L’intergenre et l’entre-deux : Virginia Woolf lue à la lumière de Gerard Manley Hopkins
p. 61-69
Texte intégral
1Le jeu du pur et de l’impur peut tout d’abord être considéré comme définissant un champ où se font entendre des voix différentes dans un registre bakhtinien qui ne relèverait pas d’une alternative tranchée et stable entre le pur et l’impur. Pour renvoyer à l’articulation de deux ou plusieurs éléments, j’invoquerai donc plutôt le terme d’intergenre. Ce sera pour aboutir à l’idée d’entre-deux si centrale à ce texte tardif mais non moins étincelant qu’est Between the Acts.
2Avant toute chose, il est important de signaler l’intérêt que Virginia Woolf porte à tout ce qui concerne non pas la fusion de deux éléments, mais plus exactement la façon dont fonctionne l’espace qui les sépare, entre-deux plein de tension. Cet espace se perçoit tout particulièrement dans les œuvres les plus tardives de Woolf Tout d’abord, dans Mrs Dalloway, on pourrait comprendre le dialogue implicite entre Septimus Warren Smith et Clarissa Dalloway, ces deux voix respectivement suicidaire et optimiste, qui à l’origine n’en faisaient qu’une, comme faisant partie de cette expérience. À ce moment-là, le rassemblement des personnes pour la fête de Clarissa Dalloway ressemblerait à un groupement multiple mais entièrement contenu dans les limites de la conscience de l’hôtesse elle-même. Car sa projection sur le monde qui l’entoure autant que son désir de créer un monde grâce à sa fête sont révélateurs de son passé, de ses choix, et de son avenir probable. Le vrai dialogue aurait donc lieu entre la mort et la vie, comme dans The Hours de Michael Cunningham ; entre le temps qui passe, détruisant la beauté de Sally que Clarissa a tant aimée, et sa nostalgie si forte de leur amitié amoureuse. Si l’on suit cette piste, on pourrait ainsi conclure que la fête aurait lieu dans la conscience de Clarissa Dalloway.
3Dans cette même optique, dans To the Lighthouse, le dialogue le plus intense s’établirait entre Mr Ramsay et Mrs Ramsay. On voit l’espace qui les sépare croître après la mort de Mr Ramsay, au point que Lily Briscoe aura à choisir d’être fidèle soit à l’un, soit à l’autre : d’abord à Mrs. Ramsay, ensuite au monde dans lequel les bottes de Mr Ramsay conserveraient à jamais leur importance. Dans ce texte, illuminé par le phare, la célébration du « Book of Life » s’oppose de manière proleptique à la mort soudaine de Mrs Ramsay. Le hiatus existant dans le couple aussi bien qu’entre la vie et la mort trouve un écho dans la manière dont d’autres genres littéraires interfèrent avec la prose déjà si poétique de ce roman, entre les pages, entre les feuilles : « And all the lives we ever lived and all the lives to be are full of trees and changing leaves3 » Dans ces « trees » et ces « leaves » s’entend exactement la vibration (ou « buzz ») qu’on avait entendue au moment du dîner, dans le vers : « The China rose is all abloom and buzzing with the yellow bee » (TL, p. 166).
4Pourtant, dans cette sorte de bégaiement : « abloom and buzzing bee » on sent comme un « but » sous le « buzz » de la vie. Et ce « but » se retrouvera dans la mort entre crochets de Mrs Ramsay, qui met soudain fin au flux de la vie avec ses feuilles changeantes. Le rythme de tous ces vers qui roulent et se déroulent dans la tête de Mrs Ramsay continue à résonner dans le texte. Cet entre-deux (reliant et séparant les genres, les personnes, les idées, les sons) est aussi représenté dans les romans woolfiens par toutes les scènes jetées comme des ponts entre divers moments du texte ou entre les différents personnages. Dans To the Lighthouse, le rassemblement autour de la table pour le fameux bœuf en daube (cette recette venant, dit-on, de Roger Fry) permet d’articuler non seulement le point de vue des invités et celui du groupe, mais aussi les mots du poème que récite Mr Ramsay et le texte du roman que nous sommes en train de lire. L’interpersonnel et l’intergenre coexistent ainsi autour de la table.
5Dans The Waves, l’interférence entre le cycle de la nature et le monde des humains est signalée par la typographie ; c’est là le premier élément frappant du roman. Une distance mentale se trouve apparemment ainsi préservée : aucun mélange entre ces deux sphères ne semble devoir être possible. Encore une fois, les quelques scènes se déroulant autour d’une table prennent de ce fait une importance capitale, puisque c’est là que se manifestent l’alternance et l’articulation du monde intérieur et du monde extérieur des personnages. Ce qu’on pourrait définir très littéralement comme l’intergenre est perceptible par exemple dans l’insertion de vers dans le monologue de Louis : « I open a little book. I read one poem. One poem is enough […] O western wind, ivhen wilt thou blow, / That the small ram down can rain ? »(TW, p. 200-201).
6A lui seul, un poème suffit pour que la prose comme le poème soient intensifiés par cette juxtaposition. Chaque genre littéraire conserve son identité, son individualité tout en illuminant l’autre. J’examine, dans un livre de 1985, Reading Frames in Modem Fiction4, l’interférence entre plusieurs genres dans The Waves. L’intrusion, si on veut l’appeler ainsi, de la peinture dans le texte, les allusions littéraires et autres, s’imposent avec une évidence indéniable. Ainsi, dans The Waves, une chambre peut-elle émerger dans toute la précision de ses formes : « shapes were taking on mass and edge. And yellows and purples instead of being evenly framed ran, like paint to the tip of a brush, down into corners, or along rims […] » (TW, p. 113). Y entre aussi, non moins évidemment, le bruit de la mer, comme cela se doit dans un livre fondé sur l’idée et le rythme des vagues :
So now, the sound of the sea, its great thunder of water ; made all these little brightnesses, these intricacies, these lines and spirals, intersecting, obscuring, cutting each other into zigzags to shapes, forgotten […] » (TW, p. 192)
7Ainsi The Waves est-il, sans l’ombre d’un doute, le livre poétique que voulait Virginia Woolf : « What I want now to do is to saturate every atom. I mean to eliminate all waste, deadness, superfluity : to give the moment whole, whatever it includes5 ». Ces mots peuvent se lire à la fois comme une invitation à regarder de plus près ce système d’interférences et comme une formule qui justifierait l’inclusion de plusieurs genres à la fois.
8Mais c’est plutôt le dernier roman de Virginia Woolf, Between the Acts, texte difficile et ambitieux s’il en est, qui mérite notre attention. L’intérêt que, dans ce roman, Woolf porte à la notion d’entre-deux, à tout ce qui opère entre deux systèmes, deux genres (prose/vers, prose/peinture, prose/musique), est indéniable. On peut ainsi mentionner cette image qui apparaît dès les premières pages de Between the Acts, évoquant : « the old families who had all inter-married, and lay in their deaths intertwisted, like the ivy roots6 ». C’est, en quelque sorte, sur cet entrelacs des corps que se fonde un drame qui se déroule, comme dans The Waves, du petit matin jusqu’à la tombée de la nuit et l’entrée des ombres. L’alternance du jour et de la nuit ou l’intrusion de la nuit dans le jour sont propices à l’entre-deux visuel qui fait pont entre l’obscurité et la lumière, tout comme l’intersection temporelle des moments préhistoriques et présents crée une forme d’entre-deux conceptuel, les monstres préhistoriques auxquels s’intéresse Mrs Swithin, étant des entités au genre hybride.
9Plus capitale encore est, cela va sans dire, l’interférence entre prose et vers, fiction et poésie. Car seule importe ici l’impression de largesse, d’ouverture des frontières. L’intergenre, cette méthode qu’on a déjà vue à l’œuvre dans To the Lighthouse et The Waves, où des vers sont introduits au moment juste, comme pour intensifier le tissage ou l’entrelacs du texte, sera développé plus avant dans cette mise en scène de la notion d’entre-deux qu’est, dès son titre, Between the Acts. Ainsi Isabelle se récite-t-elle de longs passages, entrecoupés par une conversation téléphonique avec le poissonnier à qui elle commande des soles :
‘Where we know not, where we go not, neither know nor care,’ […] ‘What fish have you this morning ?’ […] ‘With a feather, a blue feathr… flying mounting through the air… there to lose what binds us here… » (BA, p. 15-16).
10Et plus tard, ce mélange d’onirique et de pragmatique : « ‘The moor is dark beneath the moon, rapid clouds have drunk the last pale beams of even… I have ordered the fish’ » (BA, p. 17). Ce choc entre le poétique et le concret est délibéré, il entraîne une densification de la prose par la poésie, de la vie quotidienne par l’incantation de ce qui la dépasse et l’englobe. On ne peut guère de même s’empêcher de penser au haddock qu’évoque la dernière entrée du journal de Virginia Woolf7. Une force quasi géologique se laisse ici percevoir, qui influence la vision humaine et ajoute un autre niveau de compréhension à la vie ordinaire. Lorsque Miss La Trobe s’interroge sur le lien qui pourrait être tissé entre les actes (« between the acts »), le même type d’interférence se produit : ce sont les vaches qui continuent la mélodie, « who took up the burden ». Le « burden » dans tous les sens du terme : le fardeau, mais aussi en anglais, le refrain. Le « burden » serait l’essentiel de l’écriture, sa mélodie intérieure avec ses refrains ou, en poésie, son envoi.
11Ecoutons, dans Between the Acts, comment fonctionne la répétition. Entre les actes : une scène vide, la mort, pense Miss La Trobe :
‘This is death, ’she murmured, ‘death.’
Then suddenly, as the illusion petered out, the cows took up the burden. […] From cow after cow came the same yearning bellow. The whole world was filled with dumb yearning. It was the primeval voice sounding loud in the ear of the present moment. (BA, p. 103)
12La pluie joue précisément le même rôle dans ce texte, faisant entendre cette compassion. La pluie pleure pour nous tous, comme la femme qui pleure chez Picasso pleure pour nous tous. Le texte met ainsi en lumière la confrontation de la nature et de l’animal : la pluie et les vaches. Le continuo, l’ostinato de ce « burden », est à la fois comique et tragique, comme l’intergenre de ces deux modes. Ainsi transparaît le côté épique de ce livre superbe, l’impression que nous contemplons un panorama sous une averse, comme l’émergence des vagues dans l’atmosphère, ces vagues qui hantent la vie et l’œuvre de Virginia Woolf :
Down it poured like all the people in the world weeping. Tears, Tears. Tears […] But they were all people’s tears, weeping for all people. Hands were raised […] The rain was sudden and universal […] It was the other voice speaking, the voice that was no one’s voice. And the voice that wept for human pain unending. (BA, p. 131)
13Ce geste, geste rituel presque préhistorique, de l’élévation des mains est extraordinaire : « Hands were raised » peut-on lire, à la place de « Everyone raised their hands », ou de toute autre expression de ce type. Le geste est tout à la fois plus impersonnel et plus mythique, les mots appartiennent à une histoire ancienne. Il s’agit néanmoins de tout remettre au présent : après l’invocation, l’évocation, de la préhistoire. Le dernier acte utilise ainsi un objet à la fois aussi simple, aussi pratique, aussi banal et pourtant aussi symbolique que le poisson : le miroir. Quand les acteurs braquent les miroirs sur l’assistance, les spectateurs dans le texte, mais aussi sur nous qui y assistons au spectacle, le tour est joué. Comme le tissu des mots tendu entre nous et le réel, ces miroirs, terribles et efficaces, braqués sur nous, se situent entre les acteurs qui les manipulent et nous qui nous regardons. Cela nous rappelle comment nous-mêmes, en tant que spectateurs, serions suspendus entre les actes de notre vie.
14La disjonction entre le dehors et le dedans a déjà été signalée par Isabelle lorsqu’elle parle de son amour pour le fermier, Mr Haines, et pour son mari, Giles. Cela est comparable à la mise en mots de ce que nous voyons, quand les gens du village passent, se mêlant aux arbres, reprenant la forme de ces corps entremêlés dans le cimetière. Tout se répète : le verbe reprend ce que l’on voit, ce que l’on conçoit, ce que l’on imagine. Le contraste entre l’intérieur et l’extérieur sera enfin perçu d’en haut par William et Mrs Swithin lorsqu’ils se pencheront par la fenêtre :
But they, looking down from the window, were truants, detached. Together they leant half out of the window […] Once more he looked and she looked down on to the yellow gravel that made a crescent round the door. (BA, p. 56-57)
15Par le biais de ce point de vue surplombant l’intergenre et l’interférence entre des éléments textuels divers prennent tout leur sens.
16La notion d’intergenre doit s’entendre comme un signe non pas d’harmonie, mais de tension, comme renvoyant à un entre-deux. Dans Between the Acts, le refrain « Dispersed are we », serait l’équivalent de la lamentation répétée de Mr Ramsay dans To the Lighthouse, « We perished, each alone » (TL, p. 308).
The music chanted : Dispersed are we. It moaned : Dispersed are we. It lamented : Dispersed are we, […] Dispersed are we […] ‘Dispersed are we, Isabella followed her, humming. ‘All is over. The wave has broken. Left us stranded, high and dry. Single, separate on the shingle. Broken is the three-fold ply… […] Dispersed are we, the music wailed ; dispersed are we. (BA, p. 73)
17Ainsi reviennent les vagues qui nous enroulent dans leur propre rythme, par- delà les inquiétudes du genre, ou des genres.
18Ailleurs le texte décrit le vieux Bartholomew, malheureux, qui, la pipe à la bouche, récite :
‘O sister swallow, O sister swallow,
How can thy heart be full of the spring ?’(BA, p. 86)
19Ah, à quoi bon ? Et il s’affaisse dans son fauteuil, se demandant : « ’What’s the use, what’s the use,’ […] ‘O sister swallow, of singing your song ? »(BA, p. 87). Car son fils Giles est en proie à la tristesse. Sa sœur entre, et lui continue : « ’Swallow my sister, O sister swallow… he murmured ». Dans ce cas, c’est la répétition même qui nous rend tristes, tout autant que Bartholomew. La tristesse n’a pas d’objet spécifique, elle se trouve dans les mots. C’est le propre de la chanson ou de vers connus tels la fameuse description de Phèdre, condamnée de par sa naissance, et leur expression n’en est que plus mémorable : « Fille de Minos et de Pasiphaé… ». Et voici la musique qu’on entend par la fenêtre, aussi dépouillée que les gammes, car les notes fournissent tout un éventail de sentiments, le rythme des différents vers qui se succèdent étant parfois aussi simple que celui d’un chant d’enfants :
‘Hark bark, the dogs do bark.
The beggars are coming to town…’ (BA, p. 87)
20Plus tard, la mélodie devient une valse, tous les arbres et tous les oiseaux se mêlant à la musique :
the birds swirling seemed called out of their private lives, out of their separate avocations, and made to take part.
The lamp of love burns high, over the dark cedar groves.
The lamp of love shines clear, clear as a star in the sky. (BA, p. 88)
21Et la chanson continue :
Leave your casement and come, lady, I love till I die […]
For all are dancing, retreating and advancing,
The moth and the dragon fly… (BA, p. 117)
22Tour d’un coup, la mélodie change de ton, envahie par la tristesse :
For this day, and this dance, and the merry merry May
Will be over […]
Will be over, over, over […] (BA, p. 118)
23La mélodie de ce poème et de cette chanson relaye le rôle joué dans The Waves par le cycle de la journée, de l’aube jusqu’à la nuit, qui confère une forme à la perception humaine et collective des six personnages et replace les événements et les observations humaines dans un cadre impersonnel puisqu’universel. Cette mélodie correspond aux sentiments humains, et cela adoucit la conscience du temps qui passe : « ‘It’s time to go’ » dit Lucy (BA, p. 89). C’est ce sur quoi s’interroge Mrs Swithin, toute perdue qu’elle est : « This daily round ; this going up and down stairs ; this saying ’What am I going for ?’ » (BA, p. 112). Puis ses yeux rencontrent les yeux de Miss La Trobe. Elles ne se comprennent pas parfaitement, elles échouent dans leur tentative de communication. Mais Mrs Swithin, dans un grand effort, s’exclame : « ’But you’ve made me feel I could have played… Cleopatra ! » (BA, p. 112). La pièce de Miss La Trobe lui a fait comprendre qu’en dépit du tout petit rôle qui est le sien, elle aurait pu avoir un grand rôle. La pièce et l’écriture de la pièce ouvrent l’espace de l’intergenre qui s’avère capable de faire vibrer en chacun de nous un rôle autre, celui qui n’a pas encore été joué : « ‘I might have been – Cleopatra,’ Miss La Trobe repeated. ‘You’ve stirred in me my unacted part,’ she meant » (BA, p. 112). Reprenons ces derniers mots. Ce pronom de la troisième personne du singulier dans « she meant » pourrait s’appliquer indifféremment à Mrs Swithin, dont Miss La Trobe répète les mots, et à Miss La Trobe, qui elle aussi a en puissance un rôle autre, d’un autre genre sans doute, qui reste à incarner. Le rôle d’une écriture aussi puissante que celle que pratique Virginia Woolf serait ainsi de faire jouer l’autre dans le même.
24Parfois, il peut entrer, dans le plus mélancolique des spectacles, quelque chose d’autre. Ainsi, au moment où tombe le soir, quand, à la venue de l’ombre, on regarde par la fenêtre ouverte le ciel qui est « drained of light, severe, stone cold. Shadows fell » (BA, p. 158), on entend quand même le chant des oiseaux : « ’On the top of their matted branches birds sang… » (BA, p. 158), lit Mrs Swithin. Il faudrait pouvoir embrasser le moment d’en haut, pour nouer le passé très ancien, préhistorique, sujet de la conférence de Mrs Swithin, et le présent. Non pas dans un écrasement de la perspective qui éliminerait la distance entre eux mais de façon à voir l’intergenre autrement, comme une sorte d’entre-époques ou d’entre-deux primordial, plein de dangers et pourtant actuel :
The house bad lost its shelter. It was the night before roads were made, or houses. It was the night that dwellers in caves had watched from some high place among rocks. Then the curtain rose. They spoke. (BA, p. 159)
25Ainsi le théâtre se rapproche de l’assistance au milieu de laquelle nous nous trouvons en tant que lecteurs : car l’intergenre suprême permettrait une articulation, aussi sublime qu’inquiétante, de la scène de la représentation et de la scène de l’interprétation.
26Nous pourrions, pour conclure, confronter cette idée d’entre-deux à celle de Gerard Manley Hopkins qui fait se rencontrer couleurs ou formes dans l’adjectif « pied » dans le poème « pied beauty » et qui va jusqu’à créer le néologisme « betweenpie » (« the skies betweenpie mountains8 »). Pour Hopkins, c’est une beauté changeante et de plusieurs couleurs qui illumine ces « dappled things », ces cieux « of couple-colour », dans le poème « Pied Beauty » de 1877 ainsi que dans ce sonnet extraordinaire écrit deux ans auparavant et qui commence par les mots infiniment émouvants :
My own heart let me more have pity on ; let
Me live to my sad self hereafter kind… 9
27et qui finit par cet acte poétique, profondément caractéristique de l’entre-deux, qui fait que le ciel s’illuminant entre les montagnes crée une vision neuve et entièrement joyeuse. Une joie profonde se laisse alors percevoir précisément « entre les actes », quand ces actes se tendent, par-delà la scène et le texte théâtral, pour atteindre l’acte de la parole poétique de l’espace entre-deux. C’est cet espace qui s’ouvre au cœur des vers de Hopkins, qui savait tendre le vers et le sourire jusqu’à l’extrême, après l’invocation, l’imploration même, de cette piété qu’il faudrait chercher, chacun en nous, comme un autre rôle que nous n’aurions pas encore joué :
[…] let joy size
At God knows when to God knows what ; whose smile
s not wrung, see you ; unforeseen times rather – as skies
Betweenpie mountains – lights a lovely mile10.
Notes de bas de page
3 V. Woolf, To the Lighthouse, New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1955, p. 178. Les références suivantes apparaîtront dans le corps de l’article (TL).
4 Mary Ann Caws, Reading Frames in Modern Fiction, Princeton, Princeton University Press, 1985.
5 Anne Olivier Bell (ed.). The Diary of Virginia Woolf, vol. 3, 28 novembre 1928, Londres, Penguin, 1982, p. 209.
6 V. Woolf, Between the Acts (1941), Londres, Grafton, 1978, p. Les références suivantes, placées après les citations, renverront à cette édition (BA).
7 « And now with some pleasure I find that it’s seven ; and must cook dinner. Haddock and sausage meat. I think it is true that one gains a certain hold on sausage and haddock by writing them down », A. O. Bell (ed.), vol. 5, 8 mars 1941, Londres, Penguin, 1985, p. 358.
8 G. M. Hopkins, Poems, op. cit., p. 103.
9 Ibid., p. 102.
10 Ibid, p. 103.
Auteur
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