Chapitre IX. Allemagne : la peau de chagrin
p. 171-187
Texte intégral
1Les particularités du système allemand de financement du logement vont provoquer une réduction drastique du parc social au cours des années à venir. Alors qu’on comptait encore 3,9 millions logements sociaux en 1987, il n’en restait déjà plus que 1,8 millions en 2001. Chaque année environ 100 000 logements perdent leur statut « social ». Dans les années 1980, on s’accordait à dire que le logement social devait représenter environ un tiers des résidences principales. Ce consensus a aujourd’hui disparu. En 2006, à Berlin, seuls 9 % des logements à l’ouest et 24 % à l’est pouvaient encore être classés comme « sociaux » – ou assimilés – et la municipalité continue d’envisager de nouvelles privatisations de son parc immobilier aussi bien social que public. La ville de Dresde, de son côté, vient de céder tout son stock d’habitat social (qui ne comptait pas moins de 30 000 logements !) à des investisseurs étrangers, sachant que dans les villes de plus de 200 000 habitants une moyenne de 8 % seulement des logements sont toujours, à l’heure actuelle, municipaux.
2Le logement social allemand se fonde sur un modèle de marché partiellement subventionné par l’État. Depuis le début du XXe siècle le service public a subventionné des particuliers et des entreprises, aussi bien privées que publiques, pour développer la construction de nouveaux logements sociaux ainsi que la réhabilitation des plus anciens1. En échange de subventions ou d’exonérations d’impôts, les entreprises s’engageaient à assurer une gestion « sociale » des logements — c’est-à-dire qu’elles veillaient à ce que l’accès soit limité par un plafond de revenus et de loyers, etc. — durant une période déterminée. La subvention publique comble la différence entre les sommes perçues (loyers ou traites) et le coût réel de la location. La durée de cet engagement dépend du type de programme et du montant des subventions. Cette durée est passée graduellement d’une cinquantaine d’années dans les années 1970, à une durée de douze à vingt ans aujourd’hui. Après son expiration, les propriétaires sont libres de louer ou de vendre les logements au prix du marché. Dans la pratique, cependant, bon nombre de ces promoteurs sont des organismes municipaux qui continuent d’appliquer les normes du logement quasi social dans leurs entreprises.
3Le cadre réglementaire mis en place au début du XXIe siècle reste étroitement lié à la législation sur les organisations à but non-lucratif et sur les subventions en vigueur dans l’ex-Allemagne de l’Ouest. En République fédérale, le logement social était régi depuis les années 1950 par la « seconde loi sur la construction de logements » (II. Wohnungsbaugesetz ou WoBauG). Celle-ci visait à créer des logements qui, compte tenu de leur taille, de leur équipement, du montant de leurs loyers ou des traites de remboursement, et de leur coût d’entretien, restaient dans l’ensemble abordables pour une grande variété de groupes sociaux. Outre l’offre de logements locatifs, le II. WoBauG favorisait également l’accès à la propriété occupante.
4Cette loi a été remplacée en septembre 2001 par la loi de « Réforme des réglementations du logement » (Gesetz zur Reform des Wohnungsbaurechtes), qui inclut la loi sur l’offre de logement social (WoFG). Cette nouvelle loi régule toujours la production de logements sociaux locatifs (y compris associatifs) ou destinés aux propriétaires occupants, ainsi que d’autres mesures de soutien aux ménages ne parvenant pas à se loger sur le marché. Elle marque cependant le passage d’une politique de financement de logements spécifiques à une aide personnalisée, et d’une politique de logement à un soutien individuel fourni parallèlement à des politiques sociales territorialisées (« La Ville Sociale [Soziale Stadt] ») en faveur des quartiers urbains défavorisés. La réforme du système fédéral allemand (Föderalismusreform) a entraîné, en 2006, un autre changement fondamental : depuis cette date, la responsabilité du financement et de la gestion du logement social incombe aux 16 États fédérés (les Länder). Le gouvernement fédéral ne conserve qu’une responsabilité limitée consistant à offrir un cadrage général. Les États bénéficieront du transfert des subventions fédérales et l’on attend d’eux qu’ils élaborent leurs propres stratégies concernant le logement social.
5Autrefois, la politique allemande de logement était centrée sur l’octroi massif de subventions et d’exonérations fiscales directes et indirectes aux constructeurs. Or ces aides ont été coupées depuis les années 1980, au motif que les niveaux de qualité généralement élevés des logements ne justifiaient plus l’ingérence étatique, excepté dans le cas de petits groupes aux besoins spécifiques. Depuis la fin des années 1980, en effet, l’accent est davantage mis sur le soutien à des groupes particuliers, notamment les personnes âgées, les parents isolés et les familles nombreuses, plutôt que sur des politiques générales. Mais avec l’émergence de nouveaux problèmes urbains – disparités économiques régionales, changements démographiques, polarisation urbaine et vacance de plus d’un million de logements – un débat a vu le jour portant à la fois sur la nécessité de construire des logements sociaux et de réfléchir aux formes les plus appropriées de leur production dans un État providence réformé.
HISTORIQUE DE L’OFFRE DE LOGEMENT SOCIAL EN ALLEMAGNE DE L’EST ET DE L’OUEST
6Après la Seconde Guerre mondiale, la construction de logements a pris deux voies distinctes qui trouvent leur source à la fois dans la tradition de réformes du logement et des chantiers publics entrepris sous la République de Weimar, ainsi que dans les résultats impressionnants tant sur le plan qualitatif que quantitatif obtenus par le Mouvement moderne2 (1918-1933).
L’offre massive de logements en Allemagne de l’Est
7Dans le cadre de la planification économique centralisée, la RDA a financé le logement de masse. Construits sous monopole de l’État, plus des deux tiers des nouveaux logements ont été mis en location par les municipalités. 25 % environ étaient gérés par des coopératives de travailleurs et environ 5 % des fonds publics étaient destinés à l’accès à la propriété pour des groupes privilégiés. Comme son nom l’indique, le logement de masse accueillait tout un chacun, des familles de professeurs d’université aux familles d’ouvriers. Ceci était principalement dû au fait que l’État ne proposait pas d’autres types de logements de qualité.
8Vers la fin des années 1980, les habitations issues des trois grandes périodes de construction d’après guerre dominaient le parc de logements de l’Allemagne de l’Est. La première, dans les années 1950, offrit les « palais ouvriers » ; elle fut suivie d’une courte phase de l’Internationale Moderne3 dans les années 1960, au cours de laquelle la qualité des logements s’approcha de celle des constructions réalisées à l’Ouest à la même époque. Durant la troisième période, dans les années 1970, on entama la production industrielle massive d’immeubles dans les nouvelles zones de logement urbain qui s’étendit ensuite aux zones de rénovation des centres urbains de l’Allemagne de l’Est. L’objectif était d’obtenir des appartements satisfaisants souvent au prix d’une négligence de la dimension urbanistique. Des banlieues dortoirs furent érigées pour une société assez jeune et égalitaire, dans laquelle chacun avait un emploi.
9Cependant, tandis que grandissait l’insatisfaction populaire à l’égard des dégradations urbaines et des conditions de logement, le « privilège » d’emménager dans les nouvelles banlieues perdit de son attrait, en particulier avec l’émergence d’un marché de logements de qualité après l’unification de 1990. À partir du moment où des logements neufs ou réaménagés sont devenus accessibles, de nombreux quartiers de logements municipaux de l’ex-RDA furent massivement désertés par les groupes sociaux les plus favorisés. Les résidents les plus âgés comme les plus démunis, quant à eux, restèrent en place tandis que des groupes éphémères de jeunes, plus mobiles et aux revenus limités s’y installaient.
10À ce moment-là, d’un point de vue légal, le logement de masse est-allemand, passé d’un « logement pour le peuple » à un logement municipal lors de la réunification, ne relevait pas du logement social. Les entreprises municipales étaient néanmoins tenues de louer la moitié de leur parc à des loyers comparables en échange du remboursement partiel des anciennes dettes de l’Allemagne de l’Est (Altschulden). À l’est, le statut légal de logement social ne s’applique qu’aux appartements en location ou en coopérative, ainsi qu’aux nombreuses maisons individuelles construites dans le cadre de la législation d’après 1990.
L’offre de logement social à l’ouest
11Par contraste, le logement social en République fédérale comprenait à la fois des appartements locatifs et coopératifs largement subventionnés, situés dans des îlots urbains, et un grand nombre de maisons individuelles en propriété occupante au sein de zones d’habitat périphériques de petite taille. À l’origine, les logements locatifs sociaux étaient bâtis dans des secteurs endommagés par la guerre et ce n’est que plus tard qu’ils se déplacèrent vers la périphérie, réintégrant ensuite la ville avec l’avènement de la rénovation urbaine, à la fin des années 1970.
12Les entreprises municipales de construction ou les coopératives (par ailleurs souvent étroitement liées aux municipalités) étaient les acteurs les plus importants. À partir des années 1980, les programmes de l’État fédéral se sont de plus en plus ouverts aux investisseurs privés, aussi bien individuels qu’institutionnels. Cette collaboration avec le secteur privé constituait à la fois une tentative pour dégager des financements supplémentaires, et une réaction aux protestations publiques contre les stratégies malheureuses de renouvellement urbain et autres scandales financiers. En échange du cofinancement de la construction de logements sociaux, les investisseurs privés, généralement issus des familles les plus nanties recevaient de généreuses exonérations d’impôts.
13En Allemagne, les logements sociaux n’ont jamais été spécifiquement destinés aux plus démunis ni même conçus pour eux. En réalité, ceux-ci n’auraient pas eu les moyens de payer les loyers ou les traites de remboursement exigés. Le secteur visait surtout à loger les « travailleurs clés » et les classes moyennes inférieures. De fait, sauf pendant la période de production massive des années 1970 pendant laquelle la qualité avait faibli, les logements sociaux allemands ont toujours été à la pointe de l’architecture et du design urbains. La taille des appartements, réglementée à l’époque comme elle l’est encore aujourd’hui, était appréciable. La plupart de ces logements de première génération, comme les plus récents, n’étaient donc pas du tout associés aux classes inférieures, contrairement à certains grands ensembles sociaux des années 1960 et 1970, qui n’ont jamais été considérés comme des lieux de vie attrayants. Les bailleurs et les Länders qui cofinancent le logement social s’efforcent depuis le milieu des années 1980 de bâtir des habitations agréables en respectant des critères écologiques rigoureux, en partie pour servir de modèle au logement privé.
LE LOGEMENT SOCIAL DANS L’ALLEMAGNE UNIFIÉE
14Comme nous l’avons vu, le contexte actuel est marqué par la réduction drastique du parc social intervenue dans les deux dernières décennies. Cependant, les programmes allemands sont en général assez vastes comparés à ceux d’autres pays d’Europe. Plus de la moitié des logements sociaux en Allemagne de l’Est se trouvait dans des ensembles de plus de 5 000 appartements (voir tableau 1), alors que dans la plupart des pays, on considérerait qu’un ensemble de 500 appartements est de grande taille. La plupart de ces logements sont désormais des « logements quasi sociaux », c’est-à-dire propriété des sociétés municipales, mais qu’elles ne sont plus obligées de gérer, étant arrivées au terme de la période d’engagement contractuel. Les acteurs politiques et administratifs municipaux (ou les services responsables dans les collectivités urbaines de Berlin, Hamburg et Brême) peuvent, cependant, leur demander de le faire pour certains ensembles du parc de logement.
15En 2001, conformément à la réforme déjà évoquée plus haut, la législation et les programmes de logements sociaux ont été remplacés par une politique globale de soutien au logement, caractérisée par divers niveaux d’action et financée par le gouvernement fédéral et les Länder. La nouvelle législation soutient à la fois les investisseurs privés et les compagnies municipales de logement pour les mettre en mesure de proposer une offre abordable de logements locatifs ou en propriété-occupante aux ménages confrontés à des problèmes d’accès au marché. En raison du taux élevé de vacance dans certaines régions, l’accent est mis sur la réhabilitation de logements existants et sur l’acquisition par la mairie de droits au logement social dans le parc privé pour une période donnée. L’objectif est de limiter la constitution de poches de logements sociaux homogènes et potentiellement discriminatoires. Les États et les municipalités où la demande de logements sociaux est relativement faible adoptent cette stratégie.
Financement et système de fixation des prix
16Durant les dernières décennies, l’objectif de la politique allemande du logement est passé progressivement du soutien à l’offre de logements via l’aide à la pierre à l’aide individualisée aux ménages. L’allocation logement qui s’inscrit dans le système général de protection sociale offre un soutien financier important pour des logements satisfaisants. À part la réglementation des niveaux de loyers acceptables dans ce secteur du logement, il n’y a pas de restriction ou de répartition imposée dans l’espace des logements soutenus par le système social.
17Parce que les municipalités et les Länder détiennent d’importantes responsabilités en matière de politique du logement, et parce que les politiques et les méthodes de financement ont évolué au fil des ans, il est impossible de présenter un tableau détaillé du financement du logement. Quoi qu’il en soit, tous les régimes financiers locaux ont été gouvernés (et continueront de l’être après les changements juridiques introduits en 2006) par trois principes :
- le principe de subsidiarité qui implique que les choses soient réglées le plus possible au niveau local. Par conséquent, les municipalités développent leurs propres programmes de logements sociaux. L’État et le gouvernement fédéral n’interviennent que lorsque celles-ci se trouvent débordées ;
- le principe de partage des contributions requiert que les utilisateurs finaux (en général, les résidents) versent leur part (loyers, traites), en plus des contributions de la municipalité, de l’État et/ou des aides fédérales ;
- le principe de primauté locale implique qu’aucun logement ne soit bâti en tant que propriété du Land ou du gouvernement fédéral. Tout logement social en Allemagne relève du droit privé ; même les compagnies de construction municipales sont des entreprises privées régies par la loi sur le commerce (Wirtschaftsgesetzgebung), et dont les parts sont détenues par la municipalité.
L’attribution
18L’accès à tous les types de logements sociaux continue d’être réglementé par un système qui prend en compte les besoins individuels des ménages, et révise régulièrement les plafonds de revenus. L’office (municipal) du logement délivre un permis d’accès (Wohnberechtigungsschein) aux demandeurs qui remplissent les conditions requises. Ainsi, les bailleurs publics ou privés peuvent sélectionner des locataires parmi ce groupe et les répartir selon leur propre choix. Cela conduit souvent à une mixité sociale satisfaisante, mais il existe des cas problématiques de ségrégation, qui se confondent assez largement avec les quartiers désignés pour des programmes de « Ville Sociale » ou de « Régénération de la Ville Est/Ouest », et sont liés à la qualité et au prix du stock concerné.
Trois conceptions du logement social
19Au fil du temps, trois conceptions du logement social se sont développées, dont deux sont encore en vigueur aujourd’hui.
20La première est celle d’un logement réglementé par le gouvernement fédéral (1. Förderweg). Ceci correspond à du locatif social dans l’acception la plus étroite du terme. Les limites de revenus sont strictes et les loyers plafonnés. Ceux-ci démarrent à 4 € le m2 et augmentent au fur et à mesure que les prêts subventionnés se réduisent. Cette conception n’est pratiquement plus en vigueur depuis le début des années 2000, excepté pour un petit nombre de logements destinés à des groupes aux besoins spécifiques.
21Dans la seconde conception (2. Förderweg), il s’agit d’un « logement social élevé ». Les habitations sont de qualité légèrement supérieure et la réglementation de l’accès, plus souple – les revenus autorisés peuvent être supérieurs de 60 % à ceux de la première conception et les loyers, plus élevés, sont fixés sur une période plus courte. Ils démarrent à environ 5 € le m2 à Berlin, dans l’est et les vieilles zones industrielles de l’ouest, et atteignent jusqu’à 7 € le m2 dans le sud. Ils augmentent partout au fil des ans.
22Les promoteurs de ce type de logements (neufs ou réhabilités) n’obtiennent en général pas de subvention directe, mais ils bénéficient d’un emprunt subventionné. Le taux d’intérêt sur de tels emprunts est initialement bas (environ 3 % au-dessous du taux en vigueur sur le marché), puis augmente graduellement pendant plusieurs années jusqu’à s’aligner sur celui du marché. L’intérêt majeur qu’y trouvent les promoteurs consiste dans l’abattement fiscal dont ils bénéficiaient (jusqu’en 2005).
23Dans la plupart des États, cette conception a elle aussi presque totalement laissé la place à une troisième conception, dans laquelle le logement social est occupé par ses propriétaires. Les promoteurs reçoivent des subventions similaires, mais les familles achètent plutôt qu’elles ne louent les appartements (3. Förderweg).
24Comparer les loyers du privé à ceux des logements sociaux ne permet pas d’établir le montant des subventions dans la mesure où, en Allemagne, les loyers privés sont eux aussi réglementés.
25Les critiques du système de financement autrefois en vigueur affirmaient qu’à qualité égale, la construction de logements sociaux coûte souvent plus cher que celle de logements équivalents par le secteur privé. Les constructeurs avaient, en effet, l’autorisation de dépenser une certaine somme plafonnée. Les locataires versaient leurs loyers ou traites subventionnés. La différence avec le « coût de location » prédéterminé était alors comblée par le secteur public. Le principe était que les loyers ou traites augmentent régulièrement durant la période d’engagement et que la subvention publique diminue d’autant, jusqu’à ce que, finalement, le logement soit « remis » sur le marché. Ce système, par conséquent, pèse sur le secteur public des décennies durant, alors que des subventions directes à la construction, bien que plus onéreuses au départ, ne grèvent que pour une courte période les finances publiques.
26Dans certains cas, il était extrêmement difficile pour les municipalités et les États de s’extraire de ces régimes de financement. En raison de prévisions gravement erronées sur l’évolution des taux d’inflation, le « coût final de location » devenait, vers la fin de la période subventionnée, exorbitant pour les résidents. Les États devaient alors soit prolonger la subvention, soit assumer les effets secondaires de logements sociaux hors de prix.
27En comblant la différence de coût entre logements privés et sociaux, le secteur public a joué un rôle important pour éviter la stigmatisation et la ségrégation du logement pour les pauvres. Cependant, plus le coût du logement était élevé, plus les abattements fiscaux dont bénéficiaient les investisseurs étaient forts. Même si l’objectif de ces programmes n’était pas d’entraîner une production de logements bon marché, dans les années 1990 il a fallu établir des plafonds de coûts pour chacune des trois catégories de logements subventionnés.
28Outre les subventions directes, le logement social a bénéficié des dispositions fiscales qui favorisaient tout investissement dans le parc locatif. Récemment encore, tous les logements bénéficiaient de subventions indirectes sous la forme de taux de moins value élevés (50 % sur 5 ans de 1990 à 1995, puis 2 % par an). Par ailleurs, la KfW (la banque d’État allemande pour le développement) finançait quiconque construisait ou modernisait des immeubles dans le cadre de ses propres programmes de logements, dont les plus récents visent à réduire les émissions de CO2 et également, depuis 2009, à adapter le stock aux besoins d’une population vieillissante. Ces subventions indirectes ont contribué à la remarquable qualité générale des logements allemands.
29Un nombre croissant de logements spécifiques a été construit ces deux dernières décennies. Ceux-ci comprennent des lieux expérimentaux de vie et ou de travail, des logements adaptés à la cohabitation de plusieurs générations et des foyers pour les personnes âgées ou les handicapés. En Allemagne, les logements d’urgence destinés aux sans-abris, réfugiés ou autres groupes marginalisés n’ont jamais dépendu du logement social financé par les deux programmes décrits. Ces groupes sont pris en charge par des programmes sanitaires ou sociaux particuliers, plutôt que par le système de financement du logement.
« Le logement quasi social »
30L’existence d’un logement « quasi social » est une particularité du système allemand. En effet, une grande partie de l’habitat municipal ne relève plus juridiquement du logement social, mais il est fréquent que les responsables municipaux décident de continuer à les gérer comme logements sociaux de fait tant du point de vue des critères d’accessibilité que du montant des loyers. Il en va ainsi de 50 % des programmes du système complexe de l’ex-RDA ainsi que de logements anciens à l’ouest qui sont sortis de la période des loyers administrés et de l’accession contrôlée, mais restent la propriété des sociétés municipales. Cependant, depuis le début du XXIe siècle et sous l’effet des privatisations, le nombre de ces logements municipaux « quasi sociaux » s’est amenuisé. Les municipalités en difficulté financière, à l’est comme à l’ouest du pays, ont vendu des dizaines de milliers de résidences publiques à des investisseurs institutionnels internationaux, en particulier à des fonds de pensions américains, britanniques ou japonais.
31L’autre composante importante du parc de logements « quasi sociaux » est constituée d’appartements loués à titre privé ou réaménagés dans le cadre des programmes de réhabilitation urbaine. Les subventions publiques accordées aux propriétaires de ces logements impliquent un contrôle limité des loyers en faveur des locataires.
Les pourvoyeurs de logements sociaux
32Durant plusieurs décennies, trois groupes de bailleurs institutionnels ont dominé le logement social. Ceux-ci passaient des contrats avec des banques publiques (les banques nationales d’investissement ou la banque fédérale KfW) pour recevoir des subventions ou des emprunts subventionnés, en échange desquels ils acceptaient certaines limitations de loyers. Les règles concernant le plafonnement des loyers et les augmentations autorisées ont néanmoins souvent changé au cours des décennies.
331. Les entreprises publiques du bâtiment et les coopératives de logements constituent le secteur traditionnel du logement non-lucratif (la troisième organisation, l’agence pour le logement Neue Heimat qui appartient aux syndicats, a quitté le secteur suite à de nombreux scandales financiers au milieu des années 1980). Sous le contrôle de politiciens locaux ou de membres de coopératives, ces entreprises de logement géraient leur parc immobilier de façon plutôt prévisible, y compris lorsque celui-ci eut cessé d’être soumis à la loi sur le logement social. La privatisation de certaines des plus grandes sociétés municipales ou fédérales de logement (en particulier celles des chemins de fer et de l’armée) a modifié ce scénario stable. Les entreprises publiques et les coopératives ont une influence politique considérable et contribuent au développement de la politique du logement via leur association, la BDW (Bundesverband Deutscher Wohnungs-und Immobilienunternehmen).
342. Les propriétaires d’immeubles uniquement locatifs ainsi que les propriétaires d’institutions privées ont fait leur apparition dans le secteur du logement social dès la fin des années 1970, offrant une proportion considérable de logements sociaux et « quasi sociaux ». Ils construisent et gèrent des logements sociaux, pour un bénéfice garanti mais limité, moyennant des contributions financières et un partage des risques liés à l’investissement.
35Depuis 2001, la structure de la propriété a connu une évolution radicale. Les institutionnels, qui étaient de petites et moyennes entreprises allemandes, sont devenus des investisseurs internationaux après avoir racheté de larges fractions du parc social à leurs anciens propriétaires publics. Les acheteurs assument toute obligation contractuelle restante relative à la gestion sociale des appartements. Les quatre plus grands propriétaires privés sont aujourd’hui des entreprises pratiquement inconnues sur le marché du logement allemand il y a encore cinq ans. Tout porte à croire que le glissement d’une gestion municipale soucieuse du maintien du parc de logement vers une gestion fondée sur la rentabilité financière confère au concept de logement social une dimension plus commerciale. Les propriétaires occupants ont bénéficié de programmes d’aide au logement social ou « quasi social », et beaucoup sont désormais devenus des propriétaires de plein droit.
363. En plus de posséder certaines entreprises de logement, les municipalités ont commencé depuis peu à intervenir directement sur le marché du logement social. Elles passent des contrats avec des propriétaires fonciers qui stipulent que ceux-ci acceptent de fournir une proportion limitée de logements sociaux au sein d’ensembles normaux constitués de logements destinés à la location ou la vente. Ces formes de contrats prévalent surtout dans les petites et moyennes villes du sud de l’Allemagne où les États limitent désormais leur intervention en termes de financement pour développer leur propre stratégie de logement social. Dans le cadre de ces contrats, l’intervention des municipalités sur la gestion des logements se borne à la détermination des conditions d’attribution des logements aux ménages qui remplissent les conditions requises.
L’aide individuelle au logement et Hartz IV
37La notion de logement social occupé par son propriétaire a fait son apparition dans le secteur de la propriété occupante dès les années 1950. 70 % des logements les plus récents relèvent désormais de cette catégorie. Par ailleurs, une allocation fédérale permet aux bénéficiaires de louer ou d’acheter un appartement indexé sur le marché sans dépendre du segment étroit des logements à bas prix. Depuis 1965 en République fédérale, et depuis 1990 dans toute l’Allemagne, les ménages à faibles revenus bénéficient d’une aide financière pour l’acquisition de logements familiaux. Cette aide est un droit dès lors que certaines conditions de ressources sont remplies. Même si elle relève normalement du système de prestations sociales et non du financement du logement, elle devrait également être considérée comme une sorte d’allocation logement.
38Dernièrement, les interactions entre les systèmes de sécurité sociale et d’aide au logement sont devenues plus complexes. En 2005, une nouvelle législation (appelée « Hartz IV ») a nettement durci les règles d’attribution de l’allocation pour les chômeurs de longue durée et a réduit la part entièrement versée par l’État. Auparavant, le loyer des bénéficiaires de certaines aides d’État (l’aide sociale [Grundsicherung] et les allocations chômage de longue durée) était versé, quel que soit le type de logement occupé. Depuis janvier 2005, seules les personnes qui ne bénéficient d’aucune autre sorte d’aide, y compris d’une allocation chômage de particulièrement longue durée (Arbeitslosengeld II) ou des allocations de base de l’aide sociale – versées aux personnes âgées ou aux personnes dans l’incapacité de travailler (Grundsicherung) – peuvent recevoir des allocations logement. Dans certaines limites de revenus, ces aides peuvent couvrir la totalité du coût du logement.
39Ce changement de législation a entraîné des résultats paradoxaux : le système qui visait à empêcher la concentration de bénéficiaires dans certains logements précaires a, en fait, accentué la ségrégation des ménages les plus démunis dans un environnement de moindre qualité.
ÉVOLUTION DU PEUPLEMENT
40Dans la première moitié du XXe siècle, les programmes de logements sociaux étaient délibérément localisés de façon à remodeler la géographie sociale des villes et de leurs alentours. Destinés à ce que nous appellerions aujourd’hui les « travailleurs clé », leur aménagement intérieur était très uniforme car adapté au groupe socialement très homogène des ménages à revenus moyens inférieurs, plutôt qu’à la mixité sociale. L’objectif de la politique d’après guerre, en revanche, était de loger « une majorité de la population », le secteur public étant susceptible d’intervenir pour que les résidents aient le profil adéquat. On partait du postulat que les habitations et leur environnement urbain demeureraient agréables même pour ceux qui ne correspondaient plus aux critères d’accès. On craignait que de nombreux locataires ne correspondant plus aux critères d’attribution, du fait de revenus plus élevés et du départ de leurs enfants, restent et empêchent d’autres populations qui en auraient le plus besoin (jeunes ménages, familles jeunes ou groupes spécifiques) d’occuper les logements sociaux.
41C’était en effet le cas pour les ensembles immobiliers situés dans des zones urbaines attractives ou des régions économiquement dynamiques. Cependant, il en fut différemment pour d’autres programmes, en particulier ceux construits entre la fin des années 1960 et celle des années 1970, situés en zones périphériques ou dans des quartiers peu prisés. Après que les premiers résidents allemands eurent déménagé, grâce aux aides d’État à l’accession à la propriété, une grande partie des logements sociaux traditionnels ne fut plus recherchée que par les groupes sociaux les plus démunis ou par les immigrés pour qui le passage d’habitations insalubres à ces logements signifiait une amélioration de leur qualité de vie et de leur statut social.
42Le logement social reflétait la montée générale de la ségrégation et en l’espace de quelque temps, l’application des lois qui le régissaient contribua à aggraver rapidement cette ségrégation. Une augmentation disproportionnée des loyers, jusqu’à plus de 25 % du montant de base, fut appliquée pour atteindre ceux qui touchaient des revenus supérieurs aux plafonds de l’aide au logement. L’objectif était de les inciter à quitter les logements subventionnés ou de collecter de l’argent destiné à financer d’autres programmes. Mais comme, par ailleurs, les classes moyennes commençaient déjà à se détourner du logement social, le choix d’imposer cette majoration du loyer (Fehlbelegungsabagabe) se révéla fortement contreproductif. Les prix de vente étaient tels que les logements disponibles sur le marché, notamment les maisons individuelles en propriété occupante, étaient accessibles pour des mensualités pas plus élevées voire nettement inférieures aux loyers majorés du secteur social. Il s’ensuivit de nombreuses sorties, laissant le logement social à ceux qui ne pouvaient se loger autrement. Seules les personnes âgées purent faire face à cette hausse des loyers, les groupes les plus démunis et les émigrés emménagèrent alors dans les ensembles les moins attrayants, y accroissant ainsi le nombre de personnes connaissant des difficultés sociales.
43À la fin des années 1990, de nombreuses villes renoncèrent à la majoration et rendirent les logements accessibles à tous les groupes de revenus. Ces mesures ne supprimèrent pas la ségrégation, mais en créèrent une spécifique aux programmes de logement en creusant encore davantage le fossé entre les « meilleurs » ensembles et les plus défavorisés. La suppression de la majoration attira certes des groupes qui percevaient des revenus plus élevés, mais ceux-ci n’allèrent que dans les ensembles de bonne qualité en matière de logement, d’image et de localisation. Rien ne changea au sein des programmes de statut inférieur. En fin de compte, l’application puis le retrait de la majoration sont allées à l’encontre de l’objectif politique poursuivi, qui consistait, via le logement social, à soulager certains quartiers et résidents des pressions du privé et à assurer une sorte de segment de marché sécurisé pour les groupes ayant des besoins spécifiques. Aujourd’hui, certaines zones privilégiées de logement social, souvent des enclaves bien situées dans les centres villes, qui n’accueillent qu’une minorité de résidents répondant à leurs critères d’admissibilité dans les zones défavorisées, doivent en revanche faire face à des difficultés croissantes et notamment des problèmes de bon voisinage entre les cultures.
44Les politiques d’attribution ont été conçues comme le moyen de préserver la mixité sociale existante plutôt que d’en développer une nouvelle. Les bailleurs sociaux pouvaient en général choisir leurs résidents parmi plusieurs candidats admissibles, et beaucoup inclinaient à choisir des locataires « souhaitables ». Dans les zones très prisées, les propriétaires préféraient en général des locataires issus des deux groupes les plus solvables : ceux qui avaient un emploi et ceux qui percevaient des allocations. Au sein de ces deux groupes, néanmoins, les familles de plus de deux enfants, les émigrés d’origine étrangère et ceux dont on pensait qu’ils étaient susceptibles de manifester un comportement « antisocial » étaient d’emblée exclus. Cependant, les propriétaires qui avaient passé des contrats de réservation avec la municipalité (Belegungsverträge) ne pouvaient généralement pas rejeter les cas problématiques, ce qui a fini par transformer les programmes de moindre qualité en lieux de relégation où les collectivités se sont déchargées des populations « à risque ».
Les immigrés
45Dans la mesure où les critères d’attribution reposent sur la structure familiale et les revenus, et non sur des considérations d’origine nationale ou ethnique, il n’existe pas de chiffre fiable concernant le pourcentage de ménages immigrés ou appartenant à des minorités parmi les occupants des logements sociaux. L’Allemagne abrite 7,3 millions d’immigrés (sans compter les immigrés germanorusses ou ceux qui ont acquis la nationalité allemande). 96 % d’entre eux vivent dans les villes de l’ouest ou à Berlin. La concentration d’immigrés est plus élevée dans les zones très mal réhabilitées et où la densité de la population est la plus forte. Dans certaines villes — comme Brême, Hambourg, Dortmund ou Berlin — et en raison des bas niveaux de loyers et du départ des familles allemandes plus aisées, les immigrés se sont progressivement installés dans les grands ensembles. Pour donner quelques exemples : à Brême-Tenever (10 000 habitants en 2008) vivaient à cette date environ 27 % d’immigrés4 ; à Munich-Neuperlach 26 % (55 000 habitants en 2009) ; à Hambourg Kirchdorf-Sud, 35 %5 (environ 5 800 habitants en 2008) ; et à Cologne-Chorweiler environ 40 %6 (environ 13 400 habitants en 2008)7.
TENDANCES RÉCENTES DANS LE LOGEMENT SOCIAL
46Autrefois, l’Allemagne était l’un des pays phare d’Europe en matière de logement social, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. Ces vingt dernières années, cependant, le rôle du logement social en tant qu’outil d’une politique sociale et urbaine s’est nettement amoindri. À partir de 1988, avec la fin des avantages consentis au logement social non-lucratif, les gouvernements locaux et fédéral n’ont cessé de réduire leur intervention dans la production ou la réhabilitation de logements sociaux, pour privilégier l’aide personnalisée à la location ou les subventions à l’accession, celles-ci n’étant liées à aucune implantation géographique particulière. Seules quelques villes, souvent celles où les prix de l’immobilier sont les plus élevés, continuent de construire de nouveaux logements sociaux.
47Les plus touchés par la diminution des logements sociaux sont les groupes percevant des revenus faibles à moyens (y compris les « travailleurs clé ») dans les zones de croissance qui sont globalement situées dans le triangle Munich-Stuttgart-Cologne, plus quelques autres zones où le marché du logement est tendu. Dans ce genre d’endroit, il est quasiment impossible de trouver une habitation abordable à moins de s’éloigner vers les banlieues périphériques. Munich a tenté de pallier le problème en exigeant une certaine proportion de logements sociaux parmi les nouveaux projets de logement – y compris les plus onéreux – en échange de subventions publiques qui permettraient de diminuer les loyers.
48De nombreuses municipalités ont changé leur politique de logement d’une façon qui pourrait se retourner contre elles. Auparavant, les organismes de construction municipaux maintenaient de bas loyers, même pour les appartements qui n’étaient plus soumis aux réglementations du logement social. Ceci a changé avec la privatisation galopante du parc public. Les acheteurs, souvent des investisseurs institutionnels étrangers, appliquent en général la stratégie du cherry picking (du picoreur) : ils revalorisent le stock pour le vendre beaucoup plus cher à des investisseurs individuels8. Ainsi, récupèrent-ils souvent l’argent investi en revendant la moitié de leur parc au bout de trois ans. Même s’ils sont privatisés, les appartements de moindre qualité ne sont pas vendus, mais restent loués. Ainsi, les ménages les plus pauvres sont-ils confrontés à une diminution des logements sociaux (tant du point de leur nombre que de leur surface) et réduits à emménager dans des logements privés plus petits, souvent mal entretenus et implantés dans les quartiers défavorisés. Lorsque les nouveaux propriétaires d’anciens logements publics augmentent les loyers, ce sont au final les contribuables qui payent pour des aides personnelles au logement plus élevées. À long terme, ces subventions plus élevées vont partiellement, sinon entièrement, absorber les bénéfices que les municipalités avaient acquis en vendant les logements sociaux. L’autre effet pervers de cette politique est de séparer les ensembles rentables des autres, ce qui accentue la polarisation sociale de l’espace.
PROBLÈMES ACTUELS EN ALLEMAGNE
49Le logement social en Allemagne doit actuellement faire face à des dilemmes en matière d’habitat et d’urbanisme qui sont encore plus pressants dans les villes qui se dépeuplent.
50La diminution du nombre de logements sociaux rend l’instrumentalisation du logement au service d’une politique sociale plus difficile. L’intérêt des États et des municipalités pour les logements restants se réduit. Ceux-ci sont souvent considérés comme un simple atout financier que les municipalités pourraient, facilement et sans autres répercussions sociales, privatiser afin de réduire les dettes publiques.
51Les problèmes liés à la polarisation de l’espace se manifestent par la vacance d’environ un million de logements dans certaines régions (pour la plupart situées à l’est et économiquement faibles), alors même qu’il existe une demande déjà élevée, mais toujours plus pressante de logements abordables, dans les zones dynamiques (le sud et le sud-ouest — triangle Stuttgart, Munich, Francfort – et les zones de développement économique de la côte nord). En dépit du fait que les revenus y sont plus élevés, la réduction du parc social a eu un effet certain dans ces zones prospères, les plus affectés par l’augmentation des prix étant ceux dont les revenus sont les plus faibles, et de plus en plus les « travailleurs clés ». Paradoxalement, la ségrégation et l’exclusion sociale touchent aussi les régions nanties d’un surplus de logements. Sur ces marchés où la demande reste faible et où généralement les prix des logements s’effondrent, les ménages disposant de revenus moyens ont un large choix de logements de bonne qualité et dans des quartiers attrayants, alors que ceux dont les revenus sont plus faibles sont soit captifs des zones à l’abandon, ou à l’inverse tenus de quitter les quelques quartiers où les prix augmentent du fait de leur attractivité relative.
52Les dilemmes que rencontre le logement social sont liés aussi aux évolutions rapides des modes de vie et des demandes de logements qui en ont découlé ces dernières décennies. Par exemple, les immenses complexes d’habitation des villes dépeuplées de l’ex-RDA sont maintenant surdimensionnés. Ces programmes construits pour des « ménages moyens » idéalisés ne répondent pas aux nouvelles demandes de logements, de services et de transport entre les lieux d’habitation et de travail, de loisirs, d’écoles, d’entreprises et de centres de soins.
53La principale initiative urbaine, connue sous le nom de « Ville Sociale – pour les villes et quartiers urbains défavorisés » (Soziale Stadt – Städte mit besonderem Erneuerungsbedarf), fut initiée en 1999 pour pallier les problèmes des quartiers désavantagés. Cependant, il lui manquait un volet construction de logements. Des études ont permis de montrer que cette approche avait eu un impact socioculturel important, mais qu’elle n’a pas dynamisé le réseau économique local ni favorisé la création d’emplois et de logements abordables. Le projet n’a pas non plus su offrir davantage de logements ou de quartiers abordables.
54L’enjeu pour toute nouvelle approche concernant le logement social est à la fois de suivre les besoins et innovations locales et d’identifier les potentiels et conditions pour un soutien public des projets nouveaux. En même temps, la régénération/adaptation du stock existant aux nécessités du changement démographique et aux styles de vie actuels reste un sujet de politiques et subventions futures. Ainsi, le programme de La Ville Sociale (l’initiative d’une cité socialement intégratrice), qui soutient un développement local spécifique et revalorise la société civile locale, devrait être appuyé par une politique innovatrice du logement social orientée vers l’investissement et sensible à la géographie sociale. Certains signes indiquent que les politiciens commencent à accepter cette idée. L’aide à la création de coopératives de logements à but non-lucratif, de nouvelles approches du renouvellement urbain (Stadtumbau) comme projet interdépartemental soutenu par l’État représentent des changements encourageants. Garder à l’esprit les mesures préventives des programmes les plus vastes tout en ravivant certains éléments urbains du logement social traditionnel pourrait être une solution d’avenir pour revitaliser les villes, et, a fortiori, celles qui se dépeuplent.
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
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Notes de bas de page
1 La construction comprend des bâtiments nouveaux, mais aussi des bâtiments réhabilités qui deviennent sociaux de par le mode de subvention dont ils ont bénéficié.
2 C’est l’école du Bauhaus (installée près de Weimar puis à Dessau) qui, entre 1919 et 1933, a inauguré le « Mouvement moderne » avec une conception révolutionnaire de l’architecture et de l’esthétique (NdT).
3 Inspiré du Bauhaus, le mouvement préconise une rupture totale avec l’architecture du passé : Le Corbusier en France, Gropius et May en Allemagne en sont des représentants (NdT).
4 Nombre de logements 2002 : 2 650, dont 1 080 seront démolis dans le cadre du programme « Régénération de la Ville Est » (Stadtumbau Ost), (NdA).
5 Nombre de logements 2008 : 2 300 (NdA).
6 Nombre de logements 1986 : 20 000 (NdA).
7 Sources : dates statistiques des municipalités, diagnostics des programmes Soziale Stadt, Stadtumbau Ost et West des années 2002 à 2009, ministère de Transport, du Bâti et Développement urbain (BMVBS).
8 Les locataires déjà sur place peuvent rester entre sept et neuf ans. Au-delà de ce délai, on peut leur demander de partir si les nouveaux propriétaires ou des membres de leur famille souhaitent occuper le logement. Malades, handicapés et personnes âgées ont davantage de protection face à l’éviction. Les indemnisations versées aux occupants sont par ailleurs plus fréquentes que les évictions.
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