Chapitre V. Bon prêtre et bonne carrière
p. 133-160
Texte intégral
1Dans des diocèses marqués par une exceptionnelle fertilité sacerdotale, la concurrence offre l’opportunité à l’administration diocésaine de laisser à l’écart les déviants et de récompenser les prêtres incarnant le modèle du bon prêtre. Celui-ci transparaît donc dans les facteurs de ralentissement et d’accélération des carrières, reflets de l’évolution de la norme comportementale et idéologique. Dans le clergé concordataire comme chez les hauts fonctionnaires du xixe siècle, la méritocratie est un lieu commun1 : la distinction reposerait sur les qualités propres de l’individu. La confrontation des carrières et des appréciations portées sur les membres du clergé des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes permet de nuancer ce discours.
Les qualités sacerdotales
2Dans la littérature pieuse et scientifique2, le bon prêtre concordataire est traditionnellement présenté comme un ecclésiastique zélé, pieux et garant de la cohésion de sa paroisse. Mais son profil n’est pas immuable au cours du xixe siècle. L’étude des carrières montre que la chronologie de l’introduction de nouvelles qualités distinctives chez les ecclésiastiques vérifie les grands changements observés dans les discours sur la vocation dans les études cléricales. Le prêtre pacifique, l’ecclésiastique pieux et le clerc savant incarnent tour à tour l’idéal du bon prêtre.
Les bonnes mœurs
3La nécessaire soumission du prêtre à une norme comportementale est désormais bien connue3. L’impact des déviances sur les carrières l’est en revanche beaucoup moins. La reconstitution de ces dernières est ici précieuse pour apprécier les conséquences des actes moralement condamnables. Trois types de comportements jugés indignes de l’état ecclésiastique sont régulièrement réprimés au cours de la période concordataire : une consommation excessive de boissons alcoolisées, la fréquentation suspecte de femmes, et les manifestations caractérielles.
4Dès le début du xixe siècle, la carrière des prêtres déviants est bloquée ou interrompue. Dans le diocèse de Vannes, François Guého (1757-1835) et Pierre-Marie Le Sourd (1760-1834), décrits en 1808 par Allain comme des prêtres consommant trop d’alcool4, demeurent vicaires jusqu’à leur mort. Au total, dix-neuf ecclésiastiques soupçonnés d’alcoolisme au cours de la période concordataire n’atteignent jamais le rang de desservant. Jean Gicquel (né en 1765), qualifié par le vicaire général Allain de prêtre « honnête », mais dont le comportement vis-à-vis des « personnes du sexe » est à sur veiller, est aussi écarté du ministère paroissial : en 1813, il devient aumônier de régiment, une fonction qui doit l’écarter de ses tentations et éviter les scandales, puis termine sa carrière comme prêtre habitué de la cathédrale. La rudesse de caractère empêche également toute promotion rapide. Fran çois Guyot (né en 1744), au « caractère un peu dur », n’occupe pas d’autre fonction sous le régime concordataire que celle de vicaire de Muzillac, où il demeure jusqu’en 1820.
5La promotion des prêtres qui respectent la norme comportementale et maintiennent la paix dans leur paroisse confirme l’existence d’une prime aux bonnes mœurs. Le catalogue constitué par le vicaire général Allain en 1808 constitue une source exceptionnelle pour apprécier les qualités recherchées dans le diocèse de Vannes au début de la période concordataire, la pacification des paroisses étant alors une priorité. L’étude des commentaires accolés au nom des prêtres promus curés entre 1803 et 1820 permet ainsi de dresser le portrait des ecclésiastiques considérés par leur hiérarchie comme étant les plus méritants au début du xixe siècle. Ce corpus de 35 appréciations permet de mettre en valeur l’importance accordée à la rondeur de caractère des ecclésiastiques et à leur capacité à maintenir la paix sociale dans leur paroisse. La qualité la plus fréquemment portée est ainsi « bon caractère », un autre qualificatif tel qu’ » aimable », « doux » ou « excellent » apportant parfois un peu de variété. Allain attribue ainsi cette qualité à 27 curés, soit aux trois quarts de ceux qui sont promus entre 1803 et 1820.
6Dès le début du xixe siècle, la même norme comportementale est fixée dans le diocèse de Saint-Brieuc. En 1815, Jean Le Corre (1765-1817) est suspendu de ses fonctions de desservant de Pédernec en raison de « son usage immodéré des liqueurs fortes5 » et René Jouannin La Roche (1755-1836), son confrère de Quintenic, doit quitter son poste, à la suite de son comportement « impudique6 ». Tous les deux meurent prêtres habitués, sans qu’aucune autre fonction ne semble leur avoir été confiée. Le recteur de Pordic, Michel Gallet (né en 1743), connaît le même sort, après avoir été dénoncé par deux femmes qu’il a tenté de séduire et avoir chassé le vicaire du presbytère, accusant ce dernier d’être à l’origine de la plainte7.
7Le désordre comportemental, surtout lorsqu’il est public, continue d’être sanctionné tout au long du xixe siècle. Les vicaires du diocèse de Vannes Jean-François Le Pelvé (1795-1879) et Jean-Louis Baudet (né en 1797), incapables de collaborer dans la paroisse de Surzur8, voient leur carrière ruinée : le premier obtient un poste de recteur 36 ans après son ordination, le second jamais. En raison de sa consommation excessive d’alcool, Roland Le Gallou (1801-1866) est pour sa part contraint d’abandonner le rectorat qui lui avait enfin été confié deux ans auparavant et finit sa carrière comme vicaire supplémentaire dans l’évêché de Saint-Brieuc9. Et Eugène Sagorin (1854-1892), qui, en 1889, a frappé son recteur dans un excès de fureur et sans doute d’ébriété10, ne reçoit aucune fonction pendant trois ans. Un prêtre qui crée le désordre risque donc au mieux d’être fréquemment déplacé ou cantonné à un poste peu envié, au pire d’être privé de toute fonction.
8Si les interdits comportementaux restent les mêmes tout au long du xixe siècle, la prise en charge de la déviance semble évoluer au cours de la période concordataire. À la manière des séminaristes, de plus en plus encadrés, les ecclésiastiques au comportement scandaleux sont de moins en moins livrés à eux-mêmes, du moins dans le diocèse de Saint-Brieuc.
9Au début du xixe siècle, l’expiation et la purification semblent surtout être une démarche individuelle, effectuée dans la famille, en marge du clergé. L’installation des cisterciens à Timadeuc en 1841 permit une prise en charge nouvelle. Selon le registre des ecclésiastiques briochins, au moins treize prêtres auraient été contraints à un séjour forcé dans cette abbaye au cours de la deuxième moitié du xixe siècle. À la fin de celui-ci, le destin des prêtres écartés diverge, en fonction de la gravité de la faute commise et de la sincérité de leur repentir. Louis Botrel (1792-1865) et Yves-Marie Gléyo (né en 1859) sont définitivement interdits, respectivement après un séjour monastique de deux ans de 1853 à 1855, et de quinze jours en 1904. Plu sieurs réintégrations montrent que la révocation n’est pas le destin inéluctable des ecclésiastiques envoyés à la Trappe. Timadeuc joue ainsi le rôle d’une prison ecclésiastique dotée de vertus curatives.
10La force de la répression dépend bien sûr de la gravité de la transgression mais aussi de l’importance des ressources cléricales. L’administration diocésaine a en effet dû faire preuve d’une relative mansuétude dans les périodes de disette, c’est-à-dire dans le premier quart du xixe siècle. Les trois recteurs décriés par Allain pour leur consommation d’alcool, Julien Ame line (1759-1811), Pierre Le Forestier (1756-1811) et Jean Tanguy (1764-1817), restent tous en place jusqu’à leur mort. Plus frappant encore, Julien Étrillard (1758-1827) et Yves Jouan (1754-1830), accusés du même vice, sont promus des servants, respectivement en 1811 et 1812, c’est-à-dire lors que le manque de prêtres se fait le plus ressentir. Certes, un retour à davantage de sobriété ne peut être exclu, mais l’addition des exemples laisse plutôt penser que l’administration diocésaine ne peut se passer des services de ces prêtres.
11Dans le diocèse de Saint-Brieuc, la soudaine vague de sanctions dans les années 1820 peut être vue comme la mise à l’écart de prêtres à la conduite imparfaite dont on ne pouvait se passer les années précédentes. Dix-huit des 54 rétrogradations du rang de desservant à celui de vicaire enregistrées au cours de la période concordataire datent en effet des années 1820, c’est-à-dire lors de la vague d’ordinations de la Restauration. En outre, 75 % de ces ecclésiastiques officiaient en Basse-Bretagne, c’est-à-dire là où le manque de prêtres était le plus sensible dans les années 1810. Ces sanctions marquent sans doute la mise à l’écart de clercs indignes de diriger une paroisse mais dont on ne pouvait se passer auparavant. Dans le diocèse de Saint-Brieuc, les années 1820 concrétisent donc le tournant disciplinaire amorcé par Lamennais, dont les décisions sont à la fois marquées par une sévérité nouvelle et une relative indulgence imposée par la conjoncture.
12La mise à l’écart des ecclésiastiques indignes des responsabilités sacerdotales semble un peu plus précoce dans le diocèse de Vannes, où le manque de prêtres fut moins crucial. À partir de la fin des années 1810, aucun fauteur de troubles ne semble employé pour pallier une éventuelle pénurie. Le diocèse a désormais les moyens d’écarter les déviants ou de les encadrer par des recteurs à poigne. Dans les deux évêchés, l’abondance du recrutement impose aux ecclésiastiques qui veulent faire une belle carrière d’avoir de bonnes mœurs. À la différence des diocèses déficitaires, la quasi totalité des chefs de paroisse sont dès la fin des années 1820 des prêtres vertueux.
Le prêtre pieux
13La piété est une qualité appréciée dès le début du xixe siècle. La réunion de la piété et la vertu distingue les ecclésiastiques nommés aux fonctions paroissiales les plus prestigieuses, à l’image de François Le Breton (1784-1867), prêtre à la « piété exemplaire » et doté d’un « excellent caractère ». Dès sa sortie du séminaire, il est nommé vicaire de la prestigieuse cure de Pontivy puis, à seulement 32 ans, curé de Rohan et quatre ans plus tard curé de Pontivy. Toutefois, dans le catalogue des prêtres d’Allain, la piété n’est soulignée qu’à onze reprises chez les 35 curés promus de 1803 à 1820, soit beaucoup moins que l’aménité de caractère. Une bonne piété ne suffit pas pour faire une belle carrière au début du xixe siècle.
14Elle devient une qualité primordiale à partir des années 1830, comme en témoigne l’évolution des appréciations portées sur le registre d’ordinations briochin11. En 1832, quatre rubriques doivent être renseignées : « Caractère », « conduite », « capacité », « forces physiques » – l’ordre est révélateur des priorités. Mais très vite, quelques inflexions sont observées. Dès 1833, la rubrique nommée « conduite » ne contient plus que des renseignements sur la piété du séminariste et, en 1840, le second terme se substitue au premier en haut des colonnes. La piété exemplaire, surtout lorsqu’elle est associée au zèle, devient dès lors une caractéristique du bon prêtre. Casimir Renaut (1811-1885), qui se distingue de ses confrères ordonnés en 1837 par sa « piété tendre et délicate », est ainsi promu curé dès 1858 et meurt chanoine.
15L’importance nouvelle accordée à la piété révèle l’amélioration quantitative et qualitative du clergé. Les objectifs prioritaires des trois premières décennies du xixe siècle, à savoir la restauration du culte et la pacification des paroisses, sont désormais atteints. À partir des années 1830, l’administration diocésaine ne craint plus le manque de prêtres et cherche à diffuser la bonne piété. Le contrôle de la piété est un enjeu d’autant plus grand que celle-ci est alors en pleine mutation, ce qui explique aussi sa place accrue dans les critères d’évaluation. Les principaux changements observés sont la fin de la spiritualité rigoriste et le triomphe d’une piété plus festive, marquée notamment par les progrès du culte du Sacré-Cœur, du culte marial et du mouvement sanctoral.
16L’austérité caractérise la vie religieuse de la plupart des prêtres jusque dans les années 1830. Mais, la nomination en 1831 du liguoriste Jean-Marie Le Joubioux (1806-1888) comme chanoine de la cathédrale de Vannes, au nom de la lutte contre le jansénisme, montre qu’une piété rigoriste n’est alors plus indispensable pour faire une belle carrière. La diffusion du culte du Sacré-Cœur, dont l’office est rendu obligatoire en 1840 par l’évêque de Vannes Mgr de la Motte, confirme le développement d’une piété plus sensible. Dans le diocèse de Saint-Brieuc, l’insistance des rédacteurs des notices nécrologiques des Semaines religieuses à retracer le rôle des défunts dans la propagation du culte du Sacré-Cœur traduit son succès durable dans la deuxième moitié de la période concordataire.
17Au fil du xixe siècle, alors que le culte marial connaît un développement spectaculaire dans toute la France12, la piété mariale est de plus en plus valorisée. En 1846, l’évêque de Saint-Brieuc recommande à son clergé « une dévotion particulière envers la Très-Sainte Vierge » et la récitation quotidienne du chapelet13. Travailler au développement du culte marial devient dès lors un moyen de se faire remarquer par l’évêque. Paul Prud’homme (1810-1882), fondateur et directeur de la chapelle de Notre-Dame d’Espérance à Saint-Brieuc à partir de 1848, se voit ainsi offrir par Mgr Le Mée un canonicat qui lui permet de se consacrer à son œuvre. Dans le diocèse de Vannes, Yves Le Vulgos (1819-1896), un ecclésiastique à la piété exemplaire selon la Semaine religieuse (c’était « le prêtre du chape let », duquel il ne se séparait jamais) est récompensé par un canonicat en 187614.
18Les notes spirituelles d’un prêtre anonyme du diocèse de Vannes, qui détaillent la liste des associations dont il fait partie en 1869, révèlent quant à elles l’importance prise par les œuvres et les confréries dans la piété cléricale à cette date :
- « Propagation de la Foi.
- Sainte-Enfance.
- Œuvre de saint François de Sales.
- Scapulaires du Carmel, de la Trinité, des 7 douleurs, de l’Immaculée Conception.
- Association pour les âmes du purgatoire.
- Cordon de saint Thomas.
- Garde d’honneur du saint Sacrement.
- Association de sainte Catherine de Sienne. [...]
- Chaînes de saint Pierre.
- Membre honoraire correspondant de Saint-Sauveur à Redon.
- Association pour les élèves de Saint-François.
- Association d’actions de grâces15. »
19La méticulosité du prêtre à établir ce tableau d’honneur traduit la nécessaire participation aux œuvres et aux confréries pour épouser le modèle du bon prêtre dans la deuxième moitié du xixe siècle. La liste confirme en outre la victoire de l’ultramontanisme et les progrès du mouvement sanctoral.
20À partir du deuxième tiers du xixe siècle, l’adhésion à une piété de type ultramontain est un facteur de distinction. La diffusion des idéaux de saint Liguori et la propagation du culte marial ne suffisent toutefois pas pour faire une belle carrière. À partir des années 1860, les qualités du saint prêtre ne se limitent plus à ses mœurs et à sa piété, mais s’étendent à son aptitude à acquérir la science nécessaire à son apostolat.
Les qualités intellectuelles
21Dans les deux premiers tiers du xixe siècle, les dispositions intellectuelles sont considérées comme une qualité secondaire, moins indispensable que la vertu et la piété. Les « bonnes mœurs » additionnées à des « talents médiocres » suffisent ainsi à faire de Louis Caradec (né en 1749) un curé en 1812.
22Le cumul des qualités ouvre alors les plus hautes fonctions et permet d’obtenir des fonctions non-paroissiales prestigieuses : le vicaire général Jean-Mathurin Le Gal (1746-1831), par exemple, « possède la science et les vertus de son état », selon Allain. C’est également le cas de Thuriau Le Gloanic (1766-1818) et Yves Louer (1774-1855), dotés de talents, d’une vertu et d’une piété exemplaires, et nommés professeurs au grand séminaire avant leur dixième année de sacerdoce, le second en devenant même le supérieur. De façon similaire, dans le diocèse de Saint-Brieuc, les cinq prêtres des ordinations de 1837 et 1838 dont la capacité est jugée « très bonne » ou « distinguée », et dont la piété satisfait leur directeur, commencent tous leur carrière comme enseignants.
23La science du prêtre est donc prise en compte, au moins pour l’accès aux fonctions d’encadrement, mais demeure dans la première moitié du xixe siècle un facteur moins prépondérant que la piété, comme le montre l’ordonnance du 20 octobre 1846 de Mgr Le Mée. L’évêque, qui dessine le portrait du bon prêtre, insiste surtout sur l’importance des exercices de piété. Dans un second temps seulement, il encourage l’étude des matières ecclésiastiques, tout en précisant que les autres disciplines ne doivent pas être négligées ; mais il enjoint aussitôt à ses prêtres de « pren[dre] garde [...] d’y donner trop de temps16 ».
24La qualité intellectuelle d’un ecclésiastique ne devient un critère d’appréciation déterminant que dans le dernier tiers du xixe siècle. Les annotations portées sur les registres d’ordinations l’illustrent de nouveau. En 1861, apparaît dans les registres briochins une colonne pour évaluer la prédication. Sept ans plus tard, le bon prêtre est aussi celui qui se distingue par son travail et ses succès dans ses études. L’importance de la science est encore plus clairement affirmée en 1870, quand l’évêque de Saint-Brieuc Mgr David appelle à un « réveil général dans les études ecclésiastiques » et conclut son propos par une formule percutante : « PIÉTÉ et SCIENCE, hors de là, on n’est prêtre que pour son malheur et le malheur des autres17. »
25Pierre-Marie Éveno (1842-1911), qui manifeste de « grandes dispositions » et répond à toutes ces exigences fait une superbe carrière dans l’enseignement dans le dernier tiers du xixe siècle, en étant tour à tour professeur au petit séminaire de Plouguernével, aumônier, professeur au grand séminaire puis supérieur du grand séminaire du diocèse de Quimper de 1894 à 1911. Dans le diocèse de Vannes, Max Nicol, qui « moissonnait palmes et couronnes18 » au séminaire, dirigea la rédaction de la Semaine religieuse pendant 24 ans après avoir été professeur et incarne la réussite du prêtre savant.
26Le destin des ecclésiastiques diplômés fournit un indice supplémentaire de l’importance alors accordée à la science. 91 % des licenciés et docteurs briochins du dernier quart du xixe siècle entament une carrière dans l’enseignement, poursuivant le mouvement d’orientation de l’élite intellectuelle vers les séminaires observé plus tôt. Tous les professeurs ne sont pas des prêtres diplômés. Mais l’itinéraire de ces derniers tranche avec la carrière des ecclésiastiques au profil intellectuel plus modeste, pour qui l’enseignement n’est que l’antichambre d’une carrière paroissiale. Pierre Champré (1841-1898), séminariste à l’ « aptitude longtemps douteuse19 », devient professeur à Notre-Dame de Guingamp de 1869 à 1876 mais meurt vicaire en 1898. Un destin plus prestigieux attend le très diplômé Eugène Le Fert de La Motte (1867-1956), bachelier en droit canonique et docteur en philosophie et en théologie, lauréat de plusieurs concours internationaux de sciences religieuses20 : directeur du grand séminaire un an après son ordination, puis supérieur des Cordeliers, il devient évêque de Nantes en 1914.
27Tous les prêtres diplômés ne sont pas non plus cantonnés dans l’enseignement. Parmi les sept bacheliers recensés dans le diocèse de Saint-Brieuc ordonnés entre 1845 et 1855, trois deviennent curés dans les années 1870. Entre 1890 et 1891, Mgr Fallières se choisit deux secrétaires parmi les docteurs en théologie, en l’occurrence André du Bois de La Villerabel (1864-1938), futur rédacteur de la Semaine religieuse, et Joseph Moisan (18651898). Le parallèle avec Louis Robic (1779-1829), secrétaire de l’évêque de Vannes en 1808, décrit par Allain comme ayant besoin d’études, résume l’importance grandissante du facteur intellectuel au cours du xixe siècle.
28En outre, que les prêtres commencent leur carrière dans l’enseignement ou pas, le critère intellectuel est à la fin du xixe siècle un critère de distinction. Les séminaristes vannetais obtenant les meilleures notes dans leurs études connaissent les plus belles carrières21. Jean-Marie Ruaud (né en 1851) qui obtient la note maximale de 5 devient curé de l’importante paroisse de Pontivy en 1900. À l’inverse, son condisciple Jean-Marie Le Berrigot (né en 1851), avec 2,5, accumule les expériences de vicaire et préfère embarquer pour Haïti à la fin des années 1880.
29Toutefois, même si le critère intellectuel est de plus en plus important, de faibles dispositions dans ce domaine ne paraissent jamais empêcher d’atteindre le rang de desservant. Dans le diocèse de Saint-Brieuc, François Perrault (1842-1902), doté de « talents très faibles » – « le strict suffisant22 » selon les examinateurs – devient desservant de Saint-Glen en 1890. Et dans le diocèse de Vannes, la majorité des prêtres qui reçoivent la note minimale de 2,5 dans les années 1870 sont promus chefs de paroisse avant la fin du siècle. Mais à la différence de leurs confrères mieux notés, ils doivent se contenter de paroisses pauvres ou difficiles à desservir.
30En outre, la médiocrité de ces ecclésiastiques doit être relativisée. Ces prêtres, mal notés à la fin du xixe siècle, ont probablement un niveau intellectuel supérieur à nombre de chefs de paroisse du début de la période concordataire, en raison de l’élévation des exigences dans la formation et de la hausse du nombre de vocations. Les registres se font ainsi l’écho de l’éviction de nombreux séminaristes, dont les résultats sont insatisfaisants. Mathurin Ruello est exclu en 1877 dans sa deuxième année de philosophie en raison de son manque de talent. Jean Le Touzé et Jean-Marie Lanoë, entrés au grand séminaire en 1880, sont déclarés inaptes en 1883. Le premier entre alors au séminaire colonial, les deux autres se tournent vers le séminaire d’Évreux, où la concurrence est moins forte.
31Le modèle du bon prêtre régulier, pieux et savant de la fin du xixe siècle s’est donc construit dans les diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes par sédimentation. L’urgence de la reconstruction concordataire et le souvenir de la Révolution imposent de distinguer dans un premier temps les prêtres à la moralité exemplaire. Dans les années 1830-1840, les réformes des études cléricales et les progrès de l’ultramontanisme s’accompagnent de la mise en valeur de qualités pastorales comme la piété et le zèle. Enfin, dans le dernier tiers du xixe siècle, les qualités intellectuelles deviennent déterminantes pour faire une belle carrière. La transition du prêtre vertueux au prêtre savant, dans la formation comme dans les carrières, se fait selon un calendrier très proche de celui observé dans le diocèse de Belley23. Le mouvement de réforme post-tridentin qui cherchait à promouvoir un clergé vertueux, zélé, docile et intelligent24 ne s’achève ainsi réellement qu’à la fin du xixe siècle dans les diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes.
32Le mérite d’un prêtre détermine donc en partie sa carrière tout au long de la période concordataire. En partie seulement, car les qualités intrinsèques d’un ecclésiastique ne sont pas les seuls éléments qui influencent son itinéraire.
La part des idées
33Le xixe siècle est une période d’affrontements doctrinaux et ecclésiologiques qui divisent le clergé. La nature et les enjeux de ces querelles ou de ces controverses a déjà été l’objet d’études approfondies, parmi lesquelles les travaux de Joseph Mahuas sur le jansénisme dans le diocèse de Vannes25, d’Austin Gough sur l’opposition entre ultramontains et gallicans26 et d’Émile Poulat sur la crise moderniste27 se distinguent. Les itinéraires individuels, ponctués de sanctions ou de promotions, portent la trace de ces combats et reflètent l’évolution de la norme idéologique dans le clergé des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes. Les idées religieuses ne sont pas les seules susceptibles d’avoir un impact sur la carrière. Sous le régime concordataire, l’engagement politique ne laissait pas indifférent les évêques et les pouvoirs publics, qui devaient approuver les nominations aux fonctions inamovibles.
Hérétiques et orthodoxes
34Pendant la période concordataire, le refus de l’orthodoxie par deux groupes de prêtres, les jansénistes puis les opposants à Léon XIII, les exposent à des sanctions de la part de leur hiérarchie. Retracer l’histoire du jansénisme conduit, une fois n’est pas coutume, à introduire une distinction entre les évêchés de Vannes et de Saint-Brieuc. La thèse de Joseph Mahuas a montré l’originalité du diocèse de Vannes, marqué par de fortes résurgences jansénistes, à une époque où, ailleurs, cette doctrine est quasiment éteinte28. Trente-cinq prêtres attirés par cette doctrine ont pu y être identifiés, répartis en deux groupes actifs, et ce, à deux périodes différentes. Le premier rassemble les ecclésiastiques qui participèrent au renouveau des thèses de Jansénius dans les années 1810 et le second les prêtres qui, selon Joseph Mahuas, étaient abonnés en 1838 à La Revue ecclésiastique, un journal d’inspiration janséniste.
35Pour la plupart, leur engagement nuit à leur carrière. L’épuration du grand séminaire de Vannes, décidée en 1816 par Mgr de Bausset-Roquefort, en est la plus vigoureuse illustration. L’évêque, inquiet de la doctrine propagée parmi les ordinands, sanctionne alors les professeurs prosélytes. Alexandre Guillaume (1785-1869) dut quitter le diocèse et devint censeur dans l’évêché de Nantes avant d’entrer à la Trappe de Belle fontaine, dont il devint abbé en 183029. La trajectoire de ses deux condisciples évincés est similaire, Guérin Guégan (1769-1835) poursuivant sa carrière d’enseignant hors de son diocèse natal et Pierre Hercelin (1787-1855) devenant trappiste.
36Les sanctions ne se limitent pas aux chefs de file du mouvement janséniste. Jean Marie Le Pré (né en 1778), qualifié par le vicaire général Allain de « thomiste outré », ayant « de l’esprit et des talents30 », demeure vicaire de 1804 aux années 1820, période au cours de laquelle sa trace disparaît des registres diocésains. Jean-Baptiste Guillemin (1796-1852), dont les études ecclésiastiques s’interrompent à la suite de l’épuration de 1816, part pour le diocèse de Versailles en 1823, alors qu’il était vicaire de l’île d’Arz et toujours janséniste, préférant l’exil à la disgrâce. Les jansénistes militants ne pouvaient faire carrière dans le diocèse de Vannes dans le premier quart du xixe siècle.
37L’analyse de la carrière des abonnés de La Revue ecclésiastique montre que, dans les années 1830 et 1840, si la répression est moins brutale qu’en 1816, les jansénistes sont néanmoins sanctionnés en raison de leur engagement. Quatre prêtres sont en effet privés temporairement ou définitivement de fonction dans les années 1840 et huit demeurent vicaires tout au long de leur carrière. Pierre-Marie Fleury (1789-1853) par exemple, vicaire à Néant de 1814 à 1819 puis à Arzal pendant plus de vingt ans, est contraint de se retirer dans sa famille à Beignon31.
38Tout prêtre tenté par le jansénisme dans les années 1830 ne voit pas pour autant ses espoirs de promotion réduits à néant. Seuls les plus turbulents semblent être sanctionnés, à l’image de Philippe Jobart (1790-1861), qui sillonne le diocèse comme vicaire de 1814 à 1850 ; lassé de ne pas obtenir de succursale, il finit par rejoindre le groupe des amis de Port-Royal à Paris. Douze abonnés à La Revue ecclésiastique finissent en effet leur carrière au rang de desservant. Pour ceux qui s’engagent dans la voie du repentir, une progression, parfois étonnante au premier abord, est même possible. Parmi les quatre prêtres du groupe qui regagnent la confiance de l’évêque grâce à leur évolution doctrinale, trois deviennent curés, le quatrième, Pascal Anézo (1805-1885), se voyant confier l’économat du grand séminaire en 1845. La promotion de ces prêtres visiblement convertis à la norme doctrinale en fait des exemples pour toutes les brebis égarées ou tentées de s’éloigner de l’orthodoxie. La répercussion de l’engagement janséniste sur les carrières varie donc en fonction de son intensité et de sa persistance.
39Comme les jansénistes repentis vertueux, les antijansénistes au comportement et à la piété exemplaires font de brillantes carrières. Yves Louer (1774-1855), nommé supérieur du grand séminaire en 1832, fait partie des professeurs qui y furent envoyés propager la saine doctrine après l’épuration de 1816. Le chef de file du camp antijanséniste, Jean-Marie Le Joubioux (1806-1888), est l’exemple le plus spectaculaire32. Malgré son engagement ultramontain à une époque où le gallicanisme domine encore, il est nommé professeur au petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray dès son ordination, puis secrétaire de l’évêché.
40La question janséniste pèse dans les nominations aux postes sensibles au moins jusqu’à la fin des années 1850, comme le montre la carrière de l’antijanséniste Mathurin Joubier (1813-1883), envoyé desservir Taupont en 1857 avec la mission de combattre l’influence de son prédécesseur, le janséniste Jean Gicquel (1787-1857)33. Il bénéficie alors d’une étonnante stabilité à ce poste dans la seconde moitié du xixe siècle puisqu’il y demeure en fonction jusqu’en 1880.
41Mises à l’écart et promotions permettent également la diffusion de la doctrine de Léon XIII. La carrière d’enseignant de Julien Bellamy (18571903), un prêtre séduit par la doctrine de Loisy, s’interrompt ainsi en 1894, quelques mois après la parution de l’encyclique Providentissimus de Léon XIII qui s’opposait à la distinction entre vérité historique et vérité de foi. L’évêque de Vannes préfère manifestement les défenseurs des thèses approuvées par la papauté. En 1892, Jean-Marie Bessy (né en 1863), qui vient d’obtenir un doctorat à l’Université grégorienne de Rome, est aussitôt envoyé au petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray pour répandre la « saine » doctrine. Joseph Baucher (né en 1866), après cinq ans d’études à Rome, est pour sa part nommé professeur au grand séminaire en 1894, où il essaye de faire pénétrer les idées anti-molinistes du père Billot.
42Les prêtres qui propagent la doctrine pontificale tirent ainsi un bénéfice de leur engagement dans leur carrière. Jean-Augustin Guillevic, qui sera nommé vicaire général en 1917 et incarne l’esprit nouveau teinté de catholicisme social, est nommé professeur au grand séminaire en 1891, six mois seulement après son installation comme vicaire. Il est appelé à sa nouvelle tâche par le supérieur du séminaire Pierre-Emmanuel Dieulangard (né en 1845), apôtre des œuvres sociales et vicaire général à partir de 1898.
43Dans le diocèse de Saint-Brieuc, les prêtres qui suivent la doctrine de Léon XIII se distinguent également. André du Bois de La Villerabel (18641938), avant de devenir président de la fédération des œuvres de jeunesse au début du xxe siècle, est nommé secrétaire de l’évêché en 1890 puis directeur de la Semaine religieuse en 1891, après un séjour de trois ans à Rome à l’issue duquel il obtient un double doctorat. En 1892, le cours de philosophie du grand séminaire est confié à un jeune docteur de l’Académie Saint Thomas-d’Aquin de Rome, Eugène Le Fer de La Motte (1867-1956). L’orthodoxie pontificale se répand à la faveur de l’arrivée d’une nouvelle génération, passée par Rome, qui incarne de surcroît l’idéal du prêtre savant.
44Les inflexions souhaitées par Léon XIII semblent s’être davantage faites par la promotion de prêtres qui propagent sa doctrine dans les lieux d’enseignement que par la sanction de ceux qui la critiquent. La répression du jansénisme dans le diocèse de Vannes fut plus forte et concerna également le clergé paroissial. Cette doctrine représentait davantage une menace et était sans doute aussi un sujet de vexation pour l’évêque de Vannes, un des rares prélats concordataires confrontés à ce problème.
Gallicans et ultramontains
45La volonté d’améliorer la formation du clergé au début du xixe siècle emprunte deux voies différentes dans les évêchés de Vannes et de Saint-Brieuc : tandis que dans le premier, sous l’influence du chanoine Mahé, la rénovation intellectuelle se teinte de jansénisme, dans le second, Jean-Marie de Lamennais introduit dès les années 1810 les germes de l’ultramontanisme, qui devient bientôt la vision ecclésiologique dominante. L’étude des carrières, qui permet de repérer les grandes césures chronologiques, montre que le tournant ultramontain est plus tardif dans le diocèse de Vannes, où le gallicanisme apparaît pendant plusieurs décennies comme un rempart contre le jansénisme.
46Dans l’évêché de Saint-Brieuc, l’irruption des idées ultramontaines date de 1812-1813 et de l’arrivée de deux prêtres originaires de Saint-Malo, Jean-Marie de Lamennais (1780-1860) et Jean-Charles Vielle (1766-1857). L’un et autre, appelés par Mgr Caffarelli, occupent tout de suite des postes-clés, en l’occurrence secrétaire de l’évêque puis vicaire capitulaire pour le premier et supérieur du grand séminaire et chanoine pour le second. Ces deux prêtres exercent une influence remarquable sur les jeunes prêtres briochins, comme le futur vicaire général et évêque Jacques Le Mée, un brillant séminariste envoyé à Saint-Sulpice en 1817.
47Le camp gallican ne reste pas indifférent face à l’irruption de l’ultramontanisme. Mgr Le Groing de la Romagère, évêque du diocèse de Saint-Brieuc depuis 1819, entre rapidement en conflit avec Lamennais, ce qui provoque son départ, et écarte Jacques Le Mée et Jean-Charles Vielle en 1823. En 1830, il retire le cours d’écriture sainte du grand séminaire à Pierre Ropers (1796-1882), pour le placer à la tête de la paroisse de Louargat34.
48Mais les jeunes générations sont alors acquises à Jean-Marie de Lamennais. En 1830, la souscription lancée par le journal L’Avenir pour soutenir le mouvement mennaisien rencontre un succès exceptionnel dans le diocèse de Saint-Brieuc. Plus de 190 prêtres briochins, souvent jeunes mais de tout rang, figurent parmi les donateurs. Mgr Le Groing de la Romagère, âgé de 74 ans en 1830, promeut certes encore quelques défenseurs du gallicanisme, comme l’anti-mennaisien Joseph Botrel (1794-1855)35, qui fut dans les années 1830 simultanément chanoine titulaire et supérieur du grand séminaire, mais l’ultramontanisme s’est déjà largement diffusé.
49Son triomphe définitif intervient en 1841, avec la nomination de Mgr Le Mée à la tête du diocèse de Saint-Brieuc. À son arrivée, il remplace Joseph Botrel par l’ultramontain Jean-Marie Dubois-Saint-Sévrin (17991852) à la tête du grand séminaire et nomme supérieur du petit séminaire de Tréguier Jean-Marie Urvoy (1793-1869), un collaborateur du journal L’Univers36. La génération ultramontaine a alors définitivement pris le pouvoir.
50Dans le diocèse de Vannes, le tournant ultramontain est plus tardif. Au début du xixe siècle les rigoristes gallicans, qui apparaissent comme un rempart contre les déviances jansénistes et les prémices de l’ultramontanisme, font les plus belles carrières. En outre, les gallicans vannetais sont menés par des prêtres d’une stature intellectuelle remarquable et soutenus par Mgr de La Motte, qui somme l’ultramontain Joseph Bernard (1805-1854) de quitter sa fonction de professeur du grand séminaire en 1842. Ils conservent ainsi longtemps leur influence en dépit de l’implantation des jésuites dans le diocèse et de l’action de Jean-Marie Le Joubioux, un brillant chanoine liguoriste chargé de combattre le jansénisme.
51La promotion de Joseph Le Veux (1806-1868) à la cure de Port-Louis en 1845 semble marquer le crépuscule de l’âge d’or gallican dans le diocèse de Vannes. Cinq ans après cette nomination, cet ancien professeur qui incarnait l’orthodoxie est en effet rappelé à l’ordre à l’occasion du remplacement du rite parisien par le romain. Et en 1851, la nomination au vicariat général de l’ultramontain Joseph Le Mauguen (1800-1872), à la place du gallican Benjamin Videlo (1757-1851), consacre la rupture. Dès lors, l’ultramontanisme est la vision ecclésiologique valorisée.
52Dans la seconde moitié du xixe siècle, l’opposition entre ultramontains et gallicans perdure malgré le triomphe des défenseurs de la cause papale. À l’exception de Mgr Martial, évêque ultramontain du diocèse de Saint-Brieuc de 1858 à 1861, tous les prélats qui se succèdent dans les deux évêchés au cours de la seconde moitié du xixe siècle sont plutôt de tendance gallicane, à la différence de leur clergé37. Majoritaire, l’ultramontanisme militant reste suspect aux yeux d’un épiscopat gallican, mais il ne constitue pas un motif de sanction, ni même de mise à l’écart dans le dernier tiers du xixe siècle.
53Dans le diocèse de Vannes, la diffusion de l’ultramontanisme emprunte des canaux plus variés et paraît longtemps plus souterraine que dans le diocèse de Saint-Brieuc. Les nominations y révèlent davantage le triomphe de l’ultramontanisme qu’elles ne le permettent. Dans l’évêché de Saint-Brieuc l’affrontement entre gallicans et ultramontains se répercute davantage dans les carrières des prêtres des deux camps. Ces deux exemples bretons montrent que les prêtres ultramontains du diocèse de Belley, sanctionnés dans leur carrière pendant la première moitié du xixe siècle selon Jean-Pierre Gonnot38, ne constituent pas un paradigme. Le déplacement de la rupture chronologique vers 1830 dans le diocèse de Saint-Brieuc et la pondération des sanctions dans celui de Vannes, où l’ultramontanisme fait moins peur que le jansénisme, montrent que le succès de cette vision ecclésiologique emprunte des voies diverses et des rythmes différents dans les évêchés français.
Le facteur politique
54Plusieurs travaux s’intéressant au clergé des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes ont insisté sur l’importance du refus de la Constitution civile, prolongé par la défense du légitimisme et l’opposition à la République39. Alors que le premier sujet de discorde s’éteint vers les années 1830, le second, en partie héritier et prolongateur du schisme révolutionnaire, prend son ampleur pour atteindre son paroxysme sous la IIIe République.
Les séquelles de la Révolution
55Les recherches de Gilles Morin et de Claude Langlois ont montré la préoccupation des autorités religieuses et politiques de réconcilier jureurs et réfractaires. Si le sort des constitutionnels paraît acceptable à l’issue de la reconstruction40, l’analyse de leur carrière dans les années qui suivent la mise en place du Concordat révèle la volonté d’écarter les jureurs. Dans le diocèse de Saint-Brieuc, parmi la trentaine de prêtres d’Ancien Régime promus curés après la restauration du culte ne figure qu’un seul ecclésiastique assermenté, François Le Garrec (1765-1836), muté de Kergrist-Moëlou à la cure de Rostrenen. Encore convient-il de signaler que sa promotion n’intervient qu’en 1827 et que ce prêtre constitutionnel, « ayant des mœurs et du talent41 », s’est rapidement rétracté. Dans le diocèse de Vannes, les jureurs sont également marginalisés : de 1802 à 1808, un seul devient recteur, dans la paroisse ingrate de Locunolé, une des plus difficiles à desservir.
56Dans les années qui suivent, la sévérité des sanctions à l’égard de nombreux prêtres constitutionnels confirme que leur engagement passé pèse sur leur carrière. François Richard (1749-1819) se voit par exemple retirer la succursale de Saint-Brandan en 1805, puis le vicariat de Pordic en 1813, où il meurt sans fonction en 1819 pour avoir persisté dans ses choix passés et refusé « de recevoir la juridiction des pasteurs légitimes42 ». Avec la Restauration et l’arrivée de Jean-Marie de Lamennais, la méfiance contre les prêtres jureurs s’accroît même. Une prise de position ferme de la part des constitutionnels contre leurs anciens engagements est exigée dès que leur comportement est jugé suspect. Jacques Philippe (1736-1825), desservant de Langueux, qui se fait remarquer en trinquant avec des sympathisants de la cause napoléonienne pendant l’épisode des Cent Jours43 et revendique à plusieurs reprises son passé de prêtre assermenté est ainsi frappé d’interdiction en 181644.
57Dans le même temps, les réfractaires accusés de raviver les plaies révolutionnaires sont simplement réprimandés, sans que leur carrière en pâtisse. François Richard (1760-1827) par exemple, soupçonné « d’exciter l’intolérance » et critiqué par le préfet pour avoir refusé de baptiser un enfant au motif que son parrain avait soutenu la Révolution45, n’est pas déplacé ; bien mieux, six ans plus tard, il est promu vicaire général.
58Le diocèse de Vannes, où le nombre des constitutionnels était marginal, ne connaît visiblement pas pareille chasse aux jureurs. En revanche, les séquelles de la Révolution et de la mise en place du régime concordataire se manifestent dans le succès relatif de la Petite Église. Le refus de reconnaître le Concordat signifiait le renoncement à une carrière cléricale et, logiquement, aucun des principaux meneurs recensés n’exerce de fonction pendant la période concordataire ; Joseph Leleuch, Mathurin Le May ou Victor Mahé demeurent cachés.
59De rares prêtres ayant accepté au préalable le fonctionnement concordataire semblent avoir été séduits par la Petite Église, ce dont leur carrière pâtit. Guillaume Calvé (né en 1763), convoqué au séminaire en 1807 par les vicaires généraux pour s’expliquer sur son opposition au Concordat et au régime impérial, perd ainsi son rang de recteur en 1809 et demeure vicaire jusqu’à la fin de sa vie. Le destin de Jacques Gicquello (né en 1787), seul prêtre ordonné sous le régime concordataire à avoir rejoint la Petite Église, est mieux connu : vicaire de cinq paroisses différentes de 1813 à 1817, il se marginalise de plus en plus, allant jusqu’à acheter une maison en ruine à Kervignac qu’il transforme en chapelle pour les fidèles de la Petite Église46. Quelques années plus tard, remis aux autorités civiles, il est enfermé en raison de son aliénation47.
60À l’inverse, le combat contre le schisme anti-concordataire est un facteur de distinction dans le diocèse de Vannes. Mathurin Séveno (17591830), dont la fidélité n’est pas suspectée par son évêque, reçoit la délicate mission de prendre la direction de la paroisse de Sarzeau, foyer de la Petite Église, après l’épuration des prêtres dissidents qui y officiaient en 1807. Il devient ainsi curé et, surtout, jouit d’une liberté remarquable. Mgr Pancemont lui offre en effet la possibilité de nommer son successeur à Locmaria – Grand-Champ, d’évincer deux vicaires qui ne lui conviennent pas dans sa nouvelle paroisse et de les remplacer par qui bon lui semble48.
61À la différence du diocèse de Vannes ou de Rennes, tourmenté par les « Louisets » anticoncordataires49, et a fortiori de la Vendée ou des Deux Sèvres50, la mise en place du Concordat suscite beaucoup moins de remous dans le diocèse de Saint-Brieuc51. Le seul ecclésiastique qui contesta durablement le système mis en place est Henri Briosne (1755-1815), arrêté en mai 180552. Selon le nécrologe, il meurt prêtre habitué de Lamballe, n’ayant occupé aucune fonction sacerdotale depuis 1802. Le diocèse de Saint-Brieuc semble ainsi passer relativement pacifiquement de l’épisode révolutionnaire au système concordataire.
La conformité politique
62Les problèmes politiques des temps nouveaux influencent également les carrières. Leur poids sur les itinéraires cléricaux varie dans le temps, distinguant ainsi quatre périodes.
63L’impact des prises de position sur les problèmes temporels contemporains s’observe dès le Premier Empire. En 1808, Mathurin Joyeux (1757-1820), simple desservant du diocèse de Saint-Brieuc qui ose contrevenir à la loi en rédigeant un faux pour soustraire un conscrit à la recherche de la gendarmerie, est contraint de quitter la succursale de Bourseul pour un vicariat. La désobéissance s’ajoute dans son cas à son opposition à la politique gouvernementale. Les défenseurs de l’Empire peuvent, à l’inverse, prétendre à de brillantes carrières. Dans le diocèse de Vannes, les deux prêtres promus vicaires généraux sous le Premier Empire sont tous les deux « ami[s] du gouvernement53 ». Pourtant, Jean-Baptiste Jarry (1769-1846), qui « a besoin d’étude », ne paraît pas être un prêtre talentueux.
64Avec la Restauration s’ouvre une période au cours de laquelle le facteur politique intervient peu dans les carrières. Les évêques et la grande majorité du clergé soutiennent la monarchie des Bourbons, même si la politique royale suscite parfois quelques contestations, notamment lors de l’adoption des ordonnances de 1828 qui réglementent les petits séminaires. Et, hormis les anciens prêtres constitutionnels préalablement mentionnés, aucun prêtre ne semble s’opposer suffisamment fort au régime pour qu’il fasse l’objet d’une sanction.
65La situation change à partir de 1830, le facteur politique pouvant conditionner en partie une carrière. Les évêques cherchent alors pour la plupart à collaborer avec le pouvoir civil et sanctionnent les adversaires les plus militants du gouvernement. Dans l’évêché de Vannes, Olivier Gicquello (1789-1850) passe 36 ans de sa vie comme vicaire à Arradon, de 1814 à 1850, où il fit scandale en 1832 après avoir crié « vive Charles X ! » au jeu de boules de la paroisse et manifesté son refus de payer ses impôts54. À l’inverse, soutenir activement le régime politique en place, à condition que l’évêque l’approuve, pouvait favoriser la carrière. Mgr de La Motte réalise plusieurs promotions politiques, cherchant ainsi à donner des preuves de sa fidélité. En 1835, il confie la cure de Belz au recteur Mathurin Simon (1796-1859), qui avait aidé les autorités civiles à découvrir l’année précédente une cache d’armes recherchée depuis quatre ans. De façon similaire, la promotion de Michel Mary (1807-1864) au rang de curé est, selon l’évêque lui-même, un message avant tout politique, destiné à montrer que le soutien à Napoléon III avait son « entière approbation55 ». Dans le diocèse de Saint-Brieuc, la défense du régime bonapartiste est aussi utile pour arriver aux plus hautes fonctions. Le préfet des Côtes-du-Nord se félicite ainsi de la fidélité des deux vicaires généraux de Saint-Brieuc, « connus pour leur attachement à la cause impériale56 ».
66En outre, le filtrage épiscopal se double du contrôle du ministre des Cultes qui peut, sur les conseils du préfet, refuser l’agrément à un prêtre proposé à une fonction inamovible. Des années 1830 aux années 1870, les censures sont peu nombreuses – guère plus d’un curé tous les quatre ou cinq ans dans chaque diocèse – mais pratiquées par tous les régimes. Sous la Monarchie de Juillet, le premier refus d’admission à une cure dans le diocèse de Vannes est observé en 1833. La victime en est le desservant de Cléguer, Guy Bouquin (1793-1856), accusé de ne pas avoir chanté les prières pour le roi et d’avoir témoigné de l’hostilité envers le drapeau tricolore57. Sous le Second Empire, des nominations de curés sont encore rejetées par le pouvoir politique, comme celle du légitimiste Paul Prud’homme (1810-1882), refusé à la cure Saint-Michel de Saint-Brieuc en 185258. Toute fois, seules les oppositions politiques les plus virulentes sont sanctionnées. Un comportement hostile au gouvernement empêche certes d’atteindre les plus hautes fonctions comme vicaire général ou curé dans une grande ville, mais ne condamne pas une carrière si le prêtre demeure modéré dans son comportement et ses opinions.
67Une nouvelle phase dans les rapports entre politique et carrière ecclésiastique s’ouvre au début des années 1880. L’adoption des lois scolaires entraîne une nette augmentation du nombre de censures par les autorités politiques. De 1882 à 1905, plus d’un curé sur cinq proposé par l’évêque de Saint-Brieuc ou de Vannes n’est pas agréé pour des motifs politiques. Ce taux serait encore supérieur si le préfet n’acceptait pas certains curés en posant ses conditions. Arthur Le Bayon (1830-1908), prêtre « réactionnaire » selon le préfet, ne devient curé que parce qu’il est nommé à Belle-Île au milieu d’une population très républicaine où ses discours ne peuvent avoir aucune portée ; Joachim Le Tohic (né en 1849) doit pour sa part sa promotion à un marchandage entre l’évêque et le préfet, qui subordonnait son agrément au déplacement du recteur de Camors59.
68Par ailleurs, la censure n’est plus réservée aux seuls curés et vicaires généraux. Le premier cas de refus de nomination à un canonicat au xixe siècle se situe en 1890, Ludovic Guillo-Lohan (1836-1891) se voyant reprocher son caractère autoritaire et très anti-républicain60. L’augmentation du nombre de refus d’agrément résulte surtout de l’irruption massive du clergé dans le combat politique. Les préfets ne refusent en effet que leurs adversaires politiques les plus actifs. Ange Guyot a beau être anti-républicain, il est accepté à la cure de Malestroit car son attitude demeure « correcte » selon le préfet du Morbihan61. À partir du début des années 1880, la plupart des ecclésiastiques promus curés sont des anti-républicains modérés, lesquels constituent le centre de gravité politique du clergé des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes.
69Est-il pour autant possible d’être un prêtre républicain et de faire une belle carrière à la fin de la période concordataire ? Sous l’épiscopat de Mgr Bouché, évêque libéral du diocèse de Saint-Brieuc, c’est assurément le cas. Il semble même que cet évêque ait cherché à promouvoir des prêtres républicains comme Arthur Petit (1843-1912), nommé supérieur du grand séminaire en 1887. Dans le diocèse de Vannes, Mgr Bécel, évêque de 1866 à 1897, semble en revanche se montrer peu favorable aux rares républicains. Il faut attendre l’arrivée de Mgr Latieule pour assister à la promotion comme curé d’un ecclésiastique tel que Constant Dunebrouck (né en 1849), « prêtre d’idées larges, vivant cordialement avec tout le monde, même fonctionnaires et instituteurs » et à ce titre « rare parmi les prêtres du Morbihan62 ».
70Ainsi, même si l’importance de la censure et des promotions politiques varie dans le temps, les relations entre politique et carrière demeurent dans leurs grandes lignes similaires tout au long de la période concordataire. L’opposition ouverte au régime en place est un handicap pour solliciter des postes inamovibles tandis que sous quelques épiscopats, la défense des institutions peut être bénéfique pour la carrière. Pour un prêtre, l’alliance des qualités sacerdotales et de la neutralité politique, appréciée des évêques comme des préfets, était le moyen le plus sûr de se distinguer. Cependant, une promotion ne repose pas que sur des critères objectifs, le facteur social jouant un rôle déterminant au xixe siècle.
Le facteur social
71L’importance des faveurs, des réseaux sociaux et des recommandations dans la carrière des fonctionnaires du xixe siècle a été démontrée à plusieurs reprises63. Elle a été moins souvent soulignée dans le clergé concordataire, hormis pour le haut clergé64, les historiens ayant surtout insisté sur le modèle du « bon curé » qui se distingue grâce à son action pastorale. Pourtant, une naissance dans un milieu privilégié et des recommandations, qu’elles soient d’origine cléricale ou laïque, étaient utiles pour accéder à une fonction plus prestigieuse.
La bonne naissance
72Au xixe siècle, le manque de sources mentionnant l’origine sociale des individus permet difficilement de mesurer l’influence du milieu sur les carrières. Plusieurs indices permettent toutefois de mettre en valeur l’inégal accès aux plus hautes fonctions des différents milieux sociaux.
73Le premier est les itinéraires des élèves ecclésiastiques briochins du Premier Empire dont l’origine sociale est connue65, présentés dans le tableau ci-après :
74Note6666
75Note6767
76Note6868
77Les fils de paysans font les moins belles carrières. Ces prêtres, nés en milieu rural, se destinent presque tous au ministère paroissial. À l’inverse, les prêtres issus de la bourgeoisie sont davantage nommés que leurs confrères à des fonctions non-paroissiales prestigieuses. Mais même lorsqu’ils font une carrière paroissiale, ils se distinguent des fils de cultivateurs en étant proportionnellement deux fois plus nombreux qu’eux à devenir curé. Nés pour la plupart en milieu urbain, ils possèdent un capital culturel qui fait défaut aux fils de paysans et peuvent s’appuyer sur leurs relations pour le faire fructifier.
78Dans le diocèse de Vannes, l’échantillon observé n’est pas suffisamment nombreux pour que les destins des bourgeois soient représentatifs. Mais plusieurs exemples montrent qu’il existe une corrélation entre la belle carrière et la bonne naissance. Les vicaires généraux Le Gal, Grignon et Videlo sont respectivement fils de marchand, de médecin et de notaire urbains. Jean-Charil de Ruillé (1800-1881), supérieur du petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray, puis curé de Lorient en 1849, est lui issu de la bourgeoisie lorientaise.
79La sur-représentation des citadins dans les fonctions les plus prestigieuses fournit un deuxième indice de l’influence du milieu sur les carrières cléricales. Les statistiques présentées dans le tableau ci-dessous montrent la relative mise à l’écart des prêtres ruraux des postes lucratifs ou inamovibles, corroborant ainsi les observations de Pierre Foucault, qui avait mis en valeur le faible nombre de fils de paysans parmi les curés du diocèse du Mans69.
80Les prêtres nés en ville, qui représentent 18,4 % des effectifs cléricaux dans le diocèse de Vannes et 14 % dans celui de Saint-Brieuc au cours de la période concordataire, sont sur-représentés dans les postes qui couronnent la belle carrière sacerdotale au xixe siècle. Plus la fonction impose des contacts avec les ruraux, moins la part des citadins y est élevée. Les supérieurs, même si la plupart demeurent dans leur établissement situé en ville, fréquentent des enseignants et des élèves souvent issus du monde rural, tandis que les chanoines et les vicaires généraux vivent dans la cité épiscopale. Par ailleurs, les membres de l’administration diocésaine doivent avoir un habitus et des compétences relationnelles qui leur permettent de représenter dignement l’évêque dans les réceptions ou les voyages. Les ecclésiastiques issus de la bourgeoisie citadine offrent à cet égard plus de garanties que les ruraux, moins frottés à ces mœurs. Les carrières des curés elles-mêmes sont marquées par l’origine sociale du prêtre : tandis que la part des citadins dirigeant les cures urbaines est de 34,2 % dans le diocèse de Vannes et de 31,8 % dans celui de Saint-Brieuc, elle tombe à respectivement 18,5 % et 15,9 % dans les cures rurales.
81Le destin des prêtres issus de famille noble dans le diocèse de Saint-Brieuc, représenté dans le tableau ci-dessous, forme le troisième indice de l’influence du milieu familial sur la naissance.
82Dès le début du xixe siècle, les ecclésiastiques briochins d’origine noble se distinguent par les postes qu’ils occupent, à l’exception de huit d’entre eux qui n’occupent aucune fonction après la restauration du culte. L’itinéraire le plus remarquable est celui d’Emmanuel de La Goublais de Nantois (17651838), vicaire général de 1819 à 1821, puis chanoine, une distinction qui honore quatre autres prêtres issus de l’aristocratie dans le premier quart du xixe siècle.
83Le destin des fils de famille noble ordonnés entre 1801 et 1850 est également singulier. Tous occupent au moins le rang de desservant ou de professeur à leur mort. Les plus brillants, comme Claude de Lesquen (1770-1855) ou Hyacinthe de Quélen (né en 1778) deviennent même archevêques. Dans la seconde moitié du xixe siècle, la distinction des nobles peut apparaître au premier abord moins frappante, le départ de trois ecclésiastiques vers les ordres réguliers accréditant de surcroît l’idée qu’ils peinent alors à trouver leur place dans le clergé séculier. Mais plusieurs décès précoces et des promotions postérieures à 1905 empêchent de formuler une conclusion définitive. Plusieurs prêtres d’origine noble ont toujours des trajectoires plus prestigieuses que la plupart des clercs concordataires, à l’instar d’Eugène Le Fer de La Motte, directeur du grand séminaire, supérieur de l’école des Cordeliers à Dinan puis évêque de Nantes en 1914.
84La bonne naissance facilite la distinction, mais elle ne détermine pas seule la carrière ; l’importance du milieu social ne signifie pas l’absence de méritocratie. Les exemples, parmi tant d’autres valorisés dans la littérature pieuse ou l’historiographie70, de Mgr Le Mée (1794-1858) dans le diocèse de Saint-Brieuc, archétype du « paysan mitré71 », ou de Jean-Marie Flohy (1800-1881), fils de laboureur de Réguiny devenu professeur au grand séminaire, curé de la cathédrale, chanoine titulaire et vicaire général du diocèse de Vannes, le rappellent. Mais l’analyse statistique des carrières prouve que les prêtres d’origine bourgeoise ou noble se distinguent davantage. Ceux-ci savent se conformer au modèle du saint prêtre. En outre, ils peuvent faire fructifier leur capital culturel et, sans doute davantage que les ecclésiastiques d’origine rurale, s’appuyer sur des réseaux.
Les réseaux cléricaux
85La pratique des recommandations, qui s’était affaiblie au xviiie siècle avec la généralisation des concours de recrutement, retrouve toute son importance après la Révolution. Le système concordataire et la conjoncture imposent alors aux ecclésiastiques en concurrence avec plusieurs dizaines d’autres prêtres de se rappeler à l’attention des vicaires généraux ou de l’évêque, maîtres des mutations.
86Trois types de prêtres peuvent favoriser la carrière d’un confrère au cours de la période concordataire : les curés, les ecclésiastiques qui fréquentent le conseil épiscopal ou qui sont proches de ses membres, et les supérieurs de séminaire. Les curés, qui forment l’interface entre le clergé paroissial et l’administration épiscopale, constituent probablement les intercesseurs les moins efficaces. À moins d’être étayées par des faits précis ou d’autres appuis, les recommandations des curés, trop nombreuses pour être toutes écoutées, suscitent la méfiance. En 1821, Jean-Marie de Lamennais enjoignait ainsi son protégé Jacques Le Mée de s’en méfier citant pour argumenter son propos le nom de huit ecclésiastiques indignes de leur nouvelle fonction, qui étaient devenus recteurs sur la foi de mauvais renseignements fournis par des prêtres72. Lamennais pointe là du doigt une ambiguïté qui perdure tout au long du siècle : l’administration diocésaine a besoin de témoignages cléricaux pour savoir ce qui se passe dans les paroisses et estimer la valeur d’un ecclésiastique, mais elle peine parfois à distinguer le soutien objectif et mérité du coup de pouce donné à un ami pour favoriser sa promotion.
87Le meilleur moyen d’obtenir satisfaction pour un prêtre du bas clergé est de bénéficier du soutien d’un prêtre qui joue un rôle déterminant dans les nominations. Les réseaux cléricaux se confondent ici souvent avec les convergences idéologiques et les amitiés pastorales. Entre 1812 et 1814, grâce à la protection du chanoine Mahé et à la bienveillance de son ami vicaire général Le Gal, la jeune garde janséniste supplante les anciens professeurs Thuriau Le Gloanic (1766-1818) et Philibert Torby (né en 1775), qui ne bénéficient pas de tels appuis et sont nommés recteurs. La raison de leur promotion fut aussi celle de leur disgrâce, ces prêtres étant contraints d’abandonner leur poste lors de l’épuration anti-janséniste de 1816. La belle carrière du protégé de Jean-Marie de Lamennais, Jacques Le Mée, se prolongea davantage. En 1816, le séminariste est envoyé à Saint-Sulpice par le vicaire capitulaire, qui prend une partie des frais de pension à sa charge et le recommande à ses nouveaux supérieurs73. À son retour, Jacques Le Mée est nommé professeur au grand séminaire, puis vicaire général dès 1821. Il démissionne de ce poste deux ans plus tard, et accepte le poste de premier aumônier à la Maison d’éducation de la Légion d’honneur à Paris, une fonction offerte par Jean-Marie de Lamennais, alors vicaire général de la Grande aumônerie. Ce remarquable début de carrière le conduit à la tête de l’évêché de Saint-Brieuc en 1841.
88À défaut d’être le poulain d’un membre de l’administration diocésaine, appartenir à sa famille constituait un atout pour la carrière. Les cas de népotisme se rencontrent tout au long du xixe siècle. Constant de Lesquen (né en 1795), vicaire dans le diocèse de Saint-Brieuc, suit par exemple dans les années 1820 son oncle Claude de Lesquen (1770-1855), alors évêque de Rennes et devient chanoine. Dans le diocèse de Vannes, Joseph Flohy (1813-1880) est promu curé en 1864, trois ans après la nomination de son frère Jean-Marie (1800-1881) comme vicaire général. Les deux frères de Joachim Le Guénégal (né en 1839) obtiennent eux de riches rectorats grâce à la protection de leur aîné devenu vicaire général. Mais le cas de népotisme le plus spectaculaire est la promotion de Pierre-Marie Bécel (1841-1904), le frère de l’évêque de Vannes, au secrétariat de l’évêché en 1871 et à la cure de Questembert en 1887, une mutation réalisée avec l’assentiment du préfet qui y vit l’occasion que l’évêque devienne le « débiteur » des pouvoirs publics74. Visiblement, Pierre-Marie n’avait guère le profil d’un curé, à en juger par le témoignage accablant et circonstancié de l’instituteur de Questembert qui dénonce son alcoolisme, ses fugues, ses colères et ses querelles avec ses vicaires75.
89La proximité avec un supérieur de séminaire peut également être précieuse pour faire une belle carrière. Certains d’entre eux siègent dans les conseils épiscopaux mais leur rôle est singulier dans la gestion du personnel clérical. Associés aux nominations faites dans l’enseignement, ils font presque office de vicaires généraux bis. Michel Ménard (1809-1873), supérieur du grand séminaire de Saint-Brieuc de 1852 à 1860, lance la carrière du futur vicaire général Joseph Huart (1830-1870) en le désignant pour occuper la chaire de philosophie dès son ordination. Cet exemple montre que les réseaux cléricaux ne se bâtissent pas que sur des affinités familiales, géographiques ou idéologiques, Joseph Huart ayant été repéré par son mentor pour ses dispositions intellectuelles alors qu’il était élève au petit séminaire de Plouguernével76.
90Si un lien aussi fort demeure rare, le choix du personnel enseignant par le supérieur était en revanche courant. Joseph Kerdaffrec (1827-1909), successeur de Jean Jaffré à la tête du petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray, livre une anecdote révélatrice du rôle que peuvent avoir les supérieurs en transcrivant dans ses Mémoires le contenu de son entrevue avec l’évêque à la suite de sa nomination : « Allons, me dit-il, en me proposant son ordo, cherchez votre personnel de professeur, mon diocèse est à votre disposition77. »
91La correspondance des frères Dubot offre un témoignage particulièrement éclairant sur la fonction de supérieur de séminaire à la fin du xixe siècle, confirmant leur rôle de pivot dans les recommandations. Jean-Marie Dubot (1853-1918), supérieur du grand séminaire de Vannes de 1898 à 1912 et, à un degré moindre, Théophile Dubot (1855-1933), supérieur du petit séminaire de Ploërmel de 1897 à 1906, choisissent leur personnel, participent au placement des jeunes séminaristes et relaient régulièrement les demandes de mutation des prêtres gallos, comme celle de Jean-Marie Gaudin (né en 1854). Ce vicaire de Ploërmel, désireux d’obtenir la succession du recteur du Temple, s’en ouvre au supérieur du petit séminaire de cette ville, Théophile Dubot, qui s’adresse alors à son frère Jean-Marie, supérieur du grand séminaire, lequel peut plaider la cause auprès de l’évêque78. Et quelques jours plus tard, le vœu de l’abbé Gaudin est exaucé.
92Tous n’ont pas cette chance : Charles Guilloux (né en 1852) a beau sol liciter un emploi de professeur puis la bienveillance de Jean-Marie Dubot, il n’obtient rien. Sa mauvaise réputation le condamne79. Les réseaux les plus efficaces sont construits autour des liens familiaux et amicaux et récompensent les prêtres méritants. La recommandation type est donc celle de Théophile Dubot, qui intervint avec succès auprès de l’évêque de Vannes – même s’il déplora le peu d’empressement de celui-ci80 – pour favoriser le placement d’Abel Michel (1876-1946), un cousin éloigné, natif comme lui de Guégon, qui était surveillant du petit séminaire qu’il dirigeait.
93Le meilleur moyen de faire évoluer positivement une carrière cléricale en activant des réseaux cléricaux est donc de s’appuyer sur un supérieur de séminaire ou un prêtre appartenant à l’administration épiscopale, surtout s’il s’agit d’un membre de la famille. Celui qui ne dispose pas d’appuis familiaux peut compter sur un prêtre influent qui, séduit par une intelligence remarquable ou des idées qu’il partage, peut favoriser son protégé. Mais la plupart des ecclésiastiques, qui n’ont ni l’un ni l’autre, ne peuvent compter que sur une éventuelle démarche de leur curé, au résultat incertain. Aléatoire aussi, le soutien des paroissiens pouvait parfois favoriser le destin d’un prêtre.
La mobilisation des laïcs
94Dans la littérature française du xixe siècle, le destin des prêtres est sou vent dans les mains des laïcs, et plus précisément des aristocrates. Dans Le Vicaire des Ardennes, Balzac décrit ainsi un marquis qui demande le changement d’un vicaire et promet à son évêque de le faire cardinal81. L’abbé Aubain de Prosper Mérimée raconte l’histoire d’un jeune prêtre qui obtient une cure par l’entremise d’une Parisienne retirée dans son château de Noirmoutier82. À la fin du xixe siècle, l’image du noble faiseur de carrières est encore exploitée par Bernanos dans Le Journal d’un curé de campagne83. La satire sociale contribue à grossir le trait. Certes, comme dans le diocèse de Valence étudié par Bernard Delpal84, les notables interviennent fréquemment dans les affaires religieuses des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes, mais l’exemple de ces évêchés montre que l’intervention des laïcs ne se limite pas à celle des notables et qu’elle n’est pas toujours couronnée de succès.
95Tout au long du xixe siècle, les sollicitations des paroissiens et des municipalités pour obtenir le prêtre de leur choix sont souvent inefficaces. L’administration diocésaine n’entend pas se faire dicter ses choix. Comme dans le diocèse de Belley85, les requêtes des paroissiens ne semblent aboutir que lorsqu’elles sont appuyées par un ecclésiastique, la plupart du temps un curé. Le vicaire de Lanvollon par exemple, Mathurin Éon (1808-1869), est certes promu curé de cette paroisse à la demande de ses ouailles, mais l’intervention du curé de Paimpol paraît plus déterminante86. De façon similaire, une demande de renvoi a d’autant plus de poids qu’elle reçoit le soutien des curés. Après plusieurs tentatives, le fils du maire de Plémy obtient ainsi le départ du vicaire Jean-Marie Boutrais (1821-1892) en 1859, car les curés de Plouguenast et de Plœuc ont fait parallèlement savoir au conseil épiscopal qu’un changement était souhaitable87. Le conseil épiscopal se nourrit prioritairement des informations transmises par le canal clérical.
96Les démarches des laïcs paraissent davantage efficaces pour obtenir le maintien d’un prêtre. Plusieurs paroisses réussissent à conserver leur prêtre grâce à leur mobilisation. C’est le cas de Tressaint, dans le diocèse de Saint-Brieuc, dont les habitants écrivent au conseil épiscopal pour lui demander de revenir sur sa décision de muter son recteur88 et voient leur démarche couronnée de succès. Dans le diocèse de Vannes, le maintien de Louis Catric (1836-1911) pendant trente ans à la tête de la paroisse de Locmaria-Grand-Champ résulte de l’intervention du comte de la Bourdonnaye qui, lors de l’inauguration de l’église en 1885, obtient de l’évêque la promesse que le recteur bâtisseur ne serait pas déplacé89. Mgr Bécel, en accédant à la demande de l’aristocrate, récompense la cohésion d’une communauté paroissiale qui a prouvé sa capacité à s’unir derrière son pasteur lors des travaux de l’église.
97Si les évêques semblent davantage disposés à accorder satisfaction aux paroissiens qui sollicitent le maintien de leur prêtre qu’à ceux qui demandent la nomination d’un individu précis, ils ne se plient pas pour autant à tous les désirs exprimés. Les habitants de Pluduno figurent parmi les paroissiens qui n’obtiennent pas satisfaction malgré l’envoi d’une pétition de plu sieurs centaines de signatures pour réclamer le maintien de leur vicaire90, Stanislas Giblaine (né en 1843). Mais ses supérieurs l’appréciaient moins que ses paroissiens, comme en témoigne ce portrait peu édifiant qu’en fit un curé :
« Son action de grâce consistait à s’asseoir dans une chaise pendant cinq à six minutes avec un air ennuyé. Tout était fini : il ne revenait plus à l’Église même le dimanche, n’assistait à aucun office, dînait pendant la grand-messe et se promenait l’après-midi91. »
98L’administration diocésaine refuse qu’un prêtre à la piété suspecte s’enracine dans une paroisse où il est susceptible d’exercer une forte influence sur les fidèles qui le réclament. L’exigence qualitative ne s’efface pas derrière la pression populaire, au moins à la fin du xixe siècle.
99Les dossiers individuels de prêtres établis par les pouvoirs publics montrent que les interventions des laïcs peuvent également être précieuses pour accéder à des fonctions prestigieuses. Plus qu’une démarche initiée par un groupe de paroissiens, il s’agit ici de recommandations de notables qui révèlent l’importance pour un prêtre ambitieux d’appartenir à des réseaux influents. Jacques Le Mée (1794-1858) est porté à l’épiscopat en 1841, non seulement par le clergé qui le soutient, mais aussi par les élites laïques des Côtes-du-Nord, parmi lesquelles figurent le préfet, le commandant de la Garde nationale de Saint-Brieuc, un député, un conseiller à la cour de cassation et le président du tribunal de Saint-Brieuc92. Jean-Augustin Guillevic (1861-1937), vicaire général du diocèse de Vannes de 1917 à 1937, possède aussi des appuis dans les milieux politique, bourgeois et aristocratique, bien éloignés de sa culture familiale. Alors qu’il est au grand séminaire, il est précepteur d’Ernest Lamy, futur député et sénateur du Morbihan93. Vicaire à Sarzeau, il étend ses réseaux, en se liant d’amitié avec un médecin républicain catholique et surtout pénètre dans le monde fermé des familles aristocratiques en administrant les derniers sacrements à Madame de Francheville. Il est alors régulièrement invité à des réunions et des repas dans les châteaux des familles que fréquente aussi son évêque Mgr Bécel94. Ses promotions postérieures sont aussi la récompense de sa capacité à se faire apprécier par l’élite laïque du diocèse.
100Les réseaux laïcs sont également particulièrement précieux pour obtenir l’agrément des pouvoirs publics, alors que les refus de nomination se multiplient à partir des années 1880. Le républicain Ernest Le Covec (1852-1918) devient curé dans la ville de Dinan, en bénéficiant du soutien du maire du Fœil, qui le recommande au préfet des Côtes-du-Nord95. Les députés républicains des Côtes-du-Nord Armez et Even jouent eux un grand rôle dans la nomination d’Eugène Bouché (1828-1888) à la tête de l’évêché de Saint-Brieuc96. Mando, autre député républicain, soutient avec succès Noël Garel (1860-1903), proposé à la cure de Plouguenast97. Dans le diocèse de Vannes, Lucien Ragbeau (1849-1918), un temps suspect pour ses opinions politiques, doit sa nomination à la cure de Ploërmel à l’intervention des notables de la ville – surtout du médecin – qu’il a fréquentés quand il était supérieur du petit séminaire98.
101Le soutien au régime – ou à défaut la neutralité – la bonne naissance, des appuis venus de milieux cléricaux ou laïcs facilitent ainsi l’ascension d’un prêtre. Comme dans l’administration française à la même époque99, les promotions dans le clergé breton sont liées à des critères professionnels mais aussi politiques et sociaux, surtout pour les plus hautes fonctions.
Notes de bas de page
1 Charle, Christophe, Les hauts fonctionnaires en France au xixe siècle, Paris, Gallimard, 1980, p. 30-31.
2 Launay, Marcel, Le bon prêtre, Le clergé rural au xixe siècle, Paris, Aubier, 326 p.
3 Boutry, Philippe, Prêtres et paroisses..., op. cit., p. 185-244.
4 AEV, D 7, tableau du clergé de Vannes en 1808, dressé par le vicaire général Allain.
5 AESB, 2 CD 3, lettre de Jean-Marie de Lamennais à M. Le Corre, 10 avril 1815.
6 AESB, 2 CD 3, lettre de Jean-Marie de Lamennais à M. Jouannin, 16 décembre 1815.
7 AESB, 2 CD 3, lettre de Jean-Marie de Lamennais au recteur de Pordic, 13 février 1817.
8 ADM, 1 J 134, Le Bars, Pierre-Marie, vicaire de Surzur de 1875 à 1890, Histoire de la paroisse de Surzur et de ses recteurs, manuscrit, p. 33.
9 AESB, 5 CD 2, registre du conseil épiscopal, séance du 21 janvier 1859.
10 AESB, 2 D, dossier Sagorin.
11 AESB, 8 CE.
12 Hilaire, Yves-Marie, « Évolution du culte marial au xixe siècle en France » in Bethouart, Bruno et Lottin, Alain (dir.), La dévotion mariale de l’an mil à nos jours, Arras, Artois Presses Université, 2005, p. 41-50.
13 AESB, 1 D 3-a, ordonnance de Mgr Le Mée, 20 octobre 1846.
14 SRV, 1er octobre 1896, p. 629-631.
15 ADM, 1 J 349, petit carnet et notes spirituelles d’un prêtre, vers 1868-1869.
16 AESB, 1 D 3-a, ordonnance de Mgr Le Mée, 20 octobre 1846.
17 AESB, 1 d 5c, concile de Vatican I.
18 SRV, 18 juin 1904, p. 486.
19 AEV, D 10.
20 Faugeras, Marius, « Le Fer de la Motte, Eugène », in Lagree, Michel (dir.), La Bretagne..., op. cit., p. 253-254.
21 AEV, D 10, registre des ordinations, 1855-1916.
22 AESB, 8 CE.
23 Boutry, Philippe, « “Vertus d’état”... », op. cit., p. 207-228.
24 Julia, Dominique, « Le prêtre au xviiie siècle, la théologie et les institutions », Recherches de Science religieuse, t. 58, 1970, p. 521-534.
25 Mahuas, Joseph, Le diocèse de Vannes..., op. cit.
26 Gough, Austin, Paris et Rome..., op. cit.
27 Poulat, Émile, Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste, Paris, Albin Michel, 1996, 733 p.
28 Mahuas, Joseph, Le diocèse de Vannes..., op. cit.
29 Uzereau, F., « Le deuxième abbé de la Trappe de Belle fontaine », Revue de Bretagne, mars 1914, t. LI, p. 125-132.
30 AEV, D 7, tableau du clergé de Vannes en 1808, dressé par le vicaire général Allain.
31 Mahuas, Joseph, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 574.
32 Mahuas, Joseph, « Le Joubioux, Jean-Marie », in Lagree, Michel (dir.), La Bretagne..., op. cit., p. 265-266.
33 SRV, 13 septembre 1883, p. 506.
34 AESB, 2 H 19, cahier contenant des notes sur l’histoire du grand séminaire, par l’abbé Louail, p. 21.
35 AN, F19 3022, dossier Botrel, lettre de Mgr Le Groing de la Romagère au ministre des Cultes le 25 janvier 1834.
36 SRSB, 11 septembre 1869, p. 517.
37 Lagree, Michel, « Évêques gallicans... », op. cit.
38 Gonnot, Jean-Pierre, Vocation et carrières..., op. cit., p. 94.
39 Morin, Gilles, L’administration religieuse..., op. cit., Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes..., op. cit., Tregouet, Michel, Le clergé séculier morbihannais de 1870 à 1914, DEA d’histoire, Université de Rennes II, 1985, 128 p.
40 Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 123. et Morin, Gilles, L’administration religieuse..., op. cit., p. 132.
41 Saint-Jouan, Régis de, Les Églises, les congrégations et l’État dans les Côtes-du-Nord de l’An VIII à 1940. Répertoire de la série V, Saint-Brieuc, Archives départementales des Côtes-du-Nord, 1977, p. 223.
42 AESB, 2 CD 4, lettre de Jean-Marie de Lamennais à François Richard, 5 janvier 1818.
43 Lettre de Jean-Marie de Lamennais au ministre de l’Intérieur, 18 décembre 1816, citée dans La Mennais, Jean-Marie de, Correspondance générale..., op. cit., tome 1, p. 472.
44 Lettre de Jean-Marie de Lamennais au recteur de Langueux, 10 juillet 1816, citée dans La Mennais, Jean-Marie de, Correspondance générale..., op. cit., tome 1, p. 420.
45 AESB, M 21, lettre du préfet des Côtes-du-Nord au vicaire général, 20 mai 1815.
46 ADM, M 517, lettre de l’évêque de Vannes au préfet, 12 mai 1821.
47 Mouchet, J., « L’esprit public dans le Morbihan sous la Restauration », Annales de Bretagne, t. XLV, p. 122-124.
48 AEV, D 4, Lettre à l’abbé Séveno, 5 février 1807.
49 Lagree, Michel, Mentalités, religion..., op. cit., p. 147-166.
50 Billaud, Auguste, La Petite Église dans la Vendée et les Deux-Sèvres, 1800-1830, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1961, 654 p.
51 Morin, Gilles, L’administration religieuse..., op. cit., p. 326-335.
52 Jurquet, Hélène, Le clergé de la Petite Église, 1801-1815, maîtrise d’histoire, Paris XII, juin 1974, p. 131.
53 AEV, D 7, tableau du clergé de Vannes en 1808.
54 AEV, dossier relatif aux troubles de 1830 à 1832, lettre du ministre de la Justice et des Cultes à l’évêque, 14 août 1832.
55 AN, F19 3056, dossier Mary, lettre de l’évêque au ministre des Cultes, 7 août 1859.
56 AN, F19 2575, lettre du préfet des Côtes-du-Nord au ministre de l’Instruction publique et des Cultes, 1er août 1858.
57 AEV, AP Pont-Scorff, lettre du ministre de l’Intérieur à l’évêque, 13 juillet 1833.
58 AN, F19 3022, dossier Prud’homme.
59 ADM, V 598, lettre du préfet du Morbihan à l’évêque de Vannes, 26 juin 1895.
60 AN, F19 2847, lettre du ministre de la Justice et des Cultes à l’évêque de Saint-Brieuc, 27 mai 1890.
61 AN, F19 3057, dossier Guyot, lettre du préfet du Morbihan au ministre de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes, 20 janvier 1894.
62 AN, F19 3057, lettre du préfet du Morbihan au ministre des Cultes, 13 décembre 1902.
63 Voir par exemple pour la haute fonction publique, à l’échelle nationale, Charle, Christophe, Les hauts fonctionnaires en France..., op. cit., p. 215 et chez les fonctionnaires intermédiaires bretons, Le Bihan, Jean, Fonctionnaires intermédiaires au xixe siècle. L’exemple de trois corps en Ille-et-Vilaine (« gradés » de préfecture, percepteurs, conducteurs des Ponts et chaussées), thèse d’histoire, Rennes II, 2005, p. 335-339.
64 Boudon, Jacques-Olivier, L’épiscopat français..., op. cit.
65 AN F19 830, enquête sur l’origine des élèves ecclésiastiques du diocèse de Saint-Brieuc.
66 Les effectifs vannetais étant moins importants que les effectifs briochins, les résultats ne peuvent être considérés comme représentatifs (les calculs ont été réalisés sur 92 individus, dont seulement onze appartiennent à la catégorie « autres »).
67 Pour les fils de cultivateurs, nombreux, l’analyse statistique se limite aux élèves de philosophie et de théologie. Pour les autres catégories, les statistiques ont été établies sur tous les élèves devenus prêtres.
68 Cette catégorie rassemble les fils de marchands, de propriétaires, de fonctionnaires et de parents exerçant une profession libérale. Il s’agit donc surtout de la bourgeoisie.
69 Foucault, Pierre, Aspects de la vie chrétienne..., op. cit., p. 274.
70 Launay, Marcel, Le bon prêtre..., op. cit.
71 Boudon, Jacques-Olivier, L’épiscopat français..., op. cit.
72 Lettre de Jean-Marie de Lamennais à Jacques Le Mée, 7 novembre 1821, citée dans La Mennais, Jean-Marie de, Correspondance générale..., op. cit., tome 2, p. 178-179.
73 La Mennais, Jean-Marie de, Correspondance générale..., op. cit., tome 1, p. 461-462.
74 AN, F19 3057, dossier Bécel, lettre du préfet du Morbihan au ministre de l’Intérieur et des Cultes, 24 février 1887. Cf. l’annexe n° 74.
75 ADM, 1 V 68, dossier Bécel, lettre de l’instituteur de Questembert au préfet du Morbihan, 4 avril 1901.
76 Chatton, Auguste, Souvenirs..., op. cit., p. 244.
77 APSSAA, Mémoires de Kerdaffrec, p. 63.
78 AEV, Z 4, lettre de Théophile Dubot à Jean-Marie Dubot, 26 octobre 1898.
79 AEV, Z 4, lettre de Jean-Marie Dubot à Charles Guillaume, 18 août 1903.
80 AEV, Z 4, lettre de Théophile Dubot à Jean-Marie Dubot, non datée, 1901.
81 Balzac, Honoré de, Le vicaire des Ardennes, Genève, Édito, 1968, 397 p.
82 Merimee, Prosper, L’abbé Aubain, Paris, Le livre de poche, 1973, p. 253-270.
83 Bernanos, Journal d’un curé de campagne, Paris, Plon, 1974, p. 269.
84 Delpal, Bernard, Entre paroisse et commune, les catholiques de la Drôme au milieu du xixe siècle, Valence, Éditions Peuple Libre, 1989, p. 103-117.
85 Boutry, Philippe, Prêtres et paroisses..., op. cit., p. 255.
86 AESB, 5 CD 2, registre des séances du conseil épiscopal, 4 mars 1856.
87 AESB, 5 CD 2, registre du conseil épiscopal, 19 janvier 1859.
88 AESB, 5 CD 2, registre dans le diocèse de Vannes, 8 avril 1859.
89 ADM, 30 J 115/1, cahier de paroisse de Locmaria-Grand-Champ.
90 AESB, 2 D, dossier individuel de Stanislas Giblaine.
91 AESB, 2 D, dossier individuel de Stanislas Giblaine, lettre de Jacques Daniel, 29 février 1888.
92 AN, F19 2575, dossier Le Mée.
93 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 175.
94 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 294.
95 AN F19 3024, dossier Le Covec.
96 AN, F19 2575, dossier Bouché.
97 AN, F19 3023, dossier Garel.
98 AN, F19 3057, dossier Ragbeau.
99 Charle, Christophe, Les hauts fonctionnaires..., op. cit., p. 215 et Le Bihan, Jean, Fonctionnaires intermédiaires au xixe siècle..., op. cit.
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