1 Popularisée par les hebdomadaires, cette expédition fait, à titre d’exemple, en 1895, seize fois la couverture du Monde illustré, et dix fois celle de L’Illustration. De nombreux travaux universitaires ont été réalisés à partir des organes de presse nationaux ou régionaux. On peut ainsi citer, à l’université de Nantes, Melu E., La conquête et la pacification de la Grande Île, 1895-1905 : L’Illustration et Le Phare de la Loire, mémoire de maîtrise, 2002. Trottet S., La conquête de Madagascar à travers le journal Le Temps, mémoire de maîtrise, 1999.
2 Une décennie auparavant, un premier traité signé le 17 septembre 1885 instaure un « Protectorat fantôme » (Hubert Deschamps), reconnu toutefois par Londres le 5 août 1890. Charles Marie Le Myre de Vilers devient ainsi le premier Résident français à Tananarive, jusqu’au 27 octobre 1894 où il fait amener les couleurs du drapeau français, suite au refus malgache de négocier un nouveau traité.
3 Le fonds FTM présenté ci-après ; le fonds des Archives nationales (il renferme 4 albums, soit plus de 600 clichés dont un grand nombre est consacré aux notabilités et aux élites) ; le fonds de la Bibliothèque nationale (riche, quoique dans un état de conservation qui laisse à désirer et en attente d’un classement scientifique, il possède plus de 30 albums, soit plusieurs milliers de documents iconographiques divers : photographies, cartes postales, clichés extraits de livres ou de revues, dessins…).
4 Il aurait été intéressant de rapprocher l’analyse ci-dessus de celle de Frédérique Gallo, exposée dans son mémoire de maîtrise soutenu à Aix-en-Provence en 1991 : « Les photographies du fonds Gallieni. Madagascar 1896-1905. Les reflets d’une colonie ». Sa recherche reposait sur 2 300 photographies, sur les 6 700 contenues par le fonds Gallieni (CAOM). Ce mémoire n’a pu malheureusement être consulté, les exemplaires déposés s’étant avérés introuvables.
5 FTM « Foiben-Taosarintanin’i Madagasikara », Institut géographique et hydrographique national situé dans le quartier d’Ambanidia (Antananarivo), est un établissement public à caractère industriel et commercial. Leader actuel du marché de l’information géographique à Madagascar, FTM propose d’une part des produits à usage du grand public (cartes, plans…) d’autre part des activités de conseil et d’expertise dans le domaine de l’information géographique. C’est ainsi que cet institut possède dans ses archives près de 4 000 photos anciennes, héritage de l’ancien IGN de la capitale et des premiers services géographiques installés à Tananarive dès la fin du XIXe siècle.
6 Quelques heures à peine après avoir renoncé au trône, le 28 février au soir, Ranavalona part pour l’exil, en un premier temps à La Réunion puis en Algérie où elle résidera jusqu’à sa mort en 1917. De ce coup de force minutieusement préparé, Jean Carol, pseudonyme de Gabriel Laffaille, ancien directeur de l’Imprimerie officielle de Tananarive, rédacteur au Temps, fit dès 1898 un récit pathétique. Carol J., Chez les Hova (au pays rouge), Paris, P. Ollendorff, 1898. Voir également Paillard Y. G., Les incertitudes du colonialisme. Jean Carol à Madagascar, Paris, L’Harmattan, 1990. Le « martyre de la petite reine » fut fortement médiatisé par la presse, à l’exemple des Suppléments illustrés du Petit Journal : cf. l’exposition du CCF, Abidjan, décembre 2002.
7 Cette insurrection surprend les autorités coloniales en embrasant tout l’Imerina au printemps 1896 ; elle précipite l’annexion de Madagascar et la décision du ministre André Lebon d’envoyer Gallieni « tout remettre en ordre ». Sur l’insurrection des Menalamba, et la question d’un « complot » impliquant la famille royale malgache ainsi que plusieurs ministres du gouvernement, lire notamment : Ellis S., Une révolte à Madagascar : 1895-1898, Paris, Karthala, 1998. Ellis S., Un complot colonial à Madagascar : l’affaire Rainandriamampandry, Paris, Karthala, 1990.
8 Jusqu’alors, la fête principale de la monarchie hova est celle du Fandroana (fête du bain royal), cérémonie qui marque le passage d’une année à l’autre. Se déroulant traditionnellement le premier jour du mois d’alahamady (premier mois du calendrier lunaire traditionnel), le fandroana est fixé en 1883 au 22 novembre, jour de l’anniversaire de la reine Ranavalona III.
9 À l’emplacement de l’ancienne place royale d’Andohalo, dans la ville haute. Citoyen malgache, familier de la reine Ranavalona I (1828-1861), puis consul de France sous Radama I (1861-1863), Jean Laborde reste associé dans l’histoire de Madagascar à la création du premier centre industriel de Mantasoa, à la construction du palais de bois de Manjakamiadana et du mausolée connu sous le nom de « Tombeau du Premier ministre ».
10 La légende de ce cliché postdate d’un an cette manifestation.
11 Photographies et dessins « d’après les instantanés communiqués par MM. Coste, Pagnoud et GB » : album A, Bibliothèque nationale ; photographies : album B, Archives nationales (un cliché « Grandidier » de Ratsimamanga, antérieur à l’exécution, est légendé ainsi : « Prince-de-la-Paix de tous les jours »).
12 Clichés nos 637 à 647, album 1. Le n ° 642 est accompagné, dans l’inventaire, du texte suivant : « a) Ratsimamanga 15 hrs, oncle de la reine. Chef des officiers du Palais de la Reine, a pris par force la femme du prince Ramahatra du temps malgache, a été fusillé avec le premier ministre Rainandriamanpandry. b) la Princesse Ramasindrazana, tante de la reine est exilée en Algérie ». Hrs = honneurs, distinction, militaire à l’origine, conférée par l’État merina.
13 La réputation de guerriers des Sakalava, parmi les Malgaches, les plus photographiés (cf. les cartes postales) semble relever du mythe que le capitaine Pennequin contribue à forger dès 1884, en voulant faire des « compagnies sakalava » l’équivalent des « tirailleurs sénégalais ». Chantal Valensky souligne à plusieurs reprises que jusqu’en 1914 les Sakalava sont rarement recrutés, les recrues du Nord-ouest étant essentiellement des Comoriens, des Zanzibarites ou des Makoa. Valensky C., L’image et le rôle du soldat malgache engagé par l’armée française, de 1884 à 1920, doctorat, Paris 7, 1992.
14 Kabary = discours publics dans la tradition des souverains merina.
15 Voir la série Tananarivo, nos 1421 à 1448, album 16, datés de 1899.
16 Le bilan officiel des « horreurs d’Ambiki », événement survenu le 30 août 1897, est de 97 tués, dont le roi Toera et les principaux chefs du Menabe rassemblés dans ce village, de 150 blessés et de 500 prisonniers sakalava. Paul Vigné d’Octon, à la Chambre, n’hésitera nullement à avancer le chiffre de 5000 morts. Vigné d’Octon P., La gloire du sabre, 4e éd., Paris, 1900, rééd. par Jean Suret-Canale, Paris, Quintette, 1984.
17 Zoma = mot venu de l’arabe, signifiant Vendredi, et par extension le grand marché de Tananarive qui se tient ce jour-là.
18 Il s’agit de : Ralo, fils de Rainimainty, chef des Bara d’Iakora (plusieurs clichés), Isambo, chef des Bara Iatsantsa d’Ivohibe, Tsitony, fils de Ramimenba, chef des Bara be, Tsimamanga, chef des Taivoanjo d’Ihosy, Tsifalay, chef des Androrehana Isakoa (plusieurs clichés), Tsitrony, chef des Manambia d’Ambatomitoto, Renavy, chef des Bara Ambiliona, Ranoly, chef bara d’Ambatomitoto, Rengeoka, chef de la tribu Vohilokatza d’Ivohibe, Tsimanisa, fils de Tsisahipa, chef des Zafimarosaha et neveu de Raoleza, Reine de Soavano, Rana et Tsileza, chefs de Antainato de Midongy.
19 La translation des cendres de Rainilaiarivony mort en exil à Alger, présentée par le Vaovao du 26 octobre comme un signe de « générosité » française envers « ses adversaires vaincus », s’inscrit en fait dans le cérémonial d’allégeance collective réfléchi par Gallieni.
20 « École professionnelle » : filature, la poterie, la forge (plusieurs clichés), la tannerie, la menuiserie, l’horlogerie, groupe d’élèves (nos 282 à 291, album 8).
21 Voir également les photographies de bivouacs, de campements, de casernes et de bateaux, ainsi « Nossi-Be, Hell-Ville en 1903 » (nos 1760 à 1762, album 19), ou encore « Antsirane en 1904 » (album 12).
22 . Pour ce monument, élevé « par souscription publique, sur l’initiative du Comité de Madagascar » (Revue de Madagascar, du 10 janvier 1902), sur lequel on peut lire que « Après deux siècles et demi de persévérance, Madagascar devient terre française », le fonds iconographique de la Bibliothèque nationale (album 11) est d’un grand intérêt. Un deuxième monument, à la mémoire de Jean Laborde, est inauguré à Tananarive, le 23 mai 1903 (nos 1503 à 1511, album 17).
23 Issue pour l’essentiel des Hautes Terres centrales, cette élite va donner ses premiers militants au nationalisme moderne. Voir, à ce propos : Esoavelomandroso F., « Différentes lectures de l’histoire. Quelques réflexions sur la VVS », Recherches, pédagogie et culture, n ° 50m, 1981, p. 100-111. Ou plus récent : Randrianja J. P., Société et luttes anticoloniales à Madagascar : 1896-1946, Paris, Karthala, 2001.
24 Pour la léproserie d’Ambohidatrimo, consulter les albums 8 (nos 339 à 378) et 10 (nos 631 à 636) ; pour celle de l’Îlot Prune, les albums 19 (nos 1815 à 1819) et 20 (nos 104 à 108).
25 Pour l’Hôpital indigène d’Ankadinandriana et l’Hôpital d’Isoavinandriana, tous deux à Tananarive, voir les albums 3, 16, 18 et 20. Quelques clichés épars mais peu nombreux, en 1901, évoquent en outre d’autres formations hospitalières ; à Anivorano – en liaison avec le camp des travailleurs –, Diego-Suarez, Fenoarivo, Fort Dauphin, Itaosy, Majunga et Tamatave.
26 En ce qui concerne les « Jardins d’essais de l’Ivoloina », pour 1901, voir l’album 9 (nos 432 à 435), pour 1904, voir l’album 20 (nos 366 à 371). Pour les « Jardins d’essai de Nanisana, Tananarive, 1903 », se reporter à l’album 18 (nos 1647 à 1656). Les photographies des « Jardins d’essai de Nahimpoana, Fort Dauphin, 1901 » sont, elles, rassemblées dans l’album 12 (nos 977 à 984). Pour les concessions citées dans le texte, se reporter aux albums 19 (nos 1885 à 1918) et 20 (nos 159 à 182). D’autres concessions n’échappent pas aux photographes : telles celles de Mrs Hodoul et Sartelis à Manahoro en 1901 (nos 977 à 984, album 12), de M. Billaud à Marohogo en 1904 (nos 357 et 358, album 20) et de M. Dupavillon à Andranomena en 1901 (nos 747 à 749, album 11)… et bien d’autres encore à Amapanalana, Farafate, Sakaleonone et Vatomandry.
27 Deux albums regroupent la quasi-totalité des clichés concernant les « concours agricoles… » : le 14 (nos 391 à 412) et le 15 (nos 1191 à 1419).
28 Le thème des « infrastructures », que l’on retrouve en général dans tous les fonds iconographiques issus des différents territoires coloniaux, peut se distribuer en rubriques : canaux et barrages (« Canal des Pangalanes »), rades et ports (« Antisirane/Diego-Suarez », « Majunga », « Tamatave »), transports, chemin de fer…
29 . Voir notamment les albums 9 (nos 469 à 500), 19 (nos 1919 à 2005), 20 (nos 191 à 237) et 21 (nos 101 à 106).
30 La mise en images des tournées d’inspection de Gallieni, quelles qu’elles soient, donne l’impression d’un spectacle bien rodé, d’une stratégie dont la finalité n’est autre que de légitimer le « nouveau roi » de Madagascar.
31 Elles se déclinent en « courses de bicyclettes », « courses de chevaux » à Mahamasina ou Androhibe, « courses de taureaux » ou encore « concours de tennis ».
32 Faranirina Rajaonah, en analysant sur le long terme la pédagogie et le déroulement de la fête des enfants, met bien évidence la forte connotation politique dont cette fête ne se départit jamais, malgré ses métamorphoses. Rajaonah F., « La fête des enfants à Antananarivo au temps de colonisation : 1899-1959 », in Goerg. O. (dir), Fêtes urbaines en Afrique, Paris, Karthala, 1999, p. 113-130. Voir également dans ce même ouvrage l’article de Didier Nativel sur les fêtes du retour de Gallieni en 1900. Nativel D., « La célébration du “nouveau roi” de Madagascar à Tananarive », p. 132-148.
33 De même que pour les cartes postales, on peut distinguer deux grandes catégories de photographies : les « scènes » et les « types ». Ces derniers, au cœur de l’ethnographie débutante, se différencient des « scènes » en ce sens qu’ils se rapportent à l’indigène, et se prêtent davantage à des stratégies discursives ; en effet, les « types » représentent non des individus, mais des spécimens génériques « représentatifs » des peuples colonisés.
34 Martin J., L’Empire triomphant : 1871-1936. Maghreb, Indochine, Madagascar, Îles et Comptoirs, Paris, Denoël, 1990. Sur les 20 000 hommes de troupe rassemblés sur la côte ouest en janvier 1895, plus de 5 000 furent décimés par les maladies, une poignée seulement par les opérations de l’armée merina. Guy Jacob parle même d’« exemple d’incompétence militaire ».
35 Marc Michel, tout en soulignant la brutalité du titre qu’il choisit pour le chapitre XIII de son « Gallieni », n’hésite cependant pas à l’intituler « Le temps de la destruction », même si selon lui, mi-1897, on ne peut pas encore vraiment parler de « pacification ». Michel M., Gallieni, Fayard, 1989.
36 À titre d’exemple, l’affaire du village royal d’Ambiki (Menabe), fin août 1897, n’est évoquée que très indirectement sous la forme deux clichés, pris six années plus tard, en 1903 à Ankaivo (clichés 9 X 12, détériorés, détruits). « Le fils de Toera, Kamamy, sa mère et son tuteur Filaza ». « Le fils de Toera, Kamamy et son sorcier ». Par ailleurs, l’effet répétitif des soumissions, dont les clichés « propagandistes » vantent le succès de la politique de ralliement appliquée par Gallieni, donne une impression de facilité et gomme les difficultés inhérentes à la pacification. L’analyse de la soumission de Rabazavana (1897-1899) par Pascal Venier met bien en évidence le récit « idéalisé » qu’en fait Lyautey dans ses Lettres du Tonkin et de Madagascar, Paris, A. Colin, 1921. Venier P., « Mythes et réalités de la politique indigène à Madagascar : Lyautey et la soumission de Rabezavana », Australes, L’Harmattan, 1996, p. 175-189.
37 Pour la pensée coloniale de Gallieni, on peut se reporter à Michel M., op. cit., ou plus particulièrement à ses écrits, Rapport d’ensemble sur la pacification, l’organisation et la colonisation de Madagascar (octobre 1896 à mars 1899), Paris, Charles Lavauzelle, s. d. ; Madagascar de 1896 à 1905, Tananarive, Imprimerie officielle, s. d., t. 1 et 2 ; Neuf ans à Madagascar, Paris, Hachette, 1908 ; Les carnets de Gallieni publiés par son fils, Paris, Albin Michel, 1932.
38 Dans le même ordre d’idée, voir également sur les « glissements de sens… vers la propagande » l’article de Chantal Valensky, « L’iconographie de la deuxième expédition de Madagascar (1895) : de l’image de guerre à la guerre en images », Ultramarines, novembre 1992, n ° 6 (p. 18-25) et décembre 1993, n ° 8 (p. 3-11).
39 Ce sont vraisemblablement des officiers du Service géographique, des membres de l’état-major, ou encore des correspondants officiels ou occasionnels des journaux qui, comme Le Monde illustré, L’Illustration ou Le Temps, ont déjà couvert la Conquête de Madagascar.
40 Citation empruntée à P. M. Vincent « Quarante années d’effort français : 1895-1935 », glissée dans l’album 11, Bibliothèque nationale d’Antananarivo.
41 Voir à ce propos Gaulupeau Y., « Les manuels par l’image : pour une approche sérielle des contenus », Histoire de l’éducation, n ° 58, mai 1993, p. 103-135. Analysant pour Madagascar, dans près de 300 manuels, deux séries iconographiques, la conquête de la Grande Île (1894-1895) et sa pacification par Gallieni (de 1896 à 1905), Yves Gaulupeau observe que l’historiographie scolaire retient de Gallieni, dès les années 1920, une image de « pacificateur », à l’opposé de celle de Duchesne le « conquérant » ; une image « positive » qui s’impose aux côtés de celles de Brazza et de Lyautey, et qui correspond dans la période postérieure à 1930 à « l’exigence nouvelle d’une version moins brutale, plus diplomatique de la conquête. Nouvelle preuve que les tendances de l’illustration accompagnent fidèlement les réécritures de l’histoire ».