas de « pathetic fallacy » mais de la traduction en mots d’une impression, d’une émotion, de l’ordre de l’indicible ressenti puis décanté. Les mots sont alors la lie de l’émotion.
36Par la couleur et la sensualité qu’elle apporte à l’œuvre picturale, tout comme la voix donne chair aux mots, l’humain passe par le dire et par la sensualité des vibrations communes à la couleur et à la voix. Parler des « couleurs de la rhétorique63 », et de « couleur éloquente64 », c’est effectuer la fusion entre dire et voir. Par le rythme, le dire et les couleurs se répondent comme les sons. Correspondances, « les parfums les couleurs et les sons… », à la Baudelaire, lui qui en savait long sur la peinture :
Undoubtedly they agreed, the arts are closely united. What poet sets pen to paper without first hearing a tune in his head ? And the prose-writer, though he makes believe to walk soberly, in obedience to the voice of reason, excites us by perpetual changes of rhythm following the emotions with which he deals. (CE II, p. 242)
37Woolf ne s’y trompe pas lorsqu’il suffit d’une nuance de vert pour troubler le rythme du poète, quand les nuances et le voir perturbent la voix. « The shade of green Orlando now saw spoilt his rhyme and split his metre 65 ».
38Sortons maintenant de l’impasse de la formule de départ, celle de Simonide, « la peinture est une poésie muette, la poésie est une peinture parlante » sur le mode binaire. Affirmant la suprématie du langage, Gérard Dessons remarque que dans ce parallèle la comparaison entre les arts s’effectue par le moyen terme du langage66. Ce que dit aussi Henri Meschonnic à propos de Soulages67, soulignant que tout commentaire critique sur la peinture c’est d’abord du langage. Et chez Woolf c’est bien du langage qui est mis en scène avec la réaffirmation de la suprématie de la poésie même si c’est par le biais de la conversation sur la peinture. Le passage par la voix serait donc le moyen terme nécessaire entre les arts sœurs. Cependant, un bémol peut être mis à la tyrannie du verbe. Rappelons le compliment de Virginia Woolf à Vanessa, « what a poet you are in colour » (L VI, p. 381), que l’on a rapproché de sa déclaration, « all great writers are great colourists » (« Walter Sickert », CE II, p. 241). Voici un autre exemple de formule en chiasme à la manière de Simonide où l’égalité semble mieux respectée puisque le peintre est un poète de la couleur et le poète un coloriste et que la couleur sert de terme médiateur même si le peintre doit, en quelque sorte, s’estimer heureux d’être traité de poète. Finalement, la synesthésie s’opère dans le rythme et la vision. Ainsi la peinture de Sickert donne à voir, mais aussi à toucher, sentir, entendre, et… parler :
We sec his Venice from a little table on the piazza, just as we are lifting our glass to our lips. Then we go on talking. His paint has a tangible quality ; it is made not of air and star-dust but of oil and earth. We long to lay hands on his clouds and his pinnacles ; to feel his columns round and his pillars hard beneath our touch. One can almost hear his gold and red dripping with a little splash into the waters of the canal. (Ibid., p. 240)
39Un retour doit s’opérer à « A Sketch of the Past » où la mémoire restitue le passé en effectuant le lien entre image et imaginaire. Lorsque Woolf évoque la chambre de St Ives elle fait appel à la combinaison du rythme et de la lumière. De manière révélatrice il s’agit d’un écran, celui du store baissé sur la lumière de l’été et du gland qui traîne sur le sol au moment où entendre voir et ressentir se mêlent au bruit des vagues :
[my other memory] is the most important of all my memories. If life has a base that it stands upon, if it is a bowl that one fills and fills and fills – then my bowl without a doubt stands upon this memory. It is of tying half asleep, half awake, in bed in the nursery at St Ives. It is of hearing the waves breaking, one, two, one, two, and sending a splash of water over the beach ; and then of breaking, one, two, one, two, behind a yellow blind. It is of hearing the blind draw its little acorn across the floor as the wind blew the wind out. It is of lying and hearing this splash and seeing this light, and feeling, it is almost impossible that I should be here ; of feeling the purest ecstasy I can conceive 68.
40Autre écho « the waves broke on the shore ». « O death… » Les arts comme les sens se complètent, comme les sœurs Stephen, « they were bound together by the past, and perhaps also by the feeling that they were opposite in temperament and that what one lacked she could find only in the other 69 ». Alors, l’idée de supplémentarité et de complémentarité permet de sortir de la dichotomie oppositionnelle entre peinture et poésie et d’aller vers un moyen terme, le medium des media, le troisième œil de l’artiste « the writer has need of a third eye whose function it is to help out the other senses when they flag » (« Pictures », EVW, p. 244), un entre-deux situé sur la ligne lumineuse qui dance et vacille entre les arts des sœurs. Une promenade au phare.
Notes de bas de page
1 1. Andrew McNeillie, « Pictures and Portraits », The Essays of Virginia Woolf, vol 3, Londres, The Hogarth Press, 1986. Les références à cette édition des essais apparaîtront sous l’abréviation (EVW).
2 Voir Jean Hagstrum, The Sister Arts, Chicago, The University of Chicago Press, 1958.
3 Voir Diane Gillespie, The Sisters’Arts : The Writing and Painting of Virginia Woolf and Vanessa Bell, Syracuse, Syracuse University Press, 1988, Marianna Torgovnick, The Visual Arts and the Novel, Princeton, Princeton University Press, 1985. Jane Dunn quant à elle parle de A Very Close Conspiracy, Londres, Jonathan Cape, 1990. Les deux sœurs sont inséparables aux yeux de la critique y compris à ceux d’Angelica Garnett qui, écrivant à propos de sa mère évoque aussi sa tante : « Asked to write about Virginia, the best approach seems to be through my mother Vanessa. These two Vs, angular and ambiguous, undecided whether to symbolize V or U. Both sisters started life with the same initials, V.S., then one changed to V.W., a variant on the original the other to V.B., a round and solid addition », « Vanessa Bell by Angelica Garnett », in The Bloomsbury Group : a Collection of Memoirs, Commentary and Criticism, S. P Rosenbaum (ed.), Toronto, Toronto University Press, 1975, p. 173.
4 Bernard Vouilloux, La Peinture dans le texte, Paris, CNRS éditions, 1994, p. 69.
5 Compte-rendu dans Nation and Atheneum (17 novembre 1928), d’un spectacle donné à partir du 7 novembre à l’ADC de Cambridge dans Park Street, spectacle auquel les Woolfs avaient assisté le 10 novembre. Ce compte-rendu est repris sous le titre « Plays and Pictures », in Andrew McNeillie (ed.), The Essays of Virginia Woolf, vol. 4, Londres, The Hogarth Press, 1994.
6 V. Woolf, Notebooks, Monk’s House Papers ; cité dans Hermione Lee, Virginia Woolf, Londres, Vintage, 1997, p. 10.
7 David Dowling, Bloomsbury Aesthetics and the Novels of Forster and Woolf, New York, St Martin’s Press, 1985, p. 17.
8 Nigel Nicolson et Joanne Trautmann, The Letters of Virginia Woolf, vol. VI, New York, Harcourt Brace Jovanovitch, 1980, p. 294, citée par D. Gillespie, The Sisters’Arts, op. cit., p. 101. La référence aux lettres de Virginia Woolf sera abrégée sous la lettre (L) suivie du numéro de volume.
9 V. Woolf, « Walter Sickert : A Conversation », in Leonard Woolf, Virginia Woolf. Collected Essays, vol. II, Londres, The Hogarth Press, 1966, p. 237. Les Collected Essays seront abrégés en (CE) suivi du numéro de volume.
10 Si l’on ajoute à cela qu’à en croire Pierce trois types d’icônes seraient impures car teintées de conventionnalité : « Pierce […] felt that all three kinds of icons were somewhat tainted with conventionality (he called them ’hypoicons’ at times to express their impurity) » ; les trois catégories d’icônes sont : l’image, le diagramme, la métaphore, Wendy Steiner, The Colours of Rhetoric, Chicago, The University of Chicago Press, 1982, p. 20. L’impureté de l’image mise en texte se doublerait elle-même de sa propre impureté. Une impureté « au carré » en quelque sorte.
11 « Vanessa Bell by Virginia Woolf », S. P. Rosenbaum, The Bloomsbury Group, op. cit., p. 169-173 ; reproduit de « Recent Paintings by Vanessa Bell », with a Foreword by Virginia Woolf, The London Artists’ Association, 4 février-8 mars, 1930.
12 Anne Olivier Bell (ed.), The Diary of Virginia Woolf, vol. 3, Harmondsworth, Penguin, 1982, p. 233. La référence au journal sera abrégée sous la forme (D) suivi du numéro de volume.
13 D. Gillespie, The Sisters’ Arts, op. cit., p. 44.
14 Ibid., p. 46-62.
15 L’influence fut réciproque puisque d’une attitude hostile à la littérature, Fry en est venu à la reconsidérer sous un jour plus favorable les années passant et l’influence de Virginia aidant.
16 Denys Sutton, Letters of Roger Fry, vol. II, Londres, Chatto & Windus, 1972, p. 515.
17 D. Gillespie, The Sisters’ Arts, op. cit., p. 106.
18 Voir l’article de Catherine Lanone dans le présent volume.
19 « To Spain » (EVW 3, p. 363).
20 Sur cette question, voir l’essai rédigé pour la BBC et que V. Woolf lut le 29 avril 1937, « Crafstmanship » (CE II, p. 245) : « the title of this series is ‘Words fail me’ and this particular talk is called ‘Craftsmanship’ ».
21 V. Woolf, « A Sketch of the Past », Moments of Being (1976), Londres, Triad, 1978, p. 76.
22 Voir « The Leaning Tower », une conference faite devant la Workers’ Educational Association, à Brighton, en mai 1940. Dans cette conférence, elle compare le travail du peintre et celui de l’écrivain : « What is [the writer’s] object, his model ? Nothing so simple as a painter’s model ; it is not a bowl of flowers, a naked figure, or a dish of apples and onions. Even the simplest story deals with more than one person, with more than one time […] A writer has to keep an eye upon a model that moves, that changes […] Two words alone cover what a writer looks at– they are, human life » (CE II, p. 162).
23 Voir Cheryl Mares, « Reading Proust : Woolf and the Painter’s Perspective », in Diane Gillespie (ed.), The Multiple Muses of Virginia Woolf, Columbia, University of Missouri Press, 1993, p. 68.
24 V. Woolf, A Room of One’s Own, New York, Harcourt Brace Jovanovitch, 1957, p. 114, 118.
25 V. Woolf, « Recent Paintings by Vanessa Bell », cité dans S. P. Rosenbaum (ed.), The Bloomsbury Group, op. cit., p. 171.
26 Ibid., p. 172.
27 V. Woolf, The Waves (1931), Londres, Triad, 1977, p. 193.
28 Lettre de Vanessa Bell à Virginia Woolf du 2 septembre 1909, citée dans D. Gillespie, The Sisters’ Arts, op. cit., p. 277
29 V. Woolf, Notebooks, op. cit., p. 13.
30 V. Woolf, Between the Acts, New York, Harcourt Brace Jovanovitch, 1969, p. 124.
31 Cité dans S. P. Rosenbaum, The Bloomsbury Group, op. cit., p. 172.
32 Au sens où Georges Didi-Huberman l’entend, dans La Peinture incarnée, Paris, Editions de Minuit, 1985.
33 V. Woolf, Orlando (1928), Londres, Triad, 1977, p. 11.
34 Sur cette question voir l’article de Christine Froula dans le présent volume.
35 V. Woolf, A Writer’s Diary, Leonard Woolf (ed.), Londres, Triad, 1978, p. 113.
36 V. Woolf, The Waves, op. cit., p. 193.
37 V. Woolf, To The Lighthouse (1927), Harmondsworth, Penguin, 1966, p. 136.
38 V. Woolf, The Waves, op. cit., p. 194.
39 Voir Gillespie, op. cit., note 84 p. 343 pour plus de détails.
40 « Orlando as a Boy » figure en couverture de l’édition Triad (1978) d’Orlando. Il s’agit d’un détail du portrait des fils du quatrième comte de Dorset à Knole, peinture de 1637 attribuée à Cornelius Nuie.
41 V. Woolf, Three Guineas (1938), Jeanne Schulkind (ed.), New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1966 ; V. Woolf, Moments of Being, Jeanne Schulkind (ed.), New York, Harcourt Brace Jovanovitch, 1985.
42 Pour une approche plus complète voir Diane Gillespie « Her Kodak Pointed at His Head : Virginia Woolf and Photography », The Multiple Muses of V. Woolf, op. cit., pp. 113-147, et Pamela Caughie, Virginia Woolf in the Age of Mechanical Reproduction, New York, Garland, 2000.
43 Sur ces questions voir Erika Flesher « Picturing the Truth in Fiction : Re-visionary Biography and the Illustrative Portraits for Orlando », Diane Gillespie (ed.), Virginia Woolf and the Arts. Selected Papers from the Sixth Annual Conference on Virginia Woolf, Lanham, University Press of America, 1997.
44 Voir Helen Wussow, « Travesties of Excellence : Julia Margaret Cameron, Lytton Strachey, Virginia Woolf and the Photographic Image », ibid.
45 Voir Marilyn Kurtz, Virginia Woolf : Refactions and Reverberations, New York, Peter Lang, 1990.
46 L. Woolf (ed.), Writer’s Diary, op. cit., p. 131.
47 Voir H. Lee, Virginia Woolf, op. cit., p. 239.
48 V. Woolf, « A Sketch of the Past », Moments of Being, op. cit., p. 92.
49 V. Woolf, The Death of the Moth, Londres, The Hogarth Press, 1942.
50 Voir Iouri Lotman, La Structure du texte artistique, Paris, Gallimard 1974, et Agnès Minazzoli, La première ombre, Paris, Éditions de Minuit, 1990.
51 « Vanessa Bell by Virginia Woolf », loc. cit., S. P. Rosenbaum, The Bloomsbury Group, op. cit., p. 170.
52 Nom d’une rose et citation de Stéphane Mallarmé dans l’Avant-dire au Traité du Verbe de René Ghil (1886).
53 Hermione Lee, Virginia Woolf, op. cit., p. 413.
54 « The Three Women » est un tableau de Vanessa Bell, voir D. Gillespie, The Sisters’ Arts, op. cit., p. 109.
55 A. Garnett, loc. cit., in S. P. Rosenbaum, The Bloomsbury Group, op. cit., p. 177
56 Ibid.
57 L. Woolf, A Writer’s Diary, op. cit., p. 151.
58 S. P. Rosenbaum, The Bloomsbury Group, op. cit., p. 170.
59 Voir D. Gillespie, The Sisters s Arts, op. cit., p. 173.
60 Jonathan Rée, I See a Voice, Londres, Flamingo, 2000.
61 V. Woolf, The Waves, op. cit., p. 189.
62 Voir Jonathan Rée., I See a Voice, op. cit., pp. 350-352.
63 W. Steiner, The Colours of Rhetoric, op. cit.
64 Jacqueline Lichtenstein, La Couleur éloquente, Paris, Flammarion, 1989.
65 V. Woolf, Orlando, op. cit., p. 11.
66 Gérard Dessons, « La peinture est une poésie silencieuse », Penser la voix, la licorne, Faculté des Lettres et langues, Poitiers, 1997, n° 41.
67 Henri Meschonnic, Le Rythme et la lumière, Paris, Odile Jacob, 2000.
68 V. Woolf, « A Sketch of the Past », Moments of Being, op. cit., 75.
69 A. Garnett, loc. cit., in P. Rosenbaum, op. cit., p. 177.
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