La construction argumentative des émotions : pitié et indignation dans le débat parlementaire de 1908 sur l’abolition de la peine de mort
p. 127-140
Texte intégral
Introduction
1Du débat sur l’abolition de la peine de mort, on dit souvent qu’il est « passionnel », « affectif » ou encore « chargé d’émotions ». Comme le souligne l’historien Jean Imbert, les différentes opinions sont « d’autant plus catégorique[s] qu’elle[s] [sont] généralement fondée[s] sur un sentiment1 ». Ce que postule un tel propos, c’est le fait que les émotions échappent à l’emprise du débat : si elles trouvent à s’y exprimer, elles n’en constituent pas moins le noyau intangible ou, pour ainsi dire, le facteur d’inertie. Les dispositions affectives des uns et des autres apparaissent si profondément ancrées qu’elles ne semblent pas pouvoir – ni même devoir – se discuter. En outre, le pathos peut, dans ce débat, passer à première vue pour l’exemple typique d’un éternel retour du même. On peut en effet penser, au prix d’une illusion d’optique qui méconnaît la complexité historique du débat, qu’au pathos anti-abolitionniste, centré sur la figure de la victime, répond de façon immuable le pathos abolitionniste, centré sur la figure du condamné. De tels postulats n’ont sans doute pas favorisé l’émergence de recherches qui, dans un genre discursif donné et à une époque précise, se proposeraient d’examiner les formes diverses qu’ont pu revêtir les appels à l’émotion au sein des débats sur l’abolition de la peine de mort.
2Du discours argumentatif, on dit volontiers qu’il peut, d’une part, agir sur les croyances de l’auditoire et, d’autre part, influencer – voire même déterminer – son comportement. Comme l’a justement relevé Christian Plantin2, on dit moins volontiers qu’il est susceptible de fonder, outre un « devoir croire » et un « devoir faire », un « devoir éprouver3 ». Certes, les études argumentatives modernes ne se sont pas entièrement désintéressées des appels à l’émotion. Cependant, l’effort s’est jusqu’ici concentré de façon assez nette sur leur évaluation.Suivant une telle optique, l’analyste doit jauger les effets d’un appel à l’émotion, et ceci en regard du déroulement idéal d’une argumentation tel que le fixe, de façon normative, un modèle de dialogue4. L’appel à l’émotion respecte-t-il les règles du modèle de dialogue ou en constitue-t-il une violation ? Concourt-il à la réalisation de ses buts légitimes ou y fait-il au contraire obstacle ? Il s’agit, en somme, de se placer en aval et d’évaluer positivement ou négativement les effets qu’exercent les appels à l’émotion sur la « bonne tenue » du processus argumentatif. On peut, suivant les travaux de Plantin, préférer se placer en amont et considérer que les émotions elles-mêmes sont argumentables. L’idée est la suivante : lorsqu’ils se trouvent dans des situations de conflit et de dissensus, les locuteurs peuvent chercher à « argumenter une émotion » ou, en d’autres termes, à fonder la légitimité d’une disposition affective. Une telle perspective place en son centre le caractère argumentable des émotions ou, si l’on ose un néologisme, leur argumentabilité.Elle est en cela proche de la sociologie d’un Raymond Boudon. Dans sa « logique des sentiments moraux », Boudon affirme en effet que « comprendre l’émergence d’un sentiment moral, c’est le plus souvent reconstruire le système de raisons qui le fonde5 ». Si l’on pose en principe que les émotions sont argumentables et que l’on se place, comme ce sera le cas ici, dans la perspective d’une analyse de discours, on choisit alors d’étudier la manière dont les locuteurs s’efforcent de légitimer ou, au contraire, d’illégitimer certaines dispositions à ressentir des émotions. On s’éloigne, ce faisant, d’une approche normative qui se donne pour tâche ultime l’évaluation : l’émotion n’est plus appréhendée dans les effets – le plus souvent négatifs, diton – qu’elle exerce sur l’argumentation. Elle se présente comme l’objet de ce que j’appellerai ici des constructions argumentatives et se laisse saisir à travers les raisons que les locuteurs eux-mêmes donnent à son appui ou à son encontre.
3Le but du présent article est d’étudier la construction argumentative des émotions dans le débat parlementaire relatif à l’abolition de la peine de mort qui eut lieu en 1908 à la Chambre des députés de la Troisième République6. Il s’agit d’examiner les diverses manières dont les représentants du peuple argumentent des émotions – ou, à tout le moins, les diverses manières dont ils tentent de fonder en raison ce qu’il convient et ce qu’il ne convient pas d’éprouver. Mon propos consiste, plus précisément, à décrire et à comparer les différentes constructions argumentatives de la pitié et de l’indignation qui s’opposent au cours de ce débat. Je souhaite ainsi contribuer à fixer un état historique du pathos abolitionniste et anti-abolitionniste – cela dans le cadre d’un genre de discours spécifique.
La construction argumentative de la pitié dans le discours antiabolitionniste
4 Lorsqu’ils visent à fonder la pitié les parlementaires anti-abolitionnistes élaborent ce que l’on pourrait appeler un dispositif de places. Au sein de ce dispositif s’opposent un malheureux et son persécuteur – c’est-à-dire, d’une part, un individu qui souffre et, d’autre part, un second individu présenté comme le responsable des souffrances du premier. J’esquisserai ce dispositif à l’aide d’un seul exemple emblématique, tiré de l’intervention du député Georges Berry (4 novembre 1908)7. Dans une optique anti-abolitionniste, le remplissement de la place du malheureux implique à la fois le choix de malheureux effectifs et celui de malheureux potentiels (ou virtuels). Examinons rapidement le paradigme de désignation. Les malheureux effectifs, ce sont « ceux qui tombent sous le couteau des assassins » (p. 2035). Les malheureux potentiels sont, quant à eux, désignés soit par la conformité de leurs conduites – ce sont les « braves » ou les « honnêtes gens » (p. 2035) –, soit par leur statut de « citoyens » (ibid.). Le remplissement de la place de persécuteur s’effectue de façon parfaitement complémentaire : les malheureux étant « ceux qui tombent sous le couteau des assassins » ou « ceux que l’on tue » (p. 2033), les persécuteurs sont, en toute logique, les « assassins » (ibid.) eux-mêmes ou « ceux qui […] tuent » (p. 2035). La grande force d’un tel remplissement des places réside assurément dans l’évidence incontestable du lien causal qui unit l’action du persécuteur à la souffrance du malheureux. Je montrerai ci-après que la topique abolitionniste ne peut, quant à elle, se reposer sur un tel effet d’évidence et se doit dès lors d’établir des relations causales à distance entre ceux qu’elle élit comme malheureux et comme persécuteurs.
5Pour les partisans de la peine de mort, il ne suffit pas de suggérer que les malheureux sont dignes de pitié : encore faut-il leur en accorder le monopole. Berry exhorte son auditoire en ces termes : « Gardons notre pitié pour ceux qui tombent sous le couteau des assassins et sachons défendre ces malheureux par une répression juste et sévère contre ceux qui les tuent » (p. 2035). Ainsi, les « malheureux » sont non seulement constitués en objets légitimes, mais surtout en objets exclusifs de pitié. L’élection des malheureux s’accompagne, chez les anti-abolitionnistes, d’une fin de non-recevoir à l’égard d’autres individus que leurs souffrances pourraient porter à devenir, eux aussi, des malheureux. Ainsi, les « assassins » ne sauraient être requalifiés en malheureux compte tenu des souffrances qu’ils auraient par ailleurs endurées (on verra, en revanche, comment la rhétorique abolitionniste exploite cette idée). Cela se justifie par le degré de souffrance inégal chez les uns et chez les autres, ainsi que par la responsabilité des uns dans la souffrance des autres. Évoquant les « bandes » de criminels qui sévissent, Berry demande : « Croyez-vous que si ces gens-là sont exécutés, ils souffriront plus que ceux qu’ils ont mis à mort ? » (ibid.). Cette question rhétorique suggère bien l’asymétrie fondamentale des souffrances évoquées. Celle des « vrais » malheureux est non seulement supérieure au plan quantitatif, mais présente de surcroît deux différences exorbitantes : celle d’être imméritée, et celle d’avoir été causée par ceux-là même que les abolitionnistes voudraient a posteriori faire passer pour des malheureux.
6Le pathos anti-abolitionniste opère une binarisation du monde dont il importe de bien saisir la logique. L’acte de « tue[r] » définit deux ensembles mutuellement exclusifs, irrémédiablement séparés, et entre lesquels aucune circulation n’est possible. Le premier ensemble est constitué par les individus qui accomplissent cette action et le second par ceux qui en pâtissent. Seuls les individus du second ensemble sont dignes de pitié, pour les raisons que l’on vient d’examiner. On notera, avant d’aller plus loin, que le fonctionnement d’un tel dispositif pathémique exige que l’agentivité de « ceux qui tuent » ne fasse pas problème et ne puisse être relativisée d’une quelconque manière – ce sera, en revanche, l’une des pierres d’achoppement du pathos abolitionniste.
Le renversement du pathos dans le discours abolitionniste
7Que devient ce dispositif de places dans la rhétorique abolitionniste ? À la binarisation par l’acte criminel, les parlementaires abolitionnistes de 1908 vont opposer une binarisation par la souffrance. Il ne s’agit plus, dans ce cas, de séparer les « assassins » ou les « scélérats » de « ceux qui tombent sous l[eur] couteau ». Le partage pertinent s’effectue entre, d’une part, ceux qui souffrent et, d’autre part, ceux qui ne souffrent pas. Une telle configuration se rapproche de celles étudiées par le sociologue Luc Boltanski dans son ouvrage La souffrance à distance8. S’il porte prioritairement sur le discours humanitaire contemporain, le travail de Boltanski effectue aussi un précieux retour en arrière dans lequel il s’interroge sur l’« introduction de l’argument de la pitié en politique9 » au cours du XIXe siècle. Le sociologue s’intéresse particulièrement, suivant Hannah Arendt, à la « politique de la pitié », qu’il définit comme une politique qui « s’empare de la souffrance pour en faire l’argument politique par excellence10 ». Deux traits caractérisent selon lui cette politique : « Il s’agit d’abord de la distinction entre des hommes qui souffrent et des hommes qui ne souffrent pas […et] de l’insistance mise sur la vue, sur le regard, sur le spectacle de la souffrance11. » Mon hypothèse est que ces deux traits se marquent de façon exemplaire dans le pathos que déploient les parlementaires abolitionnistes de 1908 (à la différence de leurs prédécesseurs de 1791 et de 1848, ainsi que de leurs successeurs de 1981). Je décrirai deux aspects centraux de cette reconfiguration pathémique. Une brève étude des paradigmes de désignation me permettra de montrer que ceux que la rhétorique anti-abolitionniste donnait à voir comme les agents d’une action blâmable sont, dans ce nouveau dispositif, présentés comme des êtres souffrants, au caractère agentif quasiment nul. Je m’intéresserai ensuite à ce que l’on pourrait appeler l’assignation causale des souffrances évoquées : il faut en effet, pour que l’indignation se déploie, que celles-ci puissent être saisies en tant qu’elles résultent de l’action d’un agent identifiable. J’étudierai en détail les procédures complexes de désignation de l’agent, les prédicats que le discours lui associe et le type de responsabilité qu’il lui impute.
8Considérons, pour l’analyse, les extraits suivants :
(1) Dans Paris, j’ai vu et d’autres que moi ont pu voir des troupes d’enfants de sept, huit, neuf ans, couchant dans les chantiers, faisant sécher leurs linges au feu de morceaux de bois ramassés dans ces chantiers. Le lendemain matin, où allaient ces enfants affamés, transis par une nuit froide ? Ils allaient voler aux étalages des magasins, des bazars. Est-ce que ce ne sont pas là des apprentis pour le bagne ?
La société, responsable de la vie de vagabondage, de misère, hors la loi, menée par ces enfants privés de conseils, de nourriture, de caresses, la société les prend au moment du crime, les envoie dans des prisons, puis dans les colonies pénitentiaires. Quand ils en sortent, les malheureux, ils ont si peu d’habitude de la liberté que, huit jours après, ils se font encore reprendre pour un larcin quelconque, quand ce n’est pas pour un crime (Jean Allemane, 7 décembre 1908, p. 2788).
(2) Lorsque la République aura accompli son devoir social, lorsqu’elle aura pris toutes les précautions utiles pour qu’il n’y ait plus d’affamés, d’enfants traînant dans les rues, dans les ruisseaux, plus d’ignorants, plus de gens qui se trouvent dans cette poignante alternative de voler ou de mourir de faim, quand la République aura accompli cette tâche, elle aura peut-être alors le droit d’examiner si ses codes sont assez rigoureux, si ses pénalités sont assez implacables.
Je demande à M. le rapporteur, comme à M. le président de la commission : Est-ce que le parti républicain a accompli son devoir de solidarité ? Est-ce qu’on s’est occupé des miséreux ? Est-ce que nos enfants ont leur nécessaire ? […]
[R]entrez en vos consciences, citoyens républicains, députés républicains ; examinez si votre devoir a été rempli jusqu’au bout, si vous vous êtes appliqués dans la mesure de vos moyens à rendre la société plus secourable aux malheureux. (Jean Allemane, 7 décembre 1908, p. 2788).
(3) Lorsque nous parlerons des causes, nous irons plus loin que vous et nous vous dirons que c’est le milieu social qui développe la criminalité (Applaudissements à l’extrême gauche) et qui, abandonnant sans force, sans protection et sans appui, des jeunes gens exposés à tous les hasards de la rue, provoque cette fréquence de criminalité.
Et savez-vous pourquoi ces causes ne sont pas diminuées, extirpées ? C’est que nous avons tous ici une part de responsabilité (Oui ! Oui ! à l’extrême gauche), car si, au lieu de perdre notre temps en querelles stériles, nous nous occupions un peu plus des déshérités, qui souffrent et qui ont besoin d’être protégés, si nous faisions des lois sociales, vous verriez immédiatement diminuer la criminalité. (Albert Willm, 3 juillet 1908, p. 1543).
(4) Nous ne nous occupons pas assez, dans cette enceinte, des déshérités de la fortune et de la vie. [… Q] ue fait-on pour aider ceux qui souffrent ? On les laisse sans appui, sans aide, sans soutien, abandonnés à tous les hasards de la rue, à toutes les tentations de l’alcoolisme. […] Tant que nous nous bornerons à occuper ici nos séances à discuter du maintien de la peine de mort, nous n’aurons rien fait pour la grande armée des misérables, de ceux qui souffrent, qui peinent et qui sont entraînés par des courants auxquels ils ne savent pas résister (Albert Willm, 4 novembre 1908, p. 2026-2027).
(5) Sans cœur, sans entrailles, les industriels d’aujourd’hui chassent l’enfant sans se soucier de ce qu’il deviendra ! Maintenant, on se réveille en présence de l’accroissement de la criminalité enfantine. Allons, Messieurs, vivement, montez la guillotine et supprimez ces gêneurs ! (Applaudissements à l’extrême gauche.)
Assurément, Messieurs, l’enfant qui se trouve dans les circonstances que j’ai traversées se détache très facilement de la société. Il glisse tout d’abord comme une pierre partant du sommet des rochers et bondissant par des sauts d’autant plus grands qu’elle se rapproche de l’abîme. Et quand l’enfant est ainsi tombé, c’est alors que quelques esprits généreux interviennent et tentent de le sauver. Il est malheureusement trop tard. L’enfant qui est tombé si bas dans le mal ne peut plus, croyez-le bien, le cœur et le corps brisés, ne peut plus reprendre sa place dans la société moderne ; il ne peut plus se relever. Vous ne pouvez pas le racheter. (Applaudissements à l’extrême gauche.)
Que faites-vous alors ? Ah ! oui ! vous avez créé pour lui la relégation ; vous l’envoyez au bagne, pauvre cœur, pauvre corps meurtris ! (Victor Dejeante, 11 novembre 1908, p. 2206).
(6) Eh bien ! Quand les ouvriers de nos grandes industries, déracinés par les crises économiques, jetés par le chômage sur tous les chemins du hasard, arrivent dans les grandes cités où ils n’ont pas un ami, ils sont à la merci, dans [l]es bouges, de toutes les rencontres funestes. (Jean Jaurès, 18 novembre 1908, p. 2397, je souligne).
(7) Ah ! C’est chose facile, c’est procédé commode : un crime se commet, on fait monter un homme sur l’échafaud, une tête tombe et la question est réglée, le problème est résolu. Nous, nous disons qu’il est simplement posé ; nous disons que notre devoir est d’abattre la guillotine et de regarder au-delà les responsabilités sociales.
Nous disons, Messieurs, qu’il est très commode et qu’il serait criminel de concentrer sur la seule tête des coupables toute la responsabilité. Nous en avons notre part, tous les hommes en ont leur part, la nation tout entière en a sa part. (Jean Jaurès, 18 novembre 1908, p. 2396).
(8) Eh bien ! de quel droit une société qui par égoïsme, par inertie, par complaisance pour les jouissances faciles de quelques-uns, n’a tari aucune des sources du crime qu’il dépendait d’elle de tarir, ni l’alcoolisme, ni le vagabondage, ni le chômage, ni la prostitution, de quel droit cette société vient-elle frapper ensuite, en la personne de quelques individus misérables, le crime même dont elle n’a pas surveillé les origines ? (Jean Jaurès, 18 novembre 1908, p. 2397).
9Requalification des coupables en êtres souffrants et atténuation de leur agentivité.
Étude de quelques expressions catégorisantes
10Que deviennent, au sein de la rhétorique abolitionniste, les « assassins », les « criminels » et les « scélérats » ? Ces lexèmes ne font bien entendu pas partie du paradigme de désignation utilisé. Je commencerai par étudier la spécificité des opérations de catégorisation mises en œuvre par les orateurs abolitionnistes. Les individus qui commettent des délits et des crimes sont reversés dans une classe dont il s’agit de saisir la logique de constitution et de désignation.
11Parmi les principales expressions catégorisantes, les lexèmes « misérables » et « malheureux » sont récurrents – en (1), (2), (4) et (8). Ils opèrent une double fonction. (i) Ils permettent, d’une part, d’apporter des informations factuelles concernant la situation matérielle dans laquelle se trouvent les individus référés : ils signalent que ceux-ci vivent dans une extrême pauvreté et ne disposent d’aucune ressource. (ii) Ils comportent, d’autre part, une dimension affective. Non contents de fournir une description du référent, ils permettent d’énoncer, dans le même temps, le sentiment que ce référent produit sur le locuteur et/ou qu’il devrait produire sur l’allocutaire : les « misérables » sont ceux qui inspirent ou méritent d’inspirer la pitié. Ils permettent également, et c’est essentiel, d’attribuer au référent lui-même une disposition affective – en l’occurrence une disposition durable à ressentir des émotions uniformément négatives. S’ils font signe vers les souffrances vécues par l’individu référé, les lexèmes « misérables » et « malheureux » ne présentent en revanche pas explicitement celles-ci comme les effets d’une action qui serait imputable à un agent. À ce titre, deux autres expressions catégorisantes retiennent l’attention : il s’agit de « déshérités », que l’on rencontre chez Willm en (3), et de « victimes12 », que l’on rencontre chez Dejeante (séance du 11 novembre, p. 2205). Ces expressions ont pour caractéristique de mettre la souffrance du référent en rapport avec ce qui l’a produite ou causée. À ce titre, elles annoncent la construction de l’indignation qui requiert, on le verra, l’identification d’un agent à qui l’on peut imputer la responsabilité des souffrances dépeintes (voir infra).
12Cette brève étude des principales opérations de catégorisation suggère que le discours abolitionniste regroupe en une classe des individus qui ont pour caractéristique commune de souffrir – que cette souffrance soit ou non explicitement rapportée à l’action d’un agent. Il faut à présent aller plus loin. En intégrant ceux qui commettent des délits et des crimes dans une classe de « malheureux », de « misérables », de « déshérités » ou de « victimes » – bref, d’êtres souffrants –, le pathos abolitionniste tend, du même coup, à empêcher que ceux-ci puissent être pleinement constitués en agents responsables de leurs actes. Dans l’optique d’une construction argumentative de la pitié, le travail rhétorique des abolitionnistes tend vers ce que j’appellerai une atténuation d’agentivité. Je tenterai d’illustrer cette perte du statut d’agent à travers quelques faits stylistiques significatifs.
Les extensions du groupe nominal et le rôle des participes passés
13Si l’on se penche sur la complexité des expressions référentielles qui détaillent les différents individus faisant partie de cette classe des « malheureux », on est frappé par l’extension des syntagmes nominaux, et notamment par la prolifération des participes passés à valeur d’épithète. Je me limiterai, faute de place, à deux exemples particulièrement révélateurs. Lors d’une description d’enfants « couchant dans les chantiers » (extrait (1)), Allemane demande : « Le lendemain matin, où allaient ces enfants affamés, transis par une nuit froide ? Ils allaient voler aux étalages des magasins, des bazars. » Ici, les deux participes suggèrent que les forces (faim et froid) qui s’exercent sur les enfants sont telles que l’acte délictueux en devient quasiment inéluctable et tend ainsi à perdre son caractère pleinement actionnel.Le discours empêche en effet de voir dans cet acte délictueux la mise en œuvre d’une intention que l’agent aurait mûrie et dont il aurait, en toute conscience, pesé le pour et le contre : on est ici bien plus proche de ce que Paul Ricœur appelle, dans sa sémantique de l’action, une « causalité-contrainte13 » (ou une causalité à faible degré de motivation). On retrouve un fonctionnement similaire dans l’extrait (6), lorsque Jaurès évoque d’autres individus peuplant la « grande armée des misérables », à savoir les ouvriers. Ici, les épithètes détachées (« déracinés » et « jetés ») fonctionnent comme la réduction de tournures passives dont on peut saisir les compléments d’agent (« par les crises économiques », « par le chômage »). Les ouvriers sont dépeints comme les jouets de forces qu’ils ne maîtrisent en rien. Purs patients, ils n’instiguent ni ne contrôlent des procès : ce sont plutôt les procès qui s’exercent sur eux. L’usage de l’épithète détachée prend ici, de par sa fonction de circonstant, une pertinence argumentative pour l’ensemble de l’énoncé. C’est bien parce qu ’ils sont « déracinés par les crises économiques » ou « jetés par le chômage sur tous les chemins des hasards » que certains ouvriers peuvent céder, en fin de compte, à la tentation criminelle qu’offrent les « rencontres funestes ». Les épithètes détachées fournissent pour ainsi dire des « circonstances atténuantes » : elles rendent raison de la grande vulnérabilité des ouvriers au crime et viennent, de fait, disculper – au moins en partie – ceux-ci.
14De manière générale, comment expliquer la présence insistante du participe passé à fonction d’épithète (on pourrait encore citer Allemane qui, en (1), parle d’« enfants privés de conseils, de nourriture, de caresses » ou Willm qui, en (3), évoque « des jeunes gens exposés à tous les hasards de la rue ») ? (i) Le participe passé a pour caractéristique de faire porter l’accent sur l’état qui résulte d’un procès. Dans le cadre de la rhétorique abolitionniste, l’enjeu est de suggérer que les « malheureux » se trouvent dans des états qui résultent de procès qu’ils n’ont eux-mêmes ni instigué ni contrôlé, mais se sont contentés de subir. Les « malheureux » sont, dans une telle rhétorique, bien davantage agis qu’agissants : ils sont présentés comme des êtres sur lesquels s’exercent des procès. (ii) L’usage du participe passé permet également aux orateurs abolitionnistes d’embrayer sur la construction argumentative de l’indignation. En effet, à partir de chaque état résultant, on peut potentiellement remonter à l’accomplissement d’une action et à un agent qui en est responsable. Parler d’individus « privés de conseils », c’est sous-entendre que quelqu’un a privé ces individus de conseils.Nous avons vu jusqu’à présent comment le pathos abolitionniste recatégorise « ceux qui tuent » en « malheureux ». Il nous reste maintenant à examiner en détail le parachèvement de la construction argumentative de l’indignation, c’est-à-dire les processus discursifs par lesquels les abolitionnistes désignent ceux qu’ils tiennent pour les responsables de la souffrance des « malheureux » et donc, par extension, pour les vrais agents des délits ou des crimes que ceux-ci en arrivent à commettre.
La construction de l’indignation et l’assignation causale des souffrances
15L’indignation est une émotion qui requiert que l’on décrive un état de choses négatif non comme l’effet du hasard, mais bien comme l’effet d’une action dont on peut imputer la responsabilité à un agent. Ce trait est mis en évidence tant par la psychologie cognitive – Ortony, Clore et Collins rangent l’indignation dans la catégorie des agent-based ou attribution-of-responsibility emotions14– que par les sociologues. Selon Boltanski, le propre de l’indignation est qu’elle « se détourne de la considération déprimante d’un malheureux et de ses souffrances pour aller chercher un persécuteur et se centrer sur lui15 ». Le discours qui prétend offrir une construction argumentative de l’indignation doit ainsi se consacrer à l’identification de l’agent et à l’établissement incontestable de sa responsabilité. Ces opérations revêtent un surcroît de complexité pour les abolitionnistes. On se souvient que leurs adversaires ont l’avantage de pouvoir se reposer sur l’évidence du lien causal entre l’action d’un agent (l’« assassin », selon les termes de Berry) et la souffrance d’un malheureux (« ce [lui] qui tombe sous le couteau de l’assassin »). Les abolitionnistes, en revanche, perdent en grande partie l’évidence de ce lien : qui, au juste, vont-ils rendre directement responsable de la souffrance de ceux qu’ils ont élus comme « malheureux » ? Comment saisir leur souffrance en tant qu’elle résulte de l’action (ou de l’omission d’action) d’un agent identifiable ?
Qui est responsable ? Le problème de la désignation des agents
16La construction argumentative de l’indignation à laquelle se livrent les parlementaires abolitionnistes se caractérise par une difficulté certaine à fixer l’agent dans une désignation unifiée et stable. Je tenterai de montrer que l’instabilité de ces procédures de désignation est due au fait qu’elles oscillent entre singularisation et désingularisation, entre la saisie d’individus spécifiques et celle d’entités supra-individuelles.
17Dans le registre de la singularisation, la désignation de l’agent vise parfois explicitement les participants directs à la situation de communication. Ces participants ont pour caractéristique principale d’être des agents spécialisés, c’est-à-dire des individus dont on peut, selon la formule de Boltanski, « attendre qu’ils fassent quelque chose » au vu d’« engagements préexistants16 ». En tant que représentants élus du peuple, ils disposent, par délégation, du pouvoir d’élaborer, de discuter et de voter la loi. Ils doivent, toutefois, faire de ce pouvoir un usage qui soit dans le meilleur intérêt de ceux qu’ils représentent. La désignation de ces agents spécialisés, participants directs à la situation de communication, s’effectue par l’usage d’embrayeurs. L’examen des indices de personne permet de distinguer deux postures adoptées par les orateurs abolitionnistes, dont l’une peut être dite antagoniste et l’autre intégrative.(i) Lorsque l’orateur fait un usage massif du « vous », il se place délibérément à l’extérieur du groupe des agents responsables : il fait peser toute la responsabilité des souffrances des « malheureux » sur ses adversaires politiques. C’est le cas de Dejeante qui parle presque systématiquement de « vos lois » et qui affirme que « vous avez été impuissants à supprimer la misère » (séance du 11 novembre, p. 2206), que vous « envoyez [l’enfant] au bagne » ou encore que « vous abandonnez [les enfants] à eux-mêmes » (ibid., p. 2208). (ii) Cette posture antagoniste, par laquelle le « je » se dissocie nettement de ses allocutaires et se place en quelque sorte hors du régime de responsabilité, doit être distinguée de la posture davantage intégrative qu’adoptent les autres orateurs abolitionnistes. On notera, à ce titre, l’usage du « nous » et de déictiques spatiaux qui renvoient au lieu même de la délibération en cours et, plus généralement, au lieu institutionnel d’exercice du pouvoir législatif. Willm affirme en (3) que « nous avons tous ici une part de responsabilité » et que « nous ne nous occupons pas assez, dans cette enceinte, des déshérités de la fortune et de la vie ». Dans un tel cas, l’orateur englobe dans la première personne du pluriel l’ensemble des participants à l’interaction verbale.
18Qu’il s’agisse d’une accusation exclusivement dirigée vers ses pairs (posture antagoniste) ou d’une accusation lors de laquelle le locuteur bat sa propre coulpe en même temps que celle de ses adversaires (posture intégrative), on reste dans un régime individualisant.Les embrayeurs désignent comme agents des individus identifiables par leur participation à l’interaction et par leur fonction institutionnelle. Or on observe également que les parlementaires abolitionnistes opèrent une désindividualisation de l’agent. Ce mouvement se lit bien dans la gradation ternaire que propose Jaurès en (8) : « Nous avons notre part [de responsabilité], tous les hommes en ont leur part, la nation tout entière en a sa part. » Le déictique « nous » englobe l’orateur et ses allocutaires premiers, c’est-à-dire des individus spécialisés par leur fonction. Le syntagme « tous les hommes », pour sa part, désigne certes encore des individus, mais, à la différence du « nous », des individus non spécialisés : la responsabilité visée ne concerne ici plus seulement les représentants du peuple, mais aussi les représentés. Le dernier syntagme de cette gradation ternaire (« la nation tout entière ») achève de désindividualiser la responsabilité en l’orientant vers une entité supraindividuelle. La rhétorique abolitionniste semble, de façon générale, procéder à une « réorientation de l’accusation des personnes vers les systèmes17 ». Cela se vérifie très nettement chez Dejeante, qui parle des « victimes de l’organisation sociale » (séance du 11 novembre, p. 2205), et chez Willm, qui affirme en (3) que « c’est le milieu social qui développe la criminalité ». Un tel mouvement désindividualisant n’est toutefois pas sans risque : il prête en effet le flanc à une dilution de la responsabilité. Si « tous les hommes » sont responsables, si le système (« milieu », « conditions » et « circonstances ») est responsable, ne tend-on pas à faire perdre à l’agent sa consistance, son caractère tangible, et, par là même, ne tend-on pas à échapper au régime de la responsabilité ?
19Je ferai l’hypothèse que dans sa construction argumentative de l’indignation, le discours abolitionniste doit gérer une double contrainte. Il faut, d’une part, que l’accusation soit suffisamment générale, c’est-à-dire qu’elle atteigne, au-delà des individus qui l’initient ou le perpétuent, un système. Il faut, d’autre part, éviter à tout prix une désincarnation excessive de l’agent, sans quoi l’on risque d’échapper au régime de la responsabilité – l’indignation restant, dans ce cas, lettre morte. Cette double contrainte se traduit par le caractère souvent hybride de la désignation des agents responsables de la souffrance des « malheureux ». On notera, à ce sujet, l’hybridité des formes d’adresse utilisées par Dejeante, notamment « Vous, société,… » (p. 2206). Une telle formule est exemplaire des procédures par lesquelles les abolitionnistes tentent d’épingler le (s) agent (s) : elle se propose à la fois d’accuser un système dans son ensemble (« société ») et, par l’usage du déictique, de cibler la responsabilité sur un sous-ensemble d’individus plus responsables que les autres.
Prédicats d’action et types de responsabilité
20Après avoir tenté de saisir la complexité des procédures de désignation de l’agent, j’examinerai les prédicats qui sont typiquement associés à ce dernier, ainsi que le type de responsabilité qui lui est imputé.
21Les orateurs cherchent à imputer à l’agent une responsabilité par omission : il s’agit, pour eux, d’établir un lien de causalité entre, d’une part, le fait que les « malheureux » souffrent et qu’ils commettent des délits, voire des crimes, et, d’autre part, le fait que l’agent (sous ses diverses dénominations, de « nous » les parlementaires à la « société » ou la « République ») ne fasse rien. Une première série de prédicats vise ainsi essentiellement à montrer que l’agent omet d’agir. Cela peut se traduire par de simples assertions (en (4) : « Nous ne nous occupons pas assez, dans cette enceinte, des déshérités de la fortune et de la vie »). Toutefois, les orateurs, notamment Allemane en (2), préfèrent souvent avoir recours à ce que Pierre Fontanier appelle des « interrogations figurées » : « Est-ce qu’on s’est occupé des miséreux ? Est-ce que nos enfants ont leur nécessaire ? La République a-t-elle accompli son devoir ? » Dans ce genre de cas, l’orateur ne prend pas, selon l’expression de Fontanier, le « tour interrogatif […] pour marquer un doute et provoquer une réponse18 ». En réalité, le tour interrogatif oriente uniformément vers une réponse négative qui n’a pas besoin d’être verbalisée tant elle est présentée comme évidente. Un tel procédé permet à l’orateur de « défier » ceux à qui il parle de « pouvoir nier ou même répondre » et de les mettre ainsi « hors de réplique19 ». L’omission d’action est particulièrement apte à susciter l’indignation, dans la mesure où, selon les abolitionnistes, l’agent non seulement dispose de la possibilité d’agir, mais en a, de plus, le devoir. Il faut ajouter que les orateurs abolitionnistes ne se contentent pas d’imputer une responsabilité par omission, mais vont jusqu’à redoubler celleci d’une responsabilité par perpétuation.Pour ajouter au scandale de l’omission d’action de l’agent, les orateurs vont suggérer que ce dernier n’agit pas en toute connaissance de cause et ce dans le but – inavoué et inavouable – de servir ses propres intérêts. Jaurès, par exemple, lorsqu’il s’en prend à la « société », dévoile dans l’extrait (8) ce que l’on pourrait appeler les motivations latentes de l’omission d’action : selon lui, si la société ne « tari[t] aucune source du crime », c’est « par égoïsme, par inertie, par complaisance pour les jouissances faciles de quelques-uns ».
22Le parachèvement de la construction argumentative de l’indignation va consister, pour les orateurs abolitionnistes, à porter l’accent sur le décalage entre, d’une part, l’omission préalable de toute action bienveillante qui soulagerait les souffrances des « malheureux » et, d’autre part, le caractère à la fois violent et tardif de l’action finalement accomplie par l’agent. Toujours dans l’extrait (8), la rhétorique jaurèsienne met en place une chronologie au sein de laquelle l’omission d’action de l’agent et, partant, le manquement à ses devoirs (« il dépendait d’elle [la société] de tarir [les sources du crime] ») précède l’exercice du plus exorbitant de ses droits. L’interrogation « de quel droit… ? », reprise de manière emphatique par l’anaphore rhétorique, suggère précisément que l’absence de toute action bienveillante à l’égard des « individus misérables » illégitime la violence de l’action subséquente (« frapper ») exercée sur eux. Ce qui est en jeu, dans cette construction argumentative de l’indignation, c’est, de manière cruciale, un transfert de responsabilité. J’en dégagerai deux aspects essentiels qui me permettront à la fois de conduire l’analyse à son terme et de faire une rapide synthèse des observations précédentes. Premièrement, il s’agit, pour les parlementaires abolitionnistes, de disculper – au moins partiellement – ceux que le paradigme de désignation adverse stigmatisait comme des « assassins » : ils sont ici dissociés de leurs actes (le « crime ») et requalifiés en « individus misérables ». Secondement, en plus de « disculper des innocents stigmatisés », il faut, pour que le retournement du pathos adverse soit complet, procéder à ce que Boltanski appelle une « accusation des accusateurs20 ». Selon Jaurès, la « société vient frapper, en la personne de quelques individus misérables, le crime même dont elle n’a pas surveillé les origines ». La formulation de l’énoncé est significative. Elle suggère un découplage entre le « crime », entendu comme un phénomène social aux enjeux supra-individuels et, d’autre part, la « personne » des « individus misérables » que l’on est prompt à désigner comme son agent exclusif. Elle suggère, de plus, que la « société » se trompe volontairement de cible, ceci pour épargner sa propre responsabilité. Elle choisit de traiter un phénomène éminemment social en opérant à la fois une concentration et une personnalisation de la responsabilité. Au sein de cette rhétorique, les « individus misérables » apparaissent dès lors clairement comme des boucs émissaires : ils subissent une action violente (« frapper ») de la part d’un agent (la « société ») qui a autant – sinon davantage – de responsabilité qu’eux dans l’existence du phénomène indésirable. À la différence de leurs adversaires, les parlementaires abolitionnistes ne présentent pas la société comme l’ensemble des « braves gens » qui, par malheur, « tombent sous le couteau des assassins » : la société apparaît, dans ce dispositif pathémique renversé, davantage comme persécuteur que comme persécuté.
Notes de bas de page
1 La peine de mort, Paris, PUF, 1989, p. 3.
2 L’argumentation dans l’émotion », Pratiques, n° 96, 1997, p. 81.
3 Ce constat vaut pour l’étude de l’argumentation, entendue comme une discipline descriptive et analytique. Il ne s’applique pas, en revanche, à la rhétorique en tant que technè : celle-ci, on le sait, accorde une place centrale aux techniques discursives qui permettent à l’orateur de s’assurer la maîtrise du « devoir éprouver » de son auditoire.
4 On pense ici aux importants travaux développés par D. WALTON dans le cadre de sa théorie pragmatique des fallacies, notamment The Place of Emotion in Argument (University Park, The Pennsylvania State University Press, 1992) et Appeal to Pity (Albany, State University of New York Press, 1997).
5 La logique des sentiments moraux », L’année sociologique, n° 44, 1994, p. 45, je souligne.
6 Ce débat a fait l’objet d’une minutieuse enquête historique et sociologique (LE QUANG SANG J., La loi et le bourreau : la peine de mort en débats (1870-1985), Paris, L’Harmattan, 2001). On peut s’y référer pour davantage d’informations sur le contexte des discours que nous étudions.
7 Les extraits du débat sont tirés du Journal Officiel. J’indique à chaque fois la date de la séance et la pagination.
8 Paris, Métailié, 1993.
9 BOLTANSKI L., op. cit., p. 7.
10 Ibid., p. 57.
11 Ibid., p. 15-16.
12 Le terme « victimes » est d’ordinaire une chasse gardée des anti-abolitionnistes. Sa réappropriation par Dejeante et son utilisation pour référer à des individus qui commettent des crimes – et non à ceux qui en pâtissent – annonce un renversement du système de valeurs que la construction de l’indignation viendra confirmer.
13 Du texte à l’action. Essais d’herméneutique, Paris, Seuil, 1986, p. 190.
14 The Cognitive Structure of Emotions, Cambridge, CUP, 1987, p. 134.
15 BOLTANSKI L., op. cit., p. 91.
16 Ibidem, p. 30.
17 Ibid., p. 114-115.
18 Les figures du discours, Paris, Flammarion, 1977, p. 368.
19 Id.
20 BOLTANSKI L., op. cit., p. 225.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Comparer l’étranger
Enjeux du comparatisme en littérature
Émilienne Baneth-Nouailhetas et Claire Joubert (dir.)
2007
Lignes et lignages dans la littérature arthurienne
Christine Ferlampin-Acher et Denis Hüe (dir.)
2007