Deuxième partie. Du cosmopolitisme de transition à la « Révolution du mot », un nouveau modèle
p. 119-122
Texte intégral
« Les revues ont constamment porté un visage : celui de l’ami qui en avait la charge. »
Jean Starobinski, « L’Usage des revues », La Revue des revues, n° 21, 1996, p. 8.
1Afin de préciser la nature de l’apport de transition, tournons-nous maintenant du côté des écrivains collaborateurs de la revue. Le premier numéro de The tran review, en janvier 1924, se clôt sur une lettre de T. S. Eliot, qui écrit à propos de la jeune génération anglaise :
J’ai enquêté auprès des jeunes écrivains ; mais les jeunes semblent désireux de préten qu’ils ont la quarantaine, et essaient désespérément de s’assimiler à la génération précédente. […] Ils n’ont rien. C’est à vous d’aider à créer la jeune génération, et de l’encourager1.
2Voilà clairement défini le programme de la petite revue, par celui qui passe à l’époque pour le plus brillant représentant de l’« ancienne » génération. The tran review fait ce qu’elle peut, dans le court laps de temps qui lui est imparti (un an). Mais, comme le note Bernard Poli dans sa thèse, la transatlantic ne fait pas de découvertes majeures et ne promeut aucune école2. Il en va tout autre de transition. La revue met en place un discours éditorial explicite, ce qui est finalement assez rare, et contribue véritablement à la création d’une nouvelle génération, non seulement en permettant à de jeunes écrivains d’émerger (tels Samuel Beckett, dont les premiers textes sont publiés dans transition), mais aussi en aidant des collaborateurs plus expérimentés à renouveler leur écriture (c’est notamment le cas de William Carlos Williams). Mais « créer la jeune génération », ce n’est pas seulement créer les futurs talents dont l’Histoire a retenu le nom, c’est aussi animer une vie littéraire en proposant un lieu propice à la création. À la fin des années 1920, c’est aussi, tout simplement, donner de l’espoir, insuffler énergie et enthousiasme dans une vie littéraire qui semble tourner au ralenti.
3L’exceptionnelle ouverture de transition à de nombreux écrivains venus de divers horizons, ainsi que son grand projet de « Révolution du Mot » reflètent les préoccupations de son directeur Eugene Jolas et traduisent sa volonté de dynami la vie littéraire de son époque. Ce faisant, transition propose une alternative au réalisme américain du début du siècle et à ses accents régionalistes ou même nationalistes. Tout en se situant dans sa lignée, elle se distingue également du surréalisme français. Enfin, elle contribue à élargir les frontières du modernisme anglo-américain, en promouvant une « révolution du mot » qui attire à elle des personnalités de l’avant-garde française telles que Vitrac, Queneau ou Michaux.
Notes de bas de page
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Comparer l’étranger
Enjeux du comparatisme en littérature
Émilienne Baneth-Nouailhetas et Claire Joubert (dir.)
2007
Lignes et lignages dans la littérature arthurienne
Christine Ferlampin-Acher et Denis Hüe (dir.)
2007