Le ressort pathétique du discours de propagande : servitude volontaire contre mirage identitaire
p. 275-290
Texte intégral
1Redonnant ses lettres de noblesse à la rhétorique, Chaïm Perelman évacue comme suspecte la force persuasive liée au pathos ; le rêve de « l’auditoire universel » traduit cet effort pour dégager le discours de la sophistique, pour instituer une frontière entre argumentation et manipulation, entre éducation et propagande2. Sans doute, la notion d’accord préalable est-elle déterminante dans la Nouvelle Rhétorique, mais elle situe la psychologie dans un en-deça discursif, analyse propédeutique à l’exercice du discours envisagé ensuite avant tout suivant le critère logique.
2Observer « le pathos en action » implique de poser la question du statut de cette composante dans l’entreprise rhétorique et d’examiner les procédés qui suscitent l’émotion, en la mimant, en la laissant imaginer. Placer le pathos au cœur du dispositif persuasif permet, nous semble-t-il, d’insister sur la dimension physique et affective, souvent omise dans l’analyse du discours. À l’inverse, l’insistance sur la composante logique, qui aboutit trop souvent aujourd’hui, et notamment dans l’enseignement, à une vision simplifiée et peu instructive de l’art de persuader, gomme peut-être l’essentiel : la parole incarnée par l’action (autre partie de la rhétorique laissée de côté) exerce une force, fondée avant tout sur l’émotion : émotion mimée, sentiment à éveiller ou à canaliser, c’est bien par ce jeu pathétique que l’orateur emporte l’adhésion de son auditoire. Reconnaître d’emblée l’absence de « naturalité » du langage, comme le proposait Nietzsche, conduit à envisager la persuasion comme un art qui joue des affects.
3Afin de comprendre comment se réalise le jeu de séduction, nous proposons de considérer le discours idéologique comme un miroir magique, déformant le réel, pour renvoyer à l’auditoire une identité fictionnelle, piège qui suppose la perte de soi et l’acceptation d’une communion fondée sur du vent. Si l’empreinte pathétique semble caractériser la parole manipulatrice, faut-il pour autant évacuer le pathos, compris alors comme un scandaleux appel à l’irrationnel ? Mais peut-on vraiment faire l’économie des émotions, en s’adressant à une pure raison, comme le rêvait Chaïm Perelman, qui en venait ainsi à privilégier le modèle judiciaire, jugé plus apte à révéler le vrai ? À vouloir à toute force conjurer les émotions, on parvient seulement à refouler le pathos, toujours agissant dans le discours, mais de façon plus souterraine. Nous montrerons quels risques cette pseudo neutralité comporte : le complexe de l’émotion, caractéristique de la modernité, fait entendre un discours sans voix adressé à un corps sans cœur et sans chair.
Le miroir séduisant du discours
Les pièges de la fable
4La force de la parole dont parlait Nietzsche ne peut s’exercer sans un effet de miroir : l’auditoire doit trouver son lieu, au cœur du discours, la parole flatteuse allant jusqu’à métamorphoser l’inconsistance en mirage d’être : « Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois3. » La peinture chimérique du corbeau-Phénix s’entend comme le fragment d’un discours amoureux qui occupe l’espace discursif jusqu’à le saturer, suivant la logique de séduction qui permet de happer l’autre, pris au piège d’une identité fictionnelle qui l’incite à renoncer à soi. Idéal mythique, symbole de l’immortalité, le Phénix est un mot-appât auquel le corbeau mord, flatté, c’est-à-dire floué par le morceau épidictique qui vise, par la séduction, la prédation. Si la rhétorique peut se définir comme la négociation d’une distance, comme le proposait Michel Meyer4, la séduction renvoie plus précisément à une phénoménologie du désir : le discours tend à l’autre une image désirable, éveillant, en même temps (à moins qu’il ne préexiste), le sentiment d’une insoutenable imperfection, à fuir à tout prix :
La séduction a pour objet une différence pour atteindre indirectement l’identité, elle cristallise l’apparence dans laquelle le sujet peut se réfugier. De vide, le Moi est devenu plein, plein de cette apparence creuse qui se suffit à elle-même5.
5L’identité fabulée devient objet désiré, la flatterie dévoyant l’amour-propre qui délaisse le sujet pour viser l’objet chimérique que le discours lui tend. De façon analogue, les femmes ne tombent pas amoureuses de Don Juan mais du miroir embellissant que constitue son discours de miel, fondé sur le mime pathétique. Stratégie qu’il expose lui-même devant son valet subjugué, fasciné par la figure du séducteur à laquelle il rêve de s’identifier :
On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d’une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu’on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l’innocente pudeur d’une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu’elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu’on en est maître une fois, il n’y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d’un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d’une conquête à faire6.
6Morceau remarquable dans la mesure où le discours épouse ici la logique de séduction, mimant la dialectique du désir tout en révélant la supercherie affective, clé du ravissement féminin : ravie de se faire ravir, sous l’effet du narcotique pathétique, la femme consent.
Triste fable
7Le discours de propagande n’est pas étranger à ce jeu de séduction mais il fait miroiter un idéal communautaire, censé fournir une identité de clan : autant dire que l’individualité n’y est que plus violemment avalée puisque c’est une image dépersonnalisée qui s’y substitue. Idéal de grandeur, mythe du peuple élu, la distinction de la race autorise l’expression d’une supériorité hyperbolique dans l’imaginaire hitlérien :
L’Aryen est le Prométhée de l’humanité ; l’étincelle divine du génie a de tout temps jailli de son front lumineux ; il a toujours allumé à nouveau ce feu qui, sous la forme de la connaissance, éclairait la nuit recouvrant les mystères obstinément muets et montrait ainsi à l’homme le chemin qu’il devait gravir pour devenir le maître des autres êtres vivants sur cette terre7.
8Victor Klemperer a admirablement montré comment la propagande nazie était, en fait, fondée sur un héroïsme8 de pacotille : culte du corps, valorisation du sport, qui passe par une imagerie adolescente. En plus de l’uniforme militaire, c’est « la panoplie du pilote de course, son casque, ses lunettes de protection et ses gants épais9 », qu’emprunte l’héroïsme nazi, idéal de guerriers, et surtout de boxeurs. Détournant l’adage Mens sana in corpore sano, qui devient sous sa plume le titre courant « Un esprit sain, seulement dans un corps sain10 », Hitler préconise une éducation (dite « raisonnable ») privilégiant avant tout l’endurcissement physique, censé éviter une corruption prématurée : « Le jeune homme que le sport et la gymnastique ont rendu dur comme fer subit moins que l’individu casanier, exclusivement repu de nourritures intellectuelles, le besoin de satisfactions sensuelles11. » Ironie discursive : l’expression « dur comme fer » trahit le vrai fantasme de la virilité, sans cesse refoulé, masqué par un ascétisme factice. En permanence le rêve du corps athlétique est associé à l’interdiction d’en jouir. Plus encore, il ne s’agit pas là d’un simple dualisme corps-âme, puisque la crainte de la sensualité va de pair avec la suspicion de l’intelligence : l’idéal héroïque est celui d’un corps maltraité, et d’un esprit qui ne pense pas.
9Jetant dans la seconde partie de Mein Kampf les « bases de l’éducation dans l’État raciste », Hitler exprime à nouveau cette obsession de la culture physique, en faisant l’apologie de la boxe : « il n’y a pas de sport qui, autant que celui-là, développe l’esprit combatif, exige des décisions rapides comme l’éclair et donne au corps la souplesse et la trempe de l’acier12 ». L’axiologie dégradante signale, quelques lignes plus loin, le mépris de la pensée : « […] l’État raciste n’a pas précisément pour rôle de faire l’éducation d’une colonie d’esthètes pacifistes et d’hommes physiquement dégénérés13 ».
10La femme, quant à elle, doit rêver avant tout de « mettre au monde de vrais hommes14 ». Eduquée à penser le mariage et l’enfantement comme seul horizon d’existence, réduite à se définir comme matrice, quasi zéro social, « [l]a jeune allemande est “ressortissant”, elle ne devient citoyenne qu’en se mariant15 ». Le machisme nazi résume la femme dans l’animalité passive et soumise. Entendant lutter contre la prostitution, Hitler donne comme solution « la création de la possibilité d’un mariage précoce qui réponde au besoin de la nature humaine, et en particulier de l’homme, car la femme ne joue à cet égard qu’un rôle passif16 ». C’est dire que se reconnaître femme dans l’idéologie nazie signifie se complaire dans la servitude et l’abêtissement, se conformer à l’« idéal masochiste » de soumission à la puissance du mâle.
11L’obsession du corps (à la fois peur et fascination, qui transparaît dans le vitalisme et le jeunisme) s’articule à la dégradation de la pensée, qui prend la forme d’une impitoyable guerre, visant l’élite intellectuelle, accusée de maladie cérébrale : dans la mythologie hitlérienne, le cerveau disproportionné des penseurs engendre du vent ! Haine et mépris s’abattent sur toutes les formes d’intelligence : « Les prétendus intellectuels » (p. 43), « ces barbouilleurs » (pour disqualifier les artistes contemporains, face à Goethe, utilisé comme référence, p. 65) « nos hommes d’État si pleins d’esprit » (p. 154), ou encore « tout ce tas de misérables vauriens de politiciens qui trompaient le peuple » (p. 199). Il faudrait relire ici, dans les Mythologies de Roland Barthes, les deux textes sur Poujade : « Quelques paroles de Monsieur Poujade » et surtout celui qui clôt le livre : « Poujade et les intellectuels. » Dans l’imaginaire poujadiste, l’intellectuel est un songe-creux, sa pensée reste vaine car improductive au regard du travail qui fournit des résultats tangibles. « Ici apparaît un thème cher à tous les régimes forts : l’assimilation de l’intellectualité à l’oisiveté17. » Même fascination pour le sport : « Poujade luimême a très vite développé la légende de sa force physique : pourvu d’un diplôme de moniteur, ancien de la RAF, rugbyman, ces antécédents répondent de sa valeur : le chef livre à ses troupes, en échange de leur adhésion, une force essentiellement mesurable, puisque c’est celle du corps18. » Sous la plume de Poujade, se dessine le portrait d’un penseur physiquement débile, caricature qui permet d’imposer le critère biologique comme seul recevable parce qu’évident (une fois encore le concret, « ce qui se voit » prime dans l’argumentaire simpliste) : « on touche ici à l’idée profonde de toute moralité du corps humain : l’idée de race. Les intellectuels sont une race, les poujadistes en sont une autre19 ».
12Sous les invectives se cache le sentiment paranoïaque, insupportable, d’une insatisfaction personnelle, rancœur que suscite le regard de l’autre, de l’intellectuel qui sait déchiffrer la médiocrité. En invitant à communier dans la reconnaissance d’une supériorité donnée comme indéniable, et sans cesse réaffirmée avec obstination (précisément parce qu’on la sait fragile), le discours du propagandiste offre à celui qui s’estime minable une promesse de revanche : tel est l’enjeu de l’anti-intellectualisme nazi.
De l’autre côté du miroir : les dessous du pathos
Le mépris de l’auditoire : la raison du cœur est toujours la meilleure
13L’analyse psychologique propédeutique au choix argumentatif et nécessaire à l’accord préalable20 relève, chez Hitler, d’une vision fantasmée de la foule : animal à dompter, femme à la sensualité exacerbée, les représentations traduisent le déni de la raison individuelle, le mépris de l’auditoire : « Dans sa grande majorité, le peuple se trouve dans une disposition et un état d’esprit à tel point féminins que ses opinions et ses actes sont déterminés beaucoup plus par l’impression produite sur ses sens que par la pure réflexion21. » Masse irrationnelle, la foule se voit servir un discours simpliste, saturé de pathos : le rêve du chef, dans son infinie volonté de puissance, consiste à déclencher l’hystérie collective pour mieux faire jouir la foule. Rêve de manipulation inouïe puisqu’il consiste à diriger l’émotion de chacun pour décider de son plaisir, en anesthésiant son sens critique.
14La composante logique se voit donc reléguée au dernier plan, ethos et pathos assurant le lien passionnel entre l’autorité manipulatrice du chef et les réactions affectives du peuple-animal.
La grande masse d’un peuple ne se compose ni de professeurs, ni de diplomates. Elle est peu accessible aux idées abstraites. Par contre, on l’empoignera plus facilement dans le domaine des sentiments et c’est là que se trouvent les ressorts secrets de ses réactions, soit positives, soit négatives. Elle ne réagit d’ailleurs bien qu’en faveur d’une manifestation de force orientée nettement dans une direction ou dans la direction opposée, mais jamais au profit d’une demi-mesure hésitante entre les deux. Fonder quelque chose sur les sentiments de la foule exige aussi qu’ils soient extraordinairement stables. La foi est plus difficile à ébranler que la science, l’amour est moins changeant que l’estime, la haine est plus durable que l’antipathie. Dans tous les temps, la force qui a mis en mouvement sur cette terre les révolutions les plus violentes, a résidé bien moins dans la proclamation d’une idée scientifique qui s’emparait des foules que dans un fanatisme animateur et dans une véritable hystérie qui les emballait follement22.
15Le style lui-même devra être conforme à cette exigence pathétique : « Si la propagande renonce à une certaine naïveté d’expression, elle ne parviendra pas à toucher la sensibilité de la masse23. » Rhétorique du cœur, la propagande hitlérienne fuit la raison comme son pire ennemi au point que le discours se trouve comme vidé de toute substance argumentative ; c’est la haine qui s’impose comme motif omniprésent, justifiant les paralogismes : il s’agit de trouver des raisons de haïr. Hitler n’entend pas s’adresser à « l’intelligence des assistants », mais conquérir « le cœur de la masse » ; entendons par là réveiller le fanatisme le plus haineux24.
Identité, différence, exclusion
16La récurrence de l’analogie animale dégradante (« le Juif » est assimilé au parasite) éclaire l’idéal communautaire : envers de l’identité fictionnelle, la définition d’une différence à exclure purement et simplement constitue le ressort du discours raciste. S’agit-il plutôt de masquer la fragilité du modèle rêvé, qu’une définition par la négative, reposant sur un repoussoir exécré ? C’est ce processus de valorisation a contrario qui engage le discours sur la voie de l’invective hyperbolique.
17C’est cette pulsion hystérique qu’analyse René Girard, montrant en même temps la naïveté du discours raciste, qui croit à ses tristes fables. Le Bouc émissaire s’ouvre par l’examen d’un extrait de Guillaume de Machaut, texte qui reflète, selon lui, à travers l’écriture d’« un homme crédule », « une opinion publique hystérique25 » : la haine raciste, rendant les juifs responsables de la peste noire qui ravage la France en 1349 et 1350, justifie le massacre. Le commentaire en regard des « Animaux malades de la peste » permet d’éclairer la distorsion argumentative en signalant le brouillage entre mythe et réalité, l’explication religieuse recouvrant la réalité historique pour désigner un coupable : « le processus de la mauvaise foi collective […] consiste à identifier dans l’épidémie un châtiment divin26 ».
18Dans Mein Kampf, « le Juif », figure stéréotypée qui envahit le texte, devient le bouc émissaire par excellence, « […] ce maudit animal,/Ce pelé, ce galeux d’où venait tout le mal27 ». Pour ne citer que quelques exemples d’injures, « la ruse perfide des parasites », « la fourbe association de ces Juifs empoisonneurs du peuple » (p. 170), « la vermine » (ibid.), « cette pestilence » (p. 171), « l’araignée » qui commence à « sucer doucement le sang du peuple allemand » (p. 193), « le parasite-type, l’écornifleur, qui tel un bacille nuisible, s’étend toujours plus loin, sitôt qu’un sol nourricier favorable l’y invite » (p. 304). Le discours hitlérien n’a de cesse de décliner la caricature du juif, animal nuisible (le bestiaire hallucinant envahit le texte), coupable des « contaminations » du sang allemand (p. 394), et du fléau qu’est la syphilis28 parce que désigné comme l’organisateur de la prostitution. Corruption, décadence, désastre, la litanie réactionnaire vise à proposer comme solution-miracle l’élimination de celui qui résume tous les maux. Et puisqu’on ne saurait tuer l’idée, c’est à ceux qui la pensent qu’il faut s’attaquer. Phrase terrible : « […] la destruction d’une conception philosophique ne pourra s’effectuer que par une extermination progressive et radicale de tous les individus ayant une réelle valeur29 ». Karl Marx, figure de sorcier, pratiquant « la magie noire30 », incarne cette intelligence démoniaque qu’Hitler entend supprimer.
Servitude volontaire. Idéal et frustration : « Perds-toi toi-même »
19Dessous du pathos peu reluisants, de l’autre côté du miroir de la séduction, on ne découvre que du vide, que le discours fait passer pour plein, puisqu’il incite à brader l’intelligence et à abandonner le plaisir pour le mirage d’une identité commune, fondée à la fois sur l’obsession du corps et sur la frustration. Définissant la pensée comme une maladie de l’esprit, Hitler présente sa passion raciste comme rationnelle : dans son ouvrage, il consacre un long récit à sa conversion haineuse, intitulé « Je deviens antisémite31 ». Ce qui est remarquable dans ce passage, c’est l’inversion de l’irrationnel en rationnel : le venin devient nécessité objective, tandis qu’il se déverse avec une violence verbale que rien ne freine. Pour ne citer qu’un morceau : « sitôt qu’on portait le scalpel dans un abcès de cette sorte, on découvrait, comme un ver dans un corps en putréfaction, un petit yourte tout ébloui par cette lumière subite32 ». Dans la seconde partie de Mein Kampf, lorsqu’il aborde la question de l’importance de la parole, sans vergogne, il prétend : « Nous n’avons jamais, vraiment “flatté les passions des masses”, nous nous sommes partout opposés à la folie populaire33. » Pour seul exemple de l’art d’éveiller la crainte paranoïaque, fumier sur lequel il fait germer ses fleurs de rhétorique : « Le jeune Juif aux cheveux noirs épie, pendant des heures, le visage illuminé d’une joie satanique, la jeune fille inconsciente du danger qu’il souille de son sang et ravit ainsi au peuple dont elle sort34. » Ce genre de représentation stylisée est donnée comme conforme à la réalité : vous devez trembler, pour mieux pouvoir haïr !
20La justification de l’irrationnel explique la revendication associée au terme « fanatisme », dont Hitler se gargarise, et qu’il considère comme la clé du succès : « L’avenir d’un mouvement est conditionné par le fanatisme et l’intolérance que ses adeptes apportent à le considérer comme le seul mouvement juste, très supérieur à toutes les combinaisons de même ordre35. » D’où l’admiration portée à l’Église, qu’Hitler prend comme modèle d’intolérance fanatique : « Le christianisme n’est pas devenu si grand en faisant des compromis avec les opinions philosophiques de l’antiquité à peu près semblables aux siennes, mais en proclamant et en défendant avec un fanatisme inflexible son propre enseignement36. » Il retient notamment, l’épisode biblique où Jésus chasse les marchands du temple, image d’une religion d’intolérance qui le fascine : « […] il [le Christ] a usé, lorsqu’il le fallut, même du fouet pour chasser du temple du Seigneur cet adversaire de toute humanité, qui, alors, comme il le fit toujours, ne voyait dans la religion qu’un moyen de faire des affaires37 ».
21Dans le chapitre intitulé « Fanatique38 » de la LTI, Viktor Klemperer souligne ce renversement axiologique qui confère au terme non une connotation mais une dénotation positive dans le code linguistique nazi : l’adjectif est foncièrement élogieux, torsion de la langue qui révèle jusqu’où s’exerce la violence du totalitarisme. Pour bien mesurer le coup de force ainsi réalisé par la phraséologie nazie, il faudrait relire ici l’article du Dictionnaire Philosophique de Voltaire intitulé « Fanatisme39 » où le fanatique est clairement défini comme « celui qui soutient sa folie par le meurtre » (p. 189), rectification sémantique nécessaire à la juste compréhension du projet nazi.
22Supercherie rhétorique, le discours idéologique se fonde sur l’émotion tout en revendiquant sans cesse le caractère prétendument rationnel du point de vue qu’il impose ; il camoufle l’opinion à l’aide d’un vernis argumentatif qui bien vite s’effrite : « […] toute idéologie se prétend elle-même rationnelle. Et il faut prendre au sérieux cette prétention, car c’est elle, précisément, qui distingue l’idéologie du mythe, du dogme, de toute croyance religieuse ou traditionnelle40 ».
Le tain du miroir : le mirage identitaire, une communion fondée sur du vide
Les passions tristes 41
23Dans son introduction à l’Histoire de l’extrême droite en France42, Michel Winoch indique d’emblée combien la rhétorique extrémiste fait appel à l’irrationnel, cherchant la panique de l’esprit pour imposer en force ses solutionsmiracles : « Elle banalise l’inacceptable, rend crédible l’incroyable, souffle ses mots aux orateurs ou aux journalistes, fait croître la peur dans les esprits modérés » (p. 16). De bien tristes figures allégoriques ornent le mur du jardin de l’extrême droite : terreur, haine, rancœur sont les maîtres mots de cette entreprise de sape de la raison, qui table sur le mal être, les passions tristes.
24L’entreprise d’endoctrinement passionnel passe essentiellement par la presse, qui s’autorise l’hyperbole et la vulgarisation tendancieuse. On comprendra ainsi la partition du lectorat exposée dans Mein Kampf : « Les livres sont pour les niais et les imbéciles des “classes intellectuelles” moyennes, et aussi naturellement pour les classes supérieures ; les journaux sont pour la masse43. » Inutile donc de s’embarrasser d’un argumentaire rigoureux : Hitler lui-même semble s’enorgueillir de sa rhétorique cavalière, comme il se vante d’avoir, dans sa jeunesse, fait l’école buissonnière44, ethos de mauvais garçon, de « petit meneur45 », propre à séduire plus d’un cancre ! La figure fascinante de l’autodidacte s’articule à la surcharge pathétique pour donner une voix au ressentiment des insatisfaits.
La cérémonie
25On comprendra alors le rôle essentiel dévolu à la cérémonie dans le projet d’anesthésie intellectuelle de l’auditoire ; une musique savante réalise le sortilège de l’adhésion tacite au discours de propagande. La parole doit s’entendre comme une incantation envoûtante, propre à susciter la transe, que l’orateur mimera avec grandiloquence pour décomplexer les passions. Hitler se complaît à raconter les parades triomphales qui consacrent ses premières victoires devant une foule subjuguée. Envisageant les « Conditions psychologiques de l’action oratoire », il distingue des moments propices à la parole, ceux où « l’affaiblissement du libre arbitre » autorise le réveil de l’émotion. L’heure (on préférera le soir46, où la raison s’assoupit), l’atmosphère permettront de faire passer le vide pour du plein, dans le frémissement du discours creux : « le même but est atteint par la pénombre artificielle et pourtant mystérieuse des églises catholiques, par les cierges allumés, l’encens, les encensoirs, etc.47 ».
L’action
26Enfin et surtout, le succès hitlérien réside dans l’incarnation du discours (actio), composante oubliée de l’ancienne rhétorique que le Führer semble avoir travaillée, et ce depuis son enfance où il se présente comme un petit meneur. Dans L’Orateur, Du meilleur genre d’orateurs, Cicéron définit l’action comme « l’élocution (ou le style) du corps » : « est enim actio quasi corporis quaedam eloquentia, cum constet e uoce atque motu48 ». Le choix de la voix et du geste doit, selon lui, s’accorder au sentiment dont l’orateur veut paraître affecté et à celui qu’il veut susciter dans le cœur de l’auditeur. C’est dire que le pathos s’incarne dans l’action sans laquelle il resterait purement théorique. Dans le De Oratore, Cicéron s’appuie sur l’autorité de Démosthène pour faire de l’action la clé de voûte du discours : « Actio, inquam, in dicendo una dominatur49 » (« C’est l’action, oui, l’action, qui dans l’art oratoire, joue le rôle vraiment prépondérant. »). L’action est redéfinie comme le langage du corps : « est enim actio quasi sermo corporis » (III, 222), qui doit épouser la pensée, et la fonction qui lui est dévolue est bien d’éveiller la passion : « […] comme les passions de l’âme [motus animi], que l’action doit avant tout mettre en lumière ou imiter, sont souvent si confuses, qu’elles sont reléguées dans l’ombre et presque enfouies dans l’oubli, il faut les faire sortir de l’ombre et s’attacher aux traits saillants qui les mettent en relief » (215).
27Ce sens de la théâtralisation du discours, souvent omis dans les discours modérés, qui rechignent au jeu d’acteur, jugé indigne d’une entreprise politique honnête, est à l’inverse dramatisé dans la propagande extrémiste qui fait fonctionner à plein « la folle du logis ». Le charisme50 du Führer reste inséparable de cette aptitude oratoire à l’incarnation active du discours de haine. Passion pour la force de la parole qui l’excite, précisément parce que l’action oratoire doit assurer l’effervescence passionnelle de l’auditoire stupéfait. L’élocution violente qu’il adopte convient à merveille au matraquage idéologique qu’il vise : musique guerrière dénuée de sens, la parole du chef assène ses vérités en mimant la haine pour mieux la stimuler. Admirable film que Le Dictateur où Chaplin caricature cette incarnation de la pulsion de mort, en révélant par une gesticulatoire ridicule le fond dérisoire des invectives nazies.
« Après sept ans de malheur, elle brisa son miroir51 »
28À la lumière de ces analyses, doit-on comprendre qu’il conviendrait d’évacuer le pathos ? Viser une neutralité objective, chasser une fois pour toutes la sorcière rhétorique et s’en remettre à la fée argumentation, voilà le rêve, certes séduisant, mais fort naïf, qui fait confondre discours politique et traité scientifique. Impossible donc de briser le miroir de la séduction ; en revanche, la compréhension du mécanisme pathétique autorise à mettre en œuvre une riposte qui en désamorce le fonctionnement.
Rétorsion méthodologique
29À la suite de la victoire de Jean-Marie Le Pen au premier tour des élections présidentielles de mai 2002, Thomas Clerc publiait dans Le Monde un article intitulé « Rhétorique de l’extrême droite », où il constatait la supériorité rhétorique de Le Pen, apte à fictionnaliser le discours politique, façon de rompre avec l’austérité du logos démocratique, et de toucher ainsi le public. Il proposait de « coincer Le Pen sur son propre terrain, celui du style, sans valoriser “le style contre les idées” mais en procédant à leur synthèse tribunitienne que la droite et la gauche pratiquaient jadis, de Jaurès à De Gaulle : encore faut-il trouver l’homme qui porte en lui cette aspiration, faute de quoi les démocrates seront réduits au rôle de figurants ». La conclusion de l’article insistait sur la nécessité d’une rhétorique des passions : « L’avenir du débat démocratique passe par une génération politique “plus littéraire” qui abandonne la crainte du langage et réhabilite le style des passions. Boileau appelait un chat un chat ; il faut à gauche un homme qui appelle un chat un tigre ! »
30À vouloir penser un monde dépassionné, le politique semblerait rêver d’une étrange vérité ; les leçons de Machiavel52, du cardinal de Mazarin53 ou encore d’un Baltasar Gracian54 ne sont guère éloignées : savoir jouer du renard, user de la ruse, ce qui implique, en l’occurrence, une rétorsion méthodologique qui consiste non à nier le sentiment de l’auditoire mais à le détourner des passions tristes que l’autoritarisme lui sert.
Refoulement du pathos et démission éthique dans la logique capitaliste
31S’il peut sembler aisé de stigmatiser les pratiques rhétoriques du discours extrémiste, l’art d’estomper les émotions, qui s’impose à l’ère capitaliste, rend l’examen plus délicat : quelle passion se cache derrière l’impératif économique sans cesse réaffirmé, mis en avant comme la clé de tous les « problèmes » ? Mort des idéologies ou sommeil qui laisse les émotions en latence ? Plus sournois que l’usage éhonté du pathos, son refoulement fait apparaître le mirage de l’auditoire universel. La neutralité ou encore l’objectivité font croire que la croyance n’existe pas ou plus, dangereux postulat qui aboutit à un positivisme fondé sur l’objectivisation suspecte des faits, l’homme prétendant appréhender les phénomènes comme des problèmes, mis à distance : non plus être-au-monde, mais conscience face à l’objetmonde. La démission éthique correspondant au refoulement pathétique consacre une monstrueuse subjectivité collective, le « ce qu’on dit, ce qu’on pense, ce qu’on aime » s’imposant comme une incontournable réalité.
32C’est oublier que tout logos n’a de valeur que si l’ethos, fonctionnant comme une signature et une garantie, vient l’authentifier : c’est la force d’une subjectivité susceptible de faire autorité qui accrédite l’objectivité des arguments avancés :
L’ethos est la condition de l’identité morale. Mais pourquoi un être possédant une identité morale serait-il digne de foi ? La réponse à cette question, je crois, indique l’ultime raison pour laquelle la confiance demande un ethos produit par logos. Quelqu’un qui se présente comme usant de son identité morale en décidant ce qu’il faut faire prend la responsabilité de ce qu’il propose. L’argument passe en lui, et pas simplement par lui comme par un canal sans rapport avec ce qu’il conduit55.
33Le thumos, « vive affirmation de soi » (qui, selon Aristote, distingue les Grecs), donne vie au discours et fait de la parole un prolongement de la personnalité, le lieu où s’inscrit l’identité intellectuelle, morale et affective de l’orateur. L’effacement éthique interdit le relais pathétique, annulant ainsi l’échange subjectif. À une ère paradoxalement donnée comme celle du triomphe de l’individualisme, l’éclatement du jeu rhétorique traduit un effacement des distinctions individuelles. Car est-ce un individu que celui qui assure seulement son confort au quotidien et laisse la société lui dicter ses désirs jusque dans l’alcôve ? Peur des larmes, peur des passions, quand elles ne concernent que soi, la difficulté d’exister dessine un nouveau destin : non plus crainte des dieux, mais crainte de soi qui mène à se conformer aux passions collectives.
Deux chemins littéraires : l’œil sec ou les sanglots d’Ulysse ?
34Pour prolonger cette dernière analyse, nous proposons de tourner le regard vers la littérature, et plus précisément vers le roman, afin de voir comment le complexe de l’émotion, qui nous semblait caractéristique de l’ère capitaliste, est traité en régime fictionnel. Il nous semble que le désengagement affectif des individus, associé aujourd’hui à un déballage pathétique dans le discours médiatique, fait entendre ses résonances dans l’évolution du genre romanesque, qui, depuis l’expérience à la fois traumatisante et passionnante du Nouveau Roman, a dû se poser la question de l’identification au personnage et du point de vue, essentielles dans l’expérience affective que constitue la lecture d’un récit de fiction. Si l’essai remarquable d’Alain Robbe-Grillet visait à libérer le lecteur de l’autoritarisme de l’écrivain, qui, en régime traditionnel, impose les passions plus qu’il ne les suggère, la démission de l’ethos amène, à l’inverse, l’imposition d’une neutralité factice, qui n’est guère libératrice.
35L’engouement que suscite aujourd’hui un Michel Houellebecq, dans sa grande croisade pour la médiocrité, nous semble symptomatique de ce refoulement de l’émotion. Et le phénomène n’est pas à négliger, étant donné le succès incontestable de l’écrivain (le plus lu des écrivains français) : son discours se nourrit des questions qui animent la société contemporaine, comme il s’en fait l’écho. Quelle émotion esthétique procure-t-il ? Grand mystère. Peut-être reste-il la tristesse comme seule passion ayant droit de cité dans le roman de la désolation ? À lire La Possibilité d’une île, c’est bien la passion qui s’avère impossible, évacuée comme obscène. Symptomatique d’un anti-libertinage, d’un anti-érotisme, ce nouveau miroir que Houellebecq tend à ses contemporains semble inviter à se repaître de sa propre insuffisance. Le désir cyclothymique devient la norme dans un monde inversant les valeurs, où règne la consommation fébrile, où disparaît la patience, aptitude à faire germer la passion en action. Le neutre, style en creux, dit cette démission de l’ethos : Houellebecq, fuyant, ne fait que se ranger derrière les effets de mode, écrivain sans voix d’un monde sans désir.
36Le corps est partout, certes, mais haï, source d’angoisse dans un étrange mouvement faussement néo-platonicien56, puisque nulle idée ne vient sauver la déchéance charnelle. Esprit sans cohérence : idéaliste refoulé, mauvais lecteur de Schopenhauer, alliant le positivisme à la fascination pour la mystique des sectes, l’écrivain est pathétique, dans ses descriptions cliniques où seul le sentiment devient indécent. À confondre sport et sensualité, il révèle la névrose d’une société qui, n’ayant d’autre critère que la rentabilité, obnubilée par le résultat, se lance dans une course folle, grande fuite en avant qui génère la frustration.
37Adieu Belle du seigneur ! Depuis l’admirable essai de Montaigne intitulé « Sur des vers de Virgile », texte qui dit le plaisir dans un accord parfait entre Éros et écriture, la littérature s’est ingéniée à décliner la passion dans le souci d’une lecture voluptueuse. Il y a plus de libertinage dans La Princesse de Clèves ou Le Lys dans la vallée que sur l’île de Houellebecq, livre sans voix féminine, qui ne chante, ni ne danse, sans légèreté. Rêvons donc aux « sanglots d’Ulysse57 » sur l’île des Phéaciens, à cette émotion esthétique qui porte la littérature et espérons encore des livres qui ne laissent pas l’œil sec.
38Dans l’épisode de L’Odyssée, les sanglots cachés du héros traduisent, en effet, le retour à soi, l’émotion littéraire faisant accéder à une conscience nouvelle : rescapé des flots, alors même qu’il devait périr, Ulysse n’est plus personne lorsqu’il arrive nu sur la plage, effrayant les jeunes filles. Écoutant l’aède, il puise dans la poésie l’émotion qui le ramène à la vie et lui redonne une identité (qui n’était pas encore acquise) ; plus qu’une simple étape dans le voyage, l’île des Phéaciens est le lieu littéraire qui permettra le retour de celui qui, s’étant reconnu comme héros dans le récit mis en abyme (l’identification faisant couler les larmes), prend le relais du poète Démodocos, et retrouve voire trouve ainsi son nom. Telle est sans doute la force de l’expérience littéraire : offrir à chacun la liberté de se trouver lui-même par le biais d’une identification qui suscite l’émotion.
Notes de bas de page
2 Voir Traité de l’argumentation, éd. de l’Université de Bruxelles, 1988,1992, p. 68-72.
3 À propos de cette fable, voir MARIN L., « Les tactiques du renard », Le Portrait du roi, Paris, éd. de Minuit, coll. « Le sens commun », 1981, p. 117-129.
4 Voir MEYER M., « Langage, raison et séduction », Questions de rhétorique, coll. « Le livre de poche », Paris, 1993, p. 22.
5 Op. cit., p. 132.
6 MOLIÈRE, Don Juan, Paris, Classiques Larousse, 1971, p. 32.
7 HITLER, Mein Kampf, traduit Mon Combat, par J. Gaudefroy-Demombynes et A. Calmettes, Paris, Nouvelles éditions latines, 1934, p. 289. Il y aurait beaucoup à dire sur cette traduction interdite à la vente dès la première année (décision du Tribunal de commerce de Paris à la demande de l’éditeur allemand de Mein Kampf). Le texte est livré au lecteur sans outil critique ; le rapide avertissement ne suffit sans doute pas à signaler le caractère monstrueux de l’ouvrage. Condamné à vingt ans d’indignité pour avoir publié sous l’occupation les Appels aux Français du maréchal Pétain et d’autres ouvrages collaborationnistes, Sorlot est également responsable de la publication d’ouvrages antisémites ou négationnistes, ou encore d’un Paul Rassignier. Si nous citons ce texte, c’est que la traduction non expurgée donne à lire sans voile le programme effrayant d’un ignoble projet. Op. cit., p. 253.
8 Voir notamment le texte liminaire intitulé « Héroïsme. En guise d’introduction », KLEMPERER V., LTI, la langue du IIIeReich, éd. Albin Michel, coll. « Agora », 1996, p. 23-31.
9 Op. cit., p. 26.
10 HITLER, op. cit., p. 252.
11 Op. cit., p. 253.
12 Op. cit., p. 408.
13 Op. cit., p. 409.
14 Ibid.
15 Op. cit., « Sujets de l’État et citoyens », citoyen, ressortissant, étranger, p. 440.
16 Op. cit., p. 250. On songe ici à la démystification de l’institution que réalise Balzac dans La Physiologie du mariage (1826) et qu’il met en récit quelques années plus tard (1830-1832, 1842 pour la publication en un volume) dans La Femme de trente ans. Traumatisée par sa nuit de noces, Julie d’Aiglemont fait cet aveu à son confesseur : « Nous sommes, nous femmes, plus maltraitées par la civilisation que nous ne le serions par la nature. […] La nature étouffe les êtres faibles, vous les condamnez à vivre pour les livrer à un constant malheur. Le mariage, institution sur laquelle s’appuie aujourd’hui la société, nous en fait sentir à nous seules tout le poids : pour l’homme la liberté, pour la femme des devoirs. Nous vous devons toute notre vie, vous ne nous devez de la vôtre que de rares instants. Enfin l’homme fait un choix là où nous nous soumettons aveuglément. […] le mariage, tel qu’il se pratique aujourd’hui, me semble être une prostitution légale », chap. 2, « Souffrances inconnues », Paris, Gallimard, Librairie française, 1967, p. 144-145.
17 BARTHES R., Mythologies, Paris, Seuil, coll. « Points », 1957, p. 185.
18 Ibid.
19 Op. cit., p. 187.
20 Voir PERELMAN C., op. cit., p. 87-153.
21 HITLER, op. cit., p. 184.
22 Op. cit., p. 337.
23 Op. cit., p. 341.
24 Op. cit., p. 342.
25 GIRARD R., « Guillaume de Machaut et les juifs », Le Bouc émissaire, Paris, Grasset, coll. « Livre de poche », 1982, p. 6.
26 Op. cit., p. 8.
27 LA FONTAINE, Fables, VII, 1, « Les Animaux malades de la peste », v. 57-58, éd. de Marc Fumaroli, Paris, Classiques modernes, La Pochotèque, coll. « Le Livre de poche », Imprimerie nationale, 1985, p. 378.
28 Voir, HITLER, op. cit., p. 245.
29 HITLER, op. cit., « L’emploi de la force brutale », p. 172.
30 Op. cit, p. 380.
31 HITLER, op. cit., p. 62-65
32 Op. cit., p. 64.
33 Op. cit., p. 464.
34 Op. cit., p. 325.
35 Op. cit., p. 349.
36 Op. cit., p. 350.
37 Op. cit., p. 307.
38 KLEMPERER V., op. cit., p. 89-93.
39 VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique, Paris, Garnier-Flammarion, 1964, p. 189-191.
40 REBOUL O., Langage et idéologie, Paris, PUF, 1980, p. 24.
41 Rappelons la définition capitale de SPINOZA (« Définitions des sentiments », III) : « La tristesse est le passage de l’homme d’une plus grande à une moindre perfection. », Ethique, traduction et introduction Roland Caillois, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1954, p. 243.
42 Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 1993, p. 16.
43 HITLER, op. cit., p. 49.
44 Op. cit., p. 19.
45 Ibid.
46 Voir op. cit., p. 472-473.
47 Op. cit., p. 473.
48 CICERON, L’orateur. Du meilleur genre d’orateurs, texte établi et traduit par Albert Yon, XVII, 55, Paris, Les Belles lettres, 1964, p. 20.
49 CICERON, De Oratore, III, LVI, 213, texte établi par Henri Bornecque et traduit par Edmond Courbaud et Henri Bornecque, Paris, Les Belles lettres, 1930, p. 88.
50 Voir à ce sujet, BURRIN P., « Charisme et radicalisme » in Fascisme, nazisme, autoritarisme, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2000, p. 97-115.
51 PONGE F., « Fable » in Le Parti pris des choses, suivi de Poêmes, Paris, Gallimard, NRF, coll. « Poésie », 1948, p. 126.
52 Voir Le Prince, XVIII, « Comment les princes doivent garder leur foi » : « Combien il serait louable chez un prince de tenir sa parole et de vivre avec droiture et non avec ruse, chacun le comprend : toutefois, on voit par expérience, de nos jours, que tels princes ont fait de grandes choses qui de leur parole ont tenu peu de compte, et qui ont su, par ruse, manœuvrer la cervelle des gens ; et à la fin ils ont dominé ceux qui se sont fondés sur la loyauté. », traduction et présentation par Yves Lévy, Paris, Garnier-Flammarion, 1992, p. 141.
53 Voir Bréviaire des politiciens, et notamment « La simulation des sentiments », p. 83, « Dissimuler ses sentiments », p. 110, Paris, Arléa, 1997.
54 Voir L’art de la prudence, p. 220, « Se couvrir de la peau du renard, quand on ne peut pas se servir de celle du lion », préface de Jean-Claude Masson, Paris, Rivage poche/Petite Bibliothèque, 1994, p. 172.
55 GARVER E., « La découverte de l’èthos chez Aristote », « Le statut du sujet rhétorique », CORNILLAT F. et LOCKWOOD R. (dir), Ethos et pathos, Actes du Colloque international de Saint-Denis (19-21 juin 1997), p. 34-35.
56 Pour une véritable réhabilitation du superficiel, voir, à l’inverse, MARTIN J – C., Parures d’Eros, « un traité du superficiel », Paris, Kimé, 2003.
57 Voir FUMAROLI M., « Les Sanglots d’Ulysse », La Diplomatie de l’esprit, Paris, Hermann, coll. « Savoir : lettres », 1994, p. 1-22. Essai qui propose de voir dans l’épisode de L’Odyssée (Ulysse sur l’île des Phéaciens) « […] la situation archétypique de la “réception” littéraire […] décrite en miroir dans le premier chef-d’œuvre de notre littérature : le poète narre les aventures du héros, de l’homme d’action, mais pour des auditeurs plongés dans le plein repos contemplatif du loisir, dont cette narration est le moment de suprême bonheur », p. 11.
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