De la difficulté d’être (homosexuel) : Alexis ou le traité du vain combat
p. 65-79
Texte intégral
1La production romanesque de Yourcenar qui s’échelonne de 1929 à 1939 est marquée par trois romans qui portent la trace brûlante de l’actualité : Alexis ou le traité du vain combat (1929) ; Denier du rêve (1934), premier roman français à dénoncer la montée du fascisme en Europe et Le Coup de grâce (1939), « placé dans le sillage de la guerre de 1914 et de la révolution russe, […] publié trois mois avant la Seconde guerre mondiale 1 ». La jeune Yourcenar se place ainsi – du point du vue du roman – face à son temps et s’engage dans des sujets moraux, historiques et politiques tout récents, tout en préservant sa liberté, car comme elle l’affirme à M. Galey, « un écrivain peut contribuer à la lutte politique en disant tout simplement ce qu’il a vu 2 ». Justement, Alexis ou le Traité du vain combat est un miroir que Yourcenar promène le long de la route, dans le sens où il condense et reflète l’atmosphère morale qui règne en matière sexuelle et les problématiques religieuses des premières décennies du xxe siècle. L’opposition entre catholiques et protestants à travers le phénomène de la conversion apparaît presque comme une forme tapageuse de publicité de la part des écrivains qui, comme Claudel, Péguy, Jacques Rivière ou Julien Green, réagissent contre les postures anticléricales des partis républicains, le positivisme athée de la Sorbonne et cela même dès avant la Première guerre mondiale. Ainsi réconciliées, littérature et religion sont à la source des véritables courants comme le roman ou la poésie catholique, et la critique chrétienne.
2Publié en 1929, Alexis se déroule avant la Grande Guerre et il contient des éléments de cette tranche de l’histoire : Yourcenar joue sur le clavier de la conversion car le roman, la tension religieuse du roman, oscille entre le protestantisme et le catholicisme. Après tout c’est une lettre d’aveu qu’un catholique adresse à une protestante. Mais le jeune pianiste s’empresse de banaliser cette différence : « Sans doute, j’étais catholique, vous étiez protestante, mais cela importait si peu. » (OR, 56) Yourcenar, qui n’a jamais adhéré à aucun dogme religieux, qui au contraire considérait ce type de militance de la foi comme le foyer de la séparation et du fanatisme, poursuit cette tâche de banalisation d’Alexis, tout en essayant de brouiller les pistes, comme on le constate dans Les Yeux ouverts :
Alexis est protestant, ou catholique, je ne sais plus. Il y a une phrase où il dit à Monique, sa femme : « J’ai été protestant, vous étiez catholique » J’ai changé trois fois cette phrase. Dans la seconde édition, c’est devenu : « J’étais catholique, vous étiez protestante. » Et puis je suis revenue à la première version. Au fond, peu importait. Monique, elle, a dû voir que cela n’avait pas d’importance 3.
3Ce n’est pas vrai qu’elle soit revenue à la première version, car c’est Alexis qui est catholique et Monique protestante, non pas selon la version finale du texte, mais aussi – et surtout – parce que Yourcenar associe certaines vertus protestantes aux femmes qu’elle a rencontrées dans sa vie et qui l’aident dans la besogne de l’idéalisation : par rapport à Jeanne de Vietinghoff, elle dit à M. Galey : « à partir de la douzième année, j’ai été privilégiée par l’influence, tantôt directe, tantôt indirecte, à travers mon père, d’une amie protestante qui n’a jamais cessé de représenter pour moi un des types les plus parfaits de la femme ». Et chez Grace Frick, « j’ai apprécié sur toutes choses cette intégrité sans faille, cette absence de tous fauxfuyants, ce respect de la dignité des êtres, qui sont souvent, plus que des vertus catholiques, des vertus protestantes 4 ». C’est-à-dire qu’au fond, il importait que Monique soit protestante.
4C’est sur ce fond religieux et associé à lui qu’on assiste à une montée du nationalisme dans les premières années du xxe siècle : l’Action française devient le principal mouvement de droite en France, avant la Première Guerre mondiale. Et c’est à partir des politiques répressives dans le domaine de la morale et de la sexualité (la liberté totale d’expression n’est acquise qu’à partir de 1968) que la censure de l’État, articulée autour de l’Église et des valeurs traditionnelles, contre la littérature « immorale », accusée de « féminiser la nation », rentre dans une période de vigueurs nouvelles : on exerce un véritable contrôle sur les publications littéraires, renforcé par les lois successives de 1881, 1898 et 1939. Rien qu’entre 1910 et 1914 on assiste à 175 procès, échelonnés par d’autres poursuites ou condamnations qui se suivent après la Libération : contre Vian (J’irai cracher sur vos tombes, 1946), contre Pauvert à la suite de la première édition des œuvres de Sade, contre Gide – dont l’œuvre est classée dans l’Index librorum prohibitorum (1952) –, Bataille (1965), etc.
5La sexualité d’Alexis s’inscrit dans ce cadre religieux et dans ce climat de répression : elle prend alors le visage de la transgression et du péché, et nous essaierons de montrer par quels moyens le pianiste autrichien va conjurer ces démons.
6Et l’on pourrait dire d’Alexis, ce que Yourcenar affirmait par rapport au Saül de Gide – lui qui comme Alexis est homosexuel, aime sa femme et la quitte 5 –, ce « personnage biblique, à la recherche de la liberté » :
Nous avons d’une façon extraordinairement complexe, le drame de la vie intérieure, le drame du choix perpétuel entre le refus de soi et l’abandon à soi, entre la liberté et la discipline, entre ce que nous sommes, et ce que nous croyons être et ce que nous pourrions être 6.
7L’analyse introspective de la sexualité d’Alexis, le chemin qui le conduit de l’assujettissement à la libération à travers la compréhension de son homosexualité, passe par trois stades successifs : le discours – ou peut-être l’impossibilité du discours –, l’affranchissement du joug religieux et le rôle thérapeutique de l’art. C’est dans ces trois passerelles de l’étude de soi que l’on voit évoluer la notion de morale chez le jeune pianiste, condition sine qua non dans la construction de son identité sexuelle.
8Tout d’abord le discours : comme l’a amplement montré Michel Foucault dans son premier volume de l’Histoire de la sexualité7, à partir du xviiie siècle, avec l’intronisation de la famille comme cellule fondamentale de la société bourgeoise, le sexe, confisqué par le mariage et par les fins procréatrices est mis sous les verrous. Selon Foucault, « on le débusque et on le contraint à une existence discursive 8 ». Le Moyen Âge avait organisé autour de la chair et de la confession, un discours unitaire. Mais à partir du xviiie siècle, toute une prolifération des discours sur la sexualité, émanés notamment de la science, de l’Église et de la pédagogie, va gérer le rapport entre plaisir, savoir et pouvoir. Alexis retiendra par exemple la vision que le discours médical de son temps a sur l’homosexualité, tout en prenant garde de ne pas nommer celle-ci : « Je sais qu’il y a des noms pour toutes les maladies, et que ce dont je […] parle passe pour être une maladie. » (OR, 18)
9Cette profusion discursive sous des conditions strictes ne fait que prouver l’occultation de la sexualité. Pour Foucault, « la pastorale chrétienne, en faisant du sexe ce qui, par excellence, devait être avoué, l’a toujours présenté comme l’inquiétante énigme : non pas ce qui se montre obstinément, mais ce qui se cache partout 9 ». Confiné au triple décret d’interdiction, d’inexistence et de mutisme, le sexe, pour les sociétés modernes a la valorisation du secret. Comme l’affirme Alexis, « Il s’agit de quelque chose […] qui me semble plus intime parce que je l’ai tenu caché (10). […] Je comprenais déjà que tout a son secret. » (11)
10Dans la « Préface » du roman, écrite en 1963, Yourcenar, « comme un peintre établi devant un horizon, et qui sans cesse déplace son chevalet à droite, puis à gauche 10 », dans la construction du portrait de la voix d’Alexis, prévient le lecteur que le point de vue du livre concerne essentiellement le discours : « On n’a peut-être assez remarqué que le problème de la liberté sensuelle sous toutes ses formes est en grande partie un problème de liberté d’expression. » Elle a à choisir entre trois types de discours : le discours scientifique qui ne vaut que « pour les ouvrages spécialisés » et qui va « à l’encontre du but de la littérature, qui est l’individualité dans l’expression » (4). Alexis soutient cette idée : « il suffirait pour m’expliquer de quelques termes précis, qui ne sont même pas indécents parce qu’ils sont scientifiques. Mais je ne les emploierai pas 11 » (18) ; le deuxième est celui de l’obscénité, mais pour Yourcenar, « la brutalité du langage trompe sur la banalité de la pensée, et […] reste facilement compatible avec un certain conformisme » (5). Dans le corps du texte, Alexis réaffirme cette posture de sa créatrice, lorsqu’il évoque ses condisciples au collège de Presbourg : « La vie en commun développe la brutalité. J’étais choqué par celle de leurs jeux, de leurs habitudes, de leur langage. » (25) La troisième possibilité discursive, que Yourcenar retiendra finalement, est « […] cette langue dépouillée, presque abstraite, à la fois circonspecte et précise, qui en France a servi durant des siècles aux prédicateurs, aux moralistes. […] Ce style traditionnel de l’examen de conscience se prête […] bien à formuler les innombrables nuances de jugement sur un sujet de par sa nature complexe comme la vie elle-même ». (5)
11Le jeune pianiste, de son côté, affirme : « J’avais l’habitude de l’examen de conscience, […] j’avais des scrupules. » (26) De cette manière Alexis ou le Traité du vain combat s’inscrit dans une modalité discursive institutionnelle qui va non seulement l’exonérer de toute possibilité « d’outrage aux mœurs », mais qui permettra à l’auteur, à l’instar des « romanciers de l’époque classique », de traiter « ce qu’on appelait alors « les égarements des sens » (5), même si Alexis en garde une certaine réticence qu’il exprime à Monique : « Ne croyez pas non plus que j’approuve les poètes d’éviter les termes exacts. » (18) Toujours dans la « Préface », Yourcenar affirme qu’Alexis, « contemporain d’un certain moment de la littérature et des mœurs où un sujet jusque-là frappé d’interdit trouv [e] pour la première fois depuis des siècles sa pleine expression écrite » (3). Et pourtant dans la « Chronologie » des Œuvres romanesques de la Pléiade Yourcenar évoque, dans les dernières années de sa vie, « [c] e petit ouvrage au sujet encore scabreux à l’époque » (xvii). L’incipit du roman met en place la difficulté de la parole à traduire certaines vérités essentielles de l’être :
Je n’aime pas beaucoup écrire. J’ai lu souvent que les paroles trahissent la pensée, mais il me semble que les paroles écrites la trahissent encore davantage. Vous savez ce qui reste d’un texte après deux traductions successives. Et puis, je ne sais pas m’y prendre. Écrire est un choix perpétuel entre mille expressions, dont aucune ne me satisfait, dont aucune surtout ne me satisfait sans les autres. […] Une lettre, même la plus longue, force à simplifier ce qui n’aurait pas dû l’être […] ces pages contiendront bien des ratures ; elles en contiennent déjà. […] j’aurais la faiblesse, à chaque phrase, d’espérer être interrompu. (9-10)
12Dans le meilleur style stendhalien, Alexis est conscient que « le sujet surpasse le disant », car pour le jeune pianiste, « il est bien des choses qu’on exprime davantage en ne les disant pas 12 » (47). La tension du discours d’Alexis prend l’allure de la confession selon la pastorale chrétienne pour laquelle il est devenu impératif de raconter sa sexualité à soi-même par le biais de l’intervention d’autrui. Soit la confession auprès du prêtre, soit – dans les temps modernes – auprès du psychologue. Selon Foucault :
L’extension de l’aveu, et de l’aveu de la chair, ne cesse de croître. Parce que la Contre-Réforme s’emploie dans tous les pays catholiques à accélérer le rythme de la confession annuelle. Parce qu’elle essaie d’imposer des règles méticuleuses d’examen de soi-même. […] Le sexe, selon la nouvelle pastorale, ne doit plus être nommé sans prudence ; […] une double évolution tend à faire de la chair la racine de tous les péchés, et à en déplacer le moment le plus important de l’acte lui-même vers le trouble, si difficile à percevoir et à formuler, du désir ; car c’est un mal qui atteint l’homme entier, et sous les formes les plus secrètes. […] [P] our tout bon chrétien […] un impératif est posé : non pas seulement confesser les actes contraires à la loi, mais chercher à faire de son désir, de tout son désir, discours 13.
13Pendant une grande partie du récit, jusqu’à la naissance de son fils, le discours d’Alexis ne fait que signaler la nécessité de la confession, mais il constate en même temps l’échec de cette tentative :
Si j’avais osé me confesser aux miens, ce qu’ils m’eussent le moins pardonné, ç’aurait été, précisément, cette confession. […] J’aurais été surveillé, je n’aurais pas été aidé. (35) [C] haque mot que je trace m’éloigne un peu plus de ce que je voulais d’abord exprimer ; (10) […]. [J] e m’aperçois que je n’ai rien expliqué. (12) […] Il y a […] quelque chose de ridicule à envelopper de phrases un aveu qui devrait être simple ; (18). […] Je suis pour la seconde fois sur le bord d’un aveu, (22) […]. [I] l me semblait qu’un aveu allait couler hors de moi, involontairement, à la façon des larmes. (37)
14Si la confession de l’homosexualité d’Alexis s’avère impossible, nous assistons par contre à des aveux « périphériques », moins dangereux parce qu’ils n’engagent pas la chair, mais qui frappent d’autant plus qu’ils dévoilent l’absence d’amour envers Monique. Cet aveu est peut-être plus scandaleux que l’autre :
L’amour (pardonnez-moi, mon amie) est un sentiment que je n’ai pas ressenti par la suite. […] On ne s’éprend pas de ce que l’on respecte, ni peut-être de ce que l’on aime ; on ne s’éprend pas surtout de ce à quoi l’on ressemble ; et ce dont je différais le plus, ce n’était pas des femmes. (20-22)
Je dois éviter les mots de bonheur ou d’amour, car enfin, je ne vous ai pas aimée. Seulement, vous m’êtes devenue chère […] je m’attachais à vous. Je m’attachais : c’est malheureusement le seul mot qui convienne. […] Je n’étais pas heureux. (58-63)
15Mais Alexis est bien le représentant de la société bien-pensante de l’époque par d’autres aspects qui correspondent à la vision de Foucault dans son analyse de la famille et de la sexualité en rapport avec l’histoire. Alexis a la foi du catholique pratiquant, il assiste aux offices religieux, avec la dose d’hypocrisie que Yourcenar, dans le procès qu’elle dresse contre les religions, ne cessera de signaler :
Nous nous forcions aux pratiques d’une dévotion exaltée, qui ne correspondaient plus à nos vraies croyances […] Souvent, nous nous attardions dans ces vieilles églises […] qu’on visite en voyage ; nous avions même pris l’habitude d’y prier 14. (65)
16D’autre part, Foucault affirme que « la société moderne a tenté de réduire la sexualité au couple – au couple hétérosexuel et autant que possible légitime 15 ». « Mes idées religieuses me portaient à voir, dans le mariage, le seul idéal innocent et permis » (60), ajoute Alexis. Il obéit de près à la triple injonction de l’ordre bourgeois qui assure la cohésion entre famille et production : mariage, procréation, héritage. Pour Foucault, « les relations de sexe ont donné lieu, dans toute société, à un dispositif d’alliance : système de mariage, de fixation et de développement des parentés, de transmission des noms et des biens 16 ». Le mariage d’Alexis ne correspond pas à un choix personnel – capacité que jusque là il n’a pas –, mais il lui est imposé : « Je m’aperçus, avec effroi, qu’on avait fini par nous croire fiancés. » (59) Daniel, son fils, n’est pas désiré non plus : « Lorsque je sus qu’un enfant nous viendrait, je n’en ressentis que peu de joie. […] Je m’étais, par un sentiment aveugle du devoir, rendu responsable de sa vie. » (68-71) Mais la paternité représente pour lui la possibilité de prolonger son lignage familial :
[J] e me disais qu’il [Daniel] était un Géra 17, qu’il appartenait à cette famille où les gens se transmettent précieusement des pensées si anciennes qu’elles sont maintenant hors d’usage. […] Il descendait, comme moi, d’ancêtres de Pologne, de Podolie et de Bohême ; […] il aurait leur goût pour les plaisirs bizarres. Car nous sommes d’une race bien étrange, où la folie et la mélancolie alternent de siècle en siècle, comme les yeux noirs et les yeux bleus. Daniel et moi, nous avons les yeux bleus 18. (71)
17Alexis appartient par ailleurs à une vieille famille de la noblesse autrichienne en détresse économique avec un avenir très incertain. Le mariage avec Monique Thiébaut apparaît comme une issue. Encore un aveu troublant du jeune musicien :
J’étais pauvre : jusqu’à mon mariage, j’avais peiné pour vivre. […] Il serait odieux de tromper celle dont l’argent nous fait vivre. […] [Daniel] hériterait de vous, […] cette fortune, qui depuis si longtemps manquait à Woroïno (et la fortune, mon amie, ne donne pas le bonheur, mais le permet souvent). (66-71)
18Yourcenar affirmait souvent dans ses entretiens que la bisexualité est le mode prédominant de ses personnages masculins – car, la sexualité féminine, on l’a amplement déjà montré, est pratiquement bannie de son écriture. Dans ma relecture d’Alexis, je m’aperçois que le mariage et la paternité correspondent à un devoir familial et à une responsabilité sociale et ne sont qu’un alibi qui masque mal l’existence d’une homosexualité à l’« état pur ». Essayons de dresser le portrait de l’homosexualité d’Alexis qui dépasse les limites d’une personnalité et prend les allures d’une dimension universelle. Il faut rappeler que, comme l’indique Foucault, « la catégorie psychologique, psychiatrique, médicale de l’homosexualité » se constitue lors de l’article de Westphal en 1870, sur « les sensations contraires ». Elle traduit moins :
[U] n type de relations sexuelles qu’[une] certaine qualité de la sensibilité sexuelle. […] L’homosexualité est apparue comme une des figures de la sexualité lorsqu’elle a été rabattue de la pratique de la sodomie sur une sorte d’androgynie intérieure, un hermaphroditisme de l’âme. Le sodomite était un relaps, l’homosexuel est maintenant une espèce. […] L’homosexuel du xixe siècle est devenu un personnage : un passé, une histoire et une enfance, un caractère, une forme de vie 19.
19Garçon trop sensible, obsédé par la pureté physique et très pieux, timide et solitaire, de nature maladive – « des troubles nerveux s’étaient manifestés » (25) –, et élevé par des femmes, Alexis est un adolescent qui pleure sans cause : « Je me rappelle certaines larmes, versées lorsque, vraiment, il n’y avait de quoi pleurer » (24). Il y a chez lui un sentiment de crainte par rapport à la figure masculine : « Nous avions peur de mon père ; plus tard, de mes frères aînés. » (21) Fils cadet, il est surprotégé par sa mère : « Ma mère, qui faisait de son mieux pour contribuer à mon avenir […] me trouvait trop jeune. Elle craignait […] les tentations où m’exposerait une vie plus libre ; elle se figurait […] que l’existence familiale m’en avait préservé. » (36) Le déplacement de la figure maternelle vers Monique est évident :
[…] Il me semblait que cette intimité trop grande allait […] avilir quelque chose. […] Je ne voudrais rien dire qui risquât de vous choquer, […] mais il me semble que ce fut un don maternel. J’ai vu plus tard votre enfant se blottir contre vous, et j’ai pensé que tout homme, sans le savoir, cherche surtout dans la femme le souvenir du temps où sa mère l’accueillait. Du moins, cela est vrai, quand il s’agit de moi. […] Je crois presque avoir été moi-même votre premier enfant. (63)
20Lorsque Alexis pense à la première union avec Monique, il est hanté par l’idée de l’échec et du dégoût, sentiment proche du mépris : « Nous avions retardé […] l’instant où nous serions tout à fait l’un à l’autre. J’y pensais, d’avance, avec un peu d’inquiétude, de répugnance aussi. » (63) C’est le même mot qu’il emploie pour désigner les prostituées : « De pitoyables créatures aperçues au cours des sorties préoccupaient les plus âgés de mes compagnons, mais elles me causaient une répugnance extraordinaire. » (25) Cette première approche charnelle de Monique lui est imposée comme un devoir : « Je me demandais, chaque soir, si j’oserais vous rejoindre ; mon amie, je ne l’osais pas. Puis, il le fallut bien : sans doute, vous n’eussiez plus compris. » (63) Après le mariage, son tempérament devient morose : « Mon caractère changeait : je devenais fantasque, difficile, irritable. » (65) Quand l’enfant va naître, et que la vie de Monique est en danger, Alexis a peur de ne pas souffrir devant l’éventualité de cette mort : « Je me répétais […] que sans doute vous alliez mourir. Je craignais de ne pas éprouver un désespoir assez sincère : j’en avais, d’avance, une sorte de remords. » (69-70)
21L’impossibilité d’aimer une femme, « vous aviez renoncé à me demander ce grand amour, que sans doute aucune femme ne m’inspirera jamais, puisqu’il ne m’est pas donné de l’éprouver pour vous » (64), s’annule devant la possibilité masculine : évoquant son enfance et les enfants qu’il côtoyait lors des grandes fêtes, il y en avaient « qui vous tourmentaient sans même qu’on protestât, parce qu’ils étaient beaux. […] Je crois bien que je me laissais tyranniser avec délices. […] j’étais heureux de les voir ; […] J’étais heureux de les aimer ». (20)
22Plus tard, à l’âge où les rencontres clandestines commencent, il s’opère chez lui une séparation entre l’amour et la volupté : « Ainsi, j’ai dissocié l’amour. […] Je me suis presque toujours borné à des complicités banales, par une obscure terreur de m’attacher et de souffrir » (42). Ces rencontres ont lieu à la tombée du jour, avec la complicité de l’obscurité : « Il n’y a rien de blâmable à sortir au crépuscule ; pourtant, c’était une défaite, et qui présageait l’autre. » (46) Ce sont des rencontres, bien entendu, avec des inconnus : « Ne vous effrayez pas : je ne décrirai rien ; je ne dirai pas les noms ; j’ai même oublié les noms, ou je ne les ai jamais sus. » (42) Alexis se complaît même à décrire leurs attributs physiques, avec la tentation de l’amour : « Je revois la courbe particulière d’une nuque, d’une bouche ou d’une paupière, certains visages aimés pour leur tristesse. » (42) À Vienne, il fréquente des garçons prostitués : « Certaines époques étaient particulièrement dangereuses : la fin des semaines, le commencement des mois, peut-être parce que j’avais un peu plus d’argent et que j’avais pris l’habitude des complicités payées. » (45) N’oublions pas qu’Alexis – contrairement à Nathanaël qui ne savait pas qu’il était beau –, ne l’est pas : « Il m’était très doux d’être moins beau que mes amis. » (20) Vient enfin la tentation du suicide : « Je subis les obsessions du suicide. » (48) Après cela, il y a peu de doutes sur une homosexualité prédominante chez Alexis pour qui le passage éprouvant à travers le mariage ne fait que l’affirmer dans sa véritable vocation sensuelle.
23La naissance de Daniel apparaît dans le texte comme une espèce de péripétie – dans le sens aristotélicien du terme – et introduit des changements radicaux : elle marque la disparition de Monique pour Alexis. Yourcenar s’évertue symboliquement à assurer la survivance du masculin et à faire disparaître la femme – rappelons au passage que le dernier récit, Une belle matinée, s’axe autour de la vie de Lazare, le fils de Nathanaël, et de Saraï, la mère morte. Mais la naissance de Daniel engendre aussi une autre, celle du père :
[L]e souvenir de ces heures, où je vous crus perdue, contribua peut-être à me ramener du côté où penchaient toujours mes instincts. […] [I] l importait peu, maintenant, que mon existence continuât : […] je pouvais disparaître à mon tour, mourir, ou bien recommencer à vivre. (70-72)
24Alexis constate que l’illusion du mariage et de la paternité s’évanouissent et une fois les brumes dissipées, il connaît le désabusement et se trouve face à face avec ses réalités essentielles :
[…] Les événements s’étaient interposés entre moi et ma propre nature ; j’étais ce que j’avais été, peut-être plus profondément qu’autrefois, car à mesure que tombent l’une après l’autre nos illusions et nos croyances, nous connaissons mieux notre être véritable. Tant d’efforts et de bonne volonté aboutissaient à me retrouver tel que j’étais jadis : une âme un peu trouble, mais que deux ans de vertu avaient désabusée. (72)
25L’autre démon qu’il s’agit de conjurer, dans cette démarche de l’acceptation de soi, est celui de la religion et des postures métaphysiques qu’elle implique. Vers la fin du texte, la foi religieuse d’Alexis apparaît sous forme de réminiscence : « À cette époque, vous et moi croyons encore en Dieu […] j’avais peur d’être damné. […] Les dernières semaines de votre grossesse furent pénibles : un soir, ma bellesour vint me dire de prier. Je ne priai pas. » (58-59, 69) Pour Yourcenar, cet affranchissement du dogme religieux est nécessaire pour accéder à une vision plus large des choses, comme elle l’indique dans Les Yeux ouverts :
Très petite, j’ai eu […] le sentiment qu’il fallait choisir entre la religion, telle que je la voyais autour de moi, donc la religion catholique, et l’univers ; j’aimais mieux l’univers. […] À ce moment-là, ces deux aspects du sacré me paraissaient incompatibles. L’un me semblait beaucoup plus vaste que l’autre : l’Église me cachait la forêt. Je ne dis pas qu’un tel dilemme soit nécessaire. J’imagine très bien qu’un catholique puisse réunir les deux, surtout parmi les plus ouverts de notre époque, ou au contraire dans le lointain passé. Mais dans le catholicisme assez appauvri qui était celui du début du siècle, ce n’était guère possible 20.
26Le détachement de la religion, la réaffirmation du corps comme la seule réalité tangible de l’existence, assure Alexis dans l’inexistence de l’âme et il inaugure de cette façon la transcendance inhérente à la matière qui sera le lot des personnages yourcenariens à venir :
Ce corps, qui paraît si fragile, est cependant plus durable que mes résolutions vertueuses, peut-être même que mon âme, car l’âme souvent meurt avant lui. Cette phrase, Monique, vous choque sans doute plus que ma confession tout entière : vous croyez en l’âme immortelle. Pardonnez-moi d’être moins sûr que vous, ou d’avoir moins d’orgueil ; l’âme ne me paraît souvent qu’une simple respiration du corps 21.
27En 1932, Yourcenar publie chez Grasset sa « biographie littéraire 22 » sur Pindare. Mais comme elle l’indique dans la « Chronologie » des Œuvres romanesques (xvi-xvii), le texte a été rédigé en 1926, c’est-à-dire une année avant la rédaction d’Alexis (août 1927-septembre 1928). Malgré la période éloignée qui concerne le poète grec (vie siècle avant notre ère), Yourcenar, par un procédé auquel elle nous a habitués et qui consiste à énoncer des vérités à caractère universel qui dépassent les cadres étroits de la chronologie, expose, dans Pindare, pour la seule fois dans toute son œuvre, sa définition de la morale :
La morale, à chaque époque, est un compromis entre les instincts, les nécessités sociales, la mode et les croyances. Il y entre de la politesse et il y entre de l’hygiène. Il y entre quelquefois de la raison. Elle fait partie des usages d’un siècle, auxquels il n’est pas obligatoire de se conformer, mais qu’il est imprudent de combattre 23.
28Cette définition de la morale va irradier toute l’écriture de Yourcenar, et c’est dans cette mouvance entre la physiologie d’un moi tel que l’écrivain le conçoit, c’est-à-dire profondément nucléaire, et les exigences des autres, que se joue la liberté de ses personnages. Alexis, n’affirme-t-il pas, qu’« [i] l est humiliant de penser que tant d’aspirations confuses, d’émotions et de troubles (sans compter les souffrances), ont une raison physiologique. […] La vie aussi n’est qu’un secret physiologique » (18) ? Dans ce partage entre moi et les autres, l’écrivain va affirmer le comportement, souvent marginal de ses créatures romanesques et qu’elle poussera, comme avec Zénon, par exemple, dans des limites qui finiront par le perdre. L’alchimiste a, justement lui, l’imprudence de combattre les usages de son siècle.Et ajoutons aussitôt cette autre notion de Yourcenar qui oppose, dans Archives du Nord, la quête individuelle à la voix publique qui n’est, comme elle l’affirme, qu’« un sourd et presque toujours imbécile chuchotement choral 24 » :
Agir et penser comme tout le monde n’est jamais une recommandation ; ce n’est pas toujours une excuse. À chaque époque, il est des gens qui ne pensent pas comme tout le monde, c’est-à-dire qui ne pensent pas comme ceux qui ne pensent pas 25.
29Chez Alexis l’on peut suivre cette fluctuation qui marque l’évolution d’une morale extérieure marquée par la notion de compromis, qui confine à l’hypocrisie, et à laquelle Alexis se conforme, vers une morale intérieure, intime, qui va le conduire non seulement à la reconnaissance de soi et à l’affirmation de sa propre personnalité, mais qui lui montre aussi le chemin de la liberté. Prenons quelques exemples présentés dans leur ordre d’évolution chronologique à l’intérieur du roman lui-même : au début du roman, Alexis évoquant son enfance, se voit désigné par la faute, idée forgée par les autres et dont il n’a pas conscience à cette époque-là. Le pluriel du possessif indique la voix collective qui juge : « Le plus cruel résultat de ce que je suis bien forcé d’appeler nos fautes (ne fût-ce que pour me conformer à l’usage) est de contaminer jusqu’au souvenir du temps où nous ne les avions pas commises » (12) ; il s’aperçoit, sous la forme du désabusement, qu’on ne peut pas enfermer la vie dans les limites d’une vision quelconque : « La vie est quelque chose de plus que la poésie ; elle est quelque chose de plus que la physiologie, et même que la morale, à laquelle j’ai cru si longtemps. » (18) Lorsqu’il se souvient de ses années de collège, il constate son assujettissement : « [J]’étais satisfait de vivre selon l’idéal de moralité passive, un peu morne, que j’entendais prôner autour de moi ; je croyais que ce genre d’existence pouvait durer toujours. » (30) Après sa première rencontre charnelle et le sentiment de stupeur qui s’ensuit, Alexis accède à l’éveil de la raison : « Je dus réfléchir. Naturellement, je ne pouvais me juger que d’après les idées admises autour de moi : j’aurais trouvé plus abominable encore de ne pas avoir horreur de ma faute que de l’avoir commise. » (32) C’est alors que la notion d’instinct s’installe peu à peu dans son discours – avec un choix lexical autour de la physiologie et du corps – montrant ainsi le travail d’intériorisation de la notion yourcenarienne de morale :
Je crus d’abord qu’il s’agissait d’éviter les occasions du péché ; je m’aperçus bientôt que nos actions n’ont qu’une valeur de symptômes : c’est notre nature qu’il nous faudrait changer. J’avais eu peur des événements ; j’eus peur de mon corps ; je finis par reconnaître que nos instincts se communiquent à notre âme, et nous pénètrent tout entiers. (45)
30Et c’est à ce moment-là qu’apparaît dans le texte l’opposition entre un moi qui s’affirme de plus en plus par opposition aux autres :
[J]e pensais […] avec justesse, que rien ne pousse aux extravagances de l’instinct comme la régularité d’une vie trop raisonnable […] Les gens se figurent qu’ils réprouvent certains actes parce que la morale s’y oppose ; en réalité, ils obéissent (ils ont le bonheur d’obéir) à des répugnances instinctives. (36, 47)
31Alexis entreprend cet imprudent combat – qui n’est pas vain – et le paragraphe suivant commence par cette affirmation triomphante : « Je vainquis. » (47) Dans les « Carnets de notes » de L’Œuvre au Noir, Yourcenar écrit ceci :
« L’homosexualité est une vue sur la vie », me disait il y a quarante ans Edmond Jaloux à propos d’Alexis, et la remarque était d’autant plus frappante qu’elle provenait, je crois, d’un homme au comportement totalement hétérosexuel. En dépit d’Alexis, j’eus d’ailleurs quelque mal à comprendre ce qu’il voulait dire 26.
32La victoire d’Alexis consiste justement dans cette lucidité du regard et du jugement, dans l’affirmation de son individualité par rapport aux « nécessités sociales », à « la mode » et aux « croyances » : « Me conformant aux règles morales les plus strictes, je me donnais maintenant le droit de les juger. » (68) La sexualité chez lui se constitue comme domaine moral et on peut bien ici appliquer cette affirmation de Foucault – dans L’Usage des plaisirs– qui complète la vision de Yourcenar :
Il y a des moments dans la vie où la question de savoir si on peut penser autrement qu’on ne pense et percevoir autrement qu’on ne voit est indispensable pour continuer à regarder ou à réfléchir. […] [il y a des] pratiques par lesquelles les individus ont été amenés à porter attention à eux-mêmes, à se déchiffrer, à se reconnaître et à s’avouer comme sujets de désir, faisant jouer entre eux-mêmes et eux-mêmes un certain rapport qui leur permet de découvrir dans le désir la vérité de leur être, qu’il soit naturel ou déchu 27.
33Pour qu’Alexis puisse reconnaître son être comme une identité morale autonome, il doit opérer le passage qui va de l’individuel à l’universel, le unus ego et multi in me de Zénon, qui lui prouve que certains mécanismes profonds du comportement humain, certaine vérité intime, ne doivent pas subir les castrations des institutions, surtout quand il s’agit de pratiquer sa liberté et de s’affirmer comme sujet moral. C’est par le biais de cette solidarité universelle qu’Alexis fait sienne la définition yourcenarienne de morale :
Tout, même une tare, a ses avantages pour un esprit un peu lucide ; elle procure une vue moins conventionnelle du monde. Ma vie moins solitaire, et la lecture des livres, m’apprirent quelle différence existe entre les convenances extérieures et la morale intime. Les hommes ne disent pas tout, mais lorsqu’on a, comme moi, dû prendre l’habitude de certaines réticences, on s’aperçoit très vite qu’elles sont universelles. […] Ma conscience mise à nu me révélait celle des autres. […] Mon seul tort (mon seul malheur plutôt) était d’être, non certes pire que tous, mais seulement différent. Et même, bien des gens s’accommodent d’instincts pareils aux miens ; […] je m’en voulais d’avoir pris au tragique des préceptes que démentent tant d’exemples – et la morale humaine n’est qu’un grand compromis. (68)
34La reconnaissance de sa différence emmène Alexis à la revendication de la nature humaine, à l’acceptation de sa propre morale, à la sérénité et à la liberté. À la fin de sa longue lettre, il met entre parenthèses des expressions qui atténuent les mots-clés qui le torturaient jadis :
[J]’aime […] mieux la faute (si c’en est une) qu’un déni de soi si proche de la démence. La vie m’a fait ce que je suis, prisonnier (si l’on veut) d’instincts que je n’ai pas choisis, mais auxquels je me résigne, et cet acquiescement, je l’espère, à défaut du bonheur, me procurera la sérénité. […] N’ayant pas su vivre selon la morale ordinaire, je tâche, du moins, d’être d’accord avec la mienne. (75-76)
35Cette liberté d’Alexis est renforcée par le mythe – récurrent chez Yourcenar – de l’artiste sauvé par son art propre 28. À la fin du texte, il reprend l’exercice de la musique qu’il avait abandonné pendant la crise de son mariage. Le piano incarne le cheminement tortueux qu’il a lui-même suivi :
[C]e que je regrettais, remontant, de pensées en pensées, d’accords en accords, vers mon passé le plus intime et le moins avoué, c’étaient, non pas mes fautes, mais les possibilités de joie que j’avais repoussées. Ce n’était pas d’avoir cédé trop souvent, c’était d’avoir trop longtemps et trop durement lutté. […] Je commençais à comprendre le sens de cette musique intérieure […] de joie et de désir sauvage, que j’avais étouffée en moi. […] Je commençais à comprendre cette liberté de l’art et de la vie, qui n’obéissent qu’aux lois de leur développement propre. Le rythme suit la montée du trouble intérieur. […] Ce qui, maintenant, naissait de l’instrument […] [c]’était de la haine ; la haine pour tout ce qui m’avait falsifié, écrasé si longtemps. […] [E] lles m’ouvraient, mes mains libératrices, la porte du départ. (73-75)
36Dans sa préface de 1963, Yourcenar affirmait :
Il suffit de regarder attentivement autour de nous pour s’apercevoir que le drame d’Alexis et de Monique n’a pas cessé d’être vécu […] Les mœurs, quoi qu’on dise, ont trop peu changé pour que la donnée centrale de ce roman ait beaucoup vieilli. (4)
37Alexis constitue le premier chaînon dans l’évolution d’une sexualité qui devient moins visible dans les œuvres de maturité de l’écrivain. Mais ce traité de l’homosexualité place Yourcenar face à son temps, face à tous les temps.
Bibliographie
Bibliographie
Foucault Histoire de la sexualité, vol. 1, La volonté de savoir, Gallimard, NRF, coll. « Bibliothèque des Histoires », 1976.
– Histoire de la sexualité, vol. 2, L’usage des plaisirs, Gallimard, NRF, coll. « Bibliothèque des Histoires », 1984.
Youcault « André Gide revisited », in Cahiers André Gide, 3, Le Centenaire, Gallimard, 1972.
Notes de bas de page
1 OR, p. 79.
2 YO, p. 83. Par rapport à Denier du rêve, Yourcenar déclare à M. Galey : « Pour la première fois, j’étais consciemment en face d’événements actuels, une certaine année de l’Histoire, et j’avais à improviser ma technique devant ce panorama changeant » (79-80).
3 Ibid., p. 36.
4 Ibid., p. 37.
5 Ibid., p. 64.
6 M. Yourcenar, « André Gide revisited », in Cahiers André Gide, 3, Le Centenaire, Gallimard, 1972, p. 31-32. Cf. l’affirmation de Yourcenar dans les « Carnets de notes » de Mémoires d’Hadrien : « Ne jamais perdre de vue le graphique d’une vie humaine, qui ne se compose pas, quoi qu’on dise, d’une horizontale et de deux perpendiculaires, mais bien plutôt de trois lignes sinueuses, étirées à l’infini, sans cesse rapprochées et divergeant sans cesse : ce qu’un homme a cru être, ce qu’il a voulu être, et ce qu’il fut » (OR, op. cit., p. 536).
7 M. Foucault, Histoire de la sexualité, vol. 1, La volonté de savoir, Gallimard, NRF, coll. « Bibliothèque des Histoires », 1976.
8 Op. cit., p. 45.
9 Ibid., p. 48.
10 M. Yourcenar, OR, Mémoires d’Hadrien, « Carnets de notes », p. 520.
11 Ou encore cette affirmation d’Alexis : « Comment un terme scientifique pourrait-il expliquer une vie ? » (19).
12 Dans « Phédon ou le Vertige » in Feux, Phédon affirme par rapport à Socrate : « […] déjà les mots ne s’échappaient plus qu’à regret de cette bouche apaisée : sans doute, ce sage comprenait-il que la seule raison d’être des allées du Discours, qu’il avait inlassablement parcourues toute sa vie, est de mener jusqu’au bord du silence où bat le cœur des dieux » (OR, 1142-1143).
13 M. Foucault, Histoire de la sexualité, op. cit., p. 27-28 et 29-30.
14 Et plus loin, Alexis, sous la forme d’évocation, affirme : « [Mes mains] avaient noué autour des corps la brève joie des étreintes ; […] Souvent, je les avais tenues levées, dans l’attitude de la prière » (74).
15 M. Foucault, Histoire de la sexualité, op. cit., p. 62.
16 Ibid., p. 140.
17 C’est justement dans ce passage et seulement là que le nom de famille d’Alexis apparaît. Monique aussi en possède un (Thiébaut). Le rêve de bâtardise qui traverse les grands personnages yourcenariens n’a pas encore commencé.
18 Cette prise de conscience de la prolongation du nom des Géra, investit les portraits des ancêtres d’un pouvoir presque magique : « L’enfant dormait maintenant dans le berceau placé près du lit ; les lampes, posées sur la table, éclairaient confusément les choses, et les portraits de famille, que d’habitude on ne regarde plus à force de les voir, cessaient d’être une présence pour devenir une apparition » (71).
19 M. Foucault, Histoire de la sexualité, op. cit., p. 59.
20 YO, op. cit., p. 41-42.
21 P. 33, ou encore cette évocation par Alexis du public qui assista à son premier concert : « […] ces visages composés dissimulant les âmes, l’absence des âmes » (50).
22 YO, op. cit., p. 62.
23 EM, p. 1492.
24 Ibid., p. 298.
25 Ibid., p. 298.
26 Ibid., p. 867.
27 M. Foucault, Histoire de la sexualité, vol. 2, L’usage des plaisirs, p. 14 et 11.
28 C’est le cas de Zénon, de Sappho et du peintre Wang-Fô.
Auteur
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