Le phonographe
p. 209-222
Texte intégral
1Dans une boîte, le baron de Gortz enferme le dernier souffle de celle qu’il aimait, la Stilla. Sur une couche de cire, se trouve déposée la dernière inflexion de son chant1. Elle ne meurt vraiment que lorsqu’un coup de feu brise la boîte. Le désir de conserver la voix pour prolonger la vie se rencontre dès le xviiie siècle, dans la correspondance de Diderot avec Falconet par exemple ; le texte écrit semble alors ne pas détenir l’essentiel, le souffle de la vie, non plus que les machines qu’on construit au siècle des Lumières : le nouvel orgue de Diderot2 pour conserver les airs, les automates siffleurs de Vaucanson, la « machine parlante » de Kempelen – un orgue dont il a aménagé le jeu pour produire les inflexions vocales3. Tout cela semble singulièrement inhumain et ne fait qu’imiter grossièrement le comportement des hommes, la parole plus que le reste. Paradoxalement le phonographe de 1877, petite machine qui est bien peu faite à l’image de l’homme, qui ne reproduit que sommairement l’organe de la parole et de l’ouïe et n’a rien des têtes parlantes du début du siècle, contient davantage la marque de l’humanité. Michel Leiris, dans « Perséphone4 » rappelle ses « phantasmes » d’enfant devant le phonographe Edison de son père : au fond de la grande gorge d’où sortent les sons, deux petites « stalactites de chair » s’agitent comme des amygdales, en mesure avec les palpitations du diaphragme. Et l’odeur, le contact doux avec la peluche des cylindres, son étrange nom de graphophone en font une personne ou un animal mythique5. Ils vont apparaître en effet comme des êtres sortis des profondeurs marines ou de l’épaisseur du temps.
2Les figures de cire à la même époque, « immobilités paralysées […] tournures pétrifiées » selon les Concourt6, sont loin d’avoir ce semblant de vie, et sont tout juste bonnes à frapper les imaginations populaires pour leur enseigner l’histoire. Mais au tournant du siècle, lorsque les esprits sont particulièrement préoccupés des limites de la vie et de la mort, ces représentations humaines, machines parlantes, androides de chiffons, de métal et de cire vont devenir le support d’une interrogation sur l’être, et c’est ce que je voudrais examiner ici.
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3C’est ce qu’écoute Dan Yack dans le roman de Biaise Cendrars, Le Plan de l’aiguille, sur son gramophone : « un disque qui lui parle de sa chasteté, qui la chante et la baigne, qui la roule comme galets dans la mer ». Millionnaire anglais que tout Pétersbourg envie, il a levé l’ancre pour gagner d’autres horizons ; assez traîné dans les odeurs de pissat de cheval et de « poissonnerie abandonnée sous le soleil de midi8 », pense-t-il. Il part pour le Nord en compagnie de trois artistes animés par le désir de trouver une virginité, et lui qui n’a jamais lu un hvre emporte tous ses phonographes dont il aime le « ronron nasillard9 ». Cette virginité, Dan Yack la trouve en contemplant la rotondité absolue qui l’entoure, l’immobilité et le silence. Le soleil, vu à travers un monocle constamment vissé sur son œil, « tournait, tournait comme un disque de gramophone sur lequel rien n’était enregistré, muet comme un disque vierge10 ». Le phonographe et le disque reflètent le monde. Ils répètent sa surface vierge, son invariable rondeur, sa profondeur absente, et font entendre des discours incompréhensibles, le cri de l’otarie, ou encore le silence. La virginité de Dan Yack et le rêve de Cendrars –, c’est d’échapper au langage de la réalité et de renouer avec un être de langage poétique11.
4Le disque ou le cylindre, par leur forme, par les ondes qu’ils libèrent, évoquent le monde des sphères et semblent appeler l’idée d’une harmonie première. Les bruits confus de leur course circulaire, qui préludent à l’audition proprement dite, semblent une sorte de bruissement original d’où va naître la parole, de même que la musique semble sortir du discord des instruments. A cet imaginaire des formes, il faut ajouter une rêverie sur la cire, vierge elle aussi, dont la texture particulière a puissamment animé la pensée du disque12.
5La cire est liée mythiquement à une pensée de la création par l’intermédiaire de l’abeille, par ce que Maeterlinck nomme « l’harmonie nuptiale13 ». Elle ne conserve pas seulement la surface du discours, comme dans l’orgue de Diderot, mais elle paraît receler l’épaisseur charnelle de la voix. Michel Leiris l’imagine « en nappes acoustiques cachées dans la profondeur de la cire » qu’on emmène par la machine « jusqu’à la mer de l’oreille14 ». On peut trouver d’autres exemples de la pensée d’une sédimentation cireuse. Comme sur la tablette antique, on écrit sur le cylindre ou le disque à l’aide d’un style ; ainsi cette surface, plus qu’une page définitivement composée, est-elle un espace d’écriture transitoire et volatil, aisément effaçable, où la matière n’emprisonne pas complètement les mots15, et qui conserve l’énergie de la parole sans avoir la sécheresse de l’écrit. La cire est comme un fluide, une mer qui se referme et s’ouvre successivement, et sur le disque comme sur la tablette antique des couches de texte recouvrent d’autres couches de texte. Freud dans Notiz über den ‘Wunderblock’ (1924) a été particulièrement intéressé par la petite mécanique inventée au début du siècle et connue en France sous le nom d’ardoise magique, qui reprend le principe de la tablette des Anciens. Il en fait une représentation concrète de la Gedächtnisfunktion ou fonction de mémoire, donnant ainsi un aboutissement à la pensée cartésienne de la mémoire. Il s’agit d’une tablette de cire sur laquelle est posée une feuille translucide attachée seulement par son extrémité supérieure ; on grave dans la cire à l’aide d’un petit style et récriture lisible à travers la feuille supérieure est produite par l’adhérence de la feuille de papier ciré à la tablette de cire et disparaît dès que ce contact est rompu. Ce qui nous intéresse ici, ce ne sont pas les éléments de comparaison, au demeurant tout à fait importants, qu’en tire Freud, mais l’imaginaire qui s’attache à cet objet :
la surface d’écriture est dépourvue d’écriture et capable de réception à nouveau.Mais il est aisé de constater que la trace durable de ce qui est écrit sur la tablettede cire reste elle-même conservée et est lisible sous un éclairage convenable16.
6La cire conserve des traces de langage qu’elle superpose en se refermant sur elles. Dans la supposition de voix silencieuses enfermées dans une pâte, dessinées et prêtes à s’élever, je crois que réside une belle métaphore de l’acte poétique. Le poète, déjà butinant et voltigeant comme une abeille dans l’Ion de Platon, fait de toutes les voix une seule voix et hérite de cette antique connivence entre la cire et l’écriture. La poésie n’est-t-elle pas une coagulation qui retient des matériaux de langage et les unit par un suc transparent ? Le poème est « d’une cire mélodieuse » qui se coule entre les mots et « si elle n’en accompagne pas tous les méandres, si elle a sa logique autonome, elle en épouse cependant le profil et l’intention secrète ». Ce que dit Jankélévitch à propos de la musique17 sans doute peut s’adapter à la fabrication poétique, au nom de ses liens anciens avec la musique.
7Le rouleau dans son manchon de cire, le disque recouvert de cire qui contiennent la voix18 sont des objets de songes, comme le sont aussi les poupées de cire. Car ils recueillent les voix pures dépourvues de matérialité : une voix et seulement une voix qui sortirait de l’ombre, sans origine visible, isolée de toute conscience, comme celle de Hadaly dans le roman de Villiers, L’Eve future 19. Le phonographe, avec lequel on ne se privait pas de jouer, permettait de superposer plusieurs voix, de faire entendre le texte à l’envers, le même texte en plusieurs langues, et en quelque sorte d’atteindre à une harmonie générale. Charles Cros, en 1880, imagine le monde à venir – celui de 1986 –, et la place du phonographe, dans Le Journal de l’avenir 20. Laissons le versant utopique du « journal parlé21 » pour examiner un curieux procédé d’écriture : un rédacteur porte deux chapeaux superposés, abritant chacun un cerveau, celui de Théodore de Banville et celui d’un avocat connu, ajoutés au sien, sans grand intérêt. Le résultat donne un texte poétique superposant trois systèmes de poésie. Plus loin, un rémouleur doté du cerveau de Victor Hugo mêle au flot hugolien des préoccupations de son état. Je crois que cette courte scène, écrite par un poète, révèle la transformation qui a heu dans la conception du poème : réunion des voix, évanouissement des réalités, notion pure. Entre machines à parler, entre la cire et le papier dans les années 1880, il y eut peut-être hésitation : la poésie écrite courait le risque de n’être plus que pour l’œil, ce qui se produisit avec le calligramme, ou de devenir expérimentale, conformément à l’esprit nouveau.
8La voix enregistrée, avant d’être ondes sonores, était un signe inscrit : un dessin conçu généralement comme un paysage, l’image d’une nature cachée sous le langage, oubliée et mise au jour par la machine. C’est ce qu’avait imaginé Edgar Poe dans The Power of words (1845)22 : des formes nées d’une parole, « proférées à la vie », qui sont un paysage de « volcans farouches » et de « brillantes fleurs, sur une étoile lorsque Agathos dépose quelques phrases aux pieds de sa bien-aimée ». Cette « fantaisie », mot des Marginalia, dont Schwob se souvient dans un récit du Roi au masque d’Or, trouve une pleine réalisation avec la naissance du phonographe puisque la voix inscrit sur la cire un paysage en réduction : des montagnes, des collines, des tranchées23, qui forment une arcadie, où chaque objet naturel naît d’un son. C’est du reste une obsession de l’époque que la transformation de la voix en paysage : par exemple l’instrument eidophone montre, sur un disque enduit d’une pâte visqueuse, une voix faite de fougères, d’arbres, et d’autres formes naturelles24. Ce ne sont donc pas exactement des signes qui s’inscrivent sur la surface d’un cylindre pour Cros, ou dans l’épaisseur d’un disque pour Edison : plutôt la photographie d’un souffle, son intensité, son timbre, son degré d’articulation, directement – ce qu’Edison, dans le roman de Villiers nomme « clicher ».
9Le phonographe fait surgir la voix à la surface de la terre, comme un miracle ; on pourrait penser que le Verbe divin est réinventé. Marcel Schwob, dans « La machine à parler25 », évoque une rencontre entre un auteur et l’inventeur de cette machine, lequel possède une étrange voix fêlée, pleine de sons graves, avec des vibrations, des harmoniques lointaines, sans intonations, ce qui peut faire penser à de la rouille : une voix de machine, sans âme, qui fait de cet homme une créature luciférienne. Il a fini par devenir la machine qu’il a construite, et, comme elle, à ce qu’on peut deviner, il n’a pas de conscience, et on le prend pour un fou. Il lit ce que le narrateur a écrit, un éloge métaphysique de la voix « par qui se manifeste l’être dans la vie », qu’on arrive à conserver dans les cylindres, procédé qui semble recueillir toute l’approbation du narrateur. Procédé de conservation, juge l’inventeur, et non de création. Et lui-même se propose comme modèle d’un autre genre d’écrivain : il est de ceux qui construisent des machines à parler et créent des mondes « morts avant d’avoir vécu ». Voilà que l’homme guide notre narrateur vers sa demeure, semblable à un repère des voix : « cris grinçants, paroles syllabisées ». La machine apparaît : monstre de cuir, de fils métalliques, de rouages, pourvu d’une langue énorme qui fait exploser des consonnes, roule des r et vomit quelques voyelles. Cette machine est mue par un clavier portant « les misérables signes de la pensée humaine », et l’organiste est présentée au visiteur. L’inventeur de la machine dénonce le mensonge des livres, qui affirment l’existence du créateur du Verbe, supposant l’âme et donc les nuances de la voix, qu’il a supprimées. Mais lorsque la machine va dire « j’ai créé le Verbe » : un bégaiement, « un déchirement extraordinaire dans les fils, un craquement de rouages », et voilà la fin de l’histoire !

PHOTOMICROGRAPHIE D’UN FRAGMENT DE DISQUE A AIGUILLE.
10Les appareils isolant la voix de la personne physique sont nombreux autour des années 1885 (dictaphone, téléphone, microphone), si bien que l’idée du vide, du vide contenant de la vie, d’une voix de l’ombre, est devenue acceptable. Dans L’Eve future, on assiste à la mise en place d’une telle pensée, par la fiction de voix captées et transmises par magnétisme, de voix célestes, déchargées de toute pesanteur aérienne. L’andréïde de Villiers, avant d’être revêtue de l’apparence de Miss Ahcia, n’est que du vide :
Ce métal qui marche, parle, répond et obéit, ne revêt personne, dans le sens ordinaire du mot… Non, personne, reprit-il. Miss Hadaly n’est encore, extérieurement, qu’une entité électro magnétique. C’est un Être des limbes, une possibilité26.
11Dans ce vide parfait peut se produire du mouvement, de la vie, et c’est cette pensée forte qui anime le roman : une belle image est celle de la mesure des rayons d’étoiles mortes ou la description de l’œil de l’andréïde par Edison, qui est un raccourci du principe du vide :
Etant donné le vide le plus parfait, presque absolu, que l’on puisse produire […] il est avéré qu’il peut se révéler, en ce vide aussi abstrait que possible, des mouvements dus à la présence d’une Matière insaisissable… l’étincelle vibre dans ce vide, – et l’on peut penser que le Commencement de Mouvement physique est là 27.
12La voix de Hadaly est d’une pureté absolue ; elle rassemble les voix de la nature, celles de la terre, recueillies par le magnétisme surnaturel de Sowana qui permet ces opérations et compose « son chant d’immortelle28 » ou sa voix « inoubliable et surnaturelle29 ». Il n’est donc pas étonnant que Hadaly entretienne un rapport privilégié avec le silence, lui-même forme extrême de l’harmonie sonore, souvenir de la musique des sphères.
13Mais la cire, autant qu’elle est liée au vide, fait surgir la Présence : les statuettes représentant des effigies de défunts ou de saints semblent contenir une essence. Et cela n’est pas hé seulement à sa qualité de transparence, à l’aisance avec laquelle elle se travaille, qui a fait de la céroplastie un art, au xixe siècle30. L’un des textes les plus déroutants qui révélé une construction imaginaire à partir de la figure de cire se trouve dans le Libro segreto de Gabriele d’Annunzio. L’auteur fait le récit d’un rêve dans une langue étrangère, en français, c’est-à-dire en décalage avec le corps naturel de sa langue ; écrire dans une autre langue, c’est pervertir les repères et faire un simulacre de ce corps naturel. Des êtres incertains sont entraînés avec l’auteur dans une déambulation chaotique : « un lévrier détaché d’une très vieille armoirie, rendu vivant par je ne sais quel sortilège et condamné à vivre et à marcher » dans un paysage urbain fait de pierres dures, et surtout une femme du nom de Coré, femme « réelle » mais dont le nom évoque déjà un enfoncement dans la terre, et doublée d’une effigie nommée comme une ombre phonétique : Cire. Le texte, découpé en scènes, commence par la réception d’une dépêche, un petit bleu, qui contient « une parole de la Lointaine » : première manifestation d’un enfermement de la parole, qui se trouve démultiplié métaphoriquement par « des merveilles bleues, des trésors bleus, des concrétions d’azur, des pâtes, des verreries, des pierreries bleues », elles aussi enfermées derrière des devantures. En proie à un désir amoureux qui lui fait sentir toutes les fibres de son corps, l’auteur retrouve Cor en « costume d’argent et de perles » – ce qui n’est pas sans encore évoquer Hadaly –, et il recherche dans ce vêtement métallique une « autre bouche sombre », comme un sexe d’où pourrait sortir une parole, mais qui devient « cercueil d’argent ». C’est l’annonce de la scène suivante, où la « Figure de cire » vêtue comme la femme vivante participe au « repas de la mort amoureuse ». Puis dans un salon d’essayage, royaume des miroirs et des apparences, on découvre que la femme ne respire pas. Enfin, c’est une scène de meurtre : « La Cire est là quand je tue la femme vivante », avec retournement final : « tout à coup la Figure se lève, la Cire est vivante, comme si le souffle de la femme étranglée était passé dans le simulacre effrayant31 ». Pas d’émission vocale dans ce texte, mais simplement l’installation du souffle dans le double de cire, souffle qui est une voix vide, et en même temps absolument vraie, puisque du même ordre que celle que cherchait le héros dans la « bouche sombre » de Coré. Si l’on accepte de confondre la figure de cire et le corps d’écriture étranger, comme je le proposais à l’instant, il apparaît que par ce dénouement le véritable souffle se trouve dans la langue étrangère, corps artificiel qui donne accès à la profondeur, où les réseaux de signification se défont, alors qu’il était inaccessible dans le corps naturel qu’il a fallu faire mourir. Tout cela constitue une scène rituelle d’entrée dans les profondeurs de la mort indiquée par le double nom Coré/Cire, irrémédiablement liée à l’expérience de la voix et que nous avons déjà rencontrée avec la Perséphone de Michel Leiris.
14Ce dispositif rituel de la recherche de la présence, que j’incline à considérer comme une métaphore de l’attitude poétique moderne, se trouve plusieurs fois mis en œuvre au tournant du siècle. L’exemple le plus étonnant est celui d’Oskar Kokoschka que je présenterai brièvement ici. Le peintre fait fabriquer une poupée à l’effigie d’Alma Mahler, dont il s’est séparée. Cette poupée n’a pas directement une fonction érotique : elle doit lui permettre de trouver l’expression de la femme en peinture ; de cette tentative sortiront effectivement La Dame en bleu. Autoportrait au chevalet. La correspondance avec la faiseuse Hermine Moos témoigne d’une conscience aiguë de l’intériorité ainsi que de la supériorité de l’artificiel sur le réel. Ainsi ces lignes témoignent de l’habitation intérieure que le peintre prête au « Fétiche », à la « Bien-Aimée » de tissu, métal et cire :
vous ne permettrez pas qu’on me torture pendant beaucoup d’années de ma vie en permettant à un objet concret et perfide coton, tissu, cordonnet, chiffon ou tout ce qui pourrait nommer ces choses affreuses – de s’imposer dans toute sa monovalence terrestre alors que je crois embrasser avec mes yeux, un être qui est bivalent, esprit mort et vivant32 !
15Cette présence perçue ici dans une bivalence se confond avec une expérience de la mort, au prix d’un reniement de la réalité et de l’existence concrète et la perception absolue de l’être que recherche le peintre ne peut se faire qu’en frôlant le néant, par le recours au simulacre qui enferme la vie et la mort.
16La pureté de ce chant vierge, qui fait que cette « Eve future » annule les désirs bas et dégradants par une « solennité inconnue33 » peut se corrompre. Un court-circuit final la détruira, mais surtout la rouille la menace : les phonographes intérieurs prévus par Edison sont en « or vierge […] doué d’une résonance plus fémininement sonore […] surtout lorsqu’il est traité d’une certaine façon, l’or est le merveilleux métal qui ne s’oxyde pas34 ». Et pour empêcher cette rouille de se former, on doit faire absorber à Hadaly quelques gouttes d’huile de roses. Que représente cette rouille si nous envisageons à nouveau la métaphore de la poésie, ainsi que le motif de la rose, son contraire peut-être, nous conduit à le faire ? Une corruption de la matière dans ce qu’elle offre de plus résistant, le métal ; la modification de l’ordre atomique, au plus intime de l’objet qui se trouve pulvérisé ou vaporisé. Une poétique de la rouille est envisageable au même titre que celle de la raucité35.
17Les premiers essais du phonographe, c’est bien connu, furent de médiocre qualité : des sons nasillards, des voix reconnaissables mais peu audibles, jusqu’à ce qu’un appareillage électrique améliore la performance. De ce point de vue, toutes les voix sont comme celle de Kathleen Ferrier,
[…] mêlée de couleur grise
Qui hésite au lointain du chant qui s’est perdu36.
18Michel Leiris parle des « claquements de langue » et des « cris de la cire » pour désigner les bruits préparatoires à l’audition qui ne sont ni discours ni musique37. Le phonographe est aussi le heu du gouffre et, dans le texte de « Perséphone », il note l’impression de cavernes, d’anfractuosités, qui s’attache au monde du graphophone. Un monde souterrain est révélé, que convoque le nom de Perséphone ou celui de Coré, engloutie dans un sillon de la terre : si le disque est un soleil, c’est un soleil noir, dit Mac Orlan38.
19Le motif de la rouille joint à celui des fonds marins se trouve dans le texte d’Alfred Jarry, Phonographe (1894)39. Il donne aussi sa pensée de la machine à parler, qui est une pensée de l’acte poétique décrit comme une succion, où l’on retrouve plusieurs points de théorie de l’auteur. Cela forme un paysage marin, suggéré par les sons échappés du disque, mêlé aux fragments d’un discours qu’on suppose gravé, scandé par une formule qui ouvre et ferme le texte :
La sirène minérale tient son bien-aimé par la tête, comme un page d’acier serre une robe […].
20Cette « sirène minérale » semble être l’appareillage qui permet l’écoute du disque – en particulier par la forme du pavillon commun avec celui de la sirène d’alarme : un de ces appareils complexes où le patient, qu’il parle ou qu’il écoute, semble pris dans un interminable baiser qui donne l’impression d’une aspiration amoureuse de la part de la mécanique – celle-ci ressemble fort à une mante religieuse par l’importance de sa mandibule et par l’ongle de son doigt unique. Spectacle assurément monstrueux, copulation scandaleuse avec une demi-morte qui mêle l’animalité déplaisante des sangsues des écouteurs40, plus loin des monères, à l’étrangeté du « bec d’éguisier ». L’acte proprement dit, d’où va sortir le son, est bien sûr terrible : l’auteur se met à la place de l’amant et contemple ces yeux et ce terrible corps atrophié.
21L’audition est éprouvante puisque cette animalité « farfouille » par ses bourdonnements dévastateurs, toujours obsédée de sexe et « copulant avec tout venant ». Traversant cette description, des phrases visiblement se réfèrent au bruit : celui d’un livre qui se ferme « pour écraser des mouches » manière de suggérer une noirceur complétée par les « lampes charbonnées », celui des « bouts de branches sèches », ou d’un « jeu de quilles ». Puis un « chant de stalactites de cuivre » et un « bruit de fer rouillé », bref une parole difficile, transcrite par un texte poétique représentant une scène de cannibalisme et correspondant à des sons rauques de l’appareil41. Le chant commence enfin, c’est la fascination de la sirène, en un éclatement électrique.
22Mais on finit, dans ces auditions laborieuses, par entendre la beauté de la voix. Tout se passe comme si une mélodie sortait d’un heu de son primordial, réussissait à assagir et à organiser le monde. C’est le simulacre d’une naissance, la représentation d’une vie sortant d’un univers informe. On peut revenir un instant à l’image de la ruche, telle que la décrit Maeterlinck, qui mentionne « l’incantation irrésistible » du terrible Sphinx Atropos lorsqu’il pénètre dans la ruche. Mais on peut aussi rappeler les femmes abeilles dans « A Hermès » des Hymnes homériques, qui sont la destinée, la mort, capables de transport prophétique et qui, la tête couverte d’une poudre brillante, vont se repaître de cire de tout côté – à une époque où cire et miel ne sont pas très bien différenciés. Cette naissance de la vie dans un monde autrement organisé, c’est aussi le fait poétique qui réorganise, redessine un monde sur les ruines du monde courant, et que toujours guette le néant, et qui même, fait l’expérience du néant en prenant le risque de se séparer du réel.
23Je citerai une dernière œuvre, Der Zauberberg (1924), où le phonographe tient un rôle et apporte un élément d’éclairage supplémentaire à cette exploration de l’imaginaire de la voix enregistrée. Thomas Mann en fait le centre d’intérêt du chapitre « Fülle des Wohllauts42 ». Au sanatorium, le héros Hans Castorp découvre un appareil acoustique dans le Salon de musique et l’objet est ainsi décrit :
C’était une corne d’abondance qui dispensait des jouissances artistiques ou mélancoliques. C’était un appareil à musique, c’était un gramophone43.
24Une machine précieuse, électrique : un « coffret peint en noir mat ». La société écoute ce merveilleux instrument. Hans Castorp, pour qui c’est un événement44, va jusqu’à subtiliser la clé, ce qui lui permet de les écouter à loisir. Cette fascination est liée à l’importance des disques, qu’il éveille un à un à la vie sonore, dans une machine de rêve qui respire étrangement, et contient les marques d’une présence :
En rêve, il voyait le disque mobile tourner autout de son axe si rapidement qu’il en devenait invisible et silencieux, en un mouvement qui ne consistait pas seulement en un tournoiement vertigineux, mais encore en une sorte d’ondulation latérale très singulière, par laquelle le coude articulé qui portait l’aiguille subissait une vibration élastique et comme respiratoire45.
25La boîte noire dont, petit à petit, Hans Castorp a l’usage exclusif, devient un temple chargé de voix dont il est le gardien et qui regroupe l’élite des humains chantants :
avec les productions florissantes de ce petit cercueil taillé dans un bois à violon, de ce petit temple noir et mat, devant la porte à deux battants devant laquelle il était assis sur sa chaise, les mains jointes, la tête sur l’épaule, la bouche ouverte, et il se laissait inonder par les flots de l’harmonie. Les chanteurs et les chanteuses qu’il entendait, il ne les voyait pas […] ce qu’il avait d’eux, c’était le meilleur, leur voix, et il jouissait de cette épuration, de cette abstraction46.
26Tous ces éléments ne sont que préparation à une expérience musicale du héros, qui va révéler au lecteur la véritable direction de cette mécanique en forme de cercueil. Sa préférence va à un lied de Schubert, Lindenbaum, Am Brunnen vor dem Tore 47, chanté par un ténor. Le narrateur prend soin de préciser que cette chanson, dans sa version populaire, est chantée par strophes, alors que dans le lied originel, c’est une variation qui n’a pas cette régularité mais est emportée du majeur au mineur, pour ne réapparaître dans son premier état qu’à la fin, mais sous forme d’un « zartestes Flageolett ». Ce que transporte ce lied, par opposition à la version populaire cyclique et apaisante, c’est une ligne continue, une avancée vers un point invisible ; comme une errance que la voix de ténor avec un grand renforcement d’affects et la fragilité du flageolet final semble annoncer ; et Hans Castorp découvre tout un monde intérieur, une attitude spirituelle, dans la beauté et la sérénité – le monde d’un amour interdit :
Es war der Tod.
27On voit ici un aboutissement : le gramophone est le heu d’où sort un chant de mort, lequel est mélodie ou chant de l’individu esseulé qui s’est séparé de l’harmonie des ondes premières c’est la voix du ténor –, et qui n’a plus le secours de sa chair. La voix nue s’élève et témoigne ainsi de sa finitude ; et en même temps, le héros découvre la jouissance infinie de cette corruption, de cette connivence avec le néant – ce néant, c’est l’effet de rouille, signifié par le bruit propre au gramophone qui prélude à la naissance de la voix. La voix pure, la voix merveilleuse qui est celle de Hadaly, qui est aussi le silence de Dan Yack est un leurre. La voix rouille, se corrompt comme si elle retournait à son origine marine. Et dans l’enregistrement du phonographe, il y a la promesse de la mort, comme une présence sous les apparences de l’harmonie, et qui est donnée là dans sa matérialité amplifiée.
28L’enregistrement de la voix humaine appelle douloureusement le poète, en déroutant le principe de la voix. Il révèle en fait une faille, celle de croire à une voix venue d’ailleurs, au chant mélodieux de la sirène que le poète fait bouffer comme une rose. Ce montage terrible dévoile la douleur, la cruauté de l’écriture qui fait de l’aventure poétique une expérience de la mort. Et l’univers où le poète puise sa parole est semblable à un fonds marin, sauvage, dévorateur, qui est le monde des origines et dans lequel toute parole se transforme en une couche naturelle qui la fait devenir autre chose, qui a nom poésie.

Notes de bas de page
1 J. Verne, Le Château de Carpathes, chap. 9, Hetzel, 1892.
2 Mercure d’Octobre 1747, Projet d’un nouvel orgue (qui reprend l’idée cartésienne des aiguilles à travers une toile).
3 W. de Kempelen, Le Mécanisme de la parole, suivi de la description d’une machine parlante, op. cit., p. 394 : « elle était composée d’un soufflet à quatre éclisses et d’un porte-vent, dans lequel on avait ajusté horizontalement, au lieu des tuyaux d’orgues, treize anches de bois, garnies d’échalottes d’ivoire et de différentes grandeurs ».
4 M. Leiris, Biffures, Gallimard, 1948, p. 77-138.
5 On en trouve autour des années 1885, lorsque Bell et Tainter font du phonographe un objet de grand public (Voir D. Marty, Histoire illustrée du phonographe Lausanne, 1979).
6 Concourt, Idées et Sensations, Charpentier, 1887, p. 115.
7 B. Cendrars, Le Plan de l’Aiguille, (Denoël, 1927), Poche Suisse, 1987, p. 83. Le roman de Cendrars, Confessions de Dan Yack (1929), apparaît comme une expérimentation d’ordre poétique et non poussée vers un récit, qui donne la plus large place au phonographe, au rouleau et au disque ; ce livre, explique l’auteur, n’a pas été écrit : il a été entièrement dicté au dictaphone, et le texte lui-même est organisé en rouleaux. Le dictaphone hérite en quelque sorte du gramophone, pour trouver un moyen de dire la mort. Le cahier de Mireille, morte, est enregistré chaque jour, selon la promesse de l’auteur, et par cette opération, qui ressemble à un rite magique, la mort de Mireille devient belle, puisque sonore, et proche d’une magie, d’un emportement, par « le réveil de tous les échos » qui transforme le texte en lui donnant une direction qui est celle du sens d’un livre.
8 Ibid., I, 20.
9 Ibid., I, 33.
10 Ibid., I, 125.
11 Un automate composé de chats miaulants met également Dan Yack en extase.
12 Le premier appareil d’Edison, en 1877, a un cylindre recouvert d’une feuille d’étain, à laquelle on préfère rapidement la cire dont l’utilisation se poursuit jusque dans les années 1940. Bell et Tainter reprennent l’invention de Edison en 1885 en la perfectionnant (particulièrement par l’usage de la cire sur un disque) pour la diffuser dans le public. Elle prend le nom de gramophone. Ensuite, Berliner imagine un disque de zinc recouvert de cire pour l’enregistrement et ensuite attaqué à l’acide pour faire une « eau forte » de la voix. Le microsillon apparaît en 1947.
13 M. Maeterlinck, La Vie des abeilles, éd. Complexe, 1997, p. 46.
14 « Perséphone », op. cit., p. 101.
15 Voir sur ce point l’étude de F. Dupont, L’Invention de la littérature, La Découverte, 1994.
16 S. Freud, « Notiz über den Wunderblock » (1924), Gesammelte Werke, Band 14er Fischer Verlag, 1948, s.7 [Die Oberfläche des Wunderblocks ist schriftfrei und von neuem aufnahmsfahig. Es ist aber leicht festzustellen, dass die Dauerspur des Geschriebenen auf der Wachstafel selbst erhalten bleibt und bei geeigneter Belichtung lesbar ist].
17 V. Jankélévitch, Fauré et l’inexprimable (1988), p. 264. Il faut noter également l’idée minérale de la poésie (la cristallisation) qui se retrouve dans l’emploi du saphir pour lire le cylindre et aussi dans les bagues d’Hadaly dans le roman de Villiers L’Eve future.
18 Le disque supplante le cylindre en 1908 mais Pathé en fabrique jusqu’en 1927.
19 A. Villiers de l’Isle-Adam, L’Eve future (1886), GF Flammarion, 1992. Cette absence de conscience fait de Hadaly une héritière de la statue de Condillac (Traité des sensations 1754), qui n’est rien d’autre que les sensations qu’elle emmagasine de même qu’Edison a enregistré des paroles et des attitudes sur les cylindres d’Hadaly. De plus, l’analogie entre le fluide nerveux et le fluide électrique est aussi une pensée du xviiie siècle.
20 C. Cros, Le Journal de l’avenir, Gallimard, Pléiade, 1970, p. 234.
21 On trouve aussi la marque de cette rêverie dans les lettres de Malaisie de Paul Adam.
22 E. Poe, Œuvres en prose traduites par Baudelaire, « Puissance de la parole », Gallimard, Pléiade, 1951, p. 460
23 L. Laloy, Revue musicale, janvier 1903, III, n°l, p. 224.
24 Voir A. de Rochas, Les Sentiments, la musique et le geste, Grenoble, 1900, note D.
25 M. Schwob, « La machine à parler », Le Roi au masque d’or, (1927), Toulouse Ombres, 1991, p. 91-96.
26 A. Villiers de l’Isle-Adam, II,4, op. cit., p. 181.
27 Ibid. p.327.
28 Ibid., p. 211.
29 Ibid. p.372.
30 Les Goncourt ont un intérêt particulier pour la céroplastie qu’ils considèrent comme une art hautement populaire et à ce titre promis à un bel avenir (Idées et sensations, op. cit. ).
31 G. d’Annunzio, Cento e cento e cento e cento pagine del Libro segreto di Gabriele d’Annunzio tentato di morire (1935), Milano, Mondadori, 1995, p. 104-111.
32 O. Kokoschka, Briefe hrsg. von Olda Kokoschka und Heinz Spielmann, Bd 1, Düsseldorf, 1994, (Briefe 10.12.18) [Sie erlauben nicht, dass man mich quält für viele Jahre meines Ixbens, indem Sie dem tückischen realen Objekt – Watte, Stoff, Zwirn, Chiffon oder wie die grässlichen Dinger alle heissen mögen – erlauben, sich in seiner ganzen irdischen Eindeutigkeit aufzudrängen, wo ich ein Wesen mit den Augen zu umfassen meine, welches zweideutig ist, tot und lebendiger Geist ! ]. Voir la traduction Lettres d’O. Kokoschka à Hermine Moos, L’Atelier contemporain, 2001, p. 483-505.
33 Villiers, op. cit., p. 276.
34 Ibid., p. 214.
35 Les travaux de M. Finck sur ce sujet sont bien connus. La rouille semble également propre à envisager le rapport entre l’artiste et la matière, comme la raucité.
36 Y. Bonnefoy, Hier désert régnant, op.cit., p. 171.
37 M. Leiris, op. cit., p. 100 ;102.
38 Cité par A. Georges, « Musique et mécanisme », Les Spectacles, 1932, p. 130.
39 A. Jarry, Les Minutes de sable immémorial II, Gallimard, Pléiade I, 1972, p. 185-187. C’est en 1894 qu’Edison destine son appareil au grand public (avec un moteur à ressort).
40 Pour l’exposition Universelle de 1889, l’appareil possède un moteur électrique et seize paires d’écouteurs.
41 Cette cruauté se retrouve dans Cendrars, Les Confessions de Dan Yack (p. 118), à propos de la guerre : « Le champ d’entonnoirs se mettait à tourner à une vitesse folle et il me semblait qu’une fulgurante épée tombait du haut du ciel et battait des étincelles rugissantes, et sabrait et massacrait tout à la surface du monde comme une aiguille de gramophone qui érafle, égratigne, raie à tort et à travers un vieux disque déjà usé, remonté à fond et dont toutes les voix humaines sont définitivement condamnées ».
42 T. Mann, « Fülle des Wohllauts », Der Zauberberg, Fischer, 1924, p. 678-696.
43 « Es war ein strömendes Füllhorn heiteren und seelenschweren künsterischen Genusses. Es war ein Musikapparat. Es war ein Grammophon ».
44 « Und ihm hieße es : ‘Halt ! Achtung ! Epoche ! Das kam zu mir ! » [Et quelque chose lui disait : « Halte ! Attention ! Un événement ! Il m’arrive quelque chose ! ].
45 « Er sah im Traume die Drehscheibe um ihren Zapfen kreisen, schnell bis zur Unsichtlichkeit und lautlos dabei, in einer Bewegung, die nicht nur eben in dem wirbeligen Rundfluss, sondern auch noch in einem eigentümlichen seitlichen Wogen bestand, dergestalt, dass dem nadeltragenden Gelenkarm, unter dem sie hinzog, ein elastisch atmendes Schwingen mitgeteilt wurde ».
46 « Mit den blühenden Leistungen dieses gestutzten kleinen Sarges aus Geigenholz, dieses mattschwarzen Tempelchens, vor dessen offener Flügeltür er im Sessel sass, die Hände gefaltet, den Kopf auf der Schulter, der Mund geöffnet, und sich von Wollhaut überströmen liess. Die Sänger und die Sängerinnen, die er hörte, er sah sie nicht… was er von ihnen hatte, war ihr Bestes, war ihre Stimme, und er schätzte diese Reinigung oder Abstraktion ».
47 Ce lied est très connu en Allemagne, sur un texte de Müller, et constitue le 6e moment du Winterreise (1827).
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