Postface
p. 289-290
Texte intégral
1Lors de la table ronde qui a clos les travaux du colloque, animée par Liliane Louvel, Jean-Jacques Lecercle et Cornelius Crowley, il a été tout d’abord souligné que le champ du superflu avait été abordé sous des angles très différents et que l’on pouvait se livrer une sorte de classification de ces approches : éthique, topologique, esthétique, économique, ontologique, politique.
2Bien sûr, l’éthique du superflu a dominé les débats, puisque la notion même invite à une acception laudative ou péjorative du terme, selon le point de vue, l’époque, le champ d’application considéré. Il est apparu très vite que la notion de superflu s’inscrit dans une temporalité, et que la subversion des limites qu’elle peut incarner évolue avec le temps et le contexte, qu’il soit social (les figures de l’excentré) ou esthétique (littérature, peinture ou musique). Cette fonction politique du superflu reste constante, même si ses contours changent. Une histoire du superflu reste donc à établir, tant le terme a des acceptions différentes suivant les époques. Le superflu de Shakespeare et de Burton n’est pas le même que celui des économistes du xviiie siècle anglais, et encore moins celui de Sherlock Holmes.
3De nombreuses communications se sont intéressées à l’économie du superflu, qui est aisément identifiable, que celui-ci soit fustigé par Bentham ou encouragé par Malthus. Des dépenses jugées inutiles des Workhouses à la défense du luxe de Bath, chacun peut mesurer le degré de superflu auquel il est fait référence.
4Les choses sont plus complexes et mouvantes dans le domaine de l’art. Si cer esthétiques se réclament du superflu (maniérisme, baroque, grotesque) alors que d’autres se fondent sur son élimination (classicisme, minimalisme), la question de l’objet d’art superflu repose le débat dans un plus vaste contexte, celui des rapports entre art et société et celle de son utilité. De nombreuses communications ont défendu l’idée que l’œuvre d’art participe de l’efflorescence de la vie.
5Les débats et la réflexion ont rencontré quelques points de résistance et de frustration :
- Bien que superflu et art aient évidemment quelque chose à voir, on peut se poser la question de la pertinence du terme en esthétique, où tout signe est censé faire sens. Le superflu serait alors situé au point de d’équilibre ou de rupture où l’entrop menace. Le superflu serait ainsi un risque à prendre pour l’artiste.
- Il reste à se pencher sur une grammaire du superflu. Y a-t-il des marqueurs du superflu dans la langue ?
- La psychanalyse a été rarement sollicitée au cours de la réflexion. Pourtant, elle a sûrement quelque chose à dire du superflu.
6La question du temps a été soulevée de plusieurs façons. Le superflu est-il lié à une suspension du temps, à une instantanéité, une intensité qui se dérobe aux limites de l’espace-temps ? La multiplicité des voix est-elle une façon de combattre l’inexorabilité du linéaire ? Par ailleurs, le superflu peut-être la marque de celui qui ne croit pas à la notion de progrès (Duchamp) ou bien, dans une appréhension du temps cyclique, il peut paraître se fondre avec le flux de la vie (Thoreau).
7Le sentiment du superflu ou la recherche du superflu sont-ils une expérience ontologique liée à la connaissance de la mort inéluctable ? Cette réflexion a amené à s’interroger sur les rapports possibles entre superflu et sublime : tous les deux peuvent être vus comme attachés à une position du sujet à distance mais présent. Le spectateur d’une scène sublime est aussi conscient de sa propre superfluité. Des relations secrètes se tissent entre superflu et sublime. Malgré tout, le spectateur des déferlements d’une tempête est protégé des dangers exposés sous ses yeux. Il est animé d’une sorte de sentiment de puissance plutôt que de son insignifiance. Le superflu lui, ne rejoint la puissance que lorsqu’il est objectivé, signe extérieur de luxe et de supériorité (Veblen), lorsqu’il va au-delà du rendement.
8Les travaux se sont conclus sur l’étymologie et l’euphonie du terme, les flux des humeurs, des corps et des sons.
Auteur
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