Le tiers pictural
Un superflu nécessaire : « l’espace hanté des images1 »
p. 231-252
Texte intégral
1En toute bonne logique napoléonienne le discours serait superflu à l’image ; elle se suffirait à elle-même selon la formule impériale « un bon croquis vaut mieux qu’un long discours ». Force d’évidence, économie, instantanéité, compréhension immédiate, tout n’y est qu’avantage. Or, on le constate, en littérature mais aussi ailleurs, lors d’une visite à une exposition, dans les essais critiques etc. l’image semble spontanément déclencher du discours, ceci parfois, ad nauseam comme pour certains tableaux canoniques, témoins : Les Époux Arnolfini, Les Ambassadeurs, Les Ménines dont on ne compte plus les exégèses. J’essaierai de montrer que non seulement le discours n’est pas superflu, mais qu’il est souvent nécessaire, inévitable, tout comme, inversement, l’image-en-texte ne se contente pas d’être un simple ornement dit rhétorique, une référence superflue, comme en excès du texte, mais qu’il y va d’une nécessité dont rendre compte permettra peut-être d’enrichir la théorie. À défaut d’un système, il s’agira de proposer un volet supplémentaire au polyptique critique ou, mieux, d’en interpréter l’envers coloré en camaïeu (je refuse le terme de « grisaille ») uniquement visible lorsque l’on passe derrière le sujet majeur, mais enfin toujours déjà-là. Tour de passe-passe pictural, supplément de peinture, triptyque en tout cas dont je vous invite à suivre les trois volets : Conversation, Annonciation et Melancholia, surplombant les trois panneaux de la prédelle : l’image en miroir, l’atelier de l’artisteet l’esprit entre-deux.
Premier volet du triptyque : la conversation ou conversion du tableau en discours
Effets de Symétries : premier axe : pas d’image sans langage
2« But what sort of meaning is that which cannot be expressed in words ? What is a picture when it has rid itself of the companionship of language and of music ? » interroge V. Woolf3. L’accès au plaisir esthétique doit-il donc forcément en passer par une autre médiation ? Y-aurait-il possibilité d’une contemplation « pure » sans le détour par le langage, mode d’accès des sens et de la perception à la jouissance raisonnée de l’œil4, lien entre aisthesis et esthétique. Mais « Dire » la peinture c’est encore affirmer que c’est du dire, du langage avant toute chose. Quid d’une pein sans le langage, sans une conscience pour la réfléchir, pour la dire ? Qu’est ce qu’une lecture picturale ? Un langage artistique ?
3François Wahl rappelle que pour nous, « comme sujets, constitués au langage […] toute expérience est pour nous de langage5 », ce qui lui permettra de réduire le discours du tableau à la phrase. Toute expérience sensible serait donc plus ou moins verbalisée, j’en veux pour preuve le discours récent d’un sommelier déclinant les qualités gustatives inouïes (pour moi) d’un vin sublime (pour lui et pour moi, sans doute, mais je n’ai pas eu l’occasion de le goûter). La pensée s’actualise dans le langage, l’intuition a un langage et Boileau dixit : « Ce qui se conçoit bien… » Logique alors que la perception d’un tableau soit un appel au discours auquel nombre de spectateurs succombent sans retenue.
4Autre facteur facilitant le passage du pictural au discursif : l’origine commune du linguistique et du visuel6. « [L]’écriture est née de l’image7 » rappelle A. -M. Christin. B. Vouilloux, lui, voit les liens entre peinture et littérature en termes de « co-implication originaire », sans relation d’extériorité entre les deux. « Ce n’est donc pas exactement un hasard si, dans la langue classique, un même mot représentation dénote ces deux modes distincts8. » Les arts visuels et la rhétorique se tiennent dans un rapport en chiasme « où s’abîment ensemble la langue et la vision, les mots qui montrent et le spectacle qui fait parler9 ». À la croisée des deux se situera ce que je nommerai plus loin le « tiers pictural ». Pour Hillis Miller, évoquant la série des tableaux tardifs de Klee, sortes de bandes d’un alphabet fictif : « [These strange signs ] are not yet either pictures or letters. They are the originating point where both coincided before their separation into the different sign functions of picturing and writing10. » Miller insiste aussi sur l’ambiguïté du mot « graphic » source de conflits : « The warfare in question is present within the word ‘graphic’which can refer either to writing or to picture11. » Où l’on voit encore se profiler l’idée du paragone, l’antagonisme entre les « arts sœurs » que l’on pourrait envisager autrement, sur le mode irénique plutôt qu’agonistique. Témoin enfin, la communauté de « lieu » que représente la polysémie du mot « graphic » en anglais.
Deuxième axe : pas de langage sans image
5Pour Martin Heusser, si l’image appelle le langage elle en fait aussi partie intégrante et de citer Platon, Nietszche, Kant, Benjamin, à la rescousse : « there is no direct or non metaphorical way of speaking12 » tout ne serait que catachrèse. On lit et on interprète le monde (son image) avant même de parler (Benjamin) « auditory and visual impressions have always carried signification, have always been language for us13 ». Dans la logique néo-platonicienne, le monde est perçu comme un texte, « the world is a monumental book full of signs14 ». D’autre part, dès le Moyen Âge, l’image, a été conçue comme donnant directement accès à des connaissances (à des déités, au cosmos, à une transcendance) que le langage ne pouvait atteindre. Elle était une source illimitée de sens. On le voit, si le langage comporte une dimension picturale, l’image, elle aussi, dépend du langage pour fonctionner. L’un (e) n’est pas le superflu de l’autre. Ils sont interdépendants. Ensuite, tout est une question de dosage.
6Hubert Damisch dans son introduction à Les mots et les images de Meyer Schapiro rappelle que
tout se passe au contraire comme si le langage – et a fortiori le langage poétique – était travaillé, dans son fonctionnement même, par la question de la figurabilité. […] En sorte qu’on serait tenté de substituer à la traduction reçue de l’adage classique qui établissait un parallèle entre poésie et peinture – ut pictura poesis, « la poésie comme la peinture » – une autre traduction, celle-là délibérément anachronique, risquée, et qui frise le contresens : « pour qu’il y ait peinture, il faut qu’il y ait poésie », et réciproquement, l’une n’allant pas sans l’autre. […] le fait qu’à un moment, à un titre ou un autre, le travail de peinture puisse ou doive en passer par les mots et, fût-ce à son corps défendant, se colleter avec eux, a pour corrélat, sémiotiquement parlant, que dans sa forme autant que dans sa substance, en son fond scripturale, toute expression linguistique participe peu ou prou du régime qu’on dira « pictural » de l’image15.
Axe médian : L’interglose nécessaire
7Si le langage est largement métaphorique et donc intègre sa dimension d’image, l’image, elle, malgré qu’en ait Napoléon, ne fournit souvent qu’un savoir incomplet et limité16, et une glose peut s’avérer nécessaire, voire tout changer lorsqu’image et texte s’entreglosent. La question du titre du tableau va illustrer ce que je veux dire.
8Martin Heusser donne un exemple savoureux concernant l’intitulation d’un tableau.
If we do not know what a given image depicts, the image has no way of conveying the knowledge to us. There is thus more than mere facetiousness in Mark Twain’s saucy remarks about the oil painting representing ‘Stonewall’Jackson’s last interview with General Lee, which he saw in the Washington Artillery building in New Orleans : Both men are on horseback. Jackson has just ridden up, and is accosting Lee. The picture is very valuable, on account of the portraits, which are authentic. But, like many another historical picture, it means nothing without its label. And one label will fit it as well as another :
– First interview between Lee and Jackson.
Last interview between Lee and Jackson.
Jackson Introducing Himself to Lee.
Jackson Accepting Lee’s Invitation to Dinner.
Jackson Declining Lee’s Invitation to Dinner –
with Thanks.
Jackson Apologizing for a Heavy Defeat.
Jackson Reporting a Great Victory.
Jackson Asking Lee for a Match.
It tells one story, and a sufficient one ; for it says quite plainly and satisfactorily, ‘Here are Lee and Jackson together’. The artist would have made it tell that this is Lee and Jackson’s last interview if he could have done it. But he coul n’t, [sic] for there was n’t [sic] any way to do it. A good legible label is usually worth, for information, a ton of significant attitude and expression in a historical picture17.
9La question des titres est passionnante18. Quelques exemples serviront à démontrer comment le rapport texte/image est exacerbé dans la correspondance entre ce qui peut sembler parfois superflu (le titre) mais est souvent nécessaire jusqu’à ce que l’art contemporain le juge superflu et le fasse disparaître après l’avoir assimilé à de simples chiffres d’inventaires.
10L’une des œuvres de Andy Warhol datée de 1967, exposée au musée de Lyon, est intitulée : Ten-Foot Flowers, titre descriptif et dénominatif, d’où un effet de redondance ou de miroir entre le titre, le tableau et la production d’une sorte de (fausse ?) modestie dans l’énoncé : « Ceci ce sont de (très grandes) fleurs (peintes) et non pas… une pipe ? » Exemple de peinture auto-référentielle qui boucle sur elle-même, titre déictique s’il en est et indice de mégalomanie narcissique. Autre exemple, même musée : Nature morte avec un paon, un singe et un perroquet, xviiie siècle français. Outre les signes ainsi répertoriés dûment constatés qui semblent aussi clore le tableau sur lui-même, comme dans le cas de l’œuvre de Warhol, ici, le titre et le tableau font allusion à autre chose et d’abord au genre de la peinture, « une nature morte » avec sujets « animés ». Ils valent pour, ont une dimension qui relève du « discours interpictural » énoncé par le peintre, discours articulé sur sa formation et sa culture. Le paon, symbole de la vanité, tout comme le singe et le perroquet, symboles de la peinture servile et imitative, semblent constituer le tableau en avertissement contre les dangers de la vanité et des facilités qui guettent le peintre trop vite rassassié des compliments de cour. Mais, on le voit ici aussi, même si le spectateur possède les référents symboliques il doit en passer par le discours pour les transmettre, énoncer le discours du tableau. La re-connaissance des symboles, de l’allégorie, le mouvement de la pensée, transite des yeux à une formulation. Il en va de même pour la pratique citationnelle de la peinture comme l’on en trouve des exemples chez Vermeer, Vélasquez, Manet, Picasso, Matisse etc. Le langage doit énoncer l’interpicturalité qui, sinon reste de l’ordre du va-et-vient de l’œil entre le tableau représentant et le (s) tableau (x) représenté (s).
11Dernier exemple du rapport complexe entre le titre et l’œuvre, exemple jubilatoire : L’objet dardde Duchamp. Pour Catherine Perret :
L’intensité de l’objet-dard est tout entière dans son titre, dans ce rendez-vous qui ne comble pas l’attente d’objet mais la relance seulement, la re-projette. […] Ce titre est non seulement ce par quoi arrive l’objet-dard, mais ce en quoi il consiste, à tel point qu’il puisse suffire à le faire exister. Ce titre définit l’opération artistique par la mise en place d’un moteur temporel, dont la première fonction est simplement d’engager la répétition. […] Le titre Duchampien prend [l’objet] pour hypothèse [et par le titre les objets sont] littéralement, supposés, mis sous condition […] ces objets sont d’emblée des noms, des mots, des représentations. Ils font partie du flux représentatif, ils sont sonores, concrets, matière à empreinte, à titre, […] des trouvailles verbales. […] La logique que [Duchamp] met en œuvre est une logique de l’événement et non une logique du concept. […] Ce qui arrive est une « image », ce qu’avec Walter Benjamin on aimerait nommer « image-pensée » (Denkbild)pour le démarquer à la fois du signe trop vite récupérable par le symbolique, et de cette apparition spéculaire reproductible qu’est la simple image19.
12Opération, événement, performance,« installation » (voir Le Musée qui n’existe pas de Buren, centre Georges Pompidou été 2002), objet auquel on décerne le statut « dard », il y a là de quoi susciter et interloquer le discours de l’image, sur l’image qui, s’il n’est pas superflu est de l’ordre de la nécessité, de l’événement surtout. Témoins les effets d’humour et d’ironie suscités par certaines créations.
Pratiques bavardes
13Ainsi, lors d’une visite à une exposition, l’expérience, la perception déclenchent de l’affect, une pensée se met en branle et s’actualise verbalement. D’abord, pour lui-même, le spectateur (se) commente les règles de la composition, la source de la lumière, la disposition des personnages ou la vibration des plages de couleurs, déchiffre le symbolisme, s’étonne de l’incongruïté du dispositif, vérifie le titre, la date etc. Le sujet percevant formalise cette pensée en boucle de la peinture sur elle-même et sur ses procédés et en vient à l’exprimer sous forme de pensée organisée (ceci [Les Ménines ] est un tableau qui problématise les questions de représentation par le biais de l’utilisation de la perspective d’une manière nouvelle, transgressive, et montre ce que c’est que créer en dévoilant le work in progress avec le suspens du pinceau arrêté à mi-course dans la contemplation [peut être] du sujet [majuscule en majesté] fixé dans le miroir du fond).
14Ensuite, le discours peut s’adresser à l’autre, le compagnon visitant la même exposition, d’où le partage de l’expérience, et la discussion. Enfin, le discours généré par l’œuvre peut aussi s’adresser à un lecteur éventuel, l’autre du critique qui doit écrire un article. Toute cette production discursive est déclenchée par le visuel, production qui pourrait sembler superflue (et l’est parfois) puisque non inhérente à l’œuvre offerte à la vue. On le sait, pourtant, il n’y a là rien que de très nécessaire.
15Outre l’expérience quotidienne spontanée, il en va de même mais d’une manière réglée en littérature. Prenons l’exemple du modernisme qui a beaucoup cultivé l’hybride, a tenté le mélange des genres, poétiques et autres. L’image déclenche immanquablement du fictif, du récit, de la rêverie. Une nouvelle de V. Woolf, « The Fascination of the Pool20 », est une vaste expansion narrative sur le thème de la contemplation. Un personnage allongé près d’un étang se prend à en animer la surface miroitante, à lui prêter une profondeur d’où surgiront des personnages du passé, des voix oubliées. C’est dans et par la fascination du regard que se produit l’effet hypnotique qui déclenche la série d’images songeuses.
16Autre nouvelle, « The Blank Page » de Karen Blixen, cultive le paradoxe de l’amalgame entre page blanche (et vide) et toile vide et blanche de tout signe. Une vieille femme y conte une histoire transmise de génération en génération de conteuses, qui met en scène quelque part dans un monastère au Portugal, une galerie de tableaux dans laquelle de lourds cadres d’or portant le nom de la jeune princesse entourent des pièces de draps de lin découpées le lendemain des noces. Or, l’une de ces toiles est restée vierge et vierge le cadre de tout nom de princesse. Face à cette absence : le silence des spectateurs interloqués qui n’en pensent pas moins furieusement tandis que la narratrice n’offre aucune explication, si ce n’est la rigueur des parents qui ont exposé, comme de coutume, le drap dans son cadre. Est ainsi mise en scène la question de l’interprétation, la sidération produite par la toile vide et blanche et ce qu’elle suggère : le sens n’en finit pas d’osciller sans parvenir à se fixer en une formulation claire. Du coup, le lecteur lui aussi reste indécis et la vérité n’a pas de « lieu » tandis que la page a elle aussi été déflorée.
17L’image peut déclencher un discours d’essayiste qui ressemble fort à de la fiction. C’est le cas d’un écrivain comme V. Woolf, face au tableau de Walter Sickert, L’ennui, dans « Walter Sickert, a Conversation21 ». Woolf part de signifiants comme la couleur, le nom du peintre, puis s’embarque dans tout autre chose. Mettant en scène l’œuvre du peintre, elle annexe la peinture et fait de son commentaire une fiction. Une habitude chez elle. Un essai narratif, hybride donc. À noter que « A Conversation », ajout au nom du peintre dans le titre de l’essai qui lui est consacré, est programmatique et révélateur, car il y va de l’essence de la littérature à en croire Jean-Jacques Lecercle22. Il s’agit bien ici de mettre en scène le discours sur l’Autre de « la poésie », la peinture, de faire concurrence à Vanessa dont trois tableaux sont intitulés A Conversation, allusion aussi à leur passe-temps commun favori « a good old gossip23 ». Il s’agissait pour Virginia de rivaliser encore une fois avec le peintre et la peinture dont elle disait qu’elle était muette, réticente, et qu’il lui revenait donc de la faire parler.
18Chez l’essayiste, le critique confirmé, l’expansion discursive prendra la forme d’une interprétation, d’une fiction d’intention, d’une recherche formelle. Ainsi, H. Miller prête une intention à un tableau de Turner d’une manière détournée :
Just as when verbal inscription and graphic representation are set side by side, each turns the other into a form of itself, so the effect of Turner’s double, triple or quadruple representation of the sun in The ‘Sun of Venice’Going to Sea is to affirm that whatever the real sun can do, his painting can also do24.
19Ce qui m’intéresse ici, outre l’affirmation de la porosité entre représentation visible et lisible, c’est l’utilisation du verbe « affirm » qui inscrit une discursivité due à l’effet de la représentation démultipliée du soleil par Turner (le discours de l’image). L’incongruïté du possessif « his » s’en trouve renforcée. Si c’est bien « l’effet de la représentation » qui « affirme », ce qu’il affirme c’est que dans la rivalité entre le soleil et le peintre, le peintre joue à armes égales. Or, « his » se rapporte bien à Turner et non à « effect » ou à « representation » comme on pourrait s’y attendre en bonne logique grammaticale. Il y a donc une intentionnalité prêtée au peintre qui est bien celui qui, en fin de compte « affirme » (au moyen de l’effet de la représentation démultipliée) que ses prouesses picturales sont les égales des prouesses du « vrai » soleil. Le discours du critique suscité par l’étude de l’un des signifiants paradoxaux du tableau aboutit à une fiction d’intention qui est de l’ordre de l’interprétation psychologique dont on peut mettre en doute la justesse. C’est que dire et décrire, c’est déjà interpréter : « la description est interprétation25 » disait Louis Marin, que l’on touche à la question de la quête du sens, mais aussi, c’est clair en ce qui concerne Les Ambassadeurs, les Ménines, tableaux lus et relus, qui ont généré une quantité de textes, à la question de la technique qui brouille les repères tout en faisant mine de les fonder.
20Face à un tableau on verbalise. L’image déclenche du discours “en plus”, voire un brin superflu parfois comme on vient de le voir. Le dialogue infini ou la relation infinie dont parlait Michel Foucault met en regard le texte et l’image. La formule est célèbre, énoncée à propos des Ménines, justement : « On a beau dire ce qu’on voit, ce qu’on voit ne loge jamais dans ce qu’on dit26. » Ici se dit la difficulté de dire l’image, d’en passer par le langage. Ce qui est une énigme, celle du dire de la peinture, de l’image, quand il s’agit de « Rendre » avec des mots à la peinture ses couleurs.
Deuxième volet du triptyque : énonciation/annonciation : phylactères ou le verbe incarné
21Non seulement l’image déclencherait du discours, mais elle-même serait discursive, elle produirait un discours. Pour François Wahl l’image est conçue comme une phrase, une suite de propositions, elle met en œuvre un discours pictural qui comporte un énoncé et une énonciation27. Le tableau formule son sujet de par sa matérialité, ses constituants mêmes, ses signifiants, son immanence. D’où l’on tire une interprétation. Conception un peu trop restrictive selon Gérald Hess pour qui, à la suite de Nelson Goodman, langages doit s’écrire au pluriel : « Du moment que la représentation artistique est bel et bien l’expression d’un langage, il convient, je le rappelle, d’envisager en réalité autant de langages qu’il y a de médiums. […] On peut se demander à ce sujet si ces divers langages artistiques sont réductibles au langage verbal, comme semble le croire F. Wahl et plus précisément au modèle de la phrase28. »
22La peinture a été rapprochée du mode discursif, on a parlé de la « grammaire d’un tableau », de sa lecture, de la « syntaxe du visible ». Dans Scénographie d’un tableau, Scheffer soumet patiemment le tableau de Paris Bordone à une dissection des signifiants et à leur mise en régie par le peintre. N. Poussin lui-même concevait les gestes de ses personnages comme autant de lettres d’un alphabet permettant de lire les émotions. Louis Marin emprunte au système sémiotique de la langue sa propre approche du tableau. La deixis va être représentée par le geste de désignation, par la figure de l’admonitorlorsqu’il « donne à voir » et soumet à la réflexion. Le système binaire espace représenté/représentant est calqué sur la binarité énoncé/énonciation. Dans ses Études sémiotiques, l’œuvre est vue comme un système de signes articulé comme un langage. Mais, on le sait, c’est dans le « comme » que tout se disjoint.
23Meyer Schapiro, quant à lui, différencie les regards qui « le regardent » et l’interpellent en un dialogue (je/tu) où le spectateur occupe une position, que l’on pourrait nommer « homodiégétique », puisqu’il est impliqué dans/par l’espace représenté et son discours), alors que si les regards ne font que s’échanger à l’intérieur de l’œuvre, ils mettent le spectateur en position « hétérodiégétique », par rapport à un dispositif où les personnages seront désignés par il (s)/elle (s)29.
24Mieke Bal parle aussi de « first person narrative » mais dans le sens où il s’agit des lieux où la présence du peintre se fait ressentir, lorsqu’il y a « an emphatic inscription in the hand of the artist » comme chez De Kooning ou Pollock. Elle parle de « third person narrative » dans le cas de « images that eliminate references to the painting process30 ». Il s’agit alors de distinguer entre une peinture « déictique » qui se réfère à la personne, le lieu et le moment de son énonciation (ici de son élaboration) et une peinture « diegystique » qui attire l’attention vers son contenu, vers la diégèse, « in both cases, if the content can be described in terms of a sequence of events, we can use the terminology of narrative31 ». Narratologue convaincue, elle transpose donc le système narratologique au système du tableau, voire à l’espace muséal : « I also want to demonstrate how narratology can inform our reading of painting, including non figurative painting32. » Ce qu’elle nomme « visual narratology » effectue le lien entre focalisation et vision : « focalization belongs to the story ; it is the layer between the linguistic text and the fabula » résume N. Bryson dans son introduction à Looking In33. Une suite de tableaux dans un musée va constituer une syntaxe34, « un discours muséal », un discours à la deuxième personne : « A museum installation is a discourse, that an exhibition isan utterance within that discourse. The utterance consists not of words or images alone, nor of the frame or frame up of the installation, but of the productive tension between images, caption (words), and installation (sequence, height, light, combinations)35. »
25Henri Meschonnic, quant à lui, mêle rythme et lumière dans son étude sur Soulages. À chacun de projeter son « dada » sur la peinture. Le rythme permettrait de voir ce qui serait caché par l’opacité du langage comme il le rappelle à propos du peintre paradoxal du noir mis en lumière par le rythme, le « noir lumière » :
Le rythme comme sujet, forme-sujet, et le sujet comme rythme peuvent dire et voir ce que le langage, mot, signe empêche de voir et de dire. En quoi la pensée de l’oralité, étrangement, se trouve solidaire d’une pensée de la peinture. Comme il y a une chaîne des paradigmes du signe, il y a une chaîne du rythme, du continu, de l’historicité dans l’art et dans le sujet. Une contre-cohérence du rythme36.
26Où l’on retrouve la question du temps, en particulier celui du regard : « La nécessité d’y inclure les mouvements du regard fait que la lumière devient du temps, le temps devient de la lumière37. »
27Michel Picard signale un défaut du langage qui ne comporte pas de terme symétrique à celui de lecteur pour désigner celui qui regarde un tableau. Amateur, spectateur, regardeur, observateur, récepteur, voyeur, ne coïncident pas avec cette activité qui, elle aussi, reste en manque d’un terme spécifique.
On ne saurait se contenter d’invoquer un vague flottement terminologique banal, un « simple problème de vocabulaire […]. Faut-il donc croire qu’une question de vocabulaire, ce trou dans le lexique d’où est partie cette réflexion, constituerait l’indice d’une déficience épistémologique majeure et décèlerait rien moins qu’une ignorance pure et simple de ce qu’est, en somme, l’art ? Le mot manque, bel et bien. […] Ce mécanisme de mystification peut parfaitement apparaître comme une caricature grossière mais dénonciatrice d’un phénomène beaucoup plus vaste, dont la scotomisation du public, l’absence de forme verbale capable de désigner l’activité artistique en elle-même et la réduction de l’art à une chose sont les manifestations les plus flagrantes38 ».
28À qui alors s’adresse le « discours » du tableau ? On le voit le point de vue ici est critique. Si l’on parle de « discours » alors le spectateur devient lecteur qui doit déchiffrer un texte. Si l’on reste dans le spectacle alors il s’agit de contempler et de voir avant de formuler. S’agit-il d’être voyeur et de rester dans le désir de surprendre l’interdit caché ? De quoi plonger le spectateur dans une profonde mélancholie.
Troisième volet : Melancholia
29Comme dans l’eau-forte de Dürer, la pensée peut être mise en forme au niveau thématique montrant l’attitude de celui qui est plongée dans une (douloureuse) méditation. Elle peut aussi présenter des objets en une nature morte dite vanité, objets symboliques (un crâne, une bougie éteinte qui fume encore, des fruits gâtés, une chenille, des fleurs en train de se fâner) agencés afin de susciter une réflexion (sur la mort, le temps qui passe) chez le spectateur. Mais la peinture peut aussi provoquer une réflexion d’ordre philosophique, conceptuel, théorique sur sa pratique.
30Comment peut-on dire (comme cela l’a été fait) que la peinture énonce et qu’elle énonce des propositions, qu’elle articule une pensée39 ? N’est-ce pas là lui adjoindre, pour certains, une fonction superflue ? Comment pose-t-elle des question à l’art et au sujet ? Où l’on retrouve l’injonction de Duchamp « faire de l’art en posant des questions à l’art ». Ne s’agit-il pas tout simplement de voir comment l’œuvre traduit la pensée, les émotions, les prérequis théoriques de son créateur ? Posons alors qu’à l’origine du tableau se trouve une pensée, une conception de la peinture, une théorie, qui sont mises en actes dans l’œuvre terminée et se retraduisent à l’autre bout de la chaîne dans l’esprit du lecteur par une peséen, selon le schéma de la triade « unissant deux sujets et un objet » relevée par M. Picard. D’où, en route, évidemment une perte due au brouillage de la transmission. La peinture donne à penser et pas seulement à voir, lorsqu’elle force le sujet à repenser « la disposition des choses sous le soleil » (pour parler comme Poussin) et leur représentation, avec le recours à des techniques comme celle de la perspective, par exemple, qui, symétriquement à sa mise en œuvre, produit une pensée de la perspective, de la représentation, de la place de l’homme dans l’univers. Où l’on retrouve la notion du « prospect » cher à Poussin, « office de raison qui dépend de trois choses, l’œil, le rayon visuel et la distance de l’œil à l’objet40 ».
31Par la mise en œuvre de la pensée préexistante et coexistante à l’œuvre plastique, car elle ne cesse d’être là dès « l’encodage » par « l’encodeur », l’œuvre révèle ses prérequis théoriques, philosophiques, artistiques. Ainsi, la perspective met en scène la pensée en peinture de la peinture. Avec l’anamorphose des Ambassadeurs, une énigme est posée et comporte sa solution si l’on adopte le bon point de vue qui amène à reconsidérer le tableau et force le spectateur à un dé-placement. Avec Les Ménines, le parcours du regard pose problème car il ne cesse de « papilloter » pour parler comme M. Foucault. L’énigme concerne à nouveau le point de vue, le comment du tableau. Comment au sens de : comment s’est-il fait, de comment c’est fait ? Où est le peintre ? Vélasquez ne peut, selon les lois de la représentation classique mimétique être à la fois dans et hors le tableau qu’il est censé être en train de peindre, ou alors, celui qu’il est en train de peindre n’est pas celui que nous voyons, mais le portrait du roi et de la reine déjà représentés par le truche du miroir du fond qui redouble le cadrage de la porte dans laquelle s’encadre un personnage homonyme. Quel point de vue ? Quid du miroir ?
32De même lorsque Hillis Miller interroge le soleil paradoxal et détriplé peint par Turner dans The « Sun of Venice » going to Sea tout commence avec le nom du bateau lui-même :
The painting on the sail duplicates the painting which duplicates the real scene, in a mise en abyme of receding representations within representations, of which the faint reflection in the water of the fishing boat and its sail is the last in the series. Painted sun and painted Venice are doubled in reverse in the sea, where the painted sun is mirrored as a dull yellow spot in the water, as though to anticipate the swallowing up of all these suns by the sea, the real sun and its simulacra41.
33La mise en abyme est un moyen métapictural servant à montrer la peinture comme reflet et réflexion. Libre ensuite au spectateur de reformuler à son tour ce que le discours de la peinture suggère. Le discours de la peinture reconnu, reformulé en s’en tenant aux signifiants du tableau, dévie et devient du discours sur la peinture lorsque l’interprétation commence à éloigner le critique de la reconnaissance des signifiants majeurs et que s’introduit par le biais révélateur du comparatif, une autre subjectivité qui n’est pas celle (du moins on n’en est pas sûr) de l’encodeur initial, mais plutôt celle du décodeur, à la réception : « as though to anticipate the swallowing up of these suns by the sea » (je souligne). Ce qui produira un peu plus loin l’affirmation ambiguë dont j’ai fait état plus haut lors du discours sur la peinture qui frôle alors la fiction ou la projection personnelle. Où l’on voit aussi que, pour se faire entendre (la synesthésie est justifiée), et là on peut rejoindre F. Wahl, la peinture en passe par ses procédés propres comme la perspective, la couleur, le trait, la transgression des modèles, l’autocitation et la citation externe (comme la présence de tableaux célèbres, du choix de l’atelier du peintre comme lieu, ou encore, variante, celui de la galerie de peinture du cabinet d’amateur42, la référence aux genres picturaux (l’autoportrait, la peinture de cour, la scène d’intérieur, le portrait).
34Écoutons les peintres pour conclure : Pour Mark Rothko la peinture exprime au-delà du visible une pensée plus abstraite, mystique…
The most interesting painting
is one that expresses more
of what one thinks
than of what one sees.
Philosophic or esoteric thought,
for example43.
35…« Exprime » mais comment ? pour qui ? On le sait dans le cas de la peinture de Rothko il s’agit de larges bandes de couleur dont les vibrations mettent en condition le spectateur, transportent l’œil et fascinent le regard. Plongé dans un état second, le lecteur est proche de la transe et la pensée abstraite peut « avoir lieu » mais seulement à partir de la sensation première, ici, avant même le percept.
36 A contrario, pour Duchamp il y a danger d’une « peinture-pensée » inobjective dont il faut se libérer grâce au titre comme moyen de différer la fétichisation de l’œuvre, en déconnectant « ces deux fonctions principales [dans le système de la langue] que sont la référence d’une part et la représentation de l’autre44 ».
Il s’agit d’empêcher l’espèce de coagulation imaginaire qui bloque la dynamique représentative, et qui entrave la pensée, au profit de cette image inobjective qu’est l’image-pensée. La question de Duchamp pourrait donc se résumer ainsi : comment libérer « un peu », comment émanciper cette puissance représentative des liens imaginaires tout en l’objectivant ? […] Ce temps de retard sur l’objet, procrastination qui en modifie le statut même d’objet, qui le « dénature », c’est ce rendez-vous où l’on se le promet juste, c’est le titre […] Le titre constitue en ce sens le mode d’objectivation de l’œuvre. Est-ce à dire que l’œuvre consiste dans un pur effet de langage ? et qu’avec Duchamp, on passerait, pour reprendre une formule de Broodthaers, de l’Art comme langage au langage comme Art45 ?
37C’est dans le va-et-vient entre le titre et l’objet exposé, qui n’est pas encore d’art (dard), que s’élabore véritablement l’œuvre et son sens, et que le spectateur-voyeur cherche La mariée mise à nu par ses célibataires même…, et se demande Why not Sneeze, Rrose Sélavy46 ? La poésie comme la peinture, avec, contre elle, produit du sens. Dans le rapport entre texte et image on s’est beaucoup interrogé sur ce que le texte apportait à l’image. Et si l’on renversait maintenant le rapport et que l’on s’interrogeait sur ce que l’image apporte d’autre au texte ? C’est ce que la trinité de la prédelle va me permettre de faire.
Prédelle du polyptique
Premier panneau, à droite : l’image en miroir
38Dans sa formule ut pictura poesis Horace assignait à la poésie la tâche de faire comme la peinture, œuvre vive et visuelle. D’où une revalorisation du descriptif et de son lieu rhétorique. Le langage devait rivaliser avec le voir. Or, si l’on examine le discours critique, on s’aperçoit que par une sorte de déviation inattendue, c’est la peinture qui a fini par être critiquée sur le mode poétique alors que même si l’on parlait de pittoresque, d’ekphrasis, d’hypotypose, finalement, les techniques propres à la peinture et à son histoire ont été peu exploitées en tant qu’outils critiques appliqués à la poésie et que l’on en est resté à un flou artistique ou métaphorique. À l’inverse, le discours sur la peinture a affiné ses outils, comme on l’a vu plus haut, appliquant les théories narratologiques, linguistiques, littéraires à l’étude du tableau dont il s’agit de « lire » la « syntaxe du visible ».
39Qu’en est-il si l’on applique à la lettre la formule d’Horace, ut pictura poesis, « la poésie comme la peinture… » longtemps interprétée comme « doit faire œuvre de peinture » sans pour autant aller au-delà d’un degré de visualité, et que l’on s’interroge sur ce que l’image apporte en plus au texte lorsqu’elle n’est pas superflue, décoration ornementale, mais nécessaire, et comment elle le fait avec ses moyens propres. Ainsi, symétriquement à l’inféodation de l’image par le langage, lorsqu’il s’agit de voir « la peinture comme la poésie », ut poesis pictura, je propose de renverser la formule et d’appliquer la théorie picturale à la poésie afin de rendre compte autrement d’un texte littéraire. Norman Bryson dans son introduction à l’ouvrage de Mieke Bal signale l’intérêt qu’il y a à s’inspirer du visuel pour l’étude du récit littéraire : « Most unexpectedly, attention to visuality is tremendously enriching for the analysis of literary narrative47. »
40Percolation, émulsion, mélange fin ou grossier, il s’agit de voir ce que la peinture rend à la poésie car si la poésie fait voir l’image, la peinture fait parler la poésie. Il s’agit donc de prendre les choses par l’autre bout, de cesser de voir comment le texte dit l’image, mais plutôt de voir comment l’image colore (dessine, structure) le texte ou le discours, ou plutôt ce que l’image en texte révèle du texte, ce qui ne se dirait pas autrement et ne peut se dire que de cette manière-là. Bref, de voir ce que le pictural et ses substituts, soit, la relation entre texte et image, l’oscillation constitutive de la bimédialité ou de l’intersémioticité apporte d’autre au texte que la simple relation intertextuelle. Ce qui me permettra peut-être de poser les bases d’une autre approche du texte littéraire vu/lu par le biais du pictural.
41Car, le pictural pourrait être un bon outil pour rendre compte d’un certain type (à fort coefficient pictural) de description ou de modes de production de textes affichant une forte concentration d’image. Comme c’est le cas du texte déclenché par l’image, non seulement par l’intervention d’un objet qui déclenche une expansion descriptive ou une rêverie sur l’objet, mais aussi lorsque l’intrigue ou l’action sont déclenchées par l’image qui s’anime (littérature fantastique), est volée (Ghosts de J. Banville), révèle (The Picture of Dorian Gray), sert de modèle auquel s’identifier (Wide Sargasso Sea) etc. L’image englobée/englobante, maternelle/paternelle, ou à mode mixte/au niveau macro textuel cette fois-ci. La structuration du texte par l’image-en-texte : cf The Picture of Dorian Gray : miroir/texte/tableau.
42D’où ma proposition d’utiliser le pictural comme clé interprétative, tentative qui serait l’ébauche de la mise en place d’une approche critique ne se limitant pas au repérage et à l’analyse de l’apparition de la peinture (et de ses substituts, image au sens large et autres médiateurs sémiotiques) dans le texte, mais de se servir du pictural pour ouvrir l’œil du texte. C’est à dire de se servir du biais du pictural, du pictural comme biais, comme « style », lui qui servait à ouvrir le texte, comme le stylet. Ceci pourrait peut-être permettre de rendre compte de certains aspects du texte littéraire, d’une qualité picturale ou « imageante » (imaginante) au même titre que l’analyse du discours ou l’analyse du récit, la narratologie, de voir aussi quels types de discours sont enclenchés par l’image. On pourrait proposer de fonder une picturologie, de faire du pictural une méthode d’investigation, un outil d’analyse. Il s’agit de voir comment la spécificité picturale d’un texte entre « en jeu » dans le texte lorsqu’elle y trouve « lieu » au sens rhétorique du terme48, lorsqu’elle dis-loque le texte. Ce qui peut sembler superflu (l’image en texte, la critique picturale) devient nécessaire.
Deuxième panneau de la prédelle, à gauche : l’atelier de l’artiste
43Pour analyser un texte grâce à des techniques picturales et rendre compte de son énergie visuelle posons qu’il ne s’agit pas d’un poids mort, superflu, mais bien d’un apport vital. Il s’agit de partir de la pratique picturale, de l’histoire de l’art, des théories esthétique et phénoménologique, pour voir ce que cela apporte au texte littéraire, lui qui a été in-formé, moulé sur l’esthétique visuelle.
44Il s’agit d’appliquer la théorie de la peinture à la littérature du moins
451/à un certain type de littérature dite « picturale » et il s’agira alors d’opérer une gradation.
462/à certains éléments de l’histoire de l’art (ses topoï), ses genres, des techniques picturales (cadrages, rapports à l’histoire la storia, couleurs, composition, lumière touche, le traitement du temps et en particulier du récit.
47On peut imaginer de poser rapidement ici des outils critiques qui feraient système comme :
48les références implicites ou explicites aux mythes fondateurs de la peinture (Méduse, Narcisse, Orphée) et aux histoires célèbres : la fille du potier Boutadès, les raisins de Zeuxis, La burla de Giotto, Alexandre et Campaspe, Phryné, aux patrons confirmés : saint Luc. Bref, tout le fond d’histoire de l’art qui peut venir, allusivement ou citationnellement, enrichir le texte de ses connotations, en un effet d’intersémioticité citationnelle, d’interpicturalité, ou de polymédialité en tout cas. Il s’agirait alors de voir comment ces références jouent comme les citations intertextuelles qu’il convient de relever pour voir ce que l’on peut en faire. Ainsi, par exemple, les Ambassadeurs, vus plus haut, permettent de rendre compte de l’une des dimensions de personnages de fiction comme Strether dans The Ambassadors, ou celui d’Undine dans The Custom of the Country, dimension qui resterait ignorée sans la contextualisation picturale. Dans cette dernière œuvre, le rêve de la jeune femme, extrêmement narcissique et sans cesse occupée de son reflet renvoyé par les miroirs et ses portraits, est, une fois arrivée au faîte de sa gloire, d’occuper les fonctions d’ambassadrice, c’est-à-dire de coincider au maximum avec la représentation, d’être la représentation (ce qui était le cas de Lily Bart d’une autre manière d’ailleurs, dans un autre roman du même auteur, où elle incarnait la peinture en un « tableau vivant »).
49L’encodage pictural comme E. Wharton utilise les procédés picturaux comme les opérateurs de cadrage et la nomination quand la référence devient adjectif ou génitif : « a Veronese ceiling », « a Tiepolo’s Cleopatra49 » et pratique l’allusion.
50Les « nuances du pictural » qui permettent d’affiner l’étude du descriptif pictural, et de placer les descriptions picturales sur une échelle, en fonction de la plus ou moins grande concentration picturale. Ainsi on pourrait passer de « l’effet tableau » à « la vue pittoresque » puis au « tableau-vivant », de l’arrangement esthétique à l’hypotypose, de la description picturale à l’ekphrasis50.
51L’introduction de la technique comme le cadrage, la couleur51 comme ces couleurs de la vie dévorées par le tableau dans « The Oval Portrait » d’E. A. Poe, la couleur qui est aussi celle de la chair du discours (la voix du voir), les « couleurs de la rhétorique » pour citer l’ouvrage de Wendy Steiner justifieraient les ponts entre les deux media. Les références à des procédés picturaux (la « manière noire » comme dans « The Mezzotint » de R. James) ou à des stratégies de l’image comme, par exemple, l’utilisation d’un signifiant particulier tel le nuage, si bien étudié par Hubert Damisch et que John Banville met particulièrement à contribution dans Ghosts, a fortiori la référence à une technique comme la camera obscura, le sfumato, le luminisme du Caravage, le trompe l’œil et l’anamorphose. Ou encore, la référence à des types de peinture comme la peinture all-over dans Moon Palace, décrite et suggérée comme telle sur le mode allusif, ou encore l’utilisation de la fenêtre comme cadre de la représentation qui peut constituer une référence à la fenêtre d’Alberti.
52Les effets de géométrisation du texte comme le recours à la perspective, à la symétrie, à l’inversion, comme celles que le miroir opère, avec des références à son énantiomorphisme, à sa fonction de révélateur (voir l’invisible) ou de bouclier apotropaïque, sont des traits récurrents que l’on voit apparaître par exemple dans « The Lady in the Looking Glass », déjà citée mais aussi d’autres nouvelles comme « The Reaper’s Image » de Stephen King ou dans la nouvelle d’Angela Carter : « Flesh and the Mirror ».
53Enfin, les opérations induites par l’introduction de l’image dans le texte, la transaction intersémiotique, les phénomènes de translation, le commerce entre les arts, les opérations de passage, et les oscillations du texte, concourrent à produire un texte virtuel sur l’écran interieur du lecteur, soit, de susciter un tiers pictural où l’on voit l’iconotexte opérer entre texte et image un peu sur le mode de la percolation de Michel Serres qu’il applique au (x) temps mais que l’on peut assimiler aussi à une opération de change textuel. L’iconorythme qui fournit le lien entre temps et espace lorsque le descriptif pictural est mis en texte, se forge sur « la dièse spatio-rythmique » rappelée par Eliane Escoubas à la suite de Kant, sur ce qui est indivisible aussi : la vitesse qui est un rapport temps/espace.
Le temps de l’image
54Exemple d’inversion de services entre texte et image : les techniques narratives spécifiques au tableau et les solutions proposées pour représenter une histoire, la faire lire, ont été appropriées par le texte littéraire en un va-et-vient entre texte et image.
55Ainsi, le texte a lui aussi exploité le choix du « bon moment », choix typiquement pictural, du punctum temporis, du kairos ou « pregnant moment ». L’image permet de condenser en un moment son avant et son après, ce que certains récits font lorsqu’ils constituent l’expansion d’une histoire à partir d’un moment-clé. C’est le cas d’une nouvelle d’A. Bierce « The Occurrence à Owl Creek Bridge » qui en un moment condense toute une vie en une nouvelle paradigmatique. Face à un tableau V. Woolf lui prête un avant, un pendant, un après, reconstitue une histoire, narrativise le tableau, en fait un concentré de fiction.
56À l’instar de certains tableaux, il est des récits qui présentent en simultané dif moments mêlés, comme dans un même cadre avec plus ou moins de pleins et de vides entre eux. Ainsi Faulkner présente ensemble différents récits du même événement dans The Sound and the Fury, en un effet cubiste montrant différents aspects (points de vue) du même événement (personnage). Ou encore, plus classiquement, la narration (alternée) peut représenter au même moment des personnages occupés à différentes occupations comme dans le triptyque de Eggs où les enfants et la mère sont représentés au même moment mais en des lieux différents. Soit l’on montre au même moment des personnages dans différents lieux, soit dans les mêmes lieux des personnages à différents moments. Toutes les combinaisons sont possibles52.
57En littérature moderne, comme en peinture : on brouille les repères on mélange avant pendant après selon le flux de conscience comme dans le non linéaire de la peinture du Moyen Âge et de la Renaissance représentant le temps simultanément : ainsi le Saint Georges d’Uccello où la princesse tient le dragon en laisse après le combat entre le saint et le dragon, combat qui est pourtant en train de se dérouler dans le même espace scénique. On sait que, accusé de mettre ensemble la cause et la conséquence, Poussin avec la Manne a déclenché des tempêtes et que Le Brun l’a soutenu arguant de l’impossibilité pour le peintre de représenter la successivité.
58Le roman moderne aporétique qui juxtapose les scènes sans en fournir explicitement le lien logique ressortirait de la technique de la série, des cadrages avec nécessairement ellipses et non-dit. On sait aussi que la technique cinématographique a puissamment inspiré le nouveau roman, entre autres.
Troisième panneau (central) de la prédelle : l’esprit entre-deux ou le tiers pictural
59Ainsi le pictural mis en mots peut servir à rendre compte de la tension du texte lorsqu’il se moule sur l’image, est in-formé par elle et donne au texte une qualité visuelle (artistique, optique, photographique etc.) qui a du sens, qui est un mode de signification dont on ne peut faire l’économie. Le critique alors lui aussi devient le changeur du texte à la manière du tableau de Quentin Metsys, Le banquier et sa femme, dans lequel un miroir disposé sur la table opère le change du dire en faire, du faire en dire, de l’image en texte, puisque ce miroir permet de voir l’invisible, l’autre du tableau, son dehors. C’est par le dehors du texte (le pictural) mis dedans que ce qui est invisible est « rendu » au moyen du pictural, à son tour rendant au texte ce qu’il leur a emprunté. « L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible53 ».
60Je propose alors de nommer « tiers pictural » ce tiers nécessaire pour analyser un certain type de textes à fort coefficient pictural. Je le construis sur le « tiers instruit » de Michel Serres et sur « le troisième livre » de Derrida parlant de Jabès, et du livre qui reste entre celui que le lecteur tient entre les mains et celui que l’auteur a voulu, en suspens quelque part, un supplément.
61Le tiers pictural c’est la barre entre texte et image : ce qui se joue entre-deux, ce qui s’actualise sur l’écran de l’œil intérieur du lecteur-spectateur à l’instar de ce que C. Perret dit du miroir des Ménines : « Si “vision” il y a, [le spectateur] n’en est ni le détenteur, ni la source mais la chambre noire, le panoptique secret, l’écran de projection. Le miroir fait du spectateur ce lieu vide où le tableau apparaît, fait image54. » Le tiers pictural, est une dynamique, un mouvement, une énergie qui entraîne un surplus de sens et d’affect, de rêverie qui danse entre les deux, dit qu’il n’est ni l’un ni l’autre, mais l’un et l’autre. Non superflu, mais nécessaire à ce moment-là du texte. Il s’agit vraiment d’une modalité de l’ordre du vivant, du mouvement, de l’expérience ressentie, de l’événement au sens de ce qui advient : une opération aussi, une performance.
621 – Quand le texte est traduit par l’image (sous forme d’une illustration actualisée : la Bible par exemple (cf. Schapiro) : la chaîne du langage devient un tableau, actualisé, qui se souvient du texte.
632 – Quand l’image (hors texte) est traduite par le texte elle devient de l’image en texte produisant un iconotexte), elle perd son immanence picturale, pour être décomposée/recomposée en une chaîne de langage (dans Girl with a Pearl Earring le tableau est disséminé en une série de signifiants épars dans le texte, il est narrativisé et doit être reconstruit par le lecteur en tel tableau de Vermeer lorsque la reconnaissance a lieu). L’image en passe par la chaîne du langage qui là aussi devient tableau (iconotexte) qui n’est pas du langage figé comme on l’a souvent dit, « a frozen image » comme chez Rhoda Flaxman55 et d’autres, car s’il était figé ce serait une image visible. Le fait de passer du texte à l’image et inversement donne quelque chose de l’ordre du tremblé, du vivant (comme dans le « tableau vivant ») et non pas du « gelé ». Qu’est ce que cela change par rapport à un texte qui n’intègrerait pas un tableau ?
64Qu’est ce que le tiers pictural apporte au texte littéraire ? une modulation visuelle, un surplus esthétique, une connivence avec le lecteur, grâce au jeu de l’allusion, de la citation, de la référence interpicturales, une communion esthétique ? Quant à la critique, on l’a vu, l’analyse du texte met en œuvre la spécificité des dispositifs servant à décrire l’image, en un « lieu » du texte différent de ses autres lieux confèrant au texte un autre tour, pictural. Car il en va différemment pour un texte de citer ou de faire allusion à un autre texte et de faire allusion à un tableau. Dans l’esprit du lecteur, le « jeu » est différent pour évoquer M. Picard.
65L’étude des rapports entre texte et image montre quelque chose d’essentiel, un savoir qui concerne le fonctionnement du langage et de l’image, notre connaissance et notre appréhension du monde, de manière plus évidente et démonstrative que lorsque littérature et peinture fonctionnent en autarcie. On l’a vu, leur frayage est de l’ordre du nécessaire. En cela le Laoocon fétiche de Lessing, est un bon exemple de groupe sculptural allégorique qui met sous les yeux l’inextricabilité du rapport des arts entre eux dans ce chiasme dont je parlais au début à la suite de B. Vouilloux et qui est figuré ici par les nœuds du serpent et du corps. Je reprocherai à cette vision classique de percevoir ce rapport en termes de combat. Ma propre perception est une perception plus réconciliée, moins guerrière. Il ne s’agit pas d’un combat mortel, mais d’une collaboration énergique et fructueuse qui s’effectue dans le « tiers pictural » : texte et image sont interdépendants. Le fait que l’image apparaisse convoquée par le texte, comme son Autre, dans un besoin récurrent d’image, montre que le langage est image (image, métaphore), que nous lisons le grand livre du monde et de ses signes, qu’il y a toujours interprétation, que le texte écrit en est la phase ultime, mise en mots fixés après l’expérience des jours, et les mots parlés des jours. Comme le dit du discours n’est que constante réactiva d’autres discours, des mots des autres dont nous sommes faits56. Les images aussi sont les images toujours déjà-là, que le langage importe et déchiffre. L’image montre que le texte lui est nécessaire car, seule, elle peut être incomplète comme dans l’exemple du tableau commenté par Mark Twain. En outre, le choix d’inscrire au plus visible du texte le rapport texte/image relève aussi de l’inscrip d’une singularité, d’un choix esthétique affiché.
66Le détour du texte par l’image, fût-elle une métaphore, est nécessaire lorsqu’il est une voie d’accès au sens. Ainsi, pour rendre clair son propos Platon, qui se méfiait des images, a recours à l’exemple très visuel de la caverne. Inversement, l’image doit en passer par le texte, par le discours pour accéder à une signification complète pour le récepteur au delà de l’affect et de l’expérience de la performance ou de l’installationmoderne toutes deux « événements » esthétiques. La synesthésie de l’œil couplé à l’oreille, de l’image et du texte, est opérée dans le « something » appelé par Hillis Miller : « The warfare in question is present within the word ‘graphic’ which can refer either to writing or to picture. Could peace be established between the two parties by showing that they are different forms of the same thing, as blue and red are both light ? What would that ‘something’ be57 ? », dans ce « tiers pictural », nom que je donne à cette synesthésie, à ce mouvement entre-deux dans la non-résolution du battement, dans le désir de l’un pour l’autre, du rouge pour le bleu : « le tiers pictural » est le moment entre-deux quand le texte tend vers l’image quand l’image entre en texte, sans opération… superflue.
Notes de bas de page
1 Catherine Perret, Les porteurs d’ombre, Mimésis et modernité, Paris, Belin, « L’extrême contempo », 2001, p. 61.
3 Virginia Woolf : « Walter Sickert : A Conversation », Collected Essays, II, L. Woolf (ed.), London, The Hogarth Press, 1966, p. 243.
4 Cf B. Vouilloux, « Autrement dit, peut-on penser l’image dans l’horizon qui est le nôtre, sans la lettre et la voix, avant la phoné et la grammé ? ou encore : qu’en serait-il de l’image, avant (et hors de) la langue, avant (et hors de) l’écriture – si cette antériorité-extériorité a un sens – quand le trait, le glyphe, n’est encore que trace rythmique, marquant et retenant le retour périodique du même ? », La peinture dans le texte, xviiie-xxe siècles, Paris, CNRS langages, 1994, p. 21.
5 François Wahl, Introduction au discours du tableau, Paris, Seuil, 1996, p. 42.
6 B. Vouilloux, Le tableau vivant, Paris, Flammarion, 2001, p. 38.
7 Anne-Marie Christin, L’image écrite, Paris, Flammarion, p. 5.
8 B. Vouilloux, Le tableau vivant, p. 39.
9 Ibid., p. 39.
10 J. Hillis Miller, « Image and Word in Turner », Interactions, Word/Image, Martin Heusser (ed.), 1990, p. 173.
11 Ibid., p. 174.
12 Martin Heusser, « The Ear of the Eye, the Eye of the Ear : On the relation Between Words and Images », Interactions, Word/Image, Martin Heusser (ed.), 1990, p. 14.
13 Ibid.
14 Ibid.
15 Hubert Damisch, « La peinture prise au mot », Introduction à Meyer Schapiro, Les mots et les images, Paris, Macula, 2000, p. 27.
16 Ibid., p. 15.
17 Mark Twain, Life on the Mississippi, chapter 44, « City Sights » cité par Martin Heusser, op. cit., p. 16.
18 Voir l’ouvrage de Bernard Bosredon, Les titres de tableaux, Une pragmatique de l’identification, Paris, PUF, 1997.
19 Catherine Perret, Les porteurs d’ombre, Mimésis et modernité, Paris, Belin, « L’extrême contem », 2001, p. 165-167.
20 Virginia Woolf, « The Fascination of the Pool », Susan Dick (ed.), The Complete Shorter Fiction of Virginia Woolf, New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1989, p. 26.
21 Virginia Woolf, « Walter Sickert : a Conversation », op. cit.
22 Jean-Jacques Lecercle, Ronald Shusterman, L’emprise du signe, Paris, Seuil, 2002, p. 44.
23 Angelica Garnett, « Vanessa Bell by Angelica Garnett », The Bloomsbury Group : a Collection of Memoirs, Commentary and Criticism, S. P. Rosenbaum, Toronto, University Press, 1975, p. 173.
24 Hillis Miller, op. cit., p. 178.
25 Louis Marin, Sublime Poussin, Paris, Gallimard, 1994.
26 Michel Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1990, p. 25.
27 Cf. François Wahl, op. cit.
28 Gérald Hess, La métamorphose de l’art, Intuition et esthétique, Paris, Kimé, 2002, p. et p. 30, note 16.
29 Voir à ce sujet Schapiro, Les mots et les images, Paris, Macula, 2000, c’est moi qui propose la ter narratologique.
30 Mieke Bal, Looking In, The Art of Viewing, Introduction Norman Bryson, G + B Arts, Amsterdam, The Gordon and Breach Publishing Group, 2001, p. 215.
31 Ibid., p. 215.
32 Ibid., p. 217.
33 Mieke Bal, op. cit., p. 47.
34 Cf. le début du chapitre « On Grouping », Mieke Bal, op. cit., p. 187.
35 Ibid.
36 H. Meschonnic, Le rythme et la lumière, op. cit., p. 190.
37 Ibid., p. 192, on pourra se reporter à mon étude sur le rythme et les rapports texte-image dans L. Louvel, Texte/image, images à lire, textes à voir, Rennes, PUR, 2002.
38 Michel Picard, La tentation, Essai sur l’art comme jeu, Nîmes, Jacqueline Chambon (ed.), 2002, p. 7, 8, 14.
39 Question que nous invite à poser Régis Durand à propos de la photographie : Le regard pensif, Paris, La Différence, 2000.
40 N. Poussin, Lettres et propos sur l’art, A. Blunt (éd.), Paris, Hermann, 1964, p. 62-63, cité par L. Marin, Sublime Poussin, Paris, Gallimard, 1994, p. 20.
41 J. Hillis Miller, op. cit., p. 178.
42 Je renvoie à Victor Stoichita, L’instauration du tableau, Genève, Droz, 1999.
43 Mark Rothko, Spohn Papers, Archives of American Art, 1947, cité par Gérald Hess, op. cit., p. 17.
44 Catherine Perret, op. cit., p. 174.
45 Ibid., p. 173.
46 Il s’agit d’une cage à oiseau remplie de morceaux de sucre taillés dans du marbre et surmontés d’un thermomètre. « Le titre est un discours, “un discours prononcé à l’occasion de n’importe quoi”, note Duchamp » rappelle C. Perret, op. cit., p. 174.
47 Mieke Bal, Norman Bryson, Introduction, op. cit., p. 54.
48 Cf. Joëlle Gardes-Tamine, La rhétorique, Paris, Armand Colin, 1996, en particulier ce qui concerne la description.
49 Edith Wharton, The House of Mirth, Harmondsworth, Penguin Books, 1988.
50 L. Louvel, « Nuances du pictural », op. cit.
51 Des thèses récentes témoignent de cette tentative d’analyser le littéraire par le biais du pictural. C’est le cas de La couleur dans l’œuvre romanesque de Lawrence Durrell, Murielle Caplan-Philippe, Paris III, 2002, Hubert Teyssandier (dir.) ; L’anamorphose dans l’œuvre romanesque de Lawrence Durell, Isabelle Keller, Toulouse II, 2002, Catherine Lanone (dir.).
52 Voir à ce sujet le beau et utile catalogue de l’exposition Telling Time, Alexandre Sturgis, National Gallery, 2000.
53 Paul Klee, cité par Bonfand dans L’expérience esthétique à l’épreuve de la phénoménologie, Paris, PUF, p. 3.
54 C. Perret, op. cit., p. 61.
55 Rhoda L. Flaxman, Victorian Word-Painting and Narration, Ann Harbor/London, UMI Research Press, 1984.
56 Voir Jacqueline Authier-Revuz, « Aux risques de l’allusion », L’allusion, Actes du colloque, P. Murat (éd.), Paris, Presses de la Sorbonne, 2000.
57 Ibid., p. 174.
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