Naples : aux détours d’un cliché
p. 277-290
Texte intégral
1Au nom de Naples, une image au moins nous vient à l’esprit, que nous y soyons nous-mêmes allé ou non : celle du fameux golfe de Naples, pin parasol au premier plan et Vésuve en arrière-plan. Qui d’entre nous, en effet, n’a jamais eu l’occasion de le contempler tel qu’il apparaît sur la plus courante des cartes postales chargées de représenter la ville ? Cette vue que nous connaissons tous est prise, traditionnellement, depuis l’ouest de Naples, et plus précisément depuis le lieu-dit de la Tombe de Virgile, c’est-à-dire du haut des escaliers de Sant’Antonio, au-dessus du port de Mergellina, là où commence le quartier résidentiel s’étendant sur le mont Pausilippe.
2Dans l’une des longues phrases de ses mémoires plus ou moins mêlées d’affabulations, Bourlinguer, publiées pour la première fois en 1948, Blaise Cendrars ne manquait d’évoquer, dans ses pages consacrées à Naples, le succès énorme que rencontra cette célèbre vue. Un succès tel, qu’il fit la fortune du père d’une de ses amies d’enfance, milanais et photographe de cour, lequel se l’était appropriée :
« Ricordi avait gagné beaucoup, beaucoup d’argent en photographiant cette fameuse vue tirée à des millions et des millions d’exemplaires sur cartes postales glissées par les touristes étrangers dans les boîtes aux lettres, avant tout des couples en voyages de noce qui adressent ce souvenir de leur lune de miel à tous leurs parents, amis et connaissances, et que le service des postes distribuait dans tous les pays du monde, et c’est justement pourquoi, parce qu’il avait fait fortune - et aussi pour couper l’herbe sous les pieds à tout concurrent photographe qui se serait présenté d’improviste – Ricordi avait acheté le tombeau de Virgile et l’avait fait enclore et fermer d’une vieille porte rapiécée, le photographe de la Cour étant très près de ses sous et ennemi de la dépense1. »
3Mais si Cendrars signale ici au passage combien la diffusion de cette vue, reproduite à l’infini, consacrait une nouvelle ère du voyage, consacrait l’avènement du tourisme moderne, l’écrivain ne l’inscrit pas en revanche dans cette longue tradition qui l’avait précédée : le « Grand Tour » et l’iconographie dont il s’est accompagné.
Un cliché ancien
4On sait que Naples constituait une étape incontournable du « Grand Tour », ce voyage qui, en Europe, achevait la formation des jeunes gens issus des classes les plus privilégiées et qui devint à partir du xviie siècle une véritable institution, un parcours obligé. Cette mode fut à l’origine de bien des stéréotypes, littéraires et visuels, qui se présentaient comme autant de jalons de ce que devait être le voyage en Italie. L’iconographie rassemblée par l’historien de l’art, napolitain lui-même, Cesare de Seta, en particulier dans l’ouvrage qu’il a consacré à L’Italia del Grand Tour2, permet de repérer très distinctement ceux-ci. Ainsi, nous pouvons avec lui remonter le fil des représentations de Naples jusqu’à ces vedute qui, depuis le xvie siècle, ont cherché à embrasser la ville d’un seul regard. Dans ses ouvrages, examinant cartographies et vedute peintes, Cesare de Seta s’est en effet attaché à mettre en évidence les paradigmes visuels successifs auxquels ont répondu, au cours des siècles suivants, les vues de Naples. Des vues réalisées par des peintres le plus souvent étrangers, et destinées en premier lieu au marché des voyageurs du « Grand Tour ».
5Or, il repérait dans le courant du xviiie siècle un profond changement, une crise des représentations traditionnelles : désormais, écrit-il, la « croissance de l’organisme urbain ne permet plus de le représenter – sans manquer à la crédibilité topographique – depuis un point de vue unique, central et global3 ». Les représentations de la ville, effectivement, se subdivisent alors entre trois types de points de vue : images frontales de Naples, vues depuis l’est (Napoli daponente), et enfin vues depuis l’ouest (Napoli da levante). De ces trois points d’observation différents, le dernier va peu à peu prédominer, jusqu’à devenir un véritable cliché. Gaspar Butler, dont nous ne connaissons toutefois que six toiles et sur lequel nous disposons de très peu d’informations, ignorant jusqu’à sa nationalité, semble être le premier à avoir choisi, dès 1730, de représenter la ville depuis ce point de vue précis : les escaliers de Sant’Antonio. Très vite d’autres suivirent son exemple, comme ce fut le cas notamment de Tommaso et Juan Ruiz – des peintres dont nous savons tout aussi peu –, ou encore d’Antonio Joli (cf. planches, n° 24).
6Si ces vedute du xviiie siècle firent un « paradigme canonique » de ce mode de représentation de Naples « depuis les collines environnantes », celui-ci, surtout, – relève encore Cesare de Seta – « culminera dans l’invention au xixe siècle du stéréotype encore dominant4 ». Un stéréotype, ou mieux un cliché, que l’astucieux investisseur évoqué par Cendrars eut l’ingéniosité de transposer sur un support alors en plein essor : celui de la carte postale. Et qu’à son tour le cinéma véhiculera très largement lui aussi.
Le panorama au cinéma
7Certes, ce cliché semble avant tout destiné à qui aborde Naples de l’extérieur, jeunes voyageurs cultivés ou touristes pressés. Roberto Rossellini, ainsi, désigne dans Voyage en Italie (1953) le regard qui se porte sur la baie depuis les fenêtres de l’un de ces grands hôtels du bord de mer, réservés à une riche clientèle internationale. Si le point de vue, ici, n’est pas exactement celui de la traditionnelle carte postale, il participe toutefois de la même approche : le panoramique sur la gauche, qui balaye lentement l’horizon en nous présentant au passage le profil brumeux du Vésuve, permet surtout de tenir la ville à distance. Des voix ont beau s’élever depuis la rue et entrer par la fenêtre ouverte, le regard est distant. Celui de la protagoniste, plus encore que celui de la caméra : un regard absent, distrait, dont témoigne le faux-raccord reliant (mal) le plan descriptif et le plan sur le personnage, selon un procédé que Rossellini utilise de façon répétée et significative dans son film, comme l’a très bien souligné Alain Bergala5. Dans ces premières images de jour situées à Naples, nous commençons ainsi par adopter une vision touristique dont, avec la protagoniste, nous nous détacherons peu à peu au fur et à mesure que le film progresse : Mrs Joyce (Ingrid Bergman), lors des trajets qui la mènent aux lieux les plus renommées qu’elle veut visiter, entrera peu à peu en contact avec Naples, abandonnant enfin dans les dernières séquences le guide qu’auparavant elle tenait constamment en main et qui filtrait sa perception de la ville. Mais, bien sûr, l’attrait exercé par le panorama n’est pas l’exclusive du seul regard étranger.
« Mario Merola met un bon quart d’heure pour entrer en scène. Le premier applaudissement va à une vue panoramique du golfe en technicolor : à qui s’adresse cet applaudissement ? À Naples, à soi-même6. »
8Le journaliste qui relatait ainsi, en août 1979, le début d’une projection de I contrabbandieri di Santa Lucia (« Les contrebandiers de Santa Lucia »), d’Alfonso Brescia, relève bien la valeur toute particulière dont semble investi ce panorama quand il est vu de l’intérieur. Mais sans doute nous faut-il, avant de poursuivre et afin de mieux saisir les enjeux de tels applaudissements, préciser de quel genre tout à fait spécifique relève le film en question : celui, souvent méconnu, du film-sceneggiata, dont le chanteur napolitain Mario Merola était en effet, alors, le principal représentant. Car il s’agit avant tout de film chanté. Née dans les années vingt comme forme théâtrale visant à contourner une taxe sur les spectacles musicaux, la sceneggiata a effectivement pour première caractéristique de mettre en scène une action dramatique extrêmement codifiée, à la seule fin de justifier l’exécution d’une chanson à succès. De même, les films-sceneggiate, qui sont la transposition cinématographique de ce type de spectacle, sont entièrement articulés autour des chansons interprétées par leur(s) protagoniste(s), divi des quartiers populaires de Naples. Lesquels re-proposent ainsi à l’écran leurs succès du moment, destinés à un public essentiellement, voire exclusivement méridional, sinon strictement napolitain.
9Qui a eu l’occasion d’assister à une projection, à Naples, d’un film du genre – de plus en plus rare, toutefois – n’a pu qu’être saisi par l’atmosphère de fête collective dont elle s’accompagne : le public venu en famille, ou du moins en groupe, applaudit les moments forts, interpelle les personnages pour les encourager ou les blâmer, chante en chœur dès que la bande-son entame un air qu’il reconnaît... Quelle valeur, dès lors, attribuer aux applaudissements saluant les images du panorama proposées – comme très souvent dans les films du genre – dans I contrabbandieri di Santa Lucia, applaudissements dont l’on peut donc considérer qu’ils sont à la fois expressément populaires et expressément locaux ? On peut considérer qu’ils ne sont pas simplement la marque d’un sentiment d’auto-exaltation. Une autoexaltation exprimée par une ville – laquelle a par ailleurs, rappelons-le, de lourds problèmes d’image – dès lors qu’on lui tend le miroir d’une vue homologuée par tous et par tous désignée à l’enthousiasme... Ces applaudissements, bien plus, sont d’après nous la manifestation de ce que le public accueille ces vues du panorama comme une « formule devenue rituelle » participant de cet « esprit de communion » que favorise le cliché, selon un processus que les travaux de Ruth Amossy ont contribué à mettre en avant7.
10Les films-sceneggiate, surtout, jouent tout entiers dans ce sens sur une iconographie extrêmement conventionnelle, de même que les chansons qu’ils mettent en scène. La place de choix qu’y occupe la célébrissime vue sur le golfe, utilisée de façon récurrente comme toile de fond pour les morceaux chantés (tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’une scène de couple), n’a donc guère de quoi étonner. Et ce, d’autant moins que les films du genre sont loin d’avoir le privilège d’un tel recours : nombreux sont les films qui utilisent, en ouverture notamment, ce type d’image – décor pour signifier Naples de la façon la plus immédiate qui soit et nous pourrions en puiser bien d’autres exemples dans la filmographie italienne de ces vingt dernières années. Cependant, plus qu’à ces films qui se contentent de reproduire le (trop) fameux cliché, c’est bien plutôt à ceux qui en jouent et le déjouent que nous voudrions nous intéresser.
Ouvrir un jeu
11Au tout début des années quatre-vingt-dix, l’émergence simultanée de plusieurs réalisateurs napolitains attira une attention nouvelle sur la ville. Ce phénomène, qu’on eut tôt fait de cataloguer comme une « nouvelle vague napolitaine », intrigua d’autant plus les commentateurs que les films présentaient sous un jour différent la ville où ils se déroulaient : une ville que l’on ne croyait pourtant que trop bien connaître. Parmi ceux qui suscitèrent alors l’intérêt, Mario Martone, considéré souvent comme le fer de lance de ce renouveau, est l’un des rares dont les films ont été également distribués en France. Il est vrai qu’il était déjà un metteur en scène de théâtre reconnu quand sortit, en 1992, son premier long-métrage : Mort d’un mathématicien napolitain (Morte di un matematico napoletano).
12Dans ce film, le temps de la fiction est resserré sur la durée d’une semaine : la semaine qui a précédé le suicide en mai 1959, réellement advenu, de son protagoniste, le mathématicien napolitain Renato Caccioppoli. Le récit procède par journées, journées à chaque fois annoncées par une didascalie. La fiction débute un vendredi, et le film est déjà depuis longtemps commencé quand intervient la courte séquence sur laquelle nous voudrions maintenant nous attarder, puisqu’elle concerne le mardi suivant, soit la cinquième de ces journées. Nous, spectateurs, sommes par conséquent déjà installés depuis longtemps dans ce cadre urbain particulier qu’est Naples – une Naples de la fin des années cinquante, donc – quand nous assistons à l’arrivée en ville d’un personnage féminin, que nous voyons alors pour la première fois. Au chauffeur de taxi qui l’attend à la sortie de la gare de Mergellina (c’est-à-dire non pas la gare centrale, mais celle qui se trouve à l’ouest de la ville), nous entendons alors celle-ci demander de se rendre au palais Cellamare, l’un des palais qui se trouvent dans le centre de Naples, mais de s’arrêter auparavant un instant aux « rampe di Sant’Antonio ». C’est-à-dire à l’emplacement précis du point de vue panoramique d’où, classiquement, l’on vient admirer, peindre, photographier ou encore filmer le fameux paysage de la ville s’ouvrant en amphithéâtre sur son golfe.
13Ainsi, Mario Martone instaure chez son spectateur un horizon d’attente bien déterminé : cas d’espèce dans lequel, remarquons-le au passage, coïncident le sens littéral du mot « horizon » et son sens figuré tel que l’utilise l’esthétique de la réception d’après la terminologie inaugurée par Hans Robert Jauss8. Le réalisateur fait en effet ici une référence très claire au cliché le plus conventionnel qui soit, qu’appelle le lieu même dans lequel il vient filmer. Cela étant, cette référence reste implicite et s’adresse plus ou moins sciemment, semble-t-il, avant tout au spectateur averti, c’est-à-dire, en l’occurrence, à un spectateur spécifiquement napolitain. Lequel sera, très certainement, le plus à même de saisir celle-ci, à la seule évocation des « rampe di Sant’Antonio9 ». Tout comme il sera incontestablement le plus à même de saisir l’ensemble des dialogues qui – fait nouveau – laissent une large place au dialecte napolitain.
14La volonté de respecter scrupuleusement la topographie réelle de sa ville, dont témoigne encore Mario Martone dans son film suivant, L’Amore molesto (L’Amour meurtri), ne relève-t-elle pas de la même démarche ? Certes, le réalisateur y voit surtout, quant à lui, la nécessité d’éprouver la « vérité essentielle des lieux » : « La caméra est en quelque sorte une machine de la vérité : si l’on essaye de tricher, il y a quelque chose qui cloche10. » En même temps, tout en en relativisant l’importance, Mario Martone ressent le besoin de distinguer, à ce sujet, entre réception napolitaine et réception non-napolitaine de ses images :
« Bien évidemment, cela n’a aucune importance pour un spectateur de Bologne [...] que l’on puisse se rendre compte que dans le film une voiture se déplace d’un lieu à l’autre en un temps crédible dans la réalité. Et le fait qu’un Napolitain puisse s’en rendre compte ne peut avoir d’intérêt que jusqu’à un certain point : cela m’est utile, à moi, en tant que technique, vraiment. Une technique que j’adopte pour créer une autre réalité11. »
15Pour en revenir maintenant à notre séquence de Mort d’un mathématicien napolitain, encore nous faut-il examiner plus attentivement ce qu’il y advient de cet horizon d’attente instauré chez le spectateur – et en premier lieu, donc, chez le spectateur napolitain. En d’autres termes, ce qu’il advient, à l’image, du fameux panorama que ce spectateur, très certainement, attend. Contrairement à toute attente, déjà, le premier plan qui nous met en présence de ce lieu n’est pas un plan général sur la vue traditionnelle, n’est pas ce plan qui devrait s’imposer, mais un plan rapproché sur une cage à oiseau. Le panorama, lui, s’il se laisse deviner, ensoleillé, en arrière-plan, reste flou. L’effet est de plus accentué par les barreaux de la cage qui grillagent tout le cadre. Ce grillage, d’autant plus que ses lignes sont très sombres, ajoute effectivement un obstacle supplémentaire – par ailleurs fortement symbolique – à la visibilité de l’arrière-plan, pourtant lumineux : nous voici face à une grille d’ombre derrière laquelle nous pouvons seulement supposer, non pas voir, le panorama. Or, le plan suivant, malgré un cadrage plus large, ne nous montre pas davantage le golfe sur lequel, nous le devinons, s’ouvre la terrasse du petit restaurant où nous sommes arrivés. Bien qu’il occupe le centre de la surface de l’écran, il est toujours relégué dans le flou. Ainsi, il « bouche » l’image bien plus qu’il n’ouvre une perspective. Et ce, d’autant plus que là encore plusieurs lignes barrent le champ, s’échelonnant dans la (courte) profondeur : la carrosserie du taxi à l’arrêt, les piliers et le toit de la terrasse, entre lesquels vient s’insérer de plus la cage à oiseau.
16La protagoniste, et comme elle la caméra, se dirige aussitôt vers l’oiseau, et n’accorde pas même un regard à la vue qui, nous le savons, s’offre pourtant à elle. Nous pénétrons ensuite directement avec elle à l’intérieur. La présence du panorama n’est alors même plus signalée. Certes, elle s’arrête devant une fenêtre pour discuter avec la tenancière de l’endroit, mais, de façon symptomatique, cette fenêtre donne sur une cour intérieure et n’est aucunement une fenêtre ouverte sur le fameux panorama. Enfin, le personnage quitte les lieux sans que nous en voyions davantage : un « cut » nous place, immédiatement après, au beau milieu d’une réunion dans les bureaux de l’université.
17Ainsi, le réalisateur évite soigneusement d’aller cadrer le panorama classique, tout en en laissant deviner la présence. S’il instaure un horizon d’attente chez son spectateur, ce n’est donc que pour mieux détromper cette attente : il prend appui sur le cliché, puis l’escamote. Ce faisant, il opère un décentrement de l’image ; mieux encore, de l’imaginaire convenu. Refusant de recadrer, créant un décalage entre ce qu’attend le spectateur et ce qui lui est montré, Mario Martone se réapproprie le regard ; un regard qui peut s’autoriser à faire fi du belvédère s’offrant à lui. S’ouvre alors un jeu dans les représentations collectives : un jeu dans lequel il sera possible, peut-être, de réactiver un rapport imaginaire à la ville.
Déplacer l’horizon
18Avant que ne sorte Mort d’un mathématicien napolitain, un autre premier film avait déjà contribué à déplacer le regard habituellement porté sur la ville – et, entre autres, sur le panorama auquel celle-ci fait face – : Vito e gli altri (« Vito et les autres ») d’Antonio Capuano, datant, lui, de 1991. Il s’agit ici d’un « récit de formation » : la formation, comme l’indique le titre du film, de « Vito et des autres ». Antonio Capuano s’attache en effet à y mettre en scène des enfants de douze ou treize ans qui vont connaître un passage accéléré à l’âge adulte. Lequel signifie pour la plupart d’entre eux l’entrée dans le monde de la délinquance. Dans le film, le panorama intervient à deux reprises, et à chaque fois de façon appuyée. Nous nous arrêterons sur la seconde, qui constitue la toute dernière séquence du film et utilise ainsi le panorama comme une sorte de phrase finale.
19La description, cette fois, est longue et procède d’un mouvement lent, considérant le panorama qui s’offre à la vue mais pas seulement : un panoramique à 360° relie en effet, dans un long mouvement continu, la baie et les enfants, « Vito et les autres », qui, absorbés, la contemplent. Antonio Capuano, ainsi, ne nous présente pas ce panorama comme une simple toile de fond, ou même comme une vue, une veduta, qui impliquerait une certaine mise à distance. Réunissant dans un même cercle paysage et personnages, c’est bien plutôt un environnement qu’il filme. Or, nous ne sommes plus ici devant le panorama classique, mais au nord-ouest de la ville, devant une autre baie : la baie de Bagnoli, investie par les industries sidérurgiques12.
20La première fois que le réalisateur fait intervenir ce panorama dans Vito e gli altri, après seize minutes de film, il le fait avec la même séquence, exactement identique si ce n’est par l’élément sonore. La bande-son y est en effet totalement silencieuse, selon un procédé auquel le réalisateur a recours de façon récurrente : très souvent dans son film, il utilise le silence total sur ses images du paysage urbain afin de leur donner plus d’impact, afin d’arrêter davantage l’attention sur ce qu’il donne alors à voir. Quand il reprend la même séquence pour le finale en revanche, il l’accompagne en grande partie de cette musiquette qui est celle des jeux vidéos devant lesquels au cours du film nous retrouvons souvent ses jeunes personnages : une petite musique enjouée qui résonne avec une profonde ironie à l’oreille du spectateur, car ce qu’il a vu jusqu’à présent n’était ni léger ni gai. Cette ironie est aussi présente, bien sûr, dans les images elles-mêmes.
21En choisissant de filmer son panorama au coucher du soleil, figure convenue s’il en est du cliché touristique, Antonio Capuano se situe délibérément sur le terrain de la carte postale la plus conventionnelle, laquelle utilise bien volontiers la photogénie particulière de ce moment de la journée. Mais ce cliché, il le déplace. Mieux, il en déplace l’horizon. Comme dans l’exemple précédent, le cliché est ainsi utilisé comme relais implicite : une référence « obligée » du spectateur que l’on n’évoque que pour mieux, en déplaçant le regard, déglacer l’image qui s’était figée.
22Le réalisateur filme ici non plus le panorama sur lequel s’ouvre la ville de Naples elle-même mais celui qui fait face à l’une de ses agglomérations. Ce qui signifie considérer non plus la ville elle-même, mais surtout la métropole que Naples est devenue : une aire métropolitaine qui compte aujourd’hui plus de trois millions d’habitants13. Il nous faut préciser toutefois que ce changement d’horizon est beaucoup moins subversif qu’il ne pourrait le sembler. Cet autre panorama est en effet représenté dans plusieurs autres films qui ressortent, eux, d’un registre beaucoup plus conventionnel, sans y être du tout chargé d’une connotation négative. On peut ainsi en signaler la présence dans au moins trois films qui relèvent du genre de la sceneggiata : Carcerato, d’Alfonso Brescia, et L’Ultima volta insieme, de Nini Grassia, tous deux sortis en 1981, ainsi qu’Annarè, lui aussi de Nini Grassia mais sorti plus récemment, en 1998. Dans ces trois exemples de plus, le panorama de Bagnoli est utilisé comme toile de fond pour des scènes de couple, c’est-à-dire exactement de la même façon que l’est, si souvent, la vue classique sur Naples et sa baie. Ce qui conduit à penser, aussi surprenant que cela puisse paraître s’agissant d’un site industriel, que ce nouveau panorama a été pleinement intégré par l’imaginaire collectif napolitain, au même titre que toute autre vue panoramique. Ainsi, s’il témoigne dans notre exemple d’une démarche ironique, le fait de filmer la baie de Bagnoli est sans doute beaucoup moins dérangeant pour les représentations collectives que les images que, revenant maintenant au réalisateur Mario Martone, nous allons examiner pour finir et qui proposent au spectateur un tout autre cadre.
La volte-face
23Comme dans le précédent Mort d’un mathématicien napolitain, l’action du deuxième long-métrage de Mario Martone, L’Amore molesto (L’Amour meurtri, 1995), est resserrée sur quelques jours seulement. Plus précisément, ici, sur deux jours : ces deux jours qu’une femme passe à Naples à l’occasion de l’enterrement de sa mère, disparue dans des conditions mystérieuses. La protagoniste, qui n’est pas retournée dans sa ville natale depuis plusieurs années, habite désormais à Bologne, et c’est là que nous l’ont montrée les premières séquences. Les premières images qui considèrent Naples interviennent ainsi dans un second temps, après le prologue à Bologne : elles introduisent la séquence de l’enterrement (cf. planches, n° 25).
24Dans ces images, on le remarque d’emblée, ni mer, ni ciel : nul horizon. Si la caméra adopte dans ce cas encore un point de vue surplombant, celui-ci, en quelque sorte, « écrase » la ville au sol, cette dernière emplissant totalement le cadre. Bien plus qu’une vue d’ensemble, organisée de façon cohérente, c’est un morceau de ville que le cadre découpe, arbitrairement, dans ce qui apparaît dès lors comme un magma urbain, comme une étendue métropolitaine sans limites arrêtées. On est loin, ici, de cette ville à l’« image dense et brillante » que prônait l’urbaniste Kevin Lynch dans des travaux qui ont fait date sur L’Image de la cité et sa lisibilité ! Loin de cette « impression d’ensemble » où « les voies mettraient en évidence et amorceraient les quartiers, et lieraient ensemble les différents nœuds », où « les nœuds serviraient de joints et jalons aux voies, tandis que les limites seraient les frontières des quartiers et les points de repère des indicateurs de leur centre14 » ! Dans cette vue, aucun relief ou monument sur lequel le regard pourrait achopper, aucun espace vacant : les constructions l’occupent tout entière. Naples est, dès cette première image, placée sous le signe de la saturation. En outre, cette saturation n’est pas que visuelle, elle est également sonore : une musique dissonante envahit la bande-son, et se superposent à elle non seulement une mélopée mais encore l’écho de rumeurs urbaines.
25Le spectateur est ainsi immergé d’entrée de jeu dans un espace urbain fortement prégnant. Tout d’abord sur le plan visuel car, bien qu’il domine cet espace, le regard ne peut y saisir aucun point de fuite. Surtout, contredisant la distance qu’implique le point de vue surplombant et la « mise à plat » de l’espace qui en découle, Mario Martone fait appel non seulement au sonore mais également à l’évocation des sensations olfactives pour mettre le spectateur en relation directe avec la ville, avec l’univers sensible dans lequel il l’introduit. C’est en effet par une association olfactive que nous arrivons à Naples : par un fondu enchaîné sur la protagoniste qui respire une odeur familière, profondément intime : l’odeur maternelle que porte encore le dernier vêtement retrouvé sur le corps de la défunte. Une odeur qui pour elle est étroitement associée à l’univers napolitain.
26Le réalisateur engage donc son spectateur dans une appréhension sensible de la ville qui n’est pas confiée au seul regard, au seul sens visuel, mais convoque d’autres perceptions. Il ne considère pas, cette fois, un panorama que progressivement il découvrirait : le plan est fixe, animé simplement du mouvement d’un nuage. Nuage dont l’ombre, peu à peu, recouvre de plus en plus ce morceau d’espace que le cadre découpe dans l’étendue d’une ville présentée comme extrêmement dense, qui déborde le regard et par laquelle le regard est débordé.
27En détournant le regard du classique panorama et en choisissant de filmer en premier lieu, c’est-à-dire pour la première identification de la ville, une Naples de l’intérieur, une Naples sans horizon, Mario Martone effectue une véritable volte-face. Il ne considère plus le Golfe, mais la ville elle-même. Ce faisant, il nous permet de saisir a contrario ce qui rend si utile, voire même nécessaire, le recours au cliché habituel : ce cliché fait écran. Il donne un semblant d’unité à une ville fragmentaire, chaotique, et dont il est particulièrement difficile de cerner les contours. En tant que tel, il est investi d’une indéniable valeur idéologique : image d’une prétendue harmonie, il ignore les ruptures et les clivages15. Il demeure en effet, aujourd’hui plus encore peut-être que par le passé, la seule image de la ville sur laquelle les représentations collectives napolitaines peuvent se rejoindre : la seule image commune, fédératrice. Car regarder le panorama, c’est tourner le dos à la ville et à ses discontinuités.
Murs et fragments : la ville discontinue
28Le nouveau cinéma napolitain, en revanche, insiste sur ces discontinuités mêmes et le jeu sur le cliché panoramique n’est qu’une de ces modalités par lesquelles les réalisateurs battent en brèche les représentations collectives. Pour ce faire, la matière qui s’offre à eux est d’autant plus riche que ces représentations apparaissent fortement modelées par les constructions stéréotypées.
29Ainsi, de façon plus générale, ces réalisateurs des années quatre-vingt-dix n’hésitent pas à déstabiliser les genres, à faire appel à la distanciation, l’ironie et le trompe-l’œil, à rendre présent le passé et manifeste le latent, ou encore à déplacer perpétuellement le sens de leur récit et à livrer une vision en creux de leur objet. Ce faisant, ils nous invitent – et invitent avant tout les Napolitains eux-mêmes – à regarder dans les interstices, dans les failles : les failles d’une ville inquiète, arrivée à un moment de délicate redéfinition de son identité collective.
30Dans plusieurs films, ces failles sont rendues d’autant plus sensibles qu’elles s’inscrivent de façon visible dans les murs mêmes de la ville. Mort d’un mathématicien napolitain, tout particulièrement, revient à plusieurs reprises sur le motif du mur lépreux, voire fissuré : celui sur lequel s’ouvre le film après que l’on nous a présenté une photographie de Renato Caccioppoli ; celui sur lequel on verra par la suite ce dernier s’appuyer pour griffonner des formules au cours d’une de ses errances nocturnes ; ceux-là mêmes, enfin, entre lesquels il habite. Mario Martone nous montre en effet son personnage occupé à dessiner un schéma autour de la fissure qui s’y ouvre chaque jour davantage afin de la mesurer, puis dans une séquence ultérieure ses amis commenter en la regardant la progression de cette même fissure.
31Se détournant de la représentation trop facile proposée par le belvédère, Mario Martone parvient ainsi à revenir à une perception de sa ville. Démarche qui semble fort proche de celle dont, s’écartant de l’iconographie brevetée des vedute, témoignait déjà en son temps Thomas Jones. Le peintre gallois, parallèlement aux vues plus traditionnelles qui assuraient sa survie économique, réalisa ainsi à Naples, dès 1780, de petites études à l’huile sur papier (cf. planches, n° 26). Celles-ci n’ont de commun avec la traditionnelle carte postale à laquelle nous nous sommes depuis habitués que leurs dimensions réduites (11,4 x 16 cm), qui correspondent exactement au même format. Car ce sont en revanche de surprenants fragments découpés dans la ville qui y sont représentés : des vues frontales et prosaïques de façades de tuf poreux, des murs de maisons tout à fait ordinaires ; « des close-up [qui] dévoilaient des réalités inattendues, très poétiques16 ». Il est symptomatique que l’historienne de l’art Anna Ottani Cavina, aux prises avec l’œuvre de Thomas Jones, ait fait appel à des termes relevant du registre cinématographique : à celui de « close-up » ici, mais aussi, ailleurs, à ceux de « cadrage », de « découpage », de « mise au point rapprochée », et même de « travelling cinématographique17 ». De même, il est symptomatique que ces vues n’aient eu à leur époque aucun succès : elles restèrent dans l’atelier du peintre avant de repartir avec lui pour le pays de Galles. Ce n’est qu’en 1954, à l’occasion d’une vente aux enchères organisée par ses descendants que l’on redécouvrit ces « fragments napolitains », dont l’on salua alors l’originalité et la modernité.
32Échappant aux « exigences de lisibilité », concluait Anna Ottani Cavina, la peinture de Thomas Jones révèle « plutôt un ordre ancien, une empathie, une intimité avec le monde » ; « ce qui est tout à fait autre chose que ce rapport régi par le désir de connaissance et de maîtrise rationnelle de l’univers, qui avait jusqu’alors, pierre angulaire du système humaniste, dominé la peinture18 ». Déplacements de l’horizon et vues décalées permettent de la même façon au cinéma napolitain d’ouvrir un jeu dans l’espace de la représentation, de battre en brèche cette « connaissance » et « cette maîtrise rationnelle » dont le panorama donne l’illusion : de se jouer, enfin, d’un « art du bien voir » et de ses clichés pour tenter de retrouver l’intimité d’une perception.
Notes de bas de page
1 Blaise Cendrars, Bourlinguer, Paris, Denoël, 1948, rééd. coll. Folio, 1974, p. 134-135. Cendrars résida effectivement à Naples de l’âge de 15 à 17 ans (1894-1896).
2 Cesare de Seta, L’Italia del Grand Tour ; da Montaigne a Goethe, Naples, Electa Napoli, 2001.
3 Cesare de Seta, « L’immagine di Napoli dalla Tavola Strozzi a E. G. Papworth », Nicola Spinosa et al., All’ombra del Vesuvio ; Napoli nella veduta europea dal Quattrocento all’Ottocento, Naples, Electa Napoli, 1990, p. 37.
4 Cesare de Seta, L’Italia del Grand Tour..., op. cit., p. 174 : « Nella seconda metà del Settecento inizia la tradizione della raffigurazione della città dalle colline circostanti, che culminerà nell’invenzione ottocentesca dello stereotipo ancora dominante : Napoli o meglio la sua espansione occidentale di Chiaia, vista da Sant’Antonio a Posillipo con il pino in primo piano e il Vesuvio sullo sfondo. »
5 Alain Bergala, Voyage en Italie, Crisnée (Belgique), Éditions Yellow Now, 1990.
6 Giustino Fabrizio, « Arrivano i nostri con i motoscafi blu », Roma, 29 août 1979, première page, cité par Salvatore Santagelo dans Il cinemapartenopeo e la tradizione della sceneggiata, mémoire non publié (sous la dir. de Mino Argentieri, Naples, Istituto Universitario Orientale, 1987), p. 236 : « Mario Merola impiega un buon quarto d’ora per entrare in scena. Il primo applauso va ad una panoramica del golfo in tecnicolor : applauso a chi ? A Napoli, a se stessi. »
7 Ruth Amossy et Elisheva Rosen, Les Discours du cliché, Paris, Cedes-Sdu, 1982, p. 6 et passim, citant notamment (p. 7) l’ouvrage de Chaim Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca, Traité de l’Argumentation – La Nouvelle Rhétorique : « Mais il suffit que les formules ne soient plus obligatoires, qu’elles ne s’écoutent plus dans le même esprit de communion, pour qu’elles prennent l’allure d’un cliché... »
8 Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978, p. 56 : « Le rapport du texte singulier à la série des textes antécédents qui constituent le genre dépend d’un processus continu d’instauration et de modification d’horizon. Le texte nouveau évoque pour le lecteur (ou l’auditeur) l’horizon des attentes et des règles du jeu avec lequel des textes antérieurs l’ont familiarisé ; cet horizon est ensuite, au fil de la lecture, varié, corrigé, modifié, ou simplement reproduit. [...] La question de la subjectivité ou de l’interprétation, celle du goût de différents lecteurs ou de différentes couches sociales de lecteurs ne peut être posée de façon pertinente que si l’on a préalablement su reconnaître l’horizon transsubjectif de compréhension qui conditionne l’effet du texte. »
9 Comme le souligne encore Hans Robert Jauss en effet, ibid., p. 269 : « L’effet présuppose un appel ou un rayonnement venus du texte, mais aussi une réceptivité du destinataire qui se l’approprie. »
10 Gino Ventriglia, « Intervista con Mario Martone ; L’Amore molesto dal libro al film », Script, n° 9, juillet 1995, p. 59 : « C’è una verità sostanziale nei luoghi, nei volti delle persone che passa nella macchina da presa. La macchina da presa in qualche modo è una macchina della verità : se tu cerchi di barare, alla fine i conti non tornano. »
11 Mario Martone à A. Addonizio et al., in Loro di Napoli ; il nuovo cinema napoletano 1986-1997, Palerme, Edizioni della battaglia, 1997, p. 99 : « Chiaramente non ha nessuna importanza per uno spettatore di Bologna [..] il rendersi conto che una macchina si sposti da un luogo all’altro nel film in un tempo credibile nella realtà. E il fatto che un napoletano possa rendersene conto può essere interessante fino ad un certo punto : a me serve proprio come tecnica, una tecnica che adopero per creare un’altra realtà. »
12 Dès 1905, commencèrent à s’élever devant la baie de Bagnoli les hauts-fourneaux de l’ILVA (Industrie Lavorazione Valvole Acciaie). La vocation industrielle de la zone fut ensuite relancée dans les années cinquante par la Cassa per il Mezzogiorno, avant de connaître une crise profonde dans le courant des années soixante-dix qui conduisit à la fermeture définitive en 1990 des aciéries de l’Italsider. Le film d’Antonio Capuano est ainsi l’un des derniers à nous montrer le site en activité.
13 Pour un tableau circonstancié et une analyse des processus d’urbanisation de Naples, on se reportera avec profit à Colette Vallat et al., Naples ; Démythifier la ville, Paris, L’Harmattan, 1998. Cf. en particulier la partie III : « Urbanisme et urbanisation », p. 251-337.
14 Kevin Lynch, L’Image de la cité, Paris, Dunod, 1998 (1re éd. 1960), p. 127.
15 Sur la fonction idéologique du cliché (et, partant, de son maniement, de son retravail), nous renvoyons ici encore à l’ouvrage de Ruth Amossy et Elisheva Rosen, op. cit., p. 18 : « C’est dans la mesure où le cliché parle d’une société qu’il est révélateur – et en quelque sorte indispensable à tout discours qu’il rattache à son milieu culturel, intègre dans son intertexte idéologique. [...] Son maniement dévoile dès lors au sein du texte un rapport particulier au social et à l’idéologique. [...] Il signale une façon particulière de s’indexer au discours social : l’exploitation du cliché a, par définition, un impact idéologique. »
16 Anna Ottani Cavina, dans le texte introductif au catalogue de l’exposition Paysages d’Italie ; Les Peintres de plein air (1780-1830) dont elle était commissaire, Paris/Milan, RMN/Electa, 2001, cit. p. XXIX.
17 Ibid., p. 48 et passim.
18 Ibid., p. 55 et 56.
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