Le roman d’Homère. II. Préliminaires
p. 45-89
Texte intégral
11. Vie 1,1 (début) : Recherches d’Hérodote d’Halicarnasse sur l’origine, l’époque et la vie d’Homère, où l’auteur s’est efforcé de parvenir à la plus grande exactitude.
2Ce premier élément du paratexte, qui n’a pas son équivalent dans les autres Vies, est à rapprocher du début des Histoires d’Hérodote :
Voici exposée l’enquête d’Hérodote de Thourioi1, pour que ce qu’ont fait les hommes ne soit pas effacé par le temps et que les exploits extraordinaires accomplis au grand jour, tant par les Grecs que par les barbares, ne restent pas sans gloire, avec en premier lieu ce qui les fit se combattre.
3Faut-il y voir les propos maladroits d’un faussaire ? Ce qui a déjà été rappelé à propos de Théognis, Phocylide, Anacréon, Pythagore et même Platon, sans oublier Hippocrate, invite à plus de modération. Et la notion d’auteur n’était pas, dans l’Antiquité, ce qu’en ont fait l’industrie du livre et la réglementation qui lui est liée. Écrire était moins devenir le créateur et propriétaire (ou copropriétaire) d’un objet pourvu d’une valeur marchande que s’inscrire dans une continuité, manifestée de la manière la plus évidente par le choix d’une langue particulière. C’est ainsi que l’ionien, l’ionien littéraire, celui d’Hérodote ou d’Hécatée, caractérisait un ouvrage supposant une recherche, comme la langue de la lyrique chorale ou celle de l’épopée permettait d’identifier immédiatement un certain type de poésie.
4Ces lignes qui, au seuil de la Vita Herodotea, assurent modestement la « fonction préfacielle2 », préviennent donc le lecteur qu’il va lire de l’Hérodote. Non pas obligatoirement une œuvre, retrouvée après tant de siècles, du vieil auteur d’Halicarnasse puis de Thourioi, mais le résultat d’une recherche où l’on « s’est efforcé de parvenir à la plus grande exactitude » : cette précision, apparemment superflue, achève de caractériser la Vita Herodotea, que la présence tutélaire du « père de l’Histoire » suffisait à distinguer des simples résumés de savants ou professeurs. Œuvre de compilation, certes, mais où se trouvent également des choses vues et entendues, et récit personnel, fruit d’un réel effort et de compréhension et de composition, elle est en effet la plus remarquable de l’ensemble.
Introduction
5 2. a. Vie III, 1 : Peut-être semblera-t-il présomptueux que l’on fasse de grandes recherches sur Homère, ses parents et sa patrie, alors que lui-même n’a pas jugé bon de parler de sa vie privée, en observant une réserve telle qu’il n’a même fait absolument aucune mention de son nom. Mais, puisque une grande expérience est utile pour la formation première de ceux qui commencent leurs études, tâchons de dire ce que les Anciens ont raconté sur lui.
6 2. b. Vie IV, 1 : Homère, qui par l’ancienneté passe avant la plupart des autres poètes, et avant tous par le talent, est celui que nous lisons, avec raison, le premier, en en tirant le plus grand profit pour la langue, la pensée et l’expérience de la réalité. Parlons de sa poésie, en rappelant d’abord, brièvement, son origine.
7Deux introductions où l’auteur, assurément un professeur de « grande expérience » sachant l’importance, pour ses élèves, de progresser dans les domaines de la langue, de la pensée et de « l’expérience de la réalité », est présent mais en retrait. Et cet enseignant, qui préfère le « nous » au « je », trop personnel, n’a pas d’autre prétention que de rappeler le roman d’Homère, tel que les « Anciens » l’ont rapporté, des « Anciens » auxquels il faut probablement joindre Plutarque. Quatre des neuf manuscrits du Sur Homère I préfèrent même l’intituler Sur la vie d’Homère, de Plutarque, ou Vie d’Homère de Plutarque. Une remarque, pour finir : malgré les titres, tardifs, qui viennent d’être rappelés3, parler d’Homère semble toujours avoir été d’abord parler de « ses parents et [de] sa patrie », de son « origine ». Le roman d’Homère est d’abord un roman des origines.
8 2. c. Vie V, 1-2 (début) : Les auteurs de vers épiques sont nombreux. Les meilleurs : Homère, Hésiode, Peisandros, Panyassis, Antimaque.
9 [2] Voyons donc Homère. Quelsjurent ses parents, sa patrie ? Il n’est pas facile de le dire clairement : lui-même n’en a soufflé mot ; quant à ceux qui ont parlé de lui, ils n’ont pas réussi à s’accorder, mais, comme son œuvre ne révélait rien d’explicite à ce propos, chacun s’est plu à dire ce qu’il voulait, en toute liberté.
10Cette introduction de Proclos, où la question des origines est à nouveau posée, retient surtout l’attention parce qu’elle reconnaît implicitement, comme allant de soi, l’identité de l’homme et de l’auteur, mais également l’heureuse liberté née de l’ignorance dans laquelle Homère nous a laissés. Car la science véritable est à la fois satisfaction de l’esprit et contrainte, contrainte d’une vérité qui nous est extérieure. Tout au contraire l’opinion, la δόξα/doxa, n’impose rien ; chacun, à commencer par son inventeur, l’admet ou rejette, comme il lui plaît. Elle est comme une science inférieure, incertaine, voire trompeuse, bien que relevant, d’après Aristote, de la même faculté4, mais heureuse et libre. Un roman tel qu’on en peut inventer à propos d’Homère n’est donc pas d’une autre nature qu’une biographie savante ; la différence n’est que de degré. Et le « plaisir du texte » — celui, par exemple, d’un récit à la manière d’Hérodote — vient compenser une certitude évidemment réduite. Toutefois l’importance de l’aspect formel n’est pas seule en cause, et la liberté romanesque s’accompagne d’une vertu remarquable, comparable à ce qui permit de dire la poésie, non pas plus philosophique que l’Histoire (ce qui n’a guère de sens), mais « quelque chose de plus profond et de plus précieux qu’une enquête historique5 » : le roman lui aussi, loin de juxtaposer des faits plus ou moins contingents, leur impose un ordre et une logique, en reliant un début à une fin, au double sens du terme, en montrant la cause finale que la suite ininterrompue des événements fait passer de la puissance à l’acte. Le récit (μῦθος/muthos) n’y est pas moins importante que dans une tragédie ou une épopée, un récit où « l’impossible vraisemblable est préférable à ce qui est invraisemblable et possible6 ».
11 2. d. Vie VII, 1 : Dire tout net, en affirmant, qu’Homère eut à coup sûr telle origine ou que telle cité fut la sienne est difficile. Je pense même que c’est impossible. Mais il est nécessaire d’énumérer les cités qui revendiquent la naissance du poète et de faire connaître sa généalogie discutée.
12Un début in médias res et trois mots essentiels : « difficile », « impossible », « nécessaire » (χαλεπόν, ἀδύνατον, ἀναγϰαῖον), avec la présence discrète d’un « je » — celui d’un savant ou demi-savant du xe siècle, si le copiste de la Vita Romana n’a pas repris un texte plus ancien —, qui constate à la fois une impossibilité et une obligation, apparemment contradictoires. Pourquoi énumérer des villes dont les prétentions s’annulent ? Pourquoi dire une « généalogie discutée » ? D’abord parce que le lecteur ne doit pas ignorer une tradition multiséculaire ; ensuite parce qu’une œuvre suppose un auteur, qui se confondrait lui-même avec un individu. Ces cités trop nombreuses, ces généalogies supposées, permettent de relier une fin connue, les poèmes homériques, à un début dont l’unique certitude est, ou plutôt serait, qu’il s’incarne dans un poète du nom d’Homère. Or, un tel auteur n’aurait pu disparaître sans laisser de souvenir. Et ce souvenir serait à l’origine d’une tradition locale, à moins que plusieurs traditions ne comportent une part de vérité, la difficulté, voire l’impossibilité, ne provenant pas d’un manque, d’une ignorance, mais d’un excès dû soit à la prétention de tant de cités ou d’individus, soit à l’abus, peut-être involontaire, du souvenir d’un séjour fait par le poète. Force est donc pour le savant ou le professeur qui ne prétend pas être un « Hérodote » reconstituant la vérité, sa vérité, de recueillir tout ce qui a été dit.
13 2. e. Eustathe de Thessalonique, Commentaire de l’Iliade, 4, 1.1720 (I, p. 6, 1. 4-7 Van der Valk) : Nous ne nous mêlerons pas non plus de l’origine d’Homère. D’autres en ont parlé, suffisamment nombreux pour que nous ne fassions pas mieux. Ou bien il faut dire seulement, très vite, qu’en se cachant lui-même, en ne disant pas qui il était et d’où il venait, le poète a excité les rivalités et s’est fait attribuer de nombreuses patries.
Les poèmes homériques
14Homère, pour nous, se confond avec son œuvre. Homère est l’auteur des poèmes homériques. Définition tautologique, mais la seule qui soit indiscutable, à laquelle on ne peut ajouter qu’une précision, elle-même tirée des poèmes homériques, le fait géographique évoqué dans l’introduction.
15Parlons donc, pour commencer, de ces poèmes. Il est question, dans la Vita Herodotea, d’œuvres composées à Smyrne (l’Expédition d’Amphiaraos contre Thèbes et les hymnes), à Phocée (la Petite Iliade et la Phocéenne), dans l’île de Chios, d’abord à Bolissos (les Cercopes, la Bataille des grenouilles, la Bataille des étourneaux, deux autres dont le titre est moins sûr, apparemment la Chèvre qu’on tondait sept fois7 et les Rieuses8), puis dans la ville de Chios (l’Iliade et l’Odyssée), et, pour finir, à Samos (le Four et l’Eirésiône)9. Le rédacteur de la Rivalité d’Homère et d’Ήésiode cite, quant à lui, le Margitès, la Thébaïde, les Épigones, l’Iliade et l’Odyssée, avec l’hymne à Apollon (ou sa première partie), ce à quoi la Souda ajoute la Prise d’Oikhalia (12. e.), et Jean Tzetzès les Chants cypriens (12. c.). Et l’on n’a pas oublié que des auteurs aussi importants que Callinos, Pindare, Cratinos, Hérodote, Thucydide, Platon, Aristote, Callimaque, Zénon de Kition, Pausanias ou, moins sûrement, Archiloque et Démosthène ont pu lui attribuer le Margitès, les Chants cypriens, la Thébaïde, la Petite Iliade, le Sac d’Ilion et la première partie de l’hymne à Apollon, voire les Épigones, au même titre que l’Iliade et l’Odyssée10.
16Ajoutons ces témoignages, en laissant de côté les brefs poèmes de circonstances qu’Homère aurait aussi composés, et que citent les Vies I et II :
173. a. Vie III, 5 (fin) : Il écrivit deux poèmes, l’Iliade et l’Odyssée, auxquels, d’après certains, qui se trompent, il ajouta, en guise d’exercice et d’amusement, la Bataille des grenouilles et des souris et le Margitès.
183. b. Vie IV, 4 : On a de lui deux poèmes, l’Iliade et l’Odyssée, divisés chacun en autant de chants qu’il y a de lettres, non par le poète lui-même, mais par les grammairiens de l’École d’Aristarque.
193. c. Vie V, 9 : Il est l’auteur de deux poèmes, l’Iliade et l’Odyssée, laquelle lui est enlevée par Xénon et Hellanicos. Cependant les Anciens lui attribuent également le Cycle, auquel certains ajoutent des amusements : le Margitès, la Bataille des grenouilles (ou Bataille des souris,), la Chèvre qu’on tondait sept fois ( ?)11, les Cercopes insouciants (?)12.
203. d. Vie VI, 6 : Ses poèmes non contestés sont l’Iliade et l’Odyssée. Il n’a pas écrit l’Iliade en une fois ou chant après chant, telle que nous la trouvons composée : les rhapsodies qu’il avait écrites et fait connaître de ville en ville séparément, abandonnées par lui, ont plus tard été rassemblées par beaucoup de gens, et surtout par Pisistrate, le tyran d’Athènes13. On lui attribue aussi d’autres poèmes : l’Histoire des Amazones, la Petite Iliade, les Retours, les Rieuses ( ?),...14 ou les ïambes, la Bataille des grenouilles et des souris, la Bataille des araignées, la Bataille des grues, les Potiers15, l’Expédition d’Amphiaraos, des badineries, la Prise d’Oikhalia, des chants de noces, le Cycle, des hymnes, les Chants cypriens.
213. e. Vie VIII, 2 (suite) : Il chantait ses poèmes en allant de ville en ville, et Pisistrate les réunit plus tard, comme le montre cette épigramme :
Trois fois je fus tyran, trois fois également je fus chassé
Par le peuple des Érechthéides, et trois fois je fus obligé de revenir,
Moi, Pisistrate, éminent dans les conseils, qui Homère
Ai rassemblé, ce que de façon dispersée, jusque là, on chantait de lui.
Car cet homme extraordinaire était notre concitoyen,
Si toutefois c’est bien nous, les Athéniens, qui avons fondé Smyrne 16 .
223. f. Vie IX, 3-4 : On ne doit considérer comme étant de lui que l’Iliade et l’Odyssée. Les hymnes et les autres poèmes qu’on lui attribue doivent être jugés inauthentiques, tant à cause de leur nature que de leur qualité. Mais seraient de lui, d’après certains, deux œuvres connues : la Bataille des souris et des grenouilles et le Margitès.
23 [4] Ses poèmes — ceux qui sont authentiques —, d’abord chantés morceau par morceau, furent rassemblés et mis en ordre par Pisistrate d’Athènes. C’est ce que montre l’épigramme connue gravée, à Athènes, sur sa statue. La voici :
Trois fois je jus tyran, trois fois également je fus poussé dehors
Par le peuple d’Érechthée, et trois fois je fus ramené par lui,
Moi, Pisistrate, éminent dans tes conseils, qui Homère
Ai rassemblé, ce que de façon dispersée, jusque là, on chantait de lui.
Cet homme extraordinaire était également notre concitoyen,
Si toutejois c’est bien nous, Us Athéniens, qui avons fondé Smyrne.
243. g. Vie X, v. 644 :
Les livres d’Homère sont au nombre de treize.
253. h. Hérodote, IV, 32 : Mais on trouve mention des Hyperboréens chez Hésiode comme chez Homère, dans les Épigones, si Homère est donc réellement l’auteur de ce poème.
26 3. i. Platon ( ?), Second Alcibiade, 147 c-d : Tu ne crois pas, je suppose, qu’Homère, le plus extraordinaire, le plus avisé des poètes, ignorait qu’il fût impossible de savoir mal — cela parce que, d’après lui, Margitès savait beaucoup de choses, mais, ajoute-t-il, les savait toutes mal. Il me semble parler à mots couverts, en utilisant « mal » (ϰακῶς) au lieu de « le mal » (τοῦ ϰακοῦ) et « savait » (ἠπίστατο) au lieu de « le savoir » (τοῦ ἐπίστασθαι). Cela donne donc une expression qui n’entre pas dans le vers, mais ce qu’il veut dire, le voici : il [Margitès] savait faire beaucoup de choses, mais il était mauvais, pour lui, de savoir tout cela.
273. j. Aristote, Poétique, 1448 b 28-1449 a 1 : D’aucun des prédécesseurs d’Homère nous ne sommes en mesure de citer un tel poème ; ils semblent pourtant avoir été nombreux. À partir d’Homère cela est possible, par exemple le Margitès de cet auteur et les poèmes du même genre. Là, son adéquation à ces sujets fit également s’imposer le vers iambique (aussi parle-t-on maintenant d’une poésie iambique), parce que l’on utilisait ce vers pour échanger des railleries. [...] De même qu Homère était par excellence le poète des sujets élevés, unique non point parce qu’il a composé avec talent, mais parce qu’en plus il a fait agir ceux qu’il représentait, il fut le premier à montrer une esquisse de la comédie, en donnant une forme dramatique non pas au blâme, mais au comique. Car le Margitès a un rapport — comme l’Iliade et l’Odyssée avec la tragédie —, un rapport, lui, avec la comédie.
28 3. k. Aristote, Titel 143, 1, 2, § 10 Gigon, p. 565 : Lycurgue fut à Samos, où, le premier, il s’empara chez les descendants de Créôphulos des poèmes d’Homère, qu’il introduisit dans le Péloponnèse 17 .
29 3.1. Callimaque, Épigrammes , VI Pfeiffer :
Je suis le travail du Samien qui, jadis, dans sa demeure le divin aède
A reçu 18 . Je célèbre Eurutos, tout ce qu’il a subi,
Et la blonde Ioléia. On me dit un poème
D’Homère. Pour un Créôphulos, Dieu bon, ce n’est pas rien !
303. m. Strabon, XIV, 1,18 : Créôphulos également était Samien. On dit qu’Homère fut un jour son hôte, aussi reçut-il de lui, en cadeau, le droit d’apposer son nom sur le poème appelé la Prise d’Oikhalia. Mais on trouve le contraire chez Callimaque, dans une épigramme : le poème, qui était de lui, fut dit d’Homère à cause du lien d’hospitalité dont il a été question. Certains disent qu’il fut le maître d’Homère, d’autres que ce ne fut pas lui, mais Aristéas de Proconnèse.
313. n. Dion de Pruse, LIII, 4 : Le philosophe Zénon a écrit également sur l’Iliade et d’Odyssée et à propos du Margitès. Il estime en effet que ce poème est une œuvre de jeunesse d’Homère, qui mettait à l’épreuve son don pour la poésie.
32 3. o. Martial, Épigrammes, XIV, 183 :
Lis toute l’histoire des grenouilles chantées dans la poésie maionienne,
Et apprends par mes fantaisies à dérider ton front.
333. p. Stace, Préface des Silves, 1 : Mais nous lisons le Moustique19 et acceptons aussi la Bataille des grenouilles, et il n’y a pas un poète illustre qui n’ait préludé à ses œuvres par quelque chose d’un style plus relâché.
343. q. Pausanias, IX, 9, 5 : On a également composé sur cette guerre une épopée, la Thébaïde. Lorsqu’il l’a mentionnée, Callinos a dit qu’Homère en était l’auteur, et beaucoup de personnes dignes d’intérêt ont été du même avis que lui. Ce poème est celui que, personnellement, je préfère, après l’Iliade et l’épopée d’Ulysse.
353. r. Harpocrarion, s. u. Μαργίτης : Eschine, dans le Contre Ctésiphon : « il [Démosthène] a donné à Alexandre le surnom de “Margitès” ». Marsyas le rapporte également, dans le livre V de son Histoire d’Alexandre, en disant qu’Alexandre était appelé « Margitès » par Démosthène. C’est ainsi qu’on appelait les imbéciles, à cause du Margitès attribué à Homère, un poème apparemment admiré par Callimaque.
363. s. Athénée, II, 65 a-b : Le petit poème épique attribué à Homère et intitulé Épikikhlides (Ἐπιϰιχλίδες)20 a reçu ce titre parce qu’Homère, lorsqu’il le chantait aux enfants, recevait en cadeau des grives (ϰίχλας/kikhlas), d’après ce que rapporte Ménaichmos dans son Sur les Artistes21.
373. t. Athénée, XIV, 639 a : Selon Cléarqué22, dans le deuxième livre du De l’Amour, les chansons d’amour et celles dites locriennes23 ne diffèrent en rien de celles de Sapphô et d’Anacréon ; de plus, les poèmes d’Archiloque et la plus grande partie des Rieuses d’Homère, de par leur forme métrique, ont un rapport avec [l’expression de ?] ces sentiments.
38 3. u. Jean Tzetzès, Allégories d’Homère , prologue, v. 79-85 :
Il a écrit, on se le rappelle, treize livres,
Le Margitès, la Chèvre24 et la Bataille des souris ;
La Bataille des Épigones est son œuvre, et la Thébaïde,
L’Oikhalia, les Cercopes, des hymnes aux dieux,
Les Sept contre Actios (?)25, les Rieuses ( ?),
Et nombre d’épigrammes, avec les chants nuptiaux,
Et l’Odyssée, elle-même inséparable de l’Iliade.
393. v. Eustratios de Nicée (xiie siècle), Commentaire de l’Éthique à Nicomaque (1161 a 14) : Pour témoigner de ce que celui qui est sage, dans l’absolu, est autre chose que le sage quelconque, il cite également un poème d’Homère intitulé Margitès. Mentionnent ce dernier, outre Aristote lui-même dans le premier livre de la Poétique, Archiloque, Cratinos et Callimaque, dans ses épigrammes, et ils attestent qu’il est d’Homère.
L'origine du poète
40On sait déjà que, pour Thucydide, Homère est le poète de Chios auquel est due la première partie de l’Hymne homérique à Apollon. Cette origine, si c’en est une — car l’expression peut désigner un poète vivant à Chios, mais né ailleurs —, est confirmée par Théocrite, qui parle, au iiie siècle avant J.-C., des « oiseaux des Muses » s’égosillant en vain « face au chantre de Chios26 », et déjà, moins sûrement, par Simonide, mais non par Alcidamas, pour qui le vieux poète était seulement l’objet d’honneurs particuliers dans l’île.
414. a. Vie I, 37 : Homère était éolien et non pas ionien ou dorien. Ce que j’ai dit précédemment le montre, mais lui-même permet également de le conjecturer : parmi les usages en vigueur cheles hommes, un poète d’une telle envergure, vraisemblablement, lorsqu’il travaille à son œuvre, peint les plus beaux qu’il ait trouvés ou ceux qui, chez lui, sont de tradition. Aussi, maintenant, jugez vous-mêmes en écoutant ses vers. L’acte sacrificiel qu’il a représenté est le mieux fait qu’il ait trouvé ou celui qui était de mise dans sa patrie. Et voici ce qu’il dit (Iliade, I, v. 459461) ;
Ils tinrent d’abord la tête en arriéré 27 , ils égorgèrent, ils dépecèrent ;
Ils découpèrent les cuisses et les recouvrirent de graisse,
Qu’ils passèrent sur les deux côtés, et sur elles ils mirent de la chair crue.
42Dans ces vers, pas un mot sur l’utilisation du bas du dos dans les sacrifices. En effet, seuls de tous les Grecs ceux qui appartiennent au peuple éolien ne brûlent pas le bas du dos. Et, dans ces autres vers, il montre également que, étant éolien, il usait comme de juste des coutumes éoliennes (Iliade, I, v. 462-463) :
Le vieillard les brûla sur le bois refendu ; dessus, le vin couleur de feu
Il versa. Les jeunes gens, à ses côtés, avaient en main les broches quintuples.
43Seuls, en effet, les Eoliens font rôtir les abats sur cinq broches ; les autres Grecs en utilisent trois. (Les Éoliens disent pempé pour pente [cinq]).
444. b. Vie II, 1-2 : Tous les hommes désirent faire leurs compatriotes d’Homère et Hésiode, les poètes les plus divins. Hésiode, en nommant sa patrie, a écarté toute dispute [...]. [2] Mais Homère, toutes les cités et leurs habitants, pour ainsi dire, prétendent qu’il est né chez eux. Les premiers furent les habitants de Smyrne : ils affirment que, né du Mélès, le fleuve du lieu, et de la nymphe Crèthèis28, il fut appelé d’abord Mélèsigénès. Plus tard, cependant, devenu aveugle, il fut rebaptisé Homère parce que l’usage était, chez eux, d’appeler ainsi ces personnes. Mais, de leur côté, ceux de Chios veulent fournir une preuve de ce qu’il est un des leurs en disant que, dans leur ville, subsistent même des personnes de sa famille, que l’on appelle les Homérides. Et les habitants de Colophon vontjusqu’à montrer l’endroit où, assurent-ils, alors qu’il enseignait à lire et à écrire, il se fit poète et, pour commencer, composa le Margitès.
45Ces dernières lignes ne s’accordent pourtant pas très bien avec le début du poème, dont l’auteur prétend lui-même être un vieillard :
Vint à Colophon un vieillard, un aède divin,
Serviteur des Muses et d’Apollon qui frappe au loin,
Tenant en ses mains une lyre aux doux sons 29.
46 4. c. Vie III, 4 : [...] Certains, toutefois, s’efforcent de démontrer qu’il était de Colophon. Ils voient une très grande preuve, qui appuie leur démonstration, dans les vers élégiaques gravés sur sa statue. Les voici :
Fils de Mélès, Homère, de gloire la Grèce tout entière
Et Colophon, ta patrie, tu as couvertes à jamais.
Et celles-ci, tes filles, sont nées de ton esprit quasi divin,
Pages écrites l’une et l’autre à partir de ce que tu as de plus profond :
L’une chante d’Ulysse le retour aux maintes errances,
Et l’autre la guerre des Dardanides, à Ilion.
47 Il convient également de ne pas omettre l’épigramme écrite par le poète Antipatros, qui ne manque pas d’allure. La voici :
Ta nourrice, Homère, les uns disent que ce fut Colophon,
Et d’autres la belle Smyrne, Chios
Ou Ios. Certains ont prétendu haut et fort que ce fut l’heureuse Salamine
Ou bien la Thessalie, mère des Lapithes.
Et d’autres en glorifiaient d’autres lieux. Mais, si de Phoibos
Il me faut dire publiquement la sage prophétie,
Ta patrie se trouve être le vaste ciel. Tu n’es pas né d’une femme
Mortelle : ta mère, ce fut Calliope 30 .
48 4. d. Vie IV, 2 : Pindare disait Homère de Chios et de Smyrne, mais Simonide le disait de Chios, Antimaque et Nicandre de Colophon, le philosophe Aristote d’Ios et l’historien Éphore de Cumè. Et certains n’hésitèrent pas à en faire un Chypriote de Salamine, un Argien ou (Aristarque et Denys le Thrace) un Athénien. Certains le disent fils de Maiôn et Crèthèis, d’autres du fleuve Mélès.
49 4. e. Vie V, 2 (suite) : C’est pour cela que les uns le prétendent de Colophon, et d’autres de Chios, Smyrne ou Ios ; d’autres encore de Cumè. D’une manière générale chaque cité revendique notre homme, aussi pourrait-on le dire avec raison citoyen du monde.
50 4. f. Vie VI, 2 : Même incertitude en ce qui concerne sa patrie, parce que la grandeur de son talent a complètement empêché de le croire mortel. Les uns le disaient originaire de Smyrne, d’autres de Chios, de Colophon, d’Ios, de Cumè ou de Troade (de la place de Kenkhréai), et d’autres de Lydie, d’Athènes, d’Egypte, d’Ithaque, de Chypre, de Cnossos, de Salamine, de Mycènes, de Thessalie, de Grande-Grèce, de Lucanie, de Gruneion 31 , de Rome ou de Rhodes.
51C’est l’énumération la plus complète, assortie d’une explication peu convaincante, mais confirmant l’étonnement des savants devant une pareille incertitude, trop exceptionnelle pour être justifiée par le seul éloignement dans le temps ou certaines prétentions. Trop de villes et autres lieux, cela revient à dire aucune ville, aucun lieu que l’on puisse retenir, au point qu’un doute radical s’est insinué dans les esprits, dès l’Antiquité : n’ignorerions-nous pas où naquit Homère tout simplement parce que ce lieu n’existe pas ? Un moderne en conclurait peut-être qu’il n’y eut jamais un individu, un grand poète du nom d’Homère ; rien de tel encore au vie (ou au xe) siècle. Cette existence est pour tous une évidence, aussi forte qu’un dogme : même aux xviie et xviiie siècles, la nier relève d’un athéisme que l’Église ne peut condamner, mais suscitant l’indignation des esprits les plus éclairés. Pas d’athéisme donc, mais au contraire un supplément de piété : Homère n’est pas né quelque part dans notre monde parce qu’il n’est pas de ce monde, parce qu’il est un demi-dieu (cf. 4. q., r., s., t. et la tradition lui prêtant un père et/ou une mère immortels), partagé entre deux natures, à mi-chemin entre le ciel et la terre.
524. g. Vie VII, 2 : Anaximène, Damastès et Pindare (le poète lyrique) déclarent qu’il est de Chios, comme Théocrite dans ses Épigrammes. Mais Damastès dit aussi qu’il est le descendant, à la dixième génération, de Musée. Quant à Hippias et Éphore, ils le prétendent de Cumè (Éphore le fait descendre de Khariphèmos, celui qui fonda Cumè). Et Timomachos, Aristote, le font venir de l’île d’Ios, tandis que, pour Antimaque, il est originaire de Colophon, et, pour Stèsimbrotos de Thasos, de Smyrne. Philochoros en fait un Argien, Calliclès un homme de Salamine de Chypre. Mais Aristodèmos de Nysa veut démontrer qu’il est romain en s’appuyant sur certaines coutumes n’existant qu’à Rome : d’une part le jeu de jetons (πεσσοί/pessoi), d’autre part l’usage, pour les inférieurs, de se lever de leur siège à l’arrivée d’un supérieur, coutumes qui subsistent encore à prisent cheζ les Romains. Et d’autres l’ont dit égyptien parce qu’il présente des héros qui se donnent des baisers, ce qui est un usage égyptien.
534. h. Vie VIII, 2 (début) : Sa patrie, les uns disent que ce fut Smyrne, d’autres Chios, Colophon ou Athènes.
54 4. i. Vie IX, 1 : [...] Quant à son origine, Pindare le dit de Smyrne, Simonide de Chios, Antimaque et Nicandre de Colophon, Bacchylide et le philosophe Aristote d’Ios, Éphore et les historiens de Cumè, Aristarque et Denys le Thrace d’Athènes. Mais on assure également qu’il est originaire de Salamine ou encore d’Argos, ou qu’il est un Egyptien de Thèbes.
55 4. j. Vie X, v. 626-628 :
Homère l’omniscient— la mer, celle des mots,
Mais une mer de nectar, non d’eau salée —,
Se voit allouer, dit-on, sept patries incertaines.
56Jean Tzetzès ne fait que reprendre une tradition connue (cf. 4. u. et v.). Et Lucien allait plus loin en parlant d’Ios, Chios, Colophon, Cumè, Smyrne, Thèbes d’Égypte et « mille autres villes » (5. k.), et même, en plaisantant, de Babylone, ce qui, il est vrai, s’accorde avec l’opinion d’un certain Zénodote, disciple de Cratès, et donc à distinguer de son homonyme alexandrin, d’après lequel Homère aurait été chaldéen32.
574. k. Méléagre de Gadara (environ 130 - 60 avant J.-C.), d’après Athénée, IV, 157 b : Méléagre de Gadara dit dans son ouvrage intitulé Les Grâces qu’Homère, parce qu’il était d’origine syrienne, a fait s’abstenir de poisson les Achéens, conformément à la coutume de ses ancêtres, alors qu’il y en avait une grande abondance dans la région de l’Hellespont.
58 4.1. Pausanias, X, 24, 2-3 : On peut observer aussi [dans le vestibule du temple d’Apollon, à Delphes] une statue d’Homère en bronze, sur une base. Et on lira la réponse que l’oracle, dit-on, fit à Homère :
Heureux et infortuné — car tu es né pour être l’un et l’autre —,
Tu veux connaître ta patrie, mais c’est une matrie que tu as, pas une patrie.
L’île d’Ios est la patrie de ta mère ; à ta mort, elle te recevra.
Mais fais attention à l’énigme des jeunes garçons.
59 Les habitants d’Ios montrent dans l’île un tombeau d’Homère et, ailleurs, un tombeau de Cluménè, en disant que celle-ci était la mère d’Homère. [3] Mais, pour ceux de Chypre — car eux aussi s’approprient Homère —, sa mère était Thémistô, une femme de leur pays 33 , et ils assurent qu’Euclos 34 a prédit en ces termes les circonstances de ta naissance d’Homère :
Et alors, dans la Chypre marine, sera un grand aède.
Thémistô, divine parmi les femmes, le mettra au monde dans la nature 35 ,
Et tris illustre il sera, loin de l’opulente Salamine.
Abandonnant Chypre avec courage, et mouillé par les vagues,
En chantant seul, le premier, les malheurs de la vaste Grèce,
Il sera immortel et toujours jeune à jamais.
60 Voilà ce que nous avons entendu et les oracles que nous avons lus, mais nous ne reprenons à notre compte, dans nos écrits, aucun de ces propos concernant la patrie dHomère, ou sur son époque.
61 4. m. Clément d’Alexandrie, Stromates, I, 15, 66 : La plupart du temps, on présente Homère comme un Égyptien.
62Peut-être y a-t-il quelque exagération dans ces propos, du iie siècle de notre ère. Mais tel personnage d’Héliodore — on l’a vu dans l’introduction — faire naître Homère dans la « Thèbes aux cent portes », comme d’autres (4. i. et q. ; 5. k.), alors que Diodore de Sicile (I, 97, 7) parle seulement de sa présence en Egypte.
63Sans prétendre à l’exhaustivité, voyons encore deux passages de Flavius Philostrate (première moitié du iiie siècle après J.-C.) et Eustathe de Thessalonique (xiie siècle), puis quelques épigrammes de l’Anthologie grecque :
64 4. n. Flavius Philostrate, Héroïcos , 44,1-3 (p. 57 L. de Lannoy) :
65— Mais la patrie d’Homère, vigneron36, et de qui il est né, l’as-tu demandé à Prôtésiléôs ? — Et même souvent, étranger. — Alors, pour lui ? — Il dit le savoir, mais comme Homère n’en a pas parlé, afin que les grandes cités fissent de lui un de leurs citoyens, et peut-être parce qu’un décret des Moires voulait que le poète donnât l’impression d’être apatride, ce ne plairait, selon lui, ni aux Moires ni aux Muses qu ‘il révélât ce qui a entouré Homère d’un supplément de gloire. Car le réclament toutes les cités, tous les peuples, capables de s’intenter mutuellement un procès à son propos, en s’assignant en justice pour Homère comme pour un de leurs citoyens.
66 4. o. Eustathe de Thessalonique, Commentaire de l ’Iliade, 4, 1. 2024 (I, p. 6, 1. 7-12 Van der Valk) : Il est en effet, selon le besoin de ceux qui le réclament, originaire d’Ios, de Smyrne, d’Athènes, égyptien ou bien italien. Mais les gens de Chios également participent à la dispute en avançant le témoignage constitué par les Homérides, ainsi qu’on les appelle, mentionnés aussi par Pindare. Et beaucoup d’autres s’approprient Homère. Ils en veulent l’exclusivité, se rengorgent de l’avoir pour concitoyen ou se vantent d’autres privilèges.
674. p. Anthologie palatine, VII, 5 (anonyme) :
Moi, Homère, en or vous aurez beau de votre marteau
Me dresser, parmi les éclairs enflammés de Zeus,
Je ne suis pas, je ne serai pas salaminien ; le fils de Mélès
Ne sera pas celui de Dèmagoras. Que la Grèce ne voie pas cela de ses yeux !
Prenez-vous-en à un autre poète. Quant à moi, Muses,
Et toi, Chios, pour les enfants des Grecs vous chanterez mes vers.
684. q. Anthologie palatine, VII, 7 (anonyme) :
Ci-gît le divin Homère, qui chanta toute la Grèce,
Alors qu’il était né de la Thèbes aux cent portes.
694. r. Anthologie palatine, 293 (anonyme) :
Qui, sur des pages, retraça la guerre de Troie,
Qui retraça la longue errance du fils de Laerte ?
Je ne trouve pas de nom, de cité qui s’imposent. Dieu du ciel,
N’est-ce pas de tes vers qu’Homère tient sa réputation ?
704. s. Anthologie de Planude, 294 (anonyme) :
Dans quelle patrie pouvons-nous l’inscrire citoyen, cet
Homère pour lequel toutes les cités tendent la main ?
Cela, on ne le sait pas. Mais, demi-dieu égal aux immortels,
Pour les Muses il a laissé une patrie et une famille 37 .
714. t. Anthologie de Planude, 295 (anonyme) :
Ce n’est pas la terre de Smyrne qui enfanta le divin Homère,
Ce n’est pas Colophon, astre de la voluptueuse Ionie,
Ce n’est pas Chios, l’Égypte fertile ou Chypre la sainte,
Ce n’est pas l’île escarpée qui du fils de Laerte est la patrie,
Ce n’est pas l’Argos de Danaos, Mycènes la cyclopéenne,
Ni la cité des descendants de Cécrops, à l’antique origine.
Car il n’est pas un produit de la terre, mais depuis le ciel les Muses
L’ont envoyé porter aux éphémères des présents désirables.
724. u. Anthologie de Planude, 297 (anonyme) :
Sept villes se querellent pour l’endroit où Homère a sa racine :
Cumè, Smyrne, Chios, Colophon, Pylos, Argos, Athènes.
734. v. Anthologie de Planude, 298 (anonyme) :
Sept villes rivalisaient pour l’endroit où Homère a sa racine savante :
Smyrne, Chios, Colophon, Ithaque, Pylos, Argos, Athènes.
744. w. Anthologie de Planude, 299 (anonyme) :
Tu es originaire de Chios ? — Non pas. — Alors, de Smyrne ? — Je m’en défends. — Cumè ou Colophon sont ta patrie, Homère ?
— Ni l’une ni l’autre. — Salamine est ta cité ? — Ce n’est pas d’elle Que je suis issu. — Alors, dis toi-même où tu es né.
— Je ne le dirai pas. — Pour quelle raison ? — Je suis sûr, en parlant franchement, De me faire haïr des autres.
75Terminons en rappelant que Strabon (XIV, 1, 37) put voir à Smyrne « une bibliothèque et l’Homèreion (Ὁμήρειον), un portique quadrangulaire où se trouve un sanctuaire d’Homère, avec sa statue », et rapporte qu’on y utilisait une pièce de monnaie en bronze également appelée homèreion. Huit villes ont en effet revendiqué par leur monnayage un rapport avec Homère : outre Smyrne, Chios (à partir du début du iiie siècle avant J.-C. ?), Colophon (dès le iiie siècle avant J.-C. ?), Cumè (depuis la période des Antonins), Ios (dès 307 avant J.-C. ou peut-être l’époque d’Alexandre), mais également Nicée (règne de Commode), Temnos (iiie siècle après J.-C.) et même, en Paphlagonie, Amastris (période des Antonins)38.
Ses parents et ancêtres
76Il a déjà été question du Mélès (4. b., c., d., p.), de Crèthèis (4. b.), de Maiôn (4. d.), de Cluménè et Thémistô (4.1.), de Dèmagoras (4. p.), de Musée et de Khariphèmos (4. g.).
77 5. a. Vie I, 1 (suite) - 3 (début) : Lorsque Cumè l’Ancienne, en Éolie, fut fondée, des gens appartenant à divers peuples grecs y vinrent, et entre autres, parmi ceux de Magnésie 39 , Mélanôpos fils d’Ithagénès, lui-même fils de Crèthôn 40 , qui, loin d’être opulent, n’avait guère de ressources. Ce Mélanôpos épousa à Cumè une fille d’Homurès. Il eut de cette union une petite fille, qui reçut le nom de Crèthèis. Mélanôpos mourut, ainsi que sa femme, non sans avoir confié sa fille à un homme auquel il était très lié, Cléanax d’Argos.
78 [2] Du temps passa. Il arriva que la jeune fille, qui s’était unie secrètement à un homme, fut enceinte. D’abord cela resta secret, mais lorsque Cléanax s’en aperçut, mécontent il fit venir Crèthèis et, sans témoin, lui adressa de grands reproches, en lui disant quelle honte ce serait aux yeux de ses concitoyens. Voici donc ce qu’il prévoit pour elle : les habitants de Cumè fondaient alors, justement, une ville au fond du golfe de l’Hermos, et Thésée leur avait imposé le nom de Smyrne pour perpétuer celui de sa femme, qui s’appelait Smyrne 41 (Thésée était l’un des Thessaliens qui avaient fondé Cumè, parmi les plus distingués ; il était fils d’Eumèlos, lui-même fils d’Admète, et très abondamment pourvu de biens). C’est là que Cléanax fit transporter Crèthèis, chez le Béotien Ismèniès, que le sort avait désigné pour faire partie des colons : il se trouvait être un de ses grands amis.
79[3] Du temps passa. Crèthèis, qui se rendait avec d’autres femmes à une fête, au bord du fleuve dit le Mélès, alors qu’elle était déjà sur le point d’accoucher, mit au monde Homère, non pas aveugle mais voyant, et donna au nouveau-né le nom de Mélèsigénès, en l’appelant ainsi à cause du fleuve.
80L’auteur assume pleinement la « fonction-auteur » hérodotéenne en racontant non pas comment les faits ont pu ou dû se produire, mais comment ils se sont produits, aucune modalisation ou précaution langagière ne venant atténuer son apparente certitude. Et il bannit tout merveilleux, toute présence du divin, en faisant du futur poète le fruit d’amours clandestines. Pourtant bien des faits, bien des noms surprennent, à commencer par la présence de Thésée, devenu thessalien pour l’occasion et petit-fils d’Admète42, ce qui permet de le situer dans le temps : il appartiendrait à la génération qui suivit celle des combattants de Troie. Mais le héros fondateur d’Athènes (à partir des bourgs de l’Attique, réunis en une grande cité) est également celui de Smyrne d’après Isidore de Séville (Étymologies, XV, 1, 39). Et Admète, Eumèlos sont cités dans l’Iliade ; Thésée lui-même à la fois dans l’Iliade et dans l’Odyssée. Quant à son épouse prétendue, Smyrne, ou plus exactement Smurna (Σμύρνα), elle doit ne faire qu’une avec l’Amazone du même nom qui se serait emparée d’Éphèse43, elle-même confondue avec celle, Antiopè, dont l’enlèvement, par Thésée, aurait entraîné l’invasion de l’Attique par ces guerrières.
81Ithagénès (De-droite-naissance, et donc Légitime ou Autochtone), Homurès, Cléanax (Seigneur-de-gloire), Ismèniès (Ismènien, c’est-à-dire originaire des rives de l’Ismènos, un fleuve de Béotie ?) semblent en revanche de pures inventions, s’il est vrai que Pausanias connaît un certain Mélanôpos de Cumè, qui composa un hymne sur les jeunes Hyperboréennes Ôpis et Hécaergè. Mais revenons à Homurès, le grand-père maternel de Crèthèis : est-ce un hasard si son nom, que l’on ne peut expliquer en grec44, devient, par l’interversion de ses deux dernières voyelles, Homerus, le nom latin d’Homère45 ?
82Quoi qu’il en soit d’une éventuelle connaissance du latin, fort possible au iie siècle de notre ère, nul ne pouvait prendre au sérieux de tels éléments. Et pourtant cette Vie d’Homère a retenu l’attention pendant des siècles, sans doute parce qu’elle ne se réduit pas au fil de la diégèse, mais possède une épaisseur, une densité remarquables. Des arrière-plans se profilent derrière son premier plan fictionnel. À commencer par un arrière-plan historique : la Grèce du temps du grand mouvement d’émigration vers l’Asie, avec ces gens de Magnésie (Mélanôpos), de Thessalie (Thésée), de Béode (Ismèniès), d’Argos (Cléanax), partis vers « Cumè l’Ancienne » — car l’auteur, s’il paraît oublier la Cumè chalcidienne, n’ignore pas l’existence de la ville campanienne, celle que nous appelons Cumes (Cumae, Cume ou encore Cyme). Et la fondation de Smyrne par des gens de Cumè peut n’être qu’une demi-contrevérité, la ville ayant d’abord été habitée par des Éoliens, dit Hérodote (I, 149-150 ; cf. I, 16), avant que des réfugiés venus de Colophon ne s’en rendissent maîtres par traîtrise46, demi-contrevérité qui permet de justifier le mélange de formes éoliennes et ioniennes dans la langue homérique et de rattacher Homère, par l’intermédiaire de sa mère, à la ville qui aurait été celle du père d’Hésiode47.
83Derrière l’Histoire apparaît donc la poésie épique, ou plus exactement en « vers épiques » (cf. 2. c.), dont lin courant revint, au moins fïgurément, vers la vieille Grèce rurale, alors qu’un autre s’épanouissait dans un monde nouveau et plus favorable. Mais aussi la légitimité et l’autochtonie liées dans le nom du grand-père, Ithagénès, ne sont pas moins remarquables que, peut-être, l’« œil noir » de Mélanôpos, à rapprocher de la « faute » de Crèthèis.
84Il semble également que l’on ait ici la confirmation du goût pour la « langue de bois » dont parle Paul Veyne à propos des mythes politiques :
Ils [les Grecs] faisaient un usage cérémoniel de l’aitiologie ; en effet, le mythe était devenu vérité rhétorique. On devine alors qu’ils éprouvaient moins de l’incroyance, à proprement parler, qu’un sentiment de convention ou de dérision devant le caractère convenu de cette mythologie. D’où une modalité particulière de croyance : le contenu des discours d’apparat n’était pas senti comme vrai et pas davantage comme faux, mais comme verbal. Les responsabilités de cette « langue de bois » ne sont pas du côté des pouvoirs politiques, mais d’une institution propre à cette époque, à savoir la rhétorique. Les intéressés n’étaient pas contre pour autant, car ils savaient distinguer la lettre et la bonne intention : si ce n’était pas vrai, c’était bien trouvé48.
85Tout cela était faux, mais tout cela était vrai, comme les discours inventés par Thucydide. La vérité du mythe, le vrai du faux, étaient suffisamment évidents et doivent l’être resté longtemps, en expliquant la faveur que la mythologie conserva dans l’enseignement byzantin : connaître les dieux antiques et leurs légendes, en ces temps très chrétiens, était à la fois se distinguer du vulgaire inculte et garder ouvert l’accès à une vérité, peut-être de nature allégorique, à laquelle on restait sensible. Eustathe, le savant archevêque de Thessalonique, ne se livrait donc pas seulement à un délassement de prélat érudit lorsqu’il composait, au xiie siècle, son vaste commentaire de l’Iliade et l’Odyssée.
865. b. Vie II, 3-5 (début) : A propos de ses parents aussi le désaccord est total entre les différents auteurs. Hellanicos et Cléanthe parlent de Maiôn, Eugaiôn de Mélès, Calliclès de Dmasagoras49, Dèmocritos de Trézène d’un marchand, Daèmôn, mais certains de Thamyras, et les Égyptiens de Ménémachos, un spécialiste de l’écriture sacrée. Certains citent même Télémaque, le fils d’Ulysse. Quant à sa mère, on a parlé de Métis, de Crèthèis, de Thémistè50, dTiugnèthô51 ou encore d’une femme dlthaque vendue par des Phéniciens52 et de la Muse Calliope, ou de Polucastè, la fille de Nestor.
87On lui donna pour nom Mélès, mais certains affirment qu’on l’appela Mélèsigénès, et d’autres Altès53. Il aurait dû le nom d’Homère, d’après quelques-uns, à ce que son père fut donné comme otage (ὅμηρος/homèros) par les Chypriotes aux Perses. D’autres assurent toutefois que ce fut à cause de la perte de sa vue. Car c’est ainsi que, chez les Eoliens, on appelle les aveugles.
88 Mais nous allons révéler ce que, d’après nos informations, la Pythie a dit sur Homère au temps du très divin empereur Adrien. Comme le souverain désirait savoir où et de qui Homère était né, elle vaticina de cette manière, en hexamètres :
Tu me demandes le lignage inconnu et la terre patrie
D’une Sirène immortelle. Sa terre en fait un homme d’Ithaque ;
Télémaque est son père et la fille de Nestor, Epicastè 54 ,
Sa mère. Elle mit au monde, parmi les mortels, un homme tout à fait omniscient 55 .
89 C’est cela le plus crédible, à cause de la personne qui a posé la question et de celle qui a répondu, d’autant plus que le poète a célébré son aïeul avec beaucoup d’éclat dans ses vers.
90 [4] Certains le disent plus vieux qu’Hésiode, d’autres plus jeune et de la même famille. Ils donnent cette généalogie : d’Apollon et Thoôsa, fille de Poséidon, naquit Linos, de Linos Piéros, de Piéros et de la nymphe Méthônè Oiagros, d’Oiagros et Calliope Orphée, d’Orphée Ortès, lequel engendra Harmonidès et celui-ci Philoterpès, père d’Euphèmos, père d’Épiphradès, père de Mélanôpos, qui fut le père de Dios et d’Apellaios. De Dios et Pukimèdè, fille d’Apollon, naquirent Hésiode et Ρersès, et d’Apellaios Maiôn. D’une fille de Maiôn et du fleuve Mélés naquit Homère.
91 [5] Mais on prétend également que leur talent culmina en même temps, si bien qu’ils se rencontrèrent 56 à Aulis, en Béotie, et rivalisèrent dans un concours.
92Présent sous le voile transparent du pluriel, le rédacteur anonyme de la Rivalité d’Homère et Hésiode, que l’allusion au « temps du très divin empereur Adrien » permet de situer à une date postérieure à 138, émet un avis, en refusant d’être un simple compilateur. Avis raisonnable, sur une réponse qui le paraît moins, faisant suite à une question qui, elle-même, peut étonner. Un empereur, fût-il aussi philhellène et amateur de poésie, n’avait-il pas d’autres interrogations ? Mais, authentique ou non, l’anecdote est intéressante en ce qu’elle prouve à quel point un auteur peut devenir l’enfant de son œuvre. Étrange inversion, ou plutôt surprenant brouillage, car ce fils reste le père du poème dont on a tiré son propre père. Tout se passe comme si l’œuvre ou la réalité, ou bien les deux à la fois, étaient poreuses, en permettant de passer d’un monde à l’autre.
93Ce passage est même heureux en ce qu’il permet de fonder de la manière la plus rigoureuse la réponse apportée à une vieille question, indépendamment du prestige du questionneur et de la voix qui lui répond, par un syllogisme implicite : (1) Homère a chanté les exploits d’Ulysse plus que ceux d’Achille, si longtemps retiré des combats ; (2) aussi doit-il lui être lié particulièrement, voire personnellement ; (3) donc, puisqu’il n’en peut être ni le père ni le fils, ni même le frère (Ulysse n’en eut pas), il en est le petit-fils : ce lien de parenté est le plus étroit qui reste. Réelle ou inventée, la réponse de l’oracle est supérieure à toutes les autres en ce qu’elle a été déduite d’une prémisse indiscutable ou supposée telle, puisqu’il s’agit du texte lui-même.
945. c. Vie III, 2-4 (début) : Éphore de Cumè, dans un ouvrage intitulé Histoire locale, s’efforce de montrer qu’il [Homère] était de Cumè. Apellès, Maiôn et Dios étaient, dit-il, des frères, appartenant à une famille de Cumè. Dios, à cause de ses dettes, émigra vers k bourg d’Ascra, en Béotie, où il épousa Pukimèdè et fut père d’Hésiode. Apellès mourut dans sa patrie, à Cumè, en laissant une fille du nom de Crithèis57, qu’il confia à la tutelle de son frère Maiôn. Mais celui-ci viola ladite jeune fille et, craignant la condamnation de ses concitoyens pour ce qui s’était passé, la donna en mariage à quelqu’un de Smyrne, Phèmios, un maître d’école. Et elle, qui fréquentait les bassins à laver le linge, le long du Mélès, mit au monde Homère sur le bord du fleuve. Aussi fut-il appelé Mélèsigénès. Le surnom d’Homère lui fut donné lorsqu’il perdit la me : c’est ainsi que les habitants de Cumè et les Ioniens appelaient les gens qui en étaient privés, parce qu’ils avaient besoin d’homèreuontes (όμηρεύοντες), c’est-à-dire de guides. Voilà pour Éphore.
95[3] Aristote, dans le troisième livre de la Poétique58, dit que, dans l’île d’Ios, au moment où Nèleus, fils de Codros, emmenait ceux qui allaient coloniser l’Ionie, une jeune fille du pays fut enceinte de l’un des génies participant au chœur des Muses ; elle en eut honte en voyant s’arrondir son ventre et se rendit dans un lieu appelé Égine. Des pirates y firent une incursion et réduisirent en esclavage ladite jeune fille, qu’ils conduisirent à Smyrne, alors au pouvoir des Lydiens, où ils l’offrirent au roi de Lydie, Maiôn, qui était leur ami. Celui-ci chérit la jeune fille à cause de sa beauté et l’épousa. Elle se promenait auprès du Mélès lorsque, surprise par les douleurs de l’enfantement, elle mit au monde Homère sur le bord du fleuve. Maiôn reçut l’enfant et l’éleva comme s’il était sien, car Crithèis mourut tout de suite après la naissance. Maiôn mourut lui-même peu de temps après. Lorsque les Lydiens, sous la pression des Éoliens, eurent décidé de quitter Smyrne59, leurs chefs demandèrent par la voix du héraut à qui voudrait les accompagner de quitter la ville. Quoiqu’il fût encore un petit enfant, Homère dit que lui aussi voulait les accompagner (όμηρεῖν/homèrein). C’est pourquoi on l’appela Homère, et non plus Mélèsigénès.
96[4] Parvenu à l’âge adulte, et alors que son talent poétique lui valait déjà de la considération, il [Homère] demanda au dieu qui étaient ses parents et quelle était son origine. L’oracle fit cette réponse :
L’île d’Ios est la patrie de ta mère ; à ta mort, elle te recevra.
Mais fais attention à l’énigme des jeunes hommes.
(On cite également un autre oracle, que voici :
Heureux et infortuné — car tu es né pour être l’un et l’autre —,
Tu veux connaître ta patrie, mais c’est une mairie que tu as, pas une patrie,
Une cité-mère dans une île, de la vaste Crète,
Terre de Minos, ni proche ni éloignée.
C’est là que ta destinée est d’achever ton existence,
Lorsque tu ne comprendras pas, malgré ton attention, venu de bouches enfantines
Un chant difficile à saisir, exprimé en paroles obliques.
Car une double part de vie t’a été accordée : l’une privée de la lumière
Des deux soleils 60 , l’autre égale à celle des immortels,
Pour toi vivant et pour toi défunt, défunt qui longtemps ignorera la vieillesse.
97La fin du passage, dans laquelle nous avons préféré voir une parenthèse, semble due à l’intervention du pseudo-Plutarque, et le simple choix de résumer parallèlement un grand historien et un grand philosophe du ive siècle, dont on ne sait quelle foi il attachait à ces propos, indique une présence et une volonté, la présence d’un savant modeste et sa volonté de confronter deux récits que recommandait la qualité de leurs auteurs, mais correspondant à deux genres différents, quoique proches : l’historiographie locale et la biographie. Or, dans un cas comme dans l’autre, c’est bien un roman que nous trouvons, avec dans le second récit tous les ingrédients du genre, sans oublier les pirates (mais des pirates fréquentables, amis d’un roi). Et l’importance, chez tous ces personnages, des bons sentiments témoigne d’un besoin nouveau, auquel répond aussi, à la même époque, la Comédie nouvelle.
98Le roman d’Homère existait donc bien déjà au ive siècle, foisonnant en multiples variantes. A cause d’un autre besoin, celui de savoir d’où venaient les poèmes auxquels était attachée l’identité d’un peuple désormais plus conscient de son unité, face à des peuples barbares que l’on commençait à mieux connaître. Mais on ne pouvait répondre à ce besoin qu’en joignant les ouvertures permises par l’imagination, voire la divination (d’où les deux oracles), à la cohérence d’un récit qui témoigne au moins d’une certitude parfaitement fondée : l’origine d’Homère est à chercher, à une date très ancienne, dans « l’aimable Maionie », souvent incarnée par un certain Maiôn. Né en terre étrangère d’une mère séduite ou forcée, il a donc une « matrie » bien plus qu’une patrie ; Homère ne connaît pas son père, qui n’est pas un humain ou ne s’est pas conduit humainement ; celui qui l’élève n’est qu’un père de substitution.
995. d. Vie V, 3-4 : Ceux qui le déclarent de Smyrne assurent que son père est Maiôn et qu’il fut engendré61 au bord du fleuve Mélès, ce qui lui valut aussi le nom de Mélèsigénès ; mais, donné en otage à des gens de Chios, il fut appelé Homère (« Otage »). Les autres attribuent ce nom à sa perte de la vue, les aveugles étant appelés « bomères » par les Éoliens.
100 [4] Mais Hellanicos, Damastès et Phérécyde font remonter son origine jusqu’à Orphée. D’après eux, Maiôn, le père d’Homère, et Dios, celui d’Hésiode, étaient fils d’Apellis, fils de Mélanôpos, fils d’Épiphradès, fils de Khariphèmos, fils de Philoterpès, fils d’Idmonidès, fils d’Eucléès, fils de Dôriôn, fils d’Orphée. Et Gorgias de Léontinoi en fait un descendant de Musée.
101 5. e. Vie VI, 1 : Homère (le poète) : fils du Mélès, le fleuve de Smyrne, et de la nymphe Crithèis d’après Castricios de Nicée ; pour d’autres, d’Apollon et de la Muse Calliope. Selon l’historien Charax, son père est Maiôn et sa mère Eumètis. Mais d’autres parlent de Télémaque, le fils d’Ulysse, et de Polucastè, fille de Nestor. Voici sa généalogie d’après l’historien Charax : d’Aithousa, une femme de Thrace, naquit Linos, dont est issu Piéros, et de celui-ci Oiagros, père d’Orphée, père de Drès, père d’Eucléès, père d’Idmonidès, père de Philoterpès, père d’Euphèmos, père d’Épiphradès, père de Mélanôpos, père d’Apellès, père de Maiôn, lequel vint à Smyrne en même temps que les Amazones, épousa Eumètis, fille d’Euépès, lui-même fils de Mnèsigénès, et engendra Homère.
102Charax de Pergame, que l’on ne sait pas bien situer (entre le iie et le ve siècle de notre ère), fait donc remonter la généalogie du poète plus haut que ne l’avaient osé Hellanicos, Damastès et Phérécyde en ajoutant le père d’Orphée, Oiagros, son grand-père, Piéros, dont une fausse étymologie avait fait le père des Piérides (autre nom des Muses), mais aussi Linos, le maître de musique d’Héraclès, et Aithousa (« Ardente » ; cf. αἴθειν/aithein, « allumer, faire brûler »).
103Ce dernier nom, le féminin de celui (Aithôn) qu’Ulysse prend lui-même dans le chant XIX de l’Odyssée (v. 183), par ailleurs assez proche de Thoôsa (« Rapide », mais aussi, semble-t-il, « Brillante » : cf. θοός et le verbe θέειν/théein) — ainsi appelait-on souvent la fille de Poséidon qu’Apollon aurait rendue mère de Linos (cf. 5. b., § 4) —, retient l’attention. Bien plus qu’Euphèmos (« Bien-parlant », « Qui-prononce-des-paroles-de-bon-augure »)62, proche de Khariphèmos, ou même que Drès, dont on ne voit pas le rapport avec Dôriôn et Ortès, qu’il remplace pour désigner le fils d’Orphée, sans oublier Apellès, forme masculine attendue au lieu d’Apellis (et Apellaios dans la Rivalité d’Homère et Hésiode [toujours 5. b., § 4]). Non pas seulement parce que la « Rapide » cède ainsi la place à l’« Ardente », mais parce qu’à l’origine de la lignée du poète se trouverait une femme, et non pas un homme ou un couple tel qu’Apollon et Thoôsa. La remarque est naturellement à rapprocher de ce qui a été dit à propos d’Apellis, dans l’introduction, et surtout de la « matrie » d’Homère (5. c., § 4)
104Autre changement : une certaine Eumètis (« Prudente »), fille de « Bien-Parlant » (Euépès) et petite-fille de « Celui-qui-se-souvient-de-sa-race (ou de-son-origine) » (Mnèsigénès) est la mère du poète qui devait illustrer toutes ces qualités. Et si son père reste Maiôn, celui-ci n’est plus un roi de Lydie ni un habitant de Smyrne, mais un homme venu on ne sait d’où, à l’époque des Amazones. D’où la conclusion, l’invasion de ces dernières63 ayant eu lieu, croyait-on, à l’époque de Thésée, dont la généradon était antérieure à celle de la guerre de Troie64, qu’Homère aurait été un contemporain, au moins approximatif, d’Achille et Ulysse.
105 5. f. Vie VII, 3 : Son père, d’après Stèsimbrotos, est Maiôn, fils d’Apellis, et sa mère Hurnèthô 65 ou Crèthèis. Mais Deinarchos parle de Crèthôn, Dèmocrinès d’Alèmôn, et la plupart du Mélès, le fleuve voisin de Smyrne, que la brièveté de son cours fait se jeter aussitôt dans la mer toute proche. Et, dit Aristote, les habitants d’Ios racontent qu’Homère est le fils d’un génie qui participait au chœur des Muses.
106Une remarque, justifiée par la présence, à quelques lignes d’intervalle, d’un certain Alèmôn (« Errant ») et d’un génie ou, si l’on préfère, d’un daimôn (δαίμων)66 dansant avec les Muses (cf. 5. c., § 3), que tout invite à rapprocher du Daèmôn (« Savant ») cité dans un texte précédent (5. b., § 3). Dès l’époque hellénistique, l’iotacisme avait entraîné, dans la langue parlée, une confusion plus ou moins complète entre δαήμων et δαίμων, tandis que, dans l’écriture onciale, une autre confusion, entre ΔΑΗΜΩΝ et ΑΛΗΜΩΝ, était facile : bien des fautes, dans les manuscrits grecs, n’ont pas d’autre origine qu’une mauvaise lecture née de la ressemblance de lettres telles que A, Δ et Α. ΑΛΗΜΩΝ provient de ΔΑΗΜΩΝ, et celui-ci de ΔΑΙΜΩΝ, l’évolution phonétique, puis une mélecture, jointes à une tendance au rationalisme, incarnée par Evhémère de Messène dans la première moitié du iiie siècle avant J.-C., et déjà par Xénophane de Colophon (vers 570 - vers 480), ayant fait d’une divinité secondaire, en laquelle on avait peine à croire, un humain, savant ou errant comme l’étaient souvent les aèdes et rhapsodes.
1075. g. Vie VIII, 1 (début) : Le poète Homère était le fils, d’après certains, de Maiôn et Hurnèthô ; d’après quelques autres, celui du fleuve Mélès et de la nymphe Crithèis. On fait également remonter son originejusqu’à la Muse Calliope.
1085. h. Vie IX, 1 (début) : Le poète Homère avait pour père Mélès, et pour mère Crithèis.
109 5. i. Vie X, v. 629-632 :
Sept pères pour sa génération, également incertains.
Mais toi, sache qu’Homère était de Smyrne,
Parce que fils du Mélès et de Crithèis.
Je renonce à dire ce qui, dans sa naissance, est plus fabuleux.
110 5. j. Critias, 88 B 50 Diels-Kranz (= Philostrate, Vies des sophistes, préface) : Car je sais également que le sophiste Critias 67 ne commençait pas par les ancêtres. D’Homère seulement il fit mention avec son père, parce qu’il allait montrer un prodige : le père d’Homère était un fleuve.
111 5. k. Lucien (ou pseudo-Lucien), Éloge de Dimosthène, 9 : [...] Le reste, en ce qui le concerne, n’est pas clair (sa patrie, sa famille, son époque). Si l’on avait, du moins, quelques lumières sur cela,
Point n’existerait chez les hommes la querelle des disputeurs 68 ,
112 car pour patrie on lui donne Ios, Colophon, Cumè, Chios, Smyrne, Thèbes d’Égypte et mille autres villes, et pour père le Lydien Maiôn ou un fleuve, parce que l’on préfère aussi le nom Mélèsigénès à celui qui est usuel. Sa mère, dit-on, était la fille de Mélanôpos ou une nymphe des eaux, s’il n’avait pas une origine humaine, et son époque celle des héros ou des Ioniens. On ne sait même pas bien comment, par rapport à celui d’Hésiode, se situait le temps de sa vie. Son sort fut la pauvreté, ou il souffrit d’une maladie des yeux.
1135. 1. Eustathe de Thessalonique, Commentaire de l’Odyssée, 1713, 1.17-19 : Alexandre de Paphos raconte qu’Homère est fils des Égyptiens Omasagoras et Aithrct69, et que, pour nourrice, il eut une prophétesse, la fille d’Oros (un prêtre d’Isis) ; de ses seins coulait du miel dans la bouche de l’enfant.
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* *
114Terminons en voyant quel modèle de description put donner un « sophiste » du iiie siècle après J.-C., Philostrate de Lemnos :
115 5. m. Philostrate, Tableaux, II, 8 : Celle [L’histoire] de l’Énipeus, et comment Tyrô aima son eau, Homère le raconte 70 . Il dit la ruse inventée par Poséidon et l’éclat de la vague sous laquelle était la couche. Voilà un autre récit, d’origine non point thessalienne, mais ionienne.
116Crithèis, en Ionie, aime le Mélès. Celui-ci, qui a pris l’aspect d’un jeune homme, est montré tout entier au spectateur : il se jette dans la mer là où il prend sa source71. Elle boit sans avoir soif, prend l’eau dans ses mains, s’entretient avec elle, dont le bruissement est comme une causerie ; dans cette eau elle verse des larmes d’amour, et le fleuve, qui rend son amour à Crithèis, est heureux qu’elles se mêlent à lui. [2] L’un des charmes du tableau est dû au Mélès lui-même, sur un lit de safrans, de lotus et de jacinthes. Il est heureux d’être dans la fleur de la jeunesse, offre un aspect gracieux et juvénile, quoique non dépourvu de sagesse : on dirait que les yeux du Mélès examinent quelqu’une de ses créations72. Encore un trait charmant du Mélès : il ne fait pas jaillir des flots impétueux, comme les fleuves brutaux habituellement représentés, mais du bout des doigts gratte la terre et tend sa main à l’eau qui sourd silencieusement. Et l’on voit que, pour Crithèis, il est à la fois de l’eau et un rêve à côté duquel elle est, comme on dit, assise. [3] Mais non, Crithèis, tu ne rêves pas, et ce n’est pas dans de l’eau que tu graves cet amour. Le fleuve t’aime, je le sais bien, et pour vous imagine une chambre, en soulevant le flot qui couvrira votre couche. Si tu ne me crois pas, je vais te dire aussi comment est fabriquée la chambre : légère, une brise s’est glissée sous le flot qui, par son œuvre, est arrondi, se met à retentir et devient aussi éclatant. Car en se réfléchissant le soleil vient colorer l’eau qui s’élève.
117 [4] — Pourquoi donc m’agrippes-tu, garçon ? Pourquoi ne me laisses-tu pas raconter le reste du tableau ? Si tu veux, décrivons également Crithèis, puisque tu dis apprécier que le récit s’égare de ce côté. Parlons-en donc. Gracieuse est sa silhouette, et tout à fait d’une fille d’Ionie. Mais la pudeur vient s’ajouter à sa beauté : y suffit la coloration de sa joue. Ses cheveux, ramenés sous l’oreille, sont de plus ornés par une mantille teinte en pourpre, cadeau, je suppose, d’une Néréide ou d’une Naïade. Il est vraisemblable, en effet, que ces déesses dansent ensemble pour le Mélès, qui leur offre ses sources non loin de son embouchure. [5] Son regard est si doux et franc que les larmes elles-mêmes ne peuvent en altérer la bienveillance. Et son cou est encore plus agréable parce que sans ornement : chaînes, éclat des pierres, colliers mettent en valeur, et des plus agréablement, les femmes qui ne sont ni très belles ni très laides et, ma foi, contribuent à leur beauté. Mais, sur les femmes laides ou trop belles, leur effet est contraire : ils soulignent la laideur des premières et détournent la me des secondes. Examinons ses mains : ses doigts sont délicats, longs et de la même blancheur que son avant-bras. Tu le vois également, cet avant-bras paraît plus blanc du fait de la blancheur de son vêtement, au travers duquel resplendit la beauté de ses seins firmes.
118 [6] Mais que font ici les Muses ? Que font-elles aux sources du Mélès ? Lorsque les Athéniens s’en furent coloniser l’Ionie, les Muses guidèrent leur flotte. Elles avaient pris, pour cela, la forme d’abeilles. Car elles se plaisaient en Ionie, où l’eau du Mélès est plus douce que celle du Céphise et de l’Olmeios. Tu les rencontreras donc un jour dansant aussi là-bas. Pour l’heure, elles filent pour Homère sa naissance, selon la décision des Moires, et, par l’entremise de son fils, le Mélès fera rouler au Pénée des flots d’argent, donnera au Titarèsios la légèreté et la fécondité, fera l’Enipeus divin et l’Axios tris beau ; il fera même du Xanthos un rejeton de Zeus, et de l’Océan celui dont procèdent tous les fleuves.
119On sait l’importance des ekphraseis (εκφράσεις) de ce genre dans un roman tel que Leucippè et Clitophon, d’Achille Tatius — le point de départ, la justification du récit est même une remarque faite à haute voix en contemplant un tableau —, et les Pastorales de Longus (Daphnis et Chloè) ne sont qu’une très longue ekphrasis, la description et l’explication d’un autre tableau, vu dans un bois consacré aux Nymphes, à Lesbos.
120Et de fait, c’est bien l’ébauche d’un roman, au sens étroit du mot, digne de figurer à côté de ceux de Chariton, Héliodore, Longus, Xénophon d’Éphèse, Achille Tatius, qu’a donnée Philostrate. Ébauche prometteuse, mais jamais achevée, bien que l’auteur de la Rivalité d’Homère et Hésiode en donne une autre partie, avec le « duel » des deux poètes, et que la Vita Herodotea soit comme le long résumé d’un roman dont plus d’un élément était également dans le Sur les Poètes d’Aristote.
121Le romanesque, déjà si présent dans la littérature grecque du ive siècle, et même de la seconde moitié du ve, ne pouvait pas, en effet, ne pas se donner libre cours ici : l’ignorance quasi totale de tant d’hommes, pourtant si désireux de connaître un poète qui était surtout un maître, la suprême référence et une part majeure de leur identité, devait se dissoudre, ou du moins s’atténuer, dans un épanchement fictionnel dont les débuts apparaissent au vie, voire au viie siècle. Besoin de savoir ou faire semblant de savoir, fut-ce en acceptant la « langue de bois » évoquée plus haut, besoin non pas seulement d’une réponse, mais d’une révélation complète parce que devenue chair, incarnée par un homme exceptionnel et pourtant proche de tous les autres, au point d’être incapable de résoudre la devinette de jeunes pêcheurs et d’en mourir, tout appelait la constitution d’un roman, de ce que Louis Aragon put intituler un « mentir-vrai »73.
Son époque
122Il en a été question incidemment dans les textes 5. a., § 2 (peu après la fondation de Smyrne), 5. c., § 3 (peu après la colonisation de l’Ionie, ou plus précisément de Milet, sous la conduite de Nèleus, colonisation qui, d’après le Marbre de Paros, aurait eu lieu en 1086/1085 ou 1076/1075) et 5. k., dont on rapprochera le texte 10. c., § 16. Et l’on sait qu’Hérodote ne devait pas faire remonter Homère au-delà du milieu du ixe siècle avant J.-C. Quant à savoir s’il était plus jeune ou plus vieux qu’Hésiode, ou son contemporain, les avis divergeaient, ainsi qu’en témoigne notamment Sénèque74.
123 6. a. Vie I, 38 : Voilà donc pour son origine, sa fin et sa vie. Quant à l’époque d’Homère, un examen attentif et juste permet de la calculer à partir de ce qui suit : depuis l’expédition vers Ilion, rassemblée par Agamemnon et Ménélas, cent trente ans se sont écoulés jusqu’à l’organisation de Lesbos en cités (il n’y en avait pas auparavant). Depuis l’organisation de Lesbos jusqu’à la fondation de Cumè dite l’Éolienne ou la Phricônienne, vingt ans.
124 Depuis la fondation de Cumè jusqu’à celle de Smyrne par des gens de Cumè, dix-huit ans. Et c’est alors que naît Homère. Depuis la naissance d’Homère six cent vingt-deux ans se sont écoulés jusqu ‘à la traversée, de l’Asie vers l’Europe, que fit Xerxès lors de son expédition contre les Grecs, en reliant les deux rives de l’Hellespont. A partir de cela il est facile de calculer son temps, ή on le veut, d’après les archontes athéniens. Homère est né cent soixante huit ans après les événements de Troie 75 .
125 6. b. Vie III, 5 : Il a vécu, d’après certains, à une époque qui est celle de la guerre de Troie, dont il fut même un témoin oculaire. Mais d’autres disent cent ans après la guerre, et d’autres cent cinquante ans.
126 6. c. Vie IV, 3 : Comme son origine, l’époque où il vécut est incertaine. Ceux de l’école d’Aristarque assurent que ce fut au temps de la colonisation ionienne, laquelle est datée de soixante années après le retour des Héraclides. Or, l’affaire des Héraclides est postérieure de quatre-vingts ans aux événements de Troie. Mais ceux de l’école de Cratès disent qu’il vécut avant même le retour des Héraclides, ce qui l’éloigné de moins de quatre-vingts ans des événements de Troie. Cependant la plupart du temps on croit qu’il a vécu cent ans après ces événements 76 , guère avant l’institution des Jeux olympiques, point de départ du calcul du temps par olympiades.
127 6. d. Vie V, 6 (fin) - 7 : Il y a des gens qui l’ont présenté comme un cousin d’Hésiode, parce qu’ils ne connaissent pas bien la poésie. Car ils [Hésiode et Homère] sont aussi loin d’avoir un lien de parenté que leur poésie est loin d’être semblable. D’ailleurs, ils ne sont même pas contemporains, et ce sont de pitoyables auteurs qui ont imaginé cette inscription votive :
Hésiode aux Muses de l’Hélicon l’a consacré
Après son chant victorieux, à Chalcis, du divin Homère.
128En fait, ils ont été égarés par les Travaux d’Hésiode77, où la signification est différente.
129[7] Son époque : ceux de l’école d’Aristarque assurent que ce fut au temps de la colonisation ionienne, laquelle est datée de soixante années après le retour des Héraclides. Or, l’affaire des Héraclides est postérieure de quatre-vingts ans aux événements de Troie. Mais ceux de l’école de Cratès le font remonter jusqu’au temps de la guerre de Troie.
1306. e. Vie VI, 4 : Il est ne78 cinquante-sept ans avant la célébration des premiers jeux olympiques. Porphyre, toutefois, dans son Histoire savante, dit cent trente-deux ans. Or, ces premiers Jeux furent célébrés quatre cent sept ans après la prise de Troie79. Certains racontent qu’Homère est né cent soixante ans seulement après la prise d’Ilion, mais Porphyre, déjà nommé, parle de deux cent soixante-quinze ans.
131 6. f. Vie VII, 4 : En ce qui concerne l’époque de son apogée, voici ce que Ton dit : Héraclide déclare qu’il est plus vieux qu’Hésiode, mais Pyrandros et Hypsicratès d’Amisos en font son contemporain. Cratès de Mallos situe sa maturité soixante ans après la guerre de Troie, Ératosthène cent ans après la colonisation ionienne, mais Apollodore quatre-vingts ans après.
132 6. g. Vie IX, 2 : Son époque : il est, d’après certains, antérieur au retour des Héraclides, ce qui lui permit de connaître ceux qui avaient participé à l’expédition contre Ilion, quatre-vingts ans s’étant écoulés entre les événements de Troie et le retour des Héraclides. Mais cela n’est pas vraisemblable. En effet, Homère montre lui-même qu’il est venu bien des années plus tard lorsqu’il dit :
Mais nous, nous n’entendons qu’une rumeur, nous ne savons rien 80 .
D’après certains, cent cinquante ans le séparent de la colonisation ionienne.
1336. h. Vie X, v. 645-650 :
Son époque était contemporaine de deux expéditions,
Contre Thèbes et contre Troie, croit-on souvent.
Mais Apollodore, l’auteur de la Chronique, dit
Qu’il atteignit la maturité quatre-vingts ans après la bataille troyenne.
Hésiode, lui, connut son apogée, d’après ce que j’ai trouvé chez d’autres auteurs,
Pendant la onzième olympiade 81 .
134Quelques autres témoignages, à commencer par celui du Marbre de Paros, en 264/263 avant J.-C. ou aussitôt après :
135 6. i. Marbre de Paros, 29 : Depuis l’apparition du poète Homère, 643 années ; règne, à Athènes, de Diognètos.
136Ce qui doit correspondre à peu près à 906/905, Hésiode (28) étant supposé, quant à lui, né trente ans plus tôt (936/935)82.
1376. j. Velleius Paterculus, Histoire romaine, I, 5, 3 (peu avant l’an 30 après J.-C.) : Celui-ci [Homère] fut plus éloigné qu’on ne le pense parfois du temps de la guerre de Troie, qu’il a racontée. Il atteignit en effet sa maturité il y a environ 950 ans ; sa naissance remonte à moins de 1 000 ans. Aussi ne faut-il pas s’étonner qu’il use de l’expression οἶοι νῦν βροτοί εἰσιν83 : cela rend sensible la différence d’époque autant que celle existant entre les hommes.
1386. k. Aulu Gelle (seconde moitié du iie siècle après J.-C.), Nuits attiques, III, 11, 1-5 : On ne s’accorde pas sur l’époque d’Homère et d’Hésiode. Homère est né avant Hésiode d’après certains auteurs, dont Philochoros et Xénophane, après lui d’après d’autres auteurs, parmi lesquels le poète L. Accius84 et l’historien Éphore. Cependant Varron85, dans le premier livre des Portraits, dit qu’on ne sait pas bien lequel était l’aîné, mais qu’indiscutablement ils ont été contemporains, ce que montrerait l’inscription gravée sur le trépied déposé, selon la tradition, par Hésiode sur le mont Hélicon. Accius, dans son premier livre « didactique » recourt à des arguments bien légers pour montrer, croit-il, qu’Hésiode était l’aîné : « Homère — je cite —, quand il dit au début du poème qu’Achille est fils de Pélée, ne précise pas de qui il s’agit. Il l’aurait fait sans aucun doute s’il n’avait constaté qu’Hésiode l’avait dit. Même chose pour le Cyclope, surtout le fait qu’il n’ait qu’un œil : une telle particularité n’aurait pas été passée sous silence si elle n’avait pas également été connue grâce aux poèmes, antérieurs, d’Hésiode.
139 6.1. Tatien (seconde moitié du ii e siècle après J.-C.), Aux Grecs , 31
140(suite du texte cité dans l’introduction, p. 19) : Parmi ceux-ci, les disciples de Cratès fixent son apogée avant le retour des Héraclides, moins de quatre-vingts ans après les événements de Troie ; ceux d’Ératosthène cent ans après la prise d’Ilion ; ceux d’Aristarque à l’époque de la colonisation ionienne, postérieure de cent quarante années aux événements d’Ilion. Mais Philochoros la fixe après la colonisation ionienne, sous l’archontat d’Archippos, à Athènes, cent quatre-vingts ans après les événements de Troie86 ; les disciples d Apollodore cent ans après la colonisation ionienne, ce qui ferait deux cent quarante ans après les événements d’Ilion. Et certains ont affirmé qu’il naquit quatre-vingt-dix ans avant les jeux olympiques, c’est-à-dire trois cent dix-sept ans après la prise d’Ilion87, alors que d’autres ont abaissé son époque en disant qu’Homère avait été contemporain d’Archiloque. Or, Archiloque atteignit sa maturité dans la vingt-troisième olympiade, au temps de Gygès le Lydien, cinq cents ans après les événements d’Ilion88. En ce qui concerne l’époque du premier poète nommé, je veux dire Homère, et le désaccord de ceux qui en ont parlé, de leur discordance, ce résumé doit suffire à qui, comme nous, est capable d’un examen rigoureux.
1416. m. Clément d’Alexandrie (seconde moitié du iie siècle - début du iiie), Stromates, I, 21, 117 : Entre les événements de Troie et la naissance d’Homère, cent quatre-vingts ans se sont écoulés d’après Philochoros (après la colonisation de l’Ionie). Mais Aristarque, dans ses Notes sur Archiloque, dit le placer au temps de cette colonisation, qui eut lieu cent quarante ans après les événements de Troie, et Apollodore cent ans après la même colonisation, sous le règne, à Lacédémone, d’Agèsilas, fils de Doryssos, ce qui permit au législateur Lycurgue d’être son contemporain, dans sa jeunesse. D’après la chronique d’Euthyménès, ayant connu son apogée en même temps qu’Hésiode, il naquit au temps d’Acastos89, à Chios, environ deux cents ans après la prise de Troie. C’est également l’avis d’Anhémachos dans le livre III de son Histoire de l’Eubée, ce qui le fait aussi, comme Hésiode, plus jeune que le prophète Elisée. Et si l’on veut suivre le grammairien Cratès, en plaçant Homère vers l’époque du retour des Héraclides, quatre-vingts ans après la prise d’Ilion, on s’apercevra qu’il est encore postérieur à Salomon, sous le règne duquel Ménélas vint en Phénicie, comme on l’a déjà dit (Ératosthène situe la maturité d’Homère cent ans après la prise d’Ilion).
142Fort bien, mais Théopompe (Histoire de Philippe, livre quarante-troisième) raconte qu’Homère a cinq cents ans de moins que les membres de l’expédition contre Ilion, et Euphorion, dans son livre sur les Aleuades, établit qu’il a vécu au temps de Gygès, dont le règne commença dans la dix-huitième olympiade90 et qui, selon lui, fut le premier à porter le nom de tyran. Quant à Sôsibios de Laconie, dans sa chronologie, il place Homère. dans la huitième année du règne de Charillos, fils de Polydectès. La durée du règne de Charillos est de soixante-quatre ans, celle, après lui, du règne de son fils Nicandros, de trente-neuf ans, et c’est dans la trente-quatrième année du pouvoir de celui-ci que, dit-on, furent célébrés les premiers Jeux olympiques. La place d’Homère est donc, sauf erreur, quatre-vingt-dix ans avant l’institution de ces Jeux.
143 6. n. Flavius Philostrate, Hiroïcos, 43, 7-14 (p. 56-57 L. de Lannoy) :
144 Car il y eut, étranger, il y eut un poète appelé Homère. Et il chanta, disent les uns, vingt-quatre ans après les événements troyens ; cent vingt-sept ans après, selon d’autres, quand les Athéniens envoyèrent une colonie vers l’Ilonie. Mais d’autres affirment que cent soixante années se sont écoulées, après Troie, jusqu’à Homère et Hésiode. C’est l’époque à laquelle ils chantèrent tous deux à Chalcis. Pour l’un, ce furent les sept vers sur les deux Ajax, comment leurs rangs étaient bien groupés et solides ; pour l’autre, ceux adressés à son frère, Persès, par lesquels il lui a demandé de se mettre au travail, de se consacrer à l’agriculture pour ne pas dépendre des autres ni connaître la faim. Cette opinion sur l’époque d’Homère est plus crédible, étranger, car Prôtésiléôs y apporte son autorité. Du moins, lorsque deux poètes chantèrent ici un hymne en son honneur, avant de se retirer, le héros vint me demander auquel d’entre eux allait mon suffrage. Je fis l’éloge du moins bon. Il s’était trouvé, en effet, que celui-ci m’avait captivé davantage. Prôtésiléôs me dit alors, en riant : « Panidès aussi, vigneron, a eu la même impression que toi. Lui, le roi de Chalcis sur l’Euripe, a donné son suffrage à Hésiode plutôt qu’à Homère, et cela alors qu’il a la barbe plus longue que toi. »
145 Il y eut donc, étranger, un poète appelé Homère ; ce sont les œuvres d’un homme. Les noms, il les connaissait ; les hauts faits, il les a rassemblés dans les cités que chacun dirigeait. Car il vint en Grèce après un temps qui n’avait pas encore été suffisant pour obscurcir les événements de Troie, et il les apprit aussi d’une autre façon, merveilleuse, allant plus loin dans le savoir. On assure en effet qu’il se rendit à Ithaque parce que, lui avait-on dit, l’âme d’Ulysse, toujours aussi avisée, lui permettait de tirer profit de son apparition. Et lorsqu’Ulysse sortit du tombeau, Homère lui demanda ce qui s’était passé à Ilion ; lui dit tout savoir et le garder en mémoire, mais qu’il ne dirait rien de ce qu’il savait si, pour salaire, Homère ne faisait pas ses louanges dans son œuvre et ne le célébrait pas pour sa sagesse et son courage. Homère y consentit et assura qu’il se montrerait aussi agréable qu’il le pourrait, à son égard, dans ses poèmes. Ulysse lui raconta donc tout avec exactitude et conformément à la vérité.
146 6. o. Jean Tzetzès, Vie d’Hésiode (p. 48, 1. 21-28 et p. 49, 1.14-30 Wilamowitz) : Certains disent que sa maturité a coïncidé avec celle d’Homère, mais d’autres soutiennent qu’il est plus ancien que lui. Ceux qui soutiennent qu’il est plus ancien qu’Homère affirment qu’il exerça des responsabilités sous l’archontat d’Arxippos 91 , et Homère au terme [de cet archontat] (Arxippos était fils d’Acastos ; il gouverna les Athéniens pendant trente-cinq ans). Ceux qui les disent contemporains assurent qu’ils rivalisèrent dans un concours à la suite de la disparition d’Amphidamas, le roi d’Eubée, et qu’Hésiode fut vainqueur [...].
147Le grand Homère, d’après ce que je pense, ou plutôt d’après ce que je sais avec la plus grande certitude, était beaucoup plus ancien qu’Hésiode, et, s’il avait causé une polémique à propos de ces dieux qui radotent, ceux-ci ne l’auraient pas empêché d’emporter les premiers prix et les couronnes. Mais le contemporain d’Hésiode était peut-être l’autre Homère, fils d’Euphrôn de Phocée ; c’est également lui qui serait cause de la polémique et, du fiait de l’homonymie, on aurait inventé par erreur qu’il disait les vers de cet homme divin. Car il y a eu beaucoup d’autres Homères, qui ont pris ce nom par désir de rivaliser avec l’ancien. C’est ainsi qu’il y a un autre Homère plus jeune que cet Homère de Phocée. Il était le fils d’Andromachos, un homme de Byzance, et l’auteur de l’Histoire d’Eurypylos. Denys le Cyclographe92 dit qu’Homère l’Ancien a vécu à la fois au temps de l’expédition contre Thèbes et à celui de la prise d’Ilion. Cela me fait donc penser qu’il a précédé Hésiode de quatre cents ans.
1486. p. Jean Tzetzès, Commentaire sur les Travaux, Prolegomena, p. 15 Gaisford = Aristote, fr. 579 Gigon : J’en conclus que celui-ci [Homère] a quatre cents ans de plus qu Hésiode. Car le philosophe Aristote, ou plutôt, je pense, celui qui a compilé les Tissages (τοὺς πέπλους), dans les Institutions d’Orchomène dit que Stésichore, le poète lyrique, était le fils d’Hésiode. Le lui avait donné Ctimènè, saur d’Amphiphanès et Ganuctôr et fille de Phègeus. Or, Stésichore était un contemporain du philosophe Pythagore et de Phalaris d’Agrigente.
149Ces données, qui nous mènent de la fin du xiie siècle avant J.-C. jusqu’à la première moitié du viie, pourraient être complétées. Toutefois l’essentiel n’est pas dans ces dates contradictoires ; plutôt dans la volonté qu’elles manifestent d’ancrer le poète dans la réalité, dans le temps historique, en le situant par rapport à la fondation des Jeux olympiques et à la seconde guerre médique, mais aussi, moins sûrement, par rapport à trois grands points de repère, dont l’existence n’a jamais été mise en doute dans l’Antiquité : (1) la guerre de Troie, terminée en 1184/1183 d’après Ératosthène, en 1209/1208 d’après le Marbre de Paros, en 1270 d’après la Vita Herodotea (et l’on a proposé d’autres dates) ; (2) le retour des Héraclides, assimilé trop vite à une invasion dorienne — Thucydide dit seulement que « les Doriens, quatre-vingts ans après [la guerre de Troie], occupèrent le Péloponnèse avec les Héraclides93 », en autorisant peut-être déjà à fixer l’événement prétendu à la fin du xiie siècle — ; (3) la colonisation ionienne d’une partie des îles et de la côte d’Asie mineure, placée traditionnellement dans la première moitié, voire le premier quart du xie siècle94.
150Pourtant cet effort pour entrer dans le monde des faits datés et localisés — effort couronné de succès, puisque le chronographe du Marbre de Paros accorde une place à Homère, comme à Hésiode — paraît s’être manifesté surtout à partir du iiie siècle avant J.-C., bien qu’Aristote, en reprenant vraisemblablement une tradition de l’île d’Ios, parle de l’époque « où Nèleus, fils de Codros, emmenait ceux qui allaient coloniser l’Ionie » (5. c., § 3), et qu’Hérodote ait déjà fixé un terminus post quem approximatif.
151Il semble donc qu’une sorte de durcissement de la légende homérique se soit produite à l’époque hellénistique. Très vague à ses débuts (un homme aveugle de Chios, à la généalogie trop évidemment mythique), dès le ive siècle elle tendit à devenir une véritable diégèse fictionnelle en utilisant la recette, promise à bel avenir, du roman « romanesque », avec ses enlèvements et ses pirates, mais également ses jeunes filles séduites et abandonnées, ses orphelins et ses mariages aussi flatteurs qu’improbables, puis ce roman devint apparemment plus réaliste, tendit à se rapprocher d’un récit factuel, sans vraiment y parvenir.
152On s’en étonnera d’autant moins que les univers fictionnel et factuel ne sont jamais complètement séparés — c’est ainsi tout naturellement qu’un spécialiste de la philosophie des sciences tel que Gaston Bachelard en est venu, dès l’époque de la Formation de l’esprit scientifique (1938), à s’intéresser à ce qui, dans les sciences les plus « dures », ne relevait pas de « l’esprit de géométrie », avant de se consacrer à l’imagination des quatre éléments. Le fictionnel pur, le factuel pur n’existent pas ; ils ne sont que des horizons imaginés aux deux extrémités d’une ligne sur laquelle il est aisé de se déplacer, parfois sans le vouloir :
Toute fiction est tissée de métalepses. Et toute réalité, quand elle se reconnaît dans une fiction, et quand elle reconnaît une fiction en son propre univers95.
153Peut-être même faut-il aller plus loin, avec Krzystof Pomian, pour qui « l’histoire ne saurait se passer des fictions ».
Car les fictions ne sont pas seulement des intrusions inertes dont l’histoire puisse être débarrassée sans rien perdre. Elles jouent un rôle heuristique : les prolongements ou les variations imaginaires des données de la connaissance engendrent de nouvelles questions, conduisent à remettre en cause des acquis qu’on croyait incontestables, suscitent des controverses qui peuvent s’avérer fécondes96.
Les noms
154Il faut revenir au nom d’Homère. Car un élément revient dans la légende homérique, celui du changement de nom, Homère, censé signifier « Aveugle », « Otage » ou (une seule fois, mais chez Aristote) « Accompagnateur », remplaçant le plus souvent Mélèsigénès. On l’a vu dans les textes 4. b. (§ 2), 5. b. (§ 3), 5. c. (§ 2 et 3), 5. d. (§ 3) et 5. k. Quelques compléments :
1557. a. Vie I, 12-14 (début) : Mélèsigénès, qui venait s’asseoir dans les galeries des vieillards, à Cumè, y faisait connaître les vers qu’il avait composés et charmait les auditeurs par sa conversation : ils étaient devenus des admirateurs. Constatant le bon accueil fait à sa poésie par les gens de Cumè, et voulant amener ses auditeurs à lui faire partager leur vie, il leur tint des propos de ce genre : s’ils voulaient bien k nourrir aux frais de l’Etat, il assurerait la gloire de leur cité. C’est ce qu’ils voulaient, et ils lui conseillèrent d’aller au Conseil pour y faire cette demande. Ils l’assurèrent aussi qu’ils le soutiendraient. Cela lui parut bon et, quand le Conseil se réunit, il alla vers la salle où il siégeait. Là, il demanda au magistrat qui avait cette charge de l’introduire. Le magistrat promit de le faire et, le moment venu, le fit entrer. Mélèsigénès prit place ; il parla de se faire entretenir, en reprenant les propos qu’il tenait dans les galeries. Après quoi il sortit et s’assit. [13] Eux délibéraient pour décider de la réponse. Celui qui l’avait introduit lui était très favorable, comme tous ceux, parmi les conseillers, qui avaient été ses auditeurs dans les galeries. Mais l’un des « rois » dit qu’il s’opposait à la demande, surtout parce que, s’ils prenaient la décision de nourrir les « homères », ils auraient affaire à toute une foule de parasites. Ce fait malheureux est à l’origine du remplacement de Mélèsigénès par ce nom : Homère. Car les gens de Cumè appellent « homères » les aveugles. Celui que l’on appelait auparavant Mélèsigénès reçut donc le nom d’Homère, [14] que les gens de passage répandirent en parlant de lui.
156 7. b. Vie VI, 3 : Son véritable nom est Mélèsigénès (et en effet il est né sur le bord du fleuve Mélès d’après ceux qui placent son origine à Smyrne). Mais on l’appela Homère (« Otage ») parce que, au moment de la guerre entre Smyrne et Colophon, il fut donné comme otage, ou parce que, lors d’une délibération, à Smyrne, il parla et conseilla l’Assemblée, qui débattait de la guerre, sous l’effet d’une inspiration divine.
157Il est dommage qu’Hésychios de Milet n’ait pas précisé sa pensée, ou que le rédacteur de la Souda l’ait résumé maladroitement. Quoi qu’il en soit, la seule explication semblant justifier l’attribution du surnom Homère à celui qui aurait été un conseiller inspiré est une autre étymologie « populaire » faisant maintenant d’Homère un Compagnon-des-demi-dieux ou, si l’on préfère, des-héros, Ὅμηρος étant supposé être un composé de ὁμ(ο)- (ce qui est exact) et de ἥρως.
1587. c. Vie VII, 5 : Il fut appelé à sa naissance Mélèsigénès ou Mélèsagoms, et rebaptisé Homère, conformément au dialecte les bien, à cause de ce qui arriva à ses yeux (à Lesbos, on appelle « homères » les aveugles), ou parce que, dans son enfance, il fut donné comme otage (ὅμηρος), c’est-à-dire comme garantie, au Grand Roi. Voici comment il devint aveugle, d’après ce que l’on dit : venu au tombeau d’Achille, il forma le vœu de contempler le héros tel qu’il était lorsqu’il s’avança vers le combat, paré de ses armes de remplacement. Mais Achille, en lui apparaissant, rendit Homère aveugle par l’éclat de ses armes. Thétis et les Muses le prirent alors en pitié et l’honorèrent du don de poésie. Mais d’autres assurent qu’il dut ce malheur à la colère d’Hélène, irritée de ce qu’il avait dit, à savoir qu’elle avait quitté son premier mari pour suivre Alexandre. Toujours est-il... qu’une nuit, dit-on, lui apparut même l’ombre de l’héroïne, qui l’exhorta à brûler ses poèmes. S’il le faisait, les choses iraient bien pour lui. Mais il n’accepta pas de le faire97.
159 7. d. Vie VIII, 1 (suite) : On dit qu’il reçut le nom de Mélèsigénès ou Mélèsianax, mais que, devenu aveugle, il fut appelé plus tard Homère. Les Éoliens, en effet, appellent « homères » les aveugles.
160Ce qui fut considéré le plus souvent comme le véritable nom du poète, Mélèsigénès (Μελησιγένης), est donc à l’origine de l’élément légendaire en faisant le fds du Mélès, évidemment originaire de Smyrne (5. b., § 3 ; 5. e. ; 5. f. ; 5. g. ; 5. h. ; 5. i. ; 5. m. ; cf. 5. k.), ou, pour les esprits forts, un enfant né ou conçu au bord dudit fleuve (5. a., § 3 ; 5. b., § 3 ; 5. c., § 2 et 3 ; 5. d., § 3 ; 7. b.), quoique alors se justifie moins bien l’étymologie faisant de Mélèsigénès un composé de dépendance régressif parallèle à Diogénès (Διογένης) ou, si l’on préfère, Diogène, le Descendant-de-Zeus.
161Cette étymologie n’est cependant pas admissible. Le Fils-du-Mélès (Μέλης, génitif Μέλητος) aurait été Μελητογένης/Mélètogénès, et Mélèsigénès, comme Mélèsagoras ou Mélèsianax (7. c. et d.), ne peut être rapproché que de Mélèsandros, Mélèsarchos, Mélèsidèmos, Mélèsiménès, Mélèsippidas et Mélèsippos, ou de l’adjectif μελησίμδροτος/mélèsimbrotos (« dont se soucient les mortels »), et donc de la famille de μέλειν/mélein (« prendre soin de, s’occuper ou se préoccuper de » ou, inversement, « être un objet de soin, de souci ou de réflexion »). Mélèsigénès était donc Celui-dont-se-soucie-sa-race, sa-famille, ou plus vraisemblablement, s’il s’agit d’un composé du type de τερψίμδροτος/ terpsimbrotos (« qui charme les mortels »), Celui-qui-a-souci-de-sa-naissance ou de-son-origine, de-sa-race98.
162Paul Mazon l’écrivait justement :
Mélésigène est un nom créé pour définir celui qui le porte. On en a faussé le sens primitif pour y introduire le souvenir du Mélès et lui faire attester ainsi l’origine smyrnéenne du poète99.
163Ce nom que l’on dit premier est, de plus, totalement inconnu hors du roman d’Homère (il ne figure pas dans le Lexicon of Greek personal names de P. M. Fraser et E. Matthews), et attesté longtemps après celui qui l’aurait supplanté : rappelons que le nom d’Homère paraît avoir été cité déjà par Callinos d’Éphèse, le plus ancien des poètes élégiaques grecs, peut-être dans la première moitié du viie siècle.
164L’invention de Mélèsigénès et l’idée, apparemment très répandue, selon laquelle Homère aurait été un surnom ne sauraient toutefois s’expliquer par la seule prétention des gens de Smyrne. Éphore, Éphore de Cumè, tout en disant le poète originaire de sa ville, où il aurait été conçu, l’appelait Mélèsigénès et le disait né sur la rive du Mélès (5. c., § 2) ; vers la même époque, les habitants d’Ios ne pouvaient plus, également, situer dans leur île que la conception d’Homère (5. c., § 3).
165Faut-il supposer à son origine une confusion due à l’emploi d’un néologisme, μελησιγενής, comparable à l’hapax μελησίμδροτος, vraisemblablement forgé par Pindare, dans une expression telle que ὁ μελησιγενὴς Ὅμηρος100 (« Homère, qui a souci de sa naissance,... »), comprise « Homère, né du Mélès » ? L’hypothèse trouve un premier appui dans la confusion qui donna pour père à Hésiode un certain Dios (5. b., § 4 ; 5. c., § 2 ; 5. d., § 4), à cause de l’expression des Travaux et les jours (v. 299), έργάζευ, Πέρση, δΐον γένος (« travaille, Persès, descendance divine », où l’adjectif δΐος, pourtant usuel, dut embarrasser101 au point de suggérer l’interprétation « travaille, Persès, descendance de Dios », probablement facilitée par la présence de l’adjectif Χῖος (« de Chios ») à côté de Χῖος (« Chios »). L’erreur était déjà le fait d’historiens aussi estimables qu’Hellanicos, Damastès et Phérécyde, au ve siècle avant J.-C.
166Ce n’est pas tout. L’expression dont nous parlions à l’instant a un équivalent exact dans l’adjectif διογενής/diogénès (« né de Zeus »), bien attesté chez les poètes, surtout Homère, Eschyle, Sophocle et Euripide. Cet adjectif, qui a pu devenir un nom (celui, notamment, du fameux Diogène de Sinope, le philosophe cynique), pouvait donc tout aussi bien paraître signifier quelque chose comme Fils (ou Descendance)-de-Dios, en désignant Hésiode ou son frère. Comment, dès lors, n’aurait-on pas vu dans μελησιγενής, dont la forme était exactement semblable, un adjectif composé du même type (Fils-de-quelqu’un), à côté duquel devait exister un anthroponyme, Μελησιγένης/Mélèsigénès, comme Διογένης existait à côté de διογενής ? Si Διογένης = διογενής = δῖον γένος, Μελησιγένης = μελησιγενής = ϰ γένος.
167Il ne restait plus qu’à nommer le « quelqu’un », à découvrir l’inconnue (x), ce que l’on pouvait faire aisément, au prix d’un à-peu-près linguistique, d’autant plus aisément qu’existaient nombre de composés dont le premier terme se terminait en -σι- : nous avons cité déjà μελησίμξροτος et τερψίμξροτος.
168Hypothèse donc, comme souvent pour les anthroponymes, mais sans faille et qui paraît solidement fondée. Elle est aussi plus vraisemblable que la seule autre explication, au demeurant ingénieuse, proposée par les modernes. Il est en effet d’autant plus difficile de voir en Mélèsigénès, avec Ernst Maass102, celui qui est « né au moment des Mélèsia » que ces prétendues fêtes en l’honneur du dieu-fleuve ne sont pas attestées. Et l’on ne connaît pas, sauf erreur, de nom d’homme ainsi composé de celui d’une fête, avec pour second élément -γένης. Enfin, si Crèthèis aurait mis au monde le futur poète alors qu’elle « se rendait avec d’autres femmes à une fête, au bord du fleuve dit le Mélès » (5. a., § 3), il n’est aucunement sûr que cette fête ait été religieuse. Comment, peut-on même ajouter, l’auteur aurait-il passé sous silence le fait que Mélèsigénès était né sous le signe du sacré ?
169Quoi qu’il en soit, le remplacement réel ou imaginaire d’un nom par un autre ne peut être anodin. Il indique un changement de statut et souvent de destin, l’entrée dans un monde particulier — celui, par exemple, jusqu’à nos jours, des artistes, des religieux, voire des soldats étrangers ; il s’impose quand il faut à la fois se cacher et se révéler, tuer l’homme ancien pour que reste seul le nouveau.
170Le Poète par excellence, au point de pouvoir être désigné par ce simple mot, devait donc avoir changé de nom, aussi bien qu’il devait avoir perdu la vue. La certitude de ce changement s’est imposée même aux historiens, en confirmant la place exceptionnelle attribuée à l’auteur des poèmes homériques. Stésichore n’est-il pas également, d’après la Souda, le surnom parlant (Installe-chœur) qu’un certain Tisias aurait mérité en refondant le lyrisme choral, au vie siècle, avec l’invention de la composition triadique ? Et, pour ne rien dire de Théophraste103, Platon se serait appelé d’abord Aristoclès, comme son grand-père, avant de devenir quelque chose comme Le-large (cf. l’adjectif πλατύς/platus), peut-être à cause de ses larges épaules104. Le véritable père de la philosophie devait lui aussi ne plus porter son nom de naissance. Entrer en philosophie105, ou entrer en poésie pleinement, complètement, comme on entre en religion, c’était bien changer de nom.
171Le travail du roman (presque au sens où, depuis Freud, on parle d’un travail du rêve) peut donc ici être reconstitué : au point de départ, la nécessité, profondément ressentie, d’un changement de nom. Parce que Homère n’avait pas été un homme ordinaire. Mais ce changement de nom dut être permis ou, tout au moins, facilité par la présence, chez un poète — faut-il penser à l’un des Homérides ? —, d’un néologisme susceptible de paraître désigner le fils du Mélès, le fleuve, précisément, arrosant l’une des villes où avait pu naître le poète.
172Dès lors, on savait. On savait le nom véritable d’Homère. On savait le nom de son père — ceux qui ne pouvaient croire ou faire semblant de croire à ce père à la fois liquide et divin n’avaient qu’à dire le poète né auprès du Mélès d’un père incarnant ce pays maionien (Maiôn), à partir duquel on ne manqua pas de bâtir une généalogie. On savait où il était né, tout en pouvant garder d’anciennes prétentions : il suffisait de supposer qu’Homère avait été conçu dans une autre ville que Smyrne. On savait un épisode de sa vie : son séjour, en tant qu’otage, à la cour du roi de Perse, ou bien à Chios ou à Colophon, comme par hasard les deux villes que l’on avait crues le plus souvent la patrie d’Homère, avec Smyrne (5. d., § 3 ; 7. b. ; 7. c. ; cf. 5. b., § 3).
173Et, pour ceux qui avaient peine à se satisfaire de l’identification, un peu facile, du nom d’Homère au substantif ομηρος, l’emploi particulier que, bien avant Lycophron (première moitié du iiie siècle avant J.-C.), on avait pu faire de cet anthroponyme permettait de concilier deux idées : celle du changement de nom et celle, non moins prégnante, malgré la vive réaction de Proclos106, de la cécité du Poète. Car l’idée faisant, si l’on ose dire, de l’aveugle un voyant, est restée une « constante » jusqu’à l’époque moderne107. Là encore, nous soupçonnerons un auteur inconnu, peut-être de Cumè (mais on a parlé aussi de Lesbos et de tout le pays éolien, et même de Smyrne et de l’Ionie [4. b., § 2 ; 5. b., § 3 ; 5. c., § 2 ; 5. d., § 3 ; 7. a. ; cf. 5. a., § 3]), d’avoir usé d’un mot audacieux, ou plus exactement d’avoir eu recours à une antonomase (« homère » au sens d’« aveugle »), dont certains ne manquèrent pas de s’emparer pour en faire un argument à l’appui de leur théorie.
174Pourtant, à côté de ce travail du roman, un autre travail (au sens ordinaire du mot) dut être fait. Une véritable recherche, dont profita le roman, qui permit, dès le ive siècle au plus tard, de rapprocher “Ομηρος du verbe όμηρείν, en faisant du futur poète un accompagnateur (5. c., § 3), ou, moins heureusement, de ηρως, le « demi-dieu », le « héros » auquel Homère se serait en quelque sorte égalé par la sagesse de ses propos (cf. 7. b.).
Notes de bas de page
1 Ou « d’Halicarnasse », si l’on préfère à la leçon donnée par Aristote et Plutarque celle des manuscrits d’Hérodote.
2 Gérard Genette, Seuils, Paris (Seuil), 1987, p. 166-168. Cf. Claude Calame, Le Récit en Grèce ancienne (1986), seconde édition, Paris (Bclin), 2000, p. 111-137.
3 Un autre manuscrit intitule ce traité Vie et origine d’Homère, et ce dont il parle. Quant au Sur Homère II, les manuscrits ne donnent pas de titre ou indiquent (trois fois) À nouveau sur l’origine et la poésie d’Homère.
4 Rhétorique, I, 1355 a 14-18 : « voirie vrai et voir ce qui est semblable au vrai relèvent de la même faculté. Et en même temps les hommes ont été créés avec des dons suffisants pour le vrai et, le plus souvent, atteignent la vérité. Aussi viser les opinions communes et viser la vérité relèvent d’une disposition semblable ». Cf. Seconds Analytiques, I, 88 b 30 - 89 b 6 et Topiques, I, 100 b 21- 23, ainsi que, notamment, Pierre Aubenque, Le Problème de l’être chez Aristote. Essai sur la problématique aristotélicienne (1962), 5e édition, Paris (Presses universitaires de France), 2005, p. 258-259 et 324-325.
5 Aristote, Poétique, 1451 b 5-6.
6 Aristote, Poétique, 1461 b 11-12 ; cf. 1460 a 26-27. On peut voir ARISTOTE, La Poétique. Introduction, traduction, notes, étude de Gérard Lambin, Paris (L’Harmattan), 2008, p. 142 et 172-176.
7 Le titre donné par les manuscrits de la Vita Herodotea (Επταπακτική) n’a pas plus de sens que ceux donnés par Proclos (εν τε πακτίον [ou πακτίου] αίγα) et la Souda (ήθιέπακτος). Nous avons traduit en lisant, avec G. Kinkel, ΐπτάπεκτον Αίγα (cf. Homère le Compagnon, Paris [CNRS Éditions], 1995, note 57, p. 347). Il pourrait s’agir d’un équivalent de notre poule aux œufs d’or.
8 Traduction incertaine θΈτηκιχλίδες, vraisemblablement à rapprocher de κιχλίζειν (« rire de façon provocante ») et, indirectement, de κίχλη (« grive »). Les grenouilles, les étourneaux et la chèvre qui précèdent nous avaient fait traduire Sur des grives dans Homère le Compagnon, p. 40.
9 L ‘Expédition d’Amphiaraos contre Thèbes doit se confondre avec la Thébaïde, dont les Épigones auraient également semblé une partie. Et l’absence des Chants cypriens s’explique par le jugement d’Hérodote (II, 117). On remarque donc surtout l’oubli du Margitès, auquel nous reviendrons dans la conclusion.
10 D’où la remarque de Wilamowitz : « En 500, tous les poèmes sont d’Homère ; en 350 ne sont plus d’Homère, essentiellement, que l’Iliade et l’Odyssée » (Homerische Untersuchungen, Berlin [Weidmann], 1884, p. 353). Cf. Eduard Schwartz, « Der Name Homeros », Hermes, 75 (1940), p. 1-9, Rudolf Pfeiffer, History of Classical Scholarship : from the Beginnings to the End of the Hellenistic Age, Oxford (Clarendon Press), 1968, p. 43-44, et Barbara Graziosi, Inventing Homer. The early Reception of Epic, Cambridge University Press, 2002, p. 166-167.
11 Albert Severyns préfère corriger ἔν τε παϰτίον αἶγα en Ἕπτ’ ἐπ’ ἀϰτίον, Αἶγα, qu’il traduit « les Sept au promontoire ( ?), la Chèvre ».
12 Albert Severyns, qui ponctue entre les deux mots (Κέρϰωπας, ϰενούς), y voit deux titres, « les Cercopes, les Mains vides ». Les autres éditeurs ont souvent corrigé le dernier mot (Wilamowitz lit ainsi Καμίνους, « les Fours »).
13 Cicéron parle déjà de Pisistrate « qui, le premier, mit dans l’ordre que nous avons à présent les livres d’Homère, auparavant mêlés » (De l’Orateur, III, 34, 137). Il a été suivi par Pausanias, Élien, Libanios et quelques autres (cf. Homère le Compagnon, p. 27-28 et la note 86, p. 342). Mais cette édition de Pisistrate, également évoquée dans les deux textes suivants, est un mythe, probablement du ier siècle avant J.-C. (Barbara Graziosi, op. cit., p. 233).
14 Le titre donné, Ήθιέπακτος, est évidemment corrompu. Le sous-titre permet toutefois de supposer qu’il s’agissait d’un poème satirique (cf. Aristote, Poétique, 1448 b 31-32 [= 3. j.]).
15 Le poème intitulé Le Four dans la Vita Herodotea et la Souda.
16 On retrouve ce poème, avec quelques variantes, dans la Vie IX, 4 (3. f.) et dans l’Anthologie palatine, XI, 442, comme, notamment, dans celle de Planude.
17 Plutarque rapporte la même anecdote en situant les descendants de Créôphulos en Ionie, sans plus préciser (Vie de Lycurgue, 4, 4).
18 Le poème de Créôphulos, la Prise d’Oikhalia, est censé prendre la parole.
19 Le Culex attribué à Virgile.
20 Celui dont nous avons fait précédemment, et dont nous referons ensuite, Les Rieuses (cf. la note 8).
21 Cf. Eustathe, Commentaire de l’Odyssée, p. 1934,1. 19-21. Ménaichmos de Sicyone est un auteur du iiie siècle avant J.-C.
22 Disciple d’Aristote et originaire de Soles (dans l’île de Chypre), il a vécu au ive siècle avant J.-C.
23 Cf. La Chanson grecque dans l’Antiquité, Paris (CNRS Éditions), 1992, p. 33-37.
24 Assurément la Chèvre qu’on tondait sept fois. Le titre est donc coupé en deux si l’on retrouve bien l’épithète, corrompue, dans le vers 83.
25 Τούς (ou τὴν) ἐπτὰ ἐπ’ Ἄϰτιον. Ce dernier mot pourrait se confondre avec l’épithète faisant de Pan et d’Apollon des divinités « de la côte » (Théocrite, V, v. 14 ; Apollonios de Rhodes, I, v. 403). Mais il doit s’agir d’une déformation de ΐπτάπεκτον, comme Ἠθιέπαϰτος et ἔν τε πακτίον (ou πακτίου). Cf. les notes 7, 11 et 14).
26 Théocrite, VII, v. 47-48 ; cf. XXII, v. 218.
27 Cet usage aurait été propre aux habitants de Cumè d’après la scholie à l’Iliade, I, v. 459.
28 Telle semble bien être la forme première du nom, dont on peut faire un double féminin de celui de Crètheus, l’un des rois de cette Magnésie dont serait venu, précisément, le père de Crèthèis, Mélanôpos (cf. βασιληἶς et Βρισηἶς à côté de βασιλεύς et Βρισεύς, ou le nom des Néréides, Νηρηίδες, à côté de Νηρεύς, etc.). Ce Crètheus aurait été un fils d’Éole, lui-même fils d’Hellen, dont on faisait l’ancêtre éponyme des Eoliens. On connaît cependant un autre Crètheus, fils d’Oinopion, le fondateur mythique de Chios, lui-même fils de Dionysos ou de Thésée (cf. Michel B. Sakellariou, La Migration grecque en Ionie, Athènes [Collection de l’Institut français d’Athènes, 17], 1958, p. 187). Hans von Kamptz y voit un nom vraisemblablement préhellénique, en jugeant peu crédible l’hypothèse d’August Fick, qui le rapprochait de χρηθείν, glosé ϰαϰολογεῖν (« maudire ») par Hésychios d’Alexandrie (Homerische Personennamen. Sprachmssenschaftliche und historische Klassifikation, Göttingen [Vandenhoeck et Ruprecht], 1982, p. 350 ; cf. p. 108, 124 et 154).
29 Margitès, fr. 1 West.
30 Ces deux épigrammes sont également (avec quelques variantes pour la seconde) dans l’Anthologie de Planude, nos292 et 296.
31 En Éolide. Sur la présence de cette ville dans la légende homérique, et plus encore hésiodique, voir Homère le Compagnon, note 27, p. 345.
32 Lucien, Histoire vraie, II, 20 (cf. Le Songe ou le coq, 17) ; scholies à l’Iliade, XXIII, v. 79.
33 Thémistô, à rapprocher de θέμις (« coutume, droit, justice »), est aussi le nom d’une Néréide selon Hésiode, Théogonie, v. 261. Quant à Cluménè, son nom, qui est déjà dans l’Iliade (III, v. 144, et XVIII, v. 47) et l’Odyssée (XI, v. 326), en ferait la Célèbre.
34 Euclos (ou Euclous) est un chresmologue de Chypre connu par Pausanias (voir aussi X, 12, 11 et X, 14,6), Tatien (Aux Grecs, 41) et Eusèbe de Césarée (Préparation évangélique, X, 11, 27).
35 L’expression (έπ’ ἀγροῦ) doit être empruntée à l’Odyssée (I, v. 185 et 190 ; XVI, v. 330 et 383 ; XXII, v. 47 ; XXIV, v. 212 et 308), où Victor Bérard traduit « aux champs ».
36 L’un des deux personnages du dialogue, avec un Phénicien (l’étranger).
37 Parce que ses poèmes sont devenus la patrie et la famille des Muses ? Ou, plus vraisemblablement, parce que, « égal aux immortels », il a abandonné sa patrie terrestre et sa famille mortelle ?
38 Katharine A. Esdaile, « An Essay towards the Classification of Homeric Coin Types », Journal of Hellenic Studies, 32 (1912), p. 298-325. Pour les inscriptions et représentations figurées, on pourra voir Homère le Compagnon, p. 80-84.
39 La Magnésie, dans l’est de la Thessalie, qui aurait dû son nom à Magnès, fils d’Aiolos (ou Éole), était par excellence une terre éolienne.
40 Cet arrière-arrière-grand-père d’Homère, homonyme d’un personnage de l’Iliade (V, v. 540-560), en est le père pour Deinarchos (5. f.). Son nom a peut-être été inspiré par celui de Crèthèis, plus ancienne dans la légende, puisque déjà citée, au ve siècle, par Stèsimbrotos.
41 Si Mimnerme, au viie siècle avant J.-C., parle de la « Smyrne éolienne », prise ensuite par les gens de Colophon (fr. 9, v. 6 West = fr. 3 Gentili-Prato), ce que confirme Hérodote (I, 149-150 ; cf. 16), la fondation de la ville ne doit rien à Cumè. Elle fut l’œuvre, à la fin du iie millénaire avant J.-C., de colons venus de l’Attique, mais aussi, probablement, de la Béotie voisine, de l’Argolide, voire de la Laconie (Michel B. Sakellariou, op. cit., p. 234, 357 et 487 ; cf. p. 293-295).
42 Certains faits pourraient, effectivement, laisser supposer une ancienne localisation de Thésée en Thessalie, à moins qu’il n’ait été transplanté à Smyrne par des colons venus de Thessalie (Michel B. Sakellariou, op. cit., p. 205-206, 231, 295 et 301). Mais l’auteur de la Vita Herodotea donne une image originale de celui qui était le héros athénien par excellence, fils d’Egée et donc petit-fils de Pandion, le huitième roi de l’Attique.
43 Strabon, XIV, 1, 4, d’après lequel Éphésiens et Smyméens avaient jadis vécu dans la même cité, « lorsque Éphèse s’appelait également Smyrne ».
44 Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff parle d’un nomen incredibile (Vitae Homeri et Hesiodi, Bonn [A. Marcus et E. Weber], 1916, p. 4 [apparat] ; cf. Die Ilias und Homer, Berlin [Weidmann), 1916, p. 420).
45 Les éditeurs modernes préfèrent toutefois la leçon Ὀμύρητος, attestée plus anciennement que Ὁμήρυτος, avec un esprit rude (sont également proposés Ὁμηρύτου et Ὁμήρυτον, toujours avec un esprit rude, d’après l’apparat critique de Thomas W. Allen). Mais Omurès s’expliquerait par l’instabilité de la prétendue aspiration dans la langue populaire (d’où l’hésitation entre Hadmnus et Adrianus, pour le nom de l’empereur, tandis que certains croyaient bien parler en ajoutant des « aspirations » là où la langue n’en avait jamais possédé : il n’est que de penser à l’épigrarnme 84 de Catulle).
46 D’après Strabon (XIV, 1, 4), des gens venus d’Éphèse se seraient les premiers emparés du site, alors peuplé par des Lélèges, pour y fonder Smyrne. Par la suite, chassés par les Éoliens, ils se seraient réfugiés à Colophon avant de reprendre leur ville avec l’aide des Colophoniens. Et, de fait, la plus ancienne population hellénique de Smyrne en fut expulsée à une date très reculée, antérieure au début du viie siècle, par les Colophoniens, dont une partie s’y installa (Michel B. Sakellariou, op. cit., p. 223-224).
47 Hésiode, Les Travaux et les jours, v. 635-640.
48 P. Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Essai sur l’imagination constituante (1983), réédition, Paris (Seuil), 1992, p. 89.
49 Correction pour Masagoras (cf. 5. 1. et 8. d.).
50 Celle que Pausanias l’appelle Thémistô (4.1., § 3), avec plus de vraisemblance.
51 Ce nom (Εὐγνηθώ) est habituellement corrigé en Hurnèthô (cf. 5. f. et g.).
52 Réminiscence probable de l’Odyssée (XV, v. 425-429), avec une inversion partielle des rôles, car la femme enlevée y est phénicienne, et les commerçants qui la vendent dans l’île de Syros sont des Taphiens.
53 Est nommé dans l’Iliade (XXI, v. 85-86, et XXII, v. 51) Altès, roi de Pèdasos, en Troade, un « vieillard au nom célèbre » qui « commande aux Lélèges belliqueux ». Il est le père d’une concubine de Priam et le grand-père de Lycaon, qu’Achille tue sans pitié. Le poète aurait donc signé discrètement son œuvre en donnant son nom à un personnage lui ressemblant un peu.
54 Nom souvent corrigé en Polucastè (cf. le début du § 3). Épicastè, dans l’Odyssée (XI, v. 271), est celle que nous appelons Jocaste, 1a mère d’Œdipe.
55 Cet oracle, avec quelques variantes, est aussi dans l’Anthologie palatine, XIV, 102.
56 Le texte est incertain.
57 Nous continuons à voir en Crithèis, qui n’est pas attesté avant le iie siècle après J.-C., une simple variante de Crèthèis, par iotacisme. Marie-Andrée Colbeaux (Raconter la vie d’Homère dans l’Antiquité, thèse de l’Université de Lille III, 2004, p. 46) remarque toutefois que, si l’on fait de la mère du poète une nymphe (4. b., § 2 ; 5. e. et g. ; cf. 5. k.), Crithèis, mis en rapport avec ϰριθή/krithè (l’« orge »), peut sembler plus authentique que Crèthèis.
58 II doit s’agir en réalité du troisième livre du Sur les Poètes, la Poétique n’ayant jamais compté qu’un livre (cf., à nouveau, l’ouvrage que nous lui avons consacré, p. 14-16, 208-209 et surtout 143-144, avec la note 2, p. 9).
59 Les habitants de la ville furent au contraire chassés par les Lydiens et, à partir de 585 avant notre ère, habitèrent dans divers villages de la région, jusqu’à ce que, à l’époque hellénistique, fut fondée la nouvelle Smyrne, à vingt stades de l’ancienne (Michel B. Sakellariou, op. cit., p. 224, et déjà Strabon, XIV, 1, 37). Smyrne aurait donc trouvé sa place dans la légende homérique avant 600, lorsqu’elle était encore une cité florissante (Barbara Graziosi, op. cit., p. 75).
60 Évidemment ses yeux.
61 Ou fut mis au monde, γεννᾶν pouvant être dit du père ou, moins souvent, de la mère.
62 Un Euphèmos, fils de Troizènos, commande aux « Cicones belliqueux » dans l’Iliade (II, v. 846847), et l’un des Argonautes, fils de Poséidon et d’Europè, porte ce nom.
63 Elle est encore un fait historique pour Lysias (II, 4-6) et, semble-t-il, Plutarque (Vie de Thésée, 26-28). Cf. Hérodote, IV, 110-117, et déjà l’Iliade, III, v. 188-189.
64 Le Marbre de Paros (21) date l’expédition des Amazones de 1256/1255.
65 Humèthô aurait d’abord été la fille de Tèménos, un descendant d’Héraclès, et l’héroïne éponyme de la tribu des Hurnafhioi, à Argos, où l’on montrait son tombeau ou son cénotaphe (Pausanias, II, 23, 3 ; cf. II, 28,3-7)
66 Le mot a même pu désigner une divinité majeure, telle qu’Aphrodite ou Apollon.
67 Rappelons que Critias est mort en 403 avant J.-C.
68 Euripide, Phéniciennes, v. 500.
69 Ce nom, connu pour avoir été celui de la mère de Thésée, peut s’expliquer ici par une confusion avec Aithousa (5. e.). Il est également à rapprocher d’αἴθειν, « allumer, faire brûler ».
70 Odyssée, XI, v. 235-259. L’Énipeus est un fleuve de Thessalie. Peut-être faut-il souligner que Tyrô, fille de « l’irréprochable Salmôneus », lui-même fils d’Éole, est aussi l’épouse et nièce de Crètheus (cf. Pindare, Pythiques, IV, v. 142-143), dont on a déjà dit que Crèthèis doit être le double féminin.
71 Iln’est qu’un modeste fleuve côtier (cf. la fin du § 4 et le texte 5. f.).
72 Plutôt que « quelqu’une de ses œuvres poétiques » (τι τῶν ποιητιϰῶν).
73 Louis Aragon, Le Mentir-vrai. Nouvelles, Paris (Gallimard), 1980. Cf. Michael Riffaterre, Fictional Truth, Baltimore (Johns Hopkins University Press), 1990.
74 Lettres à Lucilius, XI, 88, 6. Cf. 5. b., § 4, et 5. k.
75 Le point de repère constitué par l’expédition de Xerxès permet de calculer qu’Homère serait né en 1102 (480 + 622) et que la guerre de Troie aurait eu lieu ou se serait terminée en 1270 (1102 + 168).
76 M. L. West juge impossible le texte transmis et traduit, en corrigeant le texte d’après Tatien (6.1.) : « a hundred years after the <Ionian migration, while some even put him four hundred years after the> Trojan War ».
77 Par une interprétation abusive des vers 654 à 659 des Travaux et les Jours.
78 Plutôt que II a vécu, traduction de γέγονε que la fin du passage rend impossible. Homère serait donc né en 833 (776 + 57) ou, selon Porphyre, en 908 (776 + 132 ou 1183 - 275).
79 Confirmation de la date de la prise de Troie : 776 + 407 = 1183.
80 Iliade, II, v. 486.
81 Soit entre 736 et 733 avant J.-C. Mais voir, aussi, du même Jean Tzetzès, les textes 6. o. et 6. p.
82 Félix Jacoby, Dos Marmor Parium, Berlin (Weidmann), 1904, p. 11 ; cf. p. 152-158 (également dans les Fragmente der griechischen Historiker du même auteur, II, b, n° 239).
83 « Tels que sont maintenant les mortels », opposés aux héros d’autrefois.
84 Lucius Accius, le plus grand des tragiques romains, a dû vivre entre 170 et 86 avant J.-C.
85 Il a vécu de 116 à 27 avant J.-C.
86 Archippos aurait été, de 1012 à 993 d’après Eusèbe et saint Jérôme (ou de 1006 à 983, voire de 1032 à 992), le troisième des archontes perpétuels qui succédèrent au roi Codros, à Athènes. Cf. la Realencyclopädie, II, 1 (1895), col. 581-582.
87 Soit en 866 avant J.-C. C’était la date proposée par Sôsibios de Laconie, ainsi qu’on le verra dans le texte suivant.
88 La vingt-troisième olympiade correspond aux années 688-685, et Gygès aurait régné sur la Lydie de 687 à 652.
89 Père d’Archippos, qu’il aurait précédé dans la même fonction de 1048 à 1012 d’après Eusèbe et saint Jérôme (ou de 1041 à 1006, ou encore de 1071 à 1032).
90 Soit entre 708 et 705.
91 Erreur pour Archippos (cf. 6.1.).
92 Denys (ou, pour être plus exact, Dionysios) de Samos, peut-être au iie siècle de notre ère. Ne subsistent que de rares fragments de celui qui fut à la fois un poète et un érudit spécialiste du cycle épique, d’où son surnom. Cf. l’article « Dionysios 110 » de la Realencyclopädie, V, 1 (1903), col. 932-933.
93 Thucydide, I, 12, 3. Cf. Annie Schnapp-Gourbeillon, Aux Origines de ta Grèce (xiiie-viiie siècles avant notre ère). La genèse du politique, Paris (Belles lettres), 2002, p. 132-161
94 En réalité « La migration grecque en Ionie n’est f...] qu’une suite de vagues de diverses origines géographiques, qui se sont succédé dans un espace de temps d’à peu près six siècles. Aucune de ces vagues n’a l’aspect d’une opération d’envergure. On ne saurait notamment y reconnaître une entreprise telle que la "migration ionienne", dans le sens que les anciens ont donné à ce terme. » (Michel B. Sakellariou, op. cit., p. 493 ; cf. p. 248-249 et 307-324).
95 Gérard Genette, Métalepse, Paris (Seuil), 2004, p. 131 ; cf. Fiction et diction (1991), réédition (avec l’Introduction à l’architexte), Paris (Seuil), 2004, p. 166-167.
96 K. Pomian, Sur l’Histoire, Paris (Gallimard), 1999, p. 75 ; cf. p. 43, 65 et 76.
97 Transposition de la légende selon laquelle Stésichore aurait composé sa Palinodie afin de recouvrer la vue, dont Hélène l’avait privé pour se venger (cf. Platon, Phèdre, 243 a-b, où notre poète est dit moins avisé que l’autre). Le phrase précédente étant gâtée nous avons traduit le texte restitué par M. L. West.
98 Cf. Homère le Compagnon, p. 93-94. Mélèsianax et Mélèsagoras auraient été Celui-qui-se-soude-du-maître (ou du-seigneur) et Celui-qui-se-soucie-de-l’agora, c’est-à-dire de l’assemblée populaire et de la place publique où elle se réunissait. Et, de fait, Homère parle souvent des chefs et du peuple assemblé, jamais de sa famille. Mélèsagoras est aussi le nom d’un habitant de Chios dans une épigramme d’Asclèpiade de Samos (Anthologie palatine, VII, 500, v. 2).
99 P. Mazon (avec la collaboration de P. Chantraine, P. Collart et R. Langumier), Introduction à l’Iliade, Paris (Belles-lettres), 1942, p. 262.
100 Il suffit même d’ajouter un petit mot, par exemple γάρ, pour obtenir une fin d’hexamètre dactylique, après une coupe penthémimère : ό μελησιγενὴς͝γὰρ Ὅμηρος (« car Homère, qui a souci de sa naissance,... »), ͝͝͝ ͝ |—͝ ͝ | —͝ ͝ | —͝.
101 Aucun rapport, en effet, entre le paysan qu’aurait été Persès et une déesse aussi puissante qu’Artémis, à laquelle est appliquée la même expression (δϊον γένος) dans l’Iliade, IX, v. 538.
102 « Die Person Homers », Neue Jahrbucher für dos klassische Altertum, 27 (1911), p. 546.
103 D’abord appelé Tyrtamos, il aurait été rebaptisé Théophraste (Celui-qui-parle-comme-un-dieu) par son maître Aristote (Diogène Laërce, V, 38).
104 Diogène Laërce, III, 4, où sont données d’autres interprétations du prétendu surnom.
105 L’expression n’a rien d’excessif s’il est vrai que, pour Platon comme pour Sénèque, « La philosophie ne peut se réaliser que par la communauté de vie et le dialogue entre maîtres et disciples au sein d’une école » (Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ? [1993], réédition, Paris [Gallimard], 1995, p. 93).
106 Vie V, 6 (début) : « Tous ceux qui l’ont déclaré aveugle me semblent eux-mêmes avoir souffert mentalement de cette infirmité, car il a observé plus de choses qu’on ne l’a jamais fait. » Cf., déjà, Velleius Paterculus, Histoire romaine, 1,5,3 (fin).
107 Cf. Paul Zumthor, Introduction à la poésie orale, Paris (Seuil), 1983, p. 218-221.
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