Une enquête en cours : les lettres de rémission de la chancellerie de Bretagne au xvie siècle
p. 121-146
Texte intégral
1Les ducs de Bretagne, au XVe siècle, puis les rois, à leur suite, accordaient en Bretagne des lettres de rémission qui étaient enregistrées par la chancellerie ducale, puis par la chancellerie du parlement de Bretagne. C’est du corpus qui en est résulté au XVIe siècle et que conservent les Archives de Loire-Atlantique que nous faisons ici une première présentation globale. Une lettre de rémission1 est un acte de chancellerie par lequel le souverain accordait pardon et grâce à la suite d’un crime. Ce faisant, il arrêtait le cours ordinaire de la justice. Le suppliant sauvait sa vie, évitait toute peine, recouvrait sa vie et sa réputation. Le souverain entendait ainsi préférer « miséricorde à rigueur de justice ». Il pouvait y être encouragé par un moment du calendrier chrétien, le temps pascal (« en l’honneur de Dieu et de sa passion », « en l’honneur du Saint vendredy », le « benoist vendredi saint »), ou par une circonstance politique, une joyeuse entrée dans une ville, ce qui arriva en Bretagne en 1518 et 1532. L’octroi d’une rémission était donc à la fois un geste chrétien et un acte de pouvoir. Ces lettres constituent une source passionnante qui permet d’étudier des champs aussi vastes que le pouvoir souverain, l’exercice de la justice, la criminalité, les relations sociales et les mentalités.
2Pendant tout le XVe siècle les ducs de Bretagne accordèrent régulièrement leur pardon à des criminels et jouirent même presque d’un monopole de ce pouvoir ; dans le corpus des lettres accordées à la fin du Moyen Âge par le roi, « rien ou presque ne concerne la Bretagne, l’Aquitaine ou la Bourgogne2 ». Avec le droit de grâce, les ducs jouissaient de ce qui était considéré comme une des plus belles marques de la souveraineté. Dès le règne de Charles VIII, les rois accordèrent des rémissions comme successeurs des ducs. Un Conseil et chancellerie de Bretagne fut créé en 1494 par Charles VIII pour prendre la suite du Conseil ducal et de la chancellerie ducale, laquelle fut rétablie par la reine-duchesse en 1498. Dans ses registres judiciaires, les lettres de rémission sont enregistrées intégralement à partir de 15033. Plusieurs ont été publiées, jadis4 ou naguère5. Puis la chancellerie de Bretagne fut supprimée6 par Henri II en novembre 1552 ; en 1554, en même temps que le parlement de Bretagne fut créée une chancellerie de celui-ci, laquelle dès lors scella les lettres intitulées au nom du roi, dont des lettres de rémission. À une époque inconnue, peut-être au temps de la Ligue, les registres allant jusqu’en 1586 furent transférés à Nantes, où ils sont encore.
3Nous présentons ici l’avancement d’un travail d’étude et de transcription intégrale de ces lettres, mené avec des étudiants de maîtrise7 sous notre direction. La majeure partie du corpus a été transcrite, soit 681 lettres qui couvrent la période 1520-1574. Nous n’avons pas la place ici de tirer parti exhaustivement d’une source si volumineuse et si riche. Nous nous contentons de présenter l’ensemble du corpus de façon globale, c’est-à-dire d’abord de façon quantitative, sur le modèle des travaux de Claude Gauvard et d’Isabelle Paresys8.
L’EXERCICE DE LA JUSTICE
4Les criminels étaient poursuivis par les juges les plus proches du lieu, qu’ils fussent royaux ou seigneuriaux9. « Craignant rigueur de justice », le coupable ou le suspect prenait souvent la fuite. Parfois il quittait le pays ; quelques-uns s’engagèrent dans l’armée royale10 et, dans les années 1520, allèrent combattre en Italie. Dans une minorité de cas, et jusqu’à la veille de l’ordonnance11 de 1536 qui a supprimé le droit d’asile, le coupable réussissait à se réfugier en un lieu « tenant franchise » comme l’église d’un couvent12. Le juge inculpait l’accusé en décrétant soit un ajournement personnel, soit une prise de corps, laquelle impliquait la prison. Après quatre défauts, l’accusé pouvait être arrêté. Pour arrêter un suspect, les gens de justice, peu nombreux, pouvaient sommer un villageois de les accompagner, avec le risque d’être lui-même mêlé à un incident si l’accusé se rebellait13. Les futurs suppliants, dans un cas sur deux14, étaient faits prisonniers et dès lors « détenus ferrés et en basse fosse ».
5À la phase de l’interrogatoire de l’accusé, on connaît peu de chose sur l’exercice de la torture. À partir de la création du Parlement, en 1554, la « question » n’a plus relevé que de la procédure d’appel15 devant cette cour. Mais dans les décennies 1520-1530, maintes lettres montrent que la torture était présentée16 en première instance pour obtenir un aveu, notamment à des inculpés de vol, y compris dans des juridictions seigneuriales17, et même appliquée. Ainsi en 1527 à la sénéchaussée de Rennes, à la suite d’un guet-apens commandité contre un voyageur par un homme de moyenne noblesse, Jean Dubouays de Couesbouc, deux serviteurs de celui-ci, auquel ils avaient servi d’homme de main, furent, l’un, « tellement esplecté que torture luy a esté baillé sur le reny qu’il faisoit d’en dire vérité » ; et l’autre « fut a la torture mis et ataché », lors
« […] ayant des petiz poix aux orteilz. Et après avoir esté par une foiz levé, fut confessant… et sur les interrogacions et demandes luy faictes dire vérité dudit cas… persista et fist reny n’en savoir rien ; et sur ce fut ordonné derecheff estre ladite torture et luy mis et adjoupter autres plus suyvans poys ; et ainsi que l’en le voulloit levez, demanda et requist estre de ladite torture destaché, disant qu’il diroit vérité18…»
6Avant 1536 il n’y avait pas de procédure d’appel, la Très Ancienne Coutume n’en prévoyait pas. Aussi les sénéchaussées royales et les juridictions seigneuriales ayant haute justice exécutaient-elles les peines de mort qu’elles prononçaient. Ainsi en mai 1526, les père et mère d’une jeune femme qu’ils avaient poussée à commettre un infanticide furent pendus « a la justice patibulaire de lad. seigneurie de la Fouchaye » près de Guignen19. Les inculpés devaient donc demander une lettre de pardon avant qu’une sentence fût prononcée.
7Par des lettres de commutation, le roi pouvait prononcer une peine inférieure à celle qui était encourue devant la justice ordinaire, comme une fustigation publique20 à la place d’une peine de mort ; ou bien, après une sentence autre que la mort, une peine inférieure à celle qui avait été prononcée21. Nous entendrons dorénavant les diverses sortes de lettres sous le terme générique de rémission.
8La procédure d’appel fut introduite par l’ordonnance royale de 1536, qui était particulière à la Bretagne22. Mais la pratique en restait malaisée, car le Parlement des Grands Jours ne siégeait qu’une fois par an, pendant trente-cinq jours. La création du parlement de Bretagne, en 1554, rendit la procédure d’appel opératoire. Dès lors, l’appel étant suspensif, même les condamnés à mort purent faire une requête de rémission23. Entre 1539 et 1574, le quart des suppliants requirent une rémission alors que leur appel était pendant au Parlement. L’exercice de la justice déléguée fut donc grandement amélioré au milieu du XVIe siècle.
LA REQUÊTE DE RÉMISSION
9Dans tous les cas, la requête de rémission était malaisée. À en croire les préambules24, c’étaient le plus souvent « les parents et amis consanguins » du criminel qui se chargeaient de requérir le royal pardon auprès de la chancellerie. Le détail des faits devait être présenté habilement pour donner au roi des raisons d’accorder la rémission : il fallait mêler subtilement des motifs légitimes, comme la défense de son honneur, le devoir de solidarité, et des circonstances atténuantes25, l’ivresse, la pauvreté. Enfin la procédure était coûteuse. Même si quelques-unes furent délivrées gratuitement26, les lettres étaient scellées et expédiées par la chancellerie après avoir été payées. Il en coûtait 18 livres27 en 1573.
10L’intercession d’un personnage influent facilitait la procédure et en favorisait le succès. Le 5 février 1520, un homicide fut commis lors d’une rixe par un homme d’armes de la compagnie d’ordonnance dont était capitaine Jean de Rohan seigneur de Landal. L’extrême précision de la description des plaies du défunt et des blessés montre que celles-ci furent examinées par un chirurgien expérimenté, sans doute celui de la compagnie. La rémission28 fut obtenue en moins de trois semaines, alors que seulement 29 % des lettres étaient accordées en moins d’un mois, contre plus de la moitié entre un mois et un an29. Il est probable que le capitaine s’activa personnellement pour obtenir la rémission de son subordonné.
11Les analyses dans l’espace et le temps éclairent les conditions dans lesquelles étaient faites les requêtes. La répartition spatiale des crimes remis est largement à l’avantage des suppliants de Haute Bretagne, qui impétrèrent les quatre-cinquièmes (1523-1530) ou les trois quarts (1533-1534) des rémissions (tableau 1). Une cause secondaire de cette répartition était l’altérité linguistique : non seulement il fallait produire une supplique écrite, mais les criminels bretonnants devaient aussi recourir à un interprète pour que celle-ci fût en français. Il s’avère surtout que les sénéchaussées où les lettres de grâce étaient les plus nombreuses étaient Nantes et Rennes, c’est-à-dire les principales résidences de la chancellerie30. Cette géographie des lettres montre que, comme dans le domaine royal au XVe siècle31, la proximité de la chancellerie réduisait les difficultés inhérentes à la requête. On mesure ainsi combien la distance était un obstacle aux relations entre les sujets et le pouvoir royal. Cette prégnance de la proximité du pouvoir et du roi lui-même se retrouve dans la répartition chronologique.

Tableau 1. – Répartition dans l’espace.

Carte 1. – Localisations des lettres ; 1503-1574.
12Pendant une soixantaine d’années, le nombre moyen annuel des lettres de grâce octroyées par le souverain resta du même ordre. Le dernier duc, François II, en accorda un nombre moyen annuel de 32,2, et Louis XII fut un peu plus miséricordieux (38,7). Puis le nombre moyen descend à 31 dès la décennie 1520, et chute à 16 dans le troisième quart du XVIe siècle.
13Isabelle Paresys32 envisage que la Picardie, province frontalière et enjeu stratégique de premier ordre, ait bénéficié de rémissions plus nombreuses que d’autres provinces. Cette hypothèse ne pourra être vérifiée que par des calculs de densité. En Bretagne, dont l’effectif de population était sensiblement33 de 1 250 000 en 1500 et de 1 450 000 en 1550, la densité des rémissions était de 0,0128 pour mille sous Louis XII et de 0,0110 dans le troisième quart du siècle.
14Par rapport au niveau moyen de la période 1500-1530, les nombres maximaux atteints en 1531-1532 sont très significatifs : le nombre de grâces a doublé (68) puis triplé (88). Ce maximum de 1532 est dû évidemment à la réunion du duché à la couronne, et à la présence du roi que cette opération politique a suscitée. François Ier est entré en Bretagne au début de mai ; le 9, il fit sa joyeuse entrée dans sa ville de Fougères dont il fit ouvrir les prisons34. D’une part, pour favoriser ce qui était une vaste médiatisation (car l’aspect juridique de la réunion avait été réalisé dès 1525), le roi avait intérêt à manifester son pouvoir souverain et se présenter comme un père miséricordieux. D’autre part, la proximité du roi, relativement exceptionnelle, facilitait la requête et dut même susciter auprès de certains criminels l’idée d’en tenter une.
15De certaines suppliques présentées en 1532 résultèrent des lettres qui n’ont été enregistrées qu’en 1533 ou 1534, ce qui explique le niveau encore relativement élevé du nombre de lettres en ces années (tableau 2). En revanche il est plus difficile d’expliquer que le nombre de rémissions ait augmenté de 36 unités dès 1531. La reine, à l’occasion de sa première entrée dans une ville royale, avait le privilège35 de pouvoir faire ouvrir les prisons et remettre les crimes des prisonniers. Pour les criminels en fuite, le recours à la reine impliquait donc de prendre le risque d’aller se constituer prisonnier dans une ville où elle allait passer. D’Angoulême à Paris et Angers36, la reine Éléonore accorda plusieurs rémissions à des Bretons, dont neuf ont été enregistrées en 1531, ce qui n’explique que le quart de l’augmentation. Serait-ce que la réunion du duché aurait été anticipée dès 1531, que la perspective en aurait été connue, et que le pouvoir royal aurait été déjà soucieux de son image dans le duché ?

Tableau 2. – Chronologie des lettres conservées, cf. graphique en annexe37.
16Enfin le nombre de lettres de rémission atteint son plus bas niveau dans les années 1556-1574 (16 en moyenne), c’est-à-dire après la création des présidiaux et du parlement de Bretagne, qui a facilité la procédure d’appel. Cette évolution semble conforme à l’hypothèse d’Isabelle Paresys38 selon laquelle une baisse du nombre de rémissions pourrait être liée à une meilleure assise de la justice déléguée.
RAPPEL CRITIQUE SUR LA SOURCE
17Une fois les lettres scellées et expédiées, il restait au suppliant à les faire entériner par la juridiction royale dans le ressort de laquelle avait eu lieu le crime. Cette dernière étape fournit l’occasion d’une analyse critique de cette source. La nature même de celle-ci a provoqué certaines lacunes et rend systématiquement douteux certains éléments de ces récits. Comme le suppliant avait intérêt à dissimuler une éventuelle préméditation, et quoique très souvent le criminel et la victime se connussent, ces récits fournissent peu de renseignements sur un éventuel conflit antérieur au crime. Particulièrement douteux sont les traits par lesquels sont présentés suppliants et victimes. Le suppliant se dépeint à son avantage, voire comme un sujet modèle, car il avait intérêt à imputer à la victime la responsabilité du déclenchement de la violence. En une inversion des rôles, le criminel se présente comme victime des circonstances, et charge la défunte victime de multiples torts. Les défunts sont souvent présentés comme ayant été « debatiff », « querelleur », « noisif », « yvrogne », de « mauvais gouvernement », « rumoureux », « blasphemateur » et « injurieux39 ». Quand la victime était une femme, l’éloge funèbre qu’en faisait le coupable se teintait vite de misogynie : ainsi un suppliant ayant tué sa femme dit qu’elle « estoyt renommée, tant entre les gens de bien que autres, meschante, paillarde et pustain40 ». Le suppliant pouvait affirmer aussi que sa victime était physiquement faible ou maladive, de façon à minimiser les coups qu’il avait portés, ce qui revenait à transformer un homicide en une simple affaire de coups et blessures ; ainsi en 1531 un suppliant ne sait si le défunt est mort du coup d’épée qu’il lui a donné à la cuisse ou à cause du fait que « de long temps estoit mallade de la grosse verolle et tellement detenu d’icelle en plusieurs endroitz de son corps que on voyoit de ses ossemens, et combien que oudit pays et quartier de Lannion l’on estimoit […] que celuy Tregur ne vivroit gueres pour cause de ladite malladie41 ». Il en résulte que le schéma narratif le plus fréquent est qu’un brave homme s’est trouvé dans une situation inattendue qui, dans un accès de colère et/ou en légitime défense, l’a amené à commettre un meurtre.
18Cependant le suppliant ne pouvait altérer excessivement la vérité, car une fois que la rémission lui avait été accordée, il n’était pas encore quitte et devait faire entériner ses lettres « en personne » devant une juridiction royale où le procureur en ferait la vérification. Or il s’avère que la vérification était effective. Ainsi un cadet de noblesse obtint en novembre 1534 la rémission42 d’un homicide dont il présenta la lettre le 9 février suivant au sénéchal de Nantes, lequel expédiait les plaids généraux. Le procureur du roi, tendant à annuler celle-ci, montra que le suppliant avait omis de préciser qu’avant le meurtre, il avait été en conflit avec la future victime qui laissait aller ses bêtes sur ses terres ; et que par ailleurs, il avait caché avoir mis le feu à un presbytère, volé un écu dans une foire, volé la bourse d’un curé dans la vicomté de Rohan, volé enfin des vêtements dans une « assemblée » dans l’évêché de Cornouaille… Ce procureur du roi n’était donc pas mal informé (le roi, miséricordieux, accorda une rémission supplémentaire dès le mois de mars). De même deux frères nobles ayant obtenu une rémission pour un homicide, la cour de Quimper estima « que le tout de la verité d’icelles n’estoit assez declairée ne remonstrée » et il leur fallut requérir de nouvelles lettres43. Un seigneur de moyenne noblesse, Jean Dubouays de Couesbouc44, obtint en mars 1531 des lettres de rémission de la reine pour avoir organisé un guet-apens contre un de ses ennemis, un roturier, et l’avoir fait battre. Les faits avaient eu lieu six ans plus tôt, et pendant ce temps, il avait servi comme homme d’armes en Italie. Pour demander cette lettre, il avait dû se constituer prisonnier à Paris. Mais il eut des raisons de craindre qu’à l’occasion de l’entérinement, « ses parties adverses » feraient savoir qu’il avait commis de nombreuses omissions qui rendaient les lettres « subreptices » ; aussi en fit-il une déclaration, ce qui l’obligea préalablement à se constituer prisonnier à Angers, où, à l’occasion d’une entrée royale, il obtint une nouvelle rémission en septembre 1532. Même un homme de moyenne noblesse ne pouvait donc aisément dissimuler une partie des faits. De même le suppliant ne pouvait pas falsifier complètement le portrait qu’il faisait de sa victime car il aurait provoqué les protestations du public. Ainsi, les traits particuliers aux crimes rapportés par les lettres ne doivent pas faire l’objet d’une défiance hypercritique.
19De façon plus générale, ce qui nous intéresse dans ces lettres, c’est moins la particularité des faits divers que les normes qui avaient cours dans cette société, normes de conceptions, de comportements et de sensibilités, implicites mais intériorisées par les individus, et que l’irruption du crime fournit l’opportunité de déceler. Le suppliant devait éviter que le contenu de sa requête parût invraisemblable au conseil du roi, sous peine que la rémission lui fût refusée, ce qui garantit sinon la véracité du récit du crime dans sa particularité, du moins la vraisemblance du récit eu égard à ces normes.
20En revanche cet intérêt qu’avait le suppliant à présenter les faits d’une façon susceptible de favoriser le pardon affecte la représentativité de certaines mesures de fréquences auxquelles se livre l’historien, surtout quand les données sont souvent manquantes. Il en est ainsi de l’âge des criminels, sur lequel environ 30 % seulement des lettres nous renseignent. Apparemment les jeunes étaient nombreux parmi les homicides ; mais la jeunesse était une des circonstances atténuantes favorisant le pardon, si bien que les suppliants jeunes faisaient plus fréquemment mention de leur âge, ce qui biaise les proportions calculées.

Tableau 3. – Âge chiffré des suppliants (1523-1530).
TYPOLOGIE DES CRIMES
21Les types de crimes remis sont décomptés dans le tableau 4. La présence d’un suicide dans le corpus est due au fait que la coupable « du meurtre par elle commis en sa personne » était une vieille femme « quasi toute debilitée de cerveau, tanté de l’annemy » (le diable), et que ses parents et amis ont demandé la grâce de la défunte pour éviter « grant scandal, deshonneur », et pouvoir hériter de ses biens meubles45. Plusieurs types de crimes étaient liés à l’exercice de la justice. Les crimes contre l’autorité ici sont des obstacles mis à l’arrestation d’accusés : un suppliant participa à une émeute qui, dans l’île d’Arz en 1525, réunit quatre à cinq cents personnes dans le but de faire libérer deux habitants arrêtés par des officiers royaux46 ; un seigneur empêcha des sergents de conduire à la justice royale un accusé qui était « son homme estaiger et justizable », qu’il enferma dans sa maison pour le faire juger par sa propre juridiction47. Concernent aussi l’exercice de la justice plusieurs crimes classés ici comme fautes professionnelles ; les geôliers de Dinan (1523) et Ploërmel (1531) sont accusés d’avoir laissé s’échapper plusieurs prisonniers48. Le pouvoir royal accorda son pardon aussi à des évadés49 dans les années 1521-1535. (La dernière faute professionnelle fut commise par le serviteur d’un boucher de Nantes, qui, banni pour avoir vendu « de la chair d’un bœuf mort de maladie », contrevint à la sentence.)
22L’homicide était de loin le type de crimes le plus fréquemment remis ; il faudra lui accorder une attention particulière. Puis venaient le vol et les faux. Les vols portaient sur des bestiaux, ou sur des objets d’or et d’argent situés dans des maisons où le suppliant avait ses entrées et avait eu l’occasion de les y repérer, comme des artisans qui y faisaient un travail. Les suppliants justifiaient souvent le vol par leur pauvreté50. Les faux consistaient en faux témoignages51, faux en écriture52 et fabrication de fausse monnaie53. Les faux en écriture étaient souvent commis en vue d’une succession ou pour annuler une dette, souvent par des notaires sollicités pour le besoin de la cause.

Tableau 4. – Typologie des crimes. Source pour 1462-1515 : LERICHE R., p. 224.
23Le fait essentiel est l’évolution des conceptions en matière de gravité des types de crimes. À la fin du XVe siècle, la part de l’homicide dans la criminalité remise était en Bretagne (57 %) du même ordre que celle que Claude Gauvard54 a trouvée dans le domaine royal (58 %) : l’homicide était à peine majoritaire. Au cours des deux premiers tiers du XVIe siècle, la proportion de l’homicide a augmenté avec une remarquable régularité : 75 % dans la décennie 1520, 81 % en 1533-1534, 90 % dans les années 1535-1552, 100 % enfin pendant le troisième quart du siècle. Corrélativement, le vol et les faux, dont les fréquences étaient encore de 32 % et 7 % à la fin du XVe siècle, ont complètement disparu de la criminalité rémissible, ainsi que d’autres crimes déjà pratiquement irrémissibles comme l’infanticide. Ces chiffres permettent de dater assez précisément une évolution, déjà connue, des conceptions qui prévalaient en matière de crime : tandis que l’on relativisait l’homicide non prémédité en considérant diverses circonstances atténuantes, les crimes contre les biens ont été dorénavant perçus comme plus graves et constituant des atteintes inadmissibles à l’ordre social.
24Il en résulte que la criminalité mesurable dans les lettres de rémission n’est pas représentative de la criminalité réelle globale. D’un type de crime qui paraît peu fréquent, on ne peut savoir s’il était effectivement rare ou si le souverain refusait de le remettre. Il faut s’y résigner, ce type de source ne permet d’étudier que la criminalité rémissible.
LE DÉROULEMENT DE L’HOMICIDE
25L’homicide est un révélateur de multiples phénomènes et appelle une attention particulière. La violence physique était d’autant plus souvent mortelle que le port d’armes était fréquent. Pendant toute notre période, le coup mortel était porté avec une arme blanche entre 59 et 65 % des cas55, un peu moins fréquemment qu’en Picardie56 (80 %). L’arme la plus fréquente était toujours l’épée, ou la rapière, quoi qu’elle fût moins fréquente qu’en Picardie. Les nobles n’en avaient déjà plus le monopole ; entre 9 et 15 % des homicides roturiers tuèrent avec une épée57. L’arme seconde par la fréquence était le couteau, entre 15 et 20 %, sans compter des armes spécialisées comme le poignard, la dague, la mandoce (entre 1525 et 1534). Parfois on tuait avec une hache ou une hallebarde, exceptionnellement avec une arbalète. Le bâton de bois, éventuellement ferré et avec lequel on marchait, pouvait être dangereux : il servit à 20 % des crimes dans la décennie 1520, et 9 % dans la période 1535-1574. Une minorité de coups mortels furent portés aussi avec des outils, fourches de bois, pelle, marteau, cognée, croc de fer, ciseaux de menuisier ou de drapier.
26Comme « bâtons à feu », au début de la décennie 1520 on ne voyait dans les campagnes bretonnes que de rares couleuvrines ; en 1523, parmi une dizaine de francs-archers de la paroisse de Pipriac, un seul en a une, qui excite d’ailleurs la curiosité d’un noble présent dans la taverne. La haquebute s’est diffusée à partir de 1526-1530. C’étaient surtout des haquebutes à rouet ; un fondeur emprisonné à Rennes est autorisé « a fere ung rouet a hacquebute » en 1530. Mais c’est une hacquebute à mèche, semble-t-il, que possède en 1531 un serrurier qui, en compagnie du fils de la maison, l’essaye par la fenêtre de la salle d’un manoir. Déjà on s’en sert pour chasser. Une génération plus tard, à partir de 1561, le début de la diffusion du pistolet excita une curiosité analogue auprès des nobles. Cependant, les homicides lors d’altercations violentes ne furent jamais commis avec une arme à feu. Les homicides commis avec des armes à feu le furent très tard dans la période (un en 1561, quatre en 1573-1574) et tous de façon accidentelle (deux pistolets dont le coup part tout seul, et trois balles perdues d’arquebuses utilisées par des gardes bourgeoises ou une milice garde-côte). Pendant toute la période ici étudiée, ce sont les armes traditionnelles qui restèrent d’usage courant.
27La mort survenait rapidement, le plus souvent le jour même ou le lendemain, ou « tôt après ». Cependant maintes victimes « gisaient au lit » pendant plusieurs semaines avant de rendre l’âme, non sans pardonner parfois à leur meurtrier. Certains suppliants mentionnent le quarantième jour comme repère du délai du décès parce que la Très Ancienne Coutume de Bretagne (art. 169) stipulait qu’au-delà de ce délai, une autre peine que la mort devait être appliquée à l’auteur des coups.

Tableau 5. – Armes du crime.

Tableau 6. – Délai entre les coups et le décès (1533-1574) (%).
LES HOMICIDES ET LA VIE DE RELATION
28L’analyse de la répartition des homicides dans le temps et l’espace confirme que ce type de crime résultait de la vie de relation et notamment des rencontres.
29Les lettres de rémission du XVIe siècle s’inscrivent rarement dans ce que N. Z. Davis appelle « le temps historique58 ». Les lettres ne renvoient qu’un faible écho de la montée des tensions des décennies 1560-1570. En juin 1562, trois mois après le massacre de Wassy, un habitant du Croisic est traité de « méchant huguenot » par plusieurs de ses « ennemis », à quoi il répond « qu’il estoit chrestpien et homme de bien », avant de soutenir un combat dans lequel deux de ses ennemis moururent59. En avril 1573, au lendemain de la prise de Belle-Île, les habitants de Ploërmel durent « se préparer en armes pour faire monstre60 ».
30Un type de repères temporels beaucoup plus souvent mentionné était le calendrier des fêtes. Dès le premier tiers du XVIe siècle, en Bretagne les pardons occupaient déjà une place prépondérante dans les modes de sociabilité, tandis que les représentations de mystères n’étaient pas rares, surtout dans les bourgs ruraux de Haute Bretagne. Les jeux sportifs, comme la lutte et la soule, étaient une occasion d’expression de sentiments communautaires. Ainsi le jour d’une assemblée pour des fiançailles dans la paroisse de Baillé, comme deux hommes avaient lutté, le vainqueur, ayant abattu par deux fois son adversaire, déclara, « parlant des paroissiens de ladite paroisse : “j’abatroys bien tous les Bailleyeus !” » ; le vaincu, dépité, le requit de lutter à nouveau et, comme l’autre refusait, il lui reprocha d’avoir « despité les Bailleyeux a luter » et le blessa mortellement61. Une autre occasion d’« assemblée » était la réunion d’une force de travail nombreuse comme les fileries. Les usages carnavalesques n’étaient pas inconnus. On dansait en de multiples occasions62.
31Au cours de l’année, la fréquence des homicides était faible pendant l’automne et l’hiver, augmentait en avril-mai et était maximale en juillet-août, car à la belle saison, les hommes sortaient plus souvent et plus tard. Au cours de la semaine, plus d’un tiers des crimes étaient commis un dimanche. Des crimes étaient souvent commis aussi lors de jours fériés ou de jours de marché. Dans la journée enfin, 23 % des homicides furent commis le matin, 19 % l’après-midi et 58 % après les vêpres. C’est que dans ce pays d’habitat dispersé, le dimanche on allait à la messe entre voisins, on prenait une « refection » à la taverne et on rentrait ensemble ; les querelles éclataient à la taverne ou sur le chemin du retour. La tombée de la nuit faisait croître le sentiment d’insécurité et favorisait le déclenchement de la violence.
32Sur ce geste si fréquent de boire en compagnie, il faut éviter le contresens qu’on ferait en ne le rapportant qu’au plaisir : boire ensemble, c’était manifester qu’on se reconnaissait comme gens de bien, comme le montre, en contre-exemple, cette apostrophe : « Allez ailleurs chercher votre putain et faire vos larcins, car vous ne boyrez point en notre compaignie pour ce que vous estez suspeconnez d’estre larons de jumens, et vous, Flaury, réputé ung paillard63… » Boire ensemble, c’était manifester qu’on n’entretenait pas de sentiment d’hostilité, ce qui n’était pas peu dans une société où la violence était toujours proche. Refuser l’offre d’un pot de vin, même si l’on avait assez bu, était donc presqu’impossible, puisque cela pouvait être interprété comme une déclaration d’hostilité.

Figure 2. – Répartition des crimes par mois et par jours (1535-1574). Source : Janton L., Culture et société en Bretagne…, op. cit., p. 41.
33Les théâtres les plus fréquents des crimes étaient la maison, la taverne, et les voies de circulation (« rue », chemin). Par « rue » il faut entendre un accès à des maisons, que ce fût en ville ou dans un hameau rural. La nature cultivée était parfois un prolongement des voies de circulation car le mauvais état des chemins faisait qu’on passait souvent à travers champs, parfois déjà clos de haies munies d’échaliers. Les parcelles de terre engendraient la violence aussi en tant qu’enjeux de conflits divers entre paysans et voisins. Dans le tableau 7, ce sont les intérieurs des maisons et des tavernes qui sont décomptées comme lieux de crimes, à raison de 23 % et 16 % respectivement ; mais quand on incorpore à ces rubriques les crimes commis à l’extérieur mais à proximité de ces édifices, la part des maisons approche 30 %, ainsi que celle des tavernes.

Tableau 7. – Lieux du crime (1533-1574) (%).

Tableau 8. – Lien entre le suppliant et la victime.
34Comme dans d’autres régions, les crimes et les homicides n’étaient pas commis par des criminels professionnels, des hors-la-loi ni des bandits, mais par des gens intégrés à une communauté. Plus de quatre fois sur cinq, en Bretagne comme en Picardie64, le criminel et la victime se connaissaient (tableau 8).
L’HONNEUR DES HOMMES ET LA VERTU DES FEMMES
35Quelques homicides sont présentés comme ayant été accidentels, mais la plupart résultaient d’une altercation. Le plus souvent, c’était l’un des deux principaux protagonistes, suppliant ou victime, qui était à l’initiative du début de l’altercation, mais parfois un tiers. La violence montait en plusieurs phases, dont la première consistait à échanger des « parrolles rudes et rigoreuses ». Le premier intervenant lançait une injure ou un mot de défi (« j’en bateroys deux comme toy, sors dehors ! » ou « Descens si tu es homme de bien et sortz dehors avecque ton espée ! »). Les injures les plus fréquentes se situaient au plan social, comme le mot « villain », ou moral (« larron ») ou avaient un caractère sexuel. « Villain » était employé par les nobles à l’encontre des roturiers pour marquer leur supériorité, mais était bien plus infamant encore entre roturiers. Les injures sexuelles s’appliquaient à l’insulté de façon moins souvent directe (« paillard ») que par allusion à une femme de sa parentèle (« cocu », « fils de putain » ; « par le sang dieu, j’ay chevaulché ta femme avant toy ! »). D’autres injures faisaient allusion à une maladie (« vérolé », « teigneux ») ou assimilaient l’insulté à un animal (« boucquyn », « matin »).
36Une affirmation injurieuse devait être immédiatement démentie, car une absence de réaction l’aurait accréditée aux yeux des assistants et la renommée de l’injurié aurait été ternie. Un vieux gentilhomme réplique « qu’il n’estoit pas vroy et qu’il avoit menty meschantement65 », mais cette conduite de démenti n’était pas propre aux nobles. « Par la mort Dieu… ne sommes pas quenailles », répliquent des roturiers de Clisson. Un archer morte-paie de Saint-Malo, « de ce déplaisant parce qu’il n’est pas tel, dist qu’il avoit menty et qu’il n’estoit fils de puten ». À un homme de connaissance qui le traite de « larron », un jeune laboureur à bœufs répond « qu’il n’estoit point larron, ne sa lignée, au record du peuple66 ». Comme le précisent ces derniers mots, c’était la renommée de chacun qui se jouait dans ces échanges, l’image de soi telle qu’elle serait redéfinie dans les commentaires67 que ne manqueraient pas d’en faire les membres de la communauté, notamment dans les propos de tavenres : « Il a ouy dire que l’on dit notoirement que… » L’honneur était un capital qui s’appréciait ou se dépréciait en fonction de ces commentaires.
37Le démenti était lui-même une injure puisqu’il revenait à accuser l’interlocuteur de mensonge. Parfois le premier insulté ajoutait une autre insulte (« respondit que c’estoit luy qui avoit menty comme ung yvrongne »). Il en résultait une montée de la tension, et des paroles de menace. À ces paroles était associé le blasphème pour, par son impiété même, multiplier la force de celles-ci.
38Un second mode d’expression était gestuel. On distinguait des gestes de provocation, comme cette future victime qui dans une taverne « frapa de l’un de ses mains en l’autre au plus pres du visage » du suppliant. Des gestes de défi ; enlever ou faire tomber le couvre-chef d’autrui, bonnet ou coiffe, était un outrage. Enlever le chaperon d’une femme, sans être exactement un « viol symbolique68 », lui découvrait les cheveux, et donc la montrait aux assistants comme une fille publique. Un soufflet était à la fois le geste insultant par excellence et un premier coup. Des gestes de menace consistaient à mettre la main à l’épée, « comme s’il eust voulu tyrer », et envelopper « son manteau entour son braz », « faisant contenance de voulloir frapper », car c’étaient les postures préliminaires d’un combat ; a fortiori avoir « un cousteau nud en sa main ». Par le « cri de force » on appelait à l’aide.
39Selon sa position à chacune de ces étapes, le suppliant pouvait invoquer diverses circonstances atténuantes qui, si elles étaient avérées, rendaient l’homicide aisément pardonnable. Les plus fréquemment mentionnées sont la colère, la légitime défense et l’ivresse69. De la colère, le vocabulaire ménage une graduation70 : le « courroux » est un des termes les plus fréquents pour l’évoquer ; avec la « fureur », la colère atteignait un état presqu’irrépressible ; enfin la « chaude colle » était un état momentané d’irresponsabilité. Tous ces comportements étaient exacerbés par l’ivresse, à laquelle quelques récits associent la « folie » pour expliquer une perte momentanée de la maîtrise de soi. En revanche il est rarissime que les suppliants mentionnent la « tentation de l’Ennemi », le diable.
40La réaction du démenti montre que les hommes défendaient leur honneur. La nécessité de le défendre est un des motifs les plus souvent invoqués par les suppliants, et les chancelleries en reconnaissaient le droit aux humbles. En outre l’honneur et le déshonneur se communiquaient d’un individu à l’autre au sein de la parentèle. Ainsi un garçon de dix-sept ans étant accusé de plusieurs vols, son père et son oncle maternel se rendirent maîtres de sa personne et lui crevèrent les yeux « de peur qu’il soit pugny en scandale et deshonneur de sondit pere et de ses parans » et pour « cuyder le preserver que plus en l’avenir n’eust […] diffamé l’honneur de luy et de son lignaige71 ».
41Tout particulièrement, l’honneur des hommes dépendait de la réputation de vertu des femmes de leur parentèle. Les hommes étaient particulièrement sensibles, nous l’avons dit, aux injures niant la vertu de leur mère et de leur femme. Ils étaient attentifs aussi à la réputation de leurs filles, au point que le père d’une jeune femme mariée, mais grosse à la suite d’une conception antérieure aux fiançailles et d’un autre homme que le mari, lui dit qu’il convenait d’occire l’enfant dès la naissance, ce qui fut fait. Enfin ce n’était pas seulement les parentes directes, ascendantes, épouses ou descendantes, dont la vertu pouvait affecter l’honneur des hommes, mais aussi des parentes moins proches, comme cette « femme réputée notoirement paillarde et de dissolue vie » qu’un « pouvre gentilhomme […] souventeffoit » morigéna « de sa meschanseté […] pour raison qu’elle luy attaignat de lignaige » ; quand il eut l’occasion de tuer son « ruffien et paillard », « il ne tendoit que a garder l’honneur de sa maison et de sa parenté72 ». La réprobation des relations sexuelles illégitimes des femmes et aussi des hommes était exprimée en termes moraux et était motivée, sans nul doute, par les préceptes de la religion chrétienne. Mais l’attention spécifique portée à l’inconduite des femmes mariées avait un autre motif fondamental, que révèle cette apostrophe entre deux paysans : « Villain, tu cuydes estre marié o la fille de Jehan Raoul et tu es marié o la fille Robert Gayez ! » Et le suppliant de commenter : son ennemi voulait « inferez par ses parolles que la femme dudit Bodiguel le jeune ne feust pas legitime, ne fille dudit Raoul, beau-pere dudit Bodiguel73 ». L’adultère des femmes mariées créait, pour leurs enfants, un problème d’identité, et les paysans le ressentaient comme tel. Dans l’ensemble, hommes et femmes détenaient donc un capital symbolique de nature différente : les hommes avaient de l’honneur, et les femmes une réputation de vertu sexuelle ; les deux pouvaient être compromis, et la faillite de la vertu des unes affectait l’honneur des autres.
42Ces observations appellent des comparaisons de deux sortes, dans l’espace et dans la dimension sociale. Dans l’espace, des observations identiques ont été faites en Picardie74, et ce souci de l’honneur n’était donc pas propre aux pays méditerranéens, « si souvent présentés comme des lieux […] où s’inscrivent en prédilection la vengeance et l’honneur75 ».
43D’un point de vue social, les études disponibles sur les lettres de rémission montrent que prétendre à un honneur n’était pas l’exclusivité des nobles. Un « pouvre simple homme de labeur » pouvait se dire « extroict de bonne lignée76 ». Le démenti faisait du premier offensé le principal offenseur, en une inversion identique à ce que François Billacois a décrit dans le duel nobiliaire. Les mécanismes de déclenchement de la violence menant à l’homicide rémissible et au duel du point d’honneur présentent les mêmes formes. Cet isomorphisme invite à revenir sur la question de l’origine du duel du point d’honneur. Bien que le duel judiciaire (ou « gage de bataille ») fût rare dès le XVe siècle, comme en témoigne Olivier de La Marche, François Billacois pense « qu’il n’y a pas solution de continuité » entre le duel judiciaire médiéval et le duel de point d’honneur de l’époque moderne. Cette idée d’une solution de continuité avait été conçue par Henri Morel pour qui, sur la base d’« une documentation impressionnante », le duel du XVIe siècle « se rapproche beaucoup plus de la guerre privée que du duel judiciaire77 ». Alors que celui-ci était un mode de preuve, sous François Ier le duel est devenu le moyen de réparer l’honneur outragé. Dès lors le duel servit à régler des querelles qui l’étaient auparavant sur le mode de la voie de fait. Aussi pensons-nous, à la suite d’Henri Morel, que le duel du point d’honneur est issu de la rixe, qui était pratiquée dans toute la société.
VIOLENCE ET SOCIÉTÉ
44Il faut reconnaître que très peu de crimes remis furent commis par des clercs, même s’il arrive que l’on rencontre en chemin des moines armés d’arbalètes. Si les clercs étaient plus nombreux parmi les victimes, notamment pendant le premier tiers du XVIe siècle (9,9 %), c’est parce qu’ils n’étaient pas séparés du reste de la société. Ils fréquentaient les tavernes, s’enivraient comme les laïcs, et courtisaient les femmes.
45Ce sont les nobles dont la proportion parmi les suppliants est remarquablement élevée, de l’ordre d’un cinquième, et même d’un quart dans les années 1526-1530 (22 et 23 % en 1531 et 1532). Comme la part de la noblesse dans la population bretonne, d’ailleurs en baisse, était comprise entre 2 et 3 %, la noblesse était considérablement sur-représentée. Cela suggère que la démarche consistant à requérir une rémission était facilitée par une certaine aisance matérielle et par l’insertion dans les réseaux qui valait aux clients la protection de leur patron. En Picardie, les nobles constituaient 1 % de la population et 4 % du corpus des suppliants78 ; leur sur-représentation était donc bien moindre qu’en Bretagne. Si l’on reprend un problème posé par Natalie Zemon Davis consistant à identifier « quels furent les principaux bénéficiaires de la clémence royale79 », on est tenté de penser qu’en Bretagne ce fut la noblesse.
46Du fait de la fréquence élevée des nobles dans ces lettres, celles-ci constituent une source privilégiée pour l’étude de ce groupe social. Les petits nobles avaient souvent des activités de notaires ou d’officiers, parfois de greffier, d’avocat, voire de marchands ou de taverniers. Les récits permettent de décrire le contenu concret des relations de parenté80. En outre la façon dont les suppliants se présentent est suggestive de la conception qu’ils avaient de la noblesse. On sait qu’Ellery Schalk a émis l’hypothèse d’une mutation de la conception de la noblesse selon laquelle ce n’est que dans la deuxième moitié du XVIe siècle que les nobles se seraient définis comme tels par la naissance81. Or dès la décennie 1520, les nobles se présentent en invoquant leur extraction et leurs relations de parenté avec des gentilshommes plus connus : Guillaume de Bourseul, « pouvre gentilhomme », est « de bonne extraction » ; Robert de La Pommeraye « est gentilhomme actaignant de lignaige a pluseurs gros et bons personnaiges gentilzhommes, chevalliers et escuyers de ce pays et duché »; Olivier Helliguen « est jeune gentilhomme, parent affin et allié de pluseurs gentilzhommes et bons personnaiges de cedit pays », etc.82. Ces phrases participent de la même conception que l’affirmation du sire de Giry qui, dans le domaine royal, se disait « extrait du plus noble et grand lignage du pays », au XIVe siècle83. En fait cette conception d’une noblesse fondée sur la filiation existait sans doute dès la fin du Moyen Âge.

Tableau 9. – Statuts des suppliants.

Tableau 10. – Statuts des victimes.
47Les professions ne sont pas toujours mentionnées explicitement, surtout pour les victimes pour lesquelles les données sont excessivement lacunaires, si bien que la ventilation professionnelle des victimes est donnée sous toute réserve. C’était souvent l’activité agricole qui était omise, si bien que les catégories de paysans sont certainement sous-évaluées dans le tableau 11. Les paysans sont mentionnés comme « laboureurs » et « hommes de labeur », deux catégories qu’il n’est pas facile de départager précisément, d’autant que le mot « labour » pouvait être employé dans le sens de travail en général84. On serait tenté de penser que ces deux expressions désignaient deux catégories de la hiérarchie agricole, et que les « laboureurs », moins nombreux, étaient plus aisés, mais elles recouvraient en fait des réalités diversifiées. Un « povre laboureur de terre » put se dire « assez povre et necesiteulx » pour expliquer le vol par lui commis d’une jument et de son poulain85. Un « homme de labeur » précise qu’il fait vivre ses enfants de « la paynne de ses braz86 » ; ce qui n’empêche un autre de posséder une pièce de terre, et un autre encore des porcs et des bœufs87. Enfin trois suppliants « lancballays » sont dits « laboureurs » dans le préambule et « povres et simples gens de labeur » à la fin de la même lettre, ce qui montre que les deux expressions pouvaient être interchangeables. Les « lamballais » étaient connus comme des ouvriers qualifiés dans l’édification des talus et proposaient leurs services dans toute la Bretagne. Ceux-ci88, originaires effectivement de Plœuc, nous apparaissent à La Roche-Bernard où ils trouvèrent du travail sur la terre d’un officier de cette ville, « a cinq deniers par toize ». Aux ouvriers agricoles, la grâce royale n’était donc pas inaccessible.
48Malgré les lacunes, les catégories professionnelles les plus nombreuses étaient les paysans et les artisans. On n’est pas étonné de retrouver ces catégories de gens de métier travaillant sur les voies de circulation, propices aux rencontres, les charretiers et les bateliers ; ainsi que les maîtres de ces lieux publics de haute sociabilité qu’étaient les tavernes. Par rapport à la Picardie, la différence la plus notable tient à la part des gens de guerre, qui à eux seuls y formaient 14,5 % des suppliants89 ; l’écart avec la Bretagne souligne la plus grande militarisation due à la situation frontalière.

Tableau 11. – Catégories socioprofessionnelles des victimes.

Tableau 12. – Catégories socioprofessionnelles des suppliants.
HOMMES ET FEMMES
49Les femmes ne furent que 5 à 3 % parmi les suppliants ayant obtenu une rémission. Elles étaient un peu plus nombreuses parmi les victimes, 9 à 10 %. La majorité des suppliantes faisaient une demande de rémission conjointe avec une autre personne qui était toujours un parent, leur mari le plus souvent, un beau-frère ou un fils. Quelques-unes requirent une rémission pour elles seules, par exemple à la suite de plusieurs vols, ou à la suite d’un meurtre, le plus souvent d’un parent. Cette faible présence féminine90 dans la criminalité remise est due à la nature de la source, par laquelle le pardon était accordé le plus souvent pour un homicide, un type de crime rarement commis par les femmes. Notre corpus comporte donc actuellement une trentaine de suppliantes et environ soixante-dix femmes victimes. En outre les lettres où les femmes sont suppliantes ou victimes sont loin d’être les seules à permettre des observations très concrètes. Il sera donc possible d’étudier systématiquement les activités des femmes et les rôles féminins dans les diverses sortes de relations et dans des domaines aussi divers que le travail, la famille, la sexualité. La difficulté, dans l’étude de cette source fondée, par définition, sur des conflits et des actes de violence, est de rétablir un tableau conforme à la réalité moyenne, et d’éviter un pessimisme qui résulterait d’une surévaluation de la part du conflit par rapport aux relations quotidiennes. Nous nous limitons ici à quelques indications rapides.

Tableau 13. – Sexe des suppliants (%).

Tableau 14. – Sexe des victimes (%).
50Non seulement les femmes étaient en partie exclues de la sphère publique, mais elles étaient dominées dans plusieurs types de situations, qui cependant doivent être observées de façon très nuancée. Nous distinguerons successivement les relations sexuelles et les relations de travail.
51La dichotomie entre les sexes était recoupée par la stratification sociale : la pauvreté contribuait à la domination des femmes, tandis que l’appartenance à la noblesse leur procurait des marges d’autonomie. Des jeunes filles démunies tombaient facilement sous la domination sexuelle d’une noble. Ainsi la jeune sœur d’un garçon réduit à la mendicité par la « grande cherté » de 1532 est servante dans un manoir, et selon la rumeur, le maître des lieux, quoique marié, en a fait « sa putain », alors qu’elle n’a que « treize ou quatorze ans ». Quand son frère vient la chercher, en l’absence du seigneur, les serviteurs les empêchent de partir car ils craignent d’être battus : la domination sur les hommes contribuait à la domination des femmes. Une autre fille « entretenue » par un noble semble au contraire s’en satisfaire, car elle refuse d’obéir à l’ordre de l’official de ne plus fréquenter son amant ; alors le fils de celui-ci lui coupe un bras. Dominées ou consentantes, ces concubines avaient donc une situation précaire et risquaient toujours de subir la violence d’un homme ou d’un autre, nous en verrons un autre cas. Le même fils, marié lui aussi, un soir qu’il revient ivre d’avoir fait bonne chère après être rentré de la guerre, viole sa chambrière ; au moyen d’un dédommagement qui n’est pas précisé, il obtient qu’elle ne porte pas plainte. Enfin, comme l’a observé Claude Gauvard, les femmes non mariées et qui étaient considérées comme menant une vie de « paillarde » encouraient le risque d’être violées.
52Les épouses en principe étaient relativement à l’abri du risque de viol. Les femmes de tavernier cependant avaient une situation professionnelle qui les exposait à des rencontres dangereuses. Des voyageurs « pardonneurs » auraient essayé de « forcer » l’une d’elles, qui a vu ses voisins venir à sa rescousse. Comme taverniers et voisins en profitèrent pour détrousser les voyageurs, l’innocence de ce couple de taverniers n’est pas évidente, et il s’agit là d’un cas particulier qui corrobore la norme selon laquelle les épouses n’étaient pas sexuellement agressées.
53En revanche une épouse pouvait être instrumentalisée à l’occasion d’un conflit entre son partenaire et un ennemi de celui-ci. C’est le cas d’une femme qui, chez elle, est insultée et giflée par un énergumène venu agresser son mari. Une autre épouse, qui avait d’abord été la concubine d’un homme de moyenne noblesse, a le malheur d’être agressée de nuit, chez elle, et violentée dehors par deux frères nobles qui agissent « en hayne » de son ancien amant.
54À l’égard de son mari, une épouse devait obéir à ses « commendements », tel était le premier principe, dont l’application conduisait à des modalités très diverses. Plusieurs épouses sont montrées battues par leur mari. La femme d’un boulanger de Rennes crie « mercy » et lui fait face en usant « de doulces et gracieuses parolles », ce qui, on le sait, était un véritable modèle de comportement, attesté par exemple un siècle plus tôt de la part de Françoise d’Amboise à l’égard de son mari le duc Pierre II. La femme d’un sergent de Saint-Malo se plaint « fort de ce que sondit mary l’avoit batue », et s’en plaint publiquement, en présence même de son mari, ce qui suggère que ces brutalités conjugales n’étaient pas conformes à la norme collective. Effectivement, dans tous les cas, le mari violent était blâmé par les hommes présents, non seulement par un parent de l’épouse mais aussi par les voisins, « espérant l’empescher de plus la outraiger », qui vont jusqu’à se battre avec lui. Il est difficile de préciser si ces brutalités maritales étaient récurrentes ou exceptionnelles. En revanche c’est de façon « souvent acoustumé », selon une voisine, qu’une femme de Guérande bat son mari, mais ce cas paraît peu représentatif quand on apprend qu’elle finit par l’assassiner avec la complicité de deux hommes.
55L’inégalité était flagrante en matière d’adultère. Celui d’une femme, lorsqu’il était découvert, suscitait un meurtre de la part du mari, meurtre soit de la pécheresse, soit de l’amant. Quant à l’homme marié qui « entretient » une fille, ce qui était le fait d’un homme de labeur comme de nobles, il encourait de ses parents masculins une réprobation qui pouvait être violente. Tous les maris volages cependant ne faisaient pas fi de la réaction de leur épouse. Lorsqu’un petit noble et notaire fait une cour pressante à la sœur d’un ami roturier, il craint que celui-ci dise « a sa femme qu’il eust voulu avoir compaignie de lad. Aliecte, et que sad. femme […] en eust esté couroucée et jalouze ».
56Mais maints couples paraissent unis, au moins devant l’adversité. Un jeune homme de labour qui a une femme jeune et belle observe sans surprise qu’un séducteur « hante » leur maison. Il finit par le tuer ; or il nous présente sa femme comme « honneste ». Certes on pourrait aussi penser que cette confiance est feinte et que le mari de cette épouse qui est « de bonne lignée » n’a pas intérêt à jeter le discrédit sur elle. Au moins ce cas montre-t-il que les maris n’avaient pas intérêt à tenir un discours misogyne. Lors de conflits avec des parents, mari et femme étaient solidaires, au point parfois, dans la violence de l’action, de tuer un frère ou une sœur. Voici le cas, plus rare, d’une femme « detenue de malladie et langueur » et dont « on » dit à son mari qu’elle est envoûtée ; le mari, concierge du château de Trédion, tue celui qui passe pour le sorcier. Plus tard encore dans le cycle de vie, l’épouse d’un homme connu pour avoir des rechutes, « par intervalles et lunes », d’une maladie qui le rend « furieulx, foul, incensé », elle-même âgée de cinquante ans et malade, le veille fidèlement avec ses serviteurs jusqu’à « la my nuyt ». C’est le moment où son mari la tue dans un accès de folie : même lorsque la violence était involontaire, c’étaient le plus souvent les femmes qui en étaient victimes.
57Des femmes purent cependant se donner une certaine liberté, non sans que parfois ce soit une issue dramatique qui nous le révèle. Une jeune fille de vingt ans eut une relation sexuelle avec un homme cinq mois avant d’en épouser un autre, mais on ne sait rien sur la représentativité de ce cas, connu par une terrible affaire d’infanticide. D’autres se mettaient en marge de la communauté en entretenant de façon consentante une relation illégitime, ou même en vivant en concubinage. Une naissance noble pouvait procurer une indulgence particulière ou des marges d’autonomie. Une jeune fille noble fut condamnée, pour infanticide, à être battue et bannie, mais échappa à la mort. Une femme noble, ayant déjà de grands enfants d’un premier mariage, put même « delaisser et abandonner » son second mari « pour se adherez » avec son valet et serviteur, avec lequel elle partit et vécut sept ou huit ans jusqu’à sa mort. Ce dernier prétendait être son mari, mais lorsqu’elle mourut, les parents de la défunte rappelèrent cruellement à cet homme qu’il n’était qu’un serviteur et le tuèrent. Les femmes n’étaient pas les seules victimes de la violence.
58Quotidiennement, mari et femme collaboraient dans le travail. Un boulanger de pain de froment de Rennes fait « tenir et exposer vin d’Anjou en vante par sa femme et autres, ses gens serviteurs ». Un tisserand prie sa femme de l’aider à plier une toile « qu’il avait achevé en la chambre ». La femme d’un barbier lui apporte de l’eau chaude dans son ouvroir « et en emplit touz les cocquemartz ». Toujours la femme tenait la bourse. Il faut accorder une attention particulière au secteur d’activité le plus important, le travail agricole, qui pose plusieurs problèmes : la répartition de l’autorité entre le mari et sa femme, l’autorité sur la main-d’œuvre, la division du travail dans l’élevage et les travaux agricoles. Sur la question de la main-d’œuvre, nous avons cité ailleurs une lettre mettant en scène une filerie, convoquée dans une grande métairie un jour de novembre 1522. C’était une journée consacrée au filage d’une importante production de lin ou de chanvre. Plusieurs dizaines de fileuses ont répondu à l’appel des métayers. Le suppliant précise que la filerie a été « assignée » par les « mectayez et mectayiere dudit lieu », ce qui montre cette dernière en situation de co-entrepreneuse, au moins en cette occasion où il s’agissait d’employer une main-d’œuvre féminine nombreuse91.
59En matière d’élevage, un des enjeux de la division du travail est que les tâches étaient plus ou moins valorisantes. Voici le couple d’un « homme de labeur » à Oudon, assez aisé pour posséder des bœufs, qu’un voisin a saisis car ils sont allés dans ses « naveaulx ». C’est le mari qui donne les ordres : il a dit à sa femme et à la chambrière de celle-ci de mener les bœufs en un clos. Mais il ignore que les porcs qui divaguent devant leur maison leur appartiennent ; c’est sa femme qui l’en informe, ce qui suggère qu’elle en ait particulièrement la responsabilité, et une marge d’autonomie en matière d’élevage. Le mari, très mécontent de la saisie de ses bœufs, jette une pierre à sa femme qui « incontinent » tombe morte92.
60Quant au travail agricole, il associait parfois hommes et femmes. Dans un convenant du pays de Tréguier, un jour d’hiver, il faut charroyer « du fambray et engreix en une piecze de terre » « avecques ung harnoys de beuffs et chevaulx » : ce travail réunit le paysan, sa femme, deux « consanguins » du premier et la sœur de la seconde. À la fin de la même journée, pour les chevaux qui ont travaillé au charroi, les deux époux travaillent ensemble à piler de la « lande », sans doute des genêts, dans une auge située au pignon de la maison : le mari tourne la « lande » avec une « faulcille à poign », et la femme la pile avec un maillet de bois. Pendant ce temps, la sœur est allée chercher de l’eau qu’elle porte sur sa tête dans un vaisseau de bois. Comme le mari remarque « qu’il y avoyt autres choses plus hatiffves a faire », sa femme répond « qu’il estoit aussi besoign de aller querir de l’eau, comme de faire autre chose, et que l’on avoit bien a faire pour le landemain ». Même s’il ne s’agit pas des grands travaux de l’été, la charge de travail est lourde et l’on devine, en cette fin de journée d’hiver, le poids de la fatigue. Dans cet échange, le mari entend superviser toutes les activités de la maison, mais ne fait pas de remarque directement à sa belle-sœur, et son épouse lui répond sur un pied d’égalité. On ne peut préciser si cette égalité entre les deux époux dans la programmation du travail était habituelle ou exceptionnelle. L’épouse ne lui céda en rien. Quand son mari se mit à l’injurier, elle répondit par des injures ; lorsqu’il passa aux coups, elle le frappa avec le maillet de bois dont elle pilait la lande. Cette fois c’est la femme qui tua son mari. Comme elle était au début d’une grossesse, elle vécut la plus grande partie de celle-ci en prison93. Ainsi les femmes travaillaient, et par certains travaux elles étaient associées aux hommes. La division du travail leur donnait des marges d’autonomie et d’autorité.
CONCLUSION
61Un premier enseignement de cette étude est le fait que les initiatives royales ont grandement amélioré l’exercice de la justice déléguée en Bretagne, avec l’introduction de la procédure d’appel en 1536, devenue véritablement opératoire avec la création du Parlement. Dès lors le nombre annuel de rémissions a pu baisser de moitié, et il se confirme qu’une telle baisse fut liée à une meilleure assise de la justice déléguée. Concernant les crimes autres que l’homicide, comme le vol et les faux, c’est précisément aussi dans les années 1520-1550 que la perception en a évolué de telle sorte qu’on les a considérés comme étant trop graves pour être rémissibles. Sur les relations sociales et les mentalités, les présentes observations sont loin d’épuiser la richesse de cette source. Certaines lettres méritent une étude qualitative détaillée et permettront, avec des problématiques adaptées, de fonder des études sur des sujets divers, comme les activités économiques, les relations de parenté, les pratiques infra-judiciaires, l’histoire des femmes. Dans l’ensemble, au-delà de quelques différences, comme la moindre violence suscitée en Bretagne par les danses, et la moindre fréquence des gens d’armes et des armes militaires, les présentes observations sur la Bretagne sont largement analogues à ce qui a été décrit à propos de l’Artois et de la Picardie.
Annexe
ANNEXE

Chronologie des lettres conservées.
Notes de bas de page
1 « Pour éviter toute ambiguïté », de même que Natalie Zemon Davis, nous utilisons le mot « lettre » au singulier (Davis N. Z., Les cultures du peuple. Rituels, savoirs et résistances au XVe siècle, Paris, Aubier, 1979, p. 31). Gauvard C., « De grâce especial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, Publications de la Sorbonne, Paris, 1991, p. 63. Muchembled R., La violence au village. Sociabilité et comportement populaires en Artois du XVe au XVIIe siècle, Turnhout, Brepols, 1989.
2 Gauvard C., op. cit., p. 243. Davis N. Z., op. cit., p. 117.
3 Les lettres de 1462 à 1515, analyses succinctes ou transcriptions intégrales, ont été étudiées indistinctement par Reine Leriche, Justiciers et justiciables en Bretagne à la fin du Moyen Âge (1365-début XVIe siècle), thèse sous la dir. de M. Le Mené, université de Nantes, 1998.
4 La Borderie A. De, « Chronique du mardi gras 1505 », Revue de Bretagne et de Vendée, t. I, 1857, p. 140-145. « Lettres de rémission accordées par le roi Louis XII à Jean Bodart, Nantais », Mélanges historiques, littéraires, bibliographiques publiés par la Société des bibliophiles bretons, t. 2, 1883, p. 248-252 (scellé en 1509). La Borderie A. De, « D’un marinier qui, en cherchant un liard, trouva un trésor et n’en devint pas plus riche », Revue de Bretagne et de Vendée, t. 28, 1870, p. 231-235 (scellé en 1509). « Lettres de rémission données par Louis XII, roi de France et duc de Bretagne, en juin 1510 », dans « Représentations dramatiques en Bretagne aux XVe et XVIe siècles », Bulletin de la Société des bibliophiles bretons, 1877-1878, p. 49-55 (scellé en 1510). « Un duel pour un verre d’eau », Revue de Bretagne et de Vendée, t. 27, 1870, p. 133-136 (scellé en 1510).
5 Nassiet M., « Représentation funéraire et portrait au tournant des XVe et XVIe siècles », Bretagne, Art, création, société. En l’honneur de Denise Delouche, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1997, p. 91-95 (1530, ADLA, B32). Meirion-Jones G. et Nassiet M., « La salle manoriale à Pontcallec en 1520 et le problème des “galeries intérieures” », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 75, 1997, p. 187-204 (1520, ADLA, B25 ; cette dernière lettre présente l’intérêt de prouver l’existence en 1520, dans la salle basse sous charpente d’un grand manoir, d’une galerie intérieure, un type de circulation attesté déjà par des indices archéologiques).
6 Morice Dom H., Mémoires pour servir de preuves à l’Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Paris, 1746, t. 3, 1084.
7 ADLA, B25 à B27 : Dubois M., Culture et société en Bretagne d’après les lettres de rémission, 1520-1522, mémoire de maîtrise, université de Nantes, 2000. ADLA, B28 et B29 : Le Moal L., Les rapports sociaux en Bretagne au XVIe siècle (1523-1525) d’après les lettres de rémission, maîtrise, université de Nantes, 2000. ADLA, B30 à B32 : Hannecart H., Culture et société en Bretagne d’après les lettres de rémission, 1525-1530, mémoire de maîtrise, université de Nantes, 1999. ADLA, B33 et 34 : Dufournaud N., Comportements et relations sociales en Bretagne vers 1530 d’après les lettres de grâce royale, maîtrise, université de Nantes, 1999. ADLA, B35 et 36 : Naël V., Violence, société et mentalités en Bretagne d’après les lettres de rémission, 1533-1534, mémoire de maîtrise, université de Nantes, 2000. ADLA, B37 à 44 : Janton L., Culture et société en Bretagne d’après les lettres de rémission, 1534-1574, maîtrise, université de Nantes, 1998.
8 Paresys I., Aux marges du royaume : violence, justice et société en Picardie sous François Ier, Paris, Publications de la Sorbonne, 1998.
9 L’ordonnance royale de 1536, consacrée exclusivement à la Bretagne, prescrit d’instruire les crimes sans attendre qu’une plainte soit déposée, tant aux juges royaux que seigneuriaux (Plessix-Buisset C., Le criminel devant ses juges en Bretagne aux 16e et 17e siècles, Paris, Maloine, 1988, p. 180). L’action d’office du juge était déjà stipulée par la Très Ancienne Coutume de Bretagne, art. 53 (publiée par Planiol Marcel, La Très Ancienne Coutume de Bretagne, Rennes, 1896).
10 ADLA, B26, Dubois, n° 35. B29, Le Moal, n° 49, 82. B30 Hannecart, n° 3. B35, NAEL, n° 16.
11 Isambert, Jourdan, Decrusy, Recueil général des Anciennes lois françaises depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789, Paris, 1822, t. XII, p. 515-525.
12 En 1520-1522, B26-27, Dubois, n° 35, 49, 56, 61, 70, 86, 95. En 1531, Dufournaud, t. 1 p. 41, et n° 7, 11, 40, 68, 73, etc. En 1535, B37, Janton, n° 13, 25.
13 B26, Dubois, n° 27. Certaines arrestations étaient très mouvementées (B35, Naël, n° 41).
14 Dubois, t. 1, p. 18 ; Le Moal, t. 1 p. 19 ; Hannecart, t. 1 p. 5 ; Janton, t. 1 p. 17.
15 « La question préparatoire pour obtenir un aveu de l’accusé est ordonnée par la juridiction inférieure dans une sentence avant dire droit, qui fait automatiquement l’objet d’un recours devant le Parlement. Celui-ci, le plus souvent, réforme cette décision et prononce une peine définitive. Lorsqu’il la confirme il en assume seul l’exécution et le contrôle des résultats, se réservant toujours l’exclusivité de la sentence finale. Dans tous les cas, la torture échappe donc aux juges de première instance » (Plessix-Buisset C., op. cit., p. 20, note).
16 En 1522 à Landerneau, une jeune fille accusée d’avoir volé ses parents fut « jugée a question procedant, a laquelle, et avant la souffrir, a ladite Françoise auroit cougneu et confessé… » (B27, Dubois, n° 92). En 1525 à la cour royale de Ploërmel, l’inculpé étant un gentilhomme homicide, « vers luy a esté tellement procedé que la question et torture luy a esté adjugée. Et voyant que noz justiciers et officiers dud. Ploërmel l’avoient commandé faire mectre et lyer a lad. torture, iceluy Guitté, pour eviter la payne qu’il veoit luy estre preparée… » (B30, Hannecart, n° 20). En 1535 à Vannes, « question luy presentée » à un « riche » inculpé « carent de bon sens » (B37, Janton, n° 19).
17 En 1531 au château de la Hardouinais, un inculpé de vol « détenu oudit chateau, ferré en grosse misere et captivité, vers lequel les officiers dudit lieu procedent a son procès tellement que luy ont adjugé la torture » (B33, Dufournaud, n° 42). En 1538, à l’égard d’un inculpé de vol, « tant en l’auditoire de Victré que ou grant du chasteau, et aussi en la torture de ce faict interrogé, respondit ledit suppliant… » (B38, Janton, n° 47).
18 B31, Hannecart, n° 14 et n° 24 (sur cette affaire, cf. infra note 44). En 1521 à la cour de la Roche-Maurice, à un inculpé accusé de vol, « la question luy a esté adjugée, en laquelle il a cougneut et confessé lesdits cas » (B26, Dubois, n° 37). « Torture adjugée » encore en 1522 à Fougères (B27, Dubois, n° 80), et vers 1530 à Guingamp (B37, Janton, n° 13).
19 B31, Hannecart, n° 1. Avant 1535, un voleur pendu et étranglé à Saint-Pol-de-Léon, B37, Janton, n° 25.
20 B33-34, Dufournaud, n° 53, n° 85.
21 Par exemple un rappel de forban (B31, Hannecart, n° 4).
22 Planiol M., Histoire des institutions de la Bretagne, Mayenne, 1984, t. 5, p. 251.
23 Ainsi en 1562, un cadet noble coupable d’homicide fut condamné par la cour de Montafilan à être décapité. Il fit appel au parlement, puis obtint une rémission (B42, Janton, n° 82).
24 Dubois, t. 1, p. 29.
25 Pour l’analyse de cet ensemble de motifs et de circonstances, Dubois, t. 1, p. 86 ; Le Moal, t. 1 p. 10 ; Hannecart, t. 1 p. 57 ; Naël, t. 1, p. 48 ; Janton, t. 1, p. 29. Pour une liste des circonstances atténuantes, Davis, p. 38.
26 Sur le coût des lettres, Davis, p. 34. En 1526-1527 une expédition fut « gratis », et une autre « moderé… actendu la pauvreté extreme » (Hannecart, B30, n° 13 ; B31, n° 6). De 1535 à 1574, quatre lettres gratuites (B40-41, Janton, t. 1 p. 8, et n° 52, 63, 93, 146).
27 B44, Janton, n° 136, 138. C’était d’équivalent du prix de trois vaches.
28 Meirion-Jones et Nassiet, op. cit.
29 Hannecart, t. 1 p. 7.
30 Ainsi au premier semestre de 1531, les séances eurent lieu à Nantes sous la présidence du sénéchal de Cornouaille, puis, jusqu’au 28 juillet, sous celle de Gilles Le Rouge, président des Grands Jours. À partir du 3 août, les séances reprirent à Rennes sous la présidence de Louis des Déserts qui avait été nommé vice-chancelier au mois de juin. À la fin de septembre, la chancellerie se rendit à Vannes pendant la session des États (Dufournaud, t. 1, p. 11-13).
31 Gauvard, p. 246.
32 Paresys, p. 339.
33 Biraben J. -N. et Blum A., « La population de la Bretagne de 1500 à 1839 », Populations et cultures. Études réunies en l’honneur de François Lebrun, AFL, 1989.
34 B34, Dufournaud, n° 92-93.
35 « Eleonor, par la grace de Dieu royne de France, a tous presens et advenir, salut. Come a cause de noz droits et dont noz predecesseresses, roynes de France que Dieu absoille, ont jouy et usé, nous loyse et compecte et apartiengne a notre premiere joyeuse et nouvelle entrée en chacune des villes, lieux, chasteaulx, places de ce royaulme, pays, terres et seigneuries du roy, notre tres cher seigneur et espoux legitime, administrateur et usufruituaire des biens de notre tres cher et tres amé filz le daulphin, duc et seigneur proprietaire des pays et duché de Bretaigne, mectre hors les prinsonniers detenuz es prinsons d’icelle et aussi leur remectre, quicter et pardonner les cas par eulx commis… et seelé en cyre rouge » (B33, Dufournaud, n° 14).
36 Éléonore fut à Angoulême en juillet 1530, à Amboise en septembre, à Blois en novembre, à Melun en décembre, à Paris et Saint-Denis en mars 1531, à Angers en mai (B33, Dufournaud, n° 16, 14, 19 et 21, 45, 25-26-52, 34 ; B35, Naël, n° 15). Elle fit son entrée à Paris le 16 avril 1531 (Bryant L. M., The King and the City in the Parisian Royal Entry Ceremony : Politics, Ritual and Art in the Renaissance, Genève, Droz, 1986, p. 93 et 229).
37 Pour les données jusqu’à 1515, Leriche, p. 260.
38 Paresys, p. 344.
39 Dubois, t. 1 p. 107.
40 B26, Dubois, n° 64.
41 B35, Naël, n° 29.
42 B29, Le moal, n° 49.
43 Qu’ils obtinrent (B38, Janton, n° 42).
44 B35, Naël, n° 16-17. Sur ce lignage, Nassiet M., Noblesse et pauvreté. La petite noblesse en Bretagne, XVe-XVIIIe siècle, Rennes, Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1993, p. 71.
45 Le conseil du roi ne s’est pas étonné que cette suicidée ait été trouvée « ayant une corde nouée en l’entour de son coul et ung cousteau plongé en son corps a la choiste de la gorge » (B36, Naël, n° 80).
46 B31, Hannecart, n° 28.
47 B25, Dubois, n° 22.
48 B36, Naël, n° 83 ; B28, Le Moal, n° 39 ; B37, Janton, n° 16.
49 B26, Dubois, n° 44 ; B29, Le Moal, n° 41 (à Dinan) ; B30, Hannecart, n° 14, B32, n° 12 ; B37, Janton, n° 19.
50 B26-27, Dubois, n° 37, 38, 36, 81.
51 B32, Hannecart, n° 17.
52 B28, Le Moal, n° 1, 2, 19. B25-27, Dubois, n° 23, 73, 85, 93. B30, Hannecart, n° 13, B31, n° 20.
53 B26, Dubois, n° 33. B32, Hannecart, n° 1, 2, 20.
54 Gauvard, p. 250-251.
55 Dubois, t. 1, p. 90 ; Le Moal, t. 1, p. 16 ; Hannecart, t. 1, p. 61 ; Naël, t. 1, p. 120 ; Janton, t. 1, p. 8.
56 Du fait de sa situation frontalière ; Paresys, p. 47-48.
57 Le Moal, t. 1, p. 17 ; Hannecart, t. 1, p. 67 ; Naël, t. 1, p. 123 ; Janton, t. 1, p. 48.
58 Davis, p. 58.
59 B42, Janton, n° 96.
60 B44, Janton, n° 136.
61 B32, Hannecart, n° 18.
62 Nassiet M., « Sociabilité et culture en Bretagne d’après les lettres de rémission », Mélanges offerts au professeur Hervé Martin, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 575-584. Davis, p. 62-68.
63 B32, Hannecart, n° 26.
64 Paresys, p. 24.
65 B35, Naël, n° 13.
66 B31, Hannecart, n° 17 et n° 15. B26, Dubois, n° 48. Cf. l’emploi du mot « démentir » en 1549 entre des courriers lyonnais (Davis, p. 101).
67 B26, Dubois, n° 64. « Il retourna pour debvoir aller faire sa barbe chez ung nommé… et ouyt illec dire aux voisins que… » (B37, Janton, n° 11).
68 Gauvard, p. 725.
69 Dubois, t. 1 p. 83-85. Naël, p. 50-60.
70 Hannecart, p. 58-59.
71 B26, Dubois, n° 58.
72 B36, Naël, n° 100.
73 B29, Le Moal, n° 80.
74 Paresys, p. 90-108.
75 Gauvard, p. 246-247.
76 B38, Janton, n° 48.
77 Billacois F., Le duel dans la société française. Essai de psychologie historique, Paris, 1986, p. 35-36. Morel H., « La fin du duel judiciaire en France et la naissance du point d’honneur », Revue historique du droit français et étranger, 1964, t. 4, p. 574-639, notamment p. 602.
78 Paresys, p. 28.
79 Davis, p. 123.
80 Nassiet M., Parenté, noblesse, et États dynastiques, XVe-XVIe siècles, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2000 ; ID., « Parenté et solidarités dans la noblesse en France au XVIe siècle », Actes de la Table Ronde de Glasgow, 10-11 mai 2002, à paraître.
81 Schalk E., L’Épée et le Sang. Une histoire du concept de noblesse (vers 1500-vers 1650), Seyssel 1996.
82 B25, Dubois, n° 12, 9, 22, 26. B28, Le Moal, n° 4, 10, 33.
83 Gauvard, p. 633.
84 Paresys, p. 30.
85 B29, Le Moal, n° 76.
86 B29, Le Moal, n° 85.
87 B27, Dubois, n° 82 ; B25, ibid., n° 17.
88 « Bons oupvriers » « pour fosser et faire fossez » (B25, Dubois, n° 25).
89 Paresys, p. 29.
90 Gauvard, p. 301. Gonthier, p. 114.
91 B28, Le Moal, n° 3 ; lettre citée dans Nassiet, « Sociabilité et culture… », op. cit.
92 B25, Dubois, n° 17.
93 B29, Le Moal, n° 45.
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