Le « merveilleux » breton de Chateaubriand à Renan
p. 51-62
Texte intégral
1Le « merveilleux » est universel. Nulle société n’interdira aux hommes, sinon de rêver, du moins de délirer. On divague depuis toujours, tant il fait bon se consoler avec des histoires sans histoire, dans la simple logique du surnaturel et le seul souci du bonheur. Ou bien, comme l’imagination est convulsive, elle recherche le fantastique, cette part nocturne du « merveilleux ». Formes sans rivages, sans fin errantes, mais que telle civilisation a retenues, tel paysage imposées. C’est pourquoi dans la collectivité des mythes chacun reconnaît les siens. Notre « terre de promission », c’est, bien sûr, la « terre promise » des Hébreux. Mais quand ces derniers allaient au but que leur avait assigné leur dieu, Brandan, lui, n’avait que sa chimère à le pousser. Et si dans Tristan et Iseult affleurent maints thèmes de la légende de Thésée, aux Celtes le philtre d’amour. Or notre « merveilleux » breton vient du « merveilleux » celtique. Il y prend l’essentiel pour se métamorphoser à son tour en lui-même. Sans doute faut-il, pour le capter à la source, au niveau de la manifestation populaire, recourir au folklore. Mais le génie a précisément pour fonction de signifier, en la stylisant, cette conscience générale. Et le « merveilleux » n’a de cesse qu’il se recrée. C’est donc un vrai bonheur de compter dans son patrimoine littéraire Chateaubriand et Renan. Commençons par dire, ou redire, pourquoi. Ils n’auront plus dès lors qu’à s’envoler à leur volonté.
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2Car ce furent deux témoins providentiels. D’abord par leurs origines, héroïques pour de vrai. Point ne suffit de rappeler que l’un naquit à Saint-Malo en 1768 et l’autre en pleine Bretagne bretonnante en 1823. La généalogie seigneuriale qui ouvre les Mémoires prouve bien que Chateaubriand descend de Brien, petit-fils d’Alain III le noble duc. Renan, plus modeste, a pour ancêtres quelques laboureurs et marins qui s’en étaient venus vivre, entre barque et charrue, au bord du Trieux. Mais saint Fragan lui-même y avait, au vie siècle, conduit le clan. Un autre saint fait partie de la famille, encore plus fantastique, et qui porte son nom : Ronan ou Renan. Tels étaient ses mythes fondateurs.
3Les parents eux-mêmes entraient dans le jeu. Ernest est, comme François-René, fils d’un aventurier de la mer. Si le premier y perdit son père à cinq ans, le second vivait avec un fantôme. D’où chez l’un et l’autre cette enfance d’âpre mélancolie. Heureusement, sur eux veillaient des femmes à l’inépuisable affection. Les sœurs, Lucile et Henriette, si opposées qu’elles soient, semblent parfois respirer du même air. Mais les mères sont là, réservoirs de gaîté, conteuses de charme. On devine avec quelle impatience notre chevalier les attendait, ces histoires de revenants, celle surtout du spectre à la jambe de bois descendant l’escalier du château avec son chat noir1. Quant à Manon Féger, dont la vieillesse reposera tant le vieux savant, on sait que sans elle les Souvenirs n’auraient pas cet accent.
4Et puis, quel cadre à l’adolescence ! L’éducation, classique évidemment, n’a pu en rogner les ailes. Mais surtout Chateaubriand eut la chance inouïe de vivre, de seize à dix-huit ans, la saison fatidique, abandonné à lui-même, à son délire, dans un domaine mystérieux au milieu des forêts… Chance aussi pour Renan de rester enfoui jusqu’à quinze ans passés, là-bas, en son Tréguier natal, une terre ignorée au bout du monde. Chance enfin quand, en les révélant à eux-mêmes, éclatera leur force, de répondre à un appel de l’Histoire, d’apparaître comme des prophètes.
5Ce sont deux de leurs œuvres, en effet, qui vont secouer les consciences au xixe siècle : le Génie du christianisme en 1802, la Vie de Jésus en 1863. Rien de breton apparemment là, sauf quelques allusions dans l’épisode de René. Deux idéologies, en outre, qui s’affrontent. Mais un « merveilleux » sous-jacent les relie et une semblable préoccupation religieuse en tisse la trame. Paradoxe, dès lors, de prétendre qu’une même révolution s’y trouve, à distance, proclamée, celle de l’idéalisme ?
6Pour le Génie du christianisme, certainement pas. Trois longs siècles de classicisme, allant de Montaigne à Voltaire, s’ils avaient donné à notre littérature ses fruits les plus exquis, expiraient dans la fatalité des fièvres. Au romantisme de conquérir le monde, comme jadis, quand Arthur et Tristan subjuguaient l’Europe, l’avait fait l’imagination celtique. Et voici qu’Ossian surgissait à nouveau des brumes gaéliques. Il sera l’inévitable intercesseur de Chateaubriand. Mais Renan ? Certes, par lui, le rationalisme est consacré. Pourtant, s’il s’est délivré de la foi chrétienne, il reste l’homme de foi qu’il est. L’idéalisme ou, comme il dit, le « romantisme moral », lui parait seul combler le vide de l’infini perdu. Il retrouve ainsi l’esprit même du « merveilleux » breton. Un « merveilleux » dont il se doit, avec Chateaubriand, d’assumer l’héritage.
7Un héritage guère aisé à dénombrer. Car la littérature bretonne se transmettait oralement, par contes et chansons. Qu’au début du siècle on n’avait pas encore entrepris de rassembler. Mais les mornes veillées de Combourg s’ensoleillaient un peu à leur écho, et à Plancoët, comme partout, on aimait à fredonner. La Bretagne d’ailleurs redevenait de mode. Que de sa langue naquirent toutes langues, certains l’avaient prôné. Le plus célèbre de ces « celtomanes » : La Tour d’Auvergne. Gageons que le généalogiste de Combourg se plaisait aux grammaticales élucubrations de tels pairs. La création de l’Académie celtique dès 1807 est, en revanche, un événement. Elle répondait au vœu de l’opinion. Tout châtelain avait en sa bibliothèque les compilations des d’Argentré, Dom Lobineau ou autres Morice. Qui ne se délectait aux Vies de saints du très antique Grégoire de Tours ou du vieil Albert Le Grand ? L’histoire des dogues de Saint-Malo vient de ce dernier2. Mais rien n’équivalait à la « matière de Bretagne » : le Roman de Brut de Geoffroy de Monmouth, adapté par Wace, prolongé par le Roman de Rou composait l’épopée nationale des Bretons3. Lais de Marie de France, chefs-d’œuvre de Chrétien de Troyes, rhapsodies des successeurs complétaient le trésor. Quand aura surgi Ossian, Lucile et son frère auront tout recouvré. Maintenant Brocéliande leur appartient, proche forêt lointaine, avec Lancelot, avec Merlin en sa prison d’air. Plus tard, à Londres, Chateaubriand appréhende directement la civilisation anglaise si marquée encore de celtisme. Ce qu’il montrera dans l'Essai qu’il lui consacrera en 1836. C’était l’époque aussi où il traduit The bard, l’élégie de Gray. Mais dans l’héritage faisons une place à part aux Martyrs. Parce qu’avec eux, en 1809, la Bretagne fait son entrée dans la littérature française. Et parce que l’auteur y cite en notes ses sources. Elles vont des Grecs et des Latins, les témoins primordiaux, aux spécialistes modernes comme Deric ou Delarue. Preuve que cette épopée est aussi travail d’historien.
8La vocation savante de Renan est autrement affirmée. Les propres recherches suscitées par le romantisme montraient déjà la voie. Là encore, Chateaubriand est l’initiateur. Avec Michelet surtout qui sera non seulement le guide mais l’ami : en étudiant nos origines, il communiquait au siècle entier sa passion du passé. Ainsi Augustin Thierry attirait l’attention sur les Anglo-Normands. Mais la révélation vient à Renan du cours professé à la Sorbonne par Ozanam : ses leçons sur la littérature gallo-irlandaise le font rêver et réfléchir. Sur un plan plus sentimental, il a bien dû aussi se laisser prendre aux œuvres de son compatriote Emile Souvestre, notre premier folkloriste4. Là-dessus, le coup d’éclat du Barzaz Breiz (1839). Ne serait-ce que pour des raisons esthétiques, Renan tombait sous le charme. C’est pourquoi son jugement sur Hersart de La Villemarqué est toujours empreint de sympathique gratitude. Restait à découvrir les Mabinogion5. Miracle fait avec l’adaptation de Lady Charlotte Guest (1839-49). Si édulcorée qu’elle fût, le « merveilleux » celtique y resurgissait, beau comme un premier printemps. Chateaubriand eût pu la connaître ; mais de son propre fonds il avait déjà tiré l’essentiel.
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9La question du « merveilleux » est débattue dès le Génie du christianisme qui voulait démontrer l’infériorité de la mythologie païenne. L’auteur mettra sa théorie en exercice, reprendra une espèce de roman commencé vers 1804, Les Martyrs de Dioclétien6 et, à seule fin théologique, l’ornera de son « merveilleux » : on connaît le résultat. Mais c’est précisément dans cette épopée manquée que s’insère le célèbre récit de Velléda. Lequel a, pour ainsi dire, dans l’univers de Chateaubriand, une fonction d’archétype. Tout, en effet, y ramène.
10L’épisode n’est qu’un élément, mais vital, de la confession d’Eudore. Du fait même qu’il se situe en Armorique, il s’inscrit, dans cette longue guerre entre les Romains et les Francs, comme une déchirure par où s’introduit tout le « merveilleux » celtique. Le cadre : le château, landes et bruyères, clairières dans les bois ; toute l’étendue de Brocéliande ; pierres druidiques à l’infini. Scènes de nuit et d’orages sous la lune, astre d’amour et de mort, astre de l’autre monde. Inoubliable apparition de Velléda sur sa barque, avec sa faucille. Elle jette dans le lac « pièces de toile, toisons de brebis pains de cire, petites meules d’or et d’argent ». Solennelle cérémonie du gui cueilli et partagé. Homélie patriotique. Chantent les bardes, pleurent les guerriers. Dans les arbres résonnent les armures, intersignes. Deux taureaux seront sacrifiés. Seule l’approche de l’aube empêche qu’un vieillard soit égorgé. Telle est la vision que surprend Eudore. Mais le voilà désormais lié à Velléda. Qui le fascine par son étrange beauté lunaire. Qui ne cesse de le hanter et de le poursuivre, surgissant là où il la fuit. Qui l’enivre de ses chants et de ses hallucinations. Car elle possède le pouvoir magique de s’incarner dans les forces élémentaires. Mais elle aussi est vaincue par l’amour, possédée de la folie, s’offrant et se refusant tour à tour jusqu’à ce que, dans un décor d’outre-tombe, elle succombe avec son amant. Mais le vieux père est accouru avec ses Bretons. Velléda se tue, sauvant Eudore. Bouleversé, ce dernier retrouve alors la foi de sa jeunesse, abandonnant à jamais ce monde vertigineux qui l’a fait chavirer. Mais, désenvoûté ?
11Impossible. Car ce chrétien en rupture de ban, qui après le drame se reconvertit, ce Grec devenu soldat romain sous Dioclétien, cet errant en armes, ce représentant du monde classique, c’est évidemment Chateaubriand. Un Chateaubriand déraciné, qui s’est coupé du celtisme, mais que Velléda ramène, le temps d’une fulguration, à ses authentiques origines. Et cette Velléda, la dernière druidesse, une vierge de l’île de Sayne, la résistante au triomphateur étranger, c’est essentiellement Lucile. Vous, Lucile, égarée sur cette terre, prêtresse qui alliez prier au carrefour du mail, près de la croix et de son peuplier, qui chantiez à la lune, qui prophétisiez, qui voyiez les intersignes, vous, la folle et la muse, l’amour et la mort, le « génie funèbre » des Mémoires à venir… Velléda effraie tant Eudore que ce dernier, pour l’apaiser, lui crie : « Vous serez ma sœur ». Laquelle, à son tour, vouée au célibat comme Atala et Amélie, mais aliénée par Eudore, ne peut, dans sa déraison, qu’être horrifiée d'elle-même. Ainsi ce couple dont le pathétique dévoile sous les substituts romanesques la véritable identité est condamné par le monde de la loi et de la religion. Et si la marque du fantastique est bien d’être une transgression, l’épisode de Velléda, s’il est merveilleux par le décor et la transposition, devient fantastique par le drame qui s’y dénoue. Antinomie à résoudre quand on y voit la réelle expression d’une primitive nostalgie.
12Nostalgie d’un monde perdu voué aux fatalités de l'instinct, où l’on ne distinguait pas le bien du mal, où l’amour se faisait sans complexes, où Merlin avait pour compagne Gwendidd, sa sœur, dont notre pudeur fera Viviane. Nostalgie d’un monde perdu voué au délire sacré, où l’on ne distinguait pas la réalité du rêve, ni la vie de l’au-delà. Velléda conjure Eudore de lui envoyer, pour là-bas, des billets d’amour à confier aux brasiers funèbres. Car « la mort est le milieu d’une longue vie ». La persistance de ce naturalisme celte, parce que la conscience moderne le rend impossible, impensable, déboussole l’individu et n’est pas sans contribuer à son mal d’être, lequel ne peut se réduire à un simple malaise social ou à de la manœuvre politicienne7. Inexorable est la marche de la civilisation. L’épreuve vécue par Eudore a valeur initiatique. Elle le rend à l’Eglise. Ainsi de René. C’est pour échapper à sa naissance que ce dernier va se faire massacrer par les Indiens d’Amérique. Mais au bout de cette mise à mort : le Génie du christianisme, preuve de la conversion, adhésion aussi à l’Histoire. Mais le mythe demeure vivace, et perdurable, en lui, puisqu’il jaillit du tréfonds. Rancé, ultime métamorphose, regrettera bien de n’avoir pas été un des chevaliers de la Table Ronde. Aux Mémoires donc, la somme de son moi, d’exprimer cette permanence du « merveilleux ».
13En commençant par y refaire la vie en rêve. Non que l’auteur fût dépourvu de tout sens du réel. La tête dans les nuages, mais l’on sait aussi aller à fleur de terre. L’essentiel n’est pas là, qui touche à l’âme. Et l’essentiel, c’est la fatalité du temps que Chateaubriand est, si je ne me trompe, le premier à ressentir, à l’aube ainsi de notre angoisse. Rien à y voir avec Rousseau. Mais tout pour annoncer Proust. Car cette fatalité de temps, elle est à combattre par son contraire : le songe, qui est nécessité. A preuve qu’il naît de l’inconscient. Rien n’invite comme le sommeil au surgissement des visions. Un après-midi de 1783, François-René s’endort à Brest, devant la mer ; quand il rouvre les yeux, il voit apparaître la flotte victorieuse qui revient d’Amérique : appel de la liberté ! S’assoupissant en Floride, il se réveille, sous les magnolias, embrassé de l’amante et de la sœur : l’amour retrouvé ! Ou bien, c’est du simple hasard que le miracle est suscité. Le signe le plus connu : il a suffi que la grive chantât, un soir désolé, pour que notre héros fût aussitôt transporté, sur le tapis magique, au domaine enchanté. Mais l’engourdissement suprême, c’est la mort. Elle est l’adversaire et l’amie que l’homme des Mémoires ne cesse de provoquer. Délectable jeu et déréliction. Mais le charme d’être est aussi à ce prix. Il s’ensevelit une nuit à Westminster pour que se raniment les pierres du passé. Il a choisi le tombeau pour écrire son grand livre, non pour se justifier, ni pour s’interroger sur son identité, mais pour se rassembler dans sa force toujours neuve. D’où ce style d’épopée héroïque et familière, souvent incantatoire. Comme d’un barde.
14Vivre le « merveilleux », c’est encore exister, pour ainsi dire élémentairement. Rappelant l’adolescence délirante, Chateaubriand retrouve précisément ces pulsions intimes qui l’identifient aux pulsions du cosmos : « J’étais homme et je n’étais plus homme ». Semblable à Velléda, il devenait le vent, le nuage, le bruit. Rien de plus évocateur que la phrase célèbre : « J’entrais en pleine possession des sympathies de ma nature ». Ivresses multipliées aux splendeurs américaines. En Floride, il se sent « vivre et végéter avec la nature dans une sorte de panthéisme ». Car il eut très tôt le pouvoir de ressentir physiologiquement l’ineffable et formidable musique du monde. Le voici qui « entend chanter la clarté de la lune », le voilà à l’écoute des « grandes voix de l’automne qui sortaient des marais et des bois ». Les réactions les plus instantanées sont notées à chaque fois : trembler, frémir, pleurer, chanter… Il restera toujours « ce fou du bois » de nos légendes, ce chasseur celte taraudé de grand air, à la Bedwyr qui, « enterré à sept coudées, aurait entendu la fourmi à cinquante mille de distance sortir de son nid le matin ». Aucune difficulté, pour François-René, à se métamorphoser en Indien.
15Vivre le « merveilleux », c’est enfin être capable de vivre d’un mythe. Or, le mythe personnel de Chateaubriand, sublimation de son désir, s’appelle la Sylphide. Qu’il faut ressaisir dans l’ambiguïté de son rôle. Celui d’Eros d’abord. Composée de tous les possibles féminins, créée dans l’alchimie de son dérèglement, la Sylphide est à la fois pesanteur et grâce. Comme elle ne fait que renvoyer à soi, que les « ombres des filles de Morven » en forment la part de minuit, que Velléda lui a communiqué sa folie et Lucile sa fatalité lunaire, elle a la saveur mortelle du danger. Mais, par contrecoup, elle est flamboiement, vertige, passion cosmique. Ainsi la Sylphide symbolise l’amour dans son insuffisance et sa plénitude, dans l’insatisfaction des jouissances mort-nées. D’où l’aveu : « J’ai souvent souhaité ne pas survivre au bonheur ». Analysant, justement à propos de Tristan et d’Iseult, les modes de l’amour en Occident, Denis de Rougemont fait ce commentaire bon pour René : « L’amour est une flambée qui ne peut survivre à l’éclat de sa consommation. Mais la brûlure est inoubliable et c’est elle que les amants veulent renouveler à l’infini ». Second rôle de la Sylphide : transcender la durée. Car il y a le temps couleur de deuil, qui fuit et nous entraîne, temps de la destruction et de la mort. Mais contre cette fatalité il y a le souverain pouvoir de la Sylphide, qui a le don des épiphanies et de la résurrection. C’est pourquoi on la voit s’entrelacer au mausolée des Mémoires, véritable motif celtique, mythe de l’éternelle jouvence, de l’aptitude au « merveilleux ». Elle donne la liberté de se jouer des temps et des lieux. Au port de Brest, François-René s’éveille contemporain d’Auguste ; dans les ruelles sombres de Paris, ce n’est plus lui, mais Bassompierre qui court la prostituée ; à Londres, l’ambassadeur arrivé cède le pas au crève-la-faim d’autrefois. Exemples de telles transmutations foisonnent. Tant il est vrai que l’imagination brise tout carcan spatio-temporel. La page qui s’ouvre sur la malédiction de la naissance s’achève sur une apothéose de « destinées ». A lui aussi, comme plus tard à Arthur Rimbaud qui lui doit tant, « plusieurs vies étaient dues »8. Il les verra s’enchevêtrer au bout de son désir comme autant d’autres aventures possibles. Toujours inférieures, du reste, à celles de la réalité revécue de son rêve. Sur fond du désenchantement, il continue de s’enchanter lui-même, Merlin qui serait son propre Arthur. Fidèle en cela à la leçon de Brocéliande : « J’ai vu, écrit-il au début de l'Essai sur la poésie anglaise, Morgan et rencontré Tristan et Iseult : j’ai puisé de l’eau avec ma main dans la fontaine (le bassin d’or m’a toujours manqué) et en jetant cette eau en l’air j’ai rassemblé les orages ». Et le romantisme féconda le monde.
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16Tout est donc fécondé quand apparaît Renan. Et voici que c’est lui qui, apôtre du scientisme, va tout remettre en question. Mais il est trop Breton pour se renier. C’est précisément sa philosophie de l’Histoire qui l’amène à réfléchir sur ses origines. Où il rencontre fatalement le « merveilleux ». Un « merveilleux » dont il commence par se faire le théoricien. Avec ce texte capital, paru dans La Revue des Deux Mondes, en 1854 : La Poésie des races celtiques9.
17Pour établir sa démonstration, Renan n’avait qu’à regarder en lui-même : son idéalisme, qu’il oppose au matérialisme du siècle, est une donnée immédiate de sa conscience. « Nous autres, de la vieille race idéaliste », aimait-il à répéter. Autres données : celles du paysage. Relégués aux confins septentrionaux de l’Europe occidentale, les Celtes ne pouvaient, à ses yeux, que se livrer à la mélancolie. Ayant vécu dans les brumes, ils finirent par en vivre. Comment, avec la lande à perte de vue, songeraient-ils à l’esprit de profit ? Comment, avec la mer partout, s’arrêteraient-ils de s’en aller à tire-d’âme ? Comment n’habiteraient-ils pas de leurs songes leurs îles innombrables ? Mais c’est surtout leur culture qui excite l’intérêt. De sa Bretagne, Renan connaît les chants populaires et ses légendes de saints. Mais aux Mabinogion, « perle de la littérature galloise », de faire rayonner, avec le cycle arthurien et les poèmes bardiques, le génie du passé. Renan s’appuie essentiellement sur ces textes pour définir et illustrer, à sa mesure, le « merveilleux » celtique, matrice du « merveilleux » breton.
18Pour voir ce qu’il est, commençons par voir qu’il n’est pas : ni le « merveilleux » classique à la mythologie gréco-latine : du « fini » comparé à « l’infini » ; ni ce « merveilleux » chrétien, où Dieu fabrique les miracles, qu’emprisonne le dogme et qui ne prévaudra pas, en définitive, contre l’imagination des Celtes ; ni enfin le « merveilleux » germain, trop sauvage. De ces constatations, il ressort déjà que le « merveilleux » celtique consiste, pour Renan, dans l’illimité, la volonté d’indépendance, une relative féminité.
19Ce qu’il est ? A résumer en deux points. Il est, premièrement, l’aventure. Mais une aventure dénuée de tout esprit critique, de tout complexe moral, se déroulant dans un univers sans péché qu’on pourrait qualifier de « pélagien ». Tout y est possible, même l’impossible : on passe de la terre à la mer, de la vie à la mort comme de la mort à la vie, sans problème ; le temps même y est intemporel. Ainsi les compagnons d’Arthur partent à la recherche de Mabon, fils de Modron, disparu il y a des milliers et des milliers d’années. Ainsi, pour l’imagination populaire, la chasse d’Arthur commencée dans l’île de Bretagne se poursuit naturellement en Armorique et l’on entend encore, certaines nuits, gronder la meute. La trame des aventures est constituée par des épreuves, qui sont autant d’initiations. Ce que le mot « quête » résume très bien. Et pour un rien, une fantaisie, un visage de femme entrevu en rêve, on est prêt aux plus téméraires actions. Tel Kilhwch pour Olwen : il n’accomplira pas moins de trente-huit exploits, insurmontables évidemment, avant de s’unir enfin à l’élue. Tant l’amour inspire de folie, tant la liberté humaine n’a pas de bornes. On pense au mot de Garaudy, à la fin de Dialogues des civilisations : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ». L’objet de la quête ne peut que se transcender lui-même. L’amour débouche alors sur le métaphysique. Peredur annonce Perceval. Le vase de la vengeance deviendra le Graal sacré. Du chef on fera un saint. Et le navigateur Brandan, qui reçoit, à son tour, l’auréole, enchantera tout le Moyen Age comme il continuera d’enchanter son disciple Renan par ses féeriques errances vers la terre appelée « terre de promission ».
20En second lieu : le naturalisme. Pour Renan, c’est même là l’essentiel. Il écrit, en effet : « Le principe de la merveille est dans la nature elle-même, dans ses forces cachées, dans son inépuisable fécondité. C’est un cygne mystérieux, un oiseau fatidique, une main qui apparaît tout à coup, un géant, un tyran noir, un brouillard magique, un dragon, un cri qu’on entend et qui fait mourir d’effroi, un objet aux proportions extraordinaires. » Car la magie est partout. Qui ne se souvient du fameux chaudron qui ressuscite, ou de ce jeu d’échecs joué par des mains invisibles ? Ainsi s’éclaire l’importance de Merlin par qui s’anime la nature entière. Ce monde est le règne des évidentes métamorphoses. Kai peut respirer dans l’eau neuf jours et neuf nuits, Kai le poisson. Bedwyr devient à sa guise le plus grand d’entre les arbres. Arthur et ses chevaliers poursuivent un roi qui est un sanglier. Aucune interruption dans la grande chaîne des êtres. Bêtes, arbres et fleurs, ruisseaux et fontaines vivent en harmonieuse et active collaboration avec les enfants d’hommes. Comment dès lors croire à quelque enfer ? Le purgatoire de saint Patrice a déjà assez pour affoler les âmes. Mais en l’accomplissant sur terre, c’est autant de gagné pour là-bas. La mort, c’est vraiment l’autre monde, l’autre face de ce monde-ci et dont les escales du bon Brandan donnent la plus sécurisante image.
21Quoi qu’on puisse penser des limites de La Poésie des races celtiques que, du reste, l’état des sources explique en grande partie, il s’agit là d’une lumineuse vulgarisation, d’une saisissante démonstration. Son importance fut considérable. Les Luzel et Le Braz n’auront plus qu’à récolter de plus vivantes moissons. L’admirable travail effectué, en ce domaine, à la fin du xixe siècle, devra beaucoup au maître prestigieux. Non que son essai fût exempt de reproches. Toujours les mêmes, d’ailleurs : vision trop renanienne, subjective ; théoricien pas neutre… Heureusement ! Bien sûr qu’il connaît la pratique. Et il écrit comme il est : en pratiquant du « merveilleux ».
22Titre, en principe, révélateur que Souvenirs d’enfance et de jeunesse : à l’enfance subie à Tréguier s’opposerait la jeunesse du clerc parisien ; d’un côté, le monde de la merveille, de l’autre, l’éveil à la raison. Il s’agit, en fait, moins d’une antinomie que d’un dépassement critique. Son pays l’enchaîna, comme Viviane Merlin. Mais s’il réussit à briser les barreaux enchantés, son cœur en fut pour toujours étoilé. Il lui arriva aussi de revenir parfois aux grandes vacances. Celles qu’il y passa, en 1845, sont les plus émouvantes, non parce qu’il portait encore la soutane dont il allait se libérer à la rentrée, mais parce qu’il était persuadé d’une définitive rupture avec tout ce qu’il aimait. Il se promena une dernière fois à travers la campagne, longea les grèves une dernière fois. Un jour, il décida d’aller saluer l’oncle Gilles, l’armateur de Lézardrieux. Il en profita pour descendre jusqu’à La Roche-Jagu, une des plus belles forteresses de la Bretagne. Là, le « merveilleux » éclosait à chaque pas, de chaque endroit se levait une légende. Il les griffonna sur son calepin, pressentant déjà ce qu’elles valaient : « Les Bretons ont une étonnante imagination. Ils lui cherchent un continuel aliment. C’est en eux qu’on peut étudier la formation des mythes. Un germe vrai est absorbé avidement par des imaginations qui le chargent de merveilleux (…). Tout ce pays enfante des conceptions fantastiques, élève au surhumain »10.
23Impressions qu’on ne peut oublier. En 1865, au faîte de sa vie, Renan voyage en Grèce. L’exaltation qui le saisit au Parthénon, on sait que la « Prière sur l’Acropole » en sera le fruit. Il est là, prêtre de la Raison, au pied de la Raison déifiée. Et de psalmodier le cantique de la reconnaissance. Mais d’où vient cette brise qui soudain a fait vibrer le dur soleil ? La nudité du temple se voile d’ombres lointaines. Les cloches de la ville d’Is se remettent à sonner du fond de sa mémoire. Instant ineffable à l’origine des Souvenirs qui pourtant ne commenceront à paraître qu’en 1875 dans La Revue des Deux Mondes avant d’être reliés en volume en 188311. Tréguier s’y reconstitue peu à peu, mythe à la Combourg, à la Combray. Mais le « merveilleux » a jailli de partout, dont la religion fait le fond, quitte au conteur d’aller à son gré.
24Sourire oblige. L’ironie est un trait du tempérament. Anatole Le Braz appellera avec justesse la région « l’Attique de la Bretagne ». Dès l’enfance, on s’exerce à la marelle de l’au-delà. Le jeudi saint, à la tour Saint-Michel, on vous bande les yeux : c’est pour mieux voir les cloches partir dans leurs atours pour Rome. La veille du 19 mai, à minuit, pendant sa messe, le bon saint Yves, qui est né là, au Minihi, bénit la foule prosternée ; mais si un mécréant ose lever la tête, point de miracle. Histoires de ce style n’en finissent pas, que Rome prenait très mal, mais tant pis pour Rome. De nos papae nous ferons, nonobstant, des papes. Ah ! ce Winnok qui buvait trop de vin et qui lapidait ses clients : « on en fit un saint tout de même ». Et ce Ronan plus terrible encore mort que vif et que, de terreur, on préféra laisser errer sur l’attelage funèbre jusqu’où bon lui semblerait se faire enterrer… Le père d’Ernest est malade à crever ? Le forgeron s’en va menacer de sa forge le saint guérisseur qui n’aura plus qu’à obtempérer : l’esprit païen l’emportera toujours. Quand il naquit, le bambin était condamné : Gode fut alors dépêchée, la sorcière, à l’étang sacré ; elle y lança la petite chemise qui gonfla sa voile comme d’un navire, signe de vitalité… Car tout dans ce monde se réglait au rythme du « merveilleux ».
25Emotion commande aussi. Bien touchante, n’est-ce pas, la grandeur d’âme du broyeur de lin ? De lieues et de lieues à la ronde on accourait solliciter le thaumaturge, réincarnation des saints légendaires. Car il avait, à leur exemple, pouvoir de guérir et d’imposer les mains. Mais tels héros sont rares, qu’on voit quitter l’horizon. Plus communes, en revanche, toutes ces fleurs fragiles qui poussent dans la tristesse. Elle était si jolie, l’histoire que racontait maman, de « l’oiseau qui se scie le cœur » : il le faisait avec « une scie de diamant pour ne pas suffoquer ». Et comment échapper aux tremblants appels de l’ailleurs, qui font basculer le rêve en folie plus ou moins douce ? A force de vivre dans une atmosphère de cantiques et de processions, de chamarres et de cloches à la volée, d’allumer cierge sur cierge et de passer le plus clair de son temps dans une si belle cathédrale, les âmes sensibles, pour peu que la volonté manque, n’y résistent pas. Renan a su montrer quel lien unit précisément l’abus des dévotions et les déviations du comportement. Ainsi Briand qui se prend pour le curé, ainsi ce fanatique qui déclouait le Christ en croix ou arrachait, suant sang et eau, les flèches de Sébastien. Il y avait encore la pauvre Marzin berçant sans fin sa bûche emmaillotée pour se consoler de l’enfant qui ne viendrait plus. Mais ne touchez pas à l’innocent, car l’innocent est près du ciel… Quant à la fille du broyeur, la passion qu’elle éprouve pour le vicaire lui a tellement dérangé l’esprit qu’elle s’est à jamais enfermée dans sa mortelle désillusion.
26Elle est l’héroïne de la bretonnerie la plus pathétique de Renan. Car le « merveilleux » ne va pas sans quelque inquiétude. Dans ce pays où l’on vit avec la mort, où les crânes s’étagent dans les ossuaires, comme celui qui fascina le séminariste de 1845 au cimetière de Ploubazlanec et qui lui donna le tournis du néant12 la terreur aussi est familière. Les statues en bois du Trégor sont d’un réalisme aussi fantastique que les figures de pierre des calvaires léonards. Les chapelles perdues dans la lande, dont l’unique vitrail laisse apercevoir l’autel grimaçant, font, au soir de grands vents, peur aux petits enfants. Vision étrangère à Chateaubriand qui, n’étant pas de cette Bretagne-là, ignore ces saints et leurs troublantes habitations. L’un d’eux, en particulier, a sinistre renom : en face de Tréguier, sur la berge de Trédarzec, saint Yves de la Vérité, érigé en juge populaire. Renan se contente, dans les Souvenirs, de plaindre Marguerite Calvez, « vouée », comme on disait, et qui se desséchait sur son lit d’hôpital. Mais évoquant, chez les Hébreux, la loi du talion, il signale un crime rituel qui eut lieu à Hengoat, dans les années 1880 : un matin, on trouva un paysan crucifié dans les brancards d’une charrette ; il aurait été cité au tribunal de saint Yves de la Vérité13. Tonalité exceptionnelle pourtant chez Renan que la vertu de son ironie et l’intelligence du sourire protégeaient du drame. Ne pouvant, en vrai Celte, croire au péché, il préférait laisser son imagination gyrovaguer14 avec Brandan et Colomban, poursuivre dans les brumes polaires le voyage de la nostalgie, attendre que se réveillent les cités englouties ou que dans la fontaine sourie la jeune fille. Et si l’ombre venait, il n’avait qu’à se tourner vers Narcisse Quellien, son compatriote farfelu. Grâce à lui, il finit par devenir lui-même objet d’un mythe : après sa mort, on entendra une mouette crier de désespoir à la tour foudroyée de Saint-Michel ; c’est l’âme d’un prêtre qui ne peut dire sa messe, n’ayant pas d’enfant pour le servir. Renan, ce prêtre failli ? Pourquoi pas plutôt cet enfant qui ne cesse de battre la campagne et d’attraper les nuages ?
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27Chateaubriand et Renan nous sont vraiment tombés du ciel. On sait que l’auteur de René fut appelé « l’Enchanteur ». Car sa musique venait de Bretagne et du matin celtique. Son chant consolait de nos misères et il avait la forme du désir. Peut-être Juliette fut-elle enfin pour lui la dame tant quêtée. Peut-être aussi a-t-il fini par entrevoir un peu de la splendeur du Graal. Pour Renan, en revanche, le « merveilleux », parce qu’il était l’indispensable compensation au labeur austère du savant, fut forcément moins personnel, plus étendu, plus varié, j’oserais dire plus praticable. Au soir de son existence, il devint président in aeternum des dîners celtiques, une sorte de pape du « merveilleux ». De toute façon pour lui, sans « merveilleux », la vie n’avait pas de sens. Comme si un homme pouvait vivre sans femme ! Or, il se déclarait « femme aux trois-quarts ». Ce qui veut tout dire. Mais ils auront, chacun à sa façon, Chateaubriand et Renan, rendu la Bretagne à la poésie. « Une province de l’âme », dira d’elle Julien Gracq. Car on n’a même pas besoin d’être Breton pour en être choqué. Au plus secret des Angevins il suffit de faire, par hasard objectif, un stage dans la région, pour ne plus pouvoir s’en déprendre, encore un Merlin piégé par une Viviane toujours recommencée. De Combourg à Argol, en passant par Tréguier, c’est toujours le même air avec, en récompense, la même fascination du « merveilleux » breton.
28 Annules de Bretagne, Rennes, 1997, 4e trimestre
Notes de bas de page
1 Pour l’histoire justement intitulée « le Revenant », voir Mémoires d’outre-tombe, éd. Pléiade, t. I, p. 1051-53.
2 Ibid., p. 29.
3 Lecture confirmée, ibid., p. 41.
4 Dans les Cahiers de jeunesse (Œ. C., éd. H. Psichari, t. II), nombreuses allusions à Souvestre : p. 111, 148, 150.
5 Voir à ce sujet le livre de R.M. Galand, L’Ame celtique de Renan, PUF, 1959, chap. III.
6 Voir B. d’Andlau, Chateaubriand et « Les Martyrs », J. Corti, 1951.
7 C’est l’interprétation exclusive et péremptoire de P. Barbéris. Voir surtout son édition de René, Larousse, 1973.
8 Une saison en enfer, « Délires II, Alchimie du verbe » :· « A chaque être plusieurs autres vies me semblaient dues ».
9 O. C., II, 252-301.
10 B.N., n. acq. fr., 11478 bis, f° 5.
11 Les Souvenirs d'enfance et de jeunesse sont actuellement disponibles dans les collections « Livre de poche » et « Garnier-Flammarion ». Sans compter la remarquable édition de Jean Pommier (Cluny, 1959). Depuis, en 1992, a paru l’édition que j’ai présentée chez « Presses-Pocket ».
12 L’esquisse éditée et commentée par Jean Pommier sous le titre « le Cimetière marin de Renan » (R.H.L.F., 1949, t. XLIX, p 157) est amplifiée dans L’Avenir de la science, III, p. 904.
13 O. C., VI, p. 380, note 3. L’histoire a inspiré à Charles Le Goffic son Crucifié de Keraliès.
14 Qu’on me pardonne ce néologisme tant Renan aimait ces saints « gyrovagues »…
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