Une axiologie historique pour le vingtième siècle : repérage des pôles
p. 73-80
Texte intégral
1Le souci de périodisation conduit à décomposer une totalité donnée en un système d’unités signifiantes, et à distinguer des séquences dans un déroulement continu. Ce travail ne saurait relever que d’une démarche exploratoire, qui teste un dispositif cognitif parmi d’autres et, si possible, compatible avec d’autres. Peut- on à cet égard envisager des périodes générales à l’échelle du vingtième siècle littéraire ? Comment concilier l’exigence de synthèse, dictée par la pensée autant que par la nécessité didactique (transmettre à tout public un savoir par centralisation progressive sur son objet), et le respect de données littéraires multiples, réfractaires à l’unification comme à l’idée de continuité ? Cette tentative appelle d’emblée un degré de modélisation préjudiciable aux mesures affinées et aux coupes sélectives : il appartient aux approches périodisantes plus ciblées de les apporter. La périodisation envisagée, qui assumera sa part de gauchissement, s’ordonnera autour de repères culturels et esthétiques, agencés par polarisation réciproque avec effets d’attraction et de répulsion, selon une histoire à double régime : celle de la civilisation, dans laquelle les œuvres s’inscrivent en qualité de productions symboliques ; celle de la littérature, qui suscite sa propre historicité par l’évolution, différentielle, de ses formes. Deux approches seront écartées : l’une qui alignerait les auteurs selon un suivi purement chronologique, déniant les temps d’assimilation propres au littéraire, sa capacité à constituer une temporalité particulière, avec ses rythmes et ses fuseaux ; l’autre qui étudierait par abstraction le développement des genres et des catégories en identifiant la période à des seuls temps d’accomplissement formel, accréditant par là-même l’illusion oiganiciste héritée du romantisme (naissance/croissance/vieillissement/mort).
2Littérature d’avant la Première Guerre, de l’entre-deux-guerres, de la Libération à Mai 68, de Mai 68 à nos jours : cette périodisation d’ensemble, usuelle parce qu’aisée, pose les repères de l’histoire comme des bornes, entre lesquelles se succèdent sans discontinuer des publications. Au risque de schématisme (l’histoire ramenée à un cadre fixe) s’ajoute celui du nivellement (l’aplatissement chronologique des enjeux du littéraire). Un léger décalage suffit peut-être à saisir différemment les évolutions croisées de l’histoire et de la littérature, en n’inscrivant pas d’emblée celle-ci dans un cadre qui, sans lui être étranger en raison de ses référents, lui reste pourtant extérieur en tant qu’unité de mesure. Quatre macropériodes se dessineraient alors à l’échelle du siècle, démarrées des événements-phares de l’histoire, obéissant chacune à des critères de convergence, esthétiques d’une part (une évolution dominante mais non exclusive des pratiques littéraires), culturels de l’autre (un devenir de civilisation conséquent mais non uniforme). Louvoyons donc entre ces deux systèmes de balises et leur propre pondération, comme d’autres s’y sont déjà risqués. Dans un article publié en 1990 (Littérature, n° 77), Aron Kibedi Varga esquisse ainsi en cinq lignes un modèle proche de celui développé ici en toute liberté.
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3Première proposition de période : du début des années 1910 à celui des années 1930, en amont Alcools, en aval Voyage au bout de la nuit, si l’on préfère procéder par titres indicatifs. L’élément fédérateur, légitimant le statut de période, en serait une conjonction d’innovations redéfinissant avec effervescence le statut et de la poésie et du roman. Pour la première, un activisme s’observe, tant dans la frénésie groupusculaire ou revuiste propre aux années 1910 que dans l’agitation surréaliste d’avant ou d’après les manifestes. Ce phénomène accompagne l’apparition de nouveaux modèles : le modèle plasticien tout d’abord, qui se substitue, selon Tom Conley1, à l’idéal prométhéen du siècle révolu ; le modèle surréaliste ensuite, qui, contre tout textocentrisme, se rêve soluble, comme les poissons de Breton, dans une vie réinventée, avant de se dépasser ou de se piéger dans l’élaboration d’un nouvel art poétique. Quant au roman, il trouve en sa propre crise (l’exténuation des traditions naturalistes et psychologiques, les contestations conjuguées de sa pratique) une occasion de redéploiement, sur un plan à la fois théorique (la revendication d’un roman poétique, par Rivière dès 1913) et pratique (l’élaboration de formes-sommes : roman-fleuve, roman cathédrale, roman célibataire selon les terminologies consacrées). Puissance de décomposition, élan de réactivation : cette énergie esthétique caractérise l’ensemble de la période concernée, en traverse les actualités historiques successives et en même temps se recharge et se convertit à leur contact, selon un effet particulièrement manifeste pendant la Première Guerre. Celle-ci ouvre moins en cela une période nouvelle qu’elle ne radicalise une propension à la recherche, à la refonte, à la spéculation qui la précède et à laquelle elle confère une urgence nouvelle, une intensité plus décisive, moins vibrionnante : elle polarise plus qu’elle n’initie, et bien des œuvres s’élaborent alors autour d’une redéfinition, douloureuse, des identités subjectives et collectives en partie amorcée avant la guerre. Avant la guerre, quand mesure fut prise de l’inadaptation des schèmes littéraires au monde moderne, aux nouvelles représentations du sujet humain suscitées par des postulations vitalistes, elles- mêmes mises à la raison par la philosophie bergsonnienne. André Gide en illustre le principe quand il écrit, en 1921, ces quelques phrases à effet rétrospectif :
Je n’ai jamais rien su renoncer et, protégeant en moi à la fois le meilleur et le pire, c’est en écartelé que j’ai vécu. Mais comment expliquer que cette cohabitation en moi des extrêmes n’amenât point tant d’inquiétude et de souffrance qu’une intensification pathétique du sentiment de l’existence, de la vie. Les tendances les plus opposées n’ont jamais réussi à faire de moi un être tourmenté, mais perplexe ; car le tourment accompagne un état dont on souhaite de sortir, et je ne souhaitais point d’échapper à ce qui mettait en vigueur toutes les virtualités de mon être ; cet état de dialogue qui, pour d’autres, est à peu près intolérable, devenait pour moi nécessaire.2
4L’être se définit, selon cette perspective vitaliste, comme élan génératif, puissance plurielle antagonique, et la vie comme une ontogenèse du disparate. Par ailleurs, tant À la Recherche du temps perdu que Voyage au bout de la nuit sollicitent un espace psychique dans lequel les plans de conscience, les réseaux mémoriels, les interférences passé/présent jouent un rôle privilégié. De l’une à l’autre toutefois, le degré de narrativité concédé à cet espace tend à s’accentuer. La guerre, dont la présence achève La Recherche et ouvre le Voyage, impose la « prise en récit » d’une intuition qui la précède : la psyché ne se définit plus comme une donnée substantielle descriptible en termes essentialistes, par quelque étude fixiste. Elle est toujours en acte, et exige en cette qualité, pour être étudiée, la narration. Dans le roman de Céline, l’expérience de la guerre convertit ainsi en choc ce qui, dans l’oeuvre de Proust, se posait comme mouvement : l’esprit en action, sa dynamique sous-jacente, sa temporalité interne mouvante. Quant à la confrontation suscitée entre les états les plus abrupts de la société moderne et les formes les plus aguerries de la littérature, elle s’observe avec force et diversité dans Alcools (le Phénix chez les cubistes, Orphée visitant la tour Eiffel) comme dans le Voyage au bout de la nuit (Candide au pays de l’oncle Sam, de l’oncle Tom ou de la Grosse Bertha...)
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5Deuxième proposition de période, du début des années 1930 au début des années 1950, de La Condition humaine à L’Homme révolté. La dynamique majeure en serait une sensibilisation éthique et une surexposition idéologique de la littérature, proportionnelles à un contexte de civilisation éruptif : avènement de l’hitlérisme et, en France, poussées extrême-droitières, Guerre d’Espagne, Seconde Guerre mondiale, début de la guerre froide et des guerres de décolonisation. La littérature étend son droit d’ingérence dans le débat des valeurs et les affaires de la Cité. Plusieurs options résultent alors de cette polarisation du littéraire par les heurts successifs de l’histoire : certaines relèvent en priorité du champ de la morale (les problématiques romanesques de la conscience), d’autres de la philosophie (les fictions existentialistes), quelques-unes tendent vers le politique (la théorisa- tion de l’engagement), toutes posent, y compris dans leurs orientations de poétique formelle, le problème de la responsabilité. A l’hétérogénéisation du moi, caractéristique de la période précédente, succède son recadrage, sa reconstruction autour du primat de la liberté individuelle. Cet infléchissement extrêmement séculier du littéraire constitue en soi un facteur de périodisation possible : il porte en effet sur une durée spécifique que concentre la Seconde Guerre mais qui la précède et lui perdure. Entre la réorientation marxiste du surréalisme (années 30), l’engagement résistant de nombreux poètes, le messianisme révolutionnaire du lettrisme qui ouvre la voie à l’internationale situationniste (années 50), il y a à cet égard continuité périodique ; de même, entre les romans de l’inquiétude religieuse ou de la tourmente nauséeuse d’avant-guerre, et les récits du malaise nihiliste d’après-guerre (Raymond Guérin, Henri Calet, Georges Hyvernaud, dont les héros, ces « Meursault de la vie réelle3 », expriment leur sentiment de méconnaissance face à un monde et une humanité qui leur sont devenus étrangers). Les trois derniers romans d’Emmanuel Bove, publiés après la Libération, révèlent aussi cette continuité : ils font de l’Histoire immédiate (l’Occupation) un facteur d’exacerbation pour représenter ce même déficit d’être que l’écrivain tente de cerner depuis les années 30. Comme la Première Guerre mondiale, la Seconde exercerait moins un rôle d’initiation périodique que de conversion intrapériodique : ainsi du basculement observable, chez Sartre, de l’emmurement au cheminement, du Mur aux Chemins de la liberté, d’une phénoménologie de l’absurde sans solution, à l’exigence philosophique du choix et à la revendication politique de l’engagement qui entendent la dépasser.
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6Troisième période, du début des années 1950 au milieu des années 1970, de Molloy à Louve basse de Denis Roche. Le plus grand dénominateur commun en serait un principe de paroxysme, celui d’une modernité définie par sa vocation expérimentale, sa dimension spéculaire, sa propension à délivrer des formes inédites. Cette littérature des Trente glorieuses, pour user d’une appellation délicieusement suspecte, entend se dégager de tout investissement autre que scriptural. Elle recentre ses énergies, selon une aspiration qui relève à la fois du renversement et de l’accomplissement de tendances : d’un côté, le coup de force contre un modèle dominant (la littérature engagée) ; de l’autre, l’aboutissement d’une revendication déjà ancienne (l’intransitivité de l’écriture). Loin de définir la seule écriture poétique, celle-ci tend à se généraliser, à parachever la recherche d’une littérature pure, ramenée à sa quintessence, et qui par là-même se trouve en phase avec une Histoire dont les aberrations les plus récentes se montrent irréductibles à toute désignation, à toute affectation nominative, imposent une décomposition des systèmes de représentation. La période voit ainsi s’opérer un double démontage, du roman en récit, du récit en texte, une entreprise de défictionnalisation doublée d’une tentative de dénarrativisation, qui laisse circuler les énoncés à côté des catégories. Un événement historique d’importance comme Mai 68 n’ouvre pas en cela non plus de période spécifique mais convertit les enjeux en cours. Il suscite une dissension, au cœur des avant-gardes, entre une ligne de stricte observance formelle (le Nouveau Roman) et une pratique du dépassement messianique : Tel Quel réactive la charge historique de la littérature en lui assignant une ambition révolutionnaire d’ordre symbolique : libérer les consciences par la pratique d’un texte dérégulé, faisant flotter les systèmes de signification, flouant les modes d’échange institués, inventant des « volume(s) en perpétuelle désinsertion », selon Philippe Sollers. Paradoxalement, la marque la plus extrême du détachement formel (une textualité en roue libre) équivaut au degré d’implication historique le plus radical (la politique à pleins pavés).
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7Quatrième période : en cours, depuis la fin des années 1970. Un triple reflux en justifie la datation initiale ; une triple relance en assure le principe magnétique. Reflux littéraire d’abord, celui d’une certaine production, récits textuels et autres « mécrits », dont la veine se tarit autour de 1975, avec Eden, eden, eden... de Pierre Guyotat, (1974) ; Paysages de ruines avec personnages de Danielle Sallenave, (1975) ; Louve basse de Denis Roche, (1976) ; reflux esthétique, aussi, celui des avant-gardes, qui, fait nouveau depuis le début du dix-neuvième siècle, s’estompent (Tel Quel se saborde en 1982) ; reflux idéologique, enfin, celui des représentations téléologiques, appliquées à l’histoire comme à la littérature. Avec la défection des méta-discours légitimant les grandes disciplines du champ culturel (sciences, art, religion, politique), Jean-François Lyotard décèle, dans un ouvrage publié en 1979, les symptômes d’un nouvel âge qu’il nomme « post-moderne ». En même temps s’amorce une relance de l’activité créatrice, dans une direction ouvertement romanesque et autobiographique, selon une dynamique commune, à urgence narrative. En 1979 paraissent les premiers romans d’Echenoz (Le Méridien de Greenwich) et de Quignard, lequel écrit pourtant depuis dix ans (Carus), romans de la réorientation composés l’un et l’autre depuis une ligne de compromis, d’un côté un imaginaire à histoires qui entendent se laisser conter, de l’autre une mise à distance des rhétoriques du récit, qui entend préserver sa vertu critique. Le romanesque éprouve ainsi sa pleine puissance : décapé de toute bonne conscience, il n’est plus bloqué par des réflexes qui en contrarieraient le bon plaisir illusionniste. En ce domaine l’interdit est devenu, par décantation, une contrainte, intégrée par la fiction avec un effet roboratif : elle lui permet d’éviter un double conformisme, l’un néomoderniste (la déprise du roman au nom de ses arbitraires), l’autre académique (l’occultation totale de ses artifices au nom de la transparence du conte). Par ailleurs, en 1977, paraissent Fils et La Mort propagande. Serge Doubrovsky, auteur du premier, théorise ce qu’Hervé Guibert, auteur du second, ne cessera de pratiquer, l’autofiction. Le succès de ce terme témoigne du renouvellement des écritures autobiographiques, qui jouent la fable pour toucher le sujet authentique, énoncer à l’oblique les pressions de l’imaginaire et de l’inconscient, figurer les failles de la personnalité et de la mémoire. Fictions renaissantes et autofictions inventives : les événements historiques majeurs du temps polarisent ces orientations littéraires, en agissant sur leur dominante esthétique commune, le phénomène de renarrativisation. Le cumul des crises (économiques, géopolitiques, biologiques), le profil « Trente piteuses » de la période, chargent la narration d’une urgence anthropologique : un sujet inquiété, une humanité civile vulnérable tentent de se refonder, par récits interposés. Dans cette même dynamique de période, Paul Ricœur élabore le concept d’identité narrative, appliqué au collectif aussi bien qu’au subjectif. Pour cette raison aussi, la littérature se projette moins en avant, dans une volonté quelque peu débridée d’innovations, qu’elle ne s’interroge, parfois avec mélancolie, sur ses sources, les rassemble et les ressasse : aux romans d’introspection générique, qui réactualisent les traditions et les catégories de fiction les plus diverses, correspondent en cela les récits de soi généalogiques, qui convoquent familles et lignages, figures ancestrales et modèles symboliques (Pierre Michon, Pierre Bergounioux, Richard Millet, Jean Rouaud). Est-ce à dire pour autant que la littérature entre à reculons dans le vingt-et-unième siècle ? Il semble au contraire que cette spéculation en amont du temps des œuvres soit inventive, suscitant son propre objet plus que ne le ressuscitant : la lecture des Petits traités de Pascal Quignard suffit à en convaincre.
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8Cette tentative de périodisation générale appelle, pour conclure, deux séries de remarques, l’une portant sur sa relation à l’histoire, l’autre sur sa faculté interne d’historicisation. La période littéraire, si elle ne recoupe pas la période historique élémentaire, s’inscrit toutefois dans une durée culturelle. Évaluer les termes de leur interaction, c’est rendre compte d’une histoire au sens large, qui excède les périodes données parce qu’elle intègre l’écho des événements, leur puissance d’impression, leur seconde vie, tels que la littérature les médiatise et les réactive, participant de cette histoire même. Substituer au critère de la borne (les césures de l’histoire) celui du pôle (des temps attractifs de civilisation) est insuffisant, si l’on n’envisage pas aussi des cheminements à termes variables, des trajectoires différées, des phénomènes de refoulement et de résurgence, en d’autres termes toute une part de transpériodicité sans laquelle il n’est ni histoire ni littérature vives. Ainsi les récits de la Shoah échappent-ils depuis les années 1950 à toute assignation périodique en empruntant à chaque période quelques traits spécifiques de sa poétique dominante : variations existentielles du roman lazaréen ; déstructuration narrative et éclatement de la nomination, communes aux nouveaux romanciers et à certaines fictions d’Élie Wiesel, de Romain Gary, du Modiano des débuts ; manipulations oulipiennes de Pérec ; renarrativisation en souplesse maîtrisée, et en détresse contenue, des récits à histoires de Robert Bober.
9D’autre part, chaque macropériode trouve sa cohérence dans une certaine orientation des pratiques littéraires posée comme dominante, par rapport à laquelle l’ensemble des réalisations s’ordonne, selon un réseau de proximités ou d’écarts qui leur attribue leur position c’est-à-dire, à bien des égards, leur degré de reconnaissance et une mesure possible de leur propre temporalité. Comment éviter en ce domaine l’excès d’homogénéisation, les reliefs abusivement exhaussés, les écrasements coupables, sinon en historicisant aussi la période depuis sa propre hétérogénéité, en rendant compte des évolutions formelles déphasées et des temporalités jumelées, en évaluant ainsi les écarts et les dénivellations creusés, à même les œuvres et les genres, entre une coïncidence temporelle, des affinités esthétiques et le degré d’implication idéologique qu’elles recouvrent. Chaque période littéraire se caractérise aussi par la relation de force variable qui s’établit entre trois pôles de création, lui assurant en quelque sorte une histoire à trois vitesses : un pôle d’innovation (lui-même partagé entre une avant-garde radicale, qui rompt, et une mouvance subversive, qui détourne) ; un pôle de temporisation (partagé entre des écrivains-passeurs, qui accommodent les modèles, et des auteurs classiques, qui les accomplissent) ; un pôle de reproduction (partagé entre des académiques, qui répètent les conventions, et des mécanistes, qui appliquent des standards). Ainsi les œuvres d’une même période peuvent-elles s’ordonner selon un double principe : des temporalités formelles concurrentes, une axiologie esthétique dominante. De même, les périodes se succèdent moins par enchaînement que par maillage : des réseaux plus ou moins perceptibles les relient. Que l’on pense, par exemple, au travail de destitution fictionnelle et de contrevenance narrative accompli de façon singulière par Gracq, Blanchot, Louis-René des Forêts dès les années 40, tel qu’il prépare en partie le terrain du « Nouveau Roman ». Que l’on pense également au début du vingtième siècle et à sa délicate détermination : la pensée vitaliste, dont on a rappelé l’importance, puise en partie ses origines dans la philosophie nietzschéenne et les échos littéraires qu’elle rencontre dans les vingt dernières années du dix-neuvième siècle.
10Parce qu’elle se présente alors moins comme un fil qui se découpe que comme une trame qui s’enchevêtre, l’histoire de la littérature appelle une périodisation à l’identique, dont les différentes dispositions sachent se nouer entre elles. Cet ouvrage en fournit la judicieuse occasion.
Notes de bas de page
1 Conley (Tom), « Idéogrammes lyriques » (De la littérature française, sous la direction de Denis Hollier, p. 789, Paris, Bordas, 1992).
2 Gide (André), Morceaux choisis, 1921 ; cité par H. Massis, Jugements II, Paris, Plon, 1924, p. 75).
3 L’expression est empruntée à Viart (Dominique), Le Roman français au vingtième siècle, Paris, Hachette, 1999, p. 74).
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