Chapitre IX. La monnaie de Jean IV à Arthur III (1364-1458)
p. 307-348
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Texte intégral
1Après la bataille d’Auray, Jean IV se retrouve seul maître du duché. D’un point de vue numismatique, la première décennie du règne est marquée par un parti-pris d’originalité. Les types nouveaux se multiplient, et servent à affirmer la volonté de souveraineté du duc, mais trahissent peut-être aussi des difficultés financières. L’exil de Jean IV en Angleterre dans les années 1370 et l’occupation de la Bretagne par Charles V marquent un tournant, que souligne l’adoption de représentations inédites. Il faut attendre la crise qui secoue l’économie française à la fin des années 1410 pour assister à nouveau à des changements. Pendant ce demi-siècle, les choix monétaires ducaux varient considérablement, tantôt inspirés de ceux du roi, tantôt marqués par une volonté d’originalité. Reflet des difficultés de la monarchie, la crise qui affecte le royaume puis la Bretagne a des effets désastreux sur la valeur de la monnaie et les échanges. Face à ces difficultés, le duc réagit très efficacement, en suivant de près la monnaie royale, puis en innovant sous la contrainte des faits. À partir de 1421, Jean V décide de rompre avec la tradition d’imitation et développe des types spécifiquement bretons. Après 1442, François Ier ne change pas grand-chose au système mis en place par son prédécesseur, et la continuité l’emporte encore sous Pierre II et Arthur III.
Les monnaies de 1364 à 1379
2Jean IV, légitimé par la victoire d’Auray (1364) et le premier traité de Guérande (1365), renouvelle radicalement les variétés de pièces en circulation. Après l’imitation du blanc au K de Charles V (1365), les séries légendées au lion et aux hermines transforment les types. Les trésors enfouis probablement lors des opérations militaires des années 1370, qui voient le retour des armées françaises en Bretagne et l’exil du duc (1373-1379), permettent de dater convenablement ces séries.
Les émissions monétaires de Jean IV
Chronologie
3Cinq trésors nous apportent des renseignements très intéressants sur les émissions monétaires de Jean IV entre 1365 et 1374, en particulier les deux trésors de Saint-Pol-de-Léon1.
Tableau 48. – Les émissions monétaires bretonnes dans les années 1365-1373 et leur présence dans les trésors. Source : Corpus des trésors.

4Ces trésors datent des années 1364-1373 et ils permettent d’analyser la circulation à cette époque2. L’enfouissement de Josselin I, qui contient des gros et demi-gros au lion à la targe, sans les autres types, pourrait être le plus précoce car l’émission de cette pièce semble avoir été fugace et de peu d’importance. Le gros à l’écu heaumé fait ensuite son apparition et figure dans les dépôts de Vannes II bis et de Guérande. Par la suite, le botdragger et le lion à la mante remplacent ce modèle. La targe dans un entourage polylobé, le gros à légende I DVX et le double à l’hermine font, semble-t-il, également partie du début des années 1370. Une ardoise de faux-monnayeur vient appuyer cette chronologie : découverte à Plouhinec en 1978, elle comporte cinq gravures faites au compas, dont le revers d’un blanc au K et le revers d’une monnaie hybride, très proche de la targe de Jean IV3. Cet objet vient confirmer la coexistence du gros au K et des premières targes de Jean IV. Une autre donnée est plus difficile à utiliser. Le 21 février 1372, le duc et le roi d’Angleterre s’entendent pour que les monnaies de l’un et de l’autre aient cours en Bretagne et en Guyenne, mais cet accord ne permet hélas pas de mieux dater les trésors4. En effet, on trouve des monnaies anglaises dans tous les trésors retenus, sauf dans celui de Saint-Pol II qui est probablement le plus tardif et celui où l’écart entre la monnaie la plus ancienne et la plus récente est le plus étroit (10 ans), ce qui traduit un enfouissement d’urgence de monnaies alors en circulation, et non le fruit d’une thésaurisation lente et assidue. Il faut enfin souligner le grand nombre de types monétaires pour une période relativement courte. La seule monnaie qui semble s’inscrire dans la durée est le gros à l’écu heaumé, qui compte au moins trois émissions, lesquelles trahissent un affaiblissement de l’aloi. L’arrivée définitive de Jean IV au pouvoir ne s’est donc pas caractérisée par une période de stabilité, et le contraste est net par rapport au royaume voisin, où elle est de règle sous le règne de Charles V.
Typologie des émissions monétaires (1364-1379)
5On peut rassembler, de façon assez formelle, ces espèces en trois groupes, les types légendés, ceux au lion et à l’hermine. Une étude plus large permet de traiter l’ensemble en vue d’en tirer des conclusions stylistiques et politiques.
Les types légendés
6Pour Jean IV, la reprise du blanc au K de Charles V marque la fin d’une longue période d’imitation, et il faut peut-être y voir une des origines de la série originale portant un texte dans le champ.
Le blanc au I couronné (Rennes) et son modèle royal. Jézéquel 186 et Duplessy 363.

7Il s’agit probablement de la première monnaie frappée après la guerre de Succession. Émis à partir de 1365, le modèle donne un bon repère chronologique5. Si la monnaie ducale reste inspirée du modèle royal, les différences sont malgré tout sensibles, spécialement la couronne à trois hauts fleurons qui est remplacée sur la pièce bretonne par le cercle ducal, qu’il faut rapprocher de la statue en bois polychrome de la chapelle saint Fiacre du Faouët.
Le gros à légende I DVX, le double et le denier (Nantes). Jézéquel 262, 265 et 269.

8Le gros à légende I DVX est connu pour les ateliers de Nantes, Rennes et Vannes et a peut-être fait l’objet de deux ou trois émissions, différenciées par la ponctuation. Cette espèce évoque une pièce de Jean le Bon, reprise par Charles de Blois et Jean IV6. Le nouveau gros est plus équilibré et d’une esthétique beaucoup plus réussie. Placer le nom du duc dans le champ permet de gagner de la place pour la légende d’avers, qu’il faut compléter par l’inscription du champ et comprendre : I (ohannes) DEI GRACIA DVX BRITANIE. On peut rattacher à cette série un double et un denier. Le double porte IOH, entre deux barres, avec une moucheture en chef et l’autre en pointe, et il existe un denier qui porte un I accosté de deux hermines7.
Les types au lion
9La présence du lion de Montfort, plus proche des types féodaux traditionnels, permet de regrouper quatre types monétaires très attachants.
Le double-gros botdragger (Rennes). Jézéquel 251.

10Dom Lobineau nous apprend qu’à partir de 1367, Jean IV fait battre de nouvelles monnaies8. Alors qu’habituellement ces remarques numismatiques font directement référence aux actes qu’il donne dans ses Preuves, dans le cas présent il ne précise pas ses sources, et rien ne permet de dire où il a puisé l’information. Si l’on accepte cette date, on peut y raccrocher les monnaies de type flamand, en particulier le gros botdragger flamand de Louis de Male (1356-1384), frappé vers 1365 et copié par plus de 20 principautés9. Il a donc pu être émis en Bretagne dès le milieu des années 1360, pour être abandonné en 1373. Il faut voir dans cette imitation une volonté d’intégrer le duché dans les circuits commerciaux du Nord de l’Europe, en particulier vers la Flandre, à une époque où les deux principautés entretiennent des liens très suivis, comme l’atteste la carte des trouvailles de monnaies flamandes en Bretagne10. Cette monnaie est intéressante à plus d’un titre. Elle est parfaitement intégrée dans l’iconographie des Montforts et il semble qu’elle soit à l’origine du style qui marque la numismatique bretonne des années 1365-1374. On y trouve en effet le petit lion de Montfort assis entre les cornes du heaume, symbolique qui réapparaît sur le gros à l’écu heaumé. Par ailleurs, l’épicycloïde ou polylobe de l’avers, promis à une belle fortune, fait ici son apparition. Quant au revers, il est à l’origine de la croix feuillue qui caractérise le gros à l’écu heaumé mais aussi le gros au lion accroupi. L’utilisation en Bretagne du psaume 70, + DEVS IN ADIVTORIVM MEV (m) INTEN (de) est une nouveauté, appelée elle aussi à un grand succès11. L’explication peut être millénariste ou politique. Si l’on se place dans l’hypothèse d’une émission suivant de près la victoire à Auray, il faut transformer la supplication, Dieu, viens à mon aide, en affirmation, Dieu est venu à mon aide, et sous-entendu, m’a donné la victoire.
Le blanc à la mante (Nantes). Jézéquel 258.

11On retrouve sur le gros à la mante le lion de Montfort, la croix feuillue de revers, et la ponctuation florale sur certaines pièces. Le peu d’exemplaires et de variétés connus indique une frappe assez limitée dans le temps comme en quantité12. Beaucoup de ces monnaies ont fait l’objet de surfrappe sur la lettre d’atelier de revers, et il est possible qu’un seul centre ait fourni les coins de Nantes, Rennes et Vannes13.
Le gros et demi-gros à l’écu heaumé (Vannes). Jézéquel 247 et 250.

12De toutes ces monnaies rares, le gros heaumé est le plus abondant, dans les trésors comme sur le marché numismatique14. Cette pièce d’assez grande taille, plus ou moins 28 mm, représente un écu incliné, semé de 10 hermines posées 4 3 2 1 (ou 3 2 1 pour le demi), surmonté d’un heaume à voilette portant un cimier, deux cornes, entre lesquelles est assis le lion de Montfort à double queue. Le tout s’inscrit dans un polylobe interrompu par les cornes et la pointe de l’écu. La légende est classique : IOHANNES DVX BRITANIE. Au revers, on voit une croix feuillue, avec au centre une quintefeuille dans un quadrilobe. La légende est plus originale : DEVS IN ADIVTORIVM MEVM INTENDE. Il existe des variantes de texte, de ponctuation et de cantonnement de l’écu, par deux ou quatre points. Les variétés de ponctuation relèvent de la fantaisie du graveur puisqu’on les trouve associées sur plusieurs exemplaires15. L’absence ou la présence de points autour du motif principal relève d’une autre logique. Bigot constate que les monnaies sans point sonnent bien, alors que les autres non, ce que les collectionneurs ont aussi relevé16. Il faut donc voir dans ces variétés trois émissions distinctes, d’aloi de plus en plus bas. La répartition par atelier est caractéristique, avec des monnaies connues pour Nantes, Rennes et Vannes, mais aussi pour Jugon, ce qui est plus surprenant.
Tableau 49. – Les gros à l’écu heaumé. Source : Jézéquel, Les monnaies…

13Pour J. de Mey, ce type monétaire est inspiré de l’Est de la France. Pour Y. Jézéquel, il reprend le gros heaumé de Jean Ier de Lorraine (1346-1389), qui combat à Auray dans les rangs de Charles de Blois. Il est relativement facile de réfuter cette hypothèse traditionnelle17. Nous ne partageons pas non plus l’opinion de Jean Duplessy sur le gros à l’écu heaumé et le botdragger breton. Il y voit des imitations des monnaies d’Adolphe Ier, comte de Clèves (1368-1394)18. Cette hypothèse se heurte à plusieurs objections. Contrairement à ce qu’affirme l’auteur, il n’y a pas de Weisspfennig dans le trésor de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, et c’est monnaie inexistante dans le domaine français, dont on ne connaît aucun exemplaire en Bretagne19. De plus, Adolphe de Clèves copie lui aussi, comme l’atteste son botdragger. Enfin, l’intérêt d’une telle imitation est quasi nul, d’un point de vue économique comme politique, même si le parallèle est déconcertant. La sigillographie offre ici une occasion inespérée d’étude comparée. Cette pièce rappelle en effet trois sceaux de Jean IV, les troisième et quatrième sceaux privés, et le troisième signet20.
Signet de Jean V, 1402. DM II, planche x, sceau clxxx.

14Le quatrième sceau privé est rond, et porte un écu penché, chargé de 10 mouchetures posées 4 3 2 1, timbré d’un heaume à deux cornes aux armes, sommé d’un lion de Montfort à queue fourchue assis entre les deux cornes. Le blason est supporté par deux lions mantelés, celui de droite d’un échiquier au franc quartier d’hermines, celui de gauche d’un lion à queue fourchée. On en connaît 11 exemplaires, allant du 4 juillet 1381 au 18 décembre 1398. Le sceau privé offre quelques ressemblances avec le précédent, en particulier la targe herminée surmontée d’un heaume à cornes et d’un lion de Montfort, mais le reste du décor est sensiblement différent. De même, le troisième signet porte un heaume à cornes, surmonté d’un lion de Montfort. Il est daté de 1372. Comme on peut le remarquer, le modèle que l’on retrouve sur les pièces est dans l’air du temps. Par rapport au quatrième sceau privé, la monnaie présente des différences de détail mais pas de composition, car le champ d’une pièce n’offre pas les mêmes possibilités que celui d’un sceau. Par contre, le graveur a rajouté une jolie bordure polylobée. La décoration du heaume est donc traditionnelle dans l’iconographie montfortiste, et l’on retrouve cornes et lion sur les sceaux équestres de Jean IV, Jean V et François II21.
Le gros et le demi-gros au lion accroupi (Nantes). Jézéquel 252 et 255.

15Il existe une grande parenté stylistique entre le gros au lion accroupi et celui à l’écu heaumé. À l’avers, on retrouve le polylobe décoratif qui entoure le motif principal. Les revers sont aussi très proches, mais la croix feuillue est moins travaillée, ce qui allège l’ensemble. La légende et la forme des lettres sont similaires, ainsi que la ponctuation, par annelets, points ou fleurs22. De plus, comme sur la monnaie à légende I DVX, la revendication de la grâce de Dieu apparaît en légende d’avers.
Les types à l’hermine
16Un troisième et dernier ensemble regroupe les monnaies dont les mouchetures d’hermines sont le principal ornement. On y trouve en particulier la targe, forme nouvelle de l’écu, qui va rapidement devenir le symbole de la monnaie bretonne. Il s’agit d’un bouclier échancré, dans lequel l’homme d’armes cale sa lance, ce qui permet de mieux assurer sa résistance aux chocs dans les combats. Cette forme de bouclier apparaît au début du xive siècle. La première à être représentée se trouve en Belgique sur une pierre tombale datée de 132123. En Bretagne, une des premières mentions remonte à 1356 : dans une montre de Foulques de Laval, Alain du Bois comparaît avec son porte-targe24. Après la bataille d’Auray (1364), le corps de Charles de Blois est retrouvé « couvert d’une targe25 ».
Blanc à la targe (Rennes). Jézéquel 274.

17La targe figure pour la première fois en Bretagne sur le gros au lion accroupi. Dans le courant des années 1364-1374, le lion disparaît et la targe reste seule. Cette monnaie spécifiquement bretonne remporte un grand succès dans le duché, continuellement reprise de Jean IV à Anne. Les premières représentations sur les monnaies sont de forme ovale, échancrées à droite.
Le double à l’hermine passante (Nantes). Jézéquel 293.

18Le double à l’hermine s’insère également fort bien dans son époque. La targe accolée rappelle le type précédent, et nous en aurions fait une divisionnaire si le revers n’avait été différent. Ce dernier se rapproche beaucoup de celui des monnaies d’inspiration flamande, avec une croix feuillue simplifiée. La représentation d’un animal « au naturel » est rare dans la numismatique médiévale française, avec le lion flamand et ses imitations, et les moutons royaux, mais on trouve également des félins « au naturel » sur des deniers de la Guyenne anglaise, qui apparaissent dès le règne d’Edouard Ier26. Ce thème garde la faveur des ducs d’Aquitaine, qui le font figurer sur des monnaies d’or, sous Edouard III (13271377) 27et Henri V (1413-1422)28. Si ces pièces ont pu influencer Jean IV dans son choix, le double breton est quand même différent, par suite de la présence de la targe accolée et du revers d’inspiration flamande.
Le double au polylobe (Vannes). Jézéquel 292.

19Le double au polylobe apparaît comme le dernier témoin des monnaies de l’époque de la guerre de Succession29. Si l’avers ne correspond pas à un type royal, le revers est caractéristique des monnaies de Jean le Bon et Charles V, sur lesquelles la croix longue recroisetée est présente de 1348 30 à 136431. Elle disparaît par la suite. Il faut donc placer ce double juste après 1364, et il a peut-être servi de divisionnaire au blanc au I couronné. Il n’est connu avec certitude que pour l’atelier de Vannes32.
Une symbolique très riche
20La bonne connaissance d’une série monétaire sur une période de dix ans permet de réfléchir à l’expression de la symbolique ducale à ce moment de l’histoire. Par le type, le pouvoir exprime en effet un message accessible à tous, alors que les légendes s’adressent à un public plus cultivé. Un tableau de synthèse autorise une approche globale, pour ne pas dire statistique, l’échantillon étant assez restreint et la durée de circulation des espèces étudiées mal connue.
21Parmi les symboles utilisés, les mouchetures d’hermines sont les plus fréquentes, ce qui n’est pas surprenant puisque c’est le blason breton depuis 1316. Elles figurent même sur la targe que l’hermine au naturel porte au cou. On sait que Jean IV y tient beaucoup. Lors d’une rencontre avec le roi à Tours en janvier 1392, pour évoquer des conflits de souveraineté, le duc lui reproche de tolérer que Jean de Bretagne, fils de Charles de Blois, porte les armes « plaines » de Bretagne « qui n’appartiennent à autre qu’à moy33 ». De manière étonnante, le polylobe arrive en deuxième position. Il entoure le motif central et comble le vide du champ. Il n’est pas sans rappeler la décoration des églises de l’époque, en particulier les entourages de vitraux. Dans le gothique flamboyant qui règne alors en Europe, les artistes ont souvent « horreur du vide » et comblent le moindre recoin d’une façon ou d’une autre. Le lion de Montfort, symbole de la nouvelle dynastie apparaît quatre fois, très bien mis en page sur le botdragger, le lion à la targe et le lion à la mante. Il faut y voir la volonté d’imposer son animal fétiche, symbole de force et de pouvoir. L’écu est discret, mais la targe a déjà du succès. Enfin, le cercle ducal est présent sur le blanc au I imité du blanc au K de Charles V et avec les cornes sur le botdragger et le gros à l’écu heaumé. Les ducs hésitent encore à user franchement de la couronne à hauts fleurons et ces pièces confirment le caractère de copie de la couronne du royal de Charles de Blois. Notons enfin que la monnaie qui accumule le plus de symboles est le gros à l’écu heaumé et c’est probablement ce qui explique son succès.
Tableau 50. – Symbolique des monnaies dans les années 1365-1373. Source : Jézéquel, Les monnaies…

Charles V et la Bretagne (1373-1380) 34
22Après le traité de Guérande, le duc adopte une politique de neutralité entre France et Angleterre. Jean IV est fortement endetté envers Edouard III, et les Anglais sont toujours présents dans le duché comme dans l’entourage du prince. En décembre 1366, le duc prête l’hommage simple à Charles V, refuse de reconnaître la ligesse et tend à négliger ses obligations vassaliques. Dans le duché, l’opinion publique naissante est fluctuante, par suite de l’instauration du fouage, de l’opposition des Penthièvre et d’une anglophobie latente. Cela amène l’entourage du duc à préparer un traité avec le roi d’Angleterre en juillet 137235, pour faire pendant à la pression permanente exercée par le roi sur les élites politiques du duché, Jean IV commet une erreur capitale, car le texte arrive rapidement entre les mains du roi de France, et quand des troupes anglaises débarquent à Saint-Malo en avril 1373, les grands, travaillés par la propagande du roi, contraignent le duc à partir en exil (28 avril). Le duc d’Anjou, frère du roi et époux de Marie de Penthièvre, devient lieutenant-général du roi en Bretagne, et l’administration royale se déploie dans le duché. Le 18 décembre 1378, Charles V décide de réunir la Bretagne à la France, commettant à son tour une erreur capitale d’appréciation des sentiments politiques bretons. Une ligue patriotique se constitue, associant nobles et bourgeois, et prend contact avec Jean IV, qui fait un retour triomphal à Dinard le 3 août 1379. Faute de véritable conviction de part et d’autre, la guerre attendue n’a pas lieu, et la mort de Charles V permet rapidement la signature, le 15 janvier 1381, du second traité de Guérande qui met fin au conflit.
23Les documents monétaires qui subsistent pour le temps de l’occupation française sont d’une utilisation très difficile. D’après Dom Morice, le roi ordonne au vicomte de Rohan, un des tenants de l’opposition à Jean IV après du Guesclin et Clisson, de prendre 1 000 francs d’or par mois pour son état sur les profits du monnayage de Vannes et sur les autres revenus de sa lieutenance36. Ce texte pose plus de problèmes qu’il n’apporte de réponses, ne serait-ce qu’en raison d’une datation surprenante puisque, d’après le savant bénédictin, les édits sont de janvier 1372. À cette date, même s’il s’agissait d’une mauvaise interprétation du style de Pâques, donc janvier 1373 (N.S.), rien n’est encore décidé à la cour sur le sort de la Bretagne. Si on place le texte en janvier 1374, rien ne s’éclaire pour autant. Rohan est bien un partisan du roi37, mais il n’est pas lieutenant-général. Dans l’état, il faut donc écarter cette pièce et ne retenir que la suivante. Le 17 septembre 1374, Charles V émet un mandement sur les monnaies de Bretagne38. Il envoie en Bretagne Martin de Foulques, général maître des Monnaies, pour prendre en main les ateliers de Nantes, Rennes et Vannes, « et y faire faire et forger telles et semblables monnoyes derrenièrement ont été faictes oudit païs ». Les monnaies frappées auparavant sont décriées, sous peine d’amende pour ceux qui s’en serviraient, ce qui explique peut-être leur rareté. Le roi donne aussi pouvoir à Martin de Foulques d’instituer des monnayeurs, mais aussi des changeurs « par toutes les bonnes villes dudict païs ».
Le double attribué à Charles V par Bigot. Bigot 840.

24Pour Bigot, une monnaie correspond parfaitement à la description donnée dans la lettre de Charles V. Il s’agit d’un double qui porte à l’avers + MONETA BRITANIAE, et au revers la même légende. Dans le champ, on voit trois mouchetures d’hermine fleurdelisées, posées 2 et 1, et au revers une croix pattée39. Poey d’Avant reprend l’attribution, sans remettre en cause le choix de Bigot40. Tous deux en notent la rareté, qu’ils attribuent à la brièveté de l’émission et aux refontes qui ont suivi le retour de Jean IV41. Caron admet lui aussi cette classification42. Dans les années trente, Dieudonné émet des doutes sur la validité de cette interprétation, sous prétexte que le mandement dit écu, et ne parle pas de trois mouchetures43. De plus, on ne frappe pas de double en 1374, et la pièce a le module d’un double. Il pourrait s’agir de la contrefaçon d’un type royal postérieur à 1374, les trois lis étant remplacés par trois hermines44. Y. Jézéquel se range à cet avis, et pose la question suivante : « Aucune autre monnaie au type donné par l’ordonnance de Charles V n’ayant été retrouvée, on peut se demander si elle fut suivie d’effet. » Tout va en effet dans le sens d’un rejet de l’attribution de Bigot. Ce n’est pas pour cela qu’il faut penser qu’il n’y a pas eu de frappes monétaires durant ces six années, mais il est probable que ces monnaies ont été refondues rapidement après le retour de Jean IV. L’on sait que les monnaies de Charles de Blois disparaissent de la circulation bretonne dès 1364, et pourtant leur nombre était particulièrement important. Celle de Charles V rejoint la liste des monnaies bretonnes hypothétiques. Notons enfin que le mandement royal envisage la reprise de types bretons, affectés d’une modification de titulature. Cette méthode a pour but de faciliter l’intégration du duché dans le royaume et elle sera reprise après 1491, jusque dans les années 153045.
Le temps des imitations
25Après le retour de Jean IV en Bretagne, les types monétaires changent à nouveau. Le duc fait preuve désormais de plus de pragmatisme, mais aussi de moins d’imagination dans le choix des motifs.
Des monnaies d’inspiration royale
26La transition entre les monnaies de Jean IV (mort en 1399) et Jean V (1399-1442) est difficile à établir, d’autant que les deux souverains portent le même nom et ont émis des séries communes… Tous les auteurs se sont heurtés à ce problème et l’ont surmonté avec plus ou moins de bonheur46. Tout en créant des modèles spécifiques, Jean IV et Jean V ont imité les monnaies royales jusqu’aux années 1410, sans pour autant négliger les types étrangers. Un des avantages de cette attitude pour l’historien est que les émissions royales sont habituellement bien datées, ce qui permet de préciser en partie la chronologie des frappes ducales.
Les monnaies royales et leurs imitations bretonnes, guénar (Nantes), double (Nantes) et denier (Nantes), gros au lis (Vannes). Jézéquel 297, 304, 312 et 354 ; Duplessy 377, 381, 393 et 394.

27Le phénomène d’imitation correspond à un affaiblissement progressif du titre de la monnaie. Par exemple, le titre du guénar passe de 0,479/1 000 à 0,212/1 000, sans que le poids ne varie vraiment. On rencontre en outre des différents spécifiques qui semblent indiquer des émissions bretonnes supplémentaires, marquées le plus souvent par des ponctuations que l’on ne retrouve pas sur les prototypes royaux47. Dans le cas du double tournois, il y a aussi concordance des émissions, d’autant plus nette que les ateliers bretons introduisent un différent d’atelier inutile dans la mesure où la lettre de fin de légende suffit à l’identification. Jean V imite enfin le gros au lis de Charles VI, frappé à partir de juin 141348. Cette monnaie se place dans un contexte bien particulier. Il s’agit pour le roi de répondre à la menace cabochienne. En effet, l’ordonnance cabochienne stipule le renforcement de la monnaie, au fil de ses 258 articles, et c’est la seule concession qui est véritablement suivie d’effet49. Elle prend la forme du gros aux lis, au titre de 931/1 000, d’un poids de 2,893 g et au cours de 20 dt. Cette pièce est accompagnée d’un demi et d’un quart. À l’avers, on voit trois lis posés dans le champ, et au revers une croix fleurdelisée. Les divisions sont au même type. Pour la Bretagne, on ne connaît que le gros, sorti des ateliers de Jugon, Nantes, Rennes et Vannes50.
Une pièce originale : le blanc au champ d’hermines
28Contrairement aux pièces précédentes, ce blanc est spécifique à la Bretagne, et n’est pas une imitation. Ce type apparaît pendant la guerre de Succession, avec un double et un denier51. Il est à nouveau frappé après l’exil de Jean IV, mais les trésors ne nous apprennent rien sur sa chronologie dans la mesure où les trouvailles, bretonnes ou non, datent pour ainsi dire toutes de la fin des années 1410 et des années 1420. Les autres sont trop mal datées ou trop mal décrites pour nous être d’une quelconque utilité. La Chronique de l’Anonyme de Saint-Brieuc nous apprend qu’en 1394 « currebat moneta argentea in Britannia, quolibet albo argenteo X denarii turonensi valente, et parvi denarii nigri. In qua quidem moneta alba insculpte sunt in pila IX ermine52 ».
Le blanc aux neuf hermines (Jugon). Jézéquel 281.

29Les blancs courent donc à cette époque et ils continuent à être frappés après la mort de Jean IV jusqu’aux années de crise. Pour différencier les deux règnes, Bigot propose de donner à Jean V les monnaies avec annelet et celles de module plus petit53, et Y. Jézéquel reprend le même classement. Si l’on compare avec ce qui se passe dans le royaume, on constate que les annelets font leur apparition comme différent d’atelier lors de la réforme de Charles VI du 11 septembre 1389 seulement54. Au mieux peut-on penser que les blancs sans annelet sont antérieurs à 1389, les autres postérieurs. Les trésors indiquent que ces pièces circulent jusqu’en 1417 et un peu au-delà, avec les guénars55. Le classement des différentes séries reste difficile, mais nous pouvons nous appuyer sur quelques points certains. Les émissions les plus précoces, de bonne qualité, sans annelet ni O pointé, doivent être celles que les livres de changeurs indiquent comme « bon à l’oeil », à 5 d 6 gr, soit 437/1 00056. On trouve dans un deuxième temps les monnaies quiportent un O non pointé, peut-être avec celles à annelet, qui sont à 3 d 4 g, soit 264/1 000. Les dernières, avec le O de IOHANNES et de NOMEN pointés, sont à 2 d 16 g, soit 221/1 000. La pièce perd donc la moitié de fin entre le début et la fin des émissions. Un tableau récapitulatif selon cette discrimination autorise quelques remarques.
Tableau 51. – Les émissions de blancs aux neuf hermines par atelier et variété. Source : Jézéquel, Les monnaies…

30La première émission est de loin la plus importante, avec les deux tiers de l’ensemble. Le premier affaiblissement correspond à une baisse sensible de la production, phénomène qui s’aggrave avec la troisième émission. L’atelier de Nantes est nettement plus productif que ceux de Rennes et de Vannes. Brest, Dinan et Jugon ne sont pas vraiment concernés par l’affaire, et ne travaillent pas dans la durée. Ce sont des ateliers intermittents, dont la production est en général confidentielle et qui restent souvent très longtemps sans ouvrer. Par la suite Brest disparaît, de même que Jugon et Dinan, un peu plus tard pour ce dernier. La comparaison des titres avec ceux des monnaies royales permet de préciser un peu la chronologie, sous réserve que le duc ne monnaye pas à un titre plus faible ou plus fort (ce dernier cas serait surprenant)57. La symbolique de cette monnaie est très forte, car si le semé évoque les notions de pouvoir et de sacré58, l’hermine s’associe à la pureté par la blancheur de sa fourrure d’hiver et par sa réputation d’animal qui craint la boue59, et elle symbolise la richesse, du fait de son coût, et l’exercice de la justice et du pouvoir, puisqu’elle sert à fourrer les vêtements des officiers60. Il faut donc y voir un symbole de souveraineté, et sa présence dans le champ d’une monnaie ne peut être anodine.
La crise des années 1410 et ses conséquences sur la monnaie bretonne
31De 1417 à 1422, une très forte crise monétaire affecte le royaume comme les principautés. Pendant quatre ans, les populations vivent au rythme des émissions monétaires mensuelles, qu’elles soient sous tutelle royale, delphinale ou anglaise, et le duché de Bretagne n’y échappe pas. Les causes de la crise sont avant tout politiques61. La défaite d’Azincourt, la guerre civile et les difficultés militaires influent directement sur la monnaie. Malgré des efforts, en particulier pour ramener la monnaie à un bon niveau, comme le gros au lis de 1413, à 0,931 de fin62, la monnaie de Charles VI s’effondre lentement entre 1385 et 1417. À cette date, l’anarchie monétaire est à son comble puisqu’Henri V bat monnaie à Caen en septembre 1417, Jean sans Peur frappe des pièces au nom du roi, comme lieutenant du royaume, et à son nom en Bourgogne, et le dauphin, qui s’est enfui de Paris le 29 mai 1418, commence à en émettre à son tour. C’est Charles VI qui prend le premier l’initiative de sortir de la crise, le 19 décembre 1420, rapidement suivi par Henri V, le 6 mai 1421, le duc de Bourgogne le 25 octobre 1421, et enfin le régent le 15 septembre 142263. La stabilité revient rapidement en dehors des terres du « royaume de Bourges » où le désordre monétaire dure jusqu’en 1435, et les espèces nées à cette époque connaissent un succès durable, en particulier l’écu d’or à partir de janvier 1423.
Les étapes de la crise en Bretagne
32La crise peut être suivie en Bretagne comme ailleurs, avec une grande simultanéité. Dès les années 1409-1411, on constate que l’écu y est légèrement surévalué, au cours de 23 st au lieu de 22 s 6 dt dans le royaume à la même époque. La situation semble se stabiliser par la suite, mais au mois d’octobre une première dégradation se fait sentir car la Monnaie de Nantes travaille en plus bas aloi, et le duc fait fondre une partie de sa vaisselle pour financer son voyage vers le roi d’Angleterre à Alençon64. Au mois de février suivant, la valeur de l’écu s’élève à 30 st à Moncontour65. Dans le même temps, une florette de 20 dt copiée sur le modèle royal remplace le blanc aux neuf hermines66. Au mois de septembre 1421, la crise atteint son paroxysme et, à Moncontour, l’écu vaut 10 £67. Le redressement se manifeste à partir du mois d’octobre 142168. Le 4 octobre, le gros à cinq deniers devient la référence de la monnaie d’argent dans les comptes de la seigneurie de Lamballe, où il remplace le gros à 20 deniers. Le 13 décembre, le gros à deux deniers apparaît, aussitôt qualifié de bonne monnaie69. La crise n’est pas forcément une mauvaise affaire pour le pouvoir car la multiplication des émissions monétaires rapporte à chaque fois beaucoup d’argent. Il faut souligner à quel point la Bretagne suit l’évolution de la France anglo-bourguignonne, plus précisément celle des territoires occupés par Henri V, en Normandie, en particulier au moment où est prise la décision de redresser la situation, le 30 novembre 1421 (le 13 décembre en Bretagne), alors que dans la France delphinale, il faut attendre le 15 septembre 1422 pour assister à la réévaluation de la monnaie.
Les effets de la crise sur l’administration et les ateliers
33La crise affecte l’organisation de l’administration et des ateliers monétaires. La fonction de général maître est dédoublée, Perrin Léon et Jehan de Varades exercent en même temps70. Il est difficile de savoir sur quelle base leurs responsabilités ont été modifiées. Il est possible qu’il y en ait un pour l’or, que l’on recommence alors à monnayer, et l’autre pour l’argent. Jehan Mauléon, Jehan Périou et Raoul Guihénneuc sont receveurs du profit des monnaies, une nouvelle fonction71. Ils ont, semble-t-il, fort à faire, si l’on en juge par les sommes importantes qui transitent entre leurs mains. Le 6 décembre 1420, Jehan Periou reçoit mandement de payer 1 000 £ à Arthur de Bretagne72. Dix jours plus tard, Raoul Guihenneuc doit remettre 100 florins et 100 écus à un pèlerin73. Deux autres éléments peuvent être mis en rapport avec les nombreuses émissions de cette période, et avec la frappe de l’or. Le 30 septembre 1420, d’une part, Jean V « confirme, approuve, donne et octroie » aux monnayeurs leurs privilèges74. Cette mesure permet de s’assurer la fidélité du personnel des ateliers, confronté à une surcharge de travail. La frappe de l’or n’y est pas pour rien. En monnayant le métal jaune, le duc enfreint délibérément les instructions royales, et les monnayeurs ont peut-être mal réagi à cette nouveauté, et il faut dès lors les ménager.
34La crise affecte également le fonctionnement des ateliers. Les baisses de titre obligent le pouvoir à monnayer en masse pendant la crise, pour ne pas être en retard par rapport aux autres États, puis après 1421, pour éliminer de la circulation les monnaies décriées. De nouvelles officines viennent compléter celles déjà existantes, comme l’indiquent les blancs aux neuf hermines, qui sont frappés avant et pendant la crise, par l’atelier de Dinan, et peut-être celui de Brest, ainsi qu’à Rennes, Nantes et Vannes75. Par ailleurs, comme nous l’avons vu plus haut, il existe une florette de l’atelier de Morlaix, conservée dans la collection Beneut au Cabinet des Médailles76. Fougères pose le même problème chronologique. Un texte nous indique que l’atelier fonctionne entre 1414 et 1421, soit avant l’achèvement de la crise77. Enfin, Jugon a produit une imitation du gros aux lis (1417)78. Pour ces ateliers, on peut expliquer la maigreur de l’échantillon numismatique par une faible production, rapidement refondue après la période de dérèglement. Cette politique se poursuit après 1422, en vue d’éliminer rapidement de la circulation les espèces dévaluées. C’est alors que l’atelier de Redon vient compléter ce dispositif, avant le 28 juin 142279. À cette date, l’abbé s’oppose à la création d’un atelier monétaire et accorde un bail de 12 ans, à l’issue duquel les fournaises seront détruites et rendues à leur usage d’origine. Pour les émissions de blancs à l’hexalobe, les ateliers « périphériques » sont beaucoup plus présents, avec 4 variétés pour Redon, 12 pour Fougères et 3 pour Morlaix80.
35Les quelques mentions de versements d’argent permettent de se faire une petite idée de l’activité des ateliers. En octobre 1417, le duc envoie une partie de sa vaisselle à la fonte81. En 1419, 57 marcs et 1 once de « billon d’or & d’argient » sont versés aux ateliers bretons82. La mention ne détaille pas les quantités d’or et d’argent, et nous ne pouvons donc pas nous en servir. Par contre, vers 1420, la trésorerie de l’Épargne verse 2 500 marcs d’argent aux Monnaies83. Si l’on prend le titre de mai, à 200/1 000, cela représente 12 500 marcs d’œuvre, soit 3,059 t de métal à monnayer. Au poids théorique de la florette de 2,447 g à cette date84, le total de l’émission est de 1 250 270 pièces85.En juillet de la même année, l’ouverture des boîtes de Nantes rapporte 215 £ 1 s 8 d, soit le monnayage d’environ 40 marcs d’œuvre, ou 4 000 florettes86. En décembre, Jehan Périou verse 1 000 £ à Arthur de Bretagne87. En partant du même principe, on obtient une production de 280 marcs d’oeuvre, soit 28 100 florettes. Le mandement du 16 décembre 1420 est plus difficile à interpréter : Raoul Guihenneuc, receveur général du profit des monnaies, doit remettre 100 florins et 100 écus à un pèlerin88 ; si l’on ne tient compte que des florins, qui sont très certainement bretons, et si l’on place le seigneuriage de l’or entre 4 et 8 %, ce que le duc de Bourgogne prend à la même époque, on obtient une émission qui se situe entre 1 250 et 2 500 florins89.
Tableau 52. – Estimation de la production de monnaies en 1420.

36Les résultats sont intéressants dans la mesure où la documentation s’entrouvre pour livrer quelques chiffres de production. Il est beaucoup plus difficile en revanche de les faire correspondre aux émissions royales ou delphinales du fait que les différents d’émission employés dans les ateliers bretons ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux des ateliers royaux et delphinaux90. En parallèle, la crise a des effets sur le métal précieux sans qu’il soit possible de suivre précisément le phénomène.
Tableau 53. – Le cours du marc d’argent. Sources : AIV 1 F 626, DM II 981, Ogée, Dictionnaire…, t. ii, p. 122 et 124, Chauvin, Les comptes…, p. 55 et Favier, Finances et fiscalité…, p. 61.

Note 11
37Entre la fin de la guerre de Succession et 1397, le marc d’argent n’est affecté que par un très léger phénomène de hausse. Par contre, il double entre cette date et février 1418, pour redescendre ensuite à un taux raisonnable. Nous ne disposons hélas pas d’informations précises entre 1418 et 1421, au moment le plus fort de la récession.
38Un des effets les plus surprenants de la crise sur le monnayage est l’ouverture d’un atelier « breton » à Parthenay91. Il ne subsiste aucun document écrit sur cet atelier. Le 6 mai 1415, le roi confisque la seigneurie de Parthenay car Jean II l’Archevêque s’est lié aux Bourguignons. Le 23 mai suivant, il la donne à Richemont qui commence la lutte pour s’en emparer, mais il est fait prisonnier à Azincourt et part en captivité en Angleterre. Pour recouvrer sa liberté, il se range du côté anglais puis tourne casaque. Le 7 mars 1425, il est nommé connétable et reçoit une deuxième fois Parthenay le 24 octobre. Deux ans plus tard, il tombe en disgrâce et s’y retire. Pour se défendre face aux incursions des partisans de son rival, La Trémoille, il ouvre un atelier sans l’autorisation du roi, dont le différent est un P. Richemont n’a probablement pas monnayé l’or, par contre il émet des espèces d’argent, en particulier des florettes et des deniers tournois à la croix anglaise.
Tableau 54. – Les émissions monétaires d’Arthur de Richemont à Parthenay. Sources : Marcheville, « Les florettes… », p 128 ; Bailhache, « Recherches sur les ateliers… », p. 41-46, et Catalogue de la collection de Castellane, n° 372.

39Lorsque le 9 octobre 1429, le roi émet le blanc aux lis accotés, dont il renforce le titre par rapport aux émissions précédentes, l’atelier entre semble-t-il en sommeil puisque cette pièce n’a pas été retrouvée92. Le 28 mars 1431, Charles VII réduit de moitié le nombre des ateliers nés de la crise, et Parthenay fait partie du lot93. En 1432, Bedford essaie de faire entrer Jean V et Richemont dans son alliance. Le retournement attendu n’a pas lieu, et Richemont et son frère restent dans le camp français. Le 5 mars 1432, un traité signé à Rennes stipule que « ledit seigneur de Richemont cessera de faire forger monnaie en la ville de Parthenay ni en autre quelconque94 ». Rappelons qu’Arthur de Richemont n’est pas le seul à battre monnaie de façon illégale, et 11 autres chefs de guerre l’imitent « plus sans doute pour payer leurs troupes que pour s’enrichir aux dépens du roi95 ». Les différents de ces ateliers ne sont pas connus, à l’exception de celui de Parthenay, puisque le connétable a appliqué l’identification bretonne qui consiste à placer l’initiale de l’atelier en fin de légende.
La crise et la frappe de la florette
40La crise modifie un paysage monétaire déjà mobile, et le duc y trouve l’occasion de poursuivre la politique d’imitation des types royaux, à son profit bien sûr, en particulier par l’émission de florettes bretonnes.
Répartition par atelier de la production des florettes.

La florette royale et son imitation bretonne (Nantes). Duplessy 387 et Jézéquel 356.

41Cette pièce, au cours de 20 dt, est émise massivement par le roi de mai 1417 à mai 1420, mais aussi par le duc de Bourgogne, au nom du roi, de janvier 1418 à mai 1420, et en Bourgogne à son nom, et enfin par le dauphin, d’avril 1419 à juin 142296. Tout au long de la période, son titre s’effondre, et on ne compte plus que 0,026 d’argent dans la dernière émission du dauphin97. En parallèle, la circulation monétaire tend à se régionaliser car le délai entre cri et décri est trop court pour permettre une diffusion correcte des espèces. Le duc de Bretagne participe à ce mouvement, et il émet ses florettes à Morlaix98, Nantes, Rennes et Vannes99. Jean V imite indistinctement les émissions royales et delphinales, avec une tendance à se rapprocher des dernières100. Les sources prouvent que les ateliers bretons copient les émissions de mai 1417, septembre, octobre 1419, décembre 1420, janvier, février, mars et avril 1421, en attendant probablement d’identifier de nouvelles variétés. Ils suivent essentiellement les émissions delphinales, qu’ils imitent à partir de septembre 1419, et appliquent en cela une règle fort simple qui est de suivre les monnaies de plus bas aloi, de façon à faciliter leur circulation et éviter la thésaurisation ou la refonte. À partir de 1417, ces pièces remplacent dans la circulation les blancs aux neuf hermines101. Grâce à une documentation plus importante, le monnayage d’argent sort ainsi de l’ombre à cette époque ; il n’en va pas du tout de même pour l’or, pour lequel les questions en suspend restent très nombreuses.
L’or
42Avant d’aborder l’impact de la crise des années 1410 sur la frappe de l’or en Bretagne, il convient de revenir sur les antécédents possibles et d’évoquer quelques monnaies perdues comme l’ange ou le timbre d’or.
Un hypothétique monnayage d’or avant 1420
43La question des monnaies d’or de Jean IV et Jean V est un problème récurrent, et le scepticisme de certains chercheurs s’explique par le fait que deux monnaies d’or au moins sont mentionnées par les sources, mais n’ont pas été retrouvées. Le compte de Jehan Mauléon mentionne des vieils moutons, sans précision d’origine102. Par une interprétation hasardeuse, P. Soullard a fait d’une monnaie trouvée en Charente-Maritime une pièce bretonne103, mais H. Bordeaux remit rapidement en cause l’attribution, et la rendit au monnayage brabançon104.
L’ange d’or, d’après un jeton. La Nicolière-Teijeiro, Le livre doré…, appendice, p. 39.

44Le dossier est un peu plus fourni pour l’ange d’or. Un inventaire de 1450 décrit « une pièce d’or ronde, ou a ung ange d’un cousté, et une teste d’aultre105 ». Si la monnaie n’a pas été retrouvée, nous connaissons un jeton, publié dans le Livre doré de la ville de Nantes106. Il représente un ange qui tient dans les mains un tissu semé d’hermines posées 3 3 3, en forme de targe. La légende est originale : + AVE MARIA (deux croisettes) GRACIA (deux annelets) PLENA (trois points) DOMIN. Le motif du revers est classique, puisque c’est à peu de chose près le revers de l’écu des ducs François Ier et François II. La légende est elle aussi traditionnelle : + SIT NOMEN (deux croisettes) DOMINI (deux annelets) BENEDICTVM (fleur). L’objet est en plomb, de forte épaisseur si on en juge par le dessin, et pourrait aussi bien être un piéfort de la pièce. Le musée Dobrée en abrite un autre exemplaire, en laiton. Plusieurs arguments militent en faveur de la monnaie. La pièce reproduite se rattache plus à un type monétaire caractéristique qu’à celui d’un jeton, aux légendes plus fantaisistes et marquées par l’usage107. La formule mariale est originale dans le monnayage breton, un peu surprenante compte tenu du motif de la monnaie, mais elle est connue ailleurs108. Enfin, les éléments de ponctuation sont ceux que l’on retrouve sur les blancs aux neuf hermines de Jean IV et Jean V109. Si on en juge par le commentaire du timbre d’or, l’ange est plus petit, sans pour autant que l’on sache la taille de l’une ou de l’autre pièce. Le module du jeton est de 28 mm, un de moins que le salut. Le roi et d’autres princes ont émis des monnaies avec ce motif, comme Philippe VI, Henri VI, Philippe le Hardi en Flandre, et en Aquitaine Henri VI110. L’attribution de cette pièce à la deuxième moitié du règne de Jean IV ne pose pas de difficulté : il pourrait difficilement s’agir d’une monnaie de la guerre de Succession, marquée par l’imitation des pièces royales ou flamandes. Par ailleurs, le trésorier en 1450 n’a pas le souvenir d’avoir utilisé cette monnaie. Elle se place donc entre 1364 et 1420, date à laquelle Jean V émet les florins au cavalier.
Les contresceaux de Jean IV, 1371 et 1380. DM II, planche ix, sceaux clxv et clxvi.

45D’après la légende de l’avers inspirée de l’Annonciation, l’ange n’est autre que Gabriel, le messager préféré de Dieu. Qu’il tienne un tissu orné des armes de Bretagne relève de la même symbolique que la légende duc par la grâce de Dieu. Le duc tient son pouvoir de Dieu, lequel lui délègue Gabriel pour porter ses armes. La symbolique bretonne ne dit cependant pas un mot sur ce sujet. Le seul personnage mythique lié aux hermines de Bretagne est Agricor le beau géant : il figure dans le plus ancien des armoriaux arthurien et porte un blason d’hermine plain, mais il reste difficile d’expliquer pourquoi111. Par contre, le motif de la pièce reprend pour ainsi dire la gravure de Bouchart (début xvie siècle) où l’on voit la Vierge protéger Arthur de son manteau herminé. L’ange est aussi fréquent dans l’héraldique ducale, à l’époque de Jean IV, puisqu’on retrouve l’archange saint Michel tenant l’écu breton sur des contresceaux du duc112. La représentation de l’archange est éloignée de celle de la pièce, mais très proche de l’ange d’or de Philippe VI. Saint Michel est figuré terrassant le dragon. Il le transperce de sa haste au sommet cruciforme, qu’il tient de la main droite. Au bras gauche, il porte l’écu breton semé de mouchetures d’hermines. Le thème de l’ange porte-écu est aussi présent dans les heures de Pierre II113. Dans le missel des Carmes de Nantes, l’archange Gabriel protège la duchesse Jeanne de France, épouse de Jean V, et ses filles. Pour Christian de Mérindol, il évoque l’Annonciation, mais relève surtout de la symbolique de la Maison de France. Nous restons donc bien dans le cadre de la symbolique ducale, où cette monnaie a parfaitement sa place114. Il faut attendre désormais qu’un trésor nous en livre un exemplaire…
46Le document qui fait allusion à l’ange d’or évoque aussi une autre monnaie d’or : « Une autre plus grande pièce ou à devers la croix quatre hermines et de l’aultre part ung timbre115. » Si la description du revers est conforme à ceux des monnaies d’or de cette époque, l’avers laisse perplexe. Il est difficile de savoir ce que recouvre exactement ce timbre. Au Moyen Âge, le timbre est un terme de pelletier et peut évoquer une peau d’hermine116. Le timbre peut aussi évoquer le heaume dont un écu est surmonté, mais ces deux hypothèses ne nous apportent pas de solution avérée. Il pourrait alors s’agir du heaumez cité dans le compte de Jehan Mauléon, entre 1414 et 1422117. Tout au plus peut-on remarquer que cette pièce est plus grande que la précédente. En définitive, si les monnaies d’argent sont plus faciles à situer et à expliquer parce qu’elles ont été retrouvées, les monnaies d’or gardent encore leur part de mystère, malgré une documentation plus large mais d’interprétation d’autant plus difficile que les pièces de référence restent à inventer.
La crise des années 1410 et l’or
47La raréfaction de l’or est l’un des effets pervers de la crise. Si de 1417 à 1419, la circulation de l’or ne semble pas être affectée puisque les mentions de francs et d’écus restent nombreuses, la situation change à partir de février 1419 quand les prix du franc et de l’écu augmentent sensiblement118. Simultanément, ces deux monnaies disparaissent. Face à la pénurie et pour répondre à la demande, le duc décide d’émettre des monnaies d’or bretonnes, le florin, le moutonnet et le double.
Le florin au cavalier
48Cette monnaie apparaît dans quelques textes d’époque, et en particulier dans le compte de Jehan Mauléon, de 1414 au 23 mars 1422119, et on la trouve aussi mentionnée sous le nom de petit double120. Le 22 octobre 1419, un mandement stipule d’envoyer 700 florins à Guillaume Breillet, procureur du duc à Rome121, mais compte tenu du contexte italien, il peut s’agir de florins de Florence. Le 16 décembre 1420, Raoul Guihenneuc, receveur général du profit des monnaies, remet 100 florins et 100 écus à un pèlerin122. Hévin signale deux comptes inédits, dont un est explicite et mentionne neuf florins de Bretagne, l’autre plus vague ne précise pas l’origine des pièces123. Comme l’a montré Michel Dhénin, le poids de cette monnaie relève du système florin (2,94 g), et il faut situer la frappe de septembre-octobre 1420 au début de l’année 1421, à la suite les émissions d’or du dauphin. On en connaît deux émissions, la deuxième reconnaissable à la présence d’un O pointé124. Ces deux monnaies sont connues pour les ateliers de Nantes, Rennes et Vannes dans le cas de la première émission, mais seulement pour Nantes et Vannes pour la seconde125. Trois motivations ont pu jouer de la part de Jean V. Il s’agit tout d’abord de mener une politique d’indépendance visà-vis du roi, spécialement dans le domaine monétaire. Si l’on excepte Charles de Blois et ses imitations des monnaies royales pendant la guerre de Succession, et tant que l’on n’aura pas retrouvé de pièces d’or de Jean IV, Jean V est le premier duc à frapper l’or à son effigie, indépendamment d’une quelconque imitation d’un type royal. Cela va dans le même esprit que la systématisation de la formule Duc par la grâce de Dieu à la chancellerie ducale à la même époque126. Sur le plan intérieur, son prestige s’en trouve accru, et il réalise un « coup publicitaire » attaché à la très bonne image de l’or auprès des populations. Enfin, c’est un outil de commerce qui manque à la Bretagne du début du xve siècle, tributaire en ce domaine des espèces étrangères.
Le florin au cavalier de Jean V (Nantes). Jézéquel 319.

49La carte de répartition des frappes de florins a été réalisée à partir du nombre de coins connus par atelier. Quand elle est possible, cette méthode de calcul est la plus proche de la réalité des frappes monétaires. M. Dhénin mentionne 16 coins de revers (mobiles) pour le florin de Jean V. Si l’on estime que 10 000 florins ont été émis par coin (fourchette basse), on atteint un poids de 470,4 kg d’or et un total de 160 000 pièces. Ce document montre la grande activité de Nantes et Vannes, et la discrétion de Rennes pour cette période.
Répartition par atelier de la production de florins.

50Du point de vue de la symbolique, cette pièce est particulièrement intéressante. Le duc y est représenté armé en guerre, l’épée nue dans la main droite, le bouclier semé de trois hermines au bras gauche, sur un cheval au galop portant une housse à ses armes. Il porte sur la tête la couronne à hauts fleurons dont c’est une des premières représentations numismatiques en dehors des types copiés du roi de France. Le thème général reprend celui du franc à cheval, mais traité avec suffisamment de variété pour que la confusion ne soit pas possible. C’est un thème à la mode dans la noblesse princière et Jean V est aussi représenté de la même façon sur son deuxième sceau équestre (1414-1441)127. Sur le florin, l’ensemble est traité avec plus de raideur. Les jambes du cavalier donnent l’impression de traîner par terre, le groupe cavalier-monture apparaît raide et les proportions sont assez peu respectées. Pourtant, l’ensemble ne manque pas de vigueur. Les graveurs bretons sont encore mal à l’aise dans la réalisation de types aussi élaborés, et l’abandon des poinçons au profit des burins ne se passe pas facilement. Du point de vue de l’histoire militaire, la précision de la gravure permet de suivre les évolutions du harnachement128. Vers 1350, l’armure de plates triomphe du haubert. Il s’agit de plaques de fer, assemblées sur un tissu ou du cuir, qui protègent intégralement le corps dans le meilleur des cas. Sur les monnaies de Jean V subsiste une partie de surcot de mailles, qui juponne sous la cuirasse, élément qui disparaît sur les monnaies de François Ier129. Les armoiries sont traitées de façon à apparaître très clairement sur l’écu et la housse du cheval, voire le vêtement du prince, la couronne et le cimier facilitent l’identification du personnage. Dans cet esprit, le florin est un des éléments de la symbolique ducale et il convient de restituer son importance politique.
De quelques monnaies hypothétiques
51Les archives recèlent d’autres monnaies d’or frappées à cette époque. Entre 1420 et 1429, les comptes mentionnent à plusieurs reprises des mouton-nets. Il peut difficilement s’agir de celui de Jean le Bon (1350-1364). Cette rare monnaie royale, de 12 s 10 dt, a été émise entre janvier et mars 1357. Elle n’apparaît jamais en Bretagne à cette époque, encore moins entre 1364 et 1420, que ce soit dans les textes ou les trésors. Par contre, en 1420 et 1426, on relève cinq mentions de moutonnez, et ils figurent dans le compte de Jehan Mauléon130. Il est aussi mentionné en 1420-1422 dans les comptes de Lamballe, pour la valeur de 13 s 4 d131. En 1420, on note parallèlement un paiement de 9 moutonnets132. Cette monnaie est toujours utilisée à Lamballe en 1422-1423, au même cours, et dans le compte de Jehan Droniou, du 13 avril 1423 au 1er novembre 1426, 15 moutonnets sont enregistrés133. Une des dernières mentions se trouve dans une quittance du duc d’Alençon, datée du 8 mai 1429, qui détaille les espèces d’or, dont des moutonnets134. La documentation converge pour indiquer la présence en Bretagne entre 1420 et 1423 d’une monnaie qui reste encore inconnue135. Elle est signalée par l’enquête sur les droits royaux et ducaux de 1455. Jean Orège, de Dinan, déclare que
« le duc Jehan, ayeul du duc de présent, fit faire monnoie d’or petite comme moutonnets, et […] le duc Jehan, père du duc de présent, en fit faire que l’on appelait florins de Bretagne136 ».
52Il y a certainement confusion de date, puisque le florin et le moutonnet sont de la même époque137. Le duc n’est pas le seul à frapper une petite monnaie d’or : Charles VI émet le 11 août 1421 un demi-salut d’or, de 12 s 6 d138. Deux ans plus tard, le 9 octobre 1423, Charles VII renouvelle l’opération avec un demi-écu d’or de la même valeur139. Si l’on tient compte de la parité entre la monnaie bretonne et la monnaie tournois qui s’établit à partir des années 1420 à un renforcement de 20 % de la livre ducale, la pièce de 13 s 4 d vaut 15 st, soit la valeur du petit écu d’or du 3 juillet 1413 et de l’angelot d’or d’Henri VI du 24 mai 1427140. Entre 1417 et 1422, Henri V frappe aussi un petit mouton d’or, pour circuler hors de l’Aquitaine141. Il est donc difficile de savoir précisément si la monnaie bretonne a un modèle particulier ou bien si elle reprend un type qui est dans l’air du temps.
53En dehors du moutonnet, le double breton est cité dans le compte de Jehan Mauléon : « doubles florins de Bretaigne », et dans un livre de changeur postérieur à 1461 :
« doubles d’or de Bretaigne, c’est ung duc assis en chaire, et a dessoubz ses piés un lion, et tient le duc en sa main dextre une espée et l’aultre main ung escu aux hermines, sont d’empirance 3 s 9 d142 ».
54On le retrouve sur les sceaux en majesté de 1405-1408 et 1410-1441, donc antérieurement à la frappe du double du régent143. Sur le deuxième sceau, contemporain de la monnaie, le duc est représenté assis sur une chaise « curule ». Il tient de la main droite le sceptre et de la gauche l’écu semé de dix hermines, sous un dais herminé, qui prend l’allure d’une tente. Il porte sur la tête la couronne à hauts fleurons. Deux hermines au naturel grimpent de chaque côté, cantonnées de phylactères qui portent la devise A MA VIE144. Le double de Jean V est donc inspiré de son sceau en majesté, et en même temps il reprend le double du régent, avec une légère variante145. Sur cette pièce le futur roi tient l’épée et le sceptre, et est entouré de deux écus. Le duc peut avoir voulu modifier un peu ce type, à moins que l’auteur du registre, rédigé en 1461, ne décrive la pièce de mémoire146. La monnaie bretonne est d’empirance 3 s 9 d, soit 812/1 000 de fin, ce qui est éloigné du prototype émis en or pur. Le double est émis en même temps que le florin qui est sa moitié. Il est prévu pour s’insérer dans les courants commerciaux de son époque, en particulier ceux du nord de l’Europe. Si l’auteur du livre d’empirance ne se trompe pas, monnayer sous le titre officiel permet d’augmenter les bénéfices, en frappant plus de monnaies au marc sans modifier le cours de la pièce.
Deuxième sceau en majesté de Jean V (1410-1441). Blanchard, Actes de Jean V …, planche ii, n° 4.

55La symbolique de cette monnaie est particulièrement bien adaptée à la Bretagne. La figuration du duc en majesté est synonyme de pouvoir souverain, et il semble que ce soit pendant la crise que Jean V prend conscience de l’importance de la monnaie d’or comme de la représentation ducale. Le lion sur lequel le duc appuie les pieds n’est pas sans rappeler le lion de Montfort dont nous avons vu plus haut la forte charge symbolique après la guerre de Succession. À Locronan, les pieds de saint Ronan reposent aussi sur un lion. J.-Y. Copy précise à ce sujet que sur cette offrande de Jean V à la basilique,
« le lion se voit détourné de son rôle iconographique traditionnel et devient l’animal favori des Montfort avec moins de prestance que plus tard sur le tombeau de François II147 ».
56C’est en plus le symbole traditionnel de la force et du courage. À partir de ces informations, M. Dhénin pense que cette monnaie a été frappée après le double du régent (juillet ou août 1420), c’est-à-dire en août 1420. Le 30 septembre, le duc accorde en effet des privilèges à ses monnayeurs, et la mesure est certainement à mettre en rapport avec ces nouveautés. Il arrête la frappe du double au début de 1421, mais poursuit la frappe du demi-double, le florin, qui connaît deux émissions postérieures.
L’après-crise et le développement des types bretons (1422-1458)
La liquidation de la crise
57Peut-être sous l’effet de la crise, la deuxième moitié du règne de Jean V se caractérise par une intervention accrue de l’État dans le domaine économique. En parallèle, les monnaies se transforment, les types et les orientations évoluent. La pratique des imitations, reprise après 1380, disparaît définitivement pour laisser la place aux modèles spécifiquement bretons.
Blanc et demi-blanc au polylobe (Dinan et Morlaix). Jézéquel 329 et 335.

58Il faut relier la frappe de la série au polylobe aux informations que donnent les comptes de la châtellenie de Lamballe, car c’est probablement à ce type qu’il est fait allusion à la mi-décembre 1421 avec l’apparition de la bonne monnaie148. C’est à cette date qu’il faut rattacher la nouvelle monnaie, signe d’une volonté d’épurer le paysage monétaire et de revenir à plus de stabilité. Cette série forme un ensemble particulièrement complet puisqu’il comprend le blanc, le demiblanc, le double et le denier. Le blanc à l’hexalobe, abondamment frappé, connaît un grand succès et c’est une des pièces que l’on trouve le plus souvent hors de Bretagne, en dehors des pièces de Charles de Blois. Cette série est néamoins plus difficile à dater que les précédentes. C’est à la fin de l’année 1421 que l’on trouve dans les textes les premières mentions de bonne monnaie, en opposition avec la florette de 20 d149. L’année suivante, la liquidation de la crise passe par de nombreuses mentions de sommes exprimées en mauvaise et en bonne monnaie. Le 14 avril 1422, une ferme est estimée à 25 £ de bonne monnaie, au lieu de 100 £, gros à 20 d, « pour ce que lad. ferme avoit esté faite et assignée au temps dont les gros avoient cours de XX deniers150 ». D’après les trésors étrangers à la Bretagne, souvent plus précisément datés, les blancs à l’hexalobe se diffusent à partir de 1422-1423151. Ils ont cours jusqu’au milieu des années 1430, moment où les targes apparaissent. D’un point de vue typologique, le polylobe a beaucoup de succès lors de la deuxième partie du règne de Jean IV, mais disparaît ensuite. Dans un premier temps, le demi reprend l’hexalobe du blanc, puis il est modifié au profit d’un quadrilobe, certainement à cause du risque évident de confusion entre l’unité et sa division, qui ne se distinguent que par le module. Le double porte un trilobe et le denier un bilobe.
Tableau 55. – Les variétés de blancs au polylobe par atelier. Source : Jézéquel, Les monnaies…

59Face à l’ampleur du travail de fonte et de refrappe, des ateliers de « secours » sont ouverts. La répartition par ateliers montre l’importance de Nantes, suivi par Rennes, Fougères et Vannes. Redon, Morlaix et Dinan forment un ensemble de petite importance. Compte tenu du contexte très particulier de la liquidation des espèces nées de la crise, la carte de répartition est significative autant de l’activité des ateliers que de la vitalité économique des villes concernées. Les archives, trop lacunaires, ne permettent pas de suivre l’évolution de cette pièce. D’autre part, contrairement à ce que laisserait penser l’homogénéité de la série, cette pièce fluctue entre 1422 et 1436. Dans le royaume, elle est probablement victime de son succès.
« Soudainement, le 9e jour de décembre (1424), fut publié qu’ils ne couraient plus que pour sept deniers parisis. Ainsi perdirent tous ceux qui en avaient la huitième partie de leur pécune152. »
60Le blanc breton est compris dans une ordonnance plus large d’Henri VI qui touche aussi les « blancs de huit deniers parisis, petits blancs aux armes de France et d’Angleterre, et couraient niquets et noirets ». Cet épisode n’altère pas la qualité de la pièce puisque, le 12 février 1425, le duc ordonne de baisser les prix et les salaires d’un tiers, vu le bon aloi de la monnaie. À la même date, il reproche aussi à certains marchands de refuser les monnaies d’argent, par convoitise, et de n’accepter que des paiements en or, comportement désormais interdit153.
Répartition par atelier de la production de blancs au polylobe.

61C’est une des dernières séquelles de la crise, qui pousse à la méfiance envers les monnaies d’argent au profit de l’or, moins sujet aux altérations. Une réévaluation est décidée le 15 février 1427, le blanc passe de 5 à 6 d de loi et, à partir de juin 1427, les mentions de « bonne monnoie » se multiplient dans les actes154. D’ailleurs, le 30 octobre, le duc précise dans un mandement qu’un fermier des vins de Rennes a souffert cette année du « rabaissement de nostre monnoie155 ». Entre cette date et 1433-1434, son titre redescend à 5 d de loi, puis une nouvelle modification a lieu et la monnaie est à nouveau renforcée et passe à 6 d de loi et 6 s 8 d de taille et 10 d de cours, contre 5 d de loi auparavant156. En 1433-1434, la monnaie bretonne est renforcée, le type est modifié en conséquence et la targe remplace le blanc à l’hexalobe.
La targe
Blanc et demi-blanc à la targe (Redon et Nantes). Jézéquel 364 et 376.

62Ce type monétaire apparaît en Bretagne après la guerre de Succession mais il ne trouve vraiment sa place dans les monnaies bretonnes que dans les années 1430, après l’arrêt de la frappe de la série au polylobe. Les targes figurent pour la première fois dans le trésor d’Avranches, daté de 1432-1436. En Bretagne, on en trouve 39 exemplaires à Fougères II, 33 à Pont-L’Abbé et à Saint-Méen-le-Grand II, tous datés des années 1436-1440. Jean V respecte la nouvelle règle d’originalité et reprend le modèle de son prédécesseur en l’adaptant. Le bouclier perd son ovale, pour une forme plus rectangulaire et plus grande, l’entourage polylobé disparaît. Le changement de type s’accompagne probablement d’un renforcement du titre, et la réussite est telle qu’en 1459 cette pièce sert encore de référence aux États157. En 1435-1436, Charles VII renforce à son tour la valeur de sa monnaie : le 14 septembre 1435, le roi ordonne une monnaie de transition frappée au pied 40e, sous la forme d’un guénar, et l’écu d’or du deuxième type158 ; le 28 janvier 1436, une ordonnance royale crée l’écu neuf et la monnaie d’argent passe au pied 32e159.
63En ce qui concerne l’origine des espèces, Nantes et Rennes arrivent presque à égalité d’activité et concentrent près de la moitié des pièces, suivis par Vannes, Redon et Dinan. Fougères et Morlaix ne « décollent » pas. La Basse-Bretagne reste discrète, uniquement représentée par Morlaix, et pour une proportion restreinte. Par contre, la carte montre l’importance des « entrées » maritimes (Nantes, Vannes, Morlaix, Dinan) et terrestres (Fougères, Rennes) et celle d’une place de commerce surprenante, Redon. Les demi-targes sont peu nombreuses, ce qui est conforme aux observations sur les autres séries. Le coût de fabrication plus élevé des divisions en limite la production. Contrairement aux séries précédentes, le type à la targe ne comprend d’ailleurs qu’une division. Pour obtenir un système cohérent, il faut lui rattacher les doubles et deniers à l’hermine passante.
Répartition par atelier de la production de targes.

L’hermine
Double et denier à l’hermine passante (Nantes). Jézéquel 380 et 383.

64L’adaptation de l’hermine, par abandon de la targe accolée de Jean IV, est à chercher du côté du niquet de la France lancastrienne160. L’ajout de deux mouchetures au revers est un effort fait du côté de la clientèle qui a dû rapidement se plaindre de la confusion possible avec le denier. Le double denier de Morlaix, seul atelier récent à en émettre aux côtés de Nantes, Rennes et Vannes, plaide pour une datation basse de cette monnaie, c’est-à-dire vers la fin du règne de Jean V, à la charnière des années trente et quarante. Le double et le denier sont très probablement adoptés en même temps que la targe, pour rompre avec la série au polylobe.
65Au total, l’évolution de la monnaie sous Jean V est relativement bien connue, du fait de la rupture que constitue la crise et de ses implications sur les frappes. Les règnes de ses trois successeurs, François Ier, Pierre II et Arthur III, plus courts, posent finalement plus de problèmes.
Les incertitudes de trois règnes courts
66De 1442 à 1458, trois ducs se succèdent sur le trône breton. Si les monnaies des deux derniers sont faciles à identifier, il n’en va pas de même du premier en raison de l’homonymie de ce prince et de son neveu, le duc François II. Dans le cas précis du monnayage de François Ier, le travail du numismate est singulièrement compliqué par cette habitude de donner les mêmes prénoms dans les familles de la noblesse, d’une génération à l’autre ou d’une branche à l’autre161. S’appuyant sur deux trouvailles mal connues, Bigot classe les monnaies de ces deux ducs d’après le style et la fabrication162. Plus récemment, Y. Jézéquel a repris ce travail, mais comme nous ne possédons aucune ordonnance monétaire de François Ier, nous en sommes réduits aux conjectures163. De nombreux comptes, en particulier celui du trésorier Morice de La Noë, mentionnent l’écu de 25 s, mais sans précision d’origine, et c’est à partir de ce texte que Bigot attribue à François Ier une série de cavaliers d’or164. Par ailleurs, si l’enquête de 1455 confirme la frappe de pièces d’or par les ducs, elle n’est pas explicite dans le cas qui nous intéresse. Ce sont autant d’éléments qui nous amènent à penser que les deux séries doivent être rendues à François II, pour deux émissions distinctes. Partant du même principe, il faut laisser à François II l’écu couronne et le demi-écu au cavalier. La situation n’est pas plus claire pour les monnaies d’argent. Les targes, doubles et deniers qui portent une hermine en début de légende sont à attribuer à François II, dont c’est un des différents d’émission. Elles correspondent à la légende FRANCISCVS, que Bigot donne bien à François II. D’ailleurs, la légende courte n’est jamais employée sur les gros de François II, à l’exception de trois monnaies douteuses165. Enfin, une délibération du conseil ducal du 7 juillet 1459 sous-entend qu’il n’a pas été frappé de targes sous François Ier, à moins qu’elles n’aient été dévaluées, ce qui serait surprenant vu le calme économique du règne166. Si l’on s’appuie sur ces éléments, on peut tout au plus donner à François Ier les monnaies suivantes, sous toute réserve.
Tableau 56. – Les monnaies attribuables à François I er (légende FRACISCVS ). Source : Jézéquel, Les monnaies…

67La situation de ce règne est conforme à ce que l’on connaît des règnes de Pierre II et d’Arthur III. Très court, il n’est marqué que par une émission rennaise de targes et de demi-targes. Les doubles et deniers à l’hermine, frappés dans les années 1430, suffisent à alimenter la demande, et les émissions de Pierre II et d’Arthur III complètent les monnaies à la disposition des Bretons.
Blanc et demi-blanc à la targe de François Ier (Rennes). Jézéquel 391 et 395.

Double et denier de Pierre II (Nantes et Rennes). Jézéquel 406 et 408.

Double et denier d’Arthur III (Rennes). Jézéquel 411-412.

68Avec Pierre II et Arthur III, l’originalité de noms lève toute ambiguïté. Le règne de Pierre II est marqué par la défense des droits royaux et ducaux du pouvoir breton, aux yeux duquel la monnaie occupe une place de choix. Deux actes intéressent plus spécifiquement la frappe monétaire. Le 29 mai 1451, le duc fait savoir qu’il n’a pas l’intention de changer le prix de la monnaie blanche et noire, et qu’il pense faire une monnaie de même taille et de même aloi167. Rien n’indique que cette intention ait été suivie d’effet pour la monnaie blanche ; par contre, le document donne la date d’une émission rennaise de petite monnaie (19 avril 1458)168. Les doubles sont émis à un denier de loi (83/1 000) et 168 au marc (1,45 g), et les deniers à un denier huit grains de loi (111/1 000) et 240 au marc (1 g). Cela correspond, à peu de chose près, au titre du denier tournois au briquet émis à Dijon après le 26 juin 1456 (106/1 000)169. Le monnayage de Pierre II et Arthur III se limite donc à des doubles et deniers à l’hermine passante.
Les ateliers de 1364 à 1458
69La vitalité des ateliers n’est pas homogène pendant les 94 premières années de la domination montfortiste. On voit alterner des époques de prolifération des ateliers, et d’autres de chômage pendant lesquelles seuls Rennes et Nantes fonctionnent. Il faut y voir une adaptation de la pratique à une conjoncture monétaire fluctuante.
Tableau 57. – Répartition par atelier des monnaies de 1364 à 1372170. Source : Jézéquel, Les monnaies…

70De 1364 au départ du duc pour l’Angleterre, et faute de plus d’informations, on note une production équilibrée entre les trois ateliers, avec malgré tout la place en retrait de Nantes, difficilement explicable. La situation s’éclaire un peu plus pour la période suivante.
Tableau 58. – Répartition par atelier des monnaies de 1372 à 1417. Source : Coativy, La monnaie en Bretagne…, p. 380, 383 et 386.

Note 11
71Après le retour du duc, et compte tenu des éléments dont nous disposons171, Nantes conquiert une première place qui se confirme par la suite, alors que Vannes perd peu à peu du terrain, ce qui annonce sa mise en sommeil dans la deuxième moitié du xve siècle. Exceptionnellement, trois quittances jettent une pâle lumière sur cette époque. Délivrées à des marchands pour de l’argent versé à Nantes et Rennes, elles évoquent le fonctionnement des ateliers monétaires, mais les hasards de la conservation des archives font qu’elles concernent 1397 et 1398172. La première mentionne un versement de billon à la Monnaie, sans en préciser le montant ni la date exacte173. Malgré cette imprécision, il ne s’agit pas du même document que le suivant, conservé dans le même registre, une autre quittance donnée à des marchands de Nantes, en date du 1er septembre, pour un versement de marcs d’argent et de billon à l’atelier de Nantes, soit 111 marcs 8 d 11 gr et ½ de loi d’argent, 58 marcs 9 d 6 gr d’argent, 37 marcs 8 d 6 gr d’argent, 37 marcs 5 d 2 gr d’argent ¾ de loi, et 10 marcs d’argent au prix de 6 £ 4 s le marc174. La dernière quittance concerne Rennes, le 14 janvier 1398, mais la somme n’est pas précisée175. Les renseignements sont maigres mais attestent de l’ouverture des ateliers à la fin de l’année 1397 et au début de 1398. Le poids total de métal versé à Nantes est de 61,96 kg. Si c’est de l’argent fin et si le titre du blanc aux neuf hermines est toujours de 437/1000, le total de métal à monnayer se monte à 141,78 kg, soit une production de 47260 monnaies à 3 g l’unité. Il ne s’agit pas d’une production très importante, mais les documents chiffrés sont suffisamment rares avant la fin du xve siècle pour que nous ayons cru bon de le mentionner.
Tableau 59. – Comparaison entre les séries de Jean V (1417-1442). Source : Jézéquel, Les monnaies…

72La comparaison des trois émissions caractéristiques du règne de Jean V est parlante. Les ateliers ouverts en 1421-1422 pour refrapper les espèces de bas aloi se sont implantés dans le paysage et continuent leur activité dans la deuxième moitié du règne. Alors que Dinan et Redon montent en puissance, Vannes et Morlaix stagnent, tandis que Fougères régresse. Nantes conserve sa première place, mais sa Monnaie est rattrapée par celle Rennes dans les années 14341442. Le rapport entre nombre d’émissions et durée fait apparaître que l’activité des ateliers reste soutenue pendant toute la période, et se renforce même avec le temps.
Tableau 60. – Répartition par atelier des monnaies de François Ier (légende FRA CISCVS), Pierre II et Arthur III. Source : Jézéquel, Les monnaies…

73Le milieu du xve siècle constitue un tournant de l’organisation de la frappe monétaire en Bretagne. Seuls Nantes et Rennes œuvrent, et les ateliers secondaires, nés dans l’après-crise de 1417-1421, comme Dinan, Morlaix, Fougères ou Redon tombent en sommeil, tout comme Vannes. Désormais, Nantes et Rennes assurent l’essentiel de la production, jusqu’à la fin du règne de François II. L’émission du 19 avril 1458 ne mentionne que l’atelier de Rennes. Si l’on en juge par les variétés conservées, la production s’est plutôt orientée vers les deniers, et si Nantes n’a pas émis de denier, l’atelier a frappé au moins un double176. Publié par Dieudonné en 1935, un denier assez particulier pourrait être une monnaie officielle sortant de Morlaix ou de Vannes. Elle porte un M ou un V comme différent d’atelier à l’avers, mais ces deux officines sont semble-t-il en sommeil jusqu’au règne de François II177. Cette lettre d’atelier est en contradiction évidente avec le R de fin de légende au revers. De plus, le traitement de l’hermine est assez particulier : elle n’occupe pas tout le champ, le museau et la queue ne coupent pas la légende. Du fait de ces incohérences, il s’agit probablement d’un faux à mettre en relation avec l’affaire Geoffroy de Herse. En 1451, ce faussaire écoule 6500 faux deniers à l’hermine par le biais de marchands de beurre breton qui commercent avec Tours. Les monnaies sont de cuivre pur et ne coûtent presque rien à fabriquer178. Le double denier qui porte N en fin de légende d’avers et R en fin de légende de revers 179 pourrait aussi relever du même trafic international, très bien organisé, qui correspond à une période de carence en petite monnaie, que les maigres émissions de Pierre II et Arthur III ne parviennent pas à combler.
*
74Trois époques se distinguent nettement de 1364 à 1458. Avant l’exil anglais, Jean IV se range résolument du côté de la nouveauté et émet des monnaies originales, pour affirmer, par les types et les légendes, la revendication de souveraineté d’un pouvoir encore récent et fragile. Si nous sommes mal renseignés sur l’impact numismatique de l’occupation française, le retour d’exil du duc correspond au retour à l’imitation des types royaux. Il manifeste une volonté plus économique que politique, car les nouvelles monnaies doivent pouvoir s’insérer sans difficulté dans la circulation générale du royaume. La Bretagne se singularise tout de même par l’émission du blanc aux neuf hermines, qui réaffirme très symboliquement l’aspiration du duché à l’indépendance. La crise de 1417-1422 renforce et clôt la période d’imitation pour les espèces d’argent. Pour l’or en revanche, le duché fait preuve d’originalité en émettant un florin, un double et un moutonnet, qui pour ces derniers attendent d’être retrouvés. En choisissant le cavalier, Jean V fait représenter parfaitement les idées politiques en cours dans l’entourage ducal, à savoir indépendance et souveraineté. Le vecteur est bien choisi et le message peut se diffuser auprès de la population du duché, et bien au-delà. La crise passée, ce parti-pris d’originalité est appliqué à la monnaie d’argent. Le blanc à l’hexalobe et la targe remportent un franc succès, et bénéficient de la bonne santé économique du duché. La stabilité revenue dure après la mort de Jean V jusqu’au règne d’Arthur III, mais les nuages s’accumulent.
Notes de bas de page
1 Ces derniers sont liés au siège de la ville par le duc, et ils offrent une bonne idée des séries qui suivent la guerre. 1375 (3 mai) : « Fut la ville de Saint Paoul de Leon et l’eglisse de Nostre Damme arsse, et les gentz qui estoient dedans panduz et decollés en l’autre jour ensuyvant », AIV 1 F 626, f° 4. On ne trouve pas d’explication du même ordre pour les trésors de Vannes.
2 Ils peuvent éventuellement dater des années 1373-1379, mais sont antérieurs au retour de Jean IV d’Angleterre (3 août 1379). Ils reflètent donc les frappes d’avant l’exil. J. Duplessy donne à Charles V (1364-1380) deux grands types de monnaies d’argent, le gros tournois et le blanc au K. Ce dernier est frappé pendant tout le règne, et même au-delà puisque la réforme n’a lieu qu’en mars 1385, Duplessy, Les monnaies…, p. 189.
3 Bertrand, Duplessy, Le Tallec, « Berringue en Plouhinec, atelier de faux-monnayeurs au xive s. ? », Société lorientaise d’archéologie, 1979, p. 42-47. À rapprocher de la découverte de Saulnières, sur laquelle nous n’avons pas de renseignement précis.
4 Jones, Actes de Jean IV…, acte 190, et les monnaies de chascune part courront en Guienne et en Bretaigne.
5 Duplessy 363 et Jézéquel 185-187.
6 Duplessy 322, Jézéquel 122 et 188.
7 Jézéquel 265-268 et 269 ; le denier n’est connu que pour Nantes.
8 DL I 383.
9 Deschamps de Pas, « Essai sur les monnaies… », pl. vi, n° 7, et Grierson, Monnaies du Moyen Âge…, p. 242-243, et fichier manuscrit de M. Jean Duplessy, trésor de Saint-Jans-de-Cappel (Nord).
10 Sur les relations entre les deux principautés, voir Bretagne-flandres. Relations économiques, politiques et artistiques, Quimper, 1989.
11 Psaume 70 (69).2. On la trouve aussi en Savoie, Dieudonné, Manuel de numismatique…, t. iv, p. 399.
12 13 variétés signalées par Jézéquel, Jézéquel 258-260.
13 Jézéquel 258 b et d, 260 b et d.
14 Cf. l’éditorial de Barré, « La mode. La numismatique. Les monnaies féodales », Armor Numis, n° 67, avril 1980, p. 1 ; Vié, « Un trésor à Guérande », ASBNH, 1992-1993, p. 21 ; Coativy, « Le gros à l’écu heaumé », ASBNH, 1995, p. 19-25 ; Duplessy, « Observations sur quelques monnaies des ducs de Bretagne », ASBNH, 1998, p. 36-37.
15 Jézéquel 245 a : quintefeuilles et croisettes ; Jézéquel 246 f : quintefeuilles et deux points ; on trouve même une hermine entre DVX et BRITANIE sur un demi-gros de Vannes, Jézéquel 250 b.
16 Bigot, Essai…, p. 197, au sujet d’une monnaie de Vannes.
17 Sur ce thème, mise au point dans Coativy, « Le gros à l’écu heaumé », ASBNH, 1995, p. 19-25.
18 Duplessy, « Observation sur quelques monnaies… », p.36.
19 D’ailleurs, si l’on en croit l’index de Duplessy, Les trésors monétaires…, t. ii des trésors découverts en France et enfouis entre 1223 et 1385, on n’en aurait pas trouvé.
20 Pour cette étude, nous avons essentiellement utilisé DM II, pl. x, n° clxxx (avec erreur de dessin), Blanchard, Actes de Jean IV…, t. i, p. lxxix, et Jones, « The seals of John IV, duke of Britanny 13641399 », The Antiquaries Journal, p. 366-381, spécialement, p. 375.
21 Il s’agit probablement d’une représentation de la force ducale, assimilée à celle d’un taureau. Pour Jean IV, Bigot, « The seals of John IV… », planche lxxviii/ix ; pour Jean V, Santrot, « Essai d’iconographie… », n° 75 et 94, et pour François II, n° 126. Il faut aussi rappeler l’enluminure du livre des tournois de René d’Anjou, illustrant le premier plat de 1491-1991. La Bretagne au temps des ducs, Daoulas, 1991. Ce manuscrit est daté de 1483.
22 À noter que le gros à l’écu heaumé prend la légende de revers de l’or, le lion accroupi celle de l’or royal.
23 Gaier, « Quelques particularités de l’armement des chevaliers teutoniques dans le bailliage de Germanie inférieure aux xive et xve s. », Armes et combats dans l’univers médiéval, Bruxelles, 1995, p. 151-158.
24 Potier de Courcy, Armorial et nobiliaire…, art. du Bois. Un autre cas avec Eon Le Coroller, écuyer, et son porte-targe à une montre en 1356, ibid.
25 Bouchart, Grandes croniques…, t. ii, p. 91.
26 Poey d’Avant 2775-2777 et ss.
27 Poey d’Avant 2843 ssq. Léopard sur une monnaie de Raimond III ou IV d’Orange, imitée des monnaies d’Aquitaine, PA 4499.
28 Poey d’Avant 3176.
29 Jézéquel 291-292.
30 Duplessy 272.
31 Duplessy 365.
32 Un exemplaire de mauvaise qualité ne permet pas de trancher l’attribution entre les ateliers de Rennes et de Nantes.
33 Bouchart, Grandes croniques…, t. ii, p. 177.
34 Sur l’arrière-plan politique, La Borderie, Histoire…, p. 27-46, Leguay et Martin, Fastes et malheurs…, p. 124-129, L’État breton, Skol Vreizh, p. 18-21, et surtout Jones, Ducal Brittany…, p. 60-92.
35 Sur ce traité non paraphé par le duc, Cassard, « Les Bretons, tous félons ? », Félonie, trahison, reniements au Moyen Âge, Montpellier, 1997, p. 588.
36 DM II 80. Le premier texte ne mentionne que les profits des monnaies, mais le deuxième complète avec les autres revenus. Il s’agit de deux mandements royaux datés des 25 et 30 janvier 1374 ( ?).
37 La Borderie, Histoire…, p. 32.
38 Ordonnances des rois…, t. vi, p. 40, et Bigot, Essai…, pièce justificative xxv.
39 Bigot 840.
40 Poey d’Avant 846.
41 Poey d’Avant, p. 136.
42 Caron, Monnaies…, p. 55-56.
43 Dieudonné, « La monnaie de Charles V », p. xxi-xxiii.
44 Il s’agit des doubles de Charles V, avec 3 fleurs de lis dans le champ, émis à partir de 1385, Duplessy 393.
45 Mentionnons aussi Caron, qui cite Lecoq-Kerneven, et évoque des monnaies surfrappées ou contremarquées par Charles V, qui n’ont pas été retrouvées, Caron, Monnaies…, p. 55-56. La citation n’est pas très claire, mais la pensée initiale de Lecoq-Kerneven ne devait pas l’être non plus…
46 Le problème est particulièrement net pour le cas des florins au cavalier de Jean V. Pour l’historiographie de la question, on se reportera à Dhénin, « Florin et double-florin… » qui en fait magistralement le tour.
47 Dans le cas des guénars, ponctuation des revers par deux points (Jézéquel 296 a), qui existe aussi pour les demi-guénars (Jézéquel 300 a), par deux annelets pointés (Jézéquel 297 g), par trois points (Jézéquel 296 g), ou par une croisette à pied fiché (Jézéquel 299 a). Même phénomène pour des deniers qui se distinguent par les O pointés, pour les ateliers de Nantes, Rennes et Vannes (Jézéquel 313b, 314h et 315b).
48 Duplessy 381-383.
49 Sur le contexte politique, Favier, le temps des principautés…, p. 356-358, et Demurger, Temps de crise, temps d’espoir xive-xve siècles, Paris, 1990, p. 96-98.
50 Jézéquel 351-354. Nous avons écarté le demi-gros publié par Duby et repris par Y. Jézéquel, n° 355. Il n’a pas encore été retrouvé, ce qui n’hypothèque en rien son existence.
51 La monnaie attribuée à Jean II (1286-1305), Bigot 325, doit être rendue à la période 1341-1364.
52 DM I 8 et Bigot, Essai…, p. 171.
53 Bigot 554-555.
54 Duplessy, monnaies…, p. 189-191.
55 Meaux ; Mesnil-Gilbert ; Bignicourt-sur-Saulx ; Lillebonne ; Vernon I (1419-1420) ; Vibray (1419-1420) ; Lessay (seconde moitié de 1420).
56 Saulcy, Recueil de documents…, t. i, p. 90, et Caron, Monnaies…, p. 58, avec une erreur pour cette pièce. Saulcy donne 5 d 6 gr au lieu des 3 d 6 gr de Caron. Comme Caron s’est servi de de Saulcy, il faut tenir compte de la valeur la plus forte.
57 Nous prenons les titres des monnaies tels que nous les donnent les livres de changeurs cités par de Saulcy, sachant qu’ils donnent toujours un titre légèrement inférieur à la réalité pour ménager leur bénéfice. Saulcy, Recueil de documents…, t. i, p. x.
58 Sur la symbolique de l’hermine, pastoureau, « L’hermine : de l’héraldique ducale à la symbolique de l’État », 1491. Bretagne, terre d’Europe, Brest-Quimper, 1992, p. 253-264.
59 L’été, la fourrure est de couleur rose-brun ; l’hiver, elle est toute blanche, sauf le bout de la queue qui reste noir, et qui est symbolisé par la moucheture.
60 Un très bel exemple sur une enluminure représentant le couronnement du duc François Ier, dans le manuscrit de Pierre Le Baud, Compillation des croniques et ystoires des Bretons, photographiée dans 1491-1991. La Bretagne au temps des ducs…, p. 73.
61 L’essentiel sur la crise dans le royaume se trouve dans Fournial, Histoire monétaire…, p. 126-134.
62 Duplessy 381.
63 Duplessy 390 et 438 ; Dumas, Le monnayage…, p. 214 et 236.
64 Duplessy 369 D. Kerhervé, L’État breton…, p. 205-206.
65 Kerhervé, L’État breton…, p. 205.
66 1419 : prêt de 10 £ en gros à 20 d de cours et à 4 d ob de loi. AIV 1 F 103.15. Mention dans le compte de 1431-1432. On la retrouve régulièrement jusqu’en 1421.
67 Kerhervé, L’État breton…, p. 206.
68 C’est aussi le cas en Normandie. Comme le constate Michel Mollat, les cours du marc d’argent flambent entre mai 1419 et février 1422, puis la situation se rétablit entre février et novembre 1422. Le commerce maritime normand à la fin du moyen Âge, Paris, 1952, p. 28-29.
69 Chauvin, Les comptes…, p. 50-51. C’est aussi son cours à Rouen et Toulouse, Fournial, Histoire…, p. 130.
70 Kerhervé, L’État breton…, p. 220.
71 DM II 1103, Blanchard, Actes de Jean V…, actes 1418, et 1477, Kerhervé, Catalogue prosopographique…, p. 56-59 et Potier de Courcy, Armorial…, art. Mauléon, Périou et Guihénneuc.
72 Blanchard, Actes de Jean V…, acte 1418.
73 Ibid., acte 1477, 1420 (16 décembre).
74 AIV 6 B 1, DM II 1046-1048, Bigot, Essai…, pièce justificative xxix, et Blanchard, Actes de Jean V…, acte 1440.
75 Jézéquel 322, B comme lettre d’atelier, s’il ne s’agit pas d’un R mal formé, et Jézéquel 323 : Dinan. Ce dernier atelier est déjà connu sous Jean III (J 288), si cette monnaie n’est pas à rattacher à Jean IV.
76 Il ne peut y avoir de confusion avec un autre atelier car la lettre M est bien mise en évidence, entre deux croix.
77 DM II 1103.
78 Jézéquel 351.
79 Blanchard, Actes de Jean V…, acte 1529.
80 Jézéquel 328, 329, 330 et 331.
81 Kerhervé, L’État breton…, p. 205-206.
82 ALA B 12838, Turnus-Brutus, acte 918.
83 Ms. Jones, p. 145, cité par Kerhervé, L’État breton…, p. 302, note 178.
84 Duplessy 387 F et 417 I pour les monnaies du Dauphin.
85 En Bourgogne, la même année, on monnaye 16537 marcs à Dijon, Dumas, le monnayage…, p. 107.
86 DM II 1050 et Blanchard, Actes de Jean V…, acte 1452. En 1488, d’après le compte de Julien de Verger, le seigneuriage se monte à 114 000£ pour 5 200 marcs de fin, en gros à 2 d. Kerhervé, L’État breton…, p. 220. 2 d = 166/1 000 Compte tenu que le poids de fin par monnaie est à peu près le même, cela donne 22 £ par marc de fin (argent).
87 Blanchard, Actes de Jean V…, acte 1418, 1420 (6 décembre).
88 Ibid., acte 1477. Il pourrait s’agir du florin breton.
89 Dumas, Le monnayage…, p. 111, en 1419 Jean sans Peur prend 4,3 % sur l’or, mais en 1421 Philippe le Bon augmente le seigneuriage à 7,6 %.
90 Dans son étude sur la florette, Gildas Salaün montre bien la difficulté de rattacher les trois séries, et ne précise pas les émissions bretonnes du printemps et de l’été 1420, Salaün, « L’imitation… », p. 46. Pour l’année 1420, Y. Jézéquel ne propose rien de précis non plus, les monnaies…, p. 193.
1 Le cours est donné pour la décennie correspondant à la date des documents bretons.
91 Approche dans Coativy, « Un atelier « breton « à Parthenay », Armor Numis, n° 106, p. 9, et surtout Bailhache, « La “fausse monnaie” de Parthenay (1427-1429) », RN, 1927, p. 51-61.
1 Les dates des frappes de Richemont correspondent à celles des émissions royales, dont les différents sont identiques à Parthenay.
2 Trésor de la Rochelle. Marcheville, « Les florettes de Charles VII », Bulletin de N umismatique, mars 1896. Av. : + KAROLVS (étoile) FRANCORVM (étoile) REX (étoile) ; Rv. : P (un point sous le P) + SIT NOME DNI (étoile) BE NEDIT. La croix anglaise coupe la légende et elle est cantonnée de 2 couronnes et de 2 lis (gravure). Poids : 2,83 g. Les O longs ne sont pas pointés.
3 Duplessy 497 avec P en fin de légende, Bailhache, « Recherches sur les ateliers monétaires de Charles VII », Courrier numismatique, 1934, p. 41-46.
4 Marcheville, « Les florettes de Charles VII », Bulletin de Numismatique, 1895-1896, p. 128. Il cite les monnaies de Parthenay trouvées dans le trésor de la Rochelle, en octobre 1895, environ 170 monnaies enfouies vers 1431, dont l’émission avec P en fin de légende, points ouverts sous les deux croisettes alaisées, points dans les O, deux points entre les mots. La description correspond à une variété de la 4e émission.
5 O pointés, le P souligné d’un point, fleur de lis initiale au lieu de la croisette, Collection de Castellane, n° 372.
92 D 470. Ce blanc est au titre de 399/1 000, pour un poids de 3,059 g et un cours de 10 dt.
93 Saulcy, Recueil de documents…, t. iii, p. 96.
94 Blanchard, Actes de Jean V…, acte 2000.
95 Duplessy, Les monnaies…, p. 241.
96 Salaün, « L’imitation bretonne de la florette royale », ASBNH, 1997, p. 43-51, et Duplessy, Les monnaies françaises…, p. 204-221. On ne compte pas moins de 19 émissions delphinales. F. Dumas, 14-1 à 14-3-3 et 15-3 à 15-4.
97 Duplessy 417 T.
98 Information de Yannick Jézéquel. La pièce est semble-t-il de bon aloi. On ne connaît pas de florette pour Fougères et Redon. Celle de Morlaix est rare, signe de petite émission, et il est possible que l’on ignore encore les florettes oeuvrées par les autres ateliers.
99 Jézéquel 356-362. Au sujet de la variété aux mouchetures sur une seule ligne (Jézéquel 362), il faut plus y voir une florette mal venue qu’une imitation du blanc aux lis accotés, Duplessy 470. La description du revers par Bigot, Bigot 867 (croix feuillue non cantonnée) est celle de la florette bretonne, et non celle du blanc aux lis accotés (croix cantonnée de deux couronelles et de deux lis). 100. On trouvera un tableau détaillé des émissions parallèles dans G. Salaün, « L’imitation bretonne… », p. 48-49.
100 On trouvera un tableau détaillé des émissions parallèles dans G. Salaün, « L’imitation bretonne… »,
p. 48-49.
101 Les trésors de Mareuil-sur-Lay I (Vendée), Houssay (Mayenne) et Commer (Mayenne) donnent cette chronologie, c’est-à-dire juin/juillet 1419 à Commer, apparition la plus précoce et la plus précise.
102 Bigot, Essai…, p. 372.
103 Soullard, « La numismatique bretonne. Études et trouvailles de 1915 à 1920 », BSHAB, 1920 (2), p. 55-58 : agneau d’or imité de celui de Jean le Bon. Soullard l’attribue à la Bretagne à cause de la présence d’une moucheture d’hermine entre le I et le N de VINCIT. Catalogue de l’exposition 1491-1991 : La Bretagne au temps des ducs, p. 54-55, n° 50-7. Sur les imitations des agnels, Dhénin et Duplessy, « Les imitations de l’agnel d’or de Charles VI », International Numismatic Symposium, Budapest, 1980, p. 120, et Witte, « Le mouton du roi Jean le Bon et ses imitations », Gazette numismatique française, 1900, p. 35-72 : la monnaie portant IOH DVX en lieu et place de IOH REX est de Jeanne et Wenceslas (1355-1383), duchesse et duc de Brabant. Il existe un mouton et un double. Ces monnaies sont connues par les textes comme ayant été frappées à Vilvorde de 1358 à 1366. Il existe par ailleurs deux moutons qui n’ont pas été retrouvés : celui de Louis de Bavière (1328-1347) et un mouton à légende IOHES COMES.
104 Bordeaux, « Un mouton d’or de Jean IV », PVSFN, 4 novembre 1916, p. cvi-cviii.
105 Blanchard, Actes de Jean V…, t. i, p. c, et Planiol, Histoire…, t. iii, p. 383. Il pourrait aussi s’agir d’une monnaie mérovingienne.
106 La Nicolière-Teijeiro, Le livre doré…, appendice, p. 39.
107 Celle du jeton de Pierre de Vay : Pour bien geter et desgiter, fault bien entendre et po parl (er), La Nicolière-Teijeiro, Livre doré, p. 23. Celui de Jehan de Quilfistre : Pour les gens des comptes, ibid.
108 À Cambrai, Die, Orange, Perpignan, en Porcien, à Saint-Paul, Toul et en Valentinois, Dieudonné, Manuel…, t. iv, p. 399.
109 Jézéquel 325 b 10 (deux croisettes), 282 a 10 (deux annelets), 263 a (trois points), et 283 d (une fleur). Ce dernier meuble est plutôt caractéristique des monnaies d’avant 1374.
110 Duplessy 255, 444, Deschamps de Pas 11 et Poey d’Avant 3177-3179.
111 Mérindol, « Emblématique… », p. 279. Pour l’auteur, il est possible d’y voir une relation céleste.
112 Contresceaux 1 et 2, Jones, « The seals… », p. 368-372, et DM II clxv et clxvi, années 1370 et 1380.
113 F° 27 v°. Cf. 1491-1991. La Bretagne au temps des ducs, p. 127. Un ange reliquaire du xve siècle est également représenté p. 5.
114 Mérindol, « Emblématique… », p. 284.
115 Blanchard, Actes de Jean V…, t. i, p. c, et Planiol, Histoire…, t. iii, p. 383.
116 Greimas, Dictionnaire de l’ancien français, Paris, 1980, art. timbre 2. Il désigne aussi un tambour mais nous voyons mal comment rattacher cet instrument à une pièce d’or.
117 DM II, 1103 et Bigot, Essai…, p. 379. Il ne peut s’agir du heaume d’or de Charles VI, frappé en octobre 1417, D 373, puisque la description mentionne les hermines.
118 À Moncontour, le franc passe de 20 st et 22 s 6 dt à 26 s 8 dt et 30 st, et à Lamballe, le franc monte à 30 st entre 1419 et 1420, Kerhervé, l’État breton…, p. 205, et Chauvin, Les comptes…, p. 43.
119 En 1973, Michel Dhénin signe une étude très détaillée sur les florins et double florins de Jean V. Pour cela, il s’appuie sur une trouvaille de monnaies d’or sur les marges de la Bretagne, Dhénin, « Florin et double florin… », RN, 1973, p. 190-215. DM II, 1103 et Bigot, Essai…, p. 379. Le compte de Jehan Mauléon est hélas perdu.
120 Saulcy, recueil de documents…, t. i, p. 106.
121 Blanchard, Actes de Jean V…, acte 1374. Il pourrait s’agir du voyage à Rome que mentionne maître Hillaire Gillart en 1455, mais ce n’est absolument pas certain.
122 Ibid., acte 1477. Il faut peut-être mettre ce don en rapport avec l’enlèvement du duc par les Penthièvre. Le pèlerin accomplirait dès lors sa mission au profit du duc, et sur ses deniers.
123 AIV 1 F 3, f° 58 v°, cité in extenso dans Coativy, La monnaie en Bretagne…, p. 405.
124 Dhénin, « Florin et double florin… », p. 204, et Caron, Monnaies…, p. 57.
125 Jézéquel 319-321.
126 L’État Breton, Skol Vreizh, p. 30.
127 Blanchard, Actes de Jean V…, planche i, n° 2.
128 Pour les généralités sur le matériel employé, Gaier, Armes et combats dans l’univers médiéval, Bruxelles, 1995, en particulier p. 144-149 sur l’équipement du cavalier, l’armure et la housse.
129 L’ensemble pèse aux alentours de 50 kg… Ibid.
130 DM II 1103, et Bigot, Essai…, p. 379.
131 Chauvin, Les comptes…, p. 48.
132 AIV 1 F 96F.
133 Chauvin, Les comptes…, p. 49, et compte de Jehan Droniou, DM II 1193.
134 Blanchard, Actes de Jean V…, t. vii, p. 200, note 3.
135 Le moutonnet breton n’est pas cité dans Witte, « Le mouton du roi Jean le Bon et ses imitations », Gazette Numismatique Française, 1900, p. 35-72, mais ce n’est pas surprenant s’il date de 1420.
136 Fond La Borderie, AIV 1 F 581, f° 75, DM II 1664, et Bigot, PJ xxxiii.
137 À moins qu’il n’y ait aussi une copie par Jean IV du moutonnet de Jean le Bon, mais rien encore ne l’indique en dehors du témoignage de Jehan Orège.
138 Duplessy 376.
139 Duplessy 454.
140 Duplessy 371 et 444.
141 Poey d’Avant 3165.
142 Ms 5916, f° 32, cité par Caron, Monnaies…, p. 57.
143 Blanchard, Actes de Jean V…, pl. II, et DM II cciii et ccv. Dès l’Antiquité, les sceaux influencent la monnaie. Rebuffat, La monnaie dans l’Antiquité, p. 28 : le motif du lion et du taureau affrontés des monnaies lydiennes du viie siècle est introduit en Asie mineure par l’intermédiaire de la sigillographie.
144 La légende en français et l’aspect très régulier des contours font peser un doute sur l’authenticité de ce sceau. Il est dessiné dans DM II, planche xii, n° ccv. D’autres sceaux contemporains adoptent la langue vulgaire, comme ceux d’Olivier de Clisson, n° clxxiii (1407) et de Gilles de Rais, n° ccxviii (1436). Ibid.
145 Duplessy 414. Dhénin, « Florin et double florin… », p. 204. Le duc de Bretagne n’est pas le seul à monnayer à ce type. Référence dans le catalogue de la Vente du crédit de la bourse, avril 1993 : chaises d’or émises par d’autres féodaux : Louis de Crécy (1322-1346), n° 827, collection Théry n° 1 ; Louis de Male (1346-1384), n° 835 et 846, Gaillard 207 et 218 ; Philippe le Hardi pour la Flandre (1384-1404), n° 849, Deschamps de Pas 5 ; Jean III de Brabant (1312-1355), n° 942-943, de Witte 333 et 335 ; Jean IV de Brabant (1415-1427), n° 962, de Witte 441 ; Philippe le Bon, n° 966 pour le Brabant (14301467), de Witte 465 ; Louis de Bavière en Hainaut (1345-1347), n° 1009, Chalon 92. Chaises d’or royales : Philippe VI de Valois, parisis d’or et lion d’or, avec le lion et sans l’écu, D 248 et D 250, avec l’écu sans le lion, D 249 et 249a ; Edouard III (1337-1360), D 286 ; Jean le Bon (1350-1364), D 289 ; Charles (VII) dauphin, juillet ou août 1420.
146 C’est l’opinion de M. Dhénin.
147 Copy, Art, société…, p. 186.
148 Chauvin, Les comptes…, p. 50.
149 1421 (décembre) : apparition de la bonne monnaie dans les comptes de Lamballe. Chauvin, Les comptes…, p. 50.
150 Blanchard, Actes de Jean V …, acte 1519.
151 Tournon (1422-1423) ; Lieurey (1423-1424) ; Ancourt (1423-1429) ; Maffliers (1425) ; Avranches (1432-1436).
1 Demi-blanc à l’hexalobe.
2 Demi-blanc au quadrilobe.
3 Fait prisonnier à la bataille de Verneuil, Jean II d’Alençon doit rembourser à Bedford une rançon de 160 000 écus. Il accepte alors de vendre sa seigneurie de Fougères au duc le 31 décembre 1428, Leguay et Martin, Fastes et malheurs…, p. 178. Cette date donne clairement le début de la fabrication des monnaies dans cette ville, à partir de 1429, ALA E 178.12, DM II 1214-1217, et Ogée, Dictionnaire…, t. i, p. 288.
4 Nous avons ajouté une variété inédite du blanc, Jézéquel 332 h var. : I + B (un point) D : N : (coll. YC).
5 En 1995, Daniel Cariou a proposé d’identifier les monnaies à la moucheture d’hermine avec l’atelier de Redon, attribution tout à fait plausible : Cariou, « Un mystérieux atelier à la moucheture d’hermine », ASBNH , 1995, p. 28-30. Tristan de La Lande est désigné comme « gouverneur de nosdites monnaies », Cartulaire de Redon, p. 404-405, et Blanchard, acte 1529. Prise par Rennes, la lettre R ne peut servir de différent et c’est la moucheture qui est choisie. L’explication est d’autant plus cohérente que 1422 est l’année du début de la fabrication des blancs à l’hexalobe. Par contre, si les conditions de départ avaient été respectées, l’atelier aurait dû fermer en 1434. Or, on possède des targes de Jean V frappées au plus tôt en 1434. Cela signifie que l’atelier a continué à fonctionner après cette date. Un accord a dû être trouvé entre l’abbé et le duc pour que ce dernier puisse continuer à faire travailler sur place. Il est donc difficile d’imaginer la destruction des fournaises en 1427, Kerhervé, L’État breton…, p. 191. Par contre, l’atelier a pu être mis en chômage en 1427, pour être rouvert neuf ans plus tard.
152 Le journal d’un Bourgeois de paris, p. 219.
153 DM II 1152-1161, Blanchard, Actes de Jean V…, acte 1605 (résumé), Planiol, Histoire…, t. iii, p. 400, et Planiol, La Très Ancienne Coutume…, p. 386-387 et 390.
154 AIV 1 F 100 R, Kerhervé, L’État breton…, p. 207, et Blanchard, Actes de Jean V…, actes 1745, 1747, 1754, 1755, etc.
155 Blanchard, Actes de Jean V…, acte 1776, 1427 (30 octobre). Il faut comprendre rabaissement du cours de la monnaie.
156 Compte de Jean Mauléon, DM II 1269-1270.
157 Kerhervé, L’État breton…, p. 208.
158 Duplessy 478 et 479 pour le demi ; Duplessy 458 pour l’écu.
159 Duplessy 511 et Duplessy, Le monnayage…, p. 242.
160 C’est d’ailleurs l’hypothèse de D. Cariou qui a retrouvé un double denier de Vannes portant au droit une hermine au naturel enchaînée, surmontée d’une moucheture, et au revers une croix non cantonnée : Cariou, « Un prototype du double à l’hermine passant retrouvé ? », ASBNH, 1999, p. 18-19.
161 Sur le problème de la distribution des monnaies entre François Ier et François II, Coativy, « Quelques réflexions sur le monnayage de François Ier, Pierre II et Arthur III », ASBNH, 1995, p. 31.
162 Bigot, Essai…, p. 243-244.
163 Jézéquel, Les monnaies…, p. 211.
164 Bigot, Essai…, p. 243, et DL II 115. En s’appuyant sur le style et la forme des lettres, D. Cariou confirme le classement de ces pièces en deux séries distinctes, ainsi que l’antériorité des monnaies habituellement attribuées à François Ier, Cariou, « Quelques précisions… ».
165 Jézéquel 417. Le demi-gros 417 a ne porte pas de lettre d’atelier, et le 417 c n’est pas complet. Par ailleurs, l’exiguïté du flan pourrait expliquer le raccourcissement de la légende.
166 ALA E 131, f° 21 v°.
167 DM II 1572.
168 ALA E 127/12, et ALA 14 J 2-15 ; mention dans DL II 1199-1203.
169 Duplessy 532.
170 Nous n’avons pas répertorié dans ce tableau le gros à l’écu heaumé attribué à Jugon (Jézéquel 224), ni le denier à légende IOH (Jézéquel 266) avec un P comme différent d’atelier.
1 Il s’agit des monnaies de la première émission, imitée de celle du 11 septembre 1389, Coativy, La monnaie en Bretagne…, p. 386.
171 Il est hors de question de comptabiliser toutes les émissions monétaires de blancs aux neuf hermines ni des guénars qui couvrent la fin du xive siècle mais aussi le début du xve siècle et la crise. Il faut donc s’en tenir aux monnaies clairement datées d’avant 1417, ce qui limite l’échantillon et nuit à la qualité du raisonnement.
172 C’est aussi le cas du dossier ALA B 127 qui ne conserve, pour une raison indéterminée, que des actes de 1457.
173 ALA E 239, f° 26 v°, 1397.
174 ALA E 239, f° 35 v°, AIV 1F 588 et AIV 1F 626.
175 AIV 1 F 626.
176 Jézéquel 410.
177 Jézéquel 409.
178 En 1461-1462, les 100 livres de cuivre sont à 14 £ 3 s 4 d, c’est-à-dire 200 fois moins chères que le marc d’argent ! AMN CC 93 f° 14.
179 Jézéquel 406 bis.
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La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008