L’abondance frugale : propositions de J. Bentham pour réguler la pauvreté à la fin du xviiie siècle
p. 177-194
Texte intégral
Introduction
1En Angleterre, la question du superflu traverse tout le xviie et le xviiie siècles. Elle rentre dans le cadre de la polémique sur les bienfaits ou les méfaits du luxe1, dont l’origine remonte au xviie siècle, et au débat sur le devenir social du surplus, qu’Adam Smith ouvre et que Marx clôt. L’histoire du superflu n’est pas unique liée à l’évolution des mœurs d’une élite. En effet, le superflu ne s’entend pas sans son contraire, le nécessaire – ni le luxe sans la frugalité, ni le surplus sans la disette. Il ne peut se concevoir sans prendre en compte les plus pauvres au sein de la société, ces journaliers de l’agriculture traditionnelle ou de l’industrie naissante. Il faut rappeler que la richesse et l’indigence sont deux notions relatives.
2Dans la dernière décennie du xviiie siècle se concentrent les facteurs socio-économiques qui replacent la discussion sur le superflu au centre des préoccupations des contemporains. La récolte de 1794 est de bonne qualité, bien qu’en quantité insuffisante, celle de l’année suivante est mauvaise. La succession de deux années de piètres récoltes affame les masses laborieuses2. Les effets de la disette sont aggravés par les nouvelles conditions de vie des pauvres3. Le mouvement des enclosures4, débuté au xviie siècle, s’accélère dans ces dernières années5. La perte de la jouissance des terres communales (commons) est dramatique pour les journaliers, sans terre propre. Ils ne peuvent plus subvenir à leurs besoins les plus élémentaires en cas de maladie, de chômage saisonnier ou de disette. Nombreux sont ceux qui migrent vers les zones industrielles naissantes et qui perdent, par-là même, la protection que la culture d’un lopin de terre pouvait leur apporter. L’ensemble de ces facteurs explique que les impôts locaux, prélevés pour assister les indigents6, ne font qu’augmenter tout au long du xviiie siècle. John Howlett note que la somme globale des impôts perçus pour subvenir aux besoins des nécessiteux se monte à £ 1525780 au printemps 1776 et à £ 2004 238 en 17857. Les Anglais se trouvent donc, en cette fin de siècle, dans des circonstances inextricables : les conditions économiques sont mauvaises, aggravées par la guerre avec la France8, le nombre de pauvres ne fait qu’augmenter9 et le taux d’imposition explose. La situation n’est plus tenable10.
3Il faut réduire le coût de l’assistance. Cet impératif se traduit par une lutte contre le superflu sous toutes ses formes dans le régime accordé aux miséreux. Nombreux sont les auteurs qui participent à ce débat : T. Gilbert, W. Pitt, F. M. Eden, J. Townsend, T. Malthus, E. Burke, J. Howlett, D. Davies, J. Bentham, W. Godwin, T. Paine… Deux camps se dessinent11 : celui des partisans de l’abolition totale des lois sur l’assistance12, dans lequel on trouve J. Townsend, E. Burke et T. Malthus, et celui des défenseurs d’une intervention de l’Etat plus forte pour juguler l’augmentation de la misère, dans lequel se regroupent T. Gilbert, J. Howlett et D. Davies et qui trouve son expression la plus achevée dans la décision des magistrats du Beckshire à Speenhamland en 1795 de fixer les salaires en fonction des variations du prix des denrées de première nécessité13. Dans le premier cas, il n’y a plus de gâchis, puisqu’un système d’aide, qu’ils pensent être dispendieux, est abrogé. Dans le second, les dépenses risquent fort d’augmenter encore. Dans cette constellation d’auteurs, Bentham tient une place bien à part. Il ne propose pas à ses lecteurs quelques commentaires non informés sur la situation des pauvres ou quelques idées de réforme, mais un véritable système d’aide aux indigents.
4Bentham se penche sur la question de la réforme de l’assistance dans les années 1795-1798. Il propose, dans une série d’ouvrages, de mettre en place, sur tout le territoire anglais, 250 Maisons d’Industrie (Industry-houses) accueillant les nécessiteux14. Le principe de l’aide à domicile (outdoor relief), tel qu’il est stipulé dans la loi de Gilbert de 1782, est aboli. Toute personne désirant être assistée doit donc se rendre dans l’institution la plus proche de chez elle15. Elle y est acceptée, mais sous condition de travailler pour rembourser le montant de l’aide perçue. Bentham écrit son projet dans une période où les Maisons de Travail (Workhouses) sont en bute à de sérieuses critiques. Elles sont des lieux de perdition où les indigents sont entretenus grassement16, selon certains, et dans l’oisiveté17, selon d’autres. Pourquoi Bentham s’attache-t-il à défendre un système d’aide qui est vu par ses contemporains comme inefficace pour résoudre le problème de la misère ? Il pense que la surveillance continue du pauvre permet d’en faire un ouvrier travailleur et honnête18. Un encadrement optimal de la production n’est réalisable que dans un lieu fermé. Il pense que seules les Maisons d’Industrie assurent un contrôle total de la production. Il invente un bâtiment19 dont la forme circulaire permet, depuis la tour centrale, une visibilité parfaite de l’activité des pensionnaires dans leurs cellules20. La nouvelle architecture, nommée Panoptique, résout-elle les problèmes rencontrés dans les Maisons de Travail21 ? Si l’inspection de l’ouvrier à l’œuvre est possible, il n’en reste pas moins qu’il faut mettre en place des méthodes qui permettent d’éviter les gâchis22. À ce titre, le système benthamien présente un grand intérêt par ses propositions concernant la gestion des hommes et des matières premières et par ses innovations techniques visant à réduire les coûts23. L’éradication du superflu n’est pas uniquement un enjeu pour la prospérité du pays, mais aussi pour l’entreprise benthamienne. De la réussite de la rationalisation des coûts dépend l’instauration et la viabilité du projet. La question du superflu est donc centrale à toute la pensée benthamienne sur l’assistance.
5Il s’agit dans un premier temps de voir comment la question du superflu s’articule avec celle de la pauvreté. Le lien de causalité qui sous-tend tout le débat, à l’époque où Bentham écrit, est que la surabondance d’aide, d’argent, de biens de consommation ou de nourriture rend oisif et misérable celui qui en bénéficie. Cette étude permet aussi de préciser le sens des termes de « pauvre » et de « super-flu ». Compte tenu des effets néfastes et contre productifs du surplus, une contradiction inhérente à toute distribution d’assistance émerge. Si l’on cherche à main un système d’aide publique obligatoire24, alors comment empêcher que cette assistance ne crée pas l’indigence qu’elle vise à soulager ? Le travail permet de sortir de ce dilemme.
6En pratique, une des solutions que Bentham propose se trouve dans un juste équilibre qui garantit la préservation d’un système d’aide, tel que les pauvres étaient en droit de l’attendre25, tout en optimisant les ressources humaines et matérielles en présence. La pensée benthamienne sur le sujet pourrait contenir dans cette oxymore : « frugal plenty26 ». Bentham se trouve confronté à la nécessité de satisfaire les intérêts divergents des contribuables, c’est-à-dire de la propriété – et du labeur qui la fonde –, et des ouvriers indigents, c’est-à-dire de la charité. Dilemme qu’il résume dans la phrase « The duty of the manager of an Industry-House has two main branches : duty towards those under his care, resolvable into humanity – and duty to his principals, (the company), resolvable into economy27 ». Les contribuables exigent un système frugal, les nécessiteux une aide abondante. Bentham se trouve déchiré entre la nécessité de réduire les coûts pour satisfaire les contribuables28, et l’obligation d’offrir aux assistés la qualité et la quantité de service auxquels ils étaient habitués sous le précédent régime d’aide. Quelles sont les méthodes qu’il met en place pour satisfaire tous les acteurs sociaux ?
7L’étude du projet benthamien d’assistance permet de comprendre dans quelle mesure la question du superflu est au cœur des destinées de la majorité de la population anglaise à la fin du dix-huitième siècle. Il s’agit ici de s’interroger sur la proportion relative d’abondance et de frugalité dans un système d’assistance pour que l’entreprise soit viable. L’enjeu, qui se profile, est la place du superflu dans un régime d’aide aux plus démunis.
Misère et Superflu : le salut de l’assisté par le travail
8Dans un premier temps, il s’agit d’expliquer les termes de « superflu » et de « misère » car l’étude de ces deux concepts permet de préciser le rôle que joue le travail dans la réforme de l’assistance. Bentham ne précise ni la notion de superflu, ni celle de nécessaire. Cependant cette thématique revient une cinquantaine de fois dans ses écrits sur les pauvres29. Une définition des concepts clés se dégage à la lecture de cette liste. Les termes sont employés dans un contexte particulier, celui de la quantité et de la qualité de biens de consommation (nourriture, boisson, habillement, chauffage et argent) accordés ou non aux pensionnaires. Le superflu s’entend comme qualifiant tout bien qui n’est pas strictement indispensable à la survie d’un individu. Le mot de nécessaire, quant à lui, est utilisé pour désigner ce dont un être humain ne peut se passer pour assurer sa survie quotidienne. En pratique, l’indispensable est de l’ordre de l’article de première nécessité, le moins cher sur le marché, mais avec quelques recommandations concernant la quantité, qui doit être suffisante pour ne pas souffrir de la faim et la qualité, qui ne doit pas être préjudiciable à la santé. Dans la pensée de Bentham, le terme de superflu est associé à l’idée de ce qui est en trop : le luxe, la profusion et le bien-être. Le nécessaire s’apparente à tout ce qui est utile : il est du côté de la simplicité, de la bonne santé, de la juste mesure et des économies.
9Bentham, comme nombre de ses contemporains, trahit une conception positive de la frugalité et négative du luxe30. Il est courant de trouver à l’époque cet idéal d’une vie simple et frugale, qui s’apparente au mythe d’un retour à une communauté non corrompue par le luxe, l’argent et l’égoïsme. Ces écrivains rêvent d’une société rurale de paysans industrieux et économes. W. Paley associe la frugalité au plaisir31. Selon lui, le sort des pauvres est plus enviable que celui des riches, car ils ont le droit au repos que le travail donne32.
10Le labeur constant et une honnête frugalité sont les clés de la prospérité anglaise33. D. Davies, aussi, décrit la stratégie que les paysans peuvent mettre en œuvre pour améliorer leur condition. Il se résume en un mot : la frugalité34. Il ne faut pas se fourvoyer et accuser Bentham de partager une vision quelque peu idéaliste de l’histoire de l’humanité. S’il insiste sur les bienfaits de la frugalité, ce n’est pas tant par souci d’idéaliser un passé des anciens non dénaturé par une évolution des habitudes alimentaires, mais c’est le fruit d’une longue réflexion, fondée sur une analyse médico-psychologique, sur ce qu’un individu a besoin pour survivre en bonne santé. Ce fantasme de la frugalité comme mode d’existence est intéressant car il met en exergue le lien entre travail et misère dans ces pamphlets de la fin du xviiie siècle.
11Le labeur et la pauvreté sont intimement liés. Il n’est pas possible de définir l’indigence sans prendre en compte la notion de travail. Bentham définit le pauvre comme celui dont la force de production est la seule propriété35. Mais il n’est pas le seul. J. Vancouver lorsqu’il commence son étude des causes de l’indigence en divisant la société en deux catégories, les employés et les employeurs, postule le travail, produit ou donné, comme étant le critère déterminant pour comprendre ce qu’est un pauvre36. W. Sabatier explique qu’il faut la conjonction de deux facteurs pour qu’un individu soit un indigent, qu’il n’ait plus la capacité de travailler et qu’il n’ait pas de propriété qui lui permette de subvenir à ses besoins37. Il en va de même pour T. Malthus, qui écrit dans le sillage de Bentham. Le premier reprend ce critère et décrit le pauvre comme celui qui ne dispose que de sa force de production, qu’il doit vendre comme n’importe quel autre bien pour survivre38. Bentham insiste sur l’obligation de mettre au travail ses pensionnaires. Selon lui, travailler est une des conditions sine qua non pour être accepté et assisté dans les institutions qu’il met en place39.
12Si le travail permet au pauvre de survivre, sa descente dans l’indigence ne peut être due qu’à deux circonstances : sa paresse, c’est-à-dire l’exercice insuffisant de sa force productrice, ou sa prodigalité. D. Davies exprime cette idée clairement, bien qu’il ne la partage pas :
Poor people are often censured for want of frugality and œconomy in the management of their earnings. In particular, they are accused of extravagance in eating wheaten bread ; in being over-nice in neglecting as they do the use of potatoes ; and of a luxurious excess in drinking tea 40 .
13Cette opinion est partagée par de nombreux pamphlétaires. T. Malthus corrobore les propos d’A. Smith lorsqu’il affirme que les individus deviennent riches par parcimonie et pauvres par gaspillage41. J. Townsend accuse aussi les nécessiteux d’être responsables de leur propre sort. Les dépenses inutiles, faites par les journaliers, qu’elles soient dues à leur dépendance à l’égard de l’alcool ou à leur goût du luxe, expliquent leur situation précaire42. Les indigents sont responsables de leur misère car ils n’ont pas un mode de vie frugal.
14Il ne faut pas caricaturer, néanmoins, les prises de position de l’époque. Certains auteurs refusent de considérer les pauvres comme responsables de leur sort, mais essaient de prendre en compte des facteurs économiques et sociaux qui peuvent justifier que toute une partie de la population plonge dans la misère à la fin du xviiie siècle. Bentham montre dans son Table of Cases calling for Relief toutes les raisons qui peuvent expliquer une perte de l’autonomie pour un individu. Il isole une cinquantaine de causes, qu’il classe et qui vont de la perte d’un emploi à l’infirmité. J. Howlett tente de remettre dans une perspective historique les soi-disant habitudes dissipatrices des masses laborieuses43. Pour lui, leur dépravation morale est la conséquence de leur pauvreté, et non la cause44. D. Davies, quant à lui, présente toute une étude sur le prix des denrées de première nécessité en fonction de l’évolution des salaires qui lui permet de conclure que la situation du journalier s’est dégradée tout au long du xviiie siècle45.
15Ces prises de position se fondent sur une conception des ressorts de la nature humaine qui est typique de l’époque. Selon certains, l’individu ne travaille que s’il est motivé par la nécessité de sa survie immédiate. Cette conception des ressorts de l’action se fonde sur la peur (donc de la faim et du strict nécessaire) pour motiver les hommes à travailler (c’est-à-dire à créer de la richesse). C’est ce que pensent J. Townsend et T. Malthus. J. Townsend affirme que seule la faim peut inciter le pauvre à se plier à son travail journalier. Si on assiste l’indigent, on lui ôte alors toute raison de travailler, puisque la fierté, l’honneur et l’ambition, selon lui, n’ont pas de part dans les ressorts de l’activité du nécessiteux46. T. Malthus partage ces idées. Le pays dans son ensemble serait appauvri, si on tentait d’éradiquer la pauvreté en partageant de manière égale la richesse entre les habitants, et les indigents deviendraient encore plus misérables car les masses laborieuses auraient perdu toute motivation pour travailler, c’est-à-dire pour produire de la richesse47. Mais tous les pamphlétaires ne pensent pas de même. Certains, tels D. Davies et J. Howlett mettent l’accent sur les vertus bénéfiques de l’espoir. Selon J. Howlett, l’espoir de pouvoir améliorer sa condition est un puissant facteur qui motive le pauvre à travailler48. D. Davies partage cette opinion49. D’autres décrivent les ressorts des motivations humaines en termes de peur et d’espoir, sur lesquelles ils se fondent pour mettre au travail le nécessiteux, tout en lui donnant les moyens de sortir de sa misère. D’autres encore emploient les catégories équivalentes de punitions et de récompenses. Bentham stipule que l’être humain agit en fonction du plaisir et de la peine qu’une action lui procure ou lui permet d’éviter50. En pratique, il est donc possible de contrôler les individus en les punissant pour une action qu’on ne veut pas qu’ils commettent ou en les récompensant d’avoir effectué une tâche51. Cette conception de la psychologie humaine était largement partagée à l’époque52 et trouve son origine dans les travaux de D. Hartley53. L’originalité de la pensée benthamienne réside en ce qu’elle propose une vision des motivations humaines qui concilie les deux écoles, celle qui préconise l’usage de la peur et celle qui a recourt à l’espoir. Il partage les idées de son ami, le comte Rumford54. La peur cherchait à faire des Asiles de Pauvres des lieux où les indigents ne viendraient se réfugier qu’en cas d’extrême nécessité55. L’espoir était fondé sur l’idée que la misère des indigents était due à des facteurs extérieurs à leur volonté et que donc les Maisons de Travail devaient être des lieux où les corps brisés et industrieux pourraient venir se reposer56. Il y a lieu de se demander si cette prise de position benthamienne ouvre la voie à une réforme de l’assistance qui permette de réduire les coûts tout en conservant le nécessiteux heureux, travailleur et en bonne santé.
Charité et Économie : comment rentabiliser un système d’assistance ?
16Il s’agit maintenant de quitter le débat théorique pour étudier comment Bentham utilise ces principes afin de mettre en œuvre son projet de réforme de l’assistance. Pour que l’entreprise benthamienne soit viable, il faut qu’elle se débarrasse de tout ce qui pourrait être de l’ordre du superflu dans la conduite quotidienne des Maisons. Comme nombre de ses contemporains57, Bentham s’attelle à la difficile tâche de déterminer ce qui est de l’ordre du nécessaire et ce qui est superflu. Les postes qui tombent sous le coup des restrictions budgétaires sont la nourriture, l’habillement et l’espace de vie. La nourriture donnée aux pensionnaires doit se plier à un certain nombre de règles pour éviter toute critique, tout en assurant la survie en bonne santé des travailleurs. Ces critères concernent le prix, la capacité de l’aliment à être nourrissant et à être sain58. À ce titre, Bentham partageait les préoccupations de ses contemporains. Le comte Rumford, par exemple, écrit de nombreux ouvrages sur les vertus des soupes. Elles sont nourrissantes et bon marché. Il compose de nombreux menus en indiquant le coût de chacun d’entre eux59.
17De même, les formes et les couleurs des vêtements doivent être uniquement déterminées par leur utilité. Ils se doivent d’être décents et chauds60. L’espace de vie doit être réduit à sa plus simple expression, car ces restrictions se traduisent immédiatement par des diminutions de coûts. Plus le terrain est petit, moins il sera onéreux à acquérir, moins la construction du bâtiment sera chère et moins il sera coûteux de l’entretenir ensuite. Bentham affirme qu’il est de l’ordre du superflu d’avoir plusieurs pièces de vie dans une habitation61. La bonne mesure du nécessaire en terme d’espace, comme dans beaucoup d’autres cas, se fonde sur le critère de la santé62. Le comte Rumford partage ce même souci de loger les indigents dans un lieu propre, clair et ventilé63. Dans sa conception du superflu, Bentham prend en compte tous les aspects de la vie d’un individu.
18Bentham a trouvé des moyens de rendre son projet financièrement viable. Il a rempli son contrat vis-à-vis des contribuables. Les impôts diminueront. L’Économie est sauvée. Mais qu’en est-il de la Charité ? Il ne faut pas oublier que ces Maisons ne sont pas uniquement des entreprises privées obéissant aux lois du marché. En effet la National Charity Company est avant tout un asile pour indigents. Bentham se trouve déchiré entre la nécessité de réduire les coûts (donc le gâchis) au sein des Workhouses pour assurer le bonheur des contribuables, et l’obligation de garantir la qualité et la quantité de service auquel ses pensionnaires étaient habitués sous le précédent régime d’assistance. L’indigent ayant connu le système des Workhouses est nommé old stager alors que celui qui devient à la charge de la paroisse au moment où le nouveau système benthamien est mis en place est appelé new comer. Comment Bentham résout-il ce problème qui met en danger la cohérence intellectuelle de son système ainsi que la faisabilité de son projet d’Industry-Houses ? Il ne le dit pas à ce stade de sa réflexion et s’en remet au bon sens de ceux qui seront chargé de la direction des Industry-Houses64. Il va bien falloir cependant trancher en faveur de la frugalité ou de l’humanité, pour reprendre les termes benthamiens.
19La réponse à cette question ne se situe pas au niveau des livres de compte, mais dans la relativité du superflu. L’analyse des termes employés permet de voir que Bentham conçoit le superflu comme relatif et lié à la formation des habitudes. Il explique que les notions de superflu et de nécessaire sont déterminées par les dif coutumes locales en ce qui concerne l’alimentation et la tenue vestimentaire des journaliers. Elles dépendent aussi de ce que chaque classe sociale conçoit comme étant l’alimentation de base ou le luxe65. Bentham en déduit que ce sont les habitudes qui déterminent ce que les individus considèrent comme étant de l’ordre du superflu ou du nécessaire66. À l’époque où il écrit, cette idée n’est pas novatrice. W. Sabatier explique que la richesse et la pauvreté sont non pas absolues mais relatives67. De cette définition découle des conceptions différenciées de ce que l’habitude érige en norme pour un individu.
20Il faut donc reformuler le dilemme énoncé précédemment et se demander si Bentham accepterait que la relativité du superflu soit prise en compte dans un traitement différencié des résidents de son institution. Comment permettre une certaine mesure de confort auquel le miséreux est habitué sans le dispenser à tous les pensionnaires et sans ruiner son projet ? En réalité, Bentham résout cette inco de trois manières différentes : en attendant la mort des old stagers, en fai intervenir la charité privée et en éduquant les new comers.
21La charité privée vient au secours du projet benthamien68. Ce que son insti69 ne peut dispenser, car cela va à l’encontre des principes qui incitent au travail, il est possible que ce soit la charité privée qui y supplée. La charité privée permet-elle de réintroduire le superflu au sein des Maisons et de rendre sa cohérence à l’entreprise fondée sur la distribution du strict nécessaire, sur un système économe et sur le bonheur de tous les acteurs sociaux ? Après avoir été critiqué de la sorte, le superflu serait-il devenu acceptable ? En tout premier lieu, Bentham démontre que le superflu dispensé sous certaines conditions est moralement recevable. Puis il explique quels sont les moyens de contrôle qui peuvent être exercés sur la bienveillance individuelle pour qu’elle dispense un superflu essentiel, ou pour employer les termes de Bentham : « frugal plenty ».
22Bentham justifie le lien qui peut être fait entre superflu et morale. On a vu dans la première partie que le superflu était refusé au sein des Maisons car il ne promouvait pas l’ardeur au travail. Si une forme de superflu pouvait inciter les indigents au travail, il n’y aurait plus aucune raison de l’interdire. Bentham propose de subordonner la répartition des extras au mérite70. Les bénéficiaires sont soigneu sélectionnés. Le superflu devient une récompense dans son institution, il augmente donc la productivité. On a déjà vu que les old stagers étaient des ayants droits, en accord avec le fait que le bonheur se fonde, entre autres, sur une conti des attentes. Mais il est une autre catégorie qui peut prétendre à ce type de récompense, ceux qui ont eu une attitude méritoire par le passé ou dans les Industry-Houses71. Bentham sélectionne les bénéficiaires du superflu. Il récompense quelques pensionnaires en fonction de certains critères. Nombreux sont les auteurs qui adoptent des marques d’estime qui motivent les indigents à opter pour les comportements que la direction préconise. Le comte Rumford, aussi, propose de payer les pensionnaires pour le travail qu’ils fournissent, mais au-dessus du prix du marché pour les inciter à renouer avec des habitudes de travail72. Bentham, quant à lui, organise la manière dont les extras vont être distribués. Il détermine d’abord quel est le superflu acceptable. Dans la liste, on trouve : un logement individuel, des jardins personnels, la possibilité de choisir son compagnon, une amélioration de la qualité ou de la quantité de vêtements, de linge ou de nourriture, de l’argent de poche et la possibilité de passer un séjour hors des Maisons73.
23Il met en œuvre une méthode pour que les aumônes soient utilisées pour créer le bien-être souhaité par les donateurs. Il s’agit de boîtes étiquetées en fonction des catégories de superflu autorisées par la direction74. Ce système de boîtes permet d’individualiser le bien-être supplémentaire offert aux pauvres. Le bienfaiteur se sent touché par l’inconfort dont il peut soulager la peine en versant une obole. Bentham espère ainsi inciter les visiteurs de ses Maisons à être généreux en faisant appel non à leur altruisme, mais à leur expérience personnelle de certains désagréments de la vie qui sont universellement partagés, tels le froid, la faim ou la promiscuité75. Bentham n’est pas le seul à vouloir récupérer pour ses institutions les dons auparavant distribués individuellement aux pauvres. Le comte Rumford a un projet comparable. Il cherche à modifier l’habitude munichoise de distribuer de la nourriture aux indigents. Il souhaite que ces oboles soient faites dans le tronc commun de ses établissements76. L’originalité de Bentham réside dans l’individualisation de la destination du don qui permet de jouer sur les affects des riches et de les inciter à donner avec largesse. Le superflu fait l’objet d’un contrôle strict de la part de Bentham. Il maîtrise le type de bien-être qui est dispensé aux indigents et il garde la mainmise sur ceux qui donnent les moyens de distribuer les extras.
Conclusion
24La misère et le superflu ne font pas bon ménage. Pour de nombreux pam, le goût pour un luxe relatif serait la cause du nombre croissant de nécessiteux. Parce que le superflu entraîne l’indigence de ceux qui s’y adonnent, il faut l’éradiquer du mode de vie de ceux qui n’ont pas les moyens : les pauvres. On a montré en introduction que le gaspillage était une des causes de l’échec du système d’assistance en Angleterre à la fin du xviiie siècle. Bentham propose une gestion de ses Maisons fondée sur la réduction des coûts qui est doublement justi. Il faut rentabiliser l’entreprise en diminuant les dépenses et en rendant productifs tous les pauvres. Le travail permet d’éduquer les pauvres aux méthodes qui leur permettront de subvenir à leurs propres besoins.
25Bentham dresse une liste de tous les postes dont les coûts peuvent être gran réduits. L’entreprise peut donc fonctionner et être rentable puisque le gâchis est éliminé de la gestion des Maisons et que les pensionnaires doivent tous travailler. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout d’une institution cha. La satisfaction des contribuables est garantie, mais aussi celle des indi. Pour cela, le superflu est réintroduit dans le fonctionnement des Industry-Houses. Pour ne pas mener l’entreprise à la faillite, c’est la charité privée qui supplée ces quelques extras, dont le nombre et les bénéficiaires sont présélectionnés.
26L’étude des propositions benthamiennes permettent de comprendre la complexité de tout projet de réforme de l’assistance à la fin du dix-huitième siècle. Cette tension, qui se noue entre frugalité et abondance, existe dans tout système d’aide aux plus misérables, aujourd’hui encore. Il est intéressant de voir comment un grand penseur et réformateur du droit, tel que Bentham, se proposait de faire coexister une certaine mesure de superflu avec une aide réduite au strict nécessaire.
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Notes de bas de page
1 John Howlett, The Insufficiency of the Causes To Which the Increase of Our Poor and of the Poor’s Rates have been commonly ascribed, (Londres, 1788), p. 23 : fait remonter le débat à Firmin (1678), Locke (1696) et Defoe (1704). Mais il ne faut pas oublier, bien entendu, Mandeville et son Fable of Bees (1714).
2 Cf. Michael Quinn, « Editorial Introduction », The Collected Works of Jeremy Bentham : Writings on the Poor Laws, (Oxford, Clarendon Press, 2001) p. XIII.
3 Il faut entendre par pauvre un individu, dépourvu de toute propriété, et donc ayant besoin de sa force de travail pour survivre. Selon ces critères, 50 % de la population appartient à cette catégorie. Voir les estimations de Colquhoun en 1803 et de Gregory King en 1696.
4 Nom donné au terrain clôturé et appartenant à un individu, par opposition à l’open field, terre non clôturée et appartenant à la paroisse, qui était réglementé par le droit coutumier et dont tous les habitants du village avait l’usage. Le mouvement de contruction de clôtures autour de ces terres communales appauvrit les journaliers, sans terre, qui avait recourt à ce lopin pour se nourrir pendant les périodes difficiles. (Cf. Jeremy Black et Roy Porter [ed.], A Dictionary of Eighteenth-century History [Londres, Penguin, 1996] 880 p.)
5 Cf. Donald Winch, Riches and Poverty : An Intellectual History of Political Economy in Britain, 1750-1834 (Cambridge, CUP, 1996) p. 9.
6 Cf. Jeremy Bentham, « Essays on the Subject of the Poor Laws » (1796), M. Quinn (dir.), Poor Law Writings, (Oxford, 2000) p. 3. Sont nommés indigents les personnes ayant besoin de l’aide financière ou en nature de la paroisse pour survivre.
7 John Howlett, op. cit., p. 57.
8 Cf. Michael Quinn, « Editorial Introduction, » The Collected Works of Jeremy Bentham : Writings on the Poor Laws (Oxford, Clarendon Press, 2001) p. XIII.
9 Le spectacle de la pauvreté en Angleterre à la fin du dix-huitième siècle donne lieu à toute une série d’ouvrages : analyses économiques, enquêtes sociales, projets utopiques et propositions de réformes institutionnelles. L’œuvre de F. M. Eden The State of the Poor (1797) appartient à cette vague.
10 Cette idée est exprimée dans les écrits de Malthus : « Notwithstanding the immense sum that is annually collected for the poor in England, there is still so much distress among them » (Thomas Malthus, An Essay on the Principle of Population, [Londres, 1798] p. 74).
11 Cf. Anne Brunon, Le débat sur la pauvreté, 1782-1799, DEA, université Paris 3, 1999.
12 Il est possible de citer J. Townsend « These [Elizabethan] laws, so beautiful in theory, promote the evils they mean to remedy, and aggravate the distress they were intended to relieve ». Ses propos résument les raisons qui motivent les « abolitionistes » de refuser toute aide aux indigents (Townsend, p. 2).
13 Ceux qui refusent de laisser à la charité privée le monopole de l’assistance, comprennent, que dans certaines situations, il faut fixer le montant des salaires, (Beckshire Session Order Book, 1791-1795, p. 434-446).
14 Le système benthamien n’a jamais été mis en place, mais est resté à l’état de projet.
15 Cf. le Workhouse Act de 1722.
16 Cf. F. M. Eden qui donne dans la seconde partie de son ouvrage les menus en fonction des jours de chacune des Maisons de Travail visitées.
17 La loi 43 Eliz. I c. 2 de 1601, qui règlemente la distribution de l’assistance, ordonne aux administrateurs paroissiaux de mettre au travail les assistés. Cette partie de la loi a été la plus difficile à appliquer au cours des siècles.
18 Cf. Michel Foucault, L’œil du pouvoir (Paris : Pierre Belfond, 1977) pour l’importance du regard dans les projets de réforme sociale à la fin du xviiie siècle.
19 Cf. Michel Foucault, Surveiller et Punir : la naissance de la prison (1975 ; Paris, Gallimard, 2000) et Ian Christie, The Benthams in Russia sur l’origine du Panotique.
20 Cf. Anne Brunon-Ernst, « Représentations et réinterprétations du Panoptique de Jeremy Bentham : Le surveillant est-il au centre de l’édifice ? Étude d’un mystérieux personnage dans les dessins du Panoptique », ARLI 2 (2002), p. 41-59 pour une explication de la réinterprétation de la fonction du surveillant central.
21 Bentham applique ce principe architectural à différents projets : la réforme des prisons en 1791, de l’assistance aux indigents en 1796-1798 et de l’éducation des enfants en 1817.
22 Cf. Anne Brunon, « Secret et transparence du langage sur la charité dans Pauper Management Improved de Jeremy Bentham : l’enjeu démocratique », Regards linguistiques sur le secret, (Paris, L’Harmattan, 2001) p. 93-116 pour une étude détaillée des termes employés dans Pauper Management improved qui met en évidence la fonction essentiellement productrice des indigents dans les institutions benthamiennes.
23 En particulier pour combattre des affirmations comme celle qui suit et qui résume bien l’esprit du temps : « All agree that some how or other [the money] must be very ill-managed » (Malthus, p. 74).
24 Il ne faut pas confondre « obligatoire » et « national ». Le système d’aide anglais au xviiie siècle n’est pas national, mais il est réglementé par des lois parlementaires (plus ou moins explicatives et contraignantes et plus ou moins suivies). La collecte de fonds et la distribution se fait localement au niveau de chaque paroisse.
25 La question de la security of expectations est centrale à la pensée benthamienne. Le bonheur d’un individu dépendrait de la réalisation des projets qu’il avait élaborés au cours de sa vie, et en fonction des indications et des prévisions sur l’avenir données par la société ou le gouvernement.
26 Bentham, « Essays » p. 105 n. a.
27 Bentham, Pauper Management Improved, VIII, p. 380.
28 L’institution proposée par Jeremy Bentham fonctionne comme entreprise publique, mais qui dans un premier temps marche sur les fonds publics collectés pour les indigents, pour ensuite dépendre de l’argent récolté par la vente des actions, à prix modique.
29 Les Poor Law writings est le terme donné par Michael Quinn dans le premier volume de son travail éditorial qui présente les écrits de Bentham sur la question de l’assistance, composées entre 1796 et 1797. Un second volume est en cours de préparation sur les écrits de l’année 1798.
30 « A new and dangerous taste infused into those children of indigence, a taste for luxuries unsuited to their condition, and high above their reach. – Hence, within themselves, the seeds sown of the sense of privation, regret and discontent – towards their superiors in opulence, and those in authority over them – the seeds of jealousy, envy and ill-will » (Bentham, « Neighbour’s-Fare Principle Defended » p. 269-270).
31 « Frugality itself is a pleasure. It is an exercise of attention and contrivance, which, whenever it is suc, produces satisfaction » (William Paley, Reasons for Contentment ; addressed to the Labouring Part of the British Public [Londres, 1793], p. 11).
32 « Another article, which the poor are apt to envy in the rich, is their ease. […] They callinaction ease, whereas nothing is farther from it. Rest is ease […]. But no man can rest who has not worked. Rest is the cessation of labour » (Paley, p. 16).
33 « The change, and the only change, to be derived, is that gradual and progressive improvement of our circumstances, which is the natural fruit of successful industry ; when each year is something better than the last ; when we are enabled to add to our little household one article after another of new comfort or conveniency, as our profits increase, or our burthens become less ; and, what is best of all, when we can afford, as our strength declines, to relax our labours, or divide our cares » (Paley, p. 20).
34 « [Encouraging frugality] may be attained […]. By holding out to them a probable prospect of bette their condition in consequence of such frugality » (David Davies, The Case of Labourers in Husbandry stated and considered, in three parts […] With an Appendix ; containing a collection of Accounts, shewing the Earnings and Expenses of Labouring Families, in different Parts of the Kingdom (Bath et Londres, 1795), p. 98).
35 « Poverty is the state of everyone who, in order to obtain subsistence, is forced to have recourse to labour » (Bentham, « Essays », p. 3).
36 « [To discover the causes of poverty, divide society in two great classes] the society of the employers, and the society of the employed » (John Vancouver, An Enquiry into the Causes and Production of Poverty, and the State of the Poor, together with the Means proposed for their Effectual Relief [Londres, 1796], p. 3).
37 « Poverty, therefore, if properly considered, may be defined to consist in that situation of life, in which any one, incapable of sufficient personal exertions, and possessing no property or absolute claim, is deficient in the means of existing in corporal health without some auxiliary aid » (William Sabatier, A Treatise on Poverty, its Consequences and the Remedy, [Londres, 1797], p. 19).
38 « As labour is the only property of the class of labourers, everything that tends to diminish the value of this property, must tend to diminish the possessions of this part of society. […] The only way that a poor man has of supporting himself in independence, is by the exertion of his bodily strength. This is the only commodity he has to give in exchange for the necessaries of life » (Thomas Malthus, An Essay on the Principle of Population, as it affects the Future Improvement of Society. With Remarks on the Speculations of Mr. Godwin, M. Condorcet, and other Writers. [London, 1798], p. 288).
39 « No relief but upon the terms of coming into the house, (i. e. an industry house,) and working out the expenses ; – till then no enlargement » (Bentham, « Pauper Management Improved » VIII, 383).
40 Davies, p. 31.
41 « Individuals and nations grow rich by parsimony and poor by profusion » (Malthus, p. 279).
42 « Drunkenness is the common vice of poverty. […] When, therefore, by the advance in wages, they obtain more than is sufficient for their bare subsistence ; they spend the surplus at the alehouse, and neglect their business. […] When the price of labour is advanced, the industrious and the sober will by degrees acquire a taste for luxury […] they will contract habits of refinement, which, when suffered to promote their industry, will be useful both to themselves and to the public ; but which, in all cases, will have a tendency to keep up the prices of labour, and to advance the price of all those article which they consume » (Joseph Townsend, A Dissertation on the Poor Laws [Londres, 1786], p. 25-26).
43 « [Wickedness and Profligacy was] a popular and current complaint more than 100 years ago, and has probably been continued through every successive generation » (John Howlett, The Insufficiency of the Causes to which the Increase of Our Poor and of the Poor’s Rate have been commonly ascribed ; The true one stated ; With an Enquiry into the Morality of Country Houses of Industry, and a slight General View of Mr. Acland’s Plan for rendering the Poor independent, [Londres, 1788], p. 23).
44 « It must be acknowledged that there are some considerations which incline one to think that there is really a greater degree of moral depravity, a greater frequency of vice, of certain particular kinds especially, among our present Poor, than there were formerly. But this I must beg leave to observe has not been the cause, but the consequence of their poverty » (Howlett, p. 27).
45 « The prices of meat, butter, and cheese, are so much increased, in consequence of this increase of riches, luxury, and taxes, that working people can now scarcely afford to use them in the smallest quantities » (Davies, p. 32).
46 « Hope and fear are the springs of industry. […] For what cause have they to fear, when they are assured, that if by their indolence and extravagance, by their drunkenness and vices, they should be reduced to want, they shall be abundantly supplied, not with food and raiment, but with their accustomed luxuries, at the expence of others. […] The poor know little of the motives which stimulate the higher ranks to action – pride honour, and ambition. In general it is only hunger which can spur and goad them on to labour ; yet our laws have said, they shall never hunger » (Townsend, p. 13).
47 « The receipt of 5 shilling a day, instead of eighteen pence, would make every man fancy himself com rich, and able to indulge himself in many hours or days of leisure. This would give a strong and immediate check to productive industry ; and in a short time, not only the nation would be poo, but the lower classes themselves would be much more distressed than when they received only eighteen pence a day » (Malthus, p. 78).
48 « [The Poor] are not without sensibility of the comforts and conveniencies of life ; the hopes of security then will be a perpertual stimulus for making provision for future contingencies ; for sickness and disease ; for the solace of age and infirmity, or for the assistance of a rising family » (Howlett, p. 55).
49 « [Addressing himself to the reader, about the Poor] They should cherish in their breasts the hope of advancing themselves to more comfortable circumstances, which is assuredly the best preservative from vice and beggary. Hope is a cordial, of which the poor man has especially much need, to cheer his heart in the toilsome journey through life » (D. Davies, p. 102).
50 « Nature has placed mankind under the governance of two sovereign masters, pain and pleasure. It is for them alone to point out what we ought to do, as well as to determine what we shall do. […] They govern us in all we do, in all we say, in all we think : every effort we can make to throw off their subjection, will serve but to demonstrate and confirm it » (Bentham, An Introduction to the Principles of Morals and Legislation I, 1).
51 « The immediate and principal end of punishment is to control action » (Bentham, Introduction to the Principles of Morals and Legislation, p. 158).
52 Voir les travaux de W. Sabatier qui utilisent cette notion de punition, au lieu de celle de peur : « The want of suitable punishments is a great cause of poverty, so is the uncertainty of them ; for as extravagant people are generally idle, so the punishment should be the very thing they dislike, and as they dread the punishment, they should be certain of it » (Sabatier, p. 25).
53 David Hartley, Observations on Man, His Frame, His Duty and His Expectations (1791 ; Poole : Woodstock Books, 1998) 2 vol. Hartley écrit « The affections have the pleasures and pains for their objects ; as the understanding has the mere sensations and ideas. By affections we are excited to pursue happiness, and all its means, fly from misery, and all its apparent causes » (Hartley I, p. 4).
54 « Rewards and Punishments are the only means by which mankind can be controlled and directed » (Benjamin Thompson, « Of the Fundamental Principles on which General Establishments for the Relief of the Poor may be formed in all Countries, » Essays, Political, Economical, and Philosophical (Londres, 1796) II, p. 147).
55 « It should be desirable, that [the county workhouse] should not be considered as comfortable asylums in all difficulties ; but merely as places where severe distresses might find some alleviation » (Malthus, p. 97).
56 Un ouvrage attire notre attention sur cette question : Rowland Hunt, Provision for the Poor, by the Union of Houses of Industry : A Letter, addressed to a Member of Parliament (Londres, 1797) 37p. R. Hunt y prend la parole à la place des pauvres, pour leur faire dire qu’ils auraient plaisir à terminer leurs jours dans un de ces asiles, dans certaines conditions : « [The poor] does not mind to send the children to the Industry-House, if they be two for company in a strange place […] and does not mind to be sent to the Poor House when old and if the neighbours are gone there too and the cottage too noisy because of the children, and if the magistrate will sometime visit [him] or write for [his] children » (Hunt, p. 35-36).
57 « Equally difficult is the task of drawing any definite line, between the affording to the poor a certain degree of right to that relief, which their situation really may require, and preserving at the same time that degree of controul over them, which may put them to the necessity […] of first doing their own part towards their support » (Trustees of the Poor of the Parish of Kensington, Some Observations on the Bill now pending in Parliament, for the Better Support and Maintenance of the Poor. Prepared for the Use of the Trustees of the Poor of the Parish of Kensington, and Published by their Direction [London, 1797] p. 4).
58 Bentham écrit dans Pauper Management Improved VIII, p. 384 : « Fare consequently the cheapest that can be found, so it be nourishing and wholesome. »
59 Benjamin Thompson, « Of Food, and Particularly of Feeding the Poor », Essays, Political, Economical, and Philosophical (Londres, 1796) III, 210 f.
60 « Materials, the cheapest, so as to afford sufficient warmth. 2. Form, excluding all useless parts – such as skirts to coats and waistcoats – brims to hats […]. – Necessity and use the standards – not fashion – though fashion has of late been approaching nearer and nearer to use. – Distinction, principally by colour – form being determined by frugality. […] Shoes with wooden soles […]. In summer, no stockings » (Bentham, Pauper Management Improved, VIII, p. 388).
61 « […] the same sufficiently sheltered place that serves a man for any one of the daily recurrent func, my serve him for every other : to have one room to work in, another to sleep in, and a third to eat in – to have a breakfast room, a dressing room, a powdering room, a study, a dining room, and a drawing room and a bedchamber, is a matter not of necessity, but luxury » (Bentham, « Pauper Systems Compared », p. 161).
62 « Let it not be said that health requires three, or even two apartments for these several purposes, any more than twenty or thirty. Change of air is indeed necessary to health, but not change of space : change of air, which trough ignorance or prejudice receives no attention in the private abodes of the Poor, but which would receive, of course every necessary attention in any tolerably regulated establishment of the public kind » (Bentham, « Pauper Systems Compared », p. 61).
63 Benjamin Thompson, « Public Establishments for the Poor in Bavaria », Essays, Political, Economical, and Philosophical (Londres, 1796) I, p. 55.
64 « How far, in consequence of habits of luxurious fare, contracted under the existing plan of poor-house provision, (how uncomfortable soever upon the whole) the Suitable-fare principle should be departed from in the instance of that stock, is a problem for the humanity and discretion of the company to solve » (Bentham, Pauper Management Improved VIII, p. 384).
65 « The Poor have one standard, the substantial Tradesman another […]. The true standard would be that which would be set by a Jury of a man’s peers, just able to maintain themselves, each man by the sweat of his own brow, and none of them exposed, (if so the case would be) to fall into a situation in which it would be man’s interest to wish the fare as luxurious as possible » (Bentham, « Neighbour’s-Fare Principle Defended », p. 267-268).
66 « […] the gratification, derived from the several means of sustenance, depends not upon the expensiveness of them, but upon habit, expectation, and the health of mind and body with which the use of them is attended […] » (Bentham, « Neighbour’s-Fare Principle Defended », p. 267 n. 1).
67 « We will therefore endeavour to confine our designation of poverty to some fixed standard, to a that will admit of no exceptions ; for were we to say, such are poor who are unable to live in that line of life which they were brought up, this would be true, but comparatively only » (Sabatier, p. 17).
68 Il n’est pas question ici d’opposer charité publique et privée. Il ne faut pas oublier que la National Charity Company, comme la nomme Bentham, est financée par des fonds privés, bien que l’État garde un droit de regard.
69 Il s’agit de préciser ce propos. L’assistance publique est dispensée par la National Charity Company, qui est une entreprise au capital en actions. Ces actions peuvent être détenues par toute personne prête à investir £ 5. Cependant, au début de la vie de l’entreprise, cette dernière sera encore aidée par les impôts prélevés pour l’aide aux indigents.
70 « Under the Public-Establishment system, the connection between relief and employment being rendered inseparable, as above, the more copious the relief, the better : because be it ever so copious, it is earnt by labour, and the expence of the one replaced by the produce of the other » (Bentham, « Pauper Systems Compared », p. 172).
71 « The claim to charity on this score is grounded on two circumstances : past prosperity, and past and present good behaviour » (Bentham, « Essays », p. 52-53).
72 « Tough a very generous price was paid for labour, in the different manufactures in which the poor were employed, yet, that alone was not enough to interest them sufficiently in the occupations in which they were engaged. To excite their activity and inspire them with a true spirit of persevering industry, it was necessary to fire them with emulation. […] To excite emulation ; – praise ; – distinctions ; – rewards are necessary ; and these were all employed. Those who distinguished themselves by their application, – by their industry, – by their address, – were publickly praised and encouraged ; brought forward, and placed in the most conspicuous situations » (Thompson, « Public Establishments for the Poor in Bavaria » I, p. 69).
73 « EXTRA COMFORTS […]. 1. Peculium habitations […]. 2. Moveable inspection-houses, or field watch-houses […]. 3. Out-lying cottages […]. 4. Peculium garden-plots […]. 5. Power of choosing a partner for the peculium habitations or garden-plots. – 7. Extra allowance in the way of clothing. – 8. Bedding. – 9. Diet. – 10. Pocket-money. – 11. Holiday times, in the manner of school-holidays, for a temporary residence in the circle of a man’s friends » (Bentham, Pauper Management Improved VIII, 433).
74 « Each article might have its receiving-box appropriated to it […]. Along with these particular boxes, a general one, to receive such donations, the application of which shall have been trusted by the donors to the discretion of the government of the house » (Bentham, Pauper Management Improved VIII, p. 429).
75 « Even setting aside any particular distresses, which in their intense degrees, a man may have witnessed or imagined on the part of others, those which in an inferior degree he may have experienced in his own person, (an experience which the most opulent are not exempt from occasionally partaking of) will have a particular tendency to summon the hand of charity to their relief. Chilliness will thus suggest to charity the importance of warm clothing. – Good appetite, or a love of good cheer, will propose additions under the head of diet. – An experience of the discomforts of disagreeable society, will produce oblations to the fund for augmenting the number of peculium huts, or out-lying cot ; and so on. Charity, in a word, will act with the utmost advantage possible, when thus enabled to address herself to each individual by his particular experiences and sensibilities » (Bentham, Pauper Management Improved VIII, p. 429).
76 Benjamin Thompson, « Public Establishments for the Poor in Bavaria » I, p. 62.
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