Les villas ligériennes de l’Autunois, centres de pouvoir et d’encadrement (viiie- début xie siècle)
p. 111-136
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Index géographique : France
Texte intégral
1L’Autunois offre la particularité assez rare pour l’époque carolingienne, mais plus commune pour les xe et xie siècles, de posséder des cartulaires décrivant de très nombreux transferts fonciers. Cette richesse relative permet d’y étudier sur une longue durée l’établissement des villas, les tentatives de regroupement des terres et les stratégies des établissements religieux ou des élites locales pour acquérir ou conserver leur suprématie. Comme toujours, on connaît surtout la puissance foncière des églises et monastères, avec le cartulaire de la cathédrale d’Autun, ceux des abbayes de Saint-Martin, Saint-Symphorien et les fragments de Saint-Andoche, ainsi que le recueil des actes du prieuré clunisien de Paray-le-Monial1. Outre ces établissements implantés en Autunois, le prieuré de Perrecy-les-Forges, qui dépend de Saint-Benoît-sur-Loire, ainsi que Cluny contrôlent un solide domaine foncier dans la partie méridionale du pagus2. On dispose donc d’un corpus de chartes conséquent qui permet d’éclairer l’organisation des villas et d’y déceler le jeu des pouvoirs qui s’y expriment.
2L’espace considéré a déjà été défriché par les travaux de Maurice Chaume qui dans son Histoire de la Bourgogne s’était livré à un patient et fructueux travail d’identification des lieux qui pour l’essentiel mérite toujours le respect des générations suivantes, même si quelques inévitables rectifications ou nouvelles identifications s’ajoutent à l’édifice3. Ses efforts avaient en outre abouti à une fort honorable tentative de cartographie qui montrait bien le nombre considérable de villas qu’on pouvait repérer dans le pagus d’Autun entre le viiie et le xie siècle. Aussi le but de la présente enquête n’est pas de reprendre ces investigations, pour réaffirmer que l’implantation progressive de villas en nombre croissant correspond à une expansion de la région, mais de mesurer plus clairement le rôle et l’ancienneté de ces villas à la lumière des avancées historiographiques acquises depuis la parution de l‘œuvre de l’érudit bourguignon. Les controverses sur la villa, sur sa morphologie, son ancienneté, son rôle dans l’encadrement des populations sont allées bon train depuis une cinquantaine d’années. La villa centre d’un grand domaine s’est opposée à la villa circonscription publique d’autorité fiscale pour les tenants de l’histoire du haut Moyen Âge, tandis que les historiens dont les regards se tournaient plus vers les xe et xie siècles s’attachaient davantage à la définition de formes plus théoriques de la seigneurie, distinguant le banal du foncier. Ces débats ont mûri au point qu’une esquisse de synthèse n’est peut-être plus impossible4. Or, l’Autunois, avec ses cartulaires ininterrompus des temps carolingiens au milieu du xie siècle, qui nous livrent une quantité impressionnante de noms de villas, semble un champ d’observation propice ; néanmoins, ce pagus d’une taille très supérieure à la moyenne ne peut être envisagé dans sa totalité en quelques pages, aussi se borne-t-on ici à l’étude de quelques exemples pris dans sa partie ligérienne.
3D’emblée, on doit rappeler que les villas sont dans cette région antérieures à la période carolingienne. Dès le début du viie siècle la geste des évêques d’Auxerre nous livre le nom des villas de Démétry et de Thil-sur-Arroux, tandis que le testament de l’évêque Ansbert en 696 mentionne plusieurs villas et colonges dans divers pagi bourguignons5. Le viiie siècle ajoute quelques toponymes à cette liste, mais c’est à partir du ixe siècle, avec la meilleure conservation des archives imputable à la renaissance carolingienne que les noms de villas se multiplient. On repère de nombreuses implantations à l’origine des villages et hameaux postérieurs ainsi qu’un double ensemble d’anciens biens fiscaux, d’abord détenus par des personnages de rang comtal, avant de revenir dans des mains monastiques. Au nord-ouest, les villas de la vicaria du Viry font partie d’un ensemble de terres fiscales cédées par Charles le Chauve à un comte Séguin qui les donne ultérieurement à Saint-Andoche. Malgré les multiples interpolations émaillant un faux diplôme de Charles le Simple de la fin du xe siècle signalant ce transfert foncier, on arrive à le dater de 875/8936. Le deuxième groupe, un peu plus oriental, concerne la région de Perrecy-les-Forges tenue par le lignage comtal des Nibelungen depuis le milieu du viiie siècle et dont le dernier représentant local, le comte Heccard, transfère au monastère de Saint-Benoît-sur-Loire toutes les terres comprises entre l’Arroux et la Bourbince, ainsi que ses vassaux et ses pouvoirs dans de nombreuses villas proches. L’abbaye établit alors un prieuré à Perrecy même autour duquel elle décide dès la fin du ixe siècle de réorganiser et d’accroître son temporel local7. Ces deux ensembles de villas offrent une caractéristique commune : ils occupent les terres avantageuses de la région, à proximité des zones ouvertes ou des couloirs de circulation, comme les vallées de la Loire, de l’Arroux, de la Bourbince ou de l’Arconce8. Ces premières acquisitions sont rapidement suivies de nouveaux achats, donations ou transferts de biens patrimoniaux dans les alentours qui font ainsi apparaître de nombreuses autres villas où les établissements religieux tentent de s’implanter. C’est aussi dans ces zones que, selon un processus identique, se constituent à partir du xe siècle les vastes temporels de Paray-le-Monial ou Cluny.
4Les établissements religieux de l’Autunois ne manifestent apparemment aucun esprit pionnier et préfèrent de loin assurer leur implantation dans ces zones anciennement habitées, plus prospères et plus rémunératrices. Lors des nouvelles acquisitions, les actes établis montrent une grande continuité des formulations et la description des terres se fait toujours dans les mêmes termes. Avant la disparition des Carolingiens comme après, on a toujours des villas, souvent pourvues d’un manse domanial, divisées en manses. Cette permanence pose le problème des formes d’autorité et d’encadrement à la tête de ces villas, de leur maintien ou de leur réadaptation à la disparition d’une autorité carolingienne forte, d’autant plus que la densification progressive des habitats conduit à nouvelles divisions en villas, elles-mêmes regroupées en agri ou, à l’échelon supérieur, en vicaria et à la disparition des limites de l’ancien fisc d’origine de Perrecy. Derrière la permanence des termes, ce monde n’est pas immobile et chacun tente d’y conserver ses acquis, ou mieux encore de les accroître, s’intéressant aux grands axes de circulation comme les vallées de la Loire, de l’Arroux, de la Bourbince, de l’Arconce ou au passage naturel à travers le Charolais vers Cluny et Mâcon. L’enjeu, c’est alors de retrouver la logique économique et politique sous-jacente aux divers actes conservés dans les cartulaires, d’en dégager les objectifs, les cohérences, les inflexions. Pour cela on s’attache d’abord à ce que les campagnes autunoises ont connu au temps de l’ordre carolingien et aux pouvoirs qui les contrôlent avant 880/900, avant de rechercher les évolutions ultérieures, les continuités ou les modifications éventuelles des villas et des pouvoirs locaux.
Les villas dans les actes carolingiens
5Les chartes carolingiennes sont assez nombreuses, notamment pour le ixe siècle, et livrent près de soixante noms de villas avant 900, ce qui permet d’en étudier l’organisation interne. On peut être tenté d’y retrouver le modèle du grand domaine actif, fer de lance de la croissance rurale, d’autant plus que certains actes s’y prêtent. À Montbeugny, vers 850/65, on voit ainsi un puissant personnage de cette région de la vicaria d’Yzeure, s’entendre avec l’évêque et obtenir son approbation pour la fondation d’une église rurale que le prélat vient consacrer en personne9. Cette affaire, connue par une charte de l’évêque Jonas d’Autun, peut même être exemplaire d’une solide organisation domaniale, puisque le fondateur Reinbold, qui agit de concert avec son fils Hilféric, construit le sanctuaire et le dote d’un temporel pris sur ses propriétés locales, avec au moins deux champs, plus l’autorité sur deux manses occupés et s’engage avec ses successeurs à ne pas amputer la dotation de la chapelle ainsi qu’à verser régulièrement les cens. Tout semble conforme au modèle du seigneur ayant pleine autorité dans sa villa, y compris sur l’église « privée », pourvu qu’il respecte la législation synodale en vigueur. En 865, Lanocle apparaît aussi comme un grand domaine défriché et tiré de la forêt par le seigneur qui y établit ensuite une église consacrée par le même évêque10. Le fondateur Tanchard meurt avant de voir son projet aboutir et c’est son fils Achard, titulaire du manse domanial, en accord avec son frère Achemund, qui mène à bien l’entreprise et dote le sanctuaire consacré à saint Cyr.
6Tout ceci semble confirmer un contrôle politique et une croissance économique volontaire encadrée par le seigneur. Le dominus local se montre attentif au développement de sa réserve comme des tenures et n’entend pas laisser les dépendants échapper à son autorité. Cette surveillance se voit bien dans le cas de Perrecy, où le cartulaire établi par les moines bien au-delà de l’époque carolingienne conserve soigneusement des notices de plaids au cours desquels on a obligé des gens à se reconnaître serfs. Perrecy est alors un fisc confié en bénéfice à l’autorité comtale, et les comtes, comme tous maîtres de domaine, s’attachaient à préserver leurs droits, en archivant ce type de décision qu’on pouvait ensuite aisément opposer aux descendants des personnes forcées de reconnaître leur statut servile11. La surveillance est tout aussi rigoureuse d’ailleurs pour les terres, puisque l’avoué de Baugy, représentant Nivelon, parent du comte Thierry, intervient auprès de ce dernier pour obliger un certain Amelius à restituer les biens usurpés12. Autour d’Iguerande aussi, on trouve une grosse donation qui rappelle le modèle domanial, quand en juillet 893 un certain Anselme et sa femme Ève vendent à un autre couple, Madalbert et Hélène, pour 800 sous, ce qui apparaît comme la seigneurie complète sur deux villas, à la limite sud de l’Autunois, de l’Auvergne et du Mâconnais, à savoir trois églises avec leurs dépendances, les manses domaniaux, les tenures, les bâtiments, la main d’œuvre servile qui y réside, avec femmes et enfants, les verchères, champs, vignes, chais, prés, bois, dîmes, pâtures, vergers et moulins13.
7Les actes de la fin du ixe siècle semblent valider à première vue le modèle domanial, mais c’est en fait une vue de l’esprit. Cette impression ne tient qu’à une lecture partielle de ces textes, et elle est de plus démentie par d’autres qui sont leurs contemporains. En reprenant les mêmes exemples, on se rend vite compte qu’il n’y a pas de seigneurie unique et exclusive. Ainsi à Montbeugny, Reinbold ne contrôle peut-être pas toute la villa dans la mesure où son grand-père a dû acheter à un certain Altmar un manse à Villaris, petit hameau dépendant de Montbeugny, et que lui-même a acquis un pré auprès d’un dénommé Abulmar14. À Lanocle aussi, l’hésitation est de mise, car sur les confronts des biens cédés pour la dotation de l’église, on trouve à plusieurs reprises d’autres propriétaires, dont Grimaud qui apparaît à deux reprises, Ragenteus qui possède une vigne et souscrit l’acte et enfin les terres d’une église Notre-Dame. De plus, même si le fondateur Tanchard, et son fils qui lui succède, se targuent d’avoir défriché une région déserte, la composition de la dotation foncière montre qu’en réalité, s’il y a bien un essart récent sur place, il y a aussi de petits hameaux voisins qui se rattachent à la villa et où on retrouve ces autres possesseurs15. Dans les deux cas, il faut sans doute créditer les fondateurs d’un rôle local dominant, qui leur permet d’ailleurs d’intervenir directement auprès de l’évêque Jonas pour obtenir l’approbation et la consécration de leurs églises, mais il ne faut pas croire aveuglément les deux chartes épiscopales rédigées par la chancellerie de la cathédrale Saint-Nazaire qui mettent volontiers en avant les puissants fondateurs, sans s’attacher outre mesure aux éventuels propriétaires locaux de rang inférieur, qui ne sont pas sans doute pas assez importants pour faire partie des élites locales reconnues au chef-lieu du pagus. Enfin, à Iguerande, Anselme n’est pas non plus seul en lice puisqu’à la fin de l’énumération de tous les biens et serfs qu’il détient, on précise que sa donation porte sur tout ce qu’il possède, tant à titre d’alleu que ce qu’il a acheté, formule volontairement générale pour ne rien omettre, mais qui n’exclut nullement d’autres alleux ou détenteurs de manses et droits divers16.
8Cette multiplicité de possesseurs semble d’ailleurs la règle dès l’époque carolingienne, y compris lorsque le seigneur dominant est un puissant personnage de rang comtal, pourtant en mesure d’imposer son autorité. Le comte Heccard est actif dans la région du confluent de l’Arroux, de la Bourbince et de la Loire, où il distribue diverses parcelles en dehors du périmètre de Perrecy sans pour autant céder des villas entières. Dès 863, il agit autour de Molinet, où il envoie son mandataire Hotkar désigner les biens qu’il a choisi de remettre à Guinetier, un personnage qui est sans doute à la fois son vassal et son parent, peut-être le neveu homonyme porté au testament de 87617. Il domine cette région où il a déjà de nombreux biens, dont l’ex-fisc désormais patrimonialisé entre Arroux et Bourbince mais qui s’étend apparemment jusqu’à la villa de Baugy au sud, qui lui a aussi servi pour installer des vassaux, à une date inconnue mais antérieure à 876 et il n’est pas impossible que la dotation de Guinetier à Molinet relève aussi de ces anciennes terres fiscales désormais aux mains du comte18.
9Les mêmes ambiguïtés réapparaissent quelques années plus tard lors du transfert de Perrecy aux moines de Saint-Benoît-sur-Loire. Quand en 876, Heccard cède l’ancien fisc, on a bien du mal à saisir le périmètre des biens transférés, car il se contente de signaler qu’il donne Perrecy et ses appenditia, sauf Baugy qui semble apparemment faire partie du même ensemble mais qui est partiellement réservé à Saint-Andoche19. Faut-il voir dans cette précision un écho de l’ager de Perrecy, attesté lors de la donation du fisc par Pépin d’Aquitaine et Louis le Pieux20 ? Les deux diplômes mentionnent alors le don de la villa de Perrecy, à la tête de l’ager du même nom qui à l’origine s’étendait bien jusqu’à Baugy, puisqu’en 818 une sentence comtale contre un avoué usurpateur rappelait déjà que Childebrand, père d’Heccard avait reçu Baugy à titre de bénéfice dépendant de la villa de Perrecy21. Pourtant l’analyse des termes employés dans les actes permet de mieux comprendre la situation réelle. À l’intérieur de l’ancien fisc, Heccard dit détenir la possessio vel dominatio, ce qui renvoie à une circonscription d’autorité territoriale et seigneuriale dans laquelle prévaut une logique qui est certes géographique, mais aussi économique et sociale, car dans ce vaste ensemble, il s’attache à installer ses vassaux et clients.
10Cet enchevêtrement de pouvoirs se retrouve encore à la fin du ixe ou dans les premières années du xe siècle grâce aux manipulations d’archives auxquelles se sont livrés les moines, en forgeant l’acte XXVI, un récapitulatif de tout le temporel de leur nouveau prieuré auquel ils ont donné la forme d’une donation du comte Heccard. Il reprend les actes originaux, à vrai dire assez évasifs, en y intégrant des donations sincères, comme celles que reçurent les vassaux, mais sans doute aussi des terres acquises postérieurement, qu’on plaçait ainsi à l’abri d’éventuels usurpateurs22. Enfin cet acte revendique un territoire précis pour les moines, en décrivant le périmètre des terres que le comte leur aurait cédées, plus petit que l’ancien ager qui s’étendait jusqu’à Baugy, mais qui englobe certainement plus que ce que les moines ont réellement reçu. Néanmoins ce texte demeure utilisable, car s’il exagère les ambitions monastiques, il offre des précisions locales qu’il est difficile de remettre en cause, surtout qu’il a été établi moins d’une génération après le transfert d’autorité. On y apprend ainsi que Heccard avait donné à Saint-Benoît des villas entières et d’autres où il se contentait d’une possession partielle, et qu’il avait aussi transféré des vassaux et leurs terres tant dans le périmètre revendiqué qu’en dehors. Mieux encore, l’acte prête au comte une formule qui à première vue semble défier la logique, puisqu’il prétend que ce dernier aurait pu donner le fisc reçu de Louis le Pieux et de surcroît des biens qu’il y possédait ou qu’il y avait achetés. Pourtant, en établissant leur acte arrangé, les moines ne pouvaient se permettre d’invention qui aurait dénoncé la manipulation. Donner des biens fonciers personnels à l’intérieur d’une villa que l’on donne également est donc une réalité tangible pour les hommes du temps.
11C’est l’aveu de deux réalités différentes et superposables ; d’une part on peut donner la circonscription d’autorité seigneuriale, ici le fisc autrefois reçu de l’empereur, et d’autre part céder les biens qu’on y détient à titre de propriété personnelle dans diverses villas. Il faut bien comprendre donc que contrôler une villa, c’est d’abord y détenir le manse domanial et des droits, mais que ceux-ci ne sont pas forcément exclusifs. Plus que le contrôle du territoire d’une villa, ce qui compte c’est la domination sur une petite région où on détient l’essentiel du pouvoir quitte à le partager avec des clients, des obligés et des relations. C’est ce qu’avaient réussi les ancêtres d’Heccard, qui après avoir contrôlé la région au nom du souverain, puis à titre de patrimoine, s’étaient attachés à faire oublier les anciennes revendications de l’église de Bourges. C’est aussi ce à quoi les neveux d’Heccard ne renoncent pas facilement, aussi refusent-ils le testament et usurpent un temps Perrecy, avant d’être finalement obligés de céder23.
12Si les patrimoines des grands sont comptabilisés en villas, la réalité locale des droits et des terres demeure plus difficile à percevoir, car elle ne relève pas de la connaissance directe des puissants groupes seigneuriaux. Ces aristocrates sont généralement qualifiés de dominus, ce qui leur donne l’autorité seigneuriale, mais l’étendue réelle de leurs pouvoirs et de leurs relais est du ressort de l’échelle locale. Si la coutume qui fixait prestations et perceptions a presque toujours disparu, on arrive parfois à mesurer les enjeux de pouvoirs grâce à certains actes. Ainsi, dans la donation établie autour de Molinet pour Guinetier en 863, l’obligation d’une enquête contradictoire locale apparaît clairement. Hotkar, vassal important du comte Heccard, désigne publiquement les terres, les serfs et les droits qui changent d’affectation, et ce, en présence d’une longue liste de témoins qui souscrivent à l’acte24. Cette procédure offre l’avantage d’engager solidairement tous les participants ayant souscrit ou assisté aux décisions, qu’il s’agisse de vassaux dont la présence sur place est exceptionnelle mais qui sont ainsi rassurés sur le maintien de leurs droits locaux, ou d’agents seigneuriaux plus spécialement attachés à l’encadrement réel des populations qui, présents à l’établissement de l’acte, sont priés de s’en souvenir. Elle nous rappelle néanmoins la part considérable qui était laissée à la coutume pour l’exercice des pouvoirs locaux, qu’elle relève de l’oral ou de l’écrit, car les droits de chacun sont garantis par un ensemble complexe de décisions de plaids locaux, de listes d’enregistrement des perceptions, de témoignages ou de rappels d’usage qui trouvent leur légitimité dans leur ancienneté. Ces réalités, évidentes aux yeux des hommes du temps, leur permettent en plus de jouer allègrement des ambiguïtés pour essayer de les infléchir à leur avantage, mais élèvent souvent devant l’historien une barrière opaque qui le contraint à limiter son investigation.
13L’essentiel pour un personnage comme Guinetier est ailleurs. Vassal important, il reçoit une dotation qui porte sur le manse domanial de Molinet, accompagné d’autres tenures occupées, sises dans la même villa ou dans d’autres qui sont voisines, plus sur un serf expressément nommé mais qui ne se rattache à aucun manse précis. Ce qui lui importe, c’est de savoir qu’il dispose de revenus et des droits attachés au manse domanial, plus des profits qu’il peut selon la coutume prélever sur les 8,75 manses qui lui sont alloués. L’existence dans le lot d’un demi et d’un quart de manse n’a pour lui aucun intérêt physique, mais fixe simplement le montant de la perception possible. Quant à leur réalité foncière, elle regarde les agents locaux qui seuls aussi sont en mesure de rappeler ce que sont réellement les dépendances ou les droits per exquisita liés à ces terres et serfs25. On mesure dès lors à quel point il devient difficile de démêler l’enchevêtrement des pouvoirs locaux.
14Le contrôle des villas repose alors sur la seigneurie foncière sur des réserves ou des alleux, sur la perception coutumière sur des manses dont on connaît le tenancier, mais aussi sur une multitude de biens et de droits. Les formules de description des actes autunois sont généralement attentives aux réalités locales, signalant la viticulture, la détention de prés et de moulins, de pêcheries, autant de sources de revenus qui rappellent clairement que le but des puissants qui encadrent ces régions est la rente perçue sur le travail paysan plus que la possession directe. Ainsi à Gueugnon, en 876, on n’omet pas de signaler une pêcherie et un moulin dans un manse le long de l’Arroux et à Iguerande, chais, dîmes, vergers et moulins figurent en bonne place à côté des habituels terres, vignes, prés et bois26.
15Si on veut descendre plus avant dans la quête des pouvoirs locaux dans les villas, les nombreuses incertitudes empêchent d’établir une hiérarchie. Certains sont manifestement des seigneurs importants comme le groupe des Vulfard, Vulgrin, Girbaud qui intervient à de nombreuses reprises autour de Génelard. Le premier connu, Vulfard, cité parmi les souscripteurs de la donation en faveur de Guinetier à Molinet en 863, se retrouve en 876 comme vassal d’Heccard ; on a ensuite un deuxième Vulfard, fils du premier qui fait une donation près de Génelard à Cisa, en 889, puis en 933, son neveu Vulgrin donne un courtil et une condemine dans la même zone, mais ce n’est qu’en 968, quand Girbaud, fils du précédent, abandonne à Saint-Benoît l’ensemble de son patrimoine de l’Autunois, du Chaunois et du Mâconnais qu’on saisit que Cisa n’est pour ce lignage qu’une possession parmi d’autres27. En dessous, on trouve des personnages au statut flou mais attachés à une implantation plus strictement locale qui contrôlent parfois plusieurs manses et qui, comme les seigneurs de rang supérieur, donnent des terres aux églises et monastères pour obtenir prières, droits de sépultures et protections pour conserver ou accroître leur capital symbolique, social et économique. Certains portent avec fierté le titre de boni homines, contresignent les donations de Guinetier, neveu d’Heccard à Fautrière, s’achètent ou se revendent des terres28. Ils sont certainement à rapprocher du groupe seigneurial, dont ils sont membres ou clients. Plus bas encore, que penser de l’absence des ministériaux qui exercent leurs fonctions à un échelon inférieur ? Tout au plus peut-on voir une allusion à leur existence dans les formules qui renvoient aux enquêtes locales pour établir exactement les droits et les perceptions des terres cédées et dont ils sont sans doute à la fois les dépositaires et les exécutants. Qui se charge de la gestion des manses domaniaux lorsque le seigneur n’y a pas de résidence permanente ? Sans doute un homme de confiance chargé de l’exploiter et d’exercer l’autorité déléguée contre une commission sur la production et le produit des droits. Ces personnages demeurent dans l’ombre, alors que leur présence est indispensable. À Molinet, en 863, on a un serf nommé Adelgar qui est mis en avant à la fin de la formule de description et auquel aucune tenure spécifique n’est attribuée29. Faut-il franchir le pas et en faire un administrateur local ? C’est pour le moins incertain. Un peu plus à l’est, le clausum dominicum de Fressard, qui dépend de Perrecy, doit aussi exiger la présence d’un agent seigneurial, à jamais inconnu30.
16Si on résume ce qu’apportent les chartes carolingiennes dans la partie ligérienne de l’Autunois, on constate l’existence déjà avérée d’une hiérarchie de pouvoirs locaux qui correspondent peu ou prou à une hiérarchie sociale. En tête apparaît le groupe seigneurial, qui détient directement ou contrôle de nombreuses villas, soit dans leur totalité soit partiellement ; sa préoccupation principale n’est pas la gestion directe, mais le maintien de son pouvoir régional, l’établissement de liens privilégiés avec les grandes abbayes et la transmission de son rang, ce qui n’exclut aucunement des modifications locales des patrimoines et des investissements, avec une mobilité des terres, villas ou tenures qu’on peut vendre, acheter, céder ou remembrer. La stratégie sociale conditionne ainsi la gestion foncière. Au deuxième rang, on perçoit un groupe qui ressort de l’élite locale, mais dont l’assise sociale et économique est beaucoup plus marquée par l’attachement à quelques villas précises, enfin en dessous, on doit bien reconnaître qu’on n’est pas en mesure de cerner clairement les hiérarchies inférieures.
Les villas dans les actes des Xe et XIe siècles
17L’intérêt des chartes autunoises est aussi ailleurs. Les donations, échanges patrimoniaux ne connaissent pas de solution de continuité. En regardant attentivement ces actes, on ne perçoit aucune modification du comportement des élites ou du mode d’encadrement, tout au plus une densification progressive du territoire par l’apparition d’un plus grand nombre des villas, probablement autant parce que les défrichements se poursuivent que parce que certaines d’entre elles apparaissent seulement lorsque le seigneur ou les élites locales y font des dons enregistrés dans les cartulaires. La mutation politique majeure qui se traduit par une réorganisation des pouvoirs au profit des principautés semble n’avoir aucun effet perceptible dans les terres autunoises, où les modes d’encadrement des villas s’inscrivent dans une évidente continuité.
18De la fin du ixe au milieu du xie siècle, on observe en effet le maintien des caractéristiques antérieures. Le nombre de villas s’accroît régulièrement et celles-ci se définissent de plus en plus comme un village avec leur finage, organisé autour de l’église paroissiale. La réalité des pouvoirs locaux dans ces villas demeure mal connue, car les actes où elles apparaissent portent le plus souvent sur des donations partielles et ne permettent pas de reconstituer vraiment le statut et le pouvoir des donataires. Néanmoins, on retrouve à de nombreuses reprises, à côté de personnages qui font partie des élites locales, des prêtres qui semblent exercer localement un rôle prépondérant. Ainsi à Vaudebarrier, en 980, l’église est tenue et desservie par le prêtre Atton qui en partage les revenus avec son père, et même s’il finit par la remettre à Cluny avec un courtil, c’est pour la conserver encore en usufruit viager31. À Corcelle, le prêtre Girbaud, en accord avec ses neveux, cède un ensemble important de biens avec des prés, des vignes, des champs, l’usage d’une bonne partie d’un bois32. Enfin à Huillaux et Lenax, au début du xie siècle, le prêtre Téotard donne aussi ses biens, qui comprennent deux curtes, deux églises, de nombreux manses avec terres, vignes, prés et bois à Cluny pour y fonder un prieuré33. Ces ecclésiastiques, membres de l’élite locale, choisissent par leurs dons de se rattacher à un monastère en pleine expansion dont ils attendent protection sociale et spirituelle. Aller au-devant d’un établissement religieux au pouvoir croissant et qui intervient dans la partie ligérienne de l’Autunois depuis les années 960, leur semble la bonne stratégie car la faveur clunisienne leur sert désormais pour renforcer leur position locale, mieux assurer leur part dans l’encadrement des villas où ils ont leurs terres et aussi utiliser le réseau monastique contre leurs éventuels partenaires ou ennemis locaux. Mais ce serait un leurre de ne voir là qu’une position dictée par leur fonction religieuse.
19Les élites locales laïques agissent de même, car elles sont confrontées aux mêmes problèmes. En effet, la multiplicité des droits sur une villa, déjà présente dès l’époque carolingienne se poursuit, avec tous les risques de conflits qui peuvent en naître, aussi doit-on pour maintenir son rang négocier sa position, s’assurer des appuis. Pour ce faire, chacun mène sa propre politique, alternant les alliances matrimoniales avec les inévitables constitutions de dots et de douaires, les acquisitions foncières, les cessions judicieuses, tant il est vrai que l’essentiel de la richesse continue à reposer sur la terre, avec les rentes qu’on en attend et les droits qui s’y rapportent. Les échanges patrimoniaux, les donations aux abbayes et prieurés, les ventes conduisent à l’installation de pouvoirs de plus en plus fractionnés dans les villas, le summum étant atteint quand on retrouve plusieurs manses domaniaux dans le même endroit. C’est le cas à Collanges, juste à l’est de Charolles, où un premier manse domanial est donné à Cluny en 924, tandis qu’un second connaît le même sort en 950, et on retrouve la même situation à Sermaize, dans la vallée de l’Arconce où une donation de 961 mentionne trois manses domaniaux, plus un autre dans la villa voisine de Tollecy. Or qui sont les personnes qui contrôlent ces terres seigneuriales ? À Collanges, ce sont manifestement des personnages d’un certain rang puisque, en novembre 924 le premier manse domanial, cédé sous réserve viagère, est donné par Odolric, sa femme Reine et leur fils Englebert avec des terres et 37 serfs ; ces biens passent définitivement à Cluny en 949, quand après la mort du fils des donataires, la donation initiale est confirmée par une notice de tradition établie devant le comte Hugues de Chalon à la demande d’un des fidèles du défunt34. La donatrice du deuxième manse seigneurial, en janvier 950, est une certaine Mesia qui vend ce manse à l’abbé Aimard pour 30 sous, avec ses dépendances, dont des curtiferis avec des bâtiments (tenures ?), diverses terres et une bonne trentaine de serfs réparties en 8 familles conjugales35. Il y a donc au moins deux seigneurs dans cette villa, mais on ne peut ni saisir les éventuels liens familiaux qui pourraient les unir ni la répartition locale de leurs pouvoirs. À Sermaize, les trois manses domaniaux sont donnés par une veuve, Gontrude, qui les cède avec toutes leurs terres et un certain nombre de serfs qui y habitent, sauf 3 enfants qu’elle conserve ; elle ajoute à cette donation un autre manse dans la villa voisine de Tollecy, qui doit aussi être domanial car la formule de description précise qu’il est cédé avec les courtils et terres qui en dépendent36. En avril 994, on a une nouvelle donation à Cluny dans la même villa ; Mainbert, sa femme Christine et leur fils Tresmond donnent sous réserve viagère deux courtils cum mansione, et promettent de léguer à la mort de Mainbert une somme de 50 sous, ou des objets d’une valeur équivalente à prendre dans son trésor37. Tous ces donataires offrent un certain nombre de traits communs. Ce sont personnages d’un rang appréciable qui contrôlent plusieurs tenures domaniales et ne cèdent qu’une petite partie de leur patrimoine. Ils exercent leur autorité sur de nombreux serfs, s’insèrent éventuellement dans des réseaux de fidélité comtale, et leur domination locale leur autorise des revenus confortables. Malgré cela, on discerne mal leur assise dans les villas qu’ils cèdent, car on ne sait s’ils y résident et encadrent réellement les populations paysannes ou s’ils se contentent de toucher la rente foncière ou banale et de déléguer le pouvoir. La seule constatation un peu assurée, c’est qu’ils font partie d’un groupe seigneurial capable d’agir à l’échelle de deux ou trois villas proches, dans lesquelles ils partagent le pouvoir et la supériorité sociale. Ces donations ou ventes attestent d’une mobilité foncière permanente qui fait toute la richesse des cartulaires locaux mais achève de dissoudre l’empreinte des anciens fiscs, tandis que d’autres regroupements géographiques plus petits prennent le relais avec les vicariae et les agri (cf. carte). Ceci n’aboutit pas à une anarchie, mais bien à un partage des droits. Il faut néanmoins essayer de préciser les hiérarchies.
20Le modèle d’un seigneur unique dans la villa tend à s’effacer. À Vindecy, Matalbert et son épouse Titberge, qui apparemment contrôlent encore toute la villa en 955, en cèdent la moitié avec l’église Saint-Nizier à Cluny, l’autre moitié étant conservée à titre viager par l’épouse qui conserve la possibilité de la vendre. Toutefois l’abbaye bénéficie alors d’une clause de rachat prioritaire à condition de proposer un juste prix38. Pour éviter le partage, Cluny doit souscrire à ce qui apparaît comme un échange équilibré dans ce milieu seigneurial. Les droits seigneuriaux sur une villa peuvent donc faire l’objet d’une transaction, ce qui ne peut qu’être propice à l’enchevêtrement des pouvoirs et des terres pour peu que ce genre d’opération se renouvelle régulièrement. Juste à côté de Vindecy, on trouve un autre seigneur avec Acbert qui possède plusieurs manses à Baugy et à la Villeneuve, qu’il cède à Cluny en 97939. Il contrôle plusieurs tenures dans deux villas contiguës, mais jamais il n’est question ici d’une exclusivité des droits, d’autant plus invraisemblable à Baugy que la villa avait déjà été confiée à plusieurs vassaux et établissement religieux dès le ixe siècle40. On rejoint ici le modèle déjà vu à Sermaize d’un ensemble de droits seigneuriaux dispersés sur plusieurs villas proches. Ces exemples mettent en scène des personnages relativement puissants, capables de se déplacer en personne pour souscrire l’acte à Cluny et qui peuvent parfois constituer un danger pour les religieux qui, pour mieux les contrôler, les éloignent. Ainsi Hugues, sa femme Ailmode et leur fils Étienne font-ils don du manse domanial d’Anzy-le-Duc, d’une église et d’une chapelle, de tenures et de serfs plus une terre à Baugy et reçoivent en contrepartie la précaire sur la villa d’Ambérieu en Bugey avec un château à remettre en ordre41.
21Mais retrouver ce groupe de seigneurs n’est pas très satisfaisant pour l’exercice des pouvoirs locaux, car ils ne sont souvent que des rentiers de la coutume locale qui se soucient peu de l’encadrement au quotidien de la paysannerie. On aimerait descendre à un niveau inférieur pour retrouver des agents locaux. Parfois on accède à quelques petits propriétaires locaux, qui coexistent avec le groupe seigneurial précédent. À Sermaize, on relève la mention de quelques possesseurs dont les terres servent de confronts à celles de Mainbert, avec à Sermaize du Haut les terres d’une église Saint-Paul, celles de Tedgrin et d’Amalbert, tandis qu’à Sermaize du Bas, on a la présence d’Adalramne et de Roscelin et ses héritiers42. Apparemment il existe sur place de petits alleutiers dont à du mal à préciser les relations qu’ils entretiennent avec les membres du groupe seigneurial. Toujours dans la même région, à Frécy, au début du xie siècle, une dénommée Resta donne à Cluny une partie de ses possessions locales, à savoir un manse cultivé par un certain Ranulf et un champ sur les pentes de Trélu, tout en en gardant l’usufruit viager ; en échange, elle s’engage à verser la dîme et la tasca, ainsi qu’un cens de deux quartes de froment et de deux de seigle43. On le voit, la donation est modeste et sans doute adaptée au niveau de fortune de l’impétrante, qui néanmoins fait déjà partie de la petite élite locale rentière du sol, qui n’exploite pas elle-même le manse. Il faut à nouveau l’inscrire parmi les petits propriétaires locaux installés dans une villa, qui sans appartenir au groupe seigneurial sont déjà plus que des simples paysans. Que dire, si ce n’est que la réalité sociale des villas nous échappe en grande part.
22A contrario, si on remonte dans les catégories qui dominent les groupes seigneuriaux locaux, tout devient plus facile. Les grands lignages dominant une région y exercent une autorité fondée autant sur la seigneurie foncière que sur la puissance sociale. Par exemple, les Semur, dominants en Brion-nais à partir du xie siècle, sont en bonne part liés aux origines du prieuré clunisien de Paray-le-Monial44. Ils déploient leurs forces dans la zone des confluents de la Loire, de l’Arroux et de la Bourbince, et ont clairement au tournant du xe et du xie siècle évincé les descendants des Nibelungen dont Heccard semble être l’avant dernière génération active dans la région45. Avec leurs alliés et seigneurs, les comtes de Chalon, ils prennent aussi l’ascendant sur les moines du prieuré de Perrecy qui les laissent apparemment libres d’agir dans la moitié méridionale de l’ancien fisc de Perrecy. D’après la dotation d’origine de Paray, le comte Lambert offre de nombreux biens dans le périmètre de l’ancien fisc de Perrecy, à Paray même, à Toulon-sur-Arroux, Marly-sur-Arroux, ou dans les environs à la Chapelle-au-Mans, Mont, la Motte46. Pourtant les frères de Perrecy ne demeurent pas inactifs et suscitent encore en leur faveur des donations autour de leur prieuré ou à l’est de la Bourbince, vers le clos de Fressard47. On semble alors assister à un véritable partage des aires d’influence, Perrecy étant prié de se développer vers l’est, tandis que les religieux de Paray, appuyés par leurs protecteurs, s’organisent aussi pour regrouper un temporel conséquent sur la partie sud de l’ex fisc ainsi que sur la vallée de la Loire et ne dédaignent pas de prendre le contrôle de villas, sans pour autant arriver à une exclusivité des droits.
23Ce partage en zones pose le problème de l’application réelle des donations. À la fin du fin du ixe siècle, la villa de Paray est intégrée au temporel de Perrecy, mais apparemment cette réalité n’a pas été prise en compte, car les moines envoyés de Saint-Benoît n’ont pas ou peu de villas dans cette partie sud du territoire qui leur revient d’après l’acte de donation d’Heccard soigneusement interpolé qui récapitule leur temporel48. En fait, si la fondation de Paray a lieu sans récrimination de Perrecy, c’est que la zone est demeurée sous le contrôle des comtes de Chalon malgré les assertions de la donation, comme le monte un acte en faveur de Cluny de 99949. Le cartulaire de Saint-Benoît renferme donc des actes qui sont partiellement restés lettre morte, et s’il est attentif à enregistrer la renonciation des descendants d’Heccard ou le retour dans le giron monastique de l’héritage dévolu à Guinetier, il omet, sans doute sciemment, de reconnaître qu’il n’a jamais pu prendre le contrôle de la zone de Paray. Il est vrai que Paray s’appuie sur Cluny, puissance ascendante en Autunois, dont le poids foncier se fait sentir surtout plus à l’est en Charolais et aux confins du Mâconnais, mais qui n’hésite pas à intervenir aussi plus près de la Loire à partir du milieu du xe siècle, ainsi que sur tout le réseau de clients et d’obligés qui gravitent autour d’Hugues de Chalon et d’Odilon de Cluny.
24Si donc on observe la région du point de vue des grands établissements ecclésiastiques ou des chefs de principautés, l’échelon de la villa s’efface au profit de zones d’action privilégiées où la puissance acquise permet d’attirer l’essentiel des fidélités ou des donations. Juste en dessous, on discerne toujours une élite seigneuriale, souvent les vassaux des précédents, dont l’aire de domination dépasse la villa et qui comme précédemment capitalise les terres et les droits sans établir une seigneurie exclusive, parce que pour elle, ce qui compte avant tout, c’est la rente que permet ce pouvoir et qui sert d’assise à ses revenus. D’ailleurs le souci d’une gestion efficace se traduit par une mobilité des possessions foncières et des droits qui sont échangés ou redistribués au gré des stratégies de chacun. L’encadrement seigneurial des villas n’est donc pas forcément sa priorité.
25Comme au cœur de l’époque carolingienne, les cartulaires mettent ensuite en lumière un groupe de potentats locaux possesseurs de quelques manses dans une même villa ou dans plusieurs villas voisines. Certains d’entre eux contrôlent des manses domaniaux, d’autres se contentent de plusieurs tenures exploitées par une main d’œuvre paysanne, sur lesquelles ils prélèvent une rente au titre de la rétribution de leur pouvoir ou de leurs droits fonciers. Souvent ce statut privilégié est partagé avec d’autres membres de leur famille ou des voisins qui souscrivent comme témoins au bas des actes. Ils essaient aussi de s’affirmer comme des élites respectables en participant tout comme les nobles plus puissants au mouvement continu de donations aux religieux, même si leur assise économique plus précaire les conduit plus souvent à des dons sous réserve d’usufruit. Encadrent-ils vraiment la villa ? Ils n’ont certainement pas l’ambition ni les moyens d’y parvenir totalement, mais ils s’attachent à y être quelqu’un, vivant de la rente foncière, de l’usage de droits et profitant de leur implantation locale pour tenter d’améliorer leur sort.
26À l’échelon inférieur, c’est encore le laconisme des sources qui fait obstacle pour tenter de percevoir d’autres stratifications dans cette société. Là encore, il existe des agents locaux chargés de l’application des droits et des coutumes, qui exercent sans doute des fonctions de ministériaux, mais la documentation autunoise surtout constituée de chartes de transferts patrimoniaux ne nous éclaire guère sur la vie quotidienne ou l’exercice local des pouvoirs.
27Malgré la rareté des actes de la pratique, des notices de plaid, cette société connaît toujours les conflits et les contestations, qui continuent à se traduire par les refus d’accepter les donations de la génération précédente ou les « querelles » poursuivies inlassablement pour le partage de droits. Ces conflits récurrents ou ces usurpations rappellent néanmoins à quel point certains membres des élites locales sont attachés à leurs villas et à leurs pouvoirs locaux, car sans eux ils ne sont rien. Si le prêtre Téotard se permet de retenir la curtis de Huillaux, malgré la donation parentale, c’est que sans elle, il n’est pas grand-chose, ou tout au moins, il ne se sent pas reconnu au rang auquel il prétend. S’il cède, c’est à contrecœur et non sans exiger que son domaine devienne le centre d’un prieuré, attestant ainsi de l’importance de sa donation50. Le pouvoir ou les terres dans les villas se défendent âprement, même contre Cluny, car il est légitime de se faire respecter.
28Il reste un dernier aspect dont il faut dire deux mots. C’est la croissance du nombre des villas. La multiplication même de leur nombre indique une croissance continue déjà présente dans le monde carolingien, et c’est pour les élites locales comme pour les seigneurs plus puissants une bonne nouvelle, car s’ils ne cherchent pas automatiquement le pouvoir exclusif, ce développement des villas signifie pour eux davantage de population à encadrer, davantage de tenures sur lesquelles ils peuvent prélever que ce soit au titre de la rente agricole ou en vertu de leur droit de ban. La villa est de plus en plus un village, ou au moins un hameau avec un territoire, et le défrichement continu est autant de source d’enrichissement pour ceux qui encadrent que pour les villageois. Ce défrichement est-il à l’initiative des paysans ou du seigneur ? Poser la question ainsi est sans doute peu judicieux, car les deux cas sont envisageables. Les essarts paysans sont vite connus des potentats locaux et de leurs ministériaux qui ne tardent pas à les faire rentrer dans les cadres de la perception seigneuriale, tandis que d’autres puissants peuvent prendre de réelles initiatives économiques comme ce chevalier Hugues qui installe des hôtes dans la forêt de Baron sur ce qui n’est encore qu’un manse indépendant, mais dont il espère manifestement tirer profit à plus ou moins long terme51.
29Pour finir on peut donc affirmer que le développement des villas témoigne en Autunois à la fois d’un défrichement patient mais obstiné du viiie au xie siècle, et d’un encadrement croissant mais mobile et éclaté du travail des paysans. Ceci rappelle évidemment cette vérité première : il ne saurait y avoir de richesse et de pouvoir autre que celui qui s’articule sur la société rurale. Le pouvoir local est d’abord fondé sur la terre, sur la rente foncière ou sur l’encadrement des paysans. Si la villa est le centre d’enjeux fonciers ou d’autorité pour nombre de possesseurs locaux, elle n’est plus la forme la plus adéquate pour définir le pouvoir à un échelon un peu supérieur. Les plus puissants agissent dans des groupes de villas et commencent même à s’intéresser au château. En Autunois, on en voit apparaître un à Charolles (castrum) en 950 et un autre à Mont-Châtel au cœur de la zone autrefois sous l’emprise de Saint-Benoît qui bascule désormais dans le réseau de fidélité et d’intérêts liés à Paray dans le dernier quart du xe siècle52.
Pièces justificatives
Pièce n° 1
30Charte publiée par A. Bernard, A. Bruel, Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, t. 1, n° 219, p. 208, avec la date d’avril 920. Cette datation invraisemblable, Cluny encore balbutiante n’ayant alors aucun bien dans la zone ligérienne de l’Autunois, a été rectifiée par M. Chaume, Les origines du duché de Bourgogne, t. 1, p. 230, qui propose avril 863, 23e année du règne de Charles le Chauve et non de Charles le Simple. Cette notice est en effet antérieure à la remise de l’ex-fisc de Perrecy à Saint-Benoît-sur-Loire en 876. Si cette pièce s’est retrouvée dans les archives clunisiennes, c’est à l’occasion de la donation de la villa de Molinet à Cluny en décembre 983 (Cluny, n° 1643) ; les chartriers clunisiens ont alors récupéré les archives concernant le temporel local et l’acte a ensuite été porté au cartulaire car il concernait une région où Cluny, qui venait de prendre le contrôle du prieuré de Paray-le-Monial, s’appuyait sur le lignage de Semur et avait remplacé comme puissance dominante le prieuré de Perrecy-les-Forges. Tout acte qui permettait donc d’affirmer la puissance locale des Clunisiens face à leurs collègues et néanmoins concurrents de Saint-Benoît était bon à prendre.
Texte :
31Notitia traditionis mansorum et servorum ab Hotkario facta in Mulnet
32Noticia tradituria qualiter vel quibus presentibus veniens homo aliquis, nomen Hotkarius, in vicem Heccardo, in comitatu Augustudinense, in villa qui dicitur Mulnet, ad illo manso indominicato, et illo manso ubi Teodedus commanet, seu et in alia villa Bramadio, ad illo manso ubi Merettus commanet, et in alia villa que dicitur Cisternas, ad illo manso ubi Martinus commanet, et alii manso ubir Berengarius commanet, et in alio loco, in villa qui dicitur Mageleniaco, illo manso ubi Ercambaldus commanet, et illum ubi Magenelmus commanet, seu et illo Druitbaldus commanet, et illo dimidio manso ad Vernoilo [var. Advernoilo], ubi Idegarius commanet, et in villa que dicitur Climensico, illo manso ubi Eltmarus commanet, et unum quartarium. Sic tradidit jam dictus Otkarius in vicem ipsius Heccardo hominem aliquo, nomem Vuinetario, ipsos mansos superius nominatos, vel mancipiis utriusque sexus, vel quicquid ad ipsos mansos aspicit vel aspicere videtur, totum et ad integrum rem per exquisita, per terra et erba et vuadio et andelango, et per ostium et axadoria, et per unum servum, nomen Adelgario, et per unum fistucum se in omnibus exinde exitum fecit, his presentibus qui subterfirmaverunt.
33S. Bernoi, S. Eppleno, S. Gunduino, S. Geronimo, S. Adelbaldo, S. Erembaldo, S. Celsono, S. Richerum, S. Godelbalt, S. Ingelbalt,S. Leutbald, S. Johanno, S. Vuaremgardo, S. Ingobert, S. Gautobert,S. Vulfram, S. Ariulfo, S. Aldebodo, S. Oduino, S. Autbert, S. Aimono,S. Airbert, S. Vulfart, S. Adegrim, S. Fulcuino, S. Vuitsonno, S. item Leutbald, S. Odelart. S. Rainbalt.
34Facta noticia in mense aprili, in anno XXIII regnante domno nostro Karolo rege. Ego enim, in Dei nomen, Adefredus presbiter rogatus scripsi et subscripsi.
35Traduction
36Notice de tradition de manses et de serfs à Molinet faite par Hotkar [pour Heccard].
37Un dénommé Hotkar est venu, à la place d’Heccard, dans le comté d’Autun, dans la villa de Molinet, [établir la] notice de tradition, et les susdits étant présents, pour [la remise de] ce manse domanial, et du manse où réside Téodet, et dans la villa de Bramadio pour le manse où réside Méret, et dans la villa appelée Cisternas, pour le manse où réside Martin et un autre manse où réside Bérenger, et en un autre endroit, dans la villa appelée Magalon, pour le manse où réside Archambaud, et celui où réside Magenelm, ainsi que celui où réside Druitbaud, et ce demi-manse au Verneuil où réside Ideger, et dans la villa appelée Climensico, pour ce manse où réside Eltmar et pour un quartier. Ainsi ledit Hotkar, à la place d’Heccard lui-même, a remis à cet homme du nom de Guinetier les manses énumérés ci-dessus, avec leurs serfs des deux sexes, et tout ce qui dépend de ces manses ou est considéré comme en dépendant ; ces biens remis complètement et en entier [avec leurs droits établis] par enquêtes, par les terres, l’herbe, le gage, la transmission par un objet symbolique, par l’hostie et par le gond, et par [le témoignage d’] un serf du nom d’Adelgar, et par [la remise d’] un fêtu, il se déclara dès lors exclu en toutes choses en présence de ceux qui ont souscrit ci-dessous53.
38S [ouscriptions de] Bernoin, Eppelin, Gunduin, Jérôme, Adelbaud, Erembaud, Celson, Richer, Godelbaud, Ingelbaud, Leutbaud, Jean, Waremgard, Ingobert, Gautobert, Vulfran, Ariulf, Aldebaud, Oduin, Autbert, Aimon, Airbert, Vulfart, Adegrin, Fulcuin, Witson, un autre Leutbaud, Odelart, Raimbaud. Notice établie en avril, dans la 23e année du règne de notre seigneur le roi Charles. Moi, au nom de Dieu, Adfred, prêtre, requis, j’ai écrit et souscrit.
39N. B : Bramadio et Climensico ne sont pas repérés, Mageneliacum est Magalon, lieu-dit de la commune de Chassenard. Cisternas pourrait renvoyer au hameau des Abreuvoirs, commune du Chassenard. Pour Ad Vernoilo plusieurs possibilités existent : il y a deux La Verne, dans la commune de Molinet, plus un la Verne au hameau des Brosses dans la commune voisine de Chassenard. La zone de Molinet sur la rive gauche de la Loire est une zone alluviale humide où le cours du fleuve a souvent changé comme l’attestent les traces de nombreux méandres fossiles, et qui a en outre été bouleversée par le percement du canal latéral à la Loire et du canal de Digoin à Roanne qui se rejoignent justement à Molinet. Tout ceci ne facilite pas les identifications topographiques.
Pièce n° 2
40Charte publiée par A. Bernard, A. Bruel, Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, t. II, n° 1110, p. 202, août 961.
Texte
41Domino sacro monasterio in onore sanctorum apostolorum Petri et Pauli de Cluniago. Ego Gontrudis femina dono ad ipsam casam Dei in locum sepultura, pro anime seore [i. e seniore] meo Malguino condam et sua commendacione, mansos indominicatos in pago Ostudunense, in finem Amanziacense, in villa Sarmacia III, cum appendiciis, vircariis, campis, pratis silvis, res perinquisitas, cum servis et ancillis qui super resedunt, preterea de istos servos III infantos reservo, aliut vero ad integrum dono. Similiter dono ad ipsa casa Dei alio manso in villa Tolociago, cum appendiciis ejus, curtilis et vineis et campis et pratis et silvis, res perinquisitas, totum ad integrum dono, et faciunt actores sancti Petri post isto die quid-quid facere voluerint in omnibus. Si quis vero, si ego ipsius, aut ullus omo vel de eredibus nostris venier tentare voluerit, de auro libe [i. e libra] media componet. Actum Cluniago villa, atrio Sancti Petri. S. Gontrut, qui plenissima voluntate et pro commendacione seniore suo Malguino, donacione ista fierit et firmare rogavit. S. Aigalt. S. Jacop. S. Isebart. Estevono. S. Arleio. S. Ubert. S. Ivono. S. Adalgerio. S. Tedoino. S. Rotard. S. Ermalt. S. Genois. S. Rotfredo. S. Guiniis. S. Teodoric. Ego Deodatus rogatus escripsit, datavit die veneris, in mense augusto, annos VII regnante Loterio rege.
Traduction
42Au seigneur sacré monastère de Cluny en l’honneur des saints Apôtres Pierre et Paul. Moi la femme Gontrude je donne à cette maison de Dieu, lieu de sépulture, pour l’âme de mon seigneur Malguin et sur sa recommandation, 3 manses domaniaux dans le pagus d’Autun, dans le territoire d’Amanzé, dans la villa de Sermaize, avec leurs dépendances, verchères, champs, prés, bois, biens enregistrés, avec les serfs et serves qui y habitent, à l’exception parmi ces serfs de 3 jeunes que je me réserve ; tout le reste je le donne en entier. De même, je donne à cette maison de Dieu un autre manse dans la villa de Tollecy, avec ses dépendances, courtils et vignes et champs et prés et bois, et biens reconnus ; je le donne entièrement, et que les agents de Saint-Pierre en fassent ce qu’ils veulent en toutes choses à partir de ce jour. Si quelqu’un, si moi-même, ou quelque homme de nos héritiers voulait entreprendre d’y venir, qu’il paie une livre d’or. Fait dans la villa de Cluny, dans l’atrium de Saint-Pierre. S [ouscription de] Gontrude qui de son plein gré et sur la recommandation de son seigneur Malguin a fait cette donation et a demandé à la souscrire. S. Aigalt. S. Jacob. S. Isebart. S. Estevenon. S. Arleius. S. Ubert. S. Ivon. S. Adalger. S. Téduin. S. Rotard. S. Ermaut. S. Genois ; S. Rotfred. S. Giniis. S. Thierry. Moi Déodat, requis, j’ai écrit, daté le vendredi, au mois d’août, la 7e année du roi Lothaire.
Pièce n° 3
43Charte publiée par A. Bernard, A. Bruel, Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, t. II, n° 2251, p. 381, avril 994.
Texte
44Dum in hujus seculi vivitur laboriosa erumna, considerandum nobis atque elaborandum, ut ex reditibus nostris eterna premia merceremur. Idcirco ego, in Dei nomine, Mainbertus et filius meus Tresmundus et uxor mea Cristina donamus Deo et sanctis apostolis ejus Petro et Paulo aliquid ex rebus nostris que sunt site in pago Augustidunense, in villa Sarmasias, hoc est curtilum unum qui erminat a mane terra Tedgrini et Amalberto, a medio die terra Sancti pauli, a sero terra Sancti Pauli, a certio terra Amalberto. Infra isto terminio, totum sicut superius scriptum est, cum mansione. Itemque donamus in villa Corcellas alium curtilum ; qui terminat a mane terra Adalramni, a medio die terra Roscelini, a sero via publica, a certio terra Roscelini et ad suos heredes. Infra isto terminio, cum mansione. Donamus in tali tenore, ut quamdiu Mainbertus vixerit teneat, et post ipsius obitum, ad Sanctum Petrum perveniat ; in vestitura vero, omnibus annis quibus vixerit, Mainbertus IIIor denarios persolvat. Si quis autem contra hanc donationem aliquem litem intulerit, auri untias IIIes persolvat, et hec donatio firme et stabilis permanat, stipulacione subnixa. Porro ego Mainbertus, mox ut obiero, relinquo Sancto Petro de tesauris meis aut quinquaginta solidos, aut quinquaginta soldadas. Actum Cluniaco publice. S. Maynbertus et filii sui Tresmundi et uxoris sue Cristine, qui fieri et firmare rogaverunt. S. Girberti. S. Rodberti. Data mense aprili, regnante Hugone rege anno VII. Evrardus levita scripsit.
Traduction
45Parce qu’on subit dans ce siècle une pénible épreuve, il nous faut réfléchir et nous efforcer d’acquérir les faveurs éternelles par nos dons. C’est pourquoi moi, au nom de Dieu, Maimbert et mon fils Tresmond et ma femme Christine donnons à Dieu et au saints apôtres Pierre et Paul une part de nos biens situés dans le pagus d’Autun dans la villa de Sermaize, c’est-à-dire un courtil qui touche au matin à la terre de Tedgrin et Amalbert, au midi à la terre de Saint-Paul, au soir à la terre de Saint-Paul, au nord à la terre d’Amalbert. À l’intérieur de ces limites, tout ce qui est écrit ci-dessus, avec une maison. Nous donnons aussi dans la villa de Corcelles [la petite curtis, c’est-à-dire Sermaize-du-Bas] un autre courtil qui touche au matin à la terre d’Adalramne, au midi à la terre de Roscelin, au soir à la voie publique, au nord à Roscelin et à ses héritiers. À l’intérieur de ces limites, avec une maison. Nous donnons sous réserve que, tant que Maimbert vivra, il tienne ces biens, et après son décès, que cela revienne à Saint-Pierre. Pour l’investiture [de ces biens], chaque année qu’il vivra, Maimbert versera 4 deniers. Si quelqu’un introduit une quelconque querelle contre cette donation, qu’il verse 3 onces, et que cette donation demeure ferme et stable, selon la stipulation [de cet acte]. En outre moi Maimbert, à ma mort, je laisse à Saint-Pierre de mon trésor cinquante sous ou des biens à valeur de cinquante sous. Fait à Cluny en public. S [ouscriptions] de Maimbert et de son fils Tresmond et de sa femme Christine qui ont fait établir et souscrit. S. Girbert. S. Robert. Donné au mois d’avril, dans la 7e année du roi Hugues. Évrard lévite a écrit.
Notes de bas de page
1 Pour l’édition des sources, cf. A. De Charmasse, Cartulaire de l’église d’Autun, Paris/Autun, 1865, reprint Genève, 1978, désormais abrégé Autun. J. G. Bulliot, Essai historique sur l’abbaye de Saint-Martin d’Autun de l’ordre de Saint-Benoît, t. 1, texte, LXIV plus 427 pages, t. 2, chartes et pièces justificatives, 449 pages, Autun, 1849. A. Déléage, Recueil des actes du prieuré Saint-Symphorien d’Autun de 696 à 1300, Autun, 1936, abrégé Saint-Symphorien. Pour Saint-Andoche, le tableau récapitulatif publié par A. Déléage, La vie rurale en Bourgogne jusqu’au début du xie siècle, Mâcon, 1941, p. 1248-1250 demeure le plus accessible avec le diplôme n° 206, édité par G. Tessier dans son Recueil des actes de Charles II le Chauve. U. Chevallier, Cartulaire du prieuré de Paray-le-Monial, ordre de Saint-Benoît, suivi d’un appendice des chartes et des visites de l’ordre de Cluny, Paris, 1890, abrégé Paray.
2 M. Prou, A. Vidier, Recueil des chartes de l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, Paris, 1907, abrégé Saint-Benoît. A. Bernard, A. Bruel, Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, t. 1, jusqu’en 953, Paris, 1876, t. 2, 954-987, 1880, t. 3, 987-1027, 1884, t. 4, 1888, abrégé Cluny.
3 M. Chaume, Les origines du duché de Bourgogne, t. 3, 1931, p. 818-845.
4 Pour la mise au point la plus récente sur l’approche fiscale controversée du haut Moyen Âge, J.-P. Devroey, Économie rurale et société dans l’Europe franque (vie-ixe siècles), t. 1, Fondements matériels, échanges et lien social, Paris, 2003, p. 227-255.
5 Pour Démétry, M. Chaume, op. cit., p. 827, citant les Gesta episcoporum Autissiodorensum, 20, vers 611-624 : in pago Augustodunensi, villam Dementiriacensem cum Colonica, Tilio et caeteris appendiciis suis, colonica désignant le hameau de Haut et Bas-Colonge, cne de Charbonnat, en face de Thil et de Démétry, sur l’autre rive de l’Arroux, et non un Collonge proche de Saint-Léger-sous-Beuvray, déjà sur les contreforts du Morvan indiqué par M. Chaume. Pour le testament d’Ansbert, ibidem, p. 828 ou Saint-Symphorien, n° 1, avec des donations en Auxois, Champagne, Nivernais, mais rien dans l’Autunois ligérien.
6 Ph. Lauer éd., Recueil des actes de Charles III, roi de France (893-923), Paris, 1943, XXXVII, soi-disant du 31 mars 901. Cet acte interpolé est tardif (fin xe), mais intègre dans son dispositif toute une série de donations postérieures à sa date prétendue qui permettent de l’utiliser pour retracer l’histoire du temporel autunois. Cf. C. Brühl, « Die Urkunden Karls der Einfältigen und Rudolf von Westfranken für das Nonnenkloster Saint-Andoche zu Autun », dans idem, Aus Mittelalter und Diplomatik, Gesammelte Aufsätze 2, Hildesheim, Munich, Zurich, 1989, p. 838-850
7 Saint-Benoît, XXV, XXVI et XXVII. Les trois actes se présentent tous comme des actes authentiques, mais la réalité est quelque peu différente. Le XXV est un testament écrit vers janvier 876 où les exécuteurs testamentaires reçoivent des instructions pour la répartition des terres que contrôle Heccard, ainsi que pour les objets précieux qu’il lègue à des proches. Le XXVII, qui porte la même date, est une donation sous réserve viagère de Perrecy et d’autres biens fonciers en Mâconnais au profit de Saint-Benoît-sur-Loire. Quant au XXVI, qui se présente comme la description la plus complète des villas, des biens et des vassaux dans l’orbite de Perrecy, c’est un acte composite, établi par les moines du nouveau prieuré après 877, qui intègre à la fois des donations réelles et des descriptions exactes du patrimoine de vassaux connus par les deux précédents actes, et un état ultérieur du temporel, qui retrace la situation de la fin du ixe ou début du xe siècle. Sur le remaniement de cet acte cf. A. Déléage, La vie rurale, op. cit., p. 230-231.
8 Remarquons que dès le début du viie siècle les évêques d’Auxerre avaient aussi choisi la zone ouverte de la vallée de l’Arroux pour leurs possessions autunoises, cf. supra note 5.
9 Autun, XLV. Montbeugny se trouve dans l’Allier, aux confins occidentaux de l’Autunois, dans une zone qui échappe à ce pagus dès le xe siècle.
10 Autun, XLI, 865, in villa quae vocatur Lanoscla quem ipse de densitate silvarum ad agriculturam et habitationem hominum exercendo et excolendo perducere studuit.
11 Saint-Benoît, IX, février 796, Dodon de Joux, villa comprise dans le fisc de Perrecy est contrait d’avouer devant l’avoué du comte Hildebrand quod servus erat domno Karolo rege de jam dicta villa Jovo ; ibidem, X, avril 815, au plaid comtal, en présence du vicomte et du viguier, Maurin est reconnu serf de Perrecy parce que son père Madalenus l’était ; ibid., XI, avril 817, Maurin est reconnu serf de Perrecy désormais tenu en bénéfice par Hildebrand ; ibid., XII, mars 818 et XVI, octobre 819, Adelard est reconnu serf de Perrecy car son père Adalbert l’était déjà du temps de Charlemagne et Pépin le Bref ; ibid., XVII, 820/821, Adalberte, fille d’Adalbert est contrainte à se reconnaître serve de Perrecy.
12 Saint-Benoît, XIII, avril 818, jugement du comte Thierry ordonnant la restitution des biens sis à Baugy, détenus injustement par Amelius et réclamés par Fouchard, avoué de Nivelon.
13 Cluny, 51, juillet 893, l’une des villas, appelée in Scuciago, est toute proche d’Iguerande, sur le territoire même de la commune, l’autre, Campus, relève de l’Auvergne. À noter la formule de description qui se veut à la fois détaillée, pour n’oublier aucun élément constitutif du patrimoine local du donataire, et, sur la fin, suffisamment générale pour laisser la place à un marché foncier local interne à la villa : in primis vindo vobis villaro cum manso indominicato vel illas ecclesias jam dictas, cum omnibus appendiciis vel illorum finis, oc sunt vilaribus cum edificiis et mansis qui super resedunt, et illa mancipia qui super visii sunt manere, cum illorum mulieres et illorum infantis, virchariis, campis, vineis, vinialis, pratis, silvis, cum decimis, pasquis, pommis, mulinaribus, omnia et ex omnia, tam de alaudo quam de conquisto.
14 Autun, XLV :… alium mansum… quem de Altmaro per titulum venditionis, Hilferico avo nostro conquirente, nobis obvenit cum ancilla nomine Leotbertane et prole ejus, cedimus cum omnibus adjacentiis suis et supraposito et quicquid ad eum aspicit aut aspicere videtur. Cedimus etiam et pratum ad honorem praefatae capellae de Abulmaro conquisitum. Remarquons l’emploi du mot honor pour désigner ici le temporel remis à cette nouvelle église, terme qui se réfère explicitement aux terres « de fonction » des aristocrates et dont ils touchent les revenus sans en assurer l’exploitation directe.
15 Autun, XLVI, qui signale l’existence de l’exartum Helico, mais aussi qu’un casal donné à la nouvelle église touche par un de ses côtés à la terra Grimal, qu’un pré cédé dans le hameau de Marnant confronte la terra Grimaldi sur deux de ses côtés et que dans le hameau de Biat, le champ offert est entre les bois du donataire et les terres d’une église Notre-Dame ; en outre, dans la villa d’Alciatum, le donataire offre une vigne qui touche à sa propre terre et à la vigne de Ragenteus, ce dernier personnage étant cité parmi les témoins qui souscrivent l’acte.
16 Cf. supra note 13.
17 Cluny, 219, daté à tort par les éditeurs d’avril 920, rectifié en avril 863 par M. Chaume, op. cit., t. 1, p. 230. Cet acte s’est retrouvé dans le chartrier, puis dans les cartulaires clunisiens, lors du transfert de la villa de Molinet à Cluny en décembre 983 (Cluny, 1643), car on a alors enregistré dans les archives les états antérieurs du temporel local, cf. pièce justificative n° 1.
18 Saint-Benoît XXV et XXVII signalent tous deux en 876 des vassaux d’Heccard installés à Baugy, avec respectivement Leubold et Ragabald, qui se retrouvent désormais lors des donations l’un sous l’autorité de Saint-Andoche, l’autre sous celle de Saint-Benoît. Le premier des deux pourrait bien être le Leutbald qui souscrit la donation de 863 à Molinet (Cluny 219), villa qui se trouve sur la rive opposée de la Loire, un peu au nord de Baugy.
19 Saint-Benoît, XXV : In primis donate Deo et Sancte Mariae et Sancto Benedicto et Floriaco monasterio, quod est situm super fluvium Ligeris, villa quae vocatur Patriciacus, in pago Augustidunense, super fluvium Vuldracam, cum ecclesia in honore Sancti Petri, cum servis et ancillis utriusque sexus, cum omnibus appendiciis suis vel quicquid domnus Ludovicus imperator begninissimus mihi per suum preceptum dedit ad jam dicta villa cum omni integritate, praeter Balgiaco quod volo ut donetis a Sancto Andochio puellare, ad lumen, quicquid ibi Leutboldus habuit in beneficio.
20 Saint-Benoît, XX, 29 juin 836, diplôme de Pépin d’Aquitaine : concedimus eidem fideli nostro Heccardo nomine, ad proprium, quasdam res juris nostri quae sunt sitae in pago Augustidunense, in agro Patriciacense, id est ipsa villa Patriciacus cum casa indominicata vel capella in honore sancti Petri constructa, cum appendiciis eorum. Ibidem, XXI, 29 décembre 839, diplôme de Louis le Pieux : concessimus… res nostrae proprietatis quae sunt in pago Augustidunense, in agro Patriciacens, id est ipsa villa Patriciacus cum casa indominicata vel capella in honore sancti Petri constructa, cum appendiciis eorum.
21 Saint-Benoît, XIII, avril 818 : illas res quae sunt in pago Augustidunense, in villa Balgiaco, quem Karolus Hildebranno beneficiaverat de villa Patriciaco.
22 Cf. supra note 7.
23 Saint-Benoît, XXX, avril 885, notice par laquelle Thierry et Urson, neveux d’Heccard, restituent Perrecy, qu’ils avaient injustement usurpés avec leur frère Richard et un autre frère présentement décédé. Pour l’ensemble du dossier de Perrecy, cf. aussi O. Bruand, « La villa carolingienne ; une seigneurie ? Réflexions sur les cas des villas d’Hammelburg, Perrecy-les-Forges et Courçay », dans Liber Largitorius, études d’histoire médiévale offertes à Pierre Toubert à ses élèves réunies par Dominique Barthélemy et Jean-Marie Martin, École Pratique des Hautes Études, Sciences historiques et philo-logiques, V, Hautes études médiévales et modernes, 84, Paris, Droz, 2003, p. 349-373.
24 Cluny 219, avril 863 : Hotkar est désigné comme homo et agit in vicem Heccardo ; l’acte se conclut par la liste de 29 souscripteurs qu’on retrouve partiellement dans Saint-Benoît, XXV, janvier 876 avec Hotkar/Otgar comme exécuteurs testamentaires d’Heccard ainsi que dans Saint-Benoît, XXVI. Cf. infra pièce justificative n° 1.
25 Cluny 219. Le lot concédé à Guinetier comprend le manse seigneurial de Molinet, un manse tenu par Téodat au même endroit, un manse tenu par Merettus à Bramadio, deux manses tenus par Martin et Béranger à Cisternas, trois manses tenus par Archambaud, Magenelm et Druitbald à Magalon, un demi manse occupé par Igier à La Verne, et à Climensico, le manse d’Eltmar plus un quartarium, le tout étant donné totum et ad integrum rem per exquisita, per terra et erba et wadio et andelango, et per ostium et axadoria.
26 Saint-Benoît, XXVI pour Gueugnon et Cluny, 51, supra note 13 pour Iguerande.
27 Pour le premier Vulfard, Cluny, 219, puis Saint-Benoît, XXVII. Le second Vulfard à Cisa, ager de Génelard, (Civry ?) a un patrimoine qui, à l’exception de vignes en Chaunois, semble tourner autour de cette villa, avec entre autres une part de moulin sur la Bourbince, cf. Saint-Benoît, XXXI. Pour Vulgrin, ibidem, XLIII et pour Girbaud, ibid., LVII.
28 Saint-Benoît, XXXII, de 895, Grimaud, Téobaud, Andric, Bernard et Amalbert souscrivent en tant que boni homines la donation de Guinetier autour de Fautrière, Lavaux et Pont. On les retrouve pour certains dans d’autres actes qui concernent la même zone, Grimaud pouvant être l’alleutier à Chassy en 907 (Saint-Benoît, XXXV), Téobaud serait cité en 876 (ibidem, XXVII), et Bernard pourrait s’apparenter à celui qui a vendu un courtil à Cisa avant 933 (ibid., XLII).
29 Cluny, 219.
30 Saint-Benoît, XXVI.
31 Cluny, 1518, de 980, le prêtre Atton donne un courtil, c’est à dire un manse, à Vaudebarrier, juste au sud de Charolles. Ibidem, 1562, de 981, le même et son père Rainier donnent la moitié de l’église de Notre-Dame de Vaudebarrier, avec son temporel et les biens qu’ils possèdent dans la villa, mais en conservent l’usufruit viager. Rien ne permet de savoir si le courtil est domanial et participe au pouvoir seigneurial local, mais cela semble probable.
32 Cluny, 2020, datation incertaine, entre 993 et 1048, donation du prêtre Girbaud à Corcelle en Brionnais, cne Saint-Martin-du-Lac.
33 Cluny, 2408, d’entre 997 et 1030. Le donataire a des biens et une curtis probablement domaniale dans chacune des deux villas, car la formule finale précise qu’il donne une de ces curtes avec villis, mansis, plus les habituelles formules de description des terres, champs, bois, etc.
34 Cluny, 244, de 924 et 738, du 17 avril 949.
35 Cluny, 759.
36 Cluny, 1110, août 961, avec la description de Tollecy : alio manso in villa Tolociago, cum appendiciis ejus, curtilis et vineis et campis et pratis et silvis… À noter qu’au fur et à mesure qu’on avance dans le xe siècle, on voit de plus en plus dans les chartes de Cluny le mot curtilis concurrencer man-sus pour désigner les tenures paysannes. Cf. à la fin pièce justificative n° 2.
37 Cluny, 2251, mai 994. L’acte mentionne deux courtils, dont l’un in Corcellas, mais le village de Sermaize est double, avec Sermaize du Haut, où se trouve l’église, et Sermaize du Bas, au bord de l’Arconce, d’importance moindre et qui correspond sans doute à la curticella annexe. La promesse de legs est formulée ainsi : relinquo Sancto Petro de tesauris meis aut quinquaginta solidos, aut quinquaginta soldadas. Cf. pièce justificative n° 3.
38 Cluny, 970, 15 février 955 ?, incartavimus at ipsum locum domum venerabile Deo et sanctis suis [Cluny], vilam nostram que vocant Vimdesco, cum capella que est constructa in onore Dei et sancti Nazarii ; de ista vila et de ista capella cum mansis, etdificiis, de vircariis, de campis, de pratis, de sil-vis, exiis et regressiis, la una medietatem in proprium recipiatis at facere quod volueritis, et de alia medietatem, quamdiu ucxor mea tiberga vivit, abeat et possideat usum et fructum.
39 Cluny, 1492, juillet 979. L’identification de Novavilla avec Novelle, près de Martigny-le-Comte proposée par M. CHAUME, op. cit., p. 839, manque de logique. Pourquoi choisir un site à plus de 40 kilomètres, alors que la Villeneuve est à 4 kilomètres seulement ? De plus, lors de l’enregistrement au chartrier, le scribe a porté au dos Acbert, in Balgiaco, sans aucune référence à une autre villa, ce qui peut se comprendre si La Villeneuve est considérée comme une dépendance voisine de Baugy, mais qui est incohérent pour une possession lointaine qu’il vaut mieux enregistrer pour éviter les usurpations.
40 Cf. supra note 18.
41 Cluny, 1321, août 972.
42 Cluny, 2251. On ne sait pas si l’église Saint-Paul en question est celle de Sermaize ; en tout cas le village n’est pas signalé comme paroisse dans les pouillés du xie siècle publiés par A. De Charmasse, « Pouillés de l’ancien diocèse d’Autun. Fragments de deux pouillés du onzième siècle », dans Idem, Cartulaire de l’évêché d’Autun connu sous le nom de Cartulaire rouge publié d’après un manuscrit du xiie siècle, Autun-Paris, 1880, p. 362-368.
43 Cluny, 2072, 993/1048.
44 A. Kohnle, Abt Hugo von Cluny (1049-1109), Beihefte der Francia, 32, Sigmaringen, 1993. L’auteur retrace les années de formation de l’abbé clunisien et étudie sa généalogie, p. 20-24, rappelant ainsi qu’il était le petit neveu d’Hugues de Chalon, évêque d’Auxerre, qui aurait veillé à sa formation ; par ailleurs son grand père, déjà installé à Semur à la fin du xe siècle, avait épousé en secondes noces une fille du comte Lambert de Chalon, le fondateur de Paray. Il est évident que les premiers Semur se sont retrouvés dans l’orbite de la nouvelle fondation dont la dotation foncière d’origine entoure leurs propres terres.
45 Il n’y a plus aucun Nibelung attesté en Autunois après les neveux d’Heccard, Guinetier (Saint-Benoît, XXXI, 889 ; XXXII, 895 et XXXIII, 898) Thierry et son frère Richard (ibidem, XXX, 885). Si Guinetier a deux fils qui souscrivent sa donation de 898, on ne les retrouve plus dans la région ensuite, sauf pour un Guinetier qui souscrit encore Saint-Benoît, XLI, en décembre 932, mais dont on ne peut préciser les liens avec les personnages antérieurs du même nom.
46 Paray, 3, 971.
47 Saint-Benoît, XXVI, avec la mention d’une villa Fabrum Exardum, identifiée par A. DÉLÉAGE, op. cit, p. 485-486, avec le clos de Fressard ; toujours à l’est de la Bourbince on trouve au Xe siècle les acquisitions suivantes, Charnay vers 923/30 (ibidem, XXXIX), Génelard en 933 (ibid., XLI), Saint-Bonnet-Vieille-Vigne, le hameau de Pont dans la même commune, Lavaux en 956, Longpérier en 970.
48 La seule mention qui concerne la partie méridionale du territoire dans Saint-Benoît, XXVI, porte sur un Paray, ad Paredam villa, II mansos, mais les éditeurs du cartulaire hésitent à attribuer cette indication au site de Paray-le-Monial.
49 Cluny, 2484, 999, charte d’Hugues de Chalon, comte et évêque d’Auxerre, qui rappelle la fondation de Paray par son père : beate memorie comes Lambertus… quoddam cenobium, quod Vallis Aurea dicitur, in proprio construxit solo. Apparemment la zone serait restée dans l’honor comtal après la mort d’Heccard et aurait été ensuite patrimonialisée par les nouveaux titulaires de la charge.
50 Cluny, 2408, cf. supra note 33.
51 Paray, 184, vers 988/1039.
52 Pour Mont-Châtel, Paray, 3, avant 971 ; pour Charolles, le site est qualifié de vicus en 924, Cluny, 244, tandis qu’on y voit des seniores viri Carelli castri en 968/978, Cluny, 1249. Pour les débuts des châteaux, A. Déléage, « Les origines des châtellenies du Charolais », dans Revue périodique de vulgarisation des sciences naturelles et préhistoriques de la Physiophile, société d’étude d’histoire naturelle de Montceau-les-Mines, n° 4, mars 1934, p. 55-60 et n° 5, juin 1934, p. 69-74.
53 Ces formules conventionnelles assez elliptiques renvoient à une procédure solennelle de remise de biens selon un rituel précis de gestes, de proclamations et de serment très difficile à reconstituer mais attesté dans de nombreux actes de l’époque (nombreux exemples dans le Du Cange aux articles andelangum, ostium et axadorium). L’usage fait souvent traduire andelangum par gant, mais une expression plus neutre est préférable, car on se sert aussi d’autres objets, comme la baguette de coudrier évoquée ci-après dans l’article de Joëlle Quaghebeur, pièce justificative n° 1. Pour les puristes, le terme d’andelane est accepté par le Nouveau Larousse Illustré, dictionnaire encyclopédique en sept volumes, dans son édition de 1903. Est-il pour autant explicite ?
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