Contre la décadence, le réenchantement du monde
p. 23-38
Texte intégral
1Les facettes du désenchantement sont multiples. Les appels au « réenchantement » s’accompagnent en général d’une peinture très noire de la société du temps. Les théologiens – depuis Saint Augustin – les moralistes, puis les historiens et sociologues se livrent à des descriptions complexes de ce qu’ils nomment diversement déclin, crépuscule, ou décadence, avec les diverses connotations de chute, de descente progressive ou de perte de lumière que comportent ces mots. Ils proposent des ripostes qui depuis le vingtième siècle se détournent des grandes philosophies de l’histoire orientées par la volonté divine ou par l’esprit. Les empires déclinent, pour toutes sortes de raisons : économiques, militaires, politiques ; les sociétés entrent en décadence. La décadence, associée à une vision de décomposition, à la nostalgie de valeurs disparues, apparaît comme un résidu difficilement analysable des déclins, symptôme ou lame de fond. C’est un motif poétique, une source de réflexions philosophiques et morales, mais aussi de prophéties et d’admonestations politiques, et cela depuis que la fin du monde antique a ouvert la question de la survie des civilisations.
2Peut-on lutter contre la décadence autrement qu’en la dénonçant ? La notion de décadence a-t-elle encore un sens de nos jours ? Que signifie réenchanter le monde une fois qu’il a perdu sa participation aux forces invisibles ? Ce sont les questions que j’essaie de suivre dans la progression de l’œuvre de Marguerite Yourcenar, qui a commencé à écrire précisément dans une des périodes crépusculaires de l’histoire, celle de l’après Première guerre mondiale.
3Dans les années vingt, le sentiment général parmi les intellectuels, et malgré la paix revenue en Europe, était celui d’une menace pesant sur la civilisation occidentale depuis que le récent conflit avait brutalement rappelé la condition mortelle de toute civilisation. Paul Valéry a superbement résumé ce trouble de la conscience européenne : « L’orage vient de finir, et cependant nous sommes inquiets, anxieux, comme si l’orage allait éclater 1. » Il est loin d’être le seul à ausculter l’esprit du temps. Dans le registre apocalyptique, des écrivains comme Charles Maurras parlent de la menace des « métèques » comme de tout ce qui est « autre 2 ». Les poètes ne sont pas en reste, qu’on pense à ce poème de Yeats intitulé « The Second Coming 3 » ou à ce que Julien Gracq a appelé « le surréalisme noir 4 ». Parmi les œuvres cherchant à pointer les responsabilités dans la crise politique et culturelle, l’ouvrage de Julien Benda, La Trahison des clercs, de 1928 5, a très bien pu être une des lectures de Yourcenar. Le thème du déclin était dans l’air du temps avant même que la conflagration n’ait fait trembler l’Europe sur ses bases. Oswald Spengler avait déjà prophétisé en 1911 que l’Europe allait vers son suicide. Son monumental ouvrage, Le Déclin de l’Occident, paru en Allemagne de 1918 à 1923 avait eu immédiatement un énorme retentissement 6. Il ne sera traduit en France qu’au début des années trente, mais il y sera commenté bien avant 7. Le succès de Spengler à l’époque s’explique, en partie du moins, parce que sa description des cycles de civilisations, différentes et étrangères l’une à l’autre, convergeait avec tout un courant de pensée fin de siècle désabusé de l’eschatologie du progrès. Selon lui, les sociétés naissent et meurent comme des êtres vivants, la « civilisation » étant la phase ultime de leur développement, celle qui précède leur fin, règne de la technique et des dictateurs, mais aussi de l’éclectisme en art, celle précisément où se trouve l’Occident. Brisant la fascination suscitée par Spengler, Thomas Mann écrit dès 1922 pour une revue américaine quelques pages d’une critique virulente de ce livre colossal « au titre catastrophique 8 ». Il y dénonce la perversité et même le snobisme d’un écrivain qui utilise tous les outils de la civilisation pour décrire sa fin avec un fatalisme apocalyptique. Humanisme contre prophétisme.
4Lorsqu’en 1929 Marguerite Yourcenar fait entendre sa voix sur le thème de la décadence, elle proclame sur un ton plutôt spenglerien dans son Diagnostic de l’Europe : « Aujourd’hui, la raison européenne est menacée de mort 9. » Comme dans ses autres essais de l’entre deux guerres, elle aborde avec audace des sujets qui parfois la dépassent, mais qu’elle traite avec une grande fermeté de ton. Ce sont, outre la décadence, la valeur de l’art commémoratif dans « L’Improvisation sur Innsbrück », l’art et la vie dans « Sixtine », l’économie politique dans « Le Changeur d’or », la religion dans « Essai de généalogie du saint 10 ». Elle n’est ni historienne, ni anthropologue, seulement une autodidacte exigeante et avide de culture et de connaissances précises. Mais elle pose des questions d’historienne et d’anthropologue, lesquelles s’entremêlent souvent. Par exemple, que signifie hériter d’une culture, elle qui écrit dans « Diagnostic » : « Toute conception philosophique de la vie est un legs lentement accru par l’histoire » (1652), et que veut dire avoir un passé par rapport à notre présent et notre futur ? Ces essais peuvent apparaître comme des exercices de pose de voix et de travail de style au regard des grandes œuvres futures. Ils n’en sont que plus précieux pour révéler les thèmes de réflexion qui lui tiennent à cœur, embryonnaires peut-être, mais déjà coulés dans une forme très travaillée 11. Elle s’y montre sensible aux deux faces de la décadence, la face séductrice des fins de siècle raffinées, et la face apocalyptique des « mauvais quarts d’heure de l’histoire », selon une expression qu’elle utilisera en 1940.
5Dans les années vingt, Yourcenar mène de front fiction, poésie et essais, dans une production qu’elle jugera plus tard chaotique 12. 1929, l’année où paraît « Diagnostic » est aussi l’année de la publication de son premier roman, Alexis ou le traité du vain combat, qu’elle situe dans « la vieille atmosphère d’Europe centrale » d’avant la guerre 13. « Diagnostic de l’Europe » est le seul essai qu’elle consacre spécifiquement au thème de la décadence, jusqu’à une conférence prononcée le 30 septembre 1987 au Canada sur les dangers des progrès incontrôlés qui menacent la survie de notre univers. Mais le mot décadence n’y apparaît plus, et il n’y a là plus trace d’ethno ni d’eurocentrisme, son souci étant passé au sort de la planète tout entière alors qu’en 1929, il s’agissait de l’effritement de la civilisation européenne. L’essai, qui ne faisait pas partie d’un projet d’ensemble, ne sera pas repris en volume du vivant de l’auteur. Yourcenar a dû cependant songer à une republication, puisqu’elle y ajoute une courte note datée de 1982 14. Elle y souligne la fausseté de ce texte qui fait trop confiance à l’avenir, et qui porte des jugements naïfs sur ses contemporains. La correction est bien mince. Yourcenar semble oublier qu’elle n’était pas du tout à ce moment-là réconciliée avec l’art et la littérature du début du siècle, critiquant même le style de Proust, en anti-moderniste résolue.
6Dans « Diagnostic » elle adopte la notion de décadence avec tous les aspects stéréotypés de son époque, qui pouvait d’autant mieux en parler que subsistait encore une vision relativement claire de la culture ou de la civilisation. Les écrivains et philosophes d’horizons différents qui ont pu l’influencer centraient alors leur réflexion sur le destin de l’Occident et de l’Europe, dont ils connaissaient bien la tradition culturelle, et que Valéry avait appelé « ce petit cap du continent asiatique » avec la crainte qu’elle ne soit plus que cela 15. C’est bien ainsi alors que Yourcenar perçoit le monde culturel dont elle hérite et qui pendant des années lui a seul importé. « Cet Orient, cet Occident oscillent depuis vingt siècles aux deux bouts d’une balance dont le fléau est Rome 16 ». Elle n’en est pas encore à découvrir l’Orient pour lui-même. En 1929, l’opposition Orient/Occident recouvre la dualité cœur/raison qui explique la maladie de ce grand corps qu’est l’Europe. Il y a là le reflet d’un organicisme souvent lié à une pensée politique conservatrice (Spengler, Barrès). Mais Michelet déjà utilisait la métaphore organique, dans une perspective optimiste et républicaine toutefois, assuré qu’un corps sain guérirait toujours 17.
7La métaphore organique filée au long des pages de « Diagnostic », mêlée aux images de décomposition, est analysée par Laura Brignoli pour montrer que l’intérêt de cette réflexion sur l’Europe est surtout d’ouvrir la question de l’esthétique de Yourcenar 18. Il n’y aura en effet pas de prolongement politique à ce texte. La comparaison avec La Trahison des clercs est éclairante à ce propos. Julien Benda accusait les intellectuels d’être largement responsables de la crise actuelle pour avoir abandonné l’impartialité de la raison au profit de l’action et du sentiment nationaliste. Yourcenar se contente d’une radiographie de la culture de son temps, marquée par ces symptômes de dissolution que sont le goût de l’absurde, la déformation du style, la montée des mysticismes, le désordre des connaissances. « Le cerveau européen, au xxe siècle, s’embouteille comme les carrefours » (1651), formule qui fait écho à celle de Valéry : « Chaque cerveau d’un certain rang était un carrefour pour toutes les races de l’opinion ; tout penseur, une exposition universelle de pensées 19. » La culture meurt non d’appauvrissement, mais de pléthore, d’un excès d’individualité qui détruit l’identité collective européenne.
8Loin de chercher les responsables de la catastrophe récente, ou d’en analyser les causes, Yourcenar fait remonter le fléchissement de l’intelligence européenne à la Révolution française, regrettant que les Lumières soient bien derrière nous. Par là elle se distingue de ceux qui détestent leur époque pour des raisons politiques et rêvent d’un pouvoir fort, ou des nostalgiques d’une tradition artistique nationale (Maurras). Elle reste en deçà et de l’accusation et de la prescription du remède. Certes, les artistes sont coupables d’abandonner les « disciplines héréditaires de la pensée » (1654), mais ils semblent eux-mêmes roulés dans une vague irrépressible, incapables de rétablir leur lien au passé, ce lien que Yourcenar s’efforcera au cours de toute son œuvre d’explorer, de définir, de rendre fécond. Deux éléments importants se dégagent de l’essai, l’angoisse du rapport au passé (« Dans cette Europe qui s’organise péniblement en État unique, le passé est un immense héritage en litige » 1652), et ce qu’on pourrait appeler l’esquive esthétique. En effet, tout en le déplorant, Yourcenar tire du spectacle un plaisir esthétique presque morbide. « Il y a quelque beauté tragique dans cet individualisme d’un monde prêt à mourir » (1651). La conclusion est jubilatoire : « [R] ésignés d’avance aux ténèbres qui vont suivre, assistons, reconnaissants d’une telle aubaine, au bouquet final du feu d’artifice d’un monde » (1655).
9Aux lueurs de cette « aube d’Asie » fera pendant, une « fantastique splendeur de soleil couchant » évoquée dans Souvenirs pieux à propos de la fin de la féodalité 20. Ces métaphores soulignent l’ambivalence de Yourcenar à l’égard de la décadence. Fascination et deuil, mais ambivalence aussi quant à sa nature. Car le phénomène appartient à ce qu’elle nomme « l’inéluctable », auquel nous sommes livrés tout comme nous sommes livrés à la vie 21. Il est d’une part la rançon du temps, car les corps vieillissent, les passions s’éteignent et les civilisations meurent, puisque leur maladie mortelle est la durée ; les statues meurent aussi, roulées par le temps ce grand sculpteur. C’est la face poétique de la décadence, celle qui donne motif à déploration lyrique. Mais les humains y participent largement par leurs restaurations imprudentes, macadam et béton, autant que par leurs destructions, et Yourcenar le soulignera de plus en plus fortement au cours des années, jusqu’à reconnaître l’approche d’une apocalypse écologique. Elle approfondit l’ambivalence lorsqu’elle écrit en 1958 dans son commentaire sur l’Histoire auguste « Rien de plus complexe que la courbe d’une décadence 22 », pour conclure par une vision englobant Rome et les empires qui lui ont succédé jusqu’à nos jours, jusqu’à Mussolini, « mourant au xxe siècle d’une mort d’empereur du IIIe siècle », [u] ne décadence qui s’étend ainsi sur plus de dix-huit cents ans est autre chose qu’un processus pathologique : c’est la condition de l’homme lui-même, la notion même de la politique et de l’état que l’Histoire auguste met en cause, cette masse déplorable de leçons mal apprises, d’expériences mal faites, d’erreurs souvent évitables et jamais évitées dont elle offre, il est vrai, un spécimen particulièrement réussi, mais qui, sous une forme ou sous une autre, remplissent tragiquement toute l’histoire. (20-21)
10Il faudrait citer toute la fin du texte qui non seulement détruit l’image cliché d’une décadence peuplée de « patriciens couronnés de roses s’appuyant sur des coussins ou de belles filles, » (21), mais reprend, en 1958, le rejet de la politique formulé par Yourcenar trente ans plus tôt. La décadence serait donc moins un processus historique, effet de fin de règne ou de fin de siècle, que l’effet d’une condition métaphysique, de cette finitude indépassable constatée dans la formule désabusée de Nathanaël « les hommes sont partout des hommes 23 » à laquelle l’auteur apporte volontiers sa variante, « les hommes sont toujours des hommes 24 ». Il est cependant impossible de sortir la décadence d’une temporalité historique, de la décrire autrement qu’en termes d’un devenir marqué de ruptures et de différences. Comment la rendre perceptible sinon par une comparaison avec ce qui a disparu ? Elle est donc indissociable de notre sens du temps, d’un sens du passé qui s’accompagne toujours d’une perte, comme de la reconnaissance que c’est dans le temps historique qu’apparaît le moment de la protestation humaniste.
11À distance des formules à l’emporte-pièce qu’on peut trouver dans le « Diagnostic », Yourcenar exploite la décadence avec plus de nuances dans la suite de son œuvre, dans un travail qui lui permet d’échapper à l’enfermement du temps prophétique. Quelle décadence ? Il y a celle dont Rome est le paradigme, telle que peut la percevoir un regard rétrospectif, et celle qui mine toujours, quelque part, et insidieusement, jusqu’aux périodes d’apparent équilibre – qui lui fait écrire au moment où elle n’emploie plus le terme de décadence « le chaos continue et grandit 25 » – et aussi celle des « mauvais quarts d’heure de l’histoire » qui provoquent l’esprit de lutte, proches de ce qu’Hannah Arendt nomme années noires 26. C’est sous une forme ou sous une autre la toile de fond de presque toutes les œuvres de fiction de Yourcenar. Depuis son premier roman, Alexis, elle garde une prédilection pour les moments de transition que sont les fins d’empire, ou ces périodes crépusculaires évoquées dans certaines notices de La Couronne et la lyre. Ainsi, « cette époque entre chien et loup qui vit la fin du monde antique et le triomphe du christianisme officiel 27 » n’est pas sans rappeler le moment qu’elle a choisi pour son roman antique, guidée par la fameuse phrase de Flaubert. C’est comme s’il y avait dans ces entre-deux matière à une connaissance historique et humaine plus fine. « Avoir vécu dans un monde qui se défait m’enseignait l’importance du prince, » écrit-elle dans les « Carnets de notes » de Mémoires d’Hadrien28. Denier du rêve se passe sur fond d’un régime fantomatique en porte-à-faux entre rite impérial et banalité de la culture de masse 29. Le Coup de grâce est l’amer récit d’un guerrier d’un autre âge pris entre révolution et contre-révolution. Quant à Zénon, homme de la Renaissance, il meurt de l’obscurantisme médiéval. Dans Un homme obscur Yourcenar orchestre, sur un mode savamment mineur, tous les motifs de son pessimisme.
12Au-delà de la fiction, toute l’œuvre yourcenarienne est travaillée par une résistance contre le pessimisme, même si le débat entre l’optimiste et le pessimiste n’est qu’une vaine péroraison au terme de laquelle il n’y a pas de gagnant. « Pendant ce temps, l’herbe continue à croître sur les tombes et les morts à pourrir sous l’herbe 30 ». Il faut reconnaître cependant que la force de conviction et la richesse des arguments sont du côté du pessimiste. La lucidité interdit d’abandonner son point de vue. Le simple devoir de vivre et d’écrire interdit de s’y abandonner. Yourcenar poursuit la pensée d’un devenir négatif sans se permettre l’échappatoire d’un Mishima, ni celle de Cioran, à savoir le désespoir comme thème, comme style et comme morale absolue. Le débat a fonction structurante dans son écriture. Une fois dépassé le moment du « Diagnostic », dont l’équivalent serait dans les années soixante-dix, en plus grinçant, La Culture contre l’Homme de George Steiner 31, elle cherche un équilibre de funambule, se méfiant également de la révolte systématique contre le monde moderne et du reniement du passé. Jeu délicat, où elle excelle, entre le pour et le contre, entre la fascination pour ce qui se défait et le devoir de faire face en affirmant ce qui perdure. Cela ne signifie pas chez elle – sauf peut-être par éclairs dans ses poèmes de jeunesse – nostalgie d’un âge d’or 32, même si le moindre marbre usé donne l’image d’un monde disparu, avec toute l’éloquence de la ruine.
13Contre la décadence. L’expression n’est pas de Yourcenar. Elle m’a été suggérée par un petit livre, Proust contre la décadence33, dans lequel l’auteur, Joseph Czapski, transcrit les conférences sur Proust qu’il fit de mémoire à ses camarades prisonniers dans un camp soviétique au cours de l’hiver 1940-1941. Sa préface évoque « [l] a joie de pouvoir participer à un effort intellectuel qui nous donnait une preuve que nous sommes encore capables de penser et de réagir à des choses de l’esprit n’ayant rien de commun avec notre réalité d’alors » (10). Le choix du mot décadence peut surprendre pour désigner les circonstances objectives plutôt atroces dans lesquelles ces hommes se trouvaient. On est loin du monde de Proust, mais le mot connote bien la menace d’une chute pour qui renoncerait à faire front à l’adversité. Face à une horreur de fabrication humaine, la réaction de ces prisonniers était de s’ingénier à transmettre ce qu’ils avaient reçu, réaffirmant comme un défi gratuit la vie de l’esprit contre la force écrasante de l’histoire.
14Faire face et transmettre, Yourcenar y viendra, après un certain détour par la désillusion. Relisons « L’Improvisation sur Innsbrück », qui fait suite dans le temps au « Diagnostic », et qui permet de mieux comprendre le moment où pour elle, le monde de l’art s’est désenchanté. On pourrait l’intituler « jeune femme méditant sur un tombeau », ce qui en fait l’équivalent littéraire d’une peinture de vanités. La visiteuse se désabuse au fur et à mesure qu’elle contemple ces « mannequins de grandeur » que sont les figures de rois et de reines morts. « Ainsi, la dame, le roi, et le fou, et la tour, n’ont pas seulement été soufflés de ce jeu qu’on nomme vivre : l’échiquier disparaît comme les pièces qu’il porta 34 ».
15Et voilà qu’une exclamation vient introduire une confession personnelle dans la réflexion générale :
[A] vec quelle foi, jadis, je me précipitai dans les musées, les palais, les églises, partout où surnagent un peu de ces épaves de l’homme. Je croyais possible de retrouver […] sur des objets tièdes encore de l’imposition des mains les traces de ce fluide que nous avons appelé l’âme : mais connaître les vivants m’a désabusée des morts. (452)
16La théâtralité de ce « jadis », alors qu’elle est encore bien jeune pour faire reculer si loin son passé, et de cette chute de deux fois sept pieds « mais connaître les vivants/m’a désabusée des morts », peut faire douter de la sincérité de cette conversion négative à l’égard des hauts lieux de l’art. Nous savons bien que Yourcenar ne se détournera pas des musées. L’enjeu n’est pas là. Ce texte bien daté est d’abord un plaidoyer d’inspiration nietzschéenne pour la vie, opposée aux restes fragmentaires et figés des musées. « Que ne nous est-il donné de gâcher plusieurs vies ! […] nous n’aimons que ceux qui vivent, parce que ceux-là, du moins, nous donnent l’illusion de changer » (454). Elle se corrige plus loin, comme si elle hésitait entre Parménide et Héraclite. L’essentiel est que le monde des statues et des portraits du passé a cessé pour elle d’être habité par une magie porteuse de sens, parce que la vraie vie est ailleurs. Si bien que le jadis se justifie comme rejet dans un autrefois bien révolu. Elle n’en restera pas là, mais il se peut que ce mouvement de distanciation l’ait préservée de la tentation à laquelle a succombé D’Annunzio, qui a déversé dans la politique les mythes du passé italien 35.
17Elle fera une lecture toute différente de ses émotions esthétiques enfantines dans les entretiens avec Mathieu Galey quelque cinquante ans plus tard, évoquant ses visites au Louvre et au musée de Cluny. « Pour moi, il y avait le commencement du grand rêve de l’histoire, c’est-à-dire le monde de tous les vivants du passé. […] quand on aime la vie, on aime le passé 36 » Ayant entre-temps beaucoup vécu, beaucoup écrit, elle réconcilie rétrospectivement amour du passé et amour de la vie. Si elle a d’abord, comme elle le dit « rêvé » l’histoire, avant de se rendre à l’évidence que celle-ci tenait plutôt du cauchemar, c’était dans la quête d’une fusion religieuse dont elle exprime la nostalgie et la perte dans « L’Improvisation sur Innsbrück ». Plus que de désillusion simple, cet essai nous parle d’un désenchantement du monde au sens premier du terme que lui a donné Max Weber, (abandon du sens magique du monde) et de façon plus large, Marcel Gauchet dans Le Désenchantement du monde37.
18Par rapport à un état religieux primordial, selon Gauchet, arrive un moment où l’univers perd sa participation immédiate avec l’invisible. Ce religieux à l’état pur, état-limite que nous ne pouvons qu’inférer parce que nous n’en avons nulle part sous les yeux l’incarnation totale, est dans son essence primitive une « disposition contre l’histoire ». La participation à un passé qui n’est même pas perçu comme passé, à la fois co-présence à l’origine et disjonction du moment d’origine, est anhistorique. La sortie du religieux est le fait de la recomposition de l’univers humain-social par quelque chose qui est déjà un germe d’état. L’homme se sépare du divin, lequel n’habite plus l’univers de la même manière. Ce monde désenchanté, c’est le monde de l’histoire, de l’irruption des hiérarchies, des phénomènes de domination et de conquête. Le temps s’est mis en marche. C’est toute une manière d’être au monde qui a basculé.
Les dieux s’éloignent, ce bas-monde se scinde de l’autre monde qui le détermine et le comprend, mais en même temps, l’inquestionnable institué entre de plus en plus dans le questionnable, comme s’affirme la prise des hommes sur l’organisation de leur propre univers. (27)
19Comme en écho, Yourcenar remarque que dans leur abstraite beauté, les cathédrales protestantes sont « évidées de Dieu 38 ». Ces murs blancs renvoient l’homme à lui-même. Mais Marcel Gauchet reconnaît, au terme de sa longue analyse de la sortie du religieux, qu’il reste toujours « une strate subjective inaliénable du phénomène religieux 39 » et que le monde ne se désenchante pas d’un seul coup et une fois pour toutes.
20Ainsi peut-on suivre chez Yourcenar différents moments de rupture. Ses enthousiasmes d’adolescence exprimés dans les poèmes de sa quinzième et seizième année – qu’elle rejettera ensuite comme « démarquage d’écolier 40 » – constituent son moment religieux. Dans Les Dieux ne sont pas morts41 s’exprime l’élan passionné vers ce passé habité dont elle porte le deuil dans « L’Improvisation sur Innsbrück », ainsi que le désir d’abolir toute séparation avec lui. Elle entre émerveillée dans « Le Palais du passé », elle s’exclame « O vivre au siècle de Platon ! ». Achmy Halley note avec justesse que ce n’est pas seulement l’ironie qui lui fait défaut pour relativiser les mythes 42, c’est qu’elle ne fait qu’un avec eux. Elle les voit et les vit dans l’univers qui l’entoure, déversant à travers les formes poétiques admirées dans ses lectures tout le bric à brac de dieux et de héros qui enchantent son imagination. Dans « L’Improvisation sur Innsbrück » elle a ce regard en arrière.
Adolescents, à l’époque où toutes les possibilités nous sollicitent ensemble, nous donnant seulement le regret qu’il faille choisir, ces figures du passé, ces possibilités ayant pris corps, se présentent à nous, si j’ose dire, comme les poteaux indicateurs au bord des routes où nous irons, où nous n’irons pas. Nous vénérons en eux, non pas des symboles, mais des signes. (454)
21Le choix des mots est important. Le symbole maintient une différence avec ce qu’il représente, alors qu’un signe est une intimation à agir en intégrant à la vie la valeur des figures mythiques.
22Comment échappe-t-on au charme ? simplement, dit-elle, parce que la vie lui a appris à se détourner d’elle-même. Et pourquoi avoir entrepris Alexis ? « J’avais vingt-quatre ans, je commençais à connaître assez ce qu’on appelle « la vie » pour m’intéresser à une existence contemporaine 43. » Ce qu’elle appelle « la vie » s’élargira par cercles concentriques au rythme des événements de sa vie et surtout du monde extérieur. Alors, le recours au mythe, conscient et non plus fusionnel agira comme une force rassurante contre la dispersion de notre culture en miettes.
Le lecteur ne sait pas que Tolstoï écrivant Guerre et paix se gorgeait de L’Iliade, mais le moins subtil d’entre nous sent que Bolkonski est un avatar d’Hector. […] Le Jésus des Catacombes est un Orphée éleusiaque, tout comme le Christ de Vinci est un rêveur platonicien 44.
23Le mythe, sans perdre tout à fait ce qu’il a de sacré, devient pour elle instrument de connaissance et de communication, un langage, plus tout à fait « approche de l’absolu 45 » mais plutôt monnaie de l’absolu qui permet de prolonger l’héritage de la culture antique.
24Elle rêve un bref instant, dans « L’Improvisation sur Innsbrück » d’échapper à l’obsession des frontières et de « contribuer, pour sa très petite part à la formation de cette patrie européenne » (458), comme elle manifestera dans des lettres de 1957 un vrai souci pour l’Europe en gestation, mais elle se détourne vite de toute possibilité d’engagement. La politique « règle et dérègle à tel point nos vies 46 ». C’est plutôt chez Yourcenar le souci d’orner son âme qui apparaît déjà en 1930 comme un devoir, bien avant qu’elle en fasse une des constantes de la morale d’Hadrien.
Le jardin de Candide, c’est probablement toute la terre. Mais c’est aussi, c’est avant tout notre âme, et quelles que soient les circonstances, nous ne le laisserons pas en jachère. Le voyage, comme la lecture, l’amour ou le malheur, nous offre d’assez belles confrontations avec nous-mêmes. (458)
25Les années quarante vont être une de ces périodes où le malheur venu de l’histoire va précipiter ce programme. La victoire de l’Allemagne en 1940 déclenche chez Yourcenar émigrée une réaction contraire à celle qu’elle reproche à Ann Lindbergh, qui elle, prône l’acceptation du règne du plus fort.
Contre l’avenir qui se présente à nous vociférant et sûr de soi, il faut toujours compter sur un autre avenir encore en germe et dont nous avons à protéger la croissance. Les crises de violence collective ne sont jamais que les mauvais quarts d’heure de l’histoire 47.
26C’est l’occasion pour Yourcenar d’exprimer sa foi en la survie des civilisations par une métaphore vitaliste. « Le long entêtement des Byzantins à survivre avait permis aux graines, à vrai dire fort desséchées, de la culture antique […] de germer dans le terreau tout neuf de la Renaissance. » (462.) Elle n’adopte jamais une vue spirituelle ou progressiste de l’histoire, puisqu’en fait, celle-ci répète toujours plus ou moins les mêmes horreurs, mais n’abandonne pas la conception de l’histoire comme source d’enseignement pour le présent 48. Parier sur la probabilité du pire devrait exciter la volonté de construire les meilleures digues possibles. Cela rend sa position assez complexe, proche de ce qu’un philosophe a appelé « catastrophisme éclairé 49 ». C’est précisément à la suite de l’horrible deuxième guerre mondiale qu’elle a repris l’écriture d’Hadrien, voulant croire qu’une leçon avait été tirée de l’histoire, que le monde de 1945 s’était désenchanté des dieux de la guerre :
Ces années furent celles où, cherchant dans le passé un modèle resté inimitable, j’imaginais comme encore possible l’existence d’un homme capable de « stabiliser la terre », donc d’une intelligence humaine portée à son plus haut point de lucidité et d’efficacité. Mais c’est aussi le moment où je commençais à fréquenter, avec une passion qui n’a fait que grandir, le monde non-humain ou pré-humain 50.
27Mais l’histoire contemporaine reprend son cours de discontinuités et de ruptures. Dans cette autre année noire qui est 1956 (enlèvement de Ben Bella, invasion de la Hongrie, désastreuse expédition de Suez), Yourcenar sent la venue d’autres sombres drames. Elle va au Musée de Bruxelles, et s’abîme un moment dans la contemplation des Breughel qui font un contrepoint éclairant et désespérant à la situation mondiale. Il lui faut énumérer tous les titres des tableaux de Breughel dont elle se souvient, même en les transformant, pour en faire une sorte de litanie de la noirceur des temps. La Chute d’Icare n’est pas sans rappeler son Jardin des chimères, première lamentation sur l’idéal inaccessible, premier salut à la noblesse de l’échec. « L’inévitable a déjà commencé 51. »
28Reste cet héritage du passé, impossible à refuser mais qu’elle dit « en litige » dès 1929 à propos de l’Europe. Après le « Diagnostic », épitaphe pour l’Europe moribonde, et dont les héritiers sont en désaccord, après sa méditation sur les tombeaux du Saint-Empire, la voici en 1956 devant la tombe de ses ancêtres maternels, dont elle connaît moins bien la vie que celle de don Juan d’Autriche, désemparée sur le sens de son héritage. Elle se dit que c’est à elle de faire quelque chose, mais quoi ? La réponse en ce cas se trouve dans l’écriture du livre qui contient la question, Souvenirs pieux. D’une façon plus dramatique, René Char notait dans Feuillets d’Hypnos, paru en 1946 « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament 52. » Hannah Arendt, qui place cette phrase amère en exergue de son livre La Crise de la culture53 l’éclaire par le contexte historique, expliquant que l’élan de l’action en commun des résistants, où la liberté pouvait apparaître, n’a pas pu être transmis dans le retour à la vie normale, dans ce que le poète nomme « l’épaisseur triste » de la vie privée (78). Quel sens donner à un héritage ? La réponse de Yourcenar est toute différente de celle d’Hannah Arendt, philosophe du politique.
29L’histoire est désolante. Face à ses cruautés, l’art n’est pas une consolation, mais Yourcenar fait éclater « l’épaisseur triste » de la vie individuelle par un dialogue entre l’art et l’histoire. L’histoire nous apprend à lire les traces du passé, à travers la surimposition des interprétations, des restaurations, et des dommages du temps. « Nous doutons d’une continuité du goût ou de l’esprit humain qui permettrait à Thorwaldsen de réparer Praxitèle 54 ». Elle lit Rome dans l’Espagne, et la Grèce dans Rome comme mémoire de mémoire. Inversement, l’art donne visage aux phases de l’histoire, comme dans son commentaire de « L’Île des mortsde Böcklin », les figures de la mort, de Holbein à Böcklin, proclament des étapes de la civilisation. Dans « L’Improvisation sur Innsbrück », après son faux adieu aux musées, Yourcenar se livre à un exercice de survol culturel dans lequel l’histoire est un recours devant un cénotaphe vide de sens. Dans une vision synoptique très personnelle, elle joue de sa culture comme d’un instrument poétique qui lui permet sauts dans le temps, raccourcis et analogies 55.
Devant ces angelots, ces rayons, ces bonnets fleuris des vierges, on se prend à songer que l’Europe française du siècle de Voltaire fut aussi une Europe jésuite, et, par Casanova, une Europe vénitienne 56.
30La méditation à la Hofkirche devient une leçon de liberté, liberté du regard sur le passé, qui éveille chez la narratrice une exaltation particulière. L’analogie tisse la surface du texte, elle élargit la connaissance, sans analyse véritable toutefois, et suppose une compréhension complice chez les lecteurs. Ce type d’écriture particulier, cher à Yourcenar, réunit les traces, signes et symboles dispersés ou fragmentés dans un exercice périlleux qui comporte un plaisir d’acrobate. Ne suivant pas toujours sa consigne de respecter la linéarité du temps 57, elle frôle parfois la négation de l’historicité. Ce goût de l’analogie est à rapprocher non seulement de son sens du jeu, mais de sa vision probabiliste de l’histoire. Vivre est un jeu, mourir est un jeu, la causalité s’estompe dans le domaine des forces obscures guidant les rencontres de la vie et de l’écriture. « Nous entrons là dans la forêt sans sentiers 58. »
31La méthode de recherche décrite par Yourcenar est une forme active de réenchantement du passé par l’écriture, une participation magique accompagnant l’érudition qui lui permet d’affirmer : « J’ai habité à Tibur 59 ». Mais on est loin de la fusion juvénile des premiers poèmes. Il lui faut, mimant la quête du visage perdu d’Antinoüs, rechercher la moindre de ses images, ainsi que les gloses des poètes tels que Shelley. Elle les commente longuement dans sa « Note », et ce qui intrigue davantage, sa quête des représentations d’Antinoüs se poursuit après la publication de l’œuvre 60.
32Quant au réenchantement du monde lui-même, c’est dans Un homme obscur, et dans quelques textes du Tour de la prison qu’on en trouve les linéaments. L’Orient est pour Marguerite Yourcenar source de bonheurs de contemplation. Les grands bois sacrés qui entourent les temples japonais élargissent le sentiment du sacré de la nature et suggèrent la fusion de la nature et de la culture, alors même que la civilisation continue son travail de sape.
[L] es arbres géants, frères vivants des troncs qui fournirent les piliers lisses et les solives bien équarries des chapelles […] portent en eux la divinité dont les édicules humains semblent simplement contenir ou concentrer une parcelle 61.
33Enfin elle rapporte ce moment d’épiphanie lorsque, dans les Montagnes Rocheuses, elle voit se superposer aux quatre sommets des monts Saint-Élie la silhouette de quatre Grands Bodhisattva contemplés autrefois dans un musée. « Le même tourbillon de force avait pour enveloppe la même sérénité 62. »
34Vision exceptionnelle, par laquelle Marguerite Yourcenar réaffirme la force de la création humaine à travers la contemplation de la nature, ce qui lui permet de n’avoir pas tout à fait l’âme en deuil.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Bibliographie
Augustin (Saint), La Cité de Dieu, trad. L. Moreau, édition avec le texte latin, Paris, Garnier, 1919.
Arendt, H., La Crise de la culture, trad. P. Lévy (dir.), Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1972.
– Vies politiques : huit exercices de pensée politique, Trad. E. Adda [et al.],Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1986.
Barrès, M., Le Culte du moi, Paris, 10/18, Série Fin de siècle, 1986 (première édition 1888-1891).
Benda, J., Belphégor, essai sur l’esthétique de la présente société française, Paris, E. Paul, 1918.
– Discours à la nation européenne, Paris, Gallimard, 1933.
– La Trahison des clercs, Paris, Grasset, 1927 (février 1928).
Bossuet, J. -B., Discours sur l’histoire universelle, Paris, Garnier Flammarion, 1966.
10.1515/9781503616868 :Carlston, E., Thinking Fascism. Sapphic Modernism and Fascist Modernity, Stanford, Stanford University Press, 1998.
Finkielkraut, A., La Défaite de la pensée, Paris, Gallimard, 1987.
Gauchet, M., le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985.
– Un monde désenchanté, Paris, Éditions de l’Atelier, 2004.
Mann, T., Avertissement à l’Europe, Préface d’A. Gide, trad. Rainer Biemel, Paris, Gallimard, 1937.
– Considérations d’un apolitique, trad. L. Servicen et J. Naujac, Paris, Grasset, 1975 [Première édition allemande 1920].
Spengler, O., Le Déclin de l’Occident : esquisse d’une morphologie de l’histoire universelle, traduit de l’allemand par M. Tazerout, Paris, Nouvelle Revue française 1931-1933.
Steiner, G., La Culture contre l’homme, trad. L. Lotringer, Paris, Éd. du Seuil, 1973.
Notes de bas de page
1 La Crise de l’esprit », in Variété, Paris, Galllimard, 1924, p. 34.
2 Voir L’Avenir de l’intelligence, Paris, A. Fontemoing, 1905.
3 W. B. Yeats, Later Poems, New York, The Mac Millan Company, 1928, p. 146.
4 André Breton, Paris, José Corti, 1948, p. 43.
5 Paris, Bernard Grasset, 1927 (février 1928).
6 Le Déclin de l’Occident : esquisse d’une morphologie de l’histoire universelle, traduit de l’allemand par M. Tazerout, Paris, Nouvelle Revue française, 1931-1933, traduit en anglais en 1927 par Charles Francis Atkinson, à New York, A. A. Knopf, paru en allemand sous le titre Der Untergang des Abendlandes : Umrisse einer Morphologie der Weltgeschichte, München, C. H. Beck, 1920-1922.
7 A. Fauconnet, Un Philosophe allemand contemporain, Oswald Spengler : Le prophète du « Déclin de l’Occident », Paris, Alcan, 1925.
8 German letter », The Dial, vol. 73, décembre 1922, p. 647.
9 In Bibliothèque universelle et Revue de Genève, juin 1929, p. 745-752. Repris dans Essais et Mémoires (EM), Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1991, p. 1649-1655.
10 Parus respectivement dans La Revue européenne, n ° 12, décembre 1930, La Revue bleue, n ° 22, novembre 1931, Europe, tome xxix, n ° 116, 15 août 1932, La Revue bleue, n ° 12, 16 juin 1934. Avant d’être réunis dans Essais et Mémoires, 1991, « Sixtine » a paru dans Le Temps, ce grand sculpteur, Gallimard, 1983, et « L’Improvisation » dans En pèlerin et en étranger, Gallimard, 1989.
11 Voir F. Wasserfallen, « La naissance d’une pensée ; histoire et mythe dans les essais de Marguerite Yourcenar d’avant 1939 », in Simone et Maurice Delcroix (éd.), Roman, histoire et mythe dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar, Tours, SIEY, 1995.
12 Les Yeux ouverts, entretiens avec Matthieu Galey, Paris, Le Centurion, 198, p. 92.
13 « Préface » de 1963, in Œuvres romanesques, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1982, p. 3.
14 EM, op. cit., p. 1655.
15 Variété, op. cit., p. 25. Autres exemples du souci pour l’Europe : Julien Benda, Discours à la nation européenne, Paris, Gallimard, 1933 ; Thomas Mann, Achtung, Europa, 1938.
16 L’Andalousie ou les Hespérides », EM, op. cit., p. 379
17 L’Europe entière n’étant qu’une personne, chacune de ces nations est une faculté, une puissance, une activité de cette personne ; en sorte que, s’il était possible de supposer un moment qu’on tue une nation, il arriverait à l’Europe, comme à l’être vivant dont on détruit un poumon, dont on retranche un côté du cerveau : il vit encore ». « Légendes démocratiques du Nord », in Œuvres Complètes, P. Viallaneix (éd.), Flammarion, 1971, XVI, p. 138.
18 Marguerite Yourcenar au carrefour de son art. Diagnostic de l’Europe », Atti del convegno Marguerite Yourcenar essayiste. Parcours, méthodes et finalités d’une écriture critique, Modena, Parma, Bologna, 5-8 mai 1999.
19 Variété, op. cit., p..
20 EM, op. cit., p. 753.
21 Archives du Nord », EM, op. cit., p. 1051.
22 les Visages de l’histoire dans L’Histoire Auguste », EM, op. cit., p. 19.
23 OR, op. cit., p. 917.
24 Une génération assiste au sac de Rome, une autre au siège de Paris ou à celui de Stalingrad, une autre au pillage du palais d’Été : la prise de Troie unifie en une seule image cette série d’instantanés tragiques, foyer central d’un incendie qui fait rage sur l’histoire », « Mythologie grecque et mythologie de la Grèce », EM, op. cit., p. 440.
25 Lettre à Helen Howe Allen, février 1968, in Lettres à ses amis et quelques autres, Michèle Sarde et Joseph Brami (éd.), Paris, Gallimard, 1995, p. 276.
26 Voir Men in Dark Times, New York, Harcourt, Brace & World, Inc., 1988, p. IX. À la différence des monstruosités du xxe siècle, dit Arendt, ce sont les moments de l’histoire dans lesquels nous détectons une lueur d’espoir qui vient de quelques individus.
27 Sur Palladas, La Couronne et la lyre, Paris, Gallimard, 1979, p. 421.
28 OR, op. cit., p. 525.
29 Voir Erin G. Carlston, Thinking Fascism, Sapphic Modernism and Fascist Modernity, Stanford, Sranford University Press, 1998, p. 96 sq.
30 Carnet de notes 1942-1948 », EM, op. cit., p. 531.
31 Trad. Lucienne Lotringer, Paris, Seuil, 1971.
32 Ce qui ne veut pas dire que le passé soit un âge d’or : tout comme le présent, il est à la fois atroce, superbe, ou brutal, ou seulement quelconque. » YO, op. cit., p. 30-31.
33 Lausanne, Les Éditions Noir sur Blanc, 1987.
34 EM, op. cit., p. 451.
35 Voir Maria Rosa Chiapparo, « Mythe et politique », Clermont-Ferrand, SIEY, n ° 26, p. 195-207.
36 YO, op. cit., p. 30.
37 Paris, Gallimard, 1985.
38 EM, op. cit., p. 456.
39 Op. cit., p. 293.
40 YO, op. cit., p. 53.
41 Signé Marg Yourcenar, Paris, éditions Sansot, 1922. Même si le recueil a été publié après Le Jardin des chimères (Signé Marg Yourcenar, Paris, Librairie académique Perrin, 1921), ce sont là les tout premiers poèmes de l’adolescente.
42 Marguerite Yourcenar en poésie. Archéologie d’un silence, Amsterdam/New York, Rodopi, 2005.
43 YO, op. cit., p. 65. Et plus loin : « Je croyais la connaître, la vie, mais c’est le jour où je l’ai suite
44 « Mythologie grecque et mythologie de la Grèce », EM, op. cit., p. 441.
45 YO, op. cit., p. 92.
46 cl, p. 30. Son refus est parallèle à celui de Thomas Mann pour qui politique et humanité paraissaient incompatibles en 1918. Voir ses Reflections of a Nonpolitical Man, trad. Walter Morris, New York, F. Ungar, 1983.
47 « Forces du passé et forces de l’avenir », EM, op. cit., p. 463.
48 « Le coup d’œil sur l’histoire, le recul vers une période passée, ou comme le dit Racine, vers un pays éloigné, vous donne des perspectives sur votre époque et vous permet d’y penser davantage, de voir davantage les problèmes qui sont les mêmes ou au contraire les problèmes qui diffèrent et les solutions. » Générique de l’émission « Concordance des temps », de Jean-Noêl Jeanneney, France culture.
49 J. -P. Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, Paris, Seuil, 2002. Voir dans « Carnets de notes 1942-1948 » la note « 1944. Wave of the future, » EM, p. 531.
50 « L’Homme qui aimait les pierres », EM, p. 545.
51 EM, p. 738.
52 Paris, Gallimard, 1946, p. 34.
53 Le titre français reprend le titre du dernier chapitre de l’original, « Between Past and Future », New York, Viking Press, 1961.
54 Le Temps ce grand sculpteur », in EM, p. 315.
55 Voir Laura Brignoli, Marguerite Yourcenar et l’esprit d’analogie, Pisa, Pacini editore, 1987, et Hank Hillenaar, « Les Essais de Marguerite Yourcenar », in Voyage et connaissance dans l’œuvre de M. Y., mélanges coordonnés par C. Biondi et C. Rosso, Pise, Editrice Libreria Goliardica, 1988.
56 EM, p. 455.
57 « Évitons l’erreur qui est de nos jours celle de tant d’archéologues aventurés sur le terrain de l’anthropologie, et qui consiste à faire déteindre un passé plus ancien sur un passé plus récent, auquel la vieille pensée primitive ne sert tout au plus que d’inconscient substratum », EM, p. 356.
58 Ibid., p. 338.
59 OR, op. cit., p. 540.
60 Voir Francesca Melzi d’Eril, « A la recherche d’un visage : Antinoüs dans la correspondance de Marguerite Yourcenar », communication donnée dans le cadre du colloque « La lettre et l’œuvre. Correspondances créatrices de Marguerite Yourcenar » (université du Sud Toulon Var, 9-10 décembre 2004, À paraître).
61 EM, op. cit., p. 675.
62 Ibid., p. 614.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Comparer l’étranger
Enjeux du comparatisme en littérature
Émilienne Baneth-Nouailhetas et Claire Joubert (dir.)
2007
Lignes et lignages dans la littérature arthurienne
Christine Ferlampin-Acher et Denis Hüe (dir.)
2007