Chapitre 9. Les objets et la description des rives de la Tamise dans David Copperfield
Logique descriptive, encodage idéologique et esthétique ambigue1
p. 133-148
Texte intégral
1 David Copperfield 2, le roman de Charles Dickens publié en 1849-1850, n'abonde pas en descriptions, si nous entendons par là des séquences textuelles à dominante d'effets descriptifs3. Cependant, David Copperfield met en relief ses capacités d'observation dès le deuxième chapitre, intitulé « J'observe », et s'il est essentiellement observateur et narrateur d'actions, il est aussi, plus rarement certes, descripteur de lieux et portraitiste. Si la description tient une place secondaire dans l'économie générale du roman, les unités textuelles représentant des lieux soulignent la progression spatiale et cognitive du héros du roman d'apprentissage. Deux de ces lieux sont l'objet d'une attention toute particulière du narrateur-descripteur : ce sont les rives de la Tamise au chapitre 47 (« Martha ») et les rivages de Yarmouth au chapitre 55 (« La Tempête »). Ce chapitre-ci ayant donné lieu à de nombreuses études, c'est la description des rives de la Tamise qui retiendra notre intérêt.
2David Copperfield et Daniel Peggotty sont alors à Londres, à la recherche d'Emily, fille adoptive de celui-ci, et qui a été abandonnée par Steerforth. David suggère à Daniel Peggotty qu'ils devraient chercher Martha Endell et lui demander de les aider. Martha Endell était l'amie d'Emily, mais elle est devenue fille des rues, même si elle avait voulu monter à Londres pour échapper à cette condition. Les deux hommes aperçoivent ensuite Martha et la suivent jusqu'à Millbank, ce qui donne lieu à une description des rives boueuses de la rivière où la jeune femme, désespérée, veut se jeter. Aidé de Daniel Peggotty, notre héros sauvera Martha de son geste suicidaire : l'enjeu diégétique est donc important. Mais le narrateur-descripteur, David Copperfield, s'attache particulièrement à la description de la laideur des rives de la Tamise. L'effet de ralentissement temporel fonctionne alors comme une mise en relief des enjeux liés à la représentation du laid. Partant de l'hypothèse que des enjeux cachent des conflits de forces opposées, il s'agira d'identifier les tensions révélées par l'analyse de la description et de voir comment la séquence descriptive, en tant qu'organisation des significations, inscrit à la fois une recherche de cohérence et une tendance à la dispersion.
3L'intérêt de cet article sera de montrer comment les objets s'insèrent dans le système descriptif du paysage et ce qu'ils véhiculent. Une étude de la logique descriptive montrera les forces en jeu dans cette représentation du laid. La description constitue, certes, un site privilégié d'encodage idéologique qui tend vers la cohérence. Mais de profondes tensions se révèlent dans le caractère paradoxal de l'esthétique descriptive.
Logique descriptive
4La description des rives de la Tamise se donne dans le discours du descripteur, David Copperfield, dans un récit homodiégétique dont il se dit le destinataire, puisqu'il considère l'écriture de ses souvenirs comme un acte privé. Mais s'il est son propre lecteur et donc le descriptaire du passage, il n'exclut aucunement le caractère public de son récit : « Serai-je le héros de ma propre histoire ou quelque autre prendrai-t-il cette place ? C'est ce que ces pages vont apprendre au lecteur. » (51). Le texte se donne comme un acte pragmatique dont la structure d'énonciation et de réception implique un système qui inclut déjà une recherche de cohérence (pouvoir se lire et être lu dans un texte à qui est confiée le critère de vérité et d'objectivité) mais aussi une réception double ou même multiple qui implique une prise en compte de différences par le discours et donc des tensions dans son organisation4. Dans ces conditions, il importe d'examiner la logique descriptive afin d'en étudier les tensions.
5Un premier jeu d'oppositions provient de la tension créée entre, d'une part, les fonctions mimétique et thétique de la description qui tendent à donner l'illusion du réel et à poser la vérité et, d'autre part, sa fonction métadescriptive5 qui fait prendre conscience au descriptaire qu'il s'agit d'une représentation6. Le texte se fait à la fois mimétique et explicatif. Mimétique, il montre par les mots ce qui se perçoit comme une image de la réalité dans toute sa laideur. Cette insistance sur la laideur ajoute à l'effet de réel. Les déterminants (le quartier, la route, la prison) posent le réel7. On évoque des objets de laideur, liés à des épithètes fortement dysphoriques (saumâtre, pourries, rouillé). La mention d'« objets étranges » renforce encore cette impression de réalité. Les mots créent l'illusion phénoménologique par l'évocation de sensations principalement visuelles, mais aussi auditives (« la lumière éclatante et le fracas des usines ») et tactiles (« des trouées et jetées limoneuses » ; « la vase et la bourbe »). On y suggère aussi les odeurs nauséabondes : « il semblait que les lieux s'étaient peu à peu décomposés pour prendre cet aspect cauchemardesque, sous l'effet des inondations du fleuve souillé. » L'harmonisme du texte original (notamment par les allitérations) joue sur la création de l'impression auditive dysphorique. La description engendre le dégoût par l'illusion de la connaissance phénoménologique de la laideur. Elle produit un effet de sidération sur le descriptaire, car elle arrête le temps de l'histoire8 et, par l'étirement du temps du récit, crée une pause qui contraint la perception ressentie comme longue d'un milieu délétère. Cette sidération est aussi motivée par le mimétisme encouragé par l'arrêt provisoire de David lorsqu'il aperçoit la Tamise ainsi que par celui de Martha près de la rivière et sa contemplation fascinée : « (…) elle s'arrêta comme si elle avait atteint sa destination, et puis elle se mit à descendre lentement le long de la berge, sans la perdre de vue un seul instant. »
6Cependant, à cet effet de fascination s'oppose un effet de distanciation dû à la présence de la voix descriptive. Le descripteur est rendu perceptible grâce à des procédés qui contribuent à la prise de conscience du caractère fabriqué de la description : les embrayeurs génériques de la description (« Le quartier était lugubre à cette heure ; triste, solitaire et sombre comme tant d'endroits à Londres. »), les adjectifs qualifiants qui manifestent une subjectivité, la généralisation, les formes négatives (« Il n'y avait ni quai ni maisons. »), la tentative de structuration de l'énonciation (« d'un côté… ; de l'autre… »), le commentaire (« On disait que jadis, à l'époque de la Grande Peste… »), la modalisation (« et cette croyance paraissait avoir répandu sur tout le voisinage une fatale influence. ») ou encore l'explication alternative (« A moins qu'il ne se soit peu à peu décomposé9 »). Il faudrait y ajouter le caractère métadescriptif du portail qui structure la description en faisant un effet de cadre : « Le fleuve m'apparut à travers un sombre passage où étaient remisés quelques chariots, et cette vue arrêta mes pas. » Cette tension entre la sensation et la voix trouve une solution dans la perspective narrative d'un David Copperfield qui en intègre les forces divergentes par le titre du chapitre (« Martha »), par la motivation de la description (il s'agit de décrire ce qu'il a perçu, la description s'en trouve alors justifiée) et par la structuration de l'énoncé comme étant fait de perceptions mais aussi de réflexions du personnage
7La tension entre effet de sidération et effet de distanciation se retrouve néanmoins dans un régime descriptif qui fonctionne sur le mode paradoxal du classement et de l'excès. Le travail de classement des objets se manifeste dans la structuration du passage. Le pantonyme10 ou thème-titre (« le quartier » est affecté d'un prédicat qui fonctionne comme liste paradigmatique (« était un quartier morne à cette époque », etc.). Il est ensuite découpé en éléments discrets qui sont successivement présentés. L'énumération opère un classement d'objets industriels du monde urbain et du monde maritime ou fluvial. Si la liste fait grille en traitant les pluriels comme sous-ensembles du pantonyme « quartier » et en classant les détails dans une perspective congruente créée par l'isotopie dysphorique, elle se caractérise aussi par l'excès. En effet, la liste comme stratégie de rangement ne convainc guère, car elle fonctionne sur le mode de l'expansivité dérivationnelle qui exacerbe ici le caractère d'amplification que comporte toute description. Le pantonyme s'avère être une source inépuisable de déclinaison d'un paradigme qui envahit le syntagme et crée l'impression de liste ne pouvant être saturée. Le développement du texte descriptif suit aussi les lignes redondantes et expansives de la synecdoque, de la métonymie et de l'analogie pour créer un effet de totalité ou de pluralité : « comme tant d'endroits à Londres », « tout déranger11 » visent à l'exhaustivité ; « à un endroit… ailleurs…12 » ouvre une série inachevée ; les pluriels créent un horizon d'excès. L'image de la contamination vient à point comme symptôme du fonctionnement textuel où thème et forme se reflètent l'un l'autre. C'est la référence aux victimes de la Grande Peste sans doute enterrés en ce lieu, qui fournit l'explication de type historique, suivie d'une autre, les rejets de la rivière polluée, de type écologique. La contamination forme le pantonyme caché, révélé a posteriori, aboutissement de séries de signifiants qui se rapportent au champ lexical de l'épidémie et de ses conséquences : solitude, mélancolie, déréliction, enfermement, saleté, pourriture, mort. C'est la contamination par pollution qui sera retenue par Martha comme explication rétrospective du programme de sa vie :
‘Oh ! le fleuve ! répétait-elle avec angoisse. Oh ! le fleuve ! (…)
Il me ressemble ! disait-elle ; je lui appartiens. C'est la seule compagnie digne de moi maintenant. Comme moi, il descend d'un lieu champêtre et paisible, où ses eaux coulaient innocentes ; à présent, il coule, informe et troublé, au milieu des rues sombres, il s'en va, comme ma vie, vers un immense océan sans cesse agité, et je sens bien qu'il faut que j'aille avec lui.’ (806)
8On voit à quel point le régime redondant de l'analogie et son pouvoir de contamination se reflètent dans la comparaison qui rapproche vie et rivière polluée. La logique descriptive génère donc un double effet d'expansion et de classement par analogie. Mais l'impression de désordre est le résultat paradoxal de toute une organisation du texte orientée vers la production de cet effet.
9Sans doute faut-il chercher sous le texte des modèles descriptifs ou matrices dont il s'inspire. Un modèle se retrouvera dans les rapports sur l'hygiène qui ont contribué à l'établissement de la loi sur les égouts (The Sewers Act de 1848), question d'actualité à l'époque de la publication de David Copperfield. Les épidémies de choléra de 1832 (plus de 6 000 morts à Londres) et de 1848-1849 (plus de 15 000 morts) n'étaient pas sans rapport avec la pollution de la métropole. Trois groupes principaux fournissaient des rapports sur les conditions sanitaires de la ville de Londres, les agents de l'Etat, les observateurs sociaux (les voyageurs, par exemple)13 et les organisations philanthropiques. Ainsi, dans son rapport au Parlement, Edwin Chadwick décrivit les méfaits de l'insalubrité14. John Simon publia aussi un rapport sur les égouts qui donnait le point de vue d'un médecin et liait la question à la pauvreté et à la morale15. Des organisations charitables telles que la London City Mission16 émirent des rapports sur les conditions hygiéniques déplorables de la capitale. Les magazines tels que The Quarterly Review ou Fraser's Magazine publièrent des descriptions fort précises de l'insalubrité des rues et des rives de la Tamise, en 1847 notamment. Une analyse de ces formations discursives permettrait d'y trouver une perspective assez semblable à la description du roman, notamment dans le jugement implicite qui sous-tend la description du laid. Une autre matrice sera la description du locus terribilis ou locus horridus, lieu d'effroi, Tartare de Virgile et de Lucain ou enfer de Dante17. Ces deux types de matrices n'échappent pas au marquage idéologique. L'idéologie reflétée dans la description des rives de la Tamise se caractérise par la transparence de ses codes.
Encodage idéologique
10L'encodage idéologique du passage descriptif se révèle d'autant plus nettement que la description constitue un nœud herméneutique privilégié. Elle met en jeu des savoirs qui sont utilisés dans la production du sens correspondant à la tendance décryptive18 du texte. Mimesis, la description est aussi semiosis (« une traduction, un déchiffrage, un décryptage du réel19 »). Mathesis (« juxtaposition de savoirs particuliers à arpenter, à parcourir20 »), elle s'autojustifie en référence implicite à des espaces épistémologiques qui viennent la fonder et lui conférer autorité. Cet effet est dû au caractère didactique de la description qui fonctionne comme un faire-savoir transmis au descriptaire. Le caractère argumentatif en a été mentionné. Cette description crée un effet de savoir au plan du discours. L'un de ses espaces épistémologiques fondamentaux sera le savoir technologique. Il se donne comme tel par la nomenclature des objets technologiques divers dont la dénomination vise à impressionner. Ces objets forment une liste qui témoigne d'une connaissance du domaine industriel et maritime principalement. Ce savoir s'enrichit de la connaissance médicale avec la référence à la Grande Peste et les allusions au caractère malsain des lieux (« une substance abjecte », « influence fatale ») dans une description qui prend des allures de diagnostic de la maladie après l'analyse des symptômes. La mention de la Grande Peste forme le nœud du savoir médical et du savoir historique. Cependant l'interprétation historique de l'origine du mal reste distanciée par la modalisation : « cette croyance paraissait avoir répandu… il semblait que les lieux… » et elle s'efface devant l'explication suivante qui met en jeu un savoir écologique. Les déchets sont décrits et perçus comme dangereux pour la santé. La pollution atmosphérique (« mais l'épaisse fumée que vomissaient leurs cheminées massives ne s'en émouvait pas et continuait de s'élever en une colonne incessante ») et fluviale (« les inondations du fleuve souillé ») est étudiée dans le détail de ses manifestations. Les conséquences de l'urbanisation non planifiée sont visibles, tel le fossé boueux près des murs de la prison, ou encore les maisons dont la construction a été abandonnée. La pollution visuelle et sonore des usines est également mentionnée. Le savoir écologique sous-jacent se manifeste à la fois par l'inventaire des signes de pollution (le critère de référence étant le naturel, critère implicite de jugement dans la comparaison « une substance abjecte ressemblant à des cheveux verts », et dont le signe est la rivière non polluée de la campagne, comme le dira Martha) et par la remontée des déchets à leurs origines. On analysera la production et la consommation d'une société à partir d'inventaires de ses décharges. Les présupposés philosophiques du narrateur tiennent de l'empirisme de John Locke21 puisque, dans la description comme dans la narration, c'est l'expérience qui est la source du savoir22. L'utilisation de savoirs de type scientifique n'empêche en rien le recours au savoir mythologique par les allusions au royaume des Enfers : la porte qui mène au Tartare23, les barques qui évoquent celle de Charon, la rivière, les ombres (« sous l'ombre du pont caverneux »). Tous ces savoirs se conjuguent en un « effet-idéologie24 » qui crédibilise les dires du descripteur et en fait le spécialiste du détritus, de l'hygiène et de la mort. Les répertoires qui renvoient à ces savoirs constituent une dimension configurationnelle de la description qui joue un rôle argumentatif que complète la dimension séquentielle dans la production de l'effet-idéologie. La description se donne comme état de signes et de symptômes que le pouvoir sémiologique du descripteur permet de décoder. Le personnage de Martha illustrera la faculté de contamination du milieu.
11Martha, fille des rues, est l'archétype de la femme déchue au cœur pur. La description du lieu et des objets est analogique de sa situation. Martha se compare elle-même à la rivière polluée. David Copperfield le suggère également : « Comme si elle était pétrie du même limon et comme si elle était le rebut de la nature réclamé par ce cloaque de pourriture et de corruption, la jeune femme que nous avions suivie dans sa course égarée se tenait au milieu de cette scène nocturne, seule et triste, regardant l'eau. » Le descriptaire est donc en droit d'appliquer les attributs des abords de la Tamise non pas à la nature profonde de Martha (le comparatif hypothétique « comme si » l'interdit) mais bien à sa situation de femme déchue et suicidaire. Comme l'environnement, elle est solitaire et mélancolique. Elle est aussi marquée par la déchéance et la corruption. Si l'absence de maisons caractérise ce lieu de déréliction (« Il n'y avait ni quai ni maisons sur la route monotone qui avoisinait la vaste étendue de la prison. »), la fille perdue n'a pas de toit ; tout au plus peut-elle espérer la prison. David Copperfield en fait grand cas et confie son espoir de voir Martha retourner dans une quelconque maison et sa déception : « J'avais cru d'abord qu'elle se rendait dans quelque maison25 ». Ou alors les maisons jamais achevées et maintenant en ruines constituent des images métonymiques de la femme déchue, « image lamentable de honte et de ruine » (807). La désapprobation morale se lit dans la description des objets qui semblent s'abandonner à la déchéance (« rampant dans la poussière »). Il faut comparer leur enfoncement dans la boue (« après avoir sombré dans la boue ») à ce que dit David de Martha plus loin : « un trouble sauvage qui me faisait craindre de la voir sombrer sous mes yeux26 » : c'est le même verbe anglais (to sink) qui est employé. Si les objets paraissent vouloir se cacher dans la boue, le sentiment de honte est en fait celui de Martha qui se cache le visage parmi les pierres et qui tente ensuite de se laisser glisser dans la Tamise. On pourra ainsi attribuer au péché de la prostituée, la saleté, la viscosité, l'obscurité, le désordre, le caractère délétère, antihygiénique et contre nature, la pourriture qui engendre le dégoût. L'idéologie victorienne déplace donc son horreur de la pécheresse sur la géographie fluviale et la technologie du déchet. Le corps féminin est alors corps iconique de la déchéance, corps-déchet, condensé de paysage pollué, corps défait qui s'affaisse et s'allonge, se découvre, parcouru de soubresauts et marqué par la gestuelle de la culpabilité (« la tête cachée dans les mains »). Mais, puisque Martha fait l'objet de la pitié et des secours de David Copperfield et que, victime, elle bénéficie d'un traitement plutôt positif dans le système de sympathie du roman27, il faut remonter de la femme-déchet à la cause du mal.
12La véritable cause de tout ce mal qui contamine l'environnement comme le personnage de Martha est à rechercher dans la société industrielle et urbaine. La description se charge de satire sociale. Elle se fait éthique et idéologique. Le passage de Westminster à Millbank métaphorise la division de l'espace urbain et social : d'un côté les bénéficiaires du système ; de l'autre les rebuts. Mais oppression, tristesse et solitude caractérisent la vie de tous les habitants de la métropole, car le lieu décrit a valeur d'ubiquité. Les rives de la Tamise inscrivent le désordre de la société industrielle qui produit des monstres et des objets hétéroclites ou étranges et les rejette pêle-mêle. L'idéologie du profit et de l'accumulation des biens trouve sa source dans la spéculation (« des objets accumulés par quelque spéculateur »), une gestion aléatoire (« des maisons en ruines, commencées sous de mauvais auspices et qui n'avaient jamais été achevées »), un traitement purement financier et peu efficace de ses victimes visible dans ces affiches de l'année passée offrant des récompenses pour les corps des noyés. Le descripteur, connotateur tonal, dénonce indirectement les abus d'un libéralisme sans frein qui unit les puissances de l'argent, de l'industrialisation et de l'urbanisation. Les caractéristiques des abords de la Tamise se transposeront donc à la société libérale. Cette société se caractérisera par l'enfermement (la prison), la vulgarité28, l'excès29, la gêne30, l'irrégularité (des trouées et des jetées), la tromperie31, la monstruosité (« amas de monstres rouillés »), la pollution, la maladie et la mort (les morts de la Grande Peste ; le caractère inanimé des objets ; la rivière noire et mortifère qui coule rapidement avec le jusant32). L'image de l'eau polluée active un tabou que Gaston Bachelard identifie comme lié à l'interdit qui défend la maternité des eaux33. Ces connotations dysphoriques constituent une virulente condamnation prise en charge par l'éthique et l'idéologie du descripteur. Toute mise en question de cette idéologie par le lecteur serait mal venue, d'autant qu'elle se fonde sur le pôle-repoussoir du tabou. On voit bien l'efficacité de l'encodage idéologique de la description et la lisibilité de son esthétique réaliste. Pourtant, la transparence de l'idéologie dans la représentation de la laideur et dans la satire ne caractérise pas une esthétique qui paraît pour le moins ambiguë.
Esthétique ambiguë
13La représentation de la laideur et du mal, même lorsqu'il s'agit de les dénoncer, pose un problème de nature esthétique mais aussi éthique dont témoigneront les grands débats autour de la peinture réaliste d'un Courbet ou du roman réaliste d'un Flaubert, et plus tard du roman naturaliste d'un Zola. C'est sans doute que la peinture de la laideur suscite la peur de ses pouvoirs contaminants et qu'une telle esthétique est chargée d'ambiguïté.
14Un premier indice de cette peur apparaît dans les stratégies d'excuse qui entourent la description des rives de la Tamise et de ses déchets. L'excuse du descripteur se déguise sous celle du sauveteur. En effet, la description est motivée par la nécessité de rendre compte des lieux où Martha risque de se suicider. Le passage narratif qui précède la description des abords immédiats de la rivière sert à la fois de retardateur d'information créant un désir de savoir chez le lecteur et d'excuse pour David Copperfield, personnage et narrateur. Suivre Martha sans se faire voir ne va pas sans difficulté : elle marche vite ; elle a de l'avance ; elle connaît bien les lieux ; elle semble craindre d'être suivie. La suivre est une décision présentée comme courageuse, car les pas de David Copperfield s'arrêtent spontanément. Il faudra suivre Martha de l'autre côté du chemin, en silence, en se tenant dans l'ombre des maisons, sans toutefois la perdre de vue : « Je touchai le bras de mon compagnon sans dire un mot, et, au lieu de traverser la chaussée comme venait de le faire Martha, nous continuâmes à suivre le même côté de la rue, nous cachant le plus possible à l'ombre des maisons, mais toujours tout près d'elle. » Si la présence de Daniel Peggotty s'avère nécessaire au plan de l'action, le pronom « both » (tous les deux) permet d'intégrer un compagnon comme alibi de la contemplation de l'abjection et de la rencontre de la pécheresse. D'ailleurs, David Copperfield a soin de le tenir dans un rôle second de témoin et d'auxiliaire. Car il s'agit bien de sauver la femme déchue, et les lieux entr'aperçus permettent à David, qui a l'instinct sûr, de comprendre la gravité de la situation. Il faudra même avancer dans la boue et se cacher derrière les barques échouées sur le rivage pour pouvoir approcher Martha : « Nous pûmes, en les longeant, nous glisser sans être vus. » Voir sans être vu, telle est bien la situation du descripteur qui n'est pas sans rappeler celle du voyeur, situation sans doute ressentie comme gênante. La dramatisation de la rencontre avec Martha par la gestuelle et le dialogue, intensifie encore l'auto-justification. De la même manière, pour sauver Martha, il faudra lui saisir le corps, lutter avec lui, le porter, le toucher, tâches que David prendra soin de justifier. Sous ces stratégies d'excuse, la description cache mal un sentiment de culpabilité chez le descripteur, ou pressentie chez le descriptaire, dont l'image est sans doute marquée par la conception des lecteurs et des lectrices contemporains de Dickens. Car la représentation de l'abjection et de la déchéance comporte certaines ambiguïtés.
15L'esthétique du déchet met en oeuvre une tension entre le point de vue éthique et le plaisir esthétique. De troubles sensations l'habitent. Si la description provoque un dégoût par l'évocation dysphorique de l'irrespirable, de l'humide, du liquide, du collant et du visqueux, du bruyant, du nauséabond, si elle s'attache à la représentation du désordre, de la pourriture et de la pollution, elle s'en nourrit aussi. Bien sûr, il s'agit de dénoncer, mais cela ne peut se faire sans la contemplation du spectacle de la laideur et du mal. Le descripteur est aussi peintre, metteur en scène du laid. Et l'ambiguïté marque ses plaisirs. L'observateur critique est aussi l'espion et le voyeur, celui qui dénonce mais prend plaisir à découvrir, à apprendre, à montrer, à critiquer et à expliquer. Le plaisir d'apprendre se lit non seulement dans la situation des personnages masculins qui sont témoins de la déchéance, mais il se traduit aussi par le jeu avec les mots : jeux de liste, qui déclinent le lexique technologique ou médical ; jeux des allitérations dont le pouvoir évocateur fascine ; jeux des rythmes haletants dans l'énumération ; plaisir d'apprendre toujours renouvelé par la surprise de l'objet inconnu. Le plaisir de collectionneur du grotesque34 se complète du plaisir de dire, de révéler le dégoûtant – longuement. L'expansion dérivationnelle de la description permet justement que l'on s'attarde à la contemplation du mal et promet des plaisirs renouvelables à l'infini. En même temps, elle constitue un danger pour le roman qui pourrait s'y perdre35. C'est le sauvetage de Martha avec la reprise du texte narratif qui mettra un terme à cette séquence descriptive à l'esthétique ambiguë. Tout se passe comme si l'horizon éthique servait d'alibi à la pratique esthétique. L'esthétique du déchet fonctionne ainsi sur un schéma d'attraction et de répulsion dont il importe d'explorer les fondements anthropologiques.
16Car la description est un locus privilégié d'investissement pulsionnel et anthropologique. Elle se fonde sur un plaisir de savoir, une libido sciendi 36, que l'on a pu repérer dans l'attitude de l'espion et du voyeur. Mais la contemplation des rives polluées de la Tamise exprime une fascination pour le déchet, le boueux, le sale, ce qui pourrit et se décompose. On aura reconnu les attributs de l'excrément. Il s'agit ici des rejets de la métropole londonienne, dont la rivière boueuse constitue le méandreux boyau d'évacuation. La description tourne ainsi à l'obsession scatologique. Elle prend plaisir à inventorier, analyser, qualifier, classer, diagnostiquer les déchets d'une société de surproduction qui ne sait pas digérer ce qu'elle produit, c'est-à-dire l'intégrer dans un système organique de production et de consommation. Dans une perspective freudienne, on y verra sans doute l'intérêt pour le scatologique du stade anal. La description montre bien qu'elle porte la double trace de la fascination et de la désapprobation, du plaisir et de la honte de la régression. Ce double sentiment n'est pas sans rappeler ce que ressentait David Copperfield pour Uriah Heep :
Mais apercevant une lumière dans le petit cabinet circulaire, je me sentis à l'instant attiré par Uriah Heep, qui exerçait sur moi une sorte de fascination, et j'entrai. Je le trouvai occupé à lire un gros livre avec une attention si évidente qu'il suivait chaque ligne de son index maigre, laissait en chemin sur la page, à ce qu'il me semblait, des traces gluantes, comme un limaçon. (307)
17L'attraction se double de répulsion (« mon dégoût même devint une sorte d'attraction qui m'obligeait à revenir à peu près toutes les demi-heures pour le regarder de nouveau » [475]) et David Copperfield s'efforcera de s'affranchir de celui qu'il comparera à un poisson, un serpent ou une anguille et qui sera toujours associé à la sensation du gluant. Ce que David redoute dans la proximité de Uriah Heep, c'est la confusion par le contact avec la viscosité. N'est-ce pas la peur dont témoigne aussi la description des rives boueuses de la Tamise ? Les analyses anthropologiques de Gilbert Durand37 permettent d'identifier ce type d'imaginaire comme faisant partie du régime nocturne de l'image mettant en œuvre des structures antiphrastiques de redoublement et de persévération, de viscosité, de réalisme sensoriel provenant de la dominante digestive et dont les principes d'explication d'analogie jouent à plein. Ces structures se lisent notamment dans les schèmes de la confusion et les archétypes du profond, du caché, du centre, de la nuit, de la substance38. La description, en tant que parole sur le monde, inscrit dans le signifiant ce que Gilbert Durand appelle le « trajet anthropologique, c'est-à-dire l'incessant échange qui existe au niveau de l'imaginaire entre les pulsions subjectives et assimilatrices et les intimations objectives émanant du milieu cosmique »39. La fascination du visqueux et l'horreur qu'il inspire témoigneraient ainsi d'un désir d'assimilation, d'abandon, de régression doublé d'une peur de la confusion avec l'originel et le social, perçue comme mortifère.
18La description de l'immonde constitue en fait un nœud dont l'enjeu anthropologique est l'abjection40. David Copperfield y investit son rejet de l'abjection sociale en considérant l'exclus qui fonde la cohérence du corps social autour de l'interdit non pas comme hétérogène, mais comme symptomatique. Il repère ainsi le rapport fondamental qui relie l'exclus à l'inclus, le dehors et le dedans, le vil et le propre. Le tabou qui frappe le déchet (pollution, marginalité, maladie, abjection morale, boucs émissaires) et lui trouve sa place en dehors du corps social, révèle un imaginaire de type anal qui réprime le sentiment de perte de soi et refuse de gérer l'objet du dégoût. Mettre en cause l'abject tel qu'il est construit socialement, c'est questionner l'interdit qui se trouve au cœur du surmoi individuel, car l'abject est ce qui est rejeté par le surmoi41. Cela implique profondément le sujet puisque son identité est construite à partir du rejet, de la séparation, de la limite, de ce qui borde le corps et le définit par l'opposition archaïque du dehors et du dedans42. Si David Copperfield fait le tri parmi les rejets, c'est qu'il désire sauver ce qui pour lui représente une perte. L'objet chu est alors considéré comme précieux, valorisé en tant que partie de soi : la femme déchue sera sauvée ; le corps féminin, objet de compassion et de respect. Le sentiment de dévalorisation sociale de l'objet chu se manifeste aussi dans l'épisode de la coiffe invendable du nouveau-né David, cette partie de lui-même finalement acceptée par une vieille dame et dont David Copperfield disait : « et je me rappelle que j'étais fort ennuyé, et fort humilié, de voir ainsi disposer d'une portion de mon individu » (52). L'objet chu constitue donc pour lui un enjeu précieux, en relation de synecdoque et non simplement de métonymie avec le corps propre. Mais la mise en cause de l'abjection sociale met en péril les défenses de l'individu. L'abjection se révèle ainsi comme un nœud de tensions anthropologiques entre le social et l'individuel, le pulsionnel et le surmoïque, où désir et répulsion sont réexaminés. Par l'écriture, David Copperfield redéfinit les objets du langage de l'abjection et se resitue par rapport au corps social. Les stratégies d'excuse qui entourent la description de l'immonde marquent bien la difficulté de l'entreprise.
19Cohérence et dispersion constituent sans doute les orientations de toute description, mais le texte descriptif réaliste illustre plus particulièrement cette tension. L'étude de ce système descriptif des objets a montré que la représentation de la laideur et du mal crée des oppositions dans la logique descriptive entre le thétique et le métadescriptif, entre fascination et distanciation, entre excès et classement. Si ce jeu de forces semble se résoudre dans la transparence de l'encodage idéologique par une conjugaison des savoirs, par la dénonciation de la situation de la victime et une satire sociale appuyée, il demeure que l'esthétique de la laideur se caractérise par une ambiguïté mal dissimulée par les stratégies d'excuse et qui témoigne d'un investissement pulsionnel et anthropologique intense.
20Ce passage est emblématique des préoccupations de David Copperfield obsédé par la pollution qui souille le monde, la société, les autres, les femmes, son ami Steerforth et lui-même43. Shale Preston44 et Sara Thornton45 ont montré à quel point le narrateur-protagoniste était habité à la fois par le sentiment de saleté et de désordre et une volonté de s'en affranchir46. Mais on n'évite pas le déchet : l'apprentissage de David, que ce soit dans le domaine social, professionnel, sentimental ou familial, sera donc une prise de conscience de l'impur, du pollué et du polluant et de la nécessité de le redéfinir et de le gérer.
21L'écriture n'échappera pas à cette condition. L'enjeu d'un tel passage descriptif apparaîtra d'autant plus que toute description est un lieu de travail intense de l'écrivain47 ainsi qu'un temps privilégié de réflexion pour le lecteur. Si la parole descriptive évoque les choses avec les mots, l'écrivain, par le signifiant, s'investit dans les images mentales ainsi créées mais s'en distancie également. Il en est de même du lecteur, partagé entre fascination et conscience du texte. Le plaisir double de l'évocation dans l'imaginaire et de la maîtrise du langage se lira peut-être dans les déchets si évocateurs que dépose une rivière d'encre. Entre l'abandon à la puissance évocatrice des mots et le plaisir sans doute illusoire de les contrôler, Charles Dickens ne veut pas choisir. Car il en est des mots comme des serviteurs : nécessaires au confort qu'ils procurent, mais dangereux s'ils sont mal maîtrisés :
Nous parlons de la tyrannie des mots, mais nous aimons bien aussi à les tyranniser ; nous aimons à nous en faire une riche provision qui puisse nous servir de cortège dans les grandes occasions (…). Et de même qu'on s'attire des ennemis en affichant trop la magnificence de ses livrées, ou de même que des esclaves trop nombreux se révoltent contre leurs maîtres, de même aussi je pourrais citer un peuple qui s'est attiré de grands embarras et s'en attirera bien d'autres, pour avoir voulu conserver une domesticité langagière trop abondante. (884)
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Références bibliographiques
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Notes de bas de page
1 Cet article a été publié aux Cahiers Victoriens et Edonardiens, n° 49, Montpellier, P.U. Montpellier, 1999.
2 Les citations en français du roman David Copperfield renvoient à la traduction L'Histoire, les Aventures et l'Expérience Personnelles de David Copperfiel le Jeune, trad. sous la direction de P Lorain, revue et annotée par J.-P. Naugrette et L. Bury, Paris, Livre de Poche, 2001. Les remarques portant sur le texte original renvient à l'édition Norton, New-York & London, 1990. Les références de page de la traduction française seront indiquées entre parenthèses dans le texte.
3 Voir Philippe Hamon, Du Descriptif, Paris, Hachette, 1993, p. 5.
4 Voir à ce sujet Mikhaïl Bakhtine, « From the Prehistory of Novelistic Discourse », Modern Criticism and Theory, David Lodge (ed.), London & New-York, Longman, 1991, pp. 125-126.
5 Pour la terminologie se rapportant au descriptif, je me réfère à Philippe Hamon, Du Descriptif, Paris, Hachette, 1993, qui reprend en grande partie son Introduction à l'Analyse du Descriptif, Paris, Hachette, 1981.
6 Le texte descriptif est une forme qui problématise plus nettement que le texte narratif le rapport du langage au réel. Le débat entre Hermogène et Cratyle pose ce problème philosophique dans Platon, Cratyle, Œuvres complètes, vol. 5, trad. Louis Méridier, Paris, Les Belles Lettres, 1989. Les enjeux de la description littéraire ont été sources de nombreuses discussions esthétiques abordées par Philippe Hamon dans La Description Littéraire, Paris, Macula, 1991.
7 Les exemples qui suivent sont tirés des pages 804 et 805.
8 Voir Gérard Genette, Figures III, Paris, éditions du Seuil, Collection Poétique, 1972, le passage sur la pause (pp. 133-138).
9 Ma traduction, plus proche du texte anglais : « Or else it looked as if it had gradually decomposed… » (572).
10 C'est le terme utilisé par Philippe Hamon. Jean-Michel Adam utilisera celui de thème-titre, par exemple dans La Description, Paris, PUF, Que sais-je ?, 1993 et dans Jean-Michel Adam et André Petitjean, Le Texte descriptif, Paris, Nathan, collection Nathan-Université, 1989.
11 Ma traduction de “disturb everything”, aspect non traduit dans le texte de Lorain.
12 Ma traduction, plus proche du texte anglais “in one part… in another…”, préférable à « d'un côté… de l'autre » qui ferme la série.
13 Voir aussi, sur un plan plus général, Friedrich Engels, The Condition of the Working-Class in England,1845, London, Panther Books, 1969.
14 Voir Edwin Chadwick, « Report on the Sanitary Condition of the Labouring Population », Parliamentary Papers, 1842, vol. xxvi, par exemple, p. 369.
15 John Simon fut l'auteur du First Annual Report en 1849. Sur ce sujet, voir Françoise Barret-Ducrocq, Pauvreté, Charité et Morale à Londres au xix e Siècle, Paris, PUF, 1991.
16 Voir Annual Reports of the London City Mission, London, 1835-1845.
17 Michaël Hollington identifie la Tamise comme un Styx menant aux enfers. Voir Michaël Hol-lington, Charles Dickens : David Copperfield, Paris, Didier-Erudition, CNED, 1996.
18 « [Ici] le référent à décrire n'est pas articulé comme une mosaïque de territoires, de champs et de discours à parcourir, mais considéré comme constitué de deux (plusieurs) ‘niveaux’ superposés qu'il faut traverser en allant du plus explicite au moins explicite. » Philippe Hamon, Du Descriptif, op. cit., p. 62.
19 Op. cit., p. 62.
20 Op. cit., p. 62. Dans Le Texte descriptif, Jean-Michel Adam et André Petitjean identifient également les trois fonctions de la description représentative comme étant la fonction mathésique, la fonction mimésique et la fonction sémiosique (ch. 3).
21 Voir John Locke, An Essay Concerning Human Understanding, 1690, London & New-York, Dent, Dutton, Everyman Paperback, 1972.
22 Ce point est souligné par Stéphanie Amar-Flood dans « Wit and Witlessness : The Corruption of the Intellect in David Copperfield. » dans Sara Thornton (éd.), David Copperfield, Paris, éditions du Temps, 1996, pp. 26-40.
23 Suggéré par « gateway » dans le texte anglais.
24 Voir Philippe Hamon, Texte et Idéologie, Paris, PUF, 1984.
25 Le texte anglais poursuit : “I had vaguely entertained the hope that the house might be in some way associated with the lost girl.”
26 Je souligne. C'est le même terme (« sink ») qui est utilisé dans le texte original.
27 Voir Vincent Jouve, op.cit.
28 « coarse grass and rank weeds ».
29 Sème repérable dans les mots « cumbered », « accumulated », « clash and glare » et « overflowings ».
30 « to disturb everything ».
31 « the lights crookedly reflected in the strong tide ». Le mot “crookedly” évoque aussi l'escroc (“crook”).
32 On se rappelle que Barkis est mort avec le jusant. Voir ch. XXX.
33 Voir Gaston Bachelard, L'Eau et les rêves. Essai sur l'imagination de la matière, Paris, Corti, Biblio Essais, 1942, chapitre VI (Pureté et purification. La morale de l'eau.)
34 Voir Michaël Hollington, « Child and Adult Perceptions of the Grotesque », dans Jean-Pierre Naugrette (éd.), David Copperfield, Paris, Ellipses, 1996, pp. 62-72.
35 Voir le débat sur les dangers de la description dans Philippe Hamon, La Description littéraire, Paris, Macula, 1991.
36 Voir Vincent Jouve, L'Effet-personnage dans le roman, op. cit., pp. 156-159.
37 G. Durand définit sa conception de l'anthropologie comme « ensemble des sciences qui étudient l'espèce homo sapiens ». Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de l'imaginaire, 1969, Paris, Dunod, 1984, p. 37.
38 Voir aussi Gilbert Durand, L'Imagination symbolique, Paris, PUF, 1964.
39 Op. cit., p. 38
40 Voir Julia Kristeva, Pouvoir de l'horreur. Essai sur l'abjection, Paris, Seuil, « Tel », 1980.
41 « A chaque moi son objet, à chaque surmoi son abject. » Julia Kristeva, op. cit., p. 10.
42 Voir Kristeva, op. cit., 80 sq.
43 « Il m'était impossible de ne pas sentir profondément la part involontaire que j'avais eue dans la souillure qu'il avait laissée dans une famille honnête, et cependant, je crois que, si je m'étais trouvé alors face à face avec lui, je n'aurais pas eu la force de lui adresser un seul reproche. » (554). Simon Edwards aborde cette question dans « David Copperfield : The Decomposing Self », dans John Peck (éd.), David Copperfield and Hard Times, Basingstoke & London, Macmillan Press, New Casebooks, 1995, pp. 58-80.
44 Voir Shale Preston, « Dirty Davy and the Domestic Sublime », dans David Copperfield, Jean-Pierre Naugrette (éd.), Paris, Ellipses, 1996, 128-136.
45 Voir Sara Thornton, « Delicious Disorder in the House of David », dans Jean-Pierre Naugrette (éd.), David Copperfield, Paris, Ellipses, 1996, pp. 83-93.
46 “dirt avoidance”, in Shale Preston, « Dirty Davy and the Domestic Sublime », op. cit., p. 129.
47 Voir à ce sujet Philippe Hamon, La Description littéraire, op. cit., p. 111.
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