Histoire de l’art et féminisme : la fin d’un oxymore ? Les pratiques et théories féministes des années soixante-dix comme héritage
p. 263-277
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1Les arts visuels semblent avoir très tôt connu une répartition des rôles joués par leurs protagonistes en fonction du genre et de la différence sexuelle. à l’homme la position créatrice et subjective dans laquelle, œil et main travaillant de concert, il se fait regardeur, quand ce n’est pas voyeur. à la femme la position inspiratrice et objective, la pose tout simplement, son corps offert au regard. En outre, on sait avec Michel Foucault et l’exemple du panoptique emprunté à Jeremy Bentham, que regarder, c’est contrôler. Cette répartition sexuelle entre regardeur et regardée n’est d’ailleurs pas qu’artistique ; elle régit, peut-être encore aujourd’hui, les rapports sociaux entre les deux sexes. John Berger a ainsi fait ce rapprochement entre culture visuelle et comportement social dans son ouvrage devenu référence dans le domaine des cultural studies, Ways of Seeing : « A woman must continually watch herself. She is almost continually accompanied by her own image of herself.2 » Si elle se regarde elle-même, c’est avant tout parce qu’elle se sait regardée, elle est donc plus surveillée que surveillante :
Men look at women. Women watch themselves being looked at. This determines not only most relations between men and women but also the relation of women to themselves. The surveyor of woman in herself is male : the surveyed female. Thus she turns herself into an object–and most particularly an object of vision : a sight.3
2Dans le travail du regard, le genre n’est pas nécessairement biologique. La femme peut elle-même porter sur son corps, sa démarche, son apparence, ce regard masculin qui fait d’elle un être visible. La tradition européenne du nu témoigne bien de ce jeu de regards, représentant des sujets qui ne sont pas nus en eux-mêmes, mais nus car vus comme tels : Adam et Eve qui se découvrent nus dans le regard de l’autre après avoir goûté le fruit défendu, Suzanne et les vieillards peints par le Tintoret dans un tableau qui inclut un miroir dans lequel une Suzanne nue recrée un dispositif qui lui permet, à elle aussi, de participer à sa propre observation, au même titre que les anciens, mais aussi que les spectateurs du tableau. Le corps offert aux regards, le sujet féminin tourne souvent les yeux vers l’extérieur, hors du cadre du tableau, répondant à ces regards qui la définissent. Voilà pourquoi le nu pictural n’est pas simple représentation de la nudité : « To be naked is to be oneself. To be nude is to be seen naked by others and yet not recognized for oneself.4 » Ainsi, le protagoniste principal d’un nu dans la tradition picturale européenne n’est pas représenté ; il est le spectateur de cette image, il est de sexe masculin, et il est habillé.
3La construction même des images témoigne d’une dichotomie entre le masculin et le féminin et d’une répartition sexuée des rôles artistiques dans laquelle le premier se fait possesseur et dominant et la seconde soumise, passive et disponible. Berger voit toutefois une rupture s’amorcer avec le modernisme et particulièrement dans l’Olympia (1865) de Manet, dont le regard retourné au spectateur est moins de séduction que de défi. Son statut proclamé de prostituée en fait alors un objet naturaliste, réaliste, social et provocateur qui va mettre mal à l’aise un observateur masculin jusqu’alors excusé de son voyeurisme et annoncer la remise en question des assignations artistiques traditionnelles.
Le canon/la marge
4La réflexion contemporaine portant sur la place des femmes dans l’art (au-delà de leur place historique de sujets, au sens de thèmes5), marquée par l’avènement d’une approche relevant des gender studies pour étudier son histoire, sera amorcée au tout début des années soixante-dix. Elle se fera à la fois par l’interrogative et la négative, comme si étudier l’art au féminin ne pouvait se faire qu’en creux, en travaillant sur un sujet nié et mis en question. En effet, dans son essai au titre provocateur « Why Have There Been No Great Women Artists ?6 » l’historienne de l’art Linda Nochlin expose les différents facteurs sociaux et économiques qui ont empêché le développement et la reconnaissance de femmes artistes depuis la Renaissance et ce moment où le statut d’artiste a été accepté comme trait individuel relevant du Génie. Exclues des ateliers de peinture et interdites au xixe siècle de classes de dessin où posaient des modèles nus, les femmes ont peu eu l’occasion de proposer des précédents pouvant servir de modèles aux nouvelles générations d’artistes. La question de Nochlin est formulée de telle façon que c’est le terme « great » qui semble mis en cause : les femmes ne seraient jamais parvenues au même degré d’excellence que les hommes, ou bien leur excellence serait d’un autre ordre, relevant d’une pratique et d’un style féminins distinctifs qui ne feraient pas l’objet de la même reconnaissance. Or, c’est la négation « no » qui porte la problématique de Nochlin et rend ce titre ironique : il y a bien eu des artistes femmes de génie, elles aussi sont capables de grandeur. Mais il ne suffit pas de souligner l’importance de Berthe Morisot ou Artemisia Gentileschi pour pouvoir infirmer un tel titre. Leur rareté passée et même plus récente s’explique autrement que par un plus faible nombre d’artistes de sexe féminin dont le travail aurait été reconnu. La figure du génie est en fait un mythe, un mythe exclusif de la masculinité incarné au fil des siècles par Michel-Ange, Rembrandt ou Picasso. Une construction qu’il est donc possible de déconstruire.
5Cette possibilité de retour sur une construction de l’histoire de l’art par un point de vue masculin n’est toutefois pas une entreprise aisée. Le domaine est conservateur et voit le révisionnisme féministe comme un bouleversement malvenu qui ramènerait l’œuvre à des considérations de production et négligerait sa qualité intrinsèque. On peut alors, à l’instar de Nochlin, voir l’histoire de l’art comme une infrastructure romantique vouée à la glorification du génie individuel. Une infrastructure à l’image de la société et donc productrice d’une misogynie structurelle. Or, des spécificités visuelles projettent les pratiques et les théories féministes artistiques au-delà du mode strictement revendicatif. On peut ainsi citer le fait qu’une mesure binaire opposant un féminin et un masculin biologiques achoppe, en histoire de l’art, sur des considérations stylistiques depuis longtemps entérinées qui voient par exemple Michelet envisager au xixe siècle la période baroque comme l’avènement d’un monde-femme débordant des cadres anciens. Or, cette baroquisation du monde perçue comme féminine ne dépend pas du sexe des artistes exerçant à cette période. Ainsi, la culture visuelle de notre société n’est pas simplement une des manifestations des luttes de pouvoir politique ou domestique, mais elle-même le lieu de batailles.
6L’établissement d’une orientation nouvelle de l’histoire de l’art dans les années soixante-dix afin de prendre en compte des considérations féministes a nécessité de fonder de nouvelles méthodologies, de mettre à jour de nouveaux matériaux, qui permettent de ne pas fonder une discipline parallèle, « l’histoire de l’art féministe », mais de rendre féministe l’histoire de l’art, entreprise apparemment impossible et presque une contradiction dans les termes pour des historiennes de l’art comme Griselda Pollock et Rozsika Parker. Dans les années quatre-vingt, Pollock et Parker remarquent qu’il n’est plus besoin d’affirmer, comme par le passé, qu’il y a eu des femmes artistes, mais qu’il est fondamental d’affirmer que la différence sexuelle est signifiante en art : « The sex of the artist matters.7 » C’est le langage de l’histoire de l’art que les deux historiennes remettent en cause en même temps que sa doxa masculine : en effet, les concepts de chef-d’œuvre et de maîtres, masterpiece et old masters, sont sexués. Une féminisation de ces termes ayant des connotations tout à fait différentes : l’old mistress éponyme se faisant maîtresse (une vieille maîtresse), peut-être muse, toujours dans l’ombre d’un homme.
7Dans une histoire de l’art phallocentrique où beauté et vérité sont produites par un pouvoir et une maîtrise masculins, le féminin trouve une place structurelle qui est celle de l’autre, d’un négatif en opposition auquel un positif se construit. Face à cela, les artistes femmes sont contraintes d’incorporer ces considérations réflexives sur leur propre place au sein d’une histoire dont elles ont trop souvent été exclues, ainsi que de voir leur travail envisagé en termes de féminité. Il y a donc une difficulté à définir une place pour les artistes femmes dans l’histoire de l’art qui ne soit pas problématique et toujours en opposition :
Women artists are not outside history or culture, but occupy and speak from a different position and place within it. We can now recognize that place, that position, as essential to the meanings of western culture, for the opposition, feminine, ensures masculine meanings and masculine dominance. But that position is, for women themselves, contradictory and problematic, for if feminine is the negative of masculine and masculine is dominant, how do women artists see themselves and how do they produce meanings of their own in a language made by a dominant group which affirms men’s dominance and power and reproduces their supremacy ?8
8Dans Differencing the Canon, Pollock affirme la nécessité pour les historiens de l’art féministes d’étudier également les artistes hommes, d’abord afin de ne pas être marginalisés, mais aussi parce que les théories féministes peuvent s’appliquer au champ entier de l’art sans être nécessairement cantonnées aux seules artistes femmes.9 Elle place alors au cœur de son propos la notion de canon, standard culturel censé guider notre étude de l’histoire et servir de modèle pour la création contemporaine. Le canon, c’est ce patrimoine que doit posséder quiconque prétend être éduqué. Le canon, c’est aussi la reproduction de l’exclusion pour les femmes, l’absence de modèles d’identification dans la formation de nouvelles générations. Ainsi, une histoire de l’art féministe ne peut pas se contenter de reconstruire une histoire parallèle, une histoire tue, quand celle-ci n’existe pas toujours. « Differencing the canon », non pas le déplacer mais y introduire la différence ; c’est une entreprise dynamique, une relecture active du canon comme structure mythique et romantique.
Le grand art/l’artisanat
9Le modernisme, paradigme dominant des années soixante et soixante-dix, a exclu de son sein certains éléments qui ne correspondaient pas à ses critères de radicalité et de nouveauté. Par l’emploi de supports déconsidérés, couture, patchwork, et ouvrage en général, tout ce qui pouvait être envisagé comme « women’s work », certaines artistes ont souligné la relation du genre (et sa hiérarchie artistique) au gender, et la manière dont le déclassement de certaines pratiques et certains supports a pu servir d’excuse à une exclusion sexuelle et masquer la misogynie sous des considérations artistiques. En effet, le retour à des techniques traditionnelles ne sert pas seulement de thématique, c’est aussi la démonstration qu’une stratification des genres et des supports en art a été opérée historiquement en fonction de considérations sexistes : l’art pour les hommes, l’artisanat pour les femmes10. La femme comme autre du modernisme va proposer, dans les années soixante-dix, un autre de l’art qui sera un patrimoine considéré comme féminin, un domaine réservé aussi bien que transmis dans lequel les femmes ont eu une occasion presque unique de contrôler l’éducation de leurs filles. Ces choix n’empêchant d’ailleurs pas que la couture soit avant tout un support ambigu, élément soit de libération, soit d’aliénation. L’ouvrage ne servait-il pas à imposer une certaine idée de la féminité aux jeunes filles par l’élaboration d’échantillons de broderie (samplers) dictés par d’autres et qu’elles ne pouvaient choisir qu’une fois devenues femmes ? Au-delà de la création d’un objet, le processus de création lui-même est une école de la féminité stéréotypée : il enseigne la patience, l’obéissance et la modestie, transmettant le plus souvent des messages pieux ou de soumission (bien que l’on trouve aussi certains échantillons empreints d’une expression plus personnelle). Ce patrimoine éducatif et artisanal se retrouvera dans la situation contemporaine d’une division sexuelle du travail (s’exprimant aujourd’hui de manière peut-être plus flagrante par le temps partiel forcé), mais aussi de la disparition de telles qualifications par la production de masse dans laquelle les femmes produisent une seule partie des ouvrages qu’on va ensuite leur vendre.
10Avec ces supports sexués, certaines artistes ont proposé une nouvelle historiographie et tenté de déplacer des frontières aussi bien artistiques que sexuelles, ceci en prenant de grands risques pour leurs carrières personnelles, ainsi que le souligne cette remarque de Rozsika Parker : « When women paint, it is acknowledged to be art. When women embroider, it is seen not as art, but entirely as the expression of femininity. And, crucially, it is categorised as craft.11 » Miriam Schapiro créera ainsi ses « femmages » pour inscrire son travail en continuité directe avec les arts traditionnels de la broderie et du quilt. Le point pour relier le pur travail d’atelier et ses postures viriles à la réalité de la maison, sphère encore principalement féminine. L’aspect communautaire du patchwork viendra également contredire la figure de l’artiste solitaire en se faisant effectivement œuvre collective, ou référence à cette tradition collective12. Les manifestations des suffragettes au début du xxe siècle et des femmes de Greenham Common dans les années quatre-vingt avaient démontré le caractère tactique et politique de leurs banderoles cousues main, mais aussi leur rôle privilégié dans l’inscription d’une expérience personnelle généralement tue. Il s’agissait, dans le cas des suffragettes, de s’inspirer des banderoles des mouvements syndicaux des années 1830, mais en les concevant et en les fabriquant elles-mêmes afin de faire mentir l’image trop masculine des féministes et de rassurer d’éventuelles nouvelles recrues. Ces pratiques furent présentées de manière diachronique dans une exposition de 1988, « The Subversive Stitch », inspirée par le livre de Parker. Cet intérêt nouveau pour de telles pratiques démontra un emboîtement de considérations sexuelles et plus généralement sociales, Dada, le Surréalisme et le Constructivisme russe ayant encouragé une réintroduction de l’artisanat dans l’art afin de toucher les masses, ceci au bénéfice de nombreuses artistes femmes.
11L’œuvre emblématique de ce regain d’intérêt pour les travaux de couture est l’installation de Judy Chicago13, The Dinner Party (1974-79). Il s’agit d’une série de tables dressées en triangle, chaque place portant le nom brodé d’une artiste, aussi bien plasticienne (Georgia O’Keeffe) que femme de lettres (Emily Dickinson), actrice (Katherine Hepburn) ou personnage mythologique (la déesse primordiale, figure centrale pour la première vague féministe) pour célébrer une cène au féminin. à son travail de broderie, Chicago associe une imagerie sexuelle dans le tournage et l’émaillage des assiettes, motifs entre fleurs et vagins inspirés d’O’Keeffe que lui reprocheront aussi bien les conservateurs que les féministes qui rejettent une interprétation biologique de la féminité.
12À l’instar de Chicago, la première vague d’art féministe s’intéressa particulièrement à ce qui relève de l’expérience féminine, explorant l’imagerie du vagin et des menstrues, posant nues, alignant des couches-culottes dans la galerie. En 1973, la critique américaine Cindy Nemser baptisera « cunt art » cette imagerie vaginale, liée à la redécouverte d’une mythologie de la déesse évoquée plus haut14 Dans What Does This Represent ? What Do You Represent ? (Reinhardt) de 1979, Hannah Wilke détourne la citation d’Ad Reinhardt extraite d’un dessin dans lequel un tableau moderniste répond à la question d’un spectateur philistin par une deuxième question. L’œuvre est une photographie sur laquelle elle pose nue, jambes écartées et entourée de nombreux pistolets en plastique. C’est par une représentation du corps féminin, assimilée à un acte de violence, que l’art féministe fait irruption sur une scène moderniste dont il a été exclu.
Le masculin/le féminin
13Une seconde phase féministe rejeta cette approche pour se concentrer sur les origines de la notion de féminité, envisagée comme une mascarade, une série de poses adoptées afin de se conformer à une idée sociale et conventionnelle de ce qu’est une femme. Dans sa vidéo intitulée Semiotics of the Kitchen (1975), Martha Rosler égrène, face caméra, les lettres de l’alphabet dans une parodie de programme télévisé culinaire, chaque lettre correspondant à un ustensile manié de plus en plus étrangement et avec de plus en plus d’agressivité par l’artiste.
14Aux œuvres célébrant la féminité et ses attributs succédèrent, dans les années quatre-vingt, des stratégies de déconstruction aux orientations aussi bien marxistes que structuralistes ou psychanalytiques. à la nudité ou encore à la crudité des propos succéda le règne de la théorie et le développement d’un style « scriptovisuel » privilégiant la photographie ou le montage au détriment d’autres supports (le travail graphique copiant la publicité ou la propagande de Barbara Kruger ou encore les collages incongrus et révélateurs de Martha Rosler). L’autoportrait joua ici un rôle de déconstruction de l’artiste-modèle ainsi libérée du regard asservissant posé sur elle. Les poses masculines ou ambiguës de certaines artistes, parfois inspirées de Claude Cahun, venaient contredire l’essentialisme qui avait inspiré leurs aînées.
15L’art féministe n’est donc pas simplement une expérience féminine commune, ni un thème particulier, ni un support particulier. Le féminisme se fait arrière-plan de l’art et des artistes féministes vont se positionner par rapport à cet arrière-plan dans un mouvement de redéfinition constante et en fonction de ce que l’art en général va (dé) considérer comme marge ou centre.
Le gorille/le cyborg
16En 1985, Donna Haraway écrit le Manifeste cyborg, péan à la gloire d’un organisme cybernétique, hybride entre machine et organisme à la fois animal et humain. Moins personnage de science-fiction qu’objet rhétorique, le cyborg se déploie comme créature ironique au sein du cyberféminisme et fonctionne comme un terme tactique, possibilité d’une position nouvelle en ligne dans laquelle, une fois les distinctions entre humain et animal d’un côté et organique et machine de l’autre abolies, la frontière entre féminin et masculin devient obsolète. La même année naissent les Guerrilla Girls. Le groupe se forme à l’occasion de l’exposition organisée par le MoMA de New York et intitulée « An International Survey of Painting and Sculpture ». La prétention exhaustive de ce panorama est contredite par le fait que seulement 13 des 169 artistes représentés sont des femmes15. Un groupe d’artistes femmes prit alors conscience que la situation des années quatre-vingt était peut-être encore pire que celle des années soixante-dix, que les préjugés misogynes étaient aussi bien institutionnels, critiques, que le fait des collectionneurs ou des artistes eux-mêmes. Se revendiquant de la grande tradition des vengeurs masqués, elles adoptèrent le masque de gorille et choisirent chacune le nom d’une grande artiste disparue (Frida Kahlo, Lee Krasner, Eva Hesse, etc.) avant de se baptiser collectivement « Guerrilla Girls16 ». Leurs posters dans les rues de New York et leurs manifestations spectaculaires ont pour but de dénoncer certaines pratiques misogynes et d’humilier les institutions et les personnes qui les encouragent.
17En se réclamant du Manifeste cyborg, des artistes de l’Internet, pratiquant ce que l’on nomme le net. art, ont souvent rendu leurs pratiques plus militantes que formelles, les toutes nouvelles données plastiques définies par les technologies contemporaines faisant souvent œuvre immatérielle. Les Guerrilla Girls, quant à elles, ont eu une influence dans le monde entier et sont parvenues à changer les mentalités dans certaines institutions du monde de l’art. Mais la revendication féministe se fait dans l’un et l’autre cas plus technologique et militante que purement artistique. à la toute fin du vingtième siècle et au début du vingt-et-unième, l’exploration plastique de la différence sexuelle et du codage des genres va se faire, de manière paradoxale, surprenante et controversée, en dehors de la sphère militante et loin de l’engagement politique.
Tracey Emin/Sarah Lucas
18Aujourd’hui, il semble qu’il ne soit plus besoin d’affirmer qu’il y a des femmes artistes. La moitié des Young British Artists révélés en Grande-Bretagne dans les années quatre-vingt-dix étaient des femmes. Or, si certaines artistes ne font pas entrer leur sexe en ligne de compte, ce choix d’une indifférenciation du sexe de l’artiste apparaît, trente ans après les débuts d’une théorie féministe de l’art, plus comme la construction volontaire d’une neutralité que comme le résultat d’un combat enfin gagné (on peut évoquer Rachel Whiteread ou Angela Bulloch). Et lorsque le travail d’artistes femmes ne fait pas la démonstration de sa neutralité, les thématiques sexuées semblent ressurgir à travers des thèmes et des supports anciens, comme s’il y avait redite des revendications formelles des années soixantedix, mais sans arrière-plan politique.
19Chez Tracey Emin, l’expérience personnelle, qui est chez elle un questionnement à la fois de la féminité et du statut d’artiste, s’inscrit au cœur de pratiques d’exhibition. L’expression plastique d’une sphère considérée traditionnellement comme féminine, celle du personnel, de l’intime. Emin revisite le quotidien et relate des épisodes douloureux de sa vie sur des patchworks ou avec des néons, et se fait diariste dans des livres tel que Exploration of the Soul (1994), ou encore dans des monotypes, des vidéos ou des photographies. La variété des supports ne contredit en rien la cohérence d’un style basé sur le mode de la confession. Chez elle, genres et techniques sont sexués.
20Son travail a pour sujet son enfance à Margate, l’école quittée très tôt et l’innocence vite perdue : elle relate ainsi, de manière disséminée, l’échec scolaire, son viol à l’âge de treize ans, la promiscuité sexuelle de son adolescence, son avortement.
21Dans Everyone I Have Ever Slept With 1963-1995 (1995), tente igloo brodée par l’artiste, sont donnés les cent deux noms des personnes avec qui elle a, durant ces trente-deux années, couché ou dormi – elle joue sur l’ambiguïté de to sleep with – et qui incluent aussi bien ses amants (parfois connus) que son frère jumeau (avec qui elle a partagé le ventre de leur mère) ou son fœtus. L’idée est provocante, mais sa réalisation est subtile : les noms sont inscrits à l’intérieur de la tente. Le « visiteur » doit pénétrer à genou dans la tente pour les lire, il s’incline devant l’intime mais réitère le viol de celui-ci tel qu’il a été subi dans l’enfance.
22En dépit de la persistance des mêmes motifs – à la fois au sens d’intentions et de broderie –, le travail sur l’héritage est celui d’une rupture par rapport à celui-là – l’héritage est d’ailleurs thématisé dans ce qu’il a de plus féminin dans There’s a Lot of Money in Chairs(1994), titre-citation pour un fauteuil offert à Tracey Emin par sa grand-mère et sur lequel l’artiste a cousu des mots : toute la sagesse de l’ancêtre transmise par le truchement matériel du meuble.
23La toute première exposition d’Emin qui se tint à White Cube en 1993 fut intitulée « My Major Retrospective ». De toutes petites photographies de ses œuvres étaient accrochées au mur. Le titre, comme le caractère médiat de la présentation (des œuvres, mais photographiées), reflètent une position artistique particulière et un commentaire sur ce statut, associés à un retournement de principes artistiques masculins. La taille est un de ces aspects et a sa propre rhétorique ; ainsi le petit est lié à l’intime plus qu’au public, il est associé à la dimension du privé et contraste avec le caractère monumental de gestuelles ou d’occupations de l’espace d’artistes masculins traditionnels. L’unicité est également un aspect contredit ici par la multiplicité de petits cadres identiques. La narration du personnel est ainsi constamment transcendée (ou transgressée) par une méta-narration qui est celle de son inscription dans le contexte de l’art et de son histoire.
24Chez Sarah Lucas, l’attitude devient forme et les poses androgynes dissimulent autant qu’elles dévoilent l’image de l’artiste. Lucas utilisait déjà son image dans son travail avant de devenir une artiste connue, ce n’est donc pas a priori un commentaire sur la célébrité mais bien sur une artiste femme. Ses poses sont masculines : jambes écartées, cigarette dont la cendre tombe au coin des lèvres, elle est « one of the lads ». Lucas démontre que l’identité masculine est une construction puisqu’elle-même est parvenue à la reconstruire. Son travail relève de la mascarade, de l’étude des masques ou des uniformes ; ses photographies furent d’ailleurs incluses dans l’exposition « Uniforms » organisée par PS1, à New York, pendant l’été 2001. Mais en négatif s’inscrit alors la construction de l’identité féminine. Les stratégies de Lucas exploitent les différentiations et les typifications sexuelles prégnantes véhiculées par la culture de masse, et souvent identifiées à elle, afin de contaminer le paradigme artistique.
25De telles pièces sont aussi humoristiques qu’obscènes. On le voit dans Got A Salmon On # 3 (1997) qui met en image une expression populaire renvoyant à l’érection dans un travail de littéralisation d’un langage populaire et phallocrate.
26De janvier à juillet 1993, Emin et Lucas ouvrirent ensemble « The Shop » sur Bethnal Green Road à Londres. Elles occupèrent 24 heures sur 24 ce qui tenait autant du magasin que de la galerie et de l’atelier et y vendirent de petites pièces anecdotiques qui relevaient plus des travaux pratiques que du chef-d’œuvre. C’est ici la sphère censément féminine de la consommation qui est explorée, liant la transgression du mélange entre art mineur et art majeur à un bouleversement qui est d’ordre typologique : à quoi a-t-on affaire ? Les deux voix féminines de Lucas et d’Emin sont résolument périphériques dans leurs supports et dans leur utilisation de la culture populaire, mais aussi dans leurs thématiques. Il y a bien ici association des deux et contamination, car c’est l’abject de l’art (le populaire, le narratif, le féminin) qui réinvestit celui-ci et surgit comme un symptôme dans les représentations obscènes de Lucas ou la petite culotte souillée de My Bed exposée avec fracas à la Tate Gallery en 1999 par Emin.
27C’est le cliché qui est au cœur de la pratique de monstration de Lucas. Chez Emin, la relation du passé tient plus de l’anecdote que de cette tradition masculine qu’est la peinture d’histoire. On a donc bien affaire à deux voix périphériques, deux expressions de la limite, une limite historique et sexuelle, puisque l’anecdote pèche par trop de précision en ce qu’elle relève du particulier, quand le cliché pèche par trop d’universalité en ce qu’il est général.
Passé/présent
28Ni chez Emin, ni chez Lucas il n’y a de théorisation politique de cette position apparemment périphérique, à l’image de l’attitude anti-critique des autres Young British Artists. Les pratiques sont revendiquées comme individuelles plutôt que communautaires, jouant – parce qu’elles sont aujourd’hui en mesure de le faire – sur le culte de la célébrité.
29Les thèmes et motifs choisis par Emin semblent conduire à un effacement de la distance, ils restent au plus près du sujet. Or, le choix des supports suggère la reconstruction et un travail sur l’illusion de l’immédiateté. Chez elle, contrairement aux féministes des années soixante-dix, le savoir-faire dépasse le contenu et le motif devient formule. On envisage généralement l’autobiographie comme une activité littéraire ; elle est la textualisation paradigmatique de la vie. Mais elle est aussi, dans sa forme d’autofiction, le lieu d’une distance puisqu’elle induit ce que Roland Barthes appelle un « doute-retard17 ». à ce retard narratif s’ajoute chez Emin une utilisation de supports-retards. Le monotype, la vidéo, la couture, la photographie rendent l’expression lointaine, médiatisée, indirecte, soit par la distorsion des formes qu’ils induisent, le temps qu’ils demandent (couture), soit par le décalage qu’ils créent (vidéo, photographie). Le fait qu’Emin ait préféré la technique du monotype à celle du dessin pour ses petites histoires gravées d’un trait fin est révélateur d’une distance dans le propos. L’estampe est un intermédiaire et contredit l’impression de spontanéité. Le processus impose l’unicité, mais il est loin d’être direct. L’estampe, si elle est bien le designo, le destin, permet le transfert de l’expérience et offre, loin de la densité de la peinture, un système de disjonction. Une médiation artistique s’exprime dans ce support : nous avons donc moins affaire à une relation directe qu’à un travail d’impression plus sémiotique qu’iconique.
30Dans les patchworks, le travail de couture, de points, est lui aussi, comme l’effet-retard qu’évoque Barthes, un mode sémiotique, celui de la finitude, de la mise au point de l’ineffable ou de son constat. On peut parler chez Emin d’une écriture déplacée et textile, loin de la confession naïve et irréfléchie à laquelle on la réduit parfois. Elle utilise aussi, comme Bruce Nauman et tant d’autres avant elle, des néons pour écrire des mots et des phrases. Ceux-ci ne sont pas impersonnels, mais reprennent les formes de son écriture. Une fausse spontanéité lui fait même réaliser un néon barré.
31Dans Two Fried Eggs and a Kebab (1992) de Lucas, le matériau semble encore une fois renvoyer à la sphère domestique : meuble et nourriture. Il n’y a pas de travail esthétique particulier, mais une indifférence esthétique à la Duchamp. L’intervention est minimale pour laisser s’exprimer les signes et c’est alors que le symbolisme que nous lui associons comme par réflexe devient commentaire sur la réception de toute œuvre faite par une femme : la table « mise » (to lay the table) vient d’une cuisine. Ou peut-être pas du tout ; aurions-nous fait ce type d’association si l’artiste avait été un homme ? La table utilisée par Judy Chicago et celle élaborée par Allen Jones à partir d’un mannequin dévêtu présentaient-elles les mêmes enjeux ? La reclining nude traditionnelle est en tout cas chez Lucas réduite à son minimum grivois. L’image renvoie à la convention du nu tel que normalisé par l’histoire de l’art et défini plus haut par Berger. L’autorité traditionnelle n’est pas remise en question : la femme est représentée, mais elle est possédée, regardée et décrite par l’homme. Pourtant, la pauvreté des matériaux ne fait que renvoyer à la pauvreté de l’expression. Chez Lucas, le commentaire n’est pas, comme il peut l’être habituellement dans un art « féministe », basé sur le symbole. Le matériau est peut-être symbolique : table, nourriture, mais la forme ne l’est pas. Elle est analogique : les œufs ne symbolisent pas les seins et le kébab le vagin, ils renvoient à un passage par la langue, la langue familière, méprisante et masculine qui utilise ces images par analogie. Les stéréotypes et les jeux de mots sont concrétisés visuellement (et olfactivement) dans une œuvre basée sur la contiguïté : nourriture, langage, tradition artistique, dans des associations libérées et une contagion générale. à l’image des Ambassadeurs d’Holbein, elle est donc anamorphique : deux lectures cohabitent, franchise et ironie sont juxtaposées sans jamais s’annuler.
32Les aliments renvoient à l’art dans leur forme linguistique (le titre), sont matérialisés pour figurer les seins et le vagin, et sont représentés, photographiquement, pour créer les yeux et la bouche. Cette chaîne conceptuelle se double d’une chaîne métaphorique : les œufs, kébab et table sont très clairement femme et en même temps si peu, l’expression méprisante et la métonymie qui fait des « parties » de la femme son tout étant mise à distance dans sa littéralisation, par cette syllepse qui entend ces signes aussi bien sous leur forme concrète qu’imagée. L’œuvre n’est ainsi jamais figée puisque deux ensembles de sens y sont imbriqués et que des glissements s’opèrent dans les chaînes qui la constituent : leurs relations se font alors moins symboliques que paradigmatiques (l’œuvre fonctionne en système) et syntagmatiques (les éléments fonctionnent sur le mode de la contiguïté).
33Le travail de Lucas est fondé sur des systèmes dont les éléments réagissent par frottement. Ce travail du système et de la réappropriation de la langue est un travail dans le système. Nous n’avons pas affaire à une entreprise de queer politics censée désamorcer le langage par une appropriation de termes offensants. L’offense est au contraire ré-amorcée, l’indignation recherchée.
34Là réside l’originalité des deux artistes : le narratif est chez elles l’occasion d’intégrer le système, leur position est centrale et non marginale. Des pratiques plus sémiotiques que texturées laissent en effet envisager la présence d’une marge (celle de l’écriture), mais celle-ci doit être intégrée. Les collages ajourés de Lucas, toujours en cours, provisoires, laissent la toile à peine voilée et font ressortir ses béances. Chez elle comme chez Emin, ce refus de la maîtrise revient à un refus de développer un discours totalisateur : le discours n’est pas à proprement parler féministe, il n’empêche que le canon tout entier s’en trouve ébranlé.
Art populaire/art de masse
35Dans I’ve got it all, photographie de 2000, Tracey Emin pose face objectif avec les jambes écartées, adoptant une attitude qui ne peut que rappeler celle d’Hannah Wilke dans What Do You Represent… Ici, toutefois, l’artiste n’est pas nue et entourée de pistolets, elle ramène vers son sexe des pièces et des billets et est vêtue d’une robe Vivienne Westwood. La réapparition contemporaine de motifs centraux de l’art pratiqué par les féministes des années soixante-dix (mais aussi des années quatre-vingt) – ceci pour éviter d’employer l’association problématique « art féministe » – se fait par la référence plutôt que dans une continuité. Ceci signifie-t-il que les années soixante-dix sont devenues un nouveau canon ? Une reproduction formelle envisagée en ces termes serait un retournement idéologique, figeant ce qui devait insuffler du mouvement dans l’art. Il semble en fait que la majorité des reprises opérées par des artistes contemporaines se fasse dans un registre autre, celui d’une marge devenue centre plutôt que d’une marge défiant un centre. La culture populaire a ainsi permis aux femmes de revendiquer leur spécificité artistique dans l’exploration d’un patrimoine commun et souvent méprisé. Or, il semble que dans les années quatre-vingt-dix et au début du vingt-et-unième siècle, les motifs recyclés et avancés comme féminins aient relevé plus de la culture de masse que de la culture populaire. Une telle affirmation ne remet pas en cause l’aspect revendicatif d’un certain art féminin ; en effet, la culture de masse a elle aussi, au même titre que la femme, été théorisée comme autre du Modernisme. Se décrivant elle-même et employant parfois comme signature « Mad Tracey from Margate », Tracey Emin choisit la représentation d’une féminité prolétaire et marginale, les lettres capitales de ses textes dont les R se retrouvent parfois à l’envers rappelant une écriture de rue, d’abribus ou de banc d’école. Mais ces références populaires s’inscrivent dans le contexte d’un Margate station balnéaire emblématique d’une Grande-Bretagne post-impériale et d’un Londres contemporain. Elles ont parfois ce kitsch de la culture populaire transplantée dans un contexte urbain et qui se mue en culture de masse.
36« From Army to Armani » (1993) est une performance de Lucas et Emin dans laquelle les deux artistes entament un voyage en train vers Genève dans une tenue militaire mais font le voyage retour en costume Armani. Le commentaire sur le statut de l’artiste star à l’époque actuelle se double d’une fascination pour la mode que l’on retrouve dans les collaborations d’Emin avec la couturière Vivienne Westwood pour qui elle a défilé, posé, et dont elle porte les robes dans certains de ses auto-portraits et vidéos. C’est ainsi que l’on retrouve ses textes patchworks caractéristiques sur une série de sacs créés en séries limitées pour la marque Longchamp dans un mouvement où la mode n’est pas empruntée par l’art (les mannequins sans habits de Vanessa Beecroft, les chaussures et sacs de marque mis en scène par Sylvie Fleury) mais où l’art devient mode. La culture populaire du patchwork et du quilt devenue culture de masse chez Emin permet la reprise d’un patrimoine féministe tout en réactivant à la fois sa marginalité (la mode comme autre si proche de l’art) et sa revendication d’une reconnaissance, voire d’un succès tel qu’il dépasse les frontières de l’art. Les modalités de ces reprises contemporaines permettent alors le tour de force de se faire sans redites, sans pour autant occulter ce qui reste à dire sur les femmes et l’art.
Notes de bas de page
2 John Berger, Ways of Seeing, Londres, Harmondsworth, BBC, Penguin, 1972, p. 46.
3 Ibid., p. 47.
4 Ibid., p. 54.
5 On se rappelle alors que, de la même manière, lorsque Virginia Woolf s’interrogeait sur l’intitulé « Women and fiction », les exemples les plus nombreux qui émergeaient d’abord étaient ceux des femmes dans la fiction, grandes figures romanesques immortelles car d’encre et de papier, alors que les femmes écrivant des œuvres de fiction étaient moins nombreuses, ou moins célèbres. En littérature comme en art, la femme représentée occulte la femme qui représente. C’est toutefois la présence d’un dispositif physique d’observation et de construction d’un rapport immédiat entre observateur et chose vue qui fait la spécificité d’une étude féministe des arts visuels par rapport à l’approche féministe d’autres disciplines.
6 Linda Nochlin, Women, Art and Power and Other Essays, New York, Harper & Row, 1988, p. 147-158, chapitre 7.
7 Rozsika Parker et Griselda Pollock, Old Mistresses. Women, Art and Ideology, Londres, Pandora, 1981, p. 50.
8 Ibid. p. 80-81.
9 Griselda Pollock pratique d’ailleurs ce qu’elle prêche, elle qui a écrit aussi bien sur Van Gogh que Modigliani.
10 Une répartition heureusement aussi contredite par de grandes figures masculines : William Morris ou encore Roger Fry.
11 Rozsika Parker, The Subversive Stitch. Embroidery and the Making of the Feminine, Londres, The Women’s Press, 1984, p. 4-5.
12 Martha Rosler a remarqué que la mise en pratique du collectivisme artistique et le rejet de la figure solitaire de l’artiste furent très difficilement mis en pratique même par les artistes féministes les plus connues. Le célèbre Women’s Building fondé par Judy Chicago et Miriam Schapiro encourageait les étudiantes à renoncer à la signature individuelle, mais Judy Chicago affirma à de nombreuses reprises que The Dinner Party, œuvre ayant pourtant réclamé la participation de nombreuses personnes pour réaliser ses broderies et céramiques, n’était pas une œuvre collective.
13 Judy Gerowitz se défait, au début des années soixante-dix, de son nom marital pour adopter celui de sa ville natale. Elle avait fondé, en 1969, le premier “Feminist Art Program” à la California State University, cours réservé aux femmes et destiné à encourager leur affirmation sociale.
14 Consulter à ce propos l’article très complet d’Elvan Zabunyan dans Marie-Joseph Bertini, Chrystel Besse, Arlette Fontan, Françoise Gaillard et Elvan Zabunyan. Cachez ce sexe que je ne saurais voir, Paris, Dis Voir, 2003. Zabunyan y remarque très justement à propos du « cunt art » que « le sexe féminin n’est pas une forme », p. 31.
15 Sans compter le fait que tous les artistes sans exception étaient blancs. Le commissaire de cette exposition fut accusé à l’époque autant de racisme que de misogynie.
16 Le terme girl est bien sûr assez choquant lorsqu’il s’agit de désigner un groupe d’adultes, mais il est revendiqué par les Guerrilla Girls dans un geste d’anticipation tactique visant à empêcher tout adversaire de l’utiliser contre elles, à la manière des mouvements homosexuels revendiquant le terme « queer ». Voir http://www.guerrillagirls.com/interview/index.shtml
17 Roland Barthes, Le Bruissement de la langue, Paris, Seuil, 1984, p. 423.
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La fabrique du genre
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