Paris vu par... les décorateurs russes
p. 305-313
Texte intégral
1Paris est un prodigieux réservoir d’images. Écrivains, peintres, caricaturistes, photographes, cinéastes... ont contribué à faire de la ville un espace de signes, de rêveries et de croyances partagées. À travers les clichés que ces artistes, de plus en plus nombreux, ont véhiculés et retraités un imaginaire urbain s’est constitué. Loin d’être déconnecté des réalités quotidiennes, il s’est répercuté sur les pratiques sociales et les manières de s’approprier les espaces. Il a alimenté les peurs, les espoirs et les ambitions des Parisiens.
2Or, la capitale figurée dans les films français de grande consommation tournés durant l’entre-deux-guerres offre une particularité : il s’agit d’un Paris reconstitué en studio par des décorateurs venus de Russie ou formés par ces décorateurs.
3Après avoir mis au jour ces filiations, je m’interrogerai sur le stock d’images parisiennes qui circulait en Russie dans les années 1900-1910. Je tenterai ensuite de comprendre ce que ces migrants, à leur arrivée dans la capitale, ont choisi de retraiter ou d’oblitérer dans ce répertoire iconographique, en fonction non seulement des contraintes artistiques, budgétaires et technologiques qui pesaient sur eux mais aussi des besoins et des enjeux du temps présent.
Un Paris façonné par des décorateurs étrangers
4Les premiers films français de grande diffusion qui situent leur action dans la capitale ont pour décorateur Alexandre Lochakoff. Celui-ci a fait son apprentissage à Moscou auprès d’Alexandre Benois, fondateur – avec Diaghilev et Léon Bakst de la revue Mir Isskousstva (Le Monde des arts) puis décorateur des Ballets russes. Après avoir peint de nombreuses toiles pour le théâtre, à partir de 1918, Lochakoff s’essaie au cinéma où il travaille sous la houlette de Vladimir Ballioutsek, le décorateur fétiche du cinéaste Iakob Protozanov. Un an plus tard, alors que Ballioutsek décide de rester en Russie soviétique, Lochakoff suit la troupe du producteur Ermoliev qui part pour la France, via Constantinople. Après plusieurs mois de pérégrinations, l’artiste arrive aux studios de Montreuil, où il forme à son tour le Russe Lazare Meerson, lequel initie bientôt ses compatriotes Georges Wakevitch et André Barsacq.
5Lochakoff a aussi pour élèves le Russe Boris Bilinsky et le Hongrois Alexandre Trauner qui, à la fin des années trente, bâtit les décors d’Hôtel du Nord (1938) et du Jour se lève (1939), non pas à Montreuil, mais à Boulogne. Et dans ces anciens studios Braunberger-Richebé, devenus en 1933 Paris Studios cinéma, ce sont également, depuis les origines, des décorateurs russes qui sont convoqués. En effet, dès 1920, les ingénieurs Niepce et Setter ont compris, en voyant les premières réalisations de l’architecte Mallet-Stevens, qu’au cinéma, les toiles peintes ont fait leur temps et qu’il existe, avec les décors « en dur », un débouché intéressant pour le contreplaqué qu’ils fabriquent. Ils demandent alors à deux frères moscovites, Michel et Simon Feldman, récemment installés à Paris, de convertir leur usine en studios de cinéma.
6Mais les transmissions ne s’arrêtent pas là. Les œuvres sur Paris qui se sont assurées un succès durable – ont fait le plus d’entrées en salle lors de leur sortie, se sont exportées dans de nombreux pays, ont été plusieurs fois rediffusées à la télévision, ont été transférées sur supports vidéo puis DVD – donc celles qui sont susceptibles d’avoir laissé une empreinte, à la fois sur les spectateurs et sur de futurs artistes, architectes et urbanistes – ont été réalisées par des cinéastes français qui ont débuté aux studios de Montreuil, rapidement rebaptisés Albatros. René Clair, l’auteur de Paris qui dort (1928), Sous les toits de Paris (1930), Quatorze Juillet (1932)... a commencé comme acteur, en 1922, dans le film de Iakob Protozanov, Le Sens de la mort (1922). Il a croisé sur les plateaux ses deux futurs assistants, Marcel Carné et Georges Lacombe, qui filmera Paris dans La Zone (1928), Les Musiciens du ciel (1939), Montmartre sur Seine (1946)... Jean Renoir, Marcel L’Herbier, Jacques Feyder et Léo Joannon apprennent aussi leur métier aux studios de Montreuil où, à partir de 1925, le nouveau directeur, Alexandre Kamenka, met tout en œuvre pour attirer de jeunes artistes appartenant à ce qu’il nomme l’« avant-garde » ou l’« Impressionnisme ».
Répertoire d’images de ces immigrants
7Lorsque Meerson, Lochakoff, Wakhévitch, Trauner... se fixent à Montreuil, dans les anciens studios de Méliès et de Max Linder1, ils possèdent déjà, inévitablement, tout un répertoire d’images de la capitale, forgé à l’école et alentour.
8Parcourir les entretiens que ces décorateurs ont accordés à la presse, les articles et ouvrages qu’ils ont consacrés aux Décors de cinéma2, compulser les mémoires d’autres artistes russes contemporains qui se sont intéressés à Paris3 permet de retrouver en partie ce panthéon personnel.
9Ces hommes ont de Paris une connaissance livresque et picturale et tous leurs témoignages se recoupent. Dans la bibliothèque familiale comme au lycée, ils se sont procurés quelques grands romans sur Paris, qu’Ivan Tourgueniev a souvent contribué à faire traduire en russe et à promouvoir. Aucun ne s’exprime sur Victor Hugo sans qu’il soit possible de dire si ce silence signifie que lire le romancier va de soi ou si cet auteur n’appartient plus, dans l’Europe de l’Est des années 1910, au périmètre perceptif des professionnels du cinéma. Ces derniers commentent abondamment, en revanche, Les Illusions perdues de Balzac, Les Contes du lundi de Daudet et se demandent comment transposer à l’écran les descriptions zoliennes de L’Assommoir, Au bonheur des dames et La Débâcle. Ils ont apprécié les contes de Flaubert et de Maupassant ainsi que Germinie Lacerteux des Concourt. De fait, comme le constate Leonid Trauberg : « Paris que nous connaissions par les livres évoquait moins une ville moderne que Lucien de Rubempré4. »
10Eisenstein, Protozanov et Trauberg font également allusion, dans leurs écrits, aux « types sociaux » caricaturés par Daumier et autres dessinateurs de L’Eclipse, de La Lune Rousse, de L’Assiette au Beurre, du Rire, journaux qu’ils ont découverts à Paris (Protozanov) ou ont acheté à Saint-Pétersbourg/Petrograd (Eisenstein, Trauberg) dans une librairie située près de la place Znamenski. Ils connaissent très bien aussi les compositions des impressionnistes5 et les images populaires d’Épinal et de Montbéliard6 qui représentent, de façon très codifiée, les petits métiers parisiens.
11Lors de leurs séjours en France, ils ont visité le Louvre, Carnavalet et le musée Crévin. Ils ont ramené de ces voyages – ou se sont fait rapporter – des cartes postales7 de Cill, Daumier et Cavarny, ainsi que des photos de Brassaï.
12Au plan historique, ces artistes russes ont appris l’histoire de France avec Henri Martin et François Mignet. Ils se sont enthousiasmés pour la Commune à partir du gros ouvrage illustré de Jules Claretie, L’Histoire de la révolution de 1870-1871, et des témoignages de Prosper Lissagaray rassemblés dans l’Histoire de la Commune8. Ils ont tous lu Le dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte et La Guerre civile en France et se sont laissé convaincre par Marx pour lequel 1871 s’apparente à la reconquête du vieux Paris, éventré par les travaux du baron Hausmann, par les Parisiens. Ils ont également vu beaucoup d’estampes et de tableaux des révolutions parisiennes, notamment des « Trois Glorieuses » de juillet 1830, de février et de juin 1848.
13Les metteurs en scène soviétiques, comme les décorateurs Alexandre Trauner et Evgueni Eneï9 évoquent aussi dans leurs publications, les dessins de Gustave Doré, dont les croquis de Londres ont beaucoup inspiré les cinéastes allemands, notamment Pabst avec l’Opéra de quatre sous. En raison de la proximité de la Grande Guerre ou par volonté de se démarquer des studios berlinois et munichois, tous abominent ce dessinateur, né à la frontière allemande, qui a grandi dans un quartier moyenâgeux, à l’ombre de la cathédrale de Strasbourg. Ils lui reprochent d’être l’héritier des romantiques anglais et allemands, et, à ce titre, de ne savoir montrer qu’une ville nocturne, gothique et maléfique, avec ses hostelleries coupe-gorge, ses églises aux verticalités terrifiantes, ses maisons sombres à colombages et escaliers à vis. Ils critiquent, dans la même veine, le « Vieux Paris » reconstruit par Albert Robida, sur les bords de la Seine – entre le pont de l’Alma et la passerelle Debilly – à l’occasion de l’Exposition universelle de 190010. Leur mutisme concernant Hugo, qui signe en 1831 Notre-Dame de Paris avant de se faire l’ardent défenseur du patrimoine gothique – au moment de la destruction de la tour Saint-Jacques – s’expliquerait alors par cette volonté de rompre avec l’imaginaire médiéval et chrétien que le néogothique sublime ou invente.
14Tout porte donc à croire que, compte tenu de leur panthéon personnel, de leurs engouements et de leurs refus, ces jeunes artistes, à leur arrivée dans Paris, imaginent une capitale qui ne possède ni quartiers modernes façonnés par les architectes de Napoléon III, ni vieux centre historique. Cette ville, composée de maisons sans âge et sans style, de bistrots et d’échoppes, de ruelles faciles à dépaver, est limitée aux quartiers Est et Nord : le faubourg du Temple et les quais du canal de l’Est (Le Petit Pont, Ignace François Bonhommé, ill. 1), les hauteurs de Ménilmontant et de Belleville (Prise de la barricade de Ménilmontant, 24 juin 1848, Lehnert, ill. 2 ; Les Assiégés de Bodem, 1830, ill. 3), la butte Montmartre où le peuple vient danser le dimanche au Moulin de la galette et autres bals figurés par Renoir, Manet, Steinlen ou Lautrec. Ces espaces périphériques sont traversés par des types sociaux pittoresques et intemporels : la fleuriste, le cocher, la concierge, le chanteur de rue, le gamin…
15Ce Paris folklorique qui n’a jamais existé est d’autant plus prégnant que, à leur arrivée dans les studios Albatros, Trauner, Meerson ou Protozanov ne visitent guère les arrondissements de la capitale qu’ils reconstituent sur toile ou façonnent en contreplaqué. À les croire, sitôt installés entre Montparnasse et le Quartier latin ils ne flânent plus que de la Coupole au Flore. Pour construire leurs décors ils s’imprègnent donc moins de l’atmosphère des îlots populaires qu’ils méconnaissent, que des estampes dont ils peuvent disposer.
16Et cette difficulté à voir la vraie ville est d’autant plus forte que ces artistes, nés en Russie ou formés par des Russes, ont aussi pour spécificité d’avoir mis en scène ou composé les décors de films situant leur action alternativement au xxe siècle et au xixe.
17En 1925, Lazare Meerson imagine des décors à la fois pour Les Aventures de Robert Macaire de Jean Epstein et pour le très contemporain Gribiche de Jacques Feyder. René Clair situe dans le présent Le Million, Sous les toits de Paris, Quatorze Juillet mais dans le passé Les Grandes Manœuvres, Le Silence est d’or (1948)... Jean Renoir montre un Montmartre de l’entre-deux-guerres dans La Chienne mais du Second Empire dans French Cancan... Marcel Carné passe de L’Hôtel du Nord (1938) au Boulevard du crime des Enfants du Paradis (1945)…
18Cet entrelacs a inévitablement renforcé l’amalgame entre la « capitale des révolutions » et la ville moderne.
19Or, dans ces œuvres princeps dont s’inspirent les décorateurs les « gens de peu », quand ils ne sont pas dans la rue ou dans une échoppe, sont à leur fenêtre, entre le dehors et le dedans, occupés à faire le coup de feu ou à attendre le retour d’un fils ou d’un mari. Leur demeure n’est jamais représentée, à l’exception de la mansarde de l’ivrogne qui a ruiné sa famille et l’a forcée à s’installer sous les combles.
20Chez tous les écrivains connus du milieu du cinéma russe, ces descriptions d’espaces interstitiels abondent. Dès les premières pages de L’Assommoir Zola décrit ainsi Gervaise qui attend Lantier :
« Pieds nus, sans songer à remettre ses savates tombées, elle retourna s’accouder à la fenêtre, elle reprit son attente de la nuit, interrogeant les trottoirs au loin. [...] Elle regardait à droite, du côté du boulevard Rochechouart, où des groupes de bouchers, devant les abattoirs, stationnaient en tabliers sanglants ; et le vent frais apportait une puanteur par moments, une odeur fauve de bêtes massacrées. Elle regardait à gauche, enfilant un long ruban d’avenue, s’arrêtant presque en face d’elle, à la masse blanche de l’hôpital de Lariboisière, alors en construction11… »
21Alphonse Daudet reprend la recette dans Les Contes du lundi pour caricaturer l’épouse de l’ouvrier Arthur :
« La marmaille couchée, le poulailler endormi, elle venait sur le balcon de bois... Elle restait, accoudée là, ramassée toute dans une idée fixe, se racontant à elle-même et très haut ses tristesses avec ce laisser-aller du peuple qui a toujours une moitié de sa vie dans la rue. »
22Peintres, photographes et dessinateurs bien connus à Moscou insistent eux aussi sur les seuils mais vont plus loin que les romanciers car ils imposent un point de vue sur la scène et sur le peuple. Ils sont dans la rue et observent en contre-plongée ou braquent leur objectif sur la façade d’immeuble, prise de face, transformée en grand rectangle clair troué de fenêtres foncées.
23À l’inverse, quand ils présentent les bourgeois qui logent dans les nouveaux quartiers hausmanniens, ils s’installent résolument de l’autre côté, dans leur vaste appartement où ils s’ennuient, pour les prendre, de dos, regardant par la fenêtre le boulevard en plongée et en profondeur (Paul Signac, Georges Seurat, Gustave Caillebotte, cf. planches, n° 27).
Retraitements d’images
24Les décorateurs russes et leurs élèves reprennent donc ces images que cameramen et acteurs prolongent par le mouvement. Et le cliché va être si résistant que les générations ultérieures se l’approprient à leur tour, de telle sorte que de Quatorze Juillet (René Clair, 1932) à La Haine (Matthieu Kassovitz, 1995) en passant par Terrain vague (Marcel Carné, 1959), les opérateurs ne connaissent que les cadrages de face, les travellings et les panoramiques latéraux sur le quartier ouvrier reconstitué en studio ou, ultérieurement, sur les façades des grands ensembles. Non seulement l’espace a perdu sa troisième dimension, mais les petites gens ne vivent que sur des seuils. Ils se préparent – se rasent, se coiffent, se maquillent, nouent leur cravate... –, vivent leurs loisirs et leurs amours – écoutent de la musique, discutent, flirtent... – dans l’encadrement de la fenêtre, de la porte ou en bas des immeubles. Le partage entre espaces privé et public est aboli, comme si toute intimité était refusée aux « Barbares », comme si le xxe siècle amplifiait, grâce aux techniques photographique et filmique, le rêve hygiéniste du xixe d’éradiquer les taudis/tanières situés au fond d’étroites courettes dans lesquelles l’observateur social n’accédait que par de sordides boyaux12. D’ailleurs, au cinéma, les humbles, comme s’ils avaient conscience d’être sans cesse épiés par l’œil de la caméra, qui musarde sur chaque orifice, ne ferment leur porte à clef que lorsqu’ils ont résolu de se suicider (Hôtel du Nord, Marcel Carné, 1938) et l’on pénètre chez eux sans frapper dans Le Crime de Monsieur Lange (Jean Renoir, 1935) comme dans La Haine (Mathieu Kassovitz, 1995).
25Ainsi, au plan des représentations et des croyances, les populations dites dominées, en quittant dans les années 1960 le centre Paris pour ses marges – comme en rêvait déjà, un siècle plus tôt, les architectes d’Haussmann – n’ont pas réussi à occuper l’espace autrement, à se bâtir un univers différent du précédent. Elles ont seulement été transplantées sans améliorations notables pour elles.
26La perpétuation des mêmes filmages et des mêmes cadrages met au jour le lien que les représentations cinématographiques entretiennent avec les supports antérieurs. Les images filmiques de Paris n’apparaissent pas ex nihilo mais résultent de figurations issues de la littérature, de la gravure... Elles sont recyclées par des artistes qui ont leurs propres parcours, stratégies et contraintes. Elles ne sont que les maillons, certes essentiels, d’une chaîne sémantique qui les précède et les dépasse. Celle-ci est constituée de fulgurances, de reprises, de disparitions et de résurgences, tramant une histoire qui résiste aux principes usuels de causalité. Et aujourd’hui encore, les références constantes, chez de jeunes cinéastes tels Malik Chibane ou Cédric Klapish à Marcel Carné et Alexandre Trauner, illustrent les phénomènes de ré-appropriation de stéréotypes visuels, apparemment inactuels.
27Ainsi, par un pur hasard, par l’unique présence de décorateurs russes exilés à Paris, le cinéma français de studio, qui devait recréer tout un monde avec seulement quelques morceaux de toile et de bois a-t-il façonné, vraisemblablement à l’insu de ses auteurs, une représentation de Paris, très stable et bien éloignée de la ville réelle. À l’écran, la capitale n’est plus néogothique ou hausmannienne, empreinte de religiosité ou de fête impériale, mais pittoresque et folklorique avec ses petits métiers qui résistent à l’industrialisation. Cette figuration, imposée par quelques artistes venus de l’Est qui s’appuyaient sur des images et des descriptions littéraires, est rapidement repartie vers la peinture, via Utrillo, et la littérature, par le truchement de romanciers tel Francis Carco.
28Cette métropole, qui a perdu à la fois sa dangerosité médiévale et sa moderne froideur Second Empire ou Art déco a su séduire tant les générations successives de spectateurs, français et étrangers que la Ville de Paris a cru bon de classer la façade du véritable Hôtel du Nord – qui appartenait aux parents du scénariste Eugène Dabit – dans lequel rien ne s’était joué, puisque le tournage s’était intégralement effectué dans les studios de Boulogne-Billancourt. Si le jeune public n’a plus guère l’occasion, aujourd’hui, de découvrir les films de Marcel Carné et René Clair, il a, par contre, vu et revu Amélie Poulain, film qui réactive ad nauseam la légende d’un « réalisme poétique et social » jamais défini, dans lequel le peuple, condamné à vivre sur des seuils et sous le regard d’autrui, à défaut de faire son histoire, peut avoir un « fabuleux destin ».
Notes de bas de page
1 En février 1920, tous les artistes qui ont suivi Ermoliev embarquent sur un bateau qui gagne Constantinople. En juin, après une escale à Marseille, ils gagnent Paris et s’installent à Montreuil, fondant la Société Ermoliev. Ermoliev et Pratazanov (dont le nom sera orthographié Protozanov après son retour à Moscou, en 1923) partent rapidement pour Munich puis Berlin et laissent l’entreprise de Montreuil, baptisée Albatros, à Alexandre Kamenka et Noé Bloch. En 1924, tous les réalisateurs russes de la maison (Tourjanski, Protozanov, Volkov) sont repartis et travaillent en Allemagne, à la UFA, ou en Russie, dans les studios de la Mejrabpom-Rouss dirigés par Moïsseï Aleïnikov.
2 Titre de l’ouvrage d’Alexandre Trauner, Décors de cinéma, Paris, Jade/Flammarion, 1988, 236 p.
3 Je me suis limitée ici aux écrits de Iakob Protozanov, de Sergueï Eisenstein et de Leonid Trauberg, les trois cinéastes congénères de Lochakoff, qui ont le plus évoqué dans leurs mémoires, lettres, livres de souvenir... leurs influences littéraires et iconographiques concernant Paris.
4 Leonid Trauberg, Svejest’ byta (La Fraîcheur de la vie quotidienne), Moskva, Kinocentr, 1989, chap. 15. Et Kogda zvëzdy byli molodymi (Quand les étoiles étaient jeunes), Moskva, Isskoustvo, 1976.
5 Dans La Nouvelle Babylone, film réalisé par Crigori Kozintsev et Leonid Trauberg, l’opérateur, Ivan Moskvin et le décorateur, Evgueni Eneï, se sont beaucoup inspirés des impressionnistes. Certains plans, notamment ceux du bal et de Versailles, reproduisent fidèlement des toiles de Manet, Degas, Renoir et Toulouse-Lautrec.
6 Fabriquées respectivement dans les imageries Pellerin et Deckker.
7 La carte postale est née durant la guerre de 1870 et s’est développée au moment de l’exposition parisienne de 1900.
8 Sergueï M. Eisenstein, Mémoires 2/Œuvres 5, Paris, UCE 10/18, 1979, p. 249.
9 Alexandre Trauner, Décors de cinéma, op. cit., p. 60.
10 Albert Robida, après un séjour à Vienne en 1873 puis de nombreux voyages effectués de 1875 à 1879 en Europe, avait dessiné une série Les Vieilles Villes (Paris, Maurice Dreyfus, 3 tomes, 1878-1880), sorte de guides touristiques abondamment illustrés sur les villes anciennes d’Italie, de Suisse et d’Espagne. La Première Cuerre mondiale inspira ensuite à Albert Robida Les Villes martyres (Paris, E. Baudelot, 1914).
11 L’Assommoir, chap. i, p. 8., dans la coll. « Petits classiques Larousse », 2001.
12 On songe aux descriptions des courettes de Lille et des taudis de l’Ile de la Cité et de Mouffetard décrits par les médecins (Villermé, Thouvenin...) des Annales d’hygiène publique et de médecine légale. Voir les commentaires d’Alain Corbin dans Le Miasme et la Jonquille, Paris, Aubier, 1982, rééd. Flammarion, coll. « Champs », 1987.
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