Chapitre I.
Des contraintes de l’épuration aux contraintes électorales
p. 21-49
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Index géographique : France
Texte intégral
1« Le parti socialiste effectua une épuration plus profonde de ses propres rangs que tout autre parti politique (et même que toute autre institution quelle qu’elle soit) en France » ; ainsi l’historien américain Peter Novick qualifia-t-il l’épuration à laquelle se livra le parti socialiste, et ce dès la clandestinité1. Quels furent les effets d’une telle rigueur sur la composition des groupes parlementaires sous la IVe République ?
2Depuis Munich en septembre 1938, la SFIO était en proie à une tourmente intérieure qui ne peut se comparer qu’à celle de Tours en 1920. La menace fasciste et la défense de la paix divisèrent si profondément le parti que ses militants purent craindre une scission entre blumistes, adeptes d’une politique de fermeté, et paul-fauristes, partisans d’une politique de négociations. Comment fut-elle évitée au congrès de mai 1939 ? Les journées de juillet 1940 à Vichy, qui se déroulèrent dans un climat d’hostilité patent entre les deux tendances, et où Léon Blum se retrouva singulièrement isolé, firent voler en éclat cette unité de façade. Mais à quel moment la rupture fut-elle perceptible par les socialistes eux-mêmes ? Ces failles rejouèrent sous l’Occupation, même si les engagements individuels entre résistance, collaborationnisme et « accommodation2 » ne reproduisirent pas à l’identique les lignes de partage.
3Cette épuration, considérée comme la condition nécessaire à toute rénovation véritable, dut néanmoins tenir compte de la répression, qui avait frappé de plein fouet le parti, et de la mauvaise volonté de certaines fédérations. En outre, ce furent 85 % du corpus qui affrontèrent le suffrage universel lors de la mise en place du nouveau régime, entre octobre 1945 et décembre 1946. Leur accès au Parlement fut donc aussi déterminé par un contexte électoral et politique extrêmement différent de celui de la IIIe République. La SFIO ne devait-elle pas, pour organiser ses campagnes électorales, affronter divers types de pénuries à la fois : de papier, de moyens de communication, d’argent, de permanents et peut-être même de candidates ? Autant de contraintes auxquelles l’équipe issue de la Résistance dut s’adapter.
Une scission camouflée (septembre 1938-juillet 1940)
4Depuis le congrès de la salle du Globe d’avril 1905, le parti unifié admettait l’existence de tendances, mais le traumatisme de Tours avait été tel que l’unité en avait été sacralisée et que la formule « On n’a jamais raison contre son parti » était régulièrement mise en exergue pour justifier les sanctions qui s’abattaient sur les indisciplinés. La plupart des militants préférait d’ailleurs s’autocensurer. Cette attitude avait un effet pervers dans la mesure où la base préférait gommer les divergences doctrinales et stratégiques, et n’y voir que des querelles de personnes entre les deux chefs charismatiques, Léon Blum et le secrétaire général Paul Faure. Or le rituel des congrès, avec ses chants, ses vifs applaudissements et ses motions de synthèse, lui permettait régulièrement de les associer dans une même dévotion et de célébrer son unité retrouvée.
La scission morale : les accords de Munich (septembre 1938)
5En juillet 1937, l’aggravation de la situation internationale ébranla la direction bicéphale, vivement critiquée par Jean Zyromski, de la Bataille socialiste, qui leur reprochait la non-intervention en Espagne3. En réaction, les pacifistes se regroupèrent autour de Paul Faure et de son secrétaire général adjoint Jean-Baptiste Séverac, et créèrent le Socialiste (septembre 1937-mars 1939). Quatre des futurs parlementaires de la IVe République seulement ont pu être repérés parmi les rédacteurs (Édouard Depreux, Raymond Gernez, Jean Le Bail et Victor Provo), car tous les pseudonymes n’ont pu être décodés. Ils communiaient dans un attachement viscéral à la paix et surtout dans un anticommunisme exacerbé. Dans les années trente, Paul Faure, auteur du Bolchevisme en France : farce et imposture4 semblait plus intransigeant que Léon Blum. La reconversion du défaitisme révolutionnaire des communistes en un patriotisme intransigeant, après la signature du pacte franco-soviétique en mai 1935, apparut aux paul-fauristes comme une preuve supplémentaire du double jeu du PCF et de son inféodation à Moscou. Alors que Léon Blum espérait faire participer les Soviétiques à une entente des démocraties afin de ne pas reproduire en France les erreurs de la République de Weimar, les paul-fauristes militaient activement pour rompre avec le PCF. Ils appelaient de tous leurs vœux la réunion d’une conférence internationale à l’instigation de la France ou de l’Angleterre et préconisaient la poursuite des négociations sur les Sudètes et le désarmement simultané. Qualifiant l’Europe de Versailles de « monstre hideux », ils rappelaient que la SFIO avait toujours critiqué ces traités, et qu’il était grand temps de les réviser5. Dans Le Populaire, Paul Faure souhaita explicitement, le 18 septembre, qu’un « esprit de compréhension, de conciliation et de concession » préside aux débats de la conférence. En apprenant le 20 septembre que celle-ci aurait finalement lieu, Léon Blum ne pouvait quant à lui éprouver qu’un « lâche soulagement6 ».
6Finalement, les accords de Munich des 29 et 30 septembre 1938 livraient les Sudètes à Hitler et autorisaient le dépeçage de la Tchécoslovaquie. Le 4 octobre 1938, après de violents débats, le groupe socialiste vota la confiance au gouvernement Daladier sur sa politique étrangère et ratifia par conséquent les accords. Élie Bloncourt, Jean Bouhey, Salomon Grumbach, Amédée Guy, Jules Moch, Jean Pierre-Bloch et Eugène Thomas s’apprêtaient à voter « contre ». Mais Vincent Auriol, en tant que président du groupe et respectueux de la discipline, fit en sorte de rectifier leur vote. Seul Jean Bouhey put échapper aux pressions7. Léon Blum, par discipline, parla au nom de ses camarades et résuma leurs contradictions en associant le soulagement et la honte, la joie et la douleur. Cet épisode préfigure une longue série de dilemmes du même ordre que nous aurons l’occasion d’étudier. À chaque fois, le militant devait soit respecter la discipline du parti parfois au mépris de ses convictions, soit accepter d’être « un dissident » en obéissant aux règles de sa conscience. Cela révèle toute l’ambiguïté des structures de la SFIO, qui autorisaient le développement de tendances en son sein, mais qui plaçaient la discipline au-dessus des individus, puisque le parti et sa doctrine étaient considérés comme infaillibles. De sorte que la tension pouvait être extrême pour les parlementaires socialistes en ces temps incertains. Et cela permet de mettre d’ores et déjà en perspective le vote du 10 juillet 1940, lorsque l’on sait que ce jour-là, la discipline fut levée. Livré à lui-même, ce à quoi il n’était guère habitué, le parlementaire socialiste devait réellement se décider « en son âme et conscience ». En octobre 1938, le réflexe unitaire était encore si puissant que Vincent Auriol et Léon Blum, alors même qu’ils déploraient ces accords, manœuvrèrent pour faire respecter l’opinion de la majorité.
7Pourtant dès le 5 octobre, Léon Blum réclamait « un effort de surarmement plus intense et plus hâtif ». Dès lors, il incarna la tendance de tous ceux qui, rompant avec le pacifisme inconditionnel du parti, liaient la sécurité collective au respect absolu des engagements diplomatiques, même au prix d’un réarmement immédiat. En vue du congrès de décembre à Montrouge, Léon Blum rédigea une motion favorable à la collaboration franco-anglaise, à un rapprochement des démocraties anglo-saxonnes avec l’URSS et à des pactes d’assistance mutuelle8. En face, la motion paul-fauriste condamnait « tout ce qui pourrait ressembler à “une croisade idéologique” » parce que combattre le fascisme ne consistait pas à faire la guerre à un pays fasciste, et dénonçait en outre la réaction sociale favorisée par le climat de défense nationale9. Parmi les membres du corpus, dix-huit signèrent cette motion10. Au congrès national extraordinaire de décembre 1938, à Montrouge, les paul-fauristes furent mis en minorité par les tenants d’une politique de fermeté face à Hitler, en dépit de l’appui qu’ils reçurent des cégétistes de Syndicats11 et de la tendance Redressement socialiste12. Mais ni Paul Faure ni Jean-Baptiste Séverac ne démissionnèrent de leur poste.
8Pour Daniel Mayer, « on peut situer à la période des accords de Munich le moment où les discussions prirent un tour plus passionné, plus dramatique, plus trouble aussi13 ». C’est à ce moment qu’il place « la cassure », même s’il n’oublie pas ceux qui, bien que munichois, furent résistants. Au point que trente ans plus tard, il se demandera si une scission n’aurait pas été préférable à cette date14. Il participa, en effet, à la fondation d’une nouvelle tendance, « Agir » avec Jean Pierre-Bloch, Jean Bouhey, et François Tanguy-Prigent, tous membres du corpus, mais aussi Georges Monnet, Pierre Brossolette, Georges Izard, Léo Lagrange, et Pierre Viénot. Ils se dotèrent d’un bimensuel, Agir pour la paix et le socialisme, à partir du 1er février 1939. Selon eux, les socialistes devaient montrer aux Français qu’ils tenaient leur salut entre leurs mains et que c’était « de leur courage et de leur volonté de réaliser la solidarité des pays pacifiques » dont dépendait la paix15. Agir signifiait agir à l’intérieur du Parti, contre le schisme moral qui existait déjà.
9En réaction les paul-fauristes créèrent, en mars 1939, Le Pays socialiste par la Liberté par la Paix, hebdomadaire de seize pages, qui avait pour ambition de concurrencer Le Populaire considéré comme « la chose des bellicistes ». À Édouard Depreux, Raymond Gernez et Jean Le Bail, qui collaboraient déjà au Socialiste, il faut ajouter Bernard Chochoy, Félix Gouin, Max Lejeune, Jean-Marie Thomas et Étienne Weill-Raynal. Ils étaient moins nombreux que ceux qui signaient les motions paul-fauristes, car Le Pays socialiste professait un anticommunisme beaucoup plus virulent qui, de plus, n’était pas exempt de relents antisémites. Ce sentiment diffus, rarement exprimé au grand jour mais dans des propos de couloirs, alimenta l’anti-blumisme, même si tous les paul-fauristes n’étaient pas également touchés16. Le malaise sans cesse croissant depuis les accords de Munich faisait éclater les digues traditionnelles du respect et de l’amitié et laissait s’épancher un antisémitisme jusque-là larvé.
Le réflexe unitaire (Nantes, mai 1939)
10À la veille du congrès prévu du 27 au 31 mai 1939, le paul-fauriste Édouard Depreux adressait une lettre pathétique à Vincent Auriol pour obtenir une entrevue entre Léon Blum et Paul Faure : « Je vous supplie amicalement de faire l’impossible pour la provoquer. Il ne s’agit pas de dissimuler les oppositions d’idées ou de méthodes. Mais il faut sauver le parti en évitant la scission morale17. » À Nantes, il est clair que l’ambiance était lourde de rancœurs ; les insultes « sac au dos » et « pacifistes bêlants » ne se chuchotaient plus ; la détresse des délégués était patente. La répartition des soutiens que trente-neuf membres du corpus accordèrent aux trois principales motions avant le congrès est tout à fait représentative de l’ampleur des divisions. Celle de Léon Blum en recueillit plus de la moitié, celle de Paul Faure près d’un tiers et celle de Redressement une seule18.
11Un fossé d’incompréhension totale, voire de haine, était en train de se creuser. Élie Bloncourt, aveugle de guerre, eut même ces mots très durs : « On dit qu’il faut être aveugle pour ne pas voir ! Et bien oui ! Mais il y a une cécité terrible, c’est celle qui est la vôtre ! » En face, le paul-fauriste Jean Le Bail prédisait que leur politique de fermeté deviendrait nécessairement « une politique d’alignement, au côté du bloc ploutocratique, engagé dans la lutte contre le bloc autarcique ». Car pour les paul-fauristes, le conflit était de nature essentiellement économique et non politique, et ce n’étaient pas tant le fascisme et le racisme que l’impérialisme qui caractérisaient la politique hitlérienne, le nazisme leur apparaissant comme un prolongement du pangermanisme qui avait été à l’origine de la Grande Guerre. Ils justifiaient ainsi la vieille formule de l’Internationalisme prolétarien19. Chez la plupart des socialistes, imprégnés de matérialisme historique, le fascisme n’était qu’une dégénérescence du capitalisme20. Les adeptes d’une politique de conciliation méconnaissaient donc totalement l’originalité du nazisme, en particulier sa nature raciste, en lui appliquant une grille de lecture étroitement marxiste, guesdiste, qui se voulait conforme au matérialisme historique. Les positions semblaient inconciliables. L’interprétation du fascisme, suivant le degré de perception de sa nocivité, conditionnait l’acceptation plus ou moins précoce, voire tardive, du risque de guerre. Le pacifisme viscéral conjugué à un anticommunisme tout aussi virulent fit écran et permit aux paul-fauristes de gommer tout enjeu idéologique.
12On peut alors s’étonner que le parti n’ait pas aussitôt éclaté en mai 1939. Mais de nombreux militants étaient attachés à préserver une sorte d’équilibre entre le maniement de la fermeté et celui de la négociation. En outre, ils étaient tributaires de cette mystique de l’unité héritée de 1905 et de cette horreur de la scission cultivée depuis Tours. Finalement, un texte de synthèse condamna la violation des engagements solennels, affirma son adhésion à la défense nationale et approuva les garanties données par la France et l’Angleterre tant à l’ouest qu’à l’est de l’Europe, ce qui était une concession des paul-fauristes. Mais à nouveau, le parti réclamait une conférence internationale en vue d’assurer à chacun une juste part des richesses, en particulier coloniales. Par ailleurs, Paul Faure avait empêché que le texte puisse favoriser d’une façon quelconque un gouvernement d’union nationale. Une unité de pure façade était ainsi préservée. Ce congrès de mai 1939 allait laisser une pénible impression à ceux qui se chargèrent plus tard de reconstruire le parti dans la clandestinité. Certes, les positions de chacun étaient loin d’être figées, mais des préjugés allaient marquer durablement les délégués de Nantes.
13L’année qui suivit ne permit pas au parti de se ressaisir. La signature du pacte germano-soviétique, le 23 août 1939, renforça les paul-fauristes dans leurs convictions, alors qu’elle plongea les autres dans la stupeur. La « trahison sanglante de Staline » justifiait l’anticommunisme de toujours des premiers21. Le 26 septembre 1939, contre Léon Blum, ils approuvèrent la dissolution du PCF. Le 21 mars 1940, Léon Blum approuva la participation de six socialistes au gouvernement de Paul Reynaud puis, après la débâcle, celle d’Albert Rivière et d’André Février au gouvernement du maréchal Pétain, constitué à Bordeaux le 17 juin 1940. La CAP ne fut même pas consultée ; le parti n’avait plus guère de direction. En fait, la plupart des membres de la CAP, du groupe parlementaire et des cadres fédéraux étaient mobilisés ; Paul Faure et Jean-Baptiste Séverac s’étant repliés à la campagne après la défaite, le secrétariat général ne jouait plus aucun rôle. Désespéré, Jean-Baptiste Séverac avait même diffusé une circulaire de mise en sommeil du parti. Plus ou moins isolés, privés en tout cas de consignes collectives, de ces manifestations de masse où le parti ne semblait faire qu’un seul corps, les militants devaient décider seuls de leurs choix. Leur culture partisane les y avait mal préparés, et les journées de Vichy, qui mirent les parlementaires au pied du mur, en furent la preuve éclatante.
Face au péché originel des journées de juillet 1940
14Le 10 juillet 1940, 569 députés et sénateurs, tous partis confondus, accordèrent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, afin qu’il promulgue une nouvelle Constitution. Quatre-vingts parlementaires seulement les refusèrent. Mais le vote positif de la plupart des socialistes pesa moins en valeur absolue – 15,8 % des « oui » – que par sa portée symbolique. Si les représentants du parti avaient failli, la SFIO tout entière était atteinte par ce qui fut ressenti comme une « honte » et un « déshonneur ». Plus grave encore, cela risquait de signifier que son idéologie avait failli elle aussi. L’enjeu en termes d’image était donc si fort qu’il conditionna les récits, témoignages et analyses des membres du parti clandestin puis rénové. Olivier Wieviorka a montré, depuis, que l’acceptation résignée de la défaite pouvait conduire à accorder les pleins pouvoirs, mais pas fatalement à contribuer au sabordage de la République, et que certains, jugeant leur postulat de départ infirmé, s’opposèrent ensuite à Vichy22. Mais à la Libération, la complexité des motivations fut volontairement et complètement gommée.
15Trente-huit parlementaires du corpus furent convoqués à Vichy. Réunis en séance privée le 8 juillet, la soixantaine de socialistes qui purent rejoindre la ville jugèrent qu’il leur était difficile de s’opposer à la révision d’une constitution qu’ils n’avaient cessé de critiquer, et ce au moment même où l’opinion publique était convaincue, par la défaite, des défauts du système. Ils décidèrent donc de voter le principe de révision le lendemain, en dépit des réticences de Léon Blum. En revanche, ils furent unanimes, à deux exceptions près, à refuser de déléguer le pouvoir constituant au maréchal Pétain23. Le 9 juillet, lors des séances tenues séparément par les deux chambres, les socialistes votèrent, à l’exception de Jean Biondi et Léon Roche, en faveur du principe de révision. Quelques autres avaient par ailleurs signé le contre-projet « Taurines, Dormann », du groupe de sénateurs dit « des anciens combattants », tels Joseph Paul-Boncour, alors membre de l’Union Socialiste Républicaine (USR), et Georges Bruguier, alors sénateur SFIO du Gard. S’ils y acceptaient la suspension des lois constitutionnelles de 1875, ils n’accordaient les pleins pouvoirs au maréchal que pour assurer « le maintien de l’ordre, la vie, le relèvement du pays et la libération du territoire », et lui donnaient pour « mission de préparer, en collaboration avec les commissions compétentes, les constitutions nouvelles qui seront soumises à l’acceptation de la nation dès que les circonstances permettront une libre consultation ». Ils lui refusaient donc le pouvoir constituant. Fernand Audeguil, Jean Biondi, Jean Le Bail, Louis Noguères, André Philip et Paul Ramadier, alors USR, et à nouveau Georges Bruguier, avaient par ailleurs adhéré à une motion de Vincent Badie où, tout en accordant les pleins pouvoirs au maréchal « pour mener à bien cette œuvre de salut public et de paix », ils se refusaient « à voter un projet qui aboutirait inéluctablement à la disparition du régime républicain » et proclamaient qu’ils restaient « plus que jamais attachés aux libertés démocratiques ».
16Le 10 juillet cependant, sur 168 socialistes, 90 accordèrent les pleins pouvoirs, 36 votèrent contre, 6 s’abstinrent, les autres étant empêchés24. Parmi ceux qui furent réélus sous la IVe République, 20 votèrent « non25 » et trois « oui26 ». Le député SFIO du Vaucluse Charles Lussy s’abstint ; et quatorze d’entre eux étaient absents : Salomon Grumbach (Tarn), André Le Troquer (Seine), Max Lejeune (Somme), Jean-Marie Thomas (Saône-et-Loire), et Andrée Viénot qui accompagnait alors son mari député, Pierre (Ardennes), s’étaient embarqués sur le Massilia ; Jean Bouhey (Côte-d’Or), Adrien Mabrut (Puy-de-Dôme), Jean Meunier (Indre-et-Loire) et Jean Pierre-Bloch (Aisne) étaient prisonniers. Les autres, Émile Bèche (Deux-Sèvres), Élie Bloncourt (Aisne), Pierre Olivier Lapie (Meurthe-et-Moselle), Augustin Laurent (Nord), Paul Sion (Pas-de-Calais) et Eugène Thomas (Nord) n’avaient pu rejoindre Vichy. Les socialistes représentaient 45 % des « quatre-vingts » opposants alors qu’ils ne constituaient que 20,3 % des votants, mais 68,1 % de ceux qui votèrent approuvèrent la délégation des pleins pouvoirs à Pétain. En apprenant le résultat, la stupeur fut réelle chez de nombreux socialistes. Un antimunichois comme Daniel Mayer fut effrayé que son ancien camarade d’Agir, Georges Monnet, se soit abstenu ; un paul-fauriste comme Édouard Depreux trouva inconcevable que les élus du peuple aient pu abandonner la République27. À l’instar de Paul Ramadier qui constatait : « Jamais je n’arracherai de ma mémoire la honte de cette journée28 », tous exprimèrent un jour ou l’autre ce sentiment de déshonneur.
17Le récit des journées de Vichy par les opposants du 10 juillet obéit toujours aux mêmes règles de construction. Tous mettent en scène les menaces qui pesaient sur les parlementaires, le rôle machiavélique de Pierre Laval, et par conséquent la peur qui n’eut d’égale que la lâcheté. Celles-ci deviennent les personnages à part entière d’un drame dont les narrateurs se disent avoir été les spectateurs impuissants. Félix Gouin décrit la réunion du groupe en ces termes :
« Nous n’avions plus en face de nous qu’une troupe sans énergie et sans courage, décidée à tous les abandons comme à tous les reniements. […] On ne pouvait, dans ces conditions, engager aucune bataille, ni même intervenir, au nom du groupe29… »
18Or l’on peut s’étonner de voir Léon Blum et ses amis à ce point réduits au silence. Lucien Hussel reconnut qu’il n’y eut pas de pression pour empêcher Léon Blum de parler, mais que très peu de militants restaient à ses côtés30. Peut-être se sentaient-ils déjà complètement isolés et sans aucune emprise sur le groupe parlementaire : c’est du moins ce qu’ils voulaient tous démontrer. Dans leurs plaidoyers, ceux qui votèrent « oui » leur reprochèrent ce silence, l’assimilant à une circonstance atténuante pour eux31. Si l’on veut bien admettre que la peur n’eut aucune prise sur Léon Blum et ses amis, un certain découragement, voire un détachement à l’égard d’anciens camarades devenus si étrangers, purent les empêcher de tenter quelque chose. Les jeux semblaient faits. L’onde de choc des déchirements successifs de Munich, de Montrouge puis de Nantes, trouvait là son ultime répercussion et aboutissait à « une dissolution sans nom32 ». Jules Moch n’analyse pas autrement le fait que la liberté de vote ait été décidée dès le 8 juillet, sans aucune discussion, et en pleine contradiction avec les statuts et la tradition du groupe33. Le réflexe unitaire était annihilé ; la discipline, artificielle, n’avait plus lieu d’être et pour la première fois, chacun était livré à lui-même. Évoquer la peur comme le facteur déterminant du vote majoritaire permet aux « trente-six » de montrer qu’ils furent capables de sublimer ce sentiment par amour de la République. Mais cela justifie surtout leur silence. Si les autres s’étaient trompés, il aurait fallu expliquer cette impuissance à les convaincre. Dans la mesure où la peur et la lâcheté avaient précipité les « oui » dans la trahison, « le dégoût » devenait la seule attitude possible pour les « non ».
19Dans un texte resté célèbre, Léon Blum fut l’un des premiers à décrire cette ambiance, et donna le ton lors du procès Pétain, à l’été 1945 :
« C’est un spectacle qu’il est difficile d’évoquer sans un certain frémissement. J’ai vu là pendant deux jours, des hommes s’altérer, se corrompre, comme à vue d’œil, comme si on les avait plongés dans un bain toxique. Ce qui agissait, c’était la peur, la peur des bandes de Doriot dans la rue, la peur des soldats de Weygand à Clermont-Ferrand, la peur des Allemands qui étaient à Moulins. […] À la vérité, il n’y a pas un des hommes qui ont voté contre qui en son for intérieur, fût assuré de sortir libre34. »
20Cette représentation des événements de Vichy fut longtemps partagée. Pierre Olivier Lapie, en 1967, se réfère explicitement au texte de Blum : « la peur régnait, qui ne raisonne pas35 ». Et en 1970, Jules Moch voit encore dans la tendance centrifuge qui isola Blum de ses amis de la veille « l’un des témoignages frappants de la propagation de la peur et de la lâcheté36 ».
21Dans tous les récits, l’instigateur de ce drame est clairement identifié : il s’agit de Pierre Laval, ancien militant socialiste, que Félix Gouin décrit comme « anarchisant de tempérament », et n’étant « pas fait pour accepter les servitudes que tout militant consent à son parti37 ». Mué en personnage balzacien, il leur inspire des portraits non dénués de clichés tels celui-ci de Vincent Auriol :
« Voici le maquignon d’hommes. Une “éternelle cigarette” à la bouche, comme Briand, il va comme lui, légèrement courbé, la démarche compassée, la tête dans les épaules, penché en avant. Par l’affectation de son allure, il cherche à se donner figure et autorité d’homme d’État et de penseur. Tout est noir en lui : costume, visage, âme. La seule tache blanche est celle de sa cravate. Il aperçoit un groupe. Il approche. Il s’arrête avec un collègue qu’il feint d’écouter : en vérité, d’un regard oblique, il surveille son monde. De ses yeux de Mongol, rapetissés, prisonniers dans un pli de paupières lourdes, on aperçoit un point noir. Cette attitude, cette dissimulation de soi, c’est tout le personnage38. »
22Pierre Laval est donc investi d’un pouvoir maléfique, presque capable à lui seul de faire sombrer le régime, comme en témoigne Henri Henneguelle dans cet étonnant raccourci : « Dès que j’eus entendu le discours de Laval au Sénat, je compris que la République était perdue39. » Campé comme un nouveau Machiavel, ses manœuvres font l’objet de sombres descriptions et de variations sur le thème de la peur, toile de fond à tous les vices des hommes politiques corrompus, tels que les dénonçaient les feuilles antiparlementaires. Ainsi Lucien Hussel insiste sur leur vénalité :
« Depuis cinq jours, il happait les parlementaires dès la descente de leur voiture, et faisait toutes les promesses ; tantôt il s’agissait de défendre le régime parlementaire ; tantôt d’empêcher Weygand de réaliser un nouveau Brumaire ; à tous on précisait que l’indemnité parlementaire serait conservée40. »
23Jean Biondi évoque leur vanité :
« Parfois il emploie la flatterie ; les préfets sont des gens peu intelligents, alors qu’il se trouve parmi les parlementaires des gens intelligents qui pour raient avantageusement les remplacer, et certains voient aussitôt cette possibilité avec satisfaction41. »
24Si Pierre Laval est dépeint comme un personnage diabolique, les parlementaires socialistes défaillants auraient dû trouver la force de lui résister. Pire, son jeu aurait dû les alerter. Vincent Auriol souligne que c’est en vain qu’ils prétendirent avoir été trompés, car si à Bordeaux, Pierre Laval avait dissimulé ses desseins, « il les dévoila et se dévoila à Vichy42 ». Avoir cédé à Pierre Laval était finalement une circonstance aggravante.
25Par conséquent, ceux qui avaient accordé les pleins pouvoirs n’avaient pas plus été trompés qu’ils ne s’étaient trompés, telle fut la représentation dominante. L’erreur aurait pu leur être pardonnée, mais il s’agissait bien d’une « trahison », d’une « forfaiture » et donc d’une « faute », ce dernier terme étant récurrent. Leur « foi » dans les valeurs du socialisme avait été mise à l’épreuve, et ils avaient failli, « alors que pourtant l’exemple de maîtres illustres et la force d’une grande doctrine pouvaient soutenir les esprits et les courages même un instant ébranlés43 ». Il fallait impérativement reporter toute la défaillance sur les hommes. L’erreur n’est jamais évoquée comme circonstance atténuante parce qu’elle ne saurait être envisagée : seule la faute, au sens religieux, est dénoncée. Pour appuyer cette démonstration, tous insistent sur le climat de peur et diabolisent Pierre Laval. Mais la peur ne constitue nullement une excuse, car les parlementaires défaillants avaient perdu leur « foi » socialiste. Ce péché contre l’esprit était capital et justifia dès lors une scission de fait.
26Ce fut d’autant plus facile que les ralliements des derniers paul-fauristes à la Résistance avaient eu lieu44. Vingt d’entre eux avaient refusé les pleins pouvoirs, parmi lesquels huit membres du corpus : Fernand Audeguil, Jean Biondi, Gaston Cabannes, Édouard Froment, Félix Gouin, Lucien Hussel, Louis Noguères et Jean-Louis Rolland. Pour ceux qui abandonnèrent leurs convictions pacifistes en s’opposant à Vichy et à l’occupant, la rupture était intervenue à leurs yeux nécessairement plus tard que pour les antimunichois. Édouard Depreux, selon son propre aveu, s’était « accroché à tous les espoirs, si légers fussent-ils, d’éviter cette catastrophe45 ». Et dans ses Mémoires, il ressent le besoin d’expliquer qu’il n’y avait pas de honte à avoir espéré jusqu’au bout le maintien de la paix. Mais « tous les anciens clivages allaient être balayés comme des fétus de paille par les drames que nous connaissions et allions connaître », à savoir les journées de juillet, l’instauration de l’État français et l’Occupation46. Félix Gouin constate avec douleur que le peuple français s’était « résigné à une paix ignominieuse » et avait perdu tout « orgueil47 ». Les représentations de la rupture varient en fonction du moment où le seuil de tolérance de chacun fut atteint : accords de Munich, défaite, Armistice ou juillet 1940. Mais quoi qu’il en soit, elles conditionnèrent la mise en place de toutes les mesures d’éviction et donc d’épuration à partir de l’été 1940, date à laquelle la scission fut bel et bien consommée.
Épurer pour rénover, réintégrer pour gagner
27Le vote du 10 juillet 1940 devint le premier critère de l’épuration, et par là même de la reconstitution. S’il eut un impact à si long terme, c’est qu’il fut à l’origine d’un « complexe d’infériorité » reconnu dès octobre 1943 par le comité exécutif48. Or l’enjeu était vital puisqu’il fallait revaloriser l’image du parti dans l’opinion publique, face à la propagande de Vichy qui accusait les forces politiques de la IIIe République de la défaite. Le procès de Riom (février-avril 1942) fut l’occasion pour Léon Blum de prononcer un vibrant plaidoyer pour le Front populaire et le régime républicain, et de dénoncer l’imposture de l’État français. Il restait néanmoins à regagner la confiance d’un grand nombre d’anciens militants qui, dégoûtés, se détournaient du parti socialiste clandestin.
Une reconstitution sélective (été 1940-automne 1945)
28L’exclusion des « oui » fut immédiatement réclamée. En zone Nord, ils furent condamnés dès le mois de septembre, dans une déclaration du CAS-Nord, et en zone Sud, exclus lors de la réunion de Lyon en mai 1941. Lorsque certains d’entre eux décidèrent d’entrer en Résistance, il leur fut difficile de regagner la confiance de leurs anciens camarades. Pris de remords après le 10 juillet, Raymond Gernez rejoignit en zone Sud les premiers éléments du parti reconstitué pour obtenir leur pardon. Pour son rachat, il fut chargé d’innombrables missions de liaison, à bicyclette, dont celle de convoyer Le Populaire clandestin de Saint-Claude dans le Jura vers la zone Sud, où il le distribuait49. Les socialistes résistants n’eurent jamais de mots assez durs pour stigmatiser tous ceux qui n’avaient pas rejeté Vichy et l’occupant. Le vocabulaire était emprunté au registre religieux : à « la faute », devaient répondre « l’expiation », « le rachat », « la rédemption », « le purgatoire » et éventuellement « l’indulgence » et « le pardon ». Le socialisme collaborateur, en particulier, leur inspira le plus profond « dégoût ». Interné à Pellevoisin, Vincent Auriol lut des « articles de [Charles] Spinasse et [Marcel] Régis abominables dans L’Effort. Régis écrit notamment, le 24 février [1941] : “Nous les socialistes ralliés” ». « Il n’y a qu’à vomir », confia-t-il à son journal50. Et il félicita la belle-fille de Léon Blum, Renée, lorsqu’elle chassa Charles Spinasse qui souhaitait les rencontrer. Il qualifiait désormais celui-ci de « feu ami dont la flamme intérieure m’avait aveuglé51 ». Jean Pierre-Bloch, emprisonné au camp de Mauzac en 1941, souffrait quant à lui du « silence » de son ami Georges Monnet, qui s’était abstenu le 10 juillet et qui, depuis, ne donnait plus aucun signe de vie52. Pour l’entourage de Léon Blum, ces hommes avaient non seulement renié leur passé, mais avaient bafoué toutes les règles de l’amitié. Dans un parti où l’affectif et l’admiration avaient toujours joué un rôle prépondérant, la blessure était incurable et explique en partie la vigueur de l’épuration.
29Mais en se démarquant des « traîtres » et des « lâches », il s’agissait aussi de reconquérir les militants qui, désorientés, voire écœurés, avaient pris leurs distances avec le parti. À la fin de juillet 1940, Marx Dormoy confiait à Vincent Auriol, qui aurait préféré constituer « un bloc de résistants », qu’il fallait au plus vite réorganiser le parti socialiste sous peine de voir la moitié au moins des militants passer au communisme53. Six mois plus tard, Vincent Auriol craignait à son tour que le champ ne soit laissé libre à la propagande communiste et que celle-ci ne soit favorisée par le ralliement à Vichy de socialistes connus : « L’attitude de Paul Faure et de son entourage fait le jeu des bolcheviks et décourage toute résistance et toute action des masses militantes et surtout syndicalistes54. » De fait, certains militants de la zone Sud, comme Achille Auban, préférèrent créer leur propre mouvement, Libérer-Fédérer, et élargir son recrutement aux communistes, comme Gilbert Zaksas, futur député SFIO. Ils voulaient s’organiser en dehors du parti clandestin, parce que la SFIO était à leurs yeux « un parti pourri » qu’il fallait épurer « de façon féroce55 ».
30Le parti socialiste clandestin voulut par conséquent considérer les défaillances comme le fruit d’erreurs individuelles, alors qu’à ses yeux les élus qui avaient refusé les pleins pouvoirs incarnaient « la tradition socialiste ». « La lâcheté des individus » s’étant « noyée dans la lâcheté collective de l’Assemblée56 », les « trente-six » demeuraient les seuls dépositaires de la doctrine. Il faut d’ailleurs préciser que leur nombre n’était pas strictement fixé à cette époque et qu’il varie de trente-six à trente-neuf, à cause de parlementaires USR comme Joseph Paul-Boncour, parfois rattachés aux socialistes. Par synecdoque, les « trente-six » étaient donc censés représenter le parti dans son intégralité, alors qu’ils n’avaient en fait constitué qu’un gros quart des 132 parlementaires socialistes présents (27,2 %). Ils étaient considérés comme les ferments de la résistance socialiste par ceux que Marc Sadoun nomme « les premiers pèlerins du socialisme résistant57 ». Arrivé à Marseille avec sa femme Cletta, Daniel Mayer alla voir Félix Gouin, car « notre critère était les “39”58 ». Henri Ribière et André Blumel procédèrent de la même façon de leur côté59. Pour les non-parlementaires, ce recrutement sélectif privilégia les éléments ayant fait la preuve de leurs convictions depuis 1938. Pour sélectionner les lecteurs du Populaire clandestin par exemple, Daniel Mayer et Henri Ribière utilisèrent les fichiers de la revue Agir, qui avait regroupé avant-guerre les partisans de la fermeté60. Et seuls les paul-fauristes qui s’engagèrent dans les mois suivant l’Armistice, comme Édouard Depreux, ou bien qui revinrent des camps de prisonniers, furent autorisés à rejoindre le parti socialiste clandestin.
31L’espoir de la Libération et d’une résurrection de la vie politique se faisant jour, il devenait toutefois urgent d’afficher une épuration sans faille. Le 1er juillet 1943, Le Populaire affirmait la légitimité du parti clandestin en ces termes : « Il n’est pas le parti d’hier. Il a rompu délibérément et définitivement avec beaucoup de ses membres et certaines de ses méthodes61. » Les « non » ne suffisaient plus, même par synecdoque, à effacer la souillure qui entachait la SFIO, d’autant qu’ils étaient souvent remis en cause dans les rapports adressés à la direction des FFI fin 194462. En visant ces anciens parlementaires, dont certains siégeaient à l’Assemblée consultative provisoire, leurs détracteurs rejetaient les vieux partis ; et le parti clandestin, qui en était parfaitement conscient, souhaitait vivement s’en démarquer. Lorsqu’au début de l’année 1944, il fallut envisager la constitution d’un organisme provisoire qui servirait de caution populaire au futur gouvernement de la Libération, il se montra très hostile à l’idée de ressusciter l’Assemblée nationale. En mai 1944, le Comité national des corps élus de la République, auquel participait le parti radical, avait déclaré sa volonté d’épurer les vichystes, mais disculpait l’Assemblée de 1940 en dénonçant la « violation » de ses décisions par Pétain. Immédiatement, le parti socialiste clandestin répliqua que cette interprétation était inadmissible63. Au-delà de l’exclusion des « oui » du parti, c’était donc déjà leur inéligibilité qui était envisagée. Peu avant le débarquement, le secrétariat général diffusa une liste des critères d’épuration à appliquer à la Libération64. Étaient exclus définitivement et sans appel : tous les parlementaires déjà sanctionnés par le comité central clandestin ; tous les élus – conseillers municipaux, maires et conseillers généraux – demeurés à leur poste depuis le 25 juin 1940 sans autorisation explicite du parti ; tous ceux qui, par leurs actes ou leurs écrits, avaient témoigné de leur confiance à l’État français ou à l’occupant ; tous ceux qui ayant expressément refusé leur concours au parti clandestin ne pouvaient par ailleurs faire état d’une participation active à un mouvement de Résistance ; et enfin tous ceux qui se seraient livrés au marché noir. La circulaire prenait soin d’y ajouter « tout citoyen […], susceptible par sa présence de porter atteinte au prestige du parti », montrant à quel point le souci de son image était vif.
32Lors de son congrès extraordinaire de novembre 1944, le parti reconstitué put réunir environ 125 délégués à Paris. Son objectif essentiel était d’afficher au grand jour son existence, sa rénovation et donc son épuration. « Le Parti remportant une victoire sur lui-même, s’est transformé moralement […]. Il a chassé de son sein les traîtres, les lâches, les défaillants », proclama Le manifeste du Parti socialiste au peuple de France à l’issue du congrès65. Ainsi la commission des parlementaires prononça quatre-vingt-trois exclusions pour seulement douze réintégrations avec suspension de tout mandat pendant la durée d’une législature, neuf ayant accordé les pleins pouvoirs, deux s’étant abstenus et un étant sur le Massilia66.
33Avant le congrès, la commission avait réuni tant que faire se pouvait des informations, mais ne semble pas avoir organisé d’auditions. Aucun accusé ne put s’exprimer, ce qui provoqua quelques réactions. Augustin Laurent, dirigeant de la puissante fédération du Nord, déplora une intolérance qui n’était pas sans évoquer celle d’un Comité de salut public : « En séance publique, il n’y avait absolument rien à faire… Le congrès se montrait impitoyable67. » Même Charles Lussy – qui s’était abstenu – fut suspendu en dépit du soutien d’Henri Malacrida, membre de Combat et du parti clandestin, de Gaston Defferre, chef du réseau Brutus et ancien du CAS, et de Daniel Mayer lui-même, qui évoquèrent son rôle pour diffuser Le Populaire clandestin et favoriser le recrutement dans le Vaucluse68. Le congrès ignorait comment avait voté René Arbeltier, mais il était toutefois menacé d’exclusion pure et simple. Roger Veillard, délégué de la Seine-et-Marne, prit sa défense. En tant que membre de Libération Nord et du réseau Buckmaster, il témoigna que, quel que fût son vote, René Arbeltier avait participé à quatre années de parachutage et de sabotage. Ce dernier ne fut donc que suspendu. Louis Sibué, qui avait voté « oui », dut quant à lui se contenter d’une suspension, en dépit de sa participation active au maquis savoyard, de son arrestation par la Milice pour avoir diffusé Le Populaire clandestin et du soutien de Gaston Defferre69. Raymond Gernez fut le seul à être maintenu sans condition, en dépit de son vote positif, en raison « des services exceptionnels » rendus au parti. Jean-Marie Thomas, enfin, était absent le 10 juillet 1940. Son cas est particulièrement intéressant car il était député de Saône-et-Loire, fief paul-fauriste, où cinq des six parlementaires accordèrent les pleins pouvoirs, lui seul choisissant de s’embarquer sur le Massilia. Louis Escande, délégué de Saône-et-Loire et membre du MLN, reconnaissait que Jean-Marie Thomas ne s’était pas engagé, mais il faisait preuve à leur égard « d’un loyalisme politique » auquel il voulait rendre hommage70. Dans la mesure où l’ancien député n’avait commis aucune faute patente, il demandait que le congrès s’efforce de comprendre la situation de leur département : « Car je dois vous dire que nous avons actuellement deux fédérations socialistes : la fédération du nouveau parti et la fédération de Paul Faure qui continuera à nous combattre âprement71. » L’exclusion fut néanmoins maintenue dans un premier temps.
34Au lendemain des municipales d’avril et mai 1945, le secrétaire général, Daniel Mayer, justifia son intransigeance devant les secrétaires fédéraux au nom d’une « raison d’État qui est la raison du Parti72 ». L’épuration était bel et bien considérée comme la condition même de la rénovation du parti et donc de son existence. Or Léon Blum, tout juste rentré de déportation, apporta sa caution en résumant ainsi les enjeux symboliques et politiques :
« Il faut à la fois que nous donnions l’impression de la continuité et l’impression de renouvellement ; il faut que nous montrions que nous sommes toujours le parti socialiste, le même parti socialiste, et que nous sommes en même temps un parti socialiste renouvelé, rajeuni, transformé73… »
35Le débat sur un éventuel changement de nom du parti, qui aurait dû en être la conséquence logique, tourna cependant court à cause des exclus. Bien que discrédités, ils se regroupèrent en effet derrière l’ancien secrétaire général, forts de l’appoint de nombreux anciens parlementaires, et s’approprièrent le nom de « Vieux parti socialiste SFIO », le 28 décembre 1944, dans un « Appel de la direction provisoire du parti », où ils se dressaient contre « les usurpateurs et les scissionnistes ». Quelques fédérations dissidentes leur emboîtèrent le pas, telles que la Saône-et-Loire, véritable bastion paul-fauriste, la Haute-Vienne, la Seine, la Haute-Garonne… Le 24 août 1945, ils créèrent le Parti socialiste démocratique, future composante du RGR en octobre 194674. Leur action et leur propagande, à défaut de constituer une véritable concurrence électorale comme en Saône-et-Loire, entretenaient la confusion et nuisaient à la reconstitution.
Réintégrer par nécessité
36Le souci aigu de sa rénovation ne put toutefois éviter au parti d’être confronté aux contraintes électorales, qui tempérèrent de force l’intransigeance de ses dirigeants. En optant pour la représentation proportionnelle, le GPRF s’éloignait le plus possible du régime électoral de la IIIe République, en respectant l’équilibre des diverses forces issues de la guerre et en évitant une trop brutale bipolarisation. Il s’agissait en outre d’un scrutin départemental à un tour, avec attribution des restes dans le cadre départemental et à la plus forte moyenne, système qui avantageait les grands partis organisés tels que la SFIO et qui renforçait son pouvoir sur ses élus. Mais pour se présenter, une liste devait, sous peine de nullité, comporter un nombre de candidats équivalent à celui des sièges à pourvoir dans la circonscription considérée, ce qui obligeait les socialistes à trouver parfois jusqu’à dix candidats, comme dans les trois premières circonscriptions de la Seine. En outre, nul ne pouvait être candidat dans plus d’une circonscription ni sur plus d’une liste.
37Or dès octobre 1945, André Philip décrivait en termes laconiques une situation critique : « Nous avons donc repris notre fédération du Rhône avec rien, pas un cadre. Les uns avaient trahi, les autres étaient morts en convoi. » La répression conjuguée à l’épuration provoquait une carence de cadres d’autant plus cruelle pour la SFIO que le calendrier électoral était surchargé. Moins d’un an après son congrès de novembre 1944, il lui fallait être capable de désigner un nombre suffisant d’hommes et de femmes, répondant à ses critères, susceptibles d’être élus, et répartis sur l’ensemble du pays. Or certaines de ses fédérations étaient parfois à peine reconstituées et certains prisonniers et déportés, rentrés dans leur foyer, n’étaient pas en état d’assumer les fatigues d’une campagne électorale.
38Contrairement à l’image donnée par l’attitude réservée de la SFIO après la guerre, l’hémorragie conjuguant les victimes de la guerre, de la répression et de la déportation fut très profonde, tant par son ampleur que par la valeur de certains disparus75. Encore sous-estimée par l’historiographie, elle détermina de fait, elle aussi, le recrutement des parlementaires. Avant même le 10 juillet, le groupe parlementaire comptait déjà des pertes, avec en particulier Léo Lagrange. Puis, parmi ceux qui refusèrent les pleins pouvoirs ou qui étaient absents, certains moururent assassinés tels Marx Dormoy et François Camel, ou en déportation comme Augustin Malroux, ou encore d’épuisement en 1944 à l’instar de Pierre Viénot. C’était donc près de 10 % des parlementaires susceptibles de retrouver leur place à la Libération qui disparurent ainsi. La CAP fut affectée de la même manière puisque quatre de ses trente-cinq membres (soit 11 %) étaient décédés en 1945 : Suzanne Buisson et Isidore Thivrier en déportation, Jacques Grumbach en Espagne, et Raoul Évrard de maladie. L’équipe du Populaire avait, quant à elle, perdu Léon Maurice Nordmann, Jean Maurice Hermann, Pierre Brossolette et Amédée Dunois. Avec treize secrétaires fédéraux sur quatre-vingt-dix (soit près de 15 %), ce fut le personnel fédéral qui paya le plus lourd tribut. Dans certaines fédérations, ce personnel fut pratiquement exterminé, comme en Loire-Inférieure où tous les membres du bureau furent fusillés avec son secrétaire fédéral Albert Vinçon. Comme pour les autres organisations résistantes, le bilan des pertes était très difficile à chiffrer, d’autant plus que les socialistes n’étaient pas regroupés en un seul mouvement.
39Dès 1944, le comité exécutif eut conscience que la dispersion des socialistes dans les mouvements et réseaux rendait leur action illisible et demanda de le tenir informé des engagements de tout un chacun afin de pouvoir en faire état auprès du CNR et du CFLN76. Lors du congrès de novembre 1944, Daniel Mayer revendiquait une « pudeur » et « une modestie » que d’autres n’avaient pas, mais ajoutait : « Il ne faut pas qu’il y ait une sorte de pénalité de l’abnégation77. » Car dans son rapport sur la zone Nord, Robert Verdier faisait état des difficultés rencontrées par le parti dans les CDL78. Un livre d’or des martyrs socialistes fut donc envisagé mais ne fut jamais réalisé ; quelques listes non exhaustives furent publiées, mais il n’y eut aucune propagande d’envergure organisée sur ce thème. Sans doute était-il difficile à la SFIO, non seulement de collecter les informations nécessaires, mais surtout de revendiquer des militants qui étaient tombés sous une autre bannière que la sienne. À défaut de tirer un bénéfice symbolique de cette saignée, il était nécessaire de la compenser, faute de quoi le parti allait manquer de cadres face à ses 350 000 adhérents. Il fallut donc tempérer quelque peu la ponction de l’épuration, d’autant que celle-ci n’était pas très bien acceptée sur le terrain.
40À la Libération, les fédérations admirent en théorie la nécessité d’une épuration sans faille, et ne remirent pas en cause la direction issue de la Résistance. Mais lorsqu’il s’agissait de s’appliquer à elles-mêmes ces règles rigoureuses, elles trouvaient de nombreuses circonstances particulières pour justifier une, voire plusieurs exceptions. L’épuration de la CAP ne rencontra aucune réticence, car elle incarnait la faillite du vieux parti et, depuis longtemps, il était acquis que l’ancien secrétaire général Paul Faure était exclu, ne serait-ce que pour avoir accepté de siéger au Conseil national de Vichy. Il en allait de même pour le secrétaire général adjoint, Jean-Baptiste Séverac, dont le retrait volontaire ne pouvait être une excuse79. Au total, ce fut donc plus de la moitié des membres de la CAP de 1939 qui furent exclus ou qui démissionnèrent du parti. Mais l’échelon départemental posait un problème infiniment plus délicat. Si l’on examine l’ensemble des fédérations, on constate que le personnel parlementaire de certaines était complètement décimé. La Haute-Vienne ne retrouvait aucun de ses sept représentants, avec six exclusions et le décès de Roche ; de même que la Saône-et-Loire, avec cinq exclus et la disparition de Boulay. Les Bouches-du-Rhône et le Puy-de-Dôme conservaient un seul de leurs six parlementaires en la personne de Félix Gouin et d’Adrien Mabrut. Mais ces dernières comptaient de nombreux résistants prêts à prendre la relève, ce qui n’était pas le cas de toutes les fédérations.
41Dès 1944, il fallut assurer la représentation socialiste dans les CDL, non seulement face aux communistes, mais aussi aux mouvements, qui déléguaient des socialistes en leur nom et non « au titre de la SFIO ». Le comité exécutif demanda alors que soient recrutés « des jeunes, le maximum de jeunes » et des « cadres administratifs » et « techniciens » capables d’imposer la présence socialiste, ce qui se révéla extrêmement difficile80. Aussi les secrétaires régionaux et départementaux tentèrent-ils d’obtenir le rachat de leurs élus. Leur attitude fut alors qualifiée de « sentimentale » par un comité exécutif submergé de demandes d’appel, et menaçant de les rejeter en bloc sans examen81. Il ne put toutefois empêcher que le parti soit représenté dans les CDL par des hommes demeurés en retrait jusque-là.
42L’argumentaire de « la faute », largement développé sous l’Occupation par la direction clandestine, trouvait là son revers. Raoul Parpais, futur député de l’Indre, posa cette question aux délégués : « Toute la question est de savoir si une faute peut comporter une rédemption. […] En bonne morale, il n’est pas de faute dont un homme ne puisse être relevé. » Le protestant André Philip considérait lui aussi que les risques encourus dans la Résistance permettaient de se « racheter82 ». Plus grave, la nature même de la faute était remise en cause. À l’exception des « trente-six », certains mettaient en doute que quiconque fût qualifié pour en juger. Édouard Depreux, trouvait facile de déclarer après coup que l’on aurait voté avec enthousiasme contre le maréchal Pétain alors que la question ne s’était pas posée83. En outre, le « fort courant sentimental » des fédérations qui souhaitaient que l’épuration prenne en compte leurs difficultés locales, fut avivé dès le congrès de novembre 1944 par la perspective des municipales à venir. Ainsi Édouard Depreux et André Le Troquer, ancien conseiller parisien révoqué, réclamèrent-ils la réintégration pure et simple de Gaston Allemane afin qu’il puisse retourner à l’Hôtel de ville de Paris. Celui-ci avait animé, avec d’autres élus parisiens de 1935, une action de résistance au sein du conseil qui se manifestait, entre autres, par une réunion clandestine tous les jeudi84. Or à Paris, le « Vieux Parti socialiste SFIO » présentait des listes d’anciens conseillers municipaux paul-fauristes. Mais sur les quinze interventions de délégués fédéraux, voire de responsables nationaux, pour obtenir une révision de la part du congrès, deux seulement aboutirent85. Déçu, Gaston Allemane rejoignit Paul Faure.
43Aussi Daniel Mayer et son équipe ne purent mettre un terme à ce débat, et le malaise perdura jusqu’en 1956, date à laquelle les dernières réintégrations eurent lieu. Cette épuration était peut-être d’autant moins comprise qu’elle ne fut finalement appliquée qu’à la direction nationale et aux parlementaires, et devint moins sévère au fur et à mesure qu’elle descendait dans la hiérarchie partisane. Un tiers des secrétaires fédéraux fut épuré, et il s’agissait le plus souvent de ceux qui cumulaient cette fonction avec un mandat parlementaire. Il est vrai que près des deux tiers des secrétaires fédéraux pouvaient se targuer d’un titre de résistance, alors que moins d’un quart s’était accommodé du régime de Vichy et que 10 % avaient collaboré86. À la base, l’épuration fut rarement approfondie : les Pyrénées-Orientales, fédération de Louis Noguères, qui obligèrent tous les anciens militants à demander leur réintégration en examinant un à un les dossiers, firent figure d’exception. Les sanctions étaient proportionnées au rôle et à la responsabilité détenus autrefois par le militant, mais aussi aux espoirs que le parti avait placés en lui. Toutefois ce fut le calendrier électoral qui exerça la pression la plus forte.
44La direction prit l’initiative d’accorder la révision des suspensions infligées à Charles Lussy et à René Arbeltier en vue des législatives dans le Vaucluse et la Seine et Marne87. Sans cette mesure, dans le Vaucluse, seul Louis Gros, âgé de 72 ans, était maintenu. La Seine-et-Marne était, quant à elle, traditionnellement dominée par les radicaux et connaissait une poussée communiste alors qu’Arthur Chaussy, était exclu en septembre 1945 pour des raisons locales88. La fédération de Savoie conservait Louis Sibué, qu’elle avait réintégré en congrès en août 1945, mais il était inéligible et suspendu de tout mandat pour une législature. Daniel Mayer l’encouragea à préparer son dossier pour être relevé de son inéligibilité par le Jury d’honneur, et il écrivit à son président, René Cassin afin d’obtenir sa réhabilitation. Finalement déclaré éligible, Louis Sibué put ainsi se présenter en juin 1946 contre Pierre Cot89. De son côté, la fédération de Saône-et-Loire, réunie en congrès en août 1946, demanda, à l’unanimité des mandats, la réintégration de plein droit de Jean-Marie Thomas. Fief paul-fauriste, elle avait dû exclure cinq parlementaires et n’eut que deux élus en octobre 1945, Pierre Mazuez et Louis Escande, lequel fut battu en juin 1946. Le 10 octobre 1946, elle obtint gain de cause de la Commission nationale des conflits, à temps pour présenter Jean-Marie Thomas au Conseil de la République en novembre et le voir l’emporter90. Ses camarades l’y élurent même trésorier du groupe. Dans le Pas-de-Calais, l’attitude de Bernard Chochoy sous l’Occupation, qualifiée par euphémisme de « très effacée », et son passé de paul-fauriste, lui avaient valu d’être exclu sur ces mots : « Il n’y a pas de place chez nous pour les attentistes et les arrivistes91. » Mais l’influence communiste dans ce bassin minier était telle que l’on ne pouvait se passer de ce « tribun ». Il fut rapidement réintégré et élu au Conseil de la République dès décembre 1946.
45D’autres procédures, engagées le plus souvent au lendemain même du congrès de 1944, finirent par aboutir en février 1950. Si pour racheter la faute du 10 juillet, l’engagement résistant et les services rendus au parti étaient toujours pris en compte, il apparaissait que l’éligibilité était devenue un critère décisif depuis les municipales d’avril 1945. Par ordonnances successives, l’inéligibilité des 569 parlementaires ayant voté « oui » avait été étendue à toutes les élections locales et nationales jusqu’aux législatives de 1951 comprises. Le Jury d’honneur, chargé de suspendre éventuellement la sanction pour faits de Résistance, avait eu le temps de rendre ses arrêts et de relever de leur inéligibilité plusieurs exclus. Une première série de douze réintégrations, soit 14 % des exclus de novembre 1944, fut donc accordée par le Conseil national en 195092. Dans certaines municipalités importantes, comme Saint-Nazaire avec François Blancho ou Limoges avec Léon Betoulle, les fédérations contournèrent le règlement, en mettant en tête de leurs listes ces personnalités influentes qui, de fait, leur assurèrent le succès en octobre 1947. Le pragmatisme électoral, qui n’avait pu prévaloir en novembre 1944, finit donc par jouer pleinement après les municipales de 194793.
Une pénurie de candidates ?
46Outre le scrutin proportionnel, une autre contrainte électorale dont les socialistes devaient s’accommoder était l’ordonnance du 21 avril 1944 qui instituait le vote des femmes. Les électrices représentaient désormais plus de la moitié du corps électoral, et cette donnée nouvelle ne pouvait laisser aucun parti indifférent94. Avant la guerre, les nombreux projets favorable au suffrage féminin avaient toujours échoué, le Sénat s’y étant systématiquement opposé. Or la SFIO n’avait guère engagé ses forces dans ce combat, de nombreux élus partageant l’opinion d’un Sénat majoritairement radical, gardien d’une laïcité teintée d’anticléricalisme, estimant que les femmes voteraient sous l’influence de leur confesseur95. Les quelques femmes membres de la CAP non seulement étaient minoritaires mais n’étaient jamais titulaires96. Depuis le congrès de mai 1931, un Comité national des femmes socialistes était censé favoriser l’éducation socialiste des femmes et leur permettre de militer dans les domaines de l’enfance, de la famille et de la protection sociale. L’entrée de trois femmes au gouvernement de Léon Blum en 1936, en la personne de Suzanne Lacore au sous-secrétariat d’État à l’Enfance, d’Irène Joliot-Curie à la Recherche et de Cécile Brunschvicg à l’Éducation nationale, n’avait eu qu’une portée symbolique même si elle avait surpris. De sorte que Gilberte Brossolette, future vice-présidente du Conseil de la République de 1946 à 1955, refusa d’adhérer à la SFIO avant 1944, alors qu’elle était pleinement engagée dans la lutte politique aux côtés de son mari. Ce geste lui semblait alors parfaitement vain, puisque le parti ne faisait rien pour obtenir un véritable suffrage universel97.
47Or sous l’Occupation, de nombreuses militantes avaient joué un rôle de premier plan dans la reconstitution du parti et dans la Résistance, et certaines y avaient laissé leur vie comme Suzanne Buisson. Citons Cletta Mayer, compagne infatigable de son mari, Émilienne Moreau à Libération Sud, Andrée Viénot au CAS, Thérèse Espinadel qui reconstitua sa fédération de Dordogne dans la clandestinité, Gaby Pierre-Bloch qui fit évader son mari, Andrée Marty-Capgras au réseau du Musée de l’Homme, Gilberte Brossolette et Marthe Lévy à Londres, mais aussi les épouses, sœurs ou proches des internés tels que Renée et Jeanne Blum, Michèle Auriol, Jeanne Dormoy, ou encore Germaine Picard-Moch98. Les socialistes allaient-ils profiter de cette occasion pour pousser dans l’arène électorale des militantes ayant largement fait leurs preuves sous l’Occupation, et se mettre enfin en phase avec l’évolution des mentalités ?
Des candidates-alibis
48Aux lendemains de la Libération, la SFIO ressentit clairement la nécessité de faire figurer des femmes sur ses listes afin de ne pas s’aliéner leurs suffrages. Le 11 novembre 1944, grâce à Andrée Marty-Capgras, Émilienne Moreau et Germaine Degrond, elle se dota d’un Secrétariat aux questions féminines, incarnation involontaire de cette contradiction consistant à considérer les femmes en égales, mais en les enfermant dans une structure qui accentuait la différence des genres. Mandatée par la Commission féminine nationale, Thérèse Espinadel remarquait non sans ironie en mai 1945 :
« Tout à coup, nous nous apercevons que les camarades socialistes qui autrefois “supportaient” les interventions des camarades femmes, s’intéressent aujourd’hui qu’elles sont électrices, à ce qui peut émaner du milieu qu’elles constituent99. »
49Avec un certain cynisme, en effet, le secrétaire fédéral du Calvados, Adrien Rophé, se félicita d’avoir placé une femme juste derrière lui, ce qui lui avait permis d’être élu100. En fait, le parti éprouva bien des difficultés à rassembler un nombre significatif de candidates (cf. tableau 1).
Tableau 1. – Part des femmes dans les candidatures et les Assemblées de 1945 à 1958 (en %)101.
– : Chiffres non disponibles pour 1951; * : Y compris autres que la SFIO, le PCF et le MRP.
C : candidates ; E : élues.
50En octobre 1945, cinquante-cinq femmes furent investies par les congrès fédéraux, soit 9,2 % seulement des candidats socialistes, ce qui était légèrement inférieur à la moyenne générale, équivalent à l’effort du MRP, et très en deçà des 14 % du PCF. La direction du parti sembla toutefois prendre rapidement conscience de l’enjeu. Lors de la conférence des secrétaires fédéraux d’octobre 1945, Daniel Mayer, qui constatait que les résultats étaient moins bons que prévus, les attribuait, entre autres, à une insuffisante propagande auprès des femmes.
« On a beaucoup trop recherché de femmes “symboles” qu’on propose de mettre en quatrième ou cinquième, c’est-à-dire à une place purement honorifique, et sans qu’il y ait aucun succès pour elles, et on a négligé de les mettre exactement à égalité » concluait-il102.
51Elles avaient, en effet, été le plus souvent fort mal placées, de sorte que six d’entre elles seulement furent élues : Germaine Degrond en Seine-et-Oise, Eugénie Éboué en Guadeloupe, Madeleine Lagrange et Rachel Lempereur dans le Nord, Irène Laure dans les Bouches-du-Rhône et Marie Oyon dans la Sarthe. Seule Eugénie Éboué avait été tête de liste du fait de son nom ; Germaine Degrond, secrétaire fédérale, était en seconde position et les autres en troisième. Si Madeleine Lagrange et Rachel Lempereur pouvaient à juste titre espérer être élues dans le Nord, bastion socialiste, Marie Oyon, derrière Christian Pineau et Henri Ledru, et Irène Laure, derrière Gaston Defferre et Francis Leenhardt, le furent vraiment contre toute attente. Elles ne représentaient donc que 4,4 % des élus socialistes, alors que les seize communistes comptaient pour 10,8 % des députés de leur groupe. La plupart des communistes avaient été mieux placées, et celles qui l’étaient moins avaient bénéficié de la victoire de leur parti qui remportait 26,1 % des suffrages103. Le faible résultat des socialistes n’égalait même pas celui du MRP avec ses sept élues. Il aurait fallu une véritable politique de féminisation des candidatures au sein de la SFIO pour que les militantes ne fassent pas les frais des résultats relativement décevants d’octobre 1945.
52Par la suite, elles furent à nouveau les premières touchées par la diminution des suffrages socialistes. Il est donc difficile de se contenter de l’explication d’Émilienne Moreau, déléguée de la Commission nationale des femmes, selon laquelle les communistes avaient eu « l’adresse de mettre à la tête des listes des femmes de fusillés104 ». Dès 1945, certaines fédérations SFIO avaient en effet déjà utilisé, avec plus ou moins de succès, les veuves d’hommes célèbres telles qu’Eugénie Éboué, dont le mari Félix, gouverneur du Tchad, avait rallié la France libre et était décédé en 1944, ou Madeleine Lagrange, dite « Léo Lagrange », dont le mari avait été ministre des Sports et des Loisirs du Front populaire et avait été tué sur le front en 1940. Alexandre Oyon, adjoint au maire du Mans, était mort à Mauthausen, d’où sa femme Marie était revenue. Andrée Viénot était indissociable de Pierre, ancien député SFIO, ambassadeur de la France libre, mort d’épuisement au côté du général de Gaulle en juin 1944. Et le seul nom de Gilberte Brossolette incarnait tous les martyrs de la Résistance105. Ces femmes avaient de plus une réelle personnalité qui pouvait convaincre les électeurs. Ce procédé démagogique fut réitéré en juin 1946. La Loire-Inférieure représenta la veuve de son secrétaire fédéral clandestin fusillé, Jeanne Vinçon ; le Pas-de-Calais celle de son ancien secrétaire fédéral mort en déportation, Marguerite Pantigny… mais sans succès pour elles vu leur rang. Gilberte Brossolette témoigne des réticences des militants de l’Aube qui, en dépit du respect que l’on avait pour son nom, s’écrièrent : « Quoi ? Une parisienne ? Et une femme en plus106 ? »
53Lors de ces élections à la deuxième Assemblée nationale constituante, les fédérations réussirent à présenter soixante-trois femmes, soit huit de plus que sept mois auparavant. Elles représentaient alors 11,7 % des candidats socialistes, toujours en deçà de la moyenne de 11,9 %, autant que le MRP et moins que le PCF qui, avec 17,8 %, avait lui intensifié ses efforts. Mais les socialistes étaient à nouveau si mal placées que quatre d’entre elles seulement furent élues, avec la réélection de Germaine Degrond, d’Eugénie Éboué et de Rachel Lempereur, et l’arrivée d’Andrée Viénot. Elles ne comptaient donc plus que pour 3,4 % dans le groupe socialiste, moins que la moyenne à 4,4 %, que le MRP, et surtout que les communistes avec 10,2 %. Si ces élections avaient été défavorables à toutes les candidates en général, l’érosion était encore plus marquée chez les socialistes, et elle s’aggrava encore cinq mois plus tard lors des élections de novembre 1946. Les socialistes firent un petit effort supplémentaire et désignèrent soixante-huit candidates, soit sept de plus qu’en juin. Elles représentaient 12,6 % des candidats socialistes, ce qui demeurait en deçà du MRP et était très largement inférieur aux communistes avec 19,6 %. Or Eugénie Éboué, en deuxième position derrière Paul Valentino, fut battue et seules Germaine Degrond, Rachel Lempereur, et Andrée Viénot furent réélues.
54En grande partie grâce aux vingt élues communistes, 5,8 % des députés de l’Assemblée nationale de 1946 étaient des femmes, ce qui marquait une légère progression par rapport à octobre 1945. En un an, le PCF avait réussi à stabiliser son recrutement féminin, alors que la SFIO avait échoué, la personnalité affirmée de ses trois élues ne pouvant masquer qu’il s’agissait d’une représentation marginale. Pourtant, lors des municipales de 1947, Guy Mollet donna de nouvelles instructions pour féminiser les édiles, révélant par là même les carences du parti. Ne précisait-il pas : « Elles seront choisies parmi celles qui s’intéressent le plus activement aux questions sociales (protection de l’enfance, colonies de vacances, garderies, assistance, vieillesse, etc.)107 » ? De sorte que cette tendance ne put jamais être renversée sous la IVe République : en 1951, Germaine Degrond et Rachel Lempereur, seules élues depuis la démission d’Andrée Viénot, furent rejointes par Madeleine Laissac (Hérault), régulièrement candidate, toujours mal placée depuis 1945 et qui se voyait enfin récompensée, mais se retrouvèrent à nouveau seules en 1956. Quant au Conseil de la République, seules quatre militantes y eurent accès : en 1946, Gilberte Brossolette, Eugénie Éboué et Marie Oyon, toutes trois d’anciennes députés, et Irma Rapuzzi (Bouches-du-Rhône) en 1955. Nuançons, toutefois, cette misogynie de la SFIO qui reflétait celle de la nation, en rappelant qu’en 1954 seul 1 % des maires était de sexe féminin108.
Le refus de la féminisation
55Comme dans l’entre-deux-guerres, la SFIO demeurait un parti d’hommes, avec 12,1 % d’adhérentes et 5,6 % de femmes cadres seulement en 1951, d’après l’enquête de Pierre Rimbert109. Le secrétaire général Daniel Mayer et les membres de la Commission nationale féminine ne réussirent pas à profiter du choc psychologique que provoqua le vote féminin pour changer en profondeur les mentalités. Le congrès de novembre 1944 avait exigé une représentation féminine dans les bureaux de chaque section, de chaque fédération et au comité directeur. Léon Blum n’avait-il pas déclaré qu’il y avait des femmes d’élite qu’il fallait savoir choisir ? Mais dès la conférence des secrétaires fédéraux de mai 1945, les femmes se plaignirent d’avoir été livrées à leurs seules ressources. Lorsque leurs groupes étaient assez forts, elles avaient pu participer à l’action sociale, mais lorsqu’ils étaient trop petits, le parti ne les avait pas aidées, pas plus que les municipalités socialistes110. En fait, dès les municipales d’avril 1945, le vote des femmes fut jugé comme manquant de maturité politique et donc défavorable par nature aux socialistes. Le vieux fantasme d’un « vote du confessionnal » n’avait pas disparu. Les femmes, parce qu’elles n’avaient pas « un sens politique suffisant », étaient donc considérées comme des mineures – à l’instar des jeunes dont nous verrons qu’ils recevaient le même traitement. L’image que les militantes donnaient d’elles-mêmes n’était guère plus flatteuse :
« Nous ne serons assurément pas de grandes oratrices ; nous serons souvent de bonnes ménagères, sensées et raisonnables, qui auront leurs relations personnelles, qui par leur conscience, par l’estime qui les entoure, peuvent avoir un rayonnement que d’autres, plus qualifiés peut-être à d’autres points de vue, peuvent ne pas avoir111. »
56Et l’on peut se demander si les préjugés masculins étaient intériorisés par leurs compagnes, ou s’il ne s’agissait pas plutôt d’une forme d’habileté pour rassurer un auditoire qui, manifestement, en avait besoin.
57Alors qu’elles leur semblaient être les victimes idéales de la démagogie communiste exercée par l’Union des femmes de France, « une vaste duperie », était-il réellement rentable de faire un effort de propagande dans leur sens ? En mai 1945, au nom de la Commission nationale féminine, Thérèse Espinadel concluait que, faute de pouvoir créer une organisation similaire, il valait mieux tenter d’infiltrer l’UFF et de la noyauter112. Il est assez amusant de constater que les socialistes promouvaient désormais l’entrisme à l’encontre du PCF, alors qu’ils en avaient souvent été victimes eux-mêmes, en particulier aux JS. Trois mois plus tard, les efforts de la Commission nationale féminine semblaient vains. Au congrès d’août 1945, Andrée Marty-Capgras, déplorait encore que les fédérations n’aient même pas pris la peine de recenser le nombre de leurs militantes, et accusait le parti « d’indifférence », de « mollesse » et « d’indolence113 ». Le journal féminin qu’elles réclamaient ne put être financé et la priorité ne leur fut jamais accordée dans les stages de formation. Le Secrétariat aux questions féminines s’isola progressivement des lieux de pouvoir du parti, ses commissions techniques, sur les affaires juridiques, le travail féminin et les relations internationales, faisant double emploi. Il n’était en rien un instrument de promotion, à la différence de la commission féminine communiste, lancée par Jeannette Vermeersch114. Les socialistes demeuraient convaincus que les femmes favoriseraient le MRP, mais ils n’étaient pas prêts pour autant à faire les efforts d’organisation et de propagande nécessaires, à l’instar du Labour Party que les militantes souhaitaient voir ériger en modèle115. En 1952, Pierre Rimbert prophétisait dans La Revue socialiste : « Le rôle des femmes dans la vie politique ira croissant, et le parti qui ne saura pas attirer à lui cette force grandissante sera un parti perdu116. »
58Dans l’euphorie de la Libération, le socialisme apparut bien, selon l’expression de Léon Blum, « maître de l’heure ». Le parti socialiste allait-il être emporté par cet élan ? Deux ans plus tard, la SFIO n’était plus que la troisième force politique du pays, et amorçait un très long déclin que traduisait la réduction progressive de son groupe parlementaire. Une partie de l’opinion française avait aspiré à un socialisme humaniste, et le parti aurait pu canaliser à son profit le vaste courant socialisant issu de la Résistance. Mais dès les municipales d’octobre 1945, le retour des anciens partis était entériné au détriment des mouvements issus de la Résistance, même si de nombreux résistants étaient élus sous étiquette SFIO. Et face au PCF qui s’était fait le champion de l’émancipation politique des femmes, l’appareil, conforté dans son pouvoir de décision par le mode de scrutin proportionnel, avait raté l’occasion de féminiser le parti, et au-delà son groupe parlementaire. La SFIO pouvait-elle renoncer à sa conception révolutionnaire du marxisme et se transformer en un parti travailliste, ou allait-elle se reconstituer à partir de ses anciens réseaux, passés au filtre de la Résistance, et proclamer la validité de ses idéaux traditionnels en ces temps nouveaux ? La composition du groupe parlementaire et son évolution est un bon observatoire pour évaluer la rénovation de la SFIO sous la IVe République.
Notes de bas de page
1 Peter Novick, L’épuration française 1944-1949, Balland, 1985, p. 177.
2 Philippe Burrin, La France à l’heure allemande, Le Seuil, 1995.
3 Éric Nadaud, « La tendance Bataille socialiste 1936-1939 », Cahier et revue de l’OURS, n° 2, 1994.
4 Paul Faure, Le bolchevisme en France : farce et imposture, Librairie du Populaire, 1921.
5 Le Socialiste, n° 25, 15 septembre 1938.
6 Le Populaire, 20 septembre 1938.
7 Cet épisode confus est raconté entre autres par Jules Moch, Rencontres avec… Léon Blum, Plon, 1970, p. 250-252 et Jean Pierre-Bloch, Jusqu’au dernier jour. Mémoires, Albin Michel, 1983, p. 93.
8 Le Populaire, 27 décembre 1938.
9 Le Socialiste, 1er décembre 1938.
10 René Arbeltier, Fernand Audeguil, Émile Bèche, Gaston Cabannes, Jean Capdeville, Marcel Cartier, Bernard Chochoy, Lucien Coffin, Édouard Depreux, Édouard Froment, Félix Gouin, Lucien Hussel, Jean Le Bail, Max Lejeune, Louis Noguères, Raoul Parpais, Paul Rassinier et Louis Sibué.
11 Cet hebdomadaire, créé à l’automne 1936, regroupait autour de René Belin des syndicalistes qui avaient accepté la réunification de la CGT contre leur gré.
12 La tendance Redressement succéda à Révolution constructive en juin 1938, en récupérant les pivertistes qui refusaient de suivre Marceau Pivert au Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP).
13 Daniel Mayer, Les socialistes dans la Résistance. Souvenirs et documents, PUF, 1968, p. 7.
14 Ibidem, p. 8.
15 Cité par Guillaume Piketty, Pierre Brossolette, un héros de la Résistance, Odile Jacob, 1998, p. 127.
16 Marc Sadoun, « Vers le socialisme collaborateur », RFSP, vol. 28, 1978, p. 482-484.
17 Lettre d’Édouard Depreux à Vincent Auriol du 13 mai 1939, AN, 456AP/5, dossier 1.
18 Pour les motions Léon Blum, cf. Le Populaire, 5 mai 1939 ; Paul Faure, cf. Le Pays socialiste, 9 mai 1939 ; Redressement, cf. Fonds Maurice Deixonne, 1 APO 6, OURS.
19 36e congrès national de Nantes (27 au 27 mai 1939), Archives du PS-SFIO, OURS, p. 673-675.
20 Jean Zyromski, Comment lutter contre le fascisme international, Éditions du parti socialiste SFIO, 1938.
21 André Chatignon, Le Pays socialiste, n° 22, 15 septembre 1939.
22 Olivier Wieviorka, Les orphelins de la République. Destinées des députés et sénateurs français (1940-1945), Le Seuil, 2001. Je le remercie ici vivement pour son aide.
23 Celles d’Armand Chouffet (Rhône) et de Fernand Roucayrol (Hérault), cf. Vincent Auriol, Hier, demain, Charlot, 1945, p. 116.
24 Marc Sadoun, Les socialistes sous l’Occupation, op. cit., p. 35.
25 Fernand Audeguil (Gironde), Vincent Auriol (Haute-Garonne), Jean Biondi (Oise), Georges Bruguier (Gard), Gaston Cabannes (Gironde), Édouard Froment (Ardèche), Félix Gouin (Bouches du-Rhône), Louis Gros (Vaucluse), Amédée Guy (Haute-Savoie), Lucien Hussel (Isère), Robert Mauger (Loir-et-Cher), Jules Moch (Hérault), Marius Moutet (Drôme), Louis Noguères (Pyrénées orientales), André Philip (Rhône), Jean-Louis Rolland (Finistère), et François Tanguy-Prigent (Finistère), les USR Joseph Paul-Boncour (Loir-et-Cher) et Paul Ramadier (Aveyron) et l’indépendant de gauche Maurice Montel (Cantal).
26 René Arbeltier (Seine-et-Marne), Raymond Gernez (Nord) et Louis Sibué (Savoie).
27 Témoignage de Daniel Mayer à Marie Granet le 7 mai 1949, AN, 72AJ/70, AII.7 et Édouard Depreux, Souvenirs d’un militant, de la social-démocratie au socialisme, un demi-siècle de luttes, Fayard, 1972, p. 139.
28 Lettre de Paul Ramadier dans Jean Odin, Les quatre-vingts, Tallandier, 1946, p. 239.
29 Félix Gouin, Un certain goût de cendres, BNF, manuscrit, NAF, 16404-16407, p. 54.
30 Témoignage de Lucien Hussel à Henri Michel, s. d., AN, 72AJ/70, AII.7.
31 Jean Castagnez, « Lettre ouverte à Léon Blum », 11 juin 1945, Le Socialiste, juillet 1945.
32 Lettre d’André Blumel à Édouard Depreux du 12 novembre 1940, AN, 456AP/6.
33 Jules Moch, op. cit., p. 273.
34 Cité par Georges Lefranc, Le mouvement socialiste sous la Troisième République (1875-1940), Payot, 1963, p. 385.
35 Pierre Olivier Lapie, Herriot, Fayard, 1967, p. 241.
36 Jules Moch, op. cit., p. 274.
37 Félix Gouin, op. cit., p. 19.
38 Vincent Auriol, op. cit., p. 99-100.
39 Témoignage d’Henri Henneguelle à Odette Merlat le 13 juin 1947, AN, 72AJ/59, AI.9.
40 Témoignage de Lucien Hussel à Henri Michel, sans date, AN, 72AJ/70, AII.7.
41 Témoignage de Jean Biondi à M. Lecorvaisier le 25 juin 1946, AN, 72AJ/70, AIV.6.
42 Vincent Auriol, op. cit., p. 20.
43 Ibidem, p. 22.
44 Noëlline Castagnez-Ruggiu, « Les paul-fauristes : itinéraires militants », dans Michel Dreyfus et alii (dir.), La part des militants, Éditions de l’Atelier, 1996, p. 229-241.
45 Édouard Depreux, op. cit., p. 129.
46 Ibidem, p. 136.
47 Félix Gouin, op. cit., p. 81-82 et 54.
48 Bulletin intérieur de documentation et d’études, n° 1, octobre 1943, AN, 72AJ/3, réf. XII.
49 Témoignage de Marcus-Ghenzer à M. Lecorvaisier d’octobre 1946, AN, 72AJ/60, AI.6 ; Note de M. Lecorvaisier sur R. Gernez du 2 octobre 1946, AN, 72AJ/70, AII.15 ; Daniel MAYER, op. cit., p. 18.
50 Vincent Auriol, Journal rédigé en prison, manuscrit, AN, 552AP/30, 3AU1 DR1.
51 Lettre de Vincent Auriol à Léon Blum du 24 février 1941, AN, 552AP/30, 3AU2 DR1.
52 Lettre de Jean Pierre-Bloch à Vincent Auriol du 19 mai 1941, AN, 552AP/30, 3AU2 DR1. Georges Monnet avait été témoin à son mariage.
53 Vincent Auriol, Résistance : En France, avant mon départ pour Londres, texte dactylographié, AN, 552AP/30, 3AU3 DR3.
54 Vincent Auriol, Journal rédigé en prison, op. cit.
55 Témoignage du professeur Soulas à Henri Michel du 10 décembre 1946, AN, 72AJ/59, Libérer-Fédérer, 2.
56 Paul Ramadier dans Jean Odin, op. cit., p. 239.
57 Marc Sadoun, Les socialistes sous l’Occupation, op. cit., p. 115.
58 Propos confiés à Claude Juin, Liberté… Justice… Le combat de Daniel Mayer, Éditions Anthropos, 1982, p. 122.
59 Témoignage de Henri Ribière à Odette Merlat du 26 juin 1946, AN, 72AJ/59, AI.28.
60 Témoignage de Robert Verdier à Marie Granet du 6 janvier 1949, AN, 72AJ/70, AII.
61 « Le Parti socialiste propose un programme commun à la Résistance française », Le Populaire, 1er juillet 1943.
62 Rapports des 17 et 23 novembre 1944 à la Direction FFI, 2e bureau, ministère de la Guerre, AN, 72AJ/54, AIV.5 et AV.4.
63 Lettre du secrétaire général du PS clandestin au secrétaire général du parti radical (mai 1944), AN, 72AJ/3, réf. XII.
64 Le regroupement socialiste à la Libération du territoire (s. d.), AN, 72AJ/3, réf. XII.
65 Congrès national extraordinaire des 9-12 novembre 1944, op. cit., p. 814.
66 Il s’agit de Gaston Allemane, René Arbeltier, Sylvain Blanchet, Max Hymans, Paul Lambin, André Pringolliet, Camille Riffaterre, Charles Saint-Venant, et Louis Sibué (« oui ») ; André Dupont (Massilia) ; Pétrus Faure et Charles Lussy (abstention). Ibidem, p. 728-729 et « Annexe au procèsverbal de la séance du mercredi 10 juillet 1940 », Annales de l’Assemblée nationale, Imprimerie nationale, 1940, p. 826-828.
67 Lettre d’Augustin Laurent à Auguste Beauvillain du 13 décembre 1944, citée dans Bernard Vanneste, Augustin Laurent, une vie pour le socialisme, Dunkerque, Éditions des Beffrois, 1983, p. 90.
68 Congrès national extraordinaire des 9-12 novembre 1944, op. cit., p. 773-775.
69 Ibidem, p. 787-790.
70 Lettre de Louis Escande du 16 mars 1945, Correspondance fédérale de Saône-et-Loire, Archives de l’OURS.
71 Congrès national extraordinaire des 9-12 novembre 1944, op. cit., p. 761.
72 Conférence des secrétaires fédéraux du 20 mai 1945, Archives du PS-SFIO, OURS, p. 217-218.
73 Ibidem, p. 236.
74 Noëlline Castagnez-Ruggiu, « Le Parti socialiste démocratique », dans Éric Duhamel, « Matériaux pour l’histoire du RGR », Recherches contemporaines, n° 5, 1998-1999, université Paris X-Nanterre.
75 Noëlline Castagnez-Ruggiu et Gilles Morin, « Le parti issu de la Résistance », dans Serge Berstein et alii (dir.), Le Parti socialiste dans la société française de la Libération à la guerre froide (1944-1948), Publications de la Sorbonne, 2000, p. 37-60.
76 « Bilan trois ans après la reconstitution… », Circulaire aux secrétaires régionaux et départementaux, (s. d.), AN, 72AJ/3, réf. XII.
77 Congrès national extraordinaire des 9-12 novembre 1944, op. cit., p. 44.
78 Ibidem, p. 152 et p. 155.
79 Si l’on excepte ceux qui furent empêchés, 14 sur 35 des anciens élus de la CAP firent de la résistance, alors que 16 demeurèrent en retrait ou collaborèrent.
80 Circulaire aux secrétaires régionaux et départementaux (s. d.), AN, 72AJ/3 réf. XII.
81 Circulaire aux secrétaires régionaux et départementaux (s. d.), AN, 72AJ/70, BII.
82 Congrès national extraordinaire des 9-12 novembre 1944, op. cit., p. 729 et p. 743.
83 Ibidem, p. 792.
84 Philippe Nivet, Le conseil municipal de Paris de 1944 à 1977, Publications de la Sorbonne, 1994.
85 Pétrus Faure et René Arbeltier, menacés d’exclusion, furent seulement suspendus. Demeurèrent exclus (par ordre d’examen) : François Blancho, André Rivière, Joseph Lagrosillière, Jean-Marie Thomas, Georges Monnet et Albert Mennecier ; et suspendus : Max Hymans, Paul Lambin, Charles Lussy, Louis Sibué, Gaston Allemane, Charles Saint-Venant et André Pringolliet.
86 Noëlline Castagnez-Ruggiu et Gilles Morin, art. cit.
87 Bulletin intérieur, n° 7, septembre-octobre 1945.
88 Correspondance fédérale de la Seine-et-Marne, archives de l’OURS.
89 Lettres de Daniel Mayer à Sibué du 2 août 1945 et de Robert Verdier à René Cassin du 20 août 1945, dossier Louis Sibué, archives de l’OURS.
90 Bulletin intérieur, n° 20, novembre 1946.
91 L’Espoir, 24 décembre 1944.
92 Il s’agit de Kléber Beaugrand (Loir-et-Cher) ; François Blancho (Loire-Inférieure) ; René Boudet (Allier) ; Léon Betoulle, Gabriel Debrégeas, Eugène Nicolas (Haute-Vienne), Ernest Esparbès (Haute-Garonne) ; Louis Fieu (Tarn) ; Toussaint Franchi (Bouches-du-Rhône) ; Albert Rivière (Creuse) ; Hubert Rouger (Gard) ; André Février (Rhône), auxquels il faut ajouter Arsène Gros du Jura en mai. Cf. Conseil national des 25 et 26 février 1950, Archives du PS-SFIO, OURS.
93 Quelques-uns uns furent réintégrés plus tardivement : Maxence Roldes (décembre 1951), Armand Chouffet et Marius Dubois (février 1956).
94 William Guéraiche, « La question “femmes” dans les partis (1946-1962) », Historiens-géographes, n° 358, 1997, p. 235-247 et Les femmes et la République, Éditions de l’Atelier, 1999.
95 Charles Sowerwine, Les femmes et le socialisme, Presses de la FNSP, 1987.
96 Louise Saumonneau (1936), Germaine Degrond (1937 et 1938), Berthe Fouchère (1937), Suzanne Buisson (1938), et Andrée Marty-Capgras (1938).
97 Entretien avec Gilberte Brossolette du 8 janvier 1998.
98 Gilles Morin, « Les socialistes dans les geôles de Vichy : à la recherche d’une parole libre », dans Pierre Guidoni et Robert Verdier (dir.), op. cit., p. 45.
99 Conférence des secrétaires fédéraux du 20 mai 1945, Archives du PS-SFIO, OURS, p. 149.
100 Conférence des secrétaires fédéraux des 27 et 28 octobre 1945, Archives du PS-SFIO, OURS, p. 112.
101 Le pourcentage d’élues a été calculé par rapport au nombre de sièges remportés le jour des résultats.
102 Conférence des secrétaires fédéraux des 27 et 28 octobre 1945, op. cit., p. 12.
103 Les communistes Jeannette Vermeersch (Seine 2), Marie-Claude Vaillant-Couturier (Seine 4), Lucie Guérin (Seine inférieure), Mathilde Péri (Seine-et-Oise), Gilberte Roca (Gard), Marcelle Rumeau (Haute-Garonne), par exemple, furent élues en seconde position voire en tête de liste.
104 Conférence des secrétaires fédéraux des 27 et 28 octobre 1945, op. cit., p. 192.
105 Citons encore, parmi les battues, en octobre 1945 : Solange Klempeiter, en Seine-et-Oise, et Germaine Vauthier dans l’Yonne, veuves des secrétaires fédéraux clandestins, tous deux morts en déportation ; Paule Malroux dans le Tarn, veuve du député Augustin Malroux, opposant du 10 juillet et mort dans les camps, etc.
106 Gilberte Brossolette, « Les souvenirs d’une pionnière en milieu misogyne », Le Monde, 9 mars 2001.
107 Guy Mollet, Instructions générales concernant les élections municipales, 18 septembre 1947, BNF.
108 Maurice Agulhon et alii, Les maires en France du Consulat à nos jours, Publications de la Sorbonne, 1986, p. 38.
109 Pierre Rimbert, « Le Parti socialiste SFIO », dans Maurice Duverger (dir.), Partis politiques et classes sociales en France, A. Colin, 1955, p. 195-207. Il regroupe dans les cadres les membres des commissions exécutives fédérales, des groupes parlementaires et du comité directeur.
110 Conférence des secrétaires fédéraux du 20 mai 1945, op. cit., p. 153.
111 Ibidem, p. 154.
112 Ibid., p. 151.
113 37e congrès national des 11 au 11 août 1945, Archives du PS-SFIO, OURS, p. 128-130.
114 Renée Rousseau, Les femmes rouges, chronique des années Vermeersch, A. Michel, 1983.
115 « La propagande en direction des femmes à la SFIO », Cahiers de l’OURS, n° 240, juin 1993, p. 17-21.
116 Pierre Rimbert, « L’avenir du PS. Âge et composition sociale », La Revue socialiste, mars 1952.
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2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008