Introduction à la deuxième partie
p. 91
Texte intégral
1Nous avons fait le pari de présenter les grandes lignes des facteurs généraux susceptibles d’éclairer le déclenchement, en chaîne, de révoltes et d’ébauches de révolutions dans un ensemble « occidental » européen (à l’exception de la Pologne, et, dans une moindre mesure, de Genève). Ne pas saisir les principes des relations internationales et du précaire équilibre garanti par le jeu des grandes puissances européennes serait se condamner à ne pas comprendre l’échec annoncé de tout mouvement d’envergure susceptible de bouleverser la carte politique et dynastique de l’Europe, avant que n’éclate la grande guerre au printemps 1792. L’Europe des rois contre l’Europe des peuples : cette image ramassée serait légitime si l’on considère l’épilogue des mouvements successifs qui affectent les grandes tentatives de subversion de l’ordre politique et social : la France de Vergennes contre la « révolution bourgeoise » de Genève (1782) ; la Prusse de Frédéric II contre la « révolution batave » (1787) ; l’Autriche de Joseph II contre la « révolution brabançonne » (1789) ; la Russie de Catherine II contre la « révolution polonaise » (1792). Mais elle ne prendrait pas en compte d’autres facteurs de contestation. Une conscience européenne naissante s’élève contre les volontés de puissance et les coups de force perpétrés par les deux grandes puissances du Nord, Prusse et Russie au nom des Lumières, du droit des gens et des peuples. Une science et un art de gouverner les peuples et les États (le « despotisme éclairé » ou « ministériel ») semble gagner l’Europe, autour d’un ensemble de réformes rationnelles qui concilierait les intérêts de couches hiérarchisés et jusque-là antagonistes au service d’un État modernisé, tolérant, capable d’arbitrer, de « laisser faire » les lois de l’économie, et de réduire les privilèges et monopoles les plus criants. Tout doit venir d’en haut, au risque de déclencher des révoltes des corps et catégories lésées par des réformes brutales ou maladroites. La grande rébellion de Pougatchev (1773-1774) embrasant les marges russes de l’Oural et de la steppe catalyse la longue marche de la tsarine-philosophe vers le renforcement de l’autocratie et de l’aristocratie. Le vent d’Amérique attise les espoirs des nouveaux « patriotes », Irlandais, Hollandais, donnant une caution symbolique à des mouvements tendant à un partage ou à une prise de pouvoir par des catégories montantes, exclues par les privilèges de la naissance ou de la cooptation. Les rébellions européennes, multiples, éclatées avant 1789, prennent un sens nouveau quand le grand royaume de France est touché par une pré-révolution complexe où les contestations rurales et urbaines rejoignent les espoirs de promotion politique des élites du tiers état (le mérite contre la naissance) au temps des doléances et des États généraux, redonnant vie et espoirs aux réfugiés politique de l’Europe contestataire.
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