Pouvoir romain et terre étrusque d’après des documents romains de l’Antiquité tardive
p. 109-126
Texte intégral
1Dans une récente étude sur « Les Libri coloniarum et l’œuvre des Gracques », étudiant l’organisation du sol italien, nous observions ceci : « Le système gracchien apparaît comme l’origine, le point de départ. [C’est] comme si l’on avait fait table rase du passé. […] Seule la Tuscie fait exception. […] Tout conduit à considérer l’Étrurie comme un cas particulier1. » Et nous évoquions la présence de limites archaïques, leur dénomination particulière qui serait, suivant les documents, conforme à la science des haruspices, les dérogations à la règle commune qui avait conduit, pour prendre deux exemples, le pouvoir romain à utiliser le modus de la iugeratio à Arretium, la centurie s’y modelant sur un système antérieur, et à employer des marqueurs anciens sur l’ager Corfinius. Notre conclusion était que, d’une part, contrairement à une opinion commune non dénuée d’idéologie et fondée sur des auteurs « engagés », ces documents administratifs prouvaient que la révolution des Gracques avait bel et bien bouleversé les terres de la Péninsule ; d’autre part, qu’ils montraient que Rome avait rencontré plus de difficultés en Étrurie qu’ailleurs pour imposer les réformes.
2L’avantage que présente une source administrative pour l’historien, c’est qu’elle est neutre. Elle enregistre les faits, fussent-ils très anciens, sans état d’âme, sans arrière-pensées politiques, sans passion ni haine. Dans le cas du droit romain, cet avantage est particulièrement marqué car ce droit n’a jamais été unifié. Le génie juridique romain répugne à supprimer des dispositions anciennes, laisse subsister les coutumes malgré la promulgation de lois, corrige l’intransigeance du droit archaïque par l’édit prétorien, admet aussi bien la prudence des jurisconsultes nourris de l’hellénisme de l’Académie Sceptique que de l’humanisme stoïcien de leurs successeurs sévériens.
3Aussi nous proposons-nous de présenter, non seulement des passages des Libri coloniarum qui concernent l’Étrurie, mais aussi d’autres documents qui émanent, eux aussi, de l’administration civile centrale de la fin du IVe siècle et du Ve siècle2. L’officium des géomètres était dirigé par des chevaliers de haut rang qui œuvraient en relation étroite avec les Princes. Perfectissimes (Viri Perfectissimi), hauts fonctionnaires civils des Augustes (Togati Augustorum), aptes, par délégation de l’auctoritas du souverain (Auctores), à établir des systèmes ayant valeur juridique, à contrôler et à assigner les terres, à établir les limites, ils avaient poursuivi leur tâche au service de l’État, en relation étroite avec les princes de la partie orientale de l’Empire, Théodose Ier (379-395), Arcadius (395-408), Théodose II (408-450). L’un de ces fonctionnaires, qui est attesté aux côtés de Théodose (Ier), Neotorius3, fut Préfet du Prétoire dans les années 380-390. Ces sources, qui ont été, suivant les cas, conservées par des manuscrits de la fin du Ve siècle ou du VIe siècle, les Codices Arcerianus B et A, ou bien par des manuscrits du IXe siècle, le Palatinus (vers 810-830) et le Gudianus (vers 850-875)4, furent compilées et amendées en 1848 par le philologue allemand Karl Lachmann. C’est à cette édition que nous nous reférerons.
4Nous commencerons par le seul texte qui soit connu du grand public5, « la prophétie de Végoia » (Idem Vegoiae Arrunti Veltymno [p. 350-351]). Nous poursuivrons par un extrait « Ex libris Magonis et Vegoiae Auctorum » (p. 348-350), par un paragraphe sur la particularité des Litterae Singulares de Volterra (p. 340), par un passage de « Gaius et Theodosius Auctores » sur un type de borne utilisé dans la Tuscie urbicaire et annonaire, entre 408 et 4506 (p. 346), par les notes ou remarques « Ex libris Dolabellae » concernant, d’une part les temples et les haruspices, d’autre part le bornage et le dieu Silvain (p. 303-304). Nous examinerons enfin les pages que le Liber Coloniarum I, dont les données furent assemblées entre 400 et 4397, a consacrées à la Tuscie (p. 211-224).
5Une recherche visant à l’exhaustivité ne saurait être menée à bien dans un cadre strictement limité. Nous avons, de ce fait, choisi de mettre l’accent sur les périodes les plus anciennes, celles qui pourraient permettre de retrouver l’organisation étrusque antérieure à la conquête romaine.
« Idem Vegoiae Arrunti Veltymno. Scias mare ex ae<re> et t{h}er<r>a remotum. Cum autem Iuppiter terram Aetruriae sibi uindicauit, constituit iussitque metiri campos signarique agros. Sciens hominum auaritiam uel terrenum cupidinem, terminis omnia scita esse uoluit. Quos quandoque [quis] ob auaritiam prope nouissimi octaui saeculi data sibi homines malo dolo uiolabunt contingentque atque mouebunt. Sed qui contigerit moueritque, possessionem promouendo suam, alterius minuendo, ob hoc scelus damnabitur a diis. Si serui faciant, dominio mutabuntur in deterius. Sed si conscientia dominica fiet, c{a}elerius domus extirpabitur, gensque eius omnis interiet. Motores autem pessimis morbis et uulneribus efficientur membrisque suis debilitabuntur. Tum etiam terra a tempestatibus uel turbinibus plerumque labe mouebitur. Fructus saepe l(a) edentur decutienturque imbribus atque grandine, caniculis interient, robigine occidentur. Multae dissensiones in populo. Fieri haec scitote, cum talia scelera committuntur. Propterea neque fallax neque bilinguis sis. Disciplinam pone in corde tuo8. »
« Aussi9, de Vegoia à Arruns 10 Veltumnus11. Sache que la mer a été séparée de l’air et de la terre12. Or, quand Jupiter se réserva la terre d’Étrurie, il décida et ordonna que les champs fussent mesurés et les terres bornées13. Connaissant la cupidité des hommes aussi bien que leur avidité de terres, il voulut que toutes choses fussent portées à une connaissance exacte14 au moyen de bornes. Celles-ci, un jour, par cupidité, tout près des dons du tout nouveau VIIIe siècle, les hommes, les violeront et y mettront la main frauduleusement15, et alors ils les déplaceront16. Mais celui qui met la main et déplace, en augmentant sa possession, diminuant celle d’autrui, sera condamné par les dieux pour ce crime. Si des esclaves l’ont perpétré, ils tomberont dans un esclavage pire. Mais si le maître a été complice, la maison sera très rapidement 17 détruite, et la famille mourra toute. Quant à ceux qui ont commis le déplacement, ils seront atteints des pires maladies et blessures et affaiblis dans leurs membres. Alors la terre sera aussi fortement secouée tant par les tempêtes que par les tourbillons ; les fruits seront souvent abîmés et, abattus par les pluies et la grêle, ils mourront sous les coups de chaleur, seront tués par la rouille. Il y aura beaucoup de discordes dans le peuple. Sachez que cela se produit chaque fois que de pareils crimes sont commis. Pour cela, ne sois ni trompeur ni perfide. Place la doctrine dans ton cœur. »
6Nous avions, dans l’étude citée au début de ce travail, versé la « prophétie de Vegoia18 » au dossier 19 de la résistance contre la révolution agraire20, compte tenu des résultats que nous avions obtenus par l’analyse d’autres textes. Il y avait, d’une part, l’opposition de traditions religieuses admirées et redoutées : la « science des haruspices étrusques » (ab Hetruscorum aruspicum doctrina)21, étant mise au même rang que « la forme des Anciens » (Maiorum designatione), combattait autant les res nouellae révolutionnaires que le faisait le mos Maiorum. Il y avait, d’autre part, l’autonomie de communautés qui n’avaient pas failli pendant la guerre d’Hannibal. Il est, certes, impossible d’avoir la certitude que la « prophétie » reflète la situation des années 130-120 avant notre ère. Si, en suivant J. Heurgon, l’on venait à préférer plutôt les réactions qui se firent jour en 9122, nous serions de toute façon dans le même contexte, le plébiscite de Livius Drusus entrant nécessairement dans le cadre des répercussions du séisme que l’action des Gracques avait déclenché, la loi agraire de 111 ayant été impuissante à rétablir un équilibre. Nous en dirons de même pour les événements qui touchèrent l’Etrurie par la suite, sous Sylla, ou encore sous Lépide (77).
7Mais on ne saurait négliger d’analyser le groupe temporel « prope nouissimi octaui saeculi data » dans le contexte d’une « révélation ». Si nous sommes, dans cet acmé de vices, de calamités, d’épidémies et de morts, « près des dons du tout nouveau VIIIe siècle », cela veut dire qu’un nouvel Âge d’Or est proche. Cela signifie que l’espoir d’un « monde meilleur » se faisait jour malgré les malheurs des temps, ou à cause de ces malheurs. Le ton est le même que celui de la 4e Églogue de Virgile. Prenons en compte toutes les sources. Le coup de trompette de 88 mit fin au VIIIe siècle. Nous le savons par Plutarque23. Le « tout nouveau VIIIe siècle » de Végoia est donc antérieur à 88. La période qui suit 88 était celle du IXe siècle, qui se termina en 44 par le passage de la comète24. La 4e Églogue, qui fut écrite quatre ans plus tard, dans les premières années du Xe siècle, annonçait que le « dernier âge » (Ultima aetas) était arrivé : « Tout recommence et voici que naît un nouvel ordre de siècles (magnus ab integro saeclorum nascitur ordo), […] que revient le règne de Saturne (redeunt Saturnia regna) (IV, 4-6)25 ». L’Âge d’Or est sur le point de revenir, après que se seront éteints les ultimes soubresauts des deux dernières guerres. De telles spéculations ne pouvaient manquer de contribuer à alimenter l’immense espoir qui se porta sur Octavien aux lendemains de la victoire d’Actium. Auguste demeura, dans la mémoire, celui qui avait « assigné la paix à l’univers tout entier » (diuus Augustus adsignata orbi terrarum pace)26.
8Venons-en aux considérations techniques : le vocabulaire n’est pas en rapport avec la limitatio ou avec la centuriatio. Ainsi, l’expression metiri campos signifie qu’il faut mesurer ou arpenter les champs ; cela peut renvoyer à une iugeratio ou à un autre procédé, et non nécessairement à une limitatio ou à une centuriatio. L’expression a un rapport avec le bornage, comme l’indiquent la locution signarique agros, le substantif terminis, le pronom quos qui renvoie au mot précédent. Nous avions remarqué que le bornage et les « limites centuriés » étaient indépendants les uns des autres à Ferentium, et avaient été liés sans se confondre en d’autres lieux. Nous reviendrons sur ces points quand nous analyserons le Liber coloniarum I.
9Le texte qui précède la prophétie se présente comme un extrait « Des livres de Magon et de Végoia, Auteurs » (Ex libris Magonis et Vegoiae Auctorum)27. Magon et Vegoia sont conçus comme des auctores de l’administration. En fait, la seconde est une prophétesse étrusque, le premier, très probablement, le célèbre agronome punique. Le rapprochement est, certes, étonnant de prime abord, mais plusieurs raisons peuvent en rendre compte : certaines archives étaient très anciennes ; les deux livres avaient été traduits en latin, l’un par Tarquitius Priscus28, l’autre, sur l’ordre du Sénat après la destruction de Carthage en 146 av. J.-C.29. Tous deux avaient une relation nette avec l’organisation de la terre, et l’intérêt des géomètres, voire leurs compétences, ne portaient pas sur le seul arpentage, mais sur la religion, le droit, l’économie rurale. Or, ce que nous nommons « prophétie de Végoia » faisait état des sanctions promises à ceux qui déplaçaient les bornes, cette violence étant un crime depuis des temps immémoriaux, comme le montre le fait que la Loi des XII Tables l’ait entendu ainsi, tandis que, de son côté, Magon avait été considéré, par Columelle et par d’autres auteurs, comme le créateur de l’agricolatio et de la rusticatio, c’est-à-dire de l’économie rurale. Tout ceci explique que les deux personnages furent considérés comme des « auctores » au même titre qu’Innocentius, Vitalis ou Latinus. En revanche, si la prophétie pouvait remonter à l’époque républicaine, les extraits décrivent une situation et des actions qui ne diffèrent en rien de ce que nous lisons dans les passages placés sous l’égide des géomètres chevaliers.
10Le texte débute ainsi : « Nam sunt monumenta quae propter perennitatem itinerum constituta sunt, quae nullam limitum recipiunt rationem. Nam monumenta finalia non coniunguntur itineri publico, ei maxime qui auctoris nomen optinet per redemptores et magistros pagorum munitur. Sed ab itinere publico separata sunt, et saepe pumicas habent, per quas ex industria finales lineae diriguntur » (« C’est un fait qu’il y a des monuments30 qui ont été institués à cause de la pérennité des routes, lesquelles routes ne sont affectées par aucun système de limites ; c’est un fait aussi que les monuments qui marquent les limites ne sont pas rattachés à une route publique ; surtout à une route publique qui conserve le nom du fondateur, laquelle route est entretenue par l’intermédiaire d’entrepreneurs de travaux publics et par les magistrats des pagi. Mais ces monuments ont été mis à l’écart de la route publique et ils recèlent souvent des pumites31 grâce auxquelles les alignements des limites sont réalisés »).
11La suite concerne les ponts dont la mise en place doit s’harmoniser avec des points de rencontre de limites (trifinia, quadrifinia, pentagonia), afin d’obtenir un système rationnel (ratio), en tenant compte de la nature des lieux, des voies publiques, de la loi coloniale, tandis que d’autres ponts concernent des voies vicinales ou privées. Suivent des indications sur les adductions d’eau et les puits, leurs rapports avec les centuries, les types de lits des cours d’eau, les alignements et le dépôt de tuiles plates sur certains limites.
12C’est alors qu’interviennent les quatre indications toponymiques et ethniques : in parte Tusciae Florentiae, Sabinensis ager, in territorio Gauinati et de agro Gauinatium, ager uero qui Tibur appellatur. Seule la première concerne l’Étrurie. Elle est assez éloignée du pays sabin ou du Latium, mais nous savons que ces fonctionnaires intervenaient dans plusieurs régions à la fois : par exemple, Latinus et Mysrontius, Togati Augustorum Auctores, avaient fait le relevé des terres et établi un bornage dans les régions dont ils étaient responsables, en ce qui concernait « les lieux suburbains aussi bien que les diverses voies qui les parcourent » (De locis suburbanis uel diuersis itineribus pergentium in suas regiones)32, tandis que des listes de domaines établis le long de la uia Flaminia avaient été constituées par le chevalier perfectissime Innocentius33.
13Malheureusement, les « auteurs » indiquent la particularité de Florence en une seule phrase : « Iidem : in parte Tusciae, Florentiae, quam maxime palos iliceos picatos pro terminis sub terra defiximus34 », « Les mêmes : c’est dans une partie de la Tuscie, à Florence, que nous avons, le plus qu’il était possible de le faire, fiché en terre des pieux de chêne empoissés en guise de bornes35 ». Venant de décrire des procédés et types de bornage et de structures agraires, les géomètres notent la particularité florentine pour conclure : « Ergo, ut superius legitur, una quaeque regio suam habet conditionem » (« Donc, comme on le lit plus haut, chaque région a une condition qui lui est propre »). L’insistance des auteurs sur la diversité des conditions est remarquable. Nous sommes bien loin de l’idée, si répandue, d’une unification du droit.
14Cette diversité se retrouve lorsque, dans le folio 140 du codex Gudianus, nous apprenons, à propos « Des Lettres Particulières qui ont été inscrites sur les bornes de la province de Tuscie, ceci le plus possible sur le territoire de Volaterres, s’opposant les unes aux autres, à savoir [suivent les dénominations des Litterae Singulares, qui comprennent d’une à trois lettres36] » ; ou encore quand, à propos de l’information que donnent Gaius et Théodosius sur « La borne de brique [qui est] dans [l’intervalle] de 450 pieds », nous sommes informés que : « Les terres des vétérans ont reçu, dans la Tuscie urbicaire et [dans la Tuscie] annonaire, des divisions par jugères conformément à la quantité : ces bornes-là sont séparées les unes des autres de 200 pieds, de 400, de 500. Ce mesurage se révèle par l’intermédiaire des bornes-messagères37, depuis les points de rencontre de trois limites38 jusque dans ceux de quatre39. »
15Il y a lieu de s’attarder un moment sur ce paragraphe, qui appartient à un texte de la première moitié du Ve siècle. S’il avait été question d’établir, entre 270 et 275, des familles de prisonniers de guerre en Étrurie, des vétérans y furent, quant à eux, réellement installés. Il semble, mais ce n’est pas une certitude, que ce fut au moment où existait la division de la Tuscie. La iugeratio est un procédé de lotissement répandu en Étrurie. La prise en compte du modus est une opération prisée et digne de louanges. Il convient de souligner que la iugeratio, c’est-à-dire l’établissement de particuliers sur des biens privés, ne se reflète pas dans la signification des bornes, la distribution en jugères étant duodécimale. Les bornes, qui indiquent des intervalles de 200, 400, 450 et 500 pieds, étaient publiques. Les arpenteurs de l’administration installaient la trame publique de l’espace à allotir, réservant à la puissance publique des secteurs sur lesquels étaient établis les routes publiques et les lieux publics ou religieux. Ils intervenaient aussi pour contrôler l’espace ou pour rétablir les droits anciens si ceux-ci avaient été oubliés ou bafoués.
16Un paragraphe extrait « Des livres de Dolabella40 » nous conduit aux fondements religieux des structures spatiales. Hygin l’Arpenteur, à l’époque flavienne, avait lié « le tracé des limites » (constituti… limites), « le système du monde » (mundi ratione), « la science des haruspices » dont « le système de mesurage » aurait procédé (unde primum haec ratio mensurae constituta ab Etruscorum haruspicum disciplina). J.-R. Jannot, dans une note qu’il a consacrée à ce passage dans l’édition européenne, sépare nettement les rôles de ceux qui devaient intervenir41 : les haruspices « qui doivent déterminer si l’acte de fondation est ou non souhaitable » ; « un prêtre qui découpe l’espace au moyen d’un lituus » ; « les techniciens munis de la groma dont le nom latin dérive du grec par l’intermédiaire de l’étrusque gruma42 ». Un peu plus loin, Hygin l’Arpenteur expliquait les modifications qui avaient eu lieu en matière d’orientation, nous aurons à y revenir pour éclairer le passage de Dolabella.
17Le paragraphe est le suivant : « Quare per aedes publicas in ingressus Antiqui fecerunt crucem “Antiqua” et “Postica” ? » : « Pourquoi les Anciens, devant les temples publics, à l’entrée, tracèrent-ils une croix et “Antiqua” et “Postica” ? « Quia aruspices secundum aruspicium in duabus partibus orbem terrarum diuiserunt : una parte ab oriente in occidentem, alia a meridiano in septentrionem » (« Parce que les haruspices, suivant leur propre science, ont divisé l’orbe des terres en deux parties : l’une de l’Orient vers l’Occident, l’autre du Midi vers le Nord »). « Ideoque si qui imperatorum aut consulum pugnantes terras adquisierunt nomini Romano et partiti sunt ueteranis aut militibus Romanis, et pro uoto suo di (i) s templum aedificauerunt, ut sciretur a posteris quia adquisierant terras nomini Romano, secundum aruspicium signum fecerunt in aedes deorum suorum, ut scriberent “Antiqua” et “Postica” » (« Et c’est pour cette raison, lorsque ceux des commandants d’armée ou des consuls, qui, en combattant, acquirent des terres à la nation romaine, en firent la répartition au profit des vétérans ou des soldats et, en accomplissement de leur vœu, créèrent un espace sacré pour les dieux, afin qu’il fût connu par leurs descendants pourquoi ils avaient acquis des terres pour la nation romaine, ils firent une marque dans les temples de leurs dieux, y inscrivant “Antica” et “Postica” »).
18Les commentateurs de ce passage observèrent que « dans la figure du Gudianus, les mentions “Antica” et “Postica” sont ambiguës parce que mal placées ». « Frontin, De limitibus, La 27, 14 sq. = Th 10, 10, 21q », ajoutent-ils, « qualifie clairement antica la partie qui va au-delà (ultra) de la ligne tracée du sud vers le nord, et postica la partie située en deçà (citra) de cette ligne43 ». En fait, la question est difficile à résoudre, les Anciens eux-mêmes, ainsi que les copistes ou savants médiévaux, ayant fait montre d’hésitation. Non seulement la figure n’est pas claire en ce sens qu’elle représente, non point un édifice, mais un espace consacré circulaire, c’est-à-dire un templum, traversé horizontalement par une bande faite de deux segments parallèles, dans laquelle on lit « Antica » et « Postica ». Pour Varron (De lingua Latina, 7, 7), anticus signifie « qui regarde le midi », tandis que, dans l’abrégé que fit Paul Diacre du De uerborum significatione de Pompeius Festus, l’expression postica caeli pars (220) qualifie la partie septentrionale, alors que postica linea (233) désigne la ligne qui est tirée de l’Orient à l’Occident. Mais la suite du texte d’Hygin l’Arpenteur que nous avons cité laisse apparaître la complexité de la question. « Les limites sont dirigés suivant une antique coutume, raison pour laquelle il n’est pas vrai que tout mesurage des terres regarde vers l’Orient plutôt que vers l’Occident. Vers l’Orient comme les temples vénérés. Et, de fait, les architectes anciens ont écrit que les espaces consacrés regardent normalement vers l’Occident. En second lieu, on décida que toute consécration religieuse soit retournée entièrement vers le côté du ciel d’où la terre reçoit la lumière. C’est pourquoi les limites aussi sont institués vers l’Orient44 ». Il y a plus. Venant d’expliquer le système de mesurage qui serait issu de la science des haruspices, le même auteur conclut : « Ex quo haec constitutio limitibus templorum adscribitur » : « À la suite de quoi, cette institution est assignée aux limites des espaces sacrés. » C’est, du moins, ce que nous avons lu à Wolfenbüttel, sur le plus ancien manuscrit, l’Arcerianus B. La vignette montre bien une croix qui, figurant les limites, est inscrite dans un templum dont la forme circulaire rappelle le cercle sacerdotal et l’espace religieux primordial. Or, cette phrase, qui était écrite aussi sur l’Arcerianus A initialement, a connu une correction d’une autre main, laquelle a remplacé limitibus par liminibus ; ce qui donne : « À la suite de quoi cette disposition est attribuée à l’orientation du seuil des temples. » Ceci rappelle l’expression « in ingressus » de Dolabella.
19Constatons simplement le flottement. J.-R. Jannot remonte probablement plus loin dans le temps quand il écrit : « Si nous comparons l’orientation d’un temple avec les qualités et les fonctions de la divinité dédicataire, nous constatons que, pour les plus anciennes fondations qui ne dépendent pas d’une insertion dans un réseau urbain orthogonal, l’axe du sanctuaire correspond en général au secteur céleste et terrestre dévolu par la tradition à cette divinité45 ».
20C’est dans la même page extraite des livres de Dolabella qu’on lit le paragraphe consacré à Silvain, dieu que J.-R. Jannot considère comme le successeur romain de l’étrusque Selvans, la divinité la plus importante en matière de confins46 et protectrice, probablement, des serments : « Pourquoi toute possession rend-elle un culte à Silvain ? Parce que, le premier, il a mis une pierre de limite en terre. De fait, toute possession possède trois Silvains. Un est dit “domestique”, consacré à la possession ; un autre est dit “agreste”, consacré aux bergers ; le troisième est dit “originel” : c’est pour celui-ci qu’a été planté, pour faire confins, un bois sacré, à partir duquel deux ou plusieurs limites ont leur point de départ. C’est pourquoi entre deux ou plusieurs le bois sacré est aussi une limite47 ».
21Les praefecturae, agri, coloniae, territoria, qui ont été inclus dans les provinces italiennes, constituent, dès le VIe siècle (codex Arcerianus A), un ensemble qui fut mis sous l’égide d’Auguste et de Néron48, c’est-à-dire, si l’on s’en tient aux données textuelles49, entre 27 avant notre ère. et 48 apr. J.-C.50. Il est traditionnel, depuis Mommsen51, de qualifier cette liste, dont la réunion semble avoir été réalisée vers 450 par l’administration du Vicarius Vrbis Romae, de « Liber coloniarum I52 ». Plusieurs folios du manuscrit de Wolfenbüttel, mais aussi des codices Gudianus, Palatinus et Erfurtensis, concernent la Prouincia Tuscia, à propos, toujours suivant le titre, d’une : « Loi sur les terres d’après le commentaire de Claude César » (Lex Agrorum ex commentario Claudi Caesaris). Le texte aurait donc conservé une loi agraire qui aurait fait l’objet d’une interprétation orale (commentarius) de l’empereur Claude Ier53. La suite indique que la loi s’appliquait à plusieurs régions. Qu’une partie seulement de l’Étrurie ait été concernée s’explique par sa division entre deux administrations : « Loi sur les terres d’une partie de la Tuscie, de la Campanie et de l’Apulie qui doivent être “limitées” et mesurées » (Lex agris limitandis metiundis partis Tusciae et Campaniae et Apuliae)54. Si la mention « Provincia Tuscia » a coiffé un ensemble qui peut paraître disparate, en revanche, une fois la glose éliminée, il n’y a aucune raison de douter que nous sommes en présence d’une loi et de son interprétation : « Que celui qui en aura la charge, qu’il fasse un decimanus large de 11 pieds, un kardo large de 20, et, qu’il fasse à partir du decimanus et du kardo maximus, chaque cinquième limes de 12 pieds, et les autres limites, qui sont des limites « entretenus » (subrunciuos), qu’il les fasse larges de 8 pieds. (Ce sont) ces limites-là qu’il fera. Qu’il place dans ces limites, se faisant face, des bornes de pierres, en silex ou en meulière, non détériorés, d’un pied et demi au-dessus du sol. Qu’il fasse la borne épaisse d’un pied, et aussi qu’il la fasse bien ronde, qu’il l’enfonce en terre de pas moins de deux pieds et demi. Toutes les autres bornes, qui seront dans l’œuvre, qu’il les érige en chêne, de deux pieds au-dessus du sol, épaisses d’un pied deux tiers. Qu’il les enfonce en terre de pas moins de trois pieds, qu’il tasse le sol tout autour d’elles, et qu’elles soient inscrites comme il l’aura ordonné. Qu’un subsécive plus grand que 100 jugères soit admis comme étant une centurie ; qu’un subsécive non inférieur à 50 jugères soit admis comme étant une demi-centurie. Toute cette œuvre (est) suivant la décision de Caius Iulius Caesar, de Marc Antoine et de Marc Lépide, Triumvirs Chargés de l’Organisation de la République55 ».
22Ce passage est une partie de la loi-cadre qui fut promulguée pendant le second triumvirat (43-33), probablement au moment de la guerre de Pérouse (41-40). Il porte sur la partie publique, celle qui précédait les assignations. La limitatio et le bornage permettaient d’établir une structure orthonormée de l’espace, de mettre en place les voies publiques, de préparer la répartition des îlots privés. Le système est strict, avec ses divers limites, et des termini de matières, de dimensions et de positions variées, qui contribuent à l’harmonie de la ratio, tout en rendant les fraudes plus difficiles à réaliser. L’assimilation d’un subsécive à la centurie (qu’elle soit entière ou non) a une valeur juridique : elle permet d’extraire la portion de terre du « droit des subsécives », lequel implique la possession, collective ou privée, pour la placer dans le cadre des divisions-assignations, c’est-à-dire de la propriété privée de chacun des colons.
23Cette loi fut appliquée à Volterra (colonia Volaterra lege triumuirale), dans la colonia Iuniona, Faliscos, « assignée par les triumvirs, qui ont fixé la superficie en jugères. Des limites “qui coupent” (intercisiui) y ont été tracés et l’ensemble de l’arpentage a été opéré d’après la loi agraire », ainsi que dans la colonie de Nepis56. Les triumvirs intervinrent aussi à Florence (colonia Florentina deducta a triumuiris), mais ce fut pour appliquer une lex Iulia césarienne : « La colonie de Florentia fut déduite par les triumvirs, assignée par une loi Julia, avec des centuries césariennes de 200 jugères, par kardines et decumani57 ». L’établissement de colons, qui furent presque toujours des soldats ou des vétérans, fut marqué par la diversité : même loi Julia qu’à Florence pour la colonie de Fida Tuder ; loi augustéenne avec des limites gracchiens, puis des assignations dans un nouveau cadre de centuries, pour la colonie d’Arretium ; loi sempronienne pour les colonies de Tarquinies et de Ferentis, cette dernière ayant reçu une nouvelle assignation d’après les déclarations de possessions, du fait d’une insuffisance de vétérans ; assignation selon l’estimation de la fertilité et la nature du terrain pour la colonie de Capène ; empirisme pour la colonie de Sutrium, au profit d’habitants d’oppida : limites dirigés vers l’orient, réduits de tous côtés ensuite par des bandes en forme de gamma et de scamna, division en jugères en tenant compte du terrain ; assignation des Campi Tiberiani par Tibère ; déduction d’Auguste sans arpentage, puis aménagement de Tibère par bornage à Grauiscae58…
24Le bouleversement de la terre étrusque est ainsi perceptible des Gracques à Tibère. Cette profusion de déductions coloniales prouve à quel point le pouvoir de Rome y fut pesant. Si le pire se situe très tôt, avec la destruction de Véies en 396, suivant un rite que nous a rapporté Macrobe59, la suite doit, pour en bien saisir la réalité, séparer nettement ce qui appartient à la sphère politique et ce qui est du domaine du droit du sol. Car les foedera ont bien pu permettre « aux villes de se survivre dans un cadre municipal d’autonomie interne où les lois, les usages, la langue et naturellement la religion demeurent inchangées60 », la ciuitas sine suffragio a bien pu devenir une citoyenneté romaine non diminuée grâce à la loi Plautia Papiria, il n’en reste pas moins que les Étrusques ont été expropriés, que leur terre est devenue un ager publicus Populi Romani, un territorium disponible à tout moment61. Les guerres civiles expliquent conjoncturellement qu’on ait disposé de terres, par vengeance ou par nécessité. Mais le fondement juridique de ces prélèvements est antérieur aux affrontements.
25Nous avons étudié ailleurs l’effet de la lex Sempronia sur les terres d’Arretium, de Ferentium et de Tarquinies62. Cette lex Sempronia est celle de Caius, qu’il faut distinguer, comme l’a fait Plutarque63, de la loi de Tibérius. Celle-ci consistait en une reprise de sols occupés d’une part, en une dotation de ces terres pour reconstituer une paysannerie de l’autre ; celle-là établissait une limitatio publique de centuries de 200 jugères à partir de laquelle des colons recevaient des lots privés. Trois déductions seulement dans le cadre gracchien montrent ce qu’on sait pour d’autres régions : les dépossessions furent beaucoup plus importantes que les établissements. Encore l’une d’elles se place-t-elle sous Auguste, qui utilisa le système gracchien comme d’autres employèrent, à diverses époques, la lex Iulia64.
26Essayons de remonter le temps. Certains passages font soupçonner qu’il y eut dérogation à la règle gracchienne : c’est le modus de la iugeratio qui a guidé l’arpentage à Arretium, non la centurie de 2 400 pieds. Celle-ci existe, certes, mais elle n’est qu’une possibilité parmi d’autres. Il y a plus : les autres centuries ne sont pas des multiples de la précédente. Il faut bien admettre que la centurie ne soit, ici, que seconde. Elle doit se modeler sur un autre système. Il y a tout lieu de penser, compte tenu de ce que nous savons par ailleurs, qu’il était antérieur aux Gracques. Il en est de même sur l’ager Corfinius, où les marqueurs anciens ont été utilisés, et pour les procédés mis en oeuvre sur les terres de l’oppidum Afile ou à Suessa Arunca65. Contentons-nous de trois cas qui concernent Véies, les oppida, l’origine des limites.
27« Colonie de Véies : avant d’être assiégée, sa terre a été assignée aux soldats à partir d’une loi Julia. Par la suite, ceux-ci venant à être en nombre insuffisant, le divin Auguste avait décidé dans le cadre du cens de les assimiler au droit de cité de la Ville. De fait, les terres ont été assignées à diverses époques et par les divins empereurs. Le système est exposé ainsi : autour de la ville (oppidum) de Véies sont des espaces naturels qui tiennent le rôle de limites. Mais ils ne coïncident pas sur plusieurs milliers de pas. Aussi des bornes, pour certaines siliceuses, d’autres en travertin, ont-elles été posées dans ces espaces. […]. Si les bornes ne sont pas assez rapprochées, on utilisera le cours des ruisseaux. Dans certains cas cependant, elles conservent sur plusieurs milliers de pieds les lignes droites et les terres séparées depuis leur origine jusqu’à leur terme. Pour éviter qu’on se figure qu’il faille suivre les rives qui débutent dans le corps d’une terre et qui tombent sur le côté qui la clôt, la loi des limites les a disqualifiées à l’avance, afin que vous ne suiviez jamais ce que le pouvoir supérieur des limites ou le tracé des lignes droites n’a pas confirmé. Toutefois, si du fait d’une convention, les parties ont décidé entre elles que les rives devaient être protégées, on ne doit pas l’imputer à la ligne droite66, mais la foi doit s’appliquer à l’action de fixer les limites67 ». L’information se poursuit pour rendre compte de l’organisation d’une région de plaine et de forêts attribuées par Auguste à des vétérans, en proportion de leur grade, avec emploi de limites maritimi, le bornage initial ayant été complété par Hadrien, entre Véies et Aurélia, pour en revenir à Véies : « Une zone située à l’intérieur de l’Étrurie, près de la colonie de Véies, a été assignée dans sa totalité avec des limites “qui coupent” (intercisiui), comme je l’ai indiqué plus haut. Dans ce territoire, toute la terre a une superficie réduite à l’emploi de jugères, comme cela est défini sur le bronze68. »
28Cela laisse une impression de complexité. Le souvenir d’un siège, qui semble renvoyer à des temps beaucoup plus anciens que ne l’indique le document, l’expression « ad urbanam ciuitatem », qui fait de la colonie une image de Rome, l’insuffisance de soldats pour occuper les lots, si près de Rome pourtant, l’immensité des terres inoccupées, la concurrence entre la linéarité et la nature, l’emploi de l’expression oppidum Veios dans un texte où les oppida sont en rapport avec des réalisations de second rang, tout cela traduit une situation chaotique dont l’origine remonte à la deuotio de 396, la prise de Véies ayant bouleversé la situation de l’ager Romanus en le doublant d’un seul coup, posant le problème de l’occupatio, faisant que « le contenu des rogatiae agrariae devient plus précis et se détache de toute corrélation avec la fondation de colonies69 ». Quatre ans plus tard, un sénatus-consulte avait alloti son territoire, distribuant aux pères de famille romains et aux libres vivant sous leurs toits sept jugères par personne, ce qui implique la possibilité d’utiliser, d’une manière ou d’une autre, d’autres terres, qu’elles fussent demeurées communautaires ou qu’elles aient fait l’objet d’une occupation individuelle, sans oublier que la devotio devait nécessairement être annulée pour que la partie du sol qui avait été vouée aux divinités infernales fût utilisable. Ella Hermon a remarquablement analysé les conséquences sociales et juridiques de cette pénétration en Étrurie70 et nous nous permettons de renvoyer le lecteur à son ouvrage, pour en revenir aux oppida.
29Le texte nous apprend brièvement qu’« une partie de la terre autour de Portus sur le Tibre a été assignée en jugères et confiée à des habitants d’oppida, et cela leur a été attribué en en estimant la fertilité71 ». Il est plus disert à propos de « La colonie de Sutrium : elle a été déduite à partir d’habitants d’oppida. D’abord, les limites avaient été dirigés vers l’orient. Ensuite, ils ont été réduits de tous côtés. Et, bien que toutes les terres aient été assignées d’après le mode de superficie en jugères, cependant les spécialistes ont inscrit dans le cens que les terres suivraient, pour une part d’entre elles, la nature du lieu, c’est-à-dire qu’ils ont constitué des pièces en forme de gamma (gamnatos) et des pièces étendues en largeur (scamnatos), selon la nature des rives et des levées de terre, et ils ont mesuré les sommets des collines72. Quant aux bornes, ils les ont placées pour partie en pierre, les autres en bois, qui sont nommés pieux de sacrifice. Elles sont distantes les unes des autres de 400 pieds, ou de 500, 600, 700, 800, 900, 1 000, 1 200 pieds. Du reste, en raison de la nature d’un lieu, on a marqué un repère sur les rives ».
30La comparaison entre les deux notices établit l’utilisation de la iugeratio pour les habitants d’oppida, communautés indigènes, parfois enclavées à l’intérieur des terres d’une colonie, conservant pourtant leur propre condition73. La description de Sutrium est particulièrement intéressante car elle illustre le fait que cette colonie, qui n’avait pas été constituée de soldats ou de vétérans, mais d’oppidani, avait vu sa limitatio réduite à des bandes en forme de gamma et de scamna. Frontin, décrivant « la terre divisée et assignée, [qui est] celle des colonies », distingue celle qui est généralement contenue par des limites de celle qui est délimitée en longueur, par strigae, ou en largeur, par scamna74 ». Or, cette seconde forme a pour origine la destruction rituelle de la centuriation d’une ancienne cité latine75. Le document a simplement remplacé, du fait de l’influence du grec, importante chez les arpenteurs tardifs, les strigae par les gamma, qui ont la même forme, puisqu’il s’agit toujours de gamma majuscules dans les textes et les vignettes gromatiques, tandis que les strigae vont du sud au nord76.
31Ces remarques nous conduisent aux deux phrases qui closent le chapitre consacré à la Tuscie. Celui-ci venait d’être interrompu par la description de la terre picénienne d’Ancone, l’interruption s’expliquant par le fait que son organisation avait été réglée par la même loi que celle de Florence : « La terre anconaise, à partir de la même loi que la terre florentine, a été assignée par les limites augustéens. Elle a des kardines et des decimani, ou, si vous aimez mieux, des limites maritimi ou montani. De l’Orient à l’Occident, ceux qui ont été ordonnés à la groma, on appelle cela « qui passe par le centre » (diametralis). Du midi au septentrion, le limes qui coupe le cercle est nommé « diagonale verticale » (uerticalis diagonalis) : ainsi, une partie bien déterminée de la Tuscie a ces limites. Et ils sont nommés d’après la doctrine des haruspices étrusques ou règle des Anciens. Tous les autres limites ont été indiqués, sur les plans (formas) et les titres (inscriptiones), à partir des dénominations d’angles divers (polygoniorum)77ou de lettres grecques78 ».
32Ces limites maritimi, plus sacrés, plus justes, plus fréquemment prévus en ligne droite, ne subissant pas de distorsion79, liés à Rome elle-même80, viendraient donc de la doctrine des haruspices étrusques. La relation entre cette science et la limitatio, qui serait conforme au système du monde, à la course du soleil et à l’axe du monde, a été développée par Hygin l’Arpenteur sous les Flaviens, comme nous l’avons vu, ainsi que par Frontin81, tous deux se référant à Varron. Nous ne saurions reprendre ici les points de vue des savants. Les Étruscologues sont souvent favorables à l’idée d’une origine étrusque de la limitatio, tout en refusant de voir dans l’haruspice le gromaticus82. Les Romanistes s’y opposent, beaucoup d’entre eux faisant valoir que la fondation augurale est un rite latin83. Nous ferons simplement quelques remarques : la limitatio et l’établissement de frontières, marquées par les tular, n’appartiennent pas à la même catégorie mentale : la première établit une structure, la seconde établit une séparation ; l’acte de fondation au moyen de la groma crée un axe majeur, origine d’un système orthonormé. Il crée le point central si l’espace est libre, comme ce fut le cas pour la colonie d’Admedera84 ou pour le camp de l’armée impériale85. Il est, de ce fait, impossible de croire qu’il soit à l’origine du pomoerium, espace sacré qui borde une ville86 ; l’espace étrusque n’est repérable dans le système romain que si l’on accepte que les références aux quatre points cardinaux et aux distinctions entre Pars Antica et Pars Postica soient obligatoirement étrusques ; en revanche, la ratio romaine a pour base l’orthogonalité et un système angulaire de 60 et 3087 : cela ne correspond pas à la division du monde en seize régions ; la confusion entre limitatio et centuriatio s’explique par la relation étroite qui s’est établie entre elles88, mais il ne s’agit pas de la même réalité : la première inscrit une trame publique dans un espace ; la seconde s’insère dans le cadre et a vocation de créer des lots privés. La centurie carrée de 200 jugères est la plus courante, mais est-elle attestée avant Caius Gracchus, admirateur des Grecs qui utilisaient l’expression « parfait comme un carré89 » ? Et pourtant, une centurie – qui recèle le nombre cent –, fait, quand elle est composée de 200 jugères, irrésistiblement penser à une assignation des bina iugera de l’heredium quiritaire.
33Quoique cette recherche des origines s’impose à l’esprit, nous avons, dans ce dernier paragraphe, quitté le réel pour explorer les références culturelles, c’est-à-dire le mythe, et nous nous égarons dans un labyrinthe où se mêlent de multiples apports qu’il est bien difficile de faire concorder. Rien n’est plus normal, en fait, quand on considère ce que fut Rome, conquérante souvent sans état d’âme, mais culturellement accueillante. Nous pensons, en revanche, que l’examen de la plupart de ces écrits tardifs permet d’obtenir des résultats qui s’appliquent à l’Histoire. Ils sont susceptibles de fournir une date plausible pour la prophétie de Végoia et de la mettre en relation avec la 4e églogue de Virgile, d’avoir quelques lueurs sur l’organisation coloniale qu’obtinrent des oppida indigènes, de constater que tout un courant de spécialistes de l’administration centrale civile, sous les empereurs flavio-antonins comme sous la dynastie valentino-théodosienne, restait attaché à l’idée que le système rationnel de l’espace humanisé était une création de la science étrusque, conforme à la tradition des Anciens et, pour Hygin l’Arpenteur et Frontin, à la nature stoïcienne.
Notes de bas de page
1 Peyras J., « Les Libri Coloniarum et l’œuvre des Gracques », Autour des Libri Coloniarum. Colonisation et colonies dans le monde romain, Colloque, Besançon 16-18 octobre 2003, Gonzales A., Guillaumin J.-Y. (éd.), Besançon, 2006, p. 47-63.
2 Sur la datation, la formation et la transmission du corpus, sur le milieu dans lequel il fut élaboré, nous avons exposé notre point de vue dans Peyras J., « Les missions des arpenteurs au Bas-Empire », Index, Quaderni camerti di studi romanistici, International Survey of Roman Law, Napoli, 32, 2004, p. 93-105.
3 Le texte porte « Neutorius » (Blume F., LachmannK. und RUDORFF A., Die Schriften der römischen Feldmesser, Erster Band, Texte und Zeichnungen. Gromatici ueteres ex recensione Caroli Lachmanni, Diagrammata edidit Adolfus Rudorffius, Berlin, 1848, p. 358, mais le nom est d’autant plus suspect qu’un extrait du Code Théodosien inclus dans le même codex Gudianus (Lachmann, p. 269), comporte la même forme erronée, alors que nous savons par ailleurs que plusieurs adresses, conservées dans les corpus juridiques, furent faites à « Neotorius » (cf. Seek O., Regesten der Kaiser und Päpste für die Jahre 311 bis 476 n. Chr., Vorarbeit zu einer Prosopographie der Christlichen Kaiserzeit, Stuttgart, 1919, p. 459 [en 380, 381, 385, 390]).
4 Toneatto L., « Tradition manuscrite et éditions modernes du Corpus Agrimensorum Romanorum », Cadastres et espace rural, approches et réalités antiques, Table ronde de Besançon, mai 1980, Paris, 1983, p. 21-50.
5 Grâce à la traduction de Heurgon J., dans La vie quotidienne chez les Étrusques, Paris, 1961, p. 284.
6 Mommsen T., « Die Libri Coloniarum », Die Schriften der römischen Feldmesser, zweiter Band, Berlin, 1852, p. 172 (La Tuscia annonaria et la Tuscia urbicaria existèrent entre 400 et 459 ; Théodose II fut empereur de 408 à 450).
7 Mommsen T., op. cit., p. 172-173 (la Sardaigne et la Corse disparaissent des listes à partir de l’occupation vandale, en 439).
8 Lachmann K., op. cit., p. 350-351.
9 Il s’agit d’un renvoi à l’extrait « Ex libris Magonis et Vegoiae auctorum », cf. Lachmann K., op. cit., p. 348-350, cf. infra. Idem peut aussi être un nominatif pluriel renvoyant à libri ou aux deux auteurs.
10 Le datif Arrunti correspond au nominatif Arruns. Ce nom fut porté par un fils de Tarquin le Superbe (LIV., I, 56, 7 ; 2, 14, 5). Il signifierait « puîné » en étrusque selon Benoist E. et Goelzer H. (Nouveau dictionnaire latin-français, Paris, 9e éd., 1922, p. 134, s. v. Arruns), serait une forme de prénom étrusque, « Arnth », d’après Pailler (Plutarque, Vies parallèles, trad. A.-M. Ozanam A.-M., Paris, 2001, p. 296, n. 53). Plut. (Cam., 15) écrit « Arrôn » au nominatif.
11 Le datif laisse supposer un nominatif Veltymnus. Voltumna (en fait Velthumena), « deus Etruscorum Princeps » selon VARR. (L., V, 46), fut le dieu du fanum Voltumnae du territoire de Volsinies où, à partir du Ve siècle, se réunissaient les délégués des douze peuples, puis du sanctuaire de l’Aventin où il fut transféré en 264 (Jannot J.-R., Devins, Dieux et Démons. Regards sur la religion de l’Etrurie antique, Paris, 1998, p. 164-165).
12 R. Petitpré nous suggère de comprendre « ex aere et terra remotum ». Lachmann propose, sous réserves, de corriger « ex aethera remotum » en « ex aere et terra natum » (p. 350, apparat critique). Heurgon J. (« The date of the Vegoian prophecy », JRS., 1959, p. 41 sq.) traduit : « Sache que la mer a été séparée du ciel ».
13 En revanche, quand régnait Saturne, « Avant Jupiter, nul cultivateur ne traçait des sillons ; certes, la loi divine ordonnait que la campagne ne fût ni bornée ni partagée par un limes » (Ante Iouem nulli subigerant arua coloni ;/ne signare quidem aut partiri limite campum/fas erat, VERG., G., I, 125-127), cité par MACR., Sat., I, VIII, 3.
14 Lachmann proposait sous réserves de comprendre « saepta » ou « sancita ». La leçon « scita » ne paraît pas demander de correction.
15 Notons la formule juridique malo dolo.
16 Turnèbe, pensant que « quis » ne donnait pas de sens satisfaisant, le supprima (Lachmann F., op. cit., apparat critique, p. 350, 22). Nous le suivons. Heurgon traduisait : « Ces bornes, lorsque quelqu’un, un jour, mû par l’avarice du VIIIe siècle finissant, fera fi des biens qui lui ont été accordés et convoitera ceux des autres, les hommes, par manœuvres coupables, les violeront, les toucheront et les déplaceront. »
17 * Caelerius, pour celerius.
18 LachmannF., op. cit., p. 350-351, d’après les codices Gudianus et Palatinus.
19 Rejoignant ainsi Zancan L. (« Il frammento di Vegoia e il nouissimum saeculum », Atene e Roma, 7, 1939, p. 213).
20 Contrairement à ce qu’écrivit Jannot J.-R. (À la rencontre des Étrusques, Rennes, 1987, p. 239-243), qui approuve l’action des Gracques, lesquels auraient voulu mettre fin à une situation économique et sociale qui aurait été catastrophique en 136 (d’après Plut., T. Gracch., 8, 9), et qui souligne qu’« un grand nombre d’Étrusques » ont sympathisé avec le courant marianiste, puis avec Sertorius et Catilina. Si nous laissons de côté la prophétie puisque nous n’avons aucune certitude sur sa date, il reste que d’autres sources donnent l’impression d’une économie productive, soixante-dix ans auparavant il est vrai (LIV., XXVIII, 45), et d’une résistance aux structures voulues par Caius Gracchus (Libri coloniarum). De fait, les classes sociales d’Étrurie, étrusques ou allogènes, s’opposaient. L’existence de grands domaines est indiscutable, et c’est une situation qui perdura, puisque l’empereur Aurélien proposa d’y installer des familles de prisonniers de guerre (H. A., Aurel., XLVIII, 1-4), mais il demeure que la révolution agraire, du fait que les prélèvements de terre n’aboutirent que partiellement à l’établissement de paysans, contribua, elle aussi, à maintenir une organisation latifundiaire dans beaucoup de secteurs.
21 Lachmann F., op. cit., p. 225.
22 Heurgon J., op. cit., 1959, p. 41-45.
23 Plut., Syll., 7.
24 Serv., B., 9, 45.
25 À propos de l’influence étrusque sur la philosophie religieuse de Virgile, le rapprochement que fait Prétextatus entre deux vers de la 4e Églogue (43-44) et un passage de la traduction latine du Traité étrusque des prodiges de Tarquitius mérite d’être relevé (MACR., Sat., III, VII, 1-2).
26 Hygin l’Arpenteur, L’établissement des limites, Corpus Agrimensorum IV Hygini Gromatici Constitutio Limitum, Naples, 1996, p. 48-49 (époque flavienne). Texte traduit par M. Clavel-Lévêque, D. Conso, A. Gonzales, J.-Y. Guillaumin, Ph. Robin, avec le concours de G. Aujac, O. Behrends, I. Buti, L. Capogrossi-Colognesi, M. Caveinc, F. Coarelli, Ph. Von Cranach, F. Grelle, J.-R. Jannot, L. Labruna, M. -J. Pena, J. Peyras, S. Ratti, F. Reduzzi, B. Vitrac.
27 Lachmann F., p. 350-351.
28 Jannot J.-R., op. cit., 1998, p. 28.
29 Martin R., Recherches sur les agronomes latins et leurs conceptions économiques et sociales, Paris, 1971, p. 37-52.
30 Le texte qui précède cet extrait dans le folio 31 du Gudianus concernait les monumenta sepulchraue uetanorum placés par Mysrontius et Latinus. Il est donc probable qu’il s’agisse de monuments funéraires.
31 « Pumicas habent ». L’accusatif pluriel renvoie à un nominatif singulier « pumica ». Les dictionnaires connaissent le substantif « pumex », qui est rendu, suivant les cas, par « pierre ponce », par « pierre poreuse », par « roche érodée ». Il ne faudrait pas en conclure qu’on a affaire à du « latin de la décadence ». Un texte technique n’est pas un morceau de littérature et l’on voit mal de la pierre ponce marquer les limites. En revanche, des pumites stratiformes, roches de même origine que la pierre ponce, souvent très dures, mais trop boursoufflées pour servir d’outils ou d’armes, étaient aptes à délimiter les confins.
32 Lachmann F., op. cit., p. 347-348.
33 Lachmann F., op. cit., p. 310-341.
34 Lachmann propose : « Idem partes Tusciae Florentiae quam maxime palos iliceos picatos pro terminibus sub terra defiximus ». Il ne s’agit pas de « partes Tusciae », mais d’une pars Tusciae, celle-là même dont Florentia faisait partie, qui avait été l’objet d’une « Loi sur les opérations de limitation et de mesurage » (Lex agris metiundis partis Tusciae […], dans le Liber coloniarum I, cf. Lachmann F., op. cit., p. 211). Nous adoptons donc le texte qui fut publié par van der Goes (Rei Agrariae Auctores legesque uariae quaedam nunc primum, caetera emendatiora prodeunt cura Wilelmi Goesii, Amstelredami, 1674, p. 257), en enlevant les crochets qui encadrent indûment « Florentia ».
35 Cette information trouve son complément dans une phrase de « Gaius et Theodosius auctores » (Lachmann F., op. cit., p. 345-346) : « Stellam iuniorem super picitos palos consecrauimus : et ut inuenias rationem, inter se habent pedes CCCCXI », « Nous avons consacré une étoile à son lever au-dessus des pieux enduits de poix : et, pour que tu découvres le système, [sache qu’]ils ont entre eux 411 pieds ».
36 Lachmann F., op. cit., p. 340 : « Litterae singulares quae in terminis prouinciae Tusciae scriptae sunt, quam maxime in territorio Volaterrano, se inuicem ostendentes, id est : […] ».
37 Les termini cursorii sont des bornes qui permettent de retrouver l’organisation du système.
38 Trifinia, quadrifinia : il vaut mieux éviter de traduire par « limites de trois (ou quatre) propriétés », d’une part parce que le mot « propriété » est flou, d’autre part, et surtout, parce que les arpenteurs étaient préoccupés initialement de marquage de l’espace public. Par exemple, les litterae singulares de Volterra concernent le territorium, c’est-à-dire la terre juridiquement publique.
39 Lachmann F., op. cit., p. 346 : « Terminus testacius in p. CCCCL. Per Tusciam urbicariam et annonariam ueteranorum agri secundum modum iugerationes acceperunt : qui termini distant a se in ped. CC, in ped. CCCC, in p. D. Per terminos cursorios de trifiniis in quadrifiniis haec mensura constat ».
40 Lachmann F., op. cit., p. 303-304.
41 Dans la création d’une ville il est vrai. Nous aurons à revenir sur la limitatio.
42 Jannot J.-R., Hygin l’Arpenteur, op. cit., p. 2-5.
43 FAVORY F., Gonzales A. et Robin P. : « Témoignages antiques sur le bornage dans le monde romain », RACF, 33, 1994, p. 220, n. 24.
44 Hygin l’Arpenteur, op. cit., p. 18-19 : « Secundum antiquam consuetudinem limites diriguntur quare non omnis agrorum mensura in orientem potius quam in occidentem spectat. In orientem sicut aedes sacrae. Nam et antiqui architecti in occidentem templa recte spectare scripserunt. Postea placuit omnem religionem eo conuertere, ex qua parte caeli terra inluminatur. Sic et limites in orientem constituuntur. »
45 Jannot J.-R., op. cit., 1998, p. 28 (avec renvoi aux articles de PRAYON F. : « Deorum Sedes », ArchClass., XLIII, 1991, p. 1285-1295 et « Sur l’orientation des édifices cultuels », Colloque Les Étrusques, les plus religieux des hommes, Rencontre de l’École du Louvre, Paris, 1997, p. 357-371).
46 Jannot J.-R., op. cit., 1998 p. 28-29, 169.
47 Lachmann F., op. cit., p. 302 : « Omnis possessio Siluanum colit ? Quia primus in terram lapidem finalem posuit. Nam omnis possessio tres Siluanos habet. Unus dicitur domesticus, possessioni consecratus. Alter dicitur agrestis, pastoribus consecratus. Tertius dicitur orientalis, cui est in confinio lucus positus, a quo inter duo pluresue fines oriuntur. Ideoque inter duo pluresue est et lucus finis. »
48 Incipit Liber Augusti Caesaris et Neronis, Lachmann F., op. cit., p. 209.
49 Le fait qu’il soit question de « prouinciae » en Italie, que les noms de ces provinces, Tuscia par exemple, soient tardifs, qu’il ne soit question ensuite que d’une « pars Tusciae » qui reflète la division qui fut opérée, sont normaux dans le cadre du document, l’administration mettant à jour les données qu’elle utilise.
50 Néron étant désigné par un seul nom, il faut admettre que le livre ait été établi après sa mort, sinon il aurait porté, comme Auguste, le cognomen de Caesar. Son absence prouve, comme ailleurs l’absence du mot diuus, sa damnatio memoriae. En revanche, pour des raisons pratiques, ses actes furent entérinés.
51 MOMMSEN T., op. cit., p. 172-176.
52 Cf., d’une part, Grelle F. : « Struttura e genesi dei Libri coloniarum », p. 67-85 (avec les interventions de L. Toneatto, O. Behrends. et E. Gabba), Das römische Feldmeßkunst, Interdisziplinäre Beiträge zu ihrer Bedeuntung für die Zivilisationsgeschichte Roms, Herausgegeben, Göttingen, 1992, p. 67-87 ; d’autre part, le colloque cité n. 1.
53 Dilke O. A. W. (The Roman Land Surveyors. An introduction to the Agrimensores, Nexton Abbott, 1971, p. 185, n. 4) écrivait que « Claude César » pouvait être Claude Ier : qu’il ait commenté une loi traitant de l’Étrurie ne saurait étonner quand on connaît le goût qu’il avait pour l’histoire de ce pays. Mais les chercheurs sont le plus souvent de l’avis de MOMMSEN (op. cit., p. 160, n. 16) qui pensait que le texte originel portait C. IVLI CAESARIS.
54 Nous laissons de côté la glose intruse que Lachmann (p. 212) a mise entre crochets. Nous avons essayé de rétablir les premières lignes du texte, celui-ci variant suivant les manuscrits, dans notre article cité n. 1
55 Lachmann F., op. cit., p. 212 : « Qui conduxerit, decimanum latum ped. XL, kardinem latum p. XX facito, et a decimano et kardine m (aximo) quintum quemque facito ped. XII, ceteros limites subrunciuos latos p. (VI) II facito. Quos limites faciet. In his limitibus reciproce terminos lapideos ponito ex saxo silice aut molari aut ni deteriore, supra terram sesquipedem. Facito crassum pedem, item politum rotundum facito, in terram demittito ne minus ped. IIV(emis). Ceteros terminos, qui in opus erunt, robustos statuito, supra terram pd. II, crassos pedem I(bes), in terram demittito ne minus ped. III, eosque circum calcato, scriptos ita ut iusserit. Quod subsiciuum amplius iugera C erit, pro centuria procedito ; quod subsiciuum non minus iugera quinquaginta, id pro dimidia centuria procedito. Hoc opus omne arbitratu C. Iuli(i) Caesaris et Marci Antoni(i) et Marci Lepidi. »
56 Lachmann F., op. cit., p. 217 : « Colonia Nepis eadem lege seruatur qua et ager Faliscorum. »
57 Lachmann F., op. cit., p. 213 : « Colonia Florentina deducta a triumuiris, adsignata lege Iulia, centuriae Caesarianae in iugera CC, per kardines et decimanos. »
58 Lachmann F., op. cit., p. 211-225.
59 Macr., Sat., III, 10-13.
60 Jannot J.-R., op. cit., 1987, p. 237-238.
61 Siculus Flaccus (Les conditions des terres, Siculi Flacci de condicionibus agrorum, texte traduit par M. Clavel-Lévêque, D. Conso, F. Favory, J.-Y. Guillaumin, Ph. Robin, Napoli, 1993, 21-33) évoque les Étrusques parmi les citoyens chassés de leurs terres, désormais qualifiées de territoria tant ils avaient été terrifiés, l’occupation individuelle qui suivit, la diversité des conditions foncières du fait des guerres, des intérêts du Peuple romain ou, « comme le disent certains, de l’injustice » (quae aut casibus bellorum aut utilitatibus populi Romani aut ab iniusticia, ut dicunt).
62 Cf. supra, n. 1.
63 Plut., C. Gracch., XXVI, 1 ; cf. aussi LIV., Periochae, 60. La loi de Caius, telle que la présente Plutarque, ne concernait que le domaine public, c’est-à-dire la partie prélevée par la loi que son frère avait mis en œuvre.
64 Peyras J. : « Colonies et écrits d’arpentage du Haut-Empire », Histoire, Espaces et Marges de l’Antiquité 2, Hommages à Monique Clavel-Lévêque, Paris, p. 115-119.
65 Cf. Peyras, supra n. 1.
66 La lex limitum s’applique dans le cas général. S’il y a convention privée (conuentionis causa), la definitio (action de fixer les limites) se fait dans le cadre de la fides sur la base d’un accord visant à maintenir les berges en l’état (eas… custodiendas), et non sur la base du recturae cursus (qui entre dans le cadre de la De rigore controuersia sur la condition des confins).
67 Lachmann F., op. cit., p. 220-221 : « Colonia Veios prius quam oppugnaretur, ager eius militibus est assignatus ex lege Iulia. Postea deficientibus his ad urbanam ciuitatem associendos censuerat diuus Augustus. Nam uariis temporibus et a diuis imperatoribus agri sunt designati. Cuius ratio sic ostenditur : circa oppidum Veios sunt naturae locorum quae uicem limitum seruant. Sed non per multa milia pedum concurrunt. In quibus etiam termini siti sunt pro parte silicei et alii Tiburtini. […]. Quod si spissiores non sunt, riparum cursus seruatur ; harum tamen quae per multa milia pedum recturas separationesue agrorum ab initio suo usque ad occursum custodiunt. Et ne eas ripas sequendas sperarent quae intra corpus agri nascuntur et in suo latere decidunt, lex limitum eas praedamnauit. Ne id aliquando sequamini quod maior potestas limitum recturarumue cursus non confirmat. Sed si conuentionis causa eas partes inter se custodiendas censuerunt, non recturae inputendum est, sed concurrenti definitioni fides adhibenda. »
68 Lachmann F., op. cit., p. 223 : « Pars autem intra Etruriam proxime coloniam Veios omnis limitibus intercisiuis est adsignata, ut supra ostendi. In quo territorio omnis ager iugerationis modum habet collectum, sicut in aere est nominatum ».
69 Hermon E., Habiter et partager les terres avant les Gracques, Rome, 2001, p. 117.
70 Hermon E., op. cit., p. 117-125.
71 Lachmann F., op. cit., p. 222 : « Nam pars agri quae circa Portum est Tiberis, in iugeribus adsignata adque oppidanis est tradita, et pro aestimio ubertatis professionem acceperunt. »
72 Lachmann F., op. cit., p. 217-218 : « Colonia Sutrium ab oppidanis est deducta. Ante, limites contra orientalem recturam dirigebantur. Postea, ex omni latere sunt extenuati. Et licet omnes agri ad modum iugerationis sint adsignati, tamen pro parte naturam loci secuti artifices agros censuerunt, id est fecerunt gammatos et scamnatos, riparum et coronarum natura, et iuga collium sunt emensi. Terminos autem pro parte lapideos posuerunt, alios uero ligneos, qui sacrificales pali appellantur. Qui distant a se ped. CCCC, p. D, ped. DC, ped. DCC, ped. DCCC, ped. DCCCC, ped.°, et ped.° CC. Ceterum pro natura loci designatum est in ripis. »
73 Hygin : L’œuvre gromatique, Corpus Agrimensorum Romanorum V Hyginus, Luxembourg, 2000, p. 52-53, 77. Texte traduit par O. Behrends, M. Clavel-Lévêque, D. Conso, A. Gonzáles, J.-Y. Guillaumin, St. Ratti avec le concours de L. Capogrossi-Colognesi et J. Peyras.
74 « Frontin, Les catégories de terres », Les arpenteurs romains, t. I : Hygin le Gromatique, Frontin, Paris, 2005, p. 148, texte établi et traduit par Jean-Yves Guillaumin.
75 Behrends O., « Bodenhoheit und privates Bodeneigentum im Grenzwesen Roms », p. 237-241, Das römische Feldmeßkunst, Interdisziplinäre Beiträge zu ihrer Bedeuntung für die Zivilisationsgeschichte Roms, Herausgegeben, Göttingen, 1992, p. 237-241.
76 Lachmann F., op. cit., p. 206.
77 La liste des limites des codices Arcerianus A, Gudianus, Palatinus, Erfurtensis (Incipiunt nomina limitum, cf. Lachmann, p. 247-248) comprend des limites qui se réfèrent à des angles, non à des polygones. Ce sont les pierres de limites qui portent des noms de polygones et de lettres grecques (Ex libro Balbi nomina lapidum finalium, cf. Lachmann F., op. cit., p. 249-250).
78 Lachmann F., op. cit., p. 225 : « Ager Anconitanus ea lege qua et ager Florentinus est assignatus limitibus Augusteis. Siue k (ardines) et d (ecumanos) uel maritimos aut montanos limites (habet). Ab oriente ad occidentem qui in groma sunt designati, qualis diametralis appellatur. De meridie in septentrionem qui circulum secat, uerticalis diagonalis appellatur ; nam quaedam pars Tusciae : his limitibus et nominibus ab Hetruscorum aruspicum doctrina uel maiorum designatione nuncupatur. Ceteri limites iuxta formas et inscriptiones polygoniorum nomina acceperunt, uel ex litteris Graecis ».
79 Incipit expositio limitum uel terminorum, cf. Lachmann F., op. cit., p. 359-360 : « Omnes limites maritimi aut Gallici una factura current. Quoniam sanctio est, id est iustior uidetur, maritimus limes frequentius solet recte studiri, quod interpretatur non extorcet, sed est constitutus ita (fig. 343). »
80 Ibid. : « Contra, Vrbis [Babylonis] Roma maritimi limites fient, et Gallicus inpinget » : « En conséquence, les limites maritimes de la Ville de Rome seront mis en place, et le limes gaulois refoulé ».
81 « Frontin, Les catégories de terres », Les arpenteurs romains, t. I : Hygin le Gromatique, Frontin, op. cit., p. 157-158.
82 Jannot J.-R., dans Hygin l’Arpenteur, op. cit., p. 2-5, n. 1.
83 Cf. Behrends O., op. cit., p. 213-239, qui développe les sources, et Guillaumin J.-Y. dans Frontin, Les catégories de terres, dans Les arpenteurs romains, t. I : Hygin le Gromatique, Frontin, op. cit., p. 168, n. 8, qui fait état de la bibliographie.
84 Hygin l’Arpenteur, op. cit., p. 58-61.
85 Pseudo-Hygin, Des fortifications du camp, texte établi, traduit et commenté par Maurice Lenoir, Paris, 1979, p. 6, 12.
86 Contrairement à ce que voulut montrer Raymond Bloch dans Tite-Live, Histoire romaine, t. I, Livre I, Paris, 1985, p. 144-147.
87 Peyras J, « Textes et pratiques gromatiques, Écrits d’arpentage de l’Antiquité tardive : les casae litterarum de l’Arcerianus A », DHA, 31.1-2005, p. 154, n. 41.
88 C’est le cas pour Siculus Flaccus (op. cit., p. 58-59, 202), qui écrivait sous les Tétrarques, entre 292 et 312.
89 Arstt., Nic., I, 10, 11, qui l’emprunte à Simonide.
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