Chapitre I. Prolégomènes à l’histoire de la monnaie bretonne médiévale
p. 15-53
Texte intégral
1« En Bretagne, la perte de la quasi-totalité des documents comptables et des archives judiciaires impose une démarche lente et fastidieuse, qui requiert une patience et une attention toute particulière1. » Jean Kerhervé résume par cette phrase toute la difficulté de travailler sur l’histoire de Bretagne médiévale, et spécialement sur l’histoire financière. Si l’on y ajoute le caractère « inégal, mouvant et dispersé2 » de la documentation, le problème est particulièrement bien posé3. Pour tenter d’étudier la monnaie en Bretagne, il faut aller chercher l’information partout, dans les actes du pouvoir, de la vie quotidienne, mais aussi les trésors, l’archéologie… Il devient alors possible d’appréhender la vision que les contemporains ont de leur argent.
La monnaie dans les textes
Les actes du pouvoir
2Les registres de chancellerie nous apportent l’essentiel de la documentation. Treize volumes sont conservés pour le temps des Montforts, complétés par des extraits de 1457-1458, 1474-1475, 1477 et 1484-1485, publiés par les Mauristes4. Ils ont été systématiquement dépouillés, et les volumes postérieurs à 1491 ont été consultés. Ils nous fournissent l’essentiel des textes concernant la monnaie, mais on y trouve aussi des mentions de versements divers, quelques cas de fausse-monnaie, des listes d’orfèvrerie… Il s’agit de témoignages de grande valeur car ils émanent directement du pouvoir. On peut y ajouter l’unique compte de délivrance des sceaux. C’est une source importante, dont il ne reste plus que des éléments fragmentaires à la suite du registre de chancellerie de 1489-1490. Il donne de nombreuses indications qui n’apparaissent pas dans le registre correspondant, en particulier sur les nominations de monnayeurs. Ces documents ont été complétés par les autres actes ducaux, publiés ou inédits, dont il existe d’excellents inventaires comme ceux d’A. de La Borderie pour les xe-xive siècles, J. Levron sur Pierre de Dreux, M. Jones pour Charles de Blois et Jean IV, et de R. Blanchard pour Jean V5. Les archives de Rennes et de Nantes permettent de connaître l’essentiel de la documentation disponible. Il ne subsiste qu’une demi-douzaine d’actes originaux, tous pour les années 1450. Ils sont conservés pour l’essentiel aux Archives départementales de Loire-Atlantique6. Les archives modernes des ateliers monétaires de Nantes et Rennes ont été étudiées pour essayer de reconstituer l’aspect des ateliers à la fin du Moyen Âge, sans succès7. La disparition de la documentation est un phénomène ancien. Un inventaire des archives de la Chambre des comptes, dressé en 1760 lors de leur transfert vers les Cordeliers de Nantes, ne mentionne que cinq comptes de Monnaie, dont trois du début du xvie siècle8.
3L’inventaire Turnus-Brutus, compilé en 1574-1579, permet de combler quelques lacunes des registres de chancellerie, mais les notices sont sèches, non datées et lacunaires9. Il subsiste aussi un registre du Conseil ducal. Il permet de mieux appréhender la prise de décision en matière monétaire, car en avril 1459, le duc se renseigne avant de modifier le cours des plaques10. Au-delà de ces cas précis, la documentation devient foisonnante et il faut aller à la recherche de l’information dans nombre de sources variées. Nous pouvons citer en particulier le registre de la réformation générale des feux11, qui détaille les exempts de fouage, en particulier les monnayeurs, les comptes et inventaires, qui permettent de se faire une idée des monnaies en circulation à un moment précis ou des habitudes de thésaurisation, mais aussi de nombreux actes anodins, qui signalent au hasard des pages la monnaie employée ou encore la localisation d’un immeuble par rapport à un atelier monétaire. Les actes judiciaires sont d’une importance capitale pour l’analyse du faux-monnayage et, par incidente lors des vols, pour la localisation de l’or dans les maisons. Enfin, les comptes de miseurs forment une série continue et très riche, comme ceux de Rennes à partir de 141912.
4Ces archives peuvent être complétées à l’aide de sources imprimées. Nous ne saurions assez reconnaître la dette que nous avons envers dom Lobineau et dom Morice. Le premier publie en 1707 un volume de pièces justificatives à son Histoire de Bretagne, et le deuxième des Mémoires pour servir de preuve à l’histoire de la Bretagne, entre 1742 et 1746. Ils sont riches d’informations et de documents qui ont disparu depuis. Il arrive qu’il y ait des différences entre les deux livres. Un acte du 11 mai 1458 est plus détaillé chez dom Lobineau que chez son continuateur13. Des textes bien connus des historiens nous ont été utiles, par exemple la Très ancienne coutume de Bretagne, publiée et commentée par d’Argentré, Hévin et Planiol. Les chroniqueurs tiennent une place importante dans l’historiographie bretonne. Ils narrent, année par année, l’histoire de Bretagne, enrichie quelquefois de l’histoire du monde14. Au-delà de quelques éléments intéressants pour l’histoire monétaire, ils nous renseignent surtout l’idéologie officielle et la vision contemporaine de la monnaie. Certains, comme l’Anonyme de la Chronique de Saint-Brieuc, n’hésitent pas à inventer des pseudo-monnaies pour étayer les prétentions ducales. Les chroniques apportent des informations « indirectes » sur l’or et la richesse. Enfin, les autres grands textes de l’époque fournissent aussi leurs lots de mentions. Mais dans un domaine aussi particulier que la numismatique, les textes ne suffisent pas et il faut aussi chercher l’information du côté des monnaies.
Trésors et monnaies isolées
5Pour pouvoir aborder le problème de la circulation monétaire, un corpus des trésors et des monnaies isolées s’impose. Ces différentes trouvailles n’apportent pas le même genre de renseignements. Un trésor est formé d’au moins deux monnaies enfouies en même temps et trouvées ensemble15. Le propriétaire est rarement connu, sauf quand on y trouve un sceau, et encore16… Les trésors éclairent la masse monétaire à un moment précis, et le grand nombre de pièces enfouies autorise les statistiques. Leur composition permet de distinguer un enfouissement d’urgence (monnaies identiques, faible différence de temps entre la plus ancienne et la plus récente, monnaies de circulation courante), d’un enfouissement d’économies (monnaies variées en origine et dans la durée, triées et plutôt de qualité, selon le principe bien connu de la loi de Gresham). Le principal problème est celui de la datation, bien plus facile en période de dévaluations fréquentes. Il est habituellement réglé par la présence ou l’absence de certaines pièces caractéristiques17. Il est extrêmement difficile de savoir pourquoi le trésor n’a pas été récupéré. Il peut s’agir de la volonté du cacheur, mais le plus souvent, le phénomène est lié à une période de troubles, et probablement à la mort violente du propriétaire. C’est particulièrement net pendant la guerre de Succession. Ces trésors donnent quelquefois une vision déformée de la réalité. Les pièces, accumulées pendant toute une vie et soigneusement sélectionnées, permettent difficilement de se faire une idée exacte de la réalité quotidienne.
6Les monnaies isolées et de fouilles corrigent ces déformations. Perdues par leurs utilisateurs pendant le cours de leur vie économique, elles nous montrent le contenu du porte-monnaie. La perte est alors considérée comme due au hasard, et concerne le plus souvent de la petite monnaie que l’on ne s’est pas donné la peine de chercher. Une pièce d’or trouvée seule relève plus du trésor, compte tenu de sa forte valeur libératoire, quelquefois supérieure à certains ensembles de pièces d’argent. Les monnaies isolées sont considérées a priori comme étant trouvées proportionnellement à la population et à la monétarisation de l’économie. La plus grande difficulté est la recherche de renseignements précis, car elles sont sous-déclarées et moins bien publiées que les trésors. Un des derniers facteurs à intégrer est la fonction du lieu de perte, très importante (marché, champ de foire, ville…)18. Le taux de perte varie selon les principes évoqués plus haut. Le contexte archéologique est prépondérant pour essayer de savoir si la monnaie a été perdue au moment de sa circulation légale ou bien plus tard, mais sauf cas particulier, le phénomène est difficile à estimer. Comme pour les trésors, il faut appliquer quelques filtres pour éviter de raisonner sur peu d’exemplaires, et ne jamais sous-estimer les grosses monnaies. Compte tenu de la valeur, le propriétaire se donne beaucoup plus de mal pour ses recherches, que lors de la perte d’un denier ou d’un double19.
7Pour mener à bien notre étude, nous avons commencé par établir un corpus des trésors médiévaux trouvés en Bretagne, ainsi que des trésors non-bretons mais comportant des monnaies bretonnes. La même méthode a été appliquée aux monnaies isolées ou trouvées lors de fouilles. Au total, nous avons consigné près de 260 trésors bretons, quelque 190 trésors non-bretons et environ 140 mentions de découvertes de monnaies isolées, pour une période de cinq siècles20. L’ensemble compte plusieurs trouvailles inédites, comme Plouagat, Plonéis ou encore Crozon. Malgré l’effet de nombre, ce corpus a des limites dont nous maîtrisons assez mal les implications. Il est en particulier faussé dans la mesure où des sociétés savantes ont assuré, à certains moments de leur histoire, une excellente couverture des trouvailles. C’est le cas de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, dans les années 1840-1880, ou de la Société archéologique de Nantes à la même époque. La présence de numismates de valeur ou de collectionneurs y est pour beaucoup21. Par contre, certaines autres n’ont jamais accordé une grande importance aux trouvailles, la Société d’émulation des Côtes-d’Armor par exemple, ou l’intérêt a manqué par périodes, comme à la Société archéologique de Nantes depuis la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, des « antiquaires » comme Gaultier du Mottay dans les Côtes-d’Armor ou Rosenzweig dans le Morbihan, signalent beaucoup de petites trouvailles fort intéressantes22. Nous ne pouvons que constater le phénomène et en tenir compte dans l’analyse des cartes. Un gros effort de recherche a porté sur les revues savantes et les inventaires archéologiques, selon deux axes : le dépouillement systématique des grandes revues françaises et bretonnes de numismatique, ainsi que celles des sociétés savantes départementales23. Il s’agissait essentiellement de compléter les données le plus précisément possible. Cette méthode nous a permis de pallier l’absence de répertoires et de dresser une liste suffisamment vaste pour avoir un outil de travail fiable. Au-delà de la Bretagne, les inventaires de Jean Duplessy permettent de couvrir efficacement l’ensemble du territoire national, et quelquefois l’étranger24.
Trésors papiers
8Les trésors papiers recouvrent deux ensembles bien distincts. Le premier regroupe les listes de monnaies médiévales dressées par les usagers. On en connaît quelques exemples frappants qui permettent de se faire une idée de la circulation monétaire à un moment précis de l’histoire de Bretagne. C’est le cas d’un compte de Jean Mauléon, dont les Mauristes donnent un résumé, et dans lequel l’officier du duc énumère les espèces qui passent entre ses mains25. Historiens et numismates l’ont largement utilisé, avec plus ou moins de bonheur. Il en existe d’autres, comme les inventaires réalisés à la mort de Jean II (1305) et Jean III (1341), les listes dressées au xve siècle à l’occasion de changement de cours des monnaies, etc.26. Les emprunts fournissent aussi des données très intéressantes27.
9Tout importants qu’ils soient, ces documents donnent une image de la circulation monétaire à un moment précis, mais ils ne font pas apparaître les évolutions. Pour contourner ce problème, nous avons dressé la liste de toutes les mentions de monnaies d’or et d’argent qui figurent dans les actes du pouvoir, et éventuellement ailleurs (testaments, comptes…)28. Mises bout à bout, elles représentent plus d’un millier de mentions. En dehors de l’intérêt statistique, cette liste permet de suivre les évolutions, de mieux savoir quand apparaissent et disparaissent les monnaies, quelle proportion elles représentent dans la circulation, et quel usage il en est fait29. La méthode a bien sûr ses limites, car nous ne sommes jamais certain de ne pas avoir affaire à des monnaies de compte, rebaptisées écus ou florins. De plus, il est quelquefois difficile de savoir ce que recouvre exactement la terminologie. On sait que le vocabulaire médiéval est quelquefois fluctuant, et une même pièce peut parfois figurer sous le nom d’écu, ou de florin à l’écu, dans le même texte. Par leur nombre et leur variété, ces mentions complètent pourtant très efficacement les trésors monétaires et permettent de vérifier les informations qu’ils nous transmettent. On ne peut hélas que déplorer la sous-représentation des monnaies d’argent, que les usagers prennent rarement la peine de détailler. En plus de ce travail traditionnel en numismatique, nous nous sommes tourné vers d’autres domaines, en particulier l’apport de la technologie.
Les autres sources
10La technologie évolue rapidement et permet d’explorer de nouvelles pistes de recherches. L’analyse fine du métal qui compose les monnaies est aujourd’hui possible, car en l’espace de deux décennies, la technique s’est entièrement renouvelée. Dans les années 1980, Françoise Dumas et Jean-Noël Barrandon publient dans les Cahiers ernest Babelon une étude très complète sur le titre et le poids de fin des monnaies sous le règne de Philippe Auguste30. La méthode est alors à ses débuts31. Les auteurs donnent le pourcentage et le poids d’argent des monnaies étudiées, dont les deniers de Philippe Auguste pour la Bretagne, les monnaies de Guingamp et les anonymes à la croix ancrée. Ils complètent quelquefois l’information par le pourcentage et le poids de cuivre, mais ce n’est pas systématique32. Cette méthode s’appuie sur l’activation neutronique, à l’aide d’une source isotopique de californium 252. Les résultats sont fiables, mais limités à l’argent et au cuivre33. Depuis, les matériels employés ont largement progressé et permettent une étude beaucoup plus détaillée.
11C’est dans ce contexte que nous avons fait réaliser des analyses sur des monnaies bretonnes en utilisant un cyclotron, accélérateur de particules de 12 Mv34. Lorsque la particule touche la monnaie, elle induit des réactions nucléaires et produit un rayonnement gamma qui peut être mesuré. Comme le spectre gamma de chaque élément est spécifique, la composition du métal est dès lors connue. Le métal de la monnaie n’est pas complètement analysé du fait que le proton perd de son énergie au contact de la matière. Plus la matière est dense, moins elle est traversée, de l’ordre de 241 µm pour l’or et 342 µm pour l’argent. Cette méthode ne permet donc que l’analyse d’une partie du métal de la monnaie, mais nous considérons qu’elle est représentative de l’ensemble. Ses deux avantages principaux, par rapport aux autres techniques plus couramment utilisées, sont l’épaisseur plus élevée de la couche analysée et la finesse de la mesure des éléments-traces. Il est dès lors possible de comprendre les phénomènes d’altération de l’aloi, et quelquefois d’identifier l’origine du métal et les phénomènes de refonte. Cependant, encore faut-il posséder des monnaies variées en nombre suffisant pour les livrer à l’étude.
12Il existe actuellement peu de grandes collections de monnaies bretonnes. Les grands dépôts publics en abritent un certain nombre : c’est le cas du Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale de France, de la Monnaie de Paris, du Musée de Rennes et du Musée Dobrée. Les médailliers privés accessibles sont peu nombreux, mais tous ceux qui le sont ont été consultés. Un ensemble ancien mérite d’être mentionné, la collection Guibourg, dont le catalogue a été dressé pour la vente, en décembre 1974. L’archéologie apporte un complément d’information. Un seul atelier, Fougères, a peut-être laissé une trace matérielle, mais le travail de fouilles est ancien. Ce domaine pourrait nous apprendre énormément dans l’étude des mines, et donc de l’approvisionnement en métal précieux. S’il n’y a plus de tradition minière en Bretagne, ce ne fut pas toujours le cas. Des sorties sur le terrain nous ont amené à essayer de retrouver et de localiser une mine d’or et une autre d’argent attestées à la fin du Moyen Âge35. Enfin, nous avons cherché à comparer la situation bretonne avec celle des autres principautés, chaque fois que c’était possible. Trois grandes études ont traité globalement de la monnaie médiévale. La première est celle de Henri Rolland qui a consacré un travail de fond aux monnaies de Provence, en privilégiant l’approche des ateliers et le classement des monnaies36. En 1980, Marc Bompaire consacre sa thèse d’école des Chartes à l’atelier de Montpellier37. L’étude porte sur un seul atelier, mais détaille toutes les implications qu’il induit sur la vie économique locale. Comme il s’agit d’un atelier royal, la théorie monétaire n’apparaît que de loin en loin. En 1988, Françoise Dumas-Dubourg publie un important ouvrage sur le monnayage des ducs de Bourgogne38. Elle traite de tous les aspects de la question, et son travail est facilité par l’existence d’archives très complètes. Le cadre chronologique retenu est globalement le même que le nôtre, ce qui nous a permis de fructueuses comparaisons, en particulier pour les xie-xiiie siècles. Notre seul regret est le peu d’importance accordée aux trésors pour l’étude de la circulation monétaire.
13Cependant, tout ceci ne permet pas de faire l’économie de l’étude des travaux antérieurs. Dans un domaine de l’histoire où les articles de deux pages concurrencent les notes de trois lignes, il était particulièrement utile de reprendre en détail l’historique du sujet.
Collectionneurs et collections
14Trois grandes époques se détachent dans l’historiographie de la numismatique bretonne. À partir du xviie siècle, on trouve deséruditsou » antiquaires »qui s’intéressent un peu à tout. Dans cette approche encyclopédique, la numismatique tient son rang, mais au même titre que l’archéologie ou l’étude des fossiles. Au xixe siècle, le sujet est renouvelé par Bigot, qui publie en 1857 son Essai sur les monnaies du royaume et duché de Bretagne. À sa suite, de nombreux savants travaillent et complètent le corpus. Dans la première moitié du xxe siècle, si un ou deux chercheurs émergent, la moisson de découvertes et de publications est maigre et il faut attendre les années soixante-dix pour voir renaître la numismatique bretonne.
En attendant Bigot
15Jean, duc de Berry, semble avoir été le premier collectionneur de monnaies anciennes connu en France, mais ce n’est qu’au xvie siècle que se développent les grandes collections, de pièces antiques essentiellement39. Il faut attendre Louis XIV pour que la numismatique se développe de façon autonome, hors des cabinets de curiosités. Le Roi-Soleil envoie des spécialistes à l’étranger pour leur faire acquérir des monnaies pour ses collections, et il organise la collection royale, qui devient alors le Cabinet des Médailles. Il ne semble pas qu’il y ait des Bretons dans les grands noms de la numismatique de l’époque. C’est au juriste Sébastien Frain que l’on doit la mention la plus ancienne d’une monnaie bretonne, en 1684. Il s’agit d’un denier de Jean Ier ou Jean II, avec l’écu de Dreux au franc-quartier d’hermines40. Le texte évoque aussi le gros à l’écu heaumé : « J’ay quelques unes de ces pieces qui representent un écu d’hermines demy couché, orné de son timbre ayant pour Cimier une rencontre de bœuf & un lionceau assis entre les deux cornes41. » L’auteur rapporte aussi la saisie des coins de Limoges et de Nantes en 1339, et il signale qu’il a de ces pièces, avec trois hermines disposées comme trois fleurs de lis. Il mentionne aussi un triens avec légende REDONAS FI et BERTICIVS42.
16La numismatique est dans l’air du temps. Le 5 décembre 1689, quand Gaignières donne un plan de travail pour le livre de dom Lobineau, il lui indique qu’il faut étudier « les rois, comtes et ducs de Bretagne, et ce qui s’est passé sous eux en Bretagne, le tout par chapitres pour chacun et par chronologie : leurs sceaux, épitaphes, monnoyes, devises, etc.43 ». Dans une lettre à M. de Carcado, dom Audren rappelle qu’il faut aller consulter les papiers de Hévin et souligne : « N’oubliez point, je vous prie, les monnoyes44. » Dans une lettre aux états de Bretagne, dom Lobineau explique qu’il a fait graver les tombeaux de plusieurs ducs ainsi que 400 sceaux, mais il ne dit mot des monnaies45. Il n’est pourtant pas indifférent au sujet. Il raconte lui aussi la saisie par les maîtres royaux des coins du duc, trop proches de ceux du roi, et note la bévue des officiers royaux
« qui prenoient des ermines pour des fleurs de lis ; car du reste, l’écu est couché, avec un casque pour timbre, surmonté d’une rencontre de bœuf, avec un lionceau entre les deux cornes, & pour légende, il y a JOHANNES BRITONUM DUX ; tous caracteres qui distinguoient fort la monnoie de Bretagne d’avec celle de France. Il a vu cette monnaie dans les cabinets des curieux46 ».
17La première représentation imprimée semble être le fait de dom Morice et dom Taillandier. Sur une planche, on peut voir 22 monnaies et un jeton qui résument rapidement la numismatique bretonne de l’époque mérovingienne au xvie siècle47. Quatorze de ces pièces ont été émises entre 1213 et 1491. Elles appartiennent au cabinet de Robien, ce qui met en relief l’influence d’un collectionneur sur les historiens de son époque, tendance que confirme l’historiographie.
18Le président Christophe-Paul Gaultron de Robien, premier collectionneur breton de monnaies, est une figure intéressante de l’archéologie48. Il est né à Rennes le 4 novembre 1698. Conseiller en 1720, président à mortier en 1724, membre de l’académie de Berlin en 1755, il meurt un an plus tard. Son fils hérite de ses collections mais celles-ci sont confisquées en 1792 au profit de la municipalité. Elles forment la base des riches collections numismatiques du Musée de Rennes. On y trouve aussi un cabinet de curiosités, des armes, une riche bibliothèque, des tableaux… Il laisse un inventaire manuscrit en quatre volumes, et il apparaît comme un pionnier de l’archéologie bretonne, par les fouilles qu’il pratique à partir des années 1720. Son médaillier compte plusieurs milliers de monnaies grecques, romaines, gauloises, médiévales et royales, dont beaucoup proviennent de Bretagne. On ne peut s’empêcher de comparer Robien avec les grands savants numismates français du xviie siècle, en particulier Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637)49.
19Les grands chercheurs français du xviiie et du xixe siècle, comme Duby et Lelewel, évoquent les monnaies bretonnes, mais avec des erreurs souvent dues à une science balbutiante. Duby est peu précis dans ses représentations et invente un certain nombre de pièces hybrides ou surprenantes, qui n’ont jamais été retrouvées en nature50. La documentation nous donne les noms des prédécesseurs immédiats de Bigot. Il s’agit de Le Boyer, actif dès 182051, de Fillon, souscripteur de la Revue Numismatique à partir de 1845, Barthélémy et Ramé en 1846, qui sont des chercheurs, mais aussi Verger (1836), Kergariou (1837-1867), Deschamps (1841-1844), La Gillardaie (1844-1867) et Penguern (1844-1846) qui émargent à la Société Française de Numismatique, mais ne publient rien. On remarque aussi l’adhésion de la Société des Beaux-Arts de Nantes. Il semble bien qu’il y ait eu dans les années 1840 un courant de recherche et des vocations de collectionneurs, car Bigot cite 19 collections52. Pitre-Chevalier consacre une planche aux monnaies bretonnes dans La Bretagne ancienne et moderne (1844)53. Il cite au passage les historiens bénédictins, et l’incontournable collection du président de Robien. Dans la réédition du dictionnaire d’Ogée, A. Marteville profite du développement consacré aux frappes d’Eudon, comte de Penthièvre et tuteur de Conan II, pour expliquer le fonctionnement de la monnaie, la valeur du sou, etc. Cela forme une longue dissertation de sept pages sur le sujet, qui concerne essentiellement le royaume54. Mais la véritable rupture a lieu en 1857, lorsqu’Alexis Bigot publie un livre intitulé modestement Essai sur les monnaies du royaume et duché de Bretagne.
Bigot et ses successeurs
L’œuvre d’un numismate éclairé
20Alexis Marie Servant Bigot est né à Dinan le 2 février 1826, fils d’un relieur et d’une marchande. Il est membre de l’Association Bretonne et de la Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine55. À 20 ans, il entre dans l’administration des Contributions indirectes comme commis aux écritures. Très jeune, il commence à collectionner en allant prospecter les champs de Corseul. Il possède un beau médaillier, fort de plusieurs centaines de monnaies, répertoriées dans l’essai sous la cote M. C56. Il s’intéresse aussi à d’autres sujets, comme beaucoup de ses confrères. Le 8 juin 1853, il apporte à la séance de la Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine deux lames de glaives gallo-romains trouvées à La Guerche, et la matrice d’un écu d’or d’Henri III trouvée près de Craon. Le 14 décembre 1853, il montre un sceau du xive siècle et un petit bronze imité des Byzantins et trouvé à Rennes lors de la construction du nouvel Hôtel-Dieu57. Il apparaît pour la première fois dans le monde de la numismatique bretonne en 1853 en publiant un Mémoire sur les monnaies anonymes étiquetées de Dreux, frappées à Guingamp. Il s’agit d’une lettre adressée à l’Association bretonne. Lors de la séance du 8 juin 1853 de la Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine, il dépose la liste des monnaies de la trouvaille de Kergonan découverte l’année précédente. Il en envoie par ailleurs une planche à la Revue Numismatique. Très rapidement, sa renommée est faite. On peut lire dans le Bulletin Archéologique de l’Association Bretonne de 1854 : « M. le Président se charge de dire lui même à M. Bigot que l’Association Archéologique fait des vœux pour qu’il poursuive et mène le plus loin possible ses curieuses études sur la numismatique bretonne. » Il a 31 ans quand il publie son Essai sur les monnaies du royaume et duché de Bretagne, édité chez Camille Rollin, antiquaire 12 rue Vivienne à Paris. C’est une synthèse de tout ce qu’on connaît sur les monnaies bretonnes au xixe siècle. Poey d’Avant écrit plus tard dans l’introduction de monnaies féodales de France : « M. Bigot […] a enfin élevé un monument digne de sa province en nous donnant la monographie presque complète de ses monnaies. »
21L’introduction de l’essai est un modèle de méthode de travail en numismatique. L’auteur commence par un rappel de tout ce qui a été fait avant lui, puis expose la façon dont il a travaillé : confrontation entre les dessins publiés et les monnaies, étude de sa collection et de celles des autres, empreintes des monnaies qu’il ne possède pas. Chaque règne est précédé d’une chronologie et d’un aperçu de la politique monétaire. Il pèche par contre du côté des textes : il semble n’avoir consulté personnellement que les archives de Rennes, et Poey d’Avant lui a fourni les actes de chancellerie de François II. L’essentiel des autres documents vient de dom Lobineau et de dom Morice. Dans son introduction sur les monnaies bretonnes, Poey d’Avant commence par saluer le travail de bénédictin de Bigot. Ensuite, il apporte une réserve quant à l’étude des premiers temps, avant le monnayage ducal.
22Il souligne que, quand Bigot a un doute, « il avoue qu’il n’est point sûr de ne pas s’être égaré ». Il faut souligner la qualité du travail de Bigot, l’aspect systématique de ses recherches et la façon dont il présente ses incertitudes. On constate tout de même deux limites. Le classement par atelier monétaire est bien moins pratique que celui par types puis par variantes, et les poids exprimés en grains et non en grammes sont peu fiables. Bigot était bien sûr au courant du prix des monnaies, du fait qu’il en achetait. Un exemplaire de son ouvrage a été relié avec une lettre autographe dans laquelle il donne la valeur des monnaies décrites, planche après planche. Ce livre est, pour son temps, une réussite à tous les points de vue : il est complet, détaillé et précis. C’est son seul volume et c’est un chef-d’œuvre. Il meurt en 1860 à Rennes, de la tuberculose. D’après le Dinanais du 16 septembre 1860, « il travaillait à sa table, classant à la lueur d’une lampe des pièces qu’il avait récemment trouvées, lorsqu’il fut pris d’un malaise. Le surlendemain, quelques amis réunis autour de son lit recevaient son dernier soupir ». Il a accompli une énorme tâche et nous laisse un travail qui n’a guère vieilli et qui a suscité des vocations.
Les continuateurs
23Deux successeurs de Bigot apportent mises au point et précisions, Faustin Poey d’Avant et Émile Caron. Le premier reconnaît sa dette envers lui, mais lui fait quelques reproches, en particulier celui de s’être laissé influencer par le chauvinisme : « Séduits et entraînés par un esprit de nationalité […], les numismatistes de Bretagne ont cherché à établir que leur pays avait quelque chose d’exceptionnel58. » Caron se réfère surtout à Poey d’Avant mais n’oublie pas les travaux de Fillon ni ceux de Aussant ou Chauffier59. La publication de l’Essai soulève en effet en Bretagne des vocations, ou révèle des collectionneurs-chercheurs : Danjou (1849-1879), Aussant (1859-1873), Toulmouche (1859-1863), André (1861-1877), Lecoq-Kerneven (1863-1870), Chauffier (1867-1874) et Guillotin de Corson (1867-1891)60.Tous publient dans les « années Bigot ». Beaucoup de ces hommes se rencontrent dans le cadre très émulateur de la Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine61. Cela explique en partie la richesse de leurs publications, contrairement à des régions où il n’y a pas ou peu de numismates. De fait, les communications numismatiques sont abondantes dans les procès verbaux, toutes époques confondues, des haches à douilles en passant par les pièces gauloises, romaines, jusqu’aux médailles récemment émises. Il faut noter que ces savants archéologues, numismates, collectionneurs, bibliophiles émargent souvent à plusieurs sociétés savantes comme la Revue de Bretagne, fondée en 1858, et les Bibliophiles bretons, fondés en 187762.
Une figure à part : Lecoq-Kerneven
24Une attention particulière doit être prêtée à Jean-Marie René Lecoq-Kerneven. Sa bibliographie indique une période d’activité particulièrement courte (7 ans) mais intense. Né lui aussi à Dinan, en 1807, il effectue une carrière de juriste comme substitut à Ploërmel, puis à Vannes. Président à Savenay, il est ensuite conseiller de la cour d’appel de Rennes en 1858. Il meurt probablement au début de 189963. Il publie au moins six études numismatiques et la sixième est intéressante d’un point de vue sociologique. Caron consulte sa collection à Redon, mais il semble que Bigot et Poey d’Avant ne l’aient pas utilisée64. On peut penser qu’ils avaient des doutes sur les monnaies, à moins que l’occasion ne se soit pas présentée. C’est à peut-être à lui que pense Poey d’Avant quand il écrit : « Pourquoi faut-il qu’à côté de ces nobles procédés, j’aie à signaler quelques résistances inexplicables […]. J’ai éprouvé deux ou trois refus qui m’ont été fort sensibles65. » Il est en effet curieux qu’une collection qui aurait compté 1 500 monnaies bretonnes dont de nombreux inédits n’ait pas été consultée par le grand numismate66.
25Ses articles sont surprenants, quand ils ne sont pas totalement farfelus comme sa carte numismatique de la Bretagne. Lecoq-Kerneven prétend en particulier que la Bretagne s’appelait ainsi avant l’époque romaine, puis s’est appelée l’Armorique avant de redevenir la Bretagne au ve siècle67… Il mentionne les villes romaines de Auraicum (Auray), Evranum (évran), Lamballinum (Lamballe), Ploermelum (Ploërmel), etc. Sa carte de synthèse regroupe les ateliers, toutes époques confondues. Il lui arrive aussi de signaler des monnaies surprenantes. Caron reprend deux monnaies de la Sixième étude. Hautes curiosités de numismatique franco-bretonne68. La première concerne Anne de Bretagne. À partir d’un exemplaire usé d’une targe de Jean V, il plaque une déclaration politique. IOHANNES BRITONV DVX (marque d’atelier) devient : ANNANHES BRITONV DVS DT, interprétée de la façon suivante : ANNA N(ostra) H(er)ES BRITONV(m) DV(cis) S(a), c’est-à-dire « Anne, notre héritière, duchesse des Bretons ». Il faut dès lors voir dans cette monnaie un manifeste politique de François II en faveur de sa fille. Elle viendrait confirmer la proclamation du titre de duchesse par les états de Bretagne. Ce n’est pas sans humour que Caron note qu’il n’a « jamais vu cette précieuse pièce » et qu’il laisse « à M. Lecoq-Kerneven toute la responsabilité de son ingénieuse lecture ». Dans la même étude, il en publie une autre du même acabit. À partir de ce quisemble être un faux grossier, émis sous le règne de François Ier, qui porte FRAMCISCVS FRAMCOR DVX RMX, il traduit par FRANCORA DVX REX. Au revers, on lit SIT NOMEN DNI BENEDICTV AR. Le A devient la lettre d’atelier de Paris, le R n’étant placé là que pour rappeler l’atelier de Rennes. Dernière rareté, il mentionne la découverte d’une hypothétique monnaie d’or de Pierre II69.
26Ces assertions surprenantes lui valent alternativement des remarques étonnées et dubitatives. Ses adversaires sont quelquefois particulièrement secs70. Le 10 décembre 1867, André présente à la Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine un travail de Lecoq-Kerneven : Etude sur le monogramme monétaire de Conan II et sur l’erreur qui a fait de ce monogramme un emprunt de celui de Herbert du Mans71. Mis en cause, Lecoq ne reste pas inactif et sait répondre à ses détracteurs comme l’atteste François Jégou, Les fondateurs de Lorient. réponse à M. Lecoq-Kerneven, auteur de « Généalogie et annales de la maison de Dondel, Sillé, etc.72 ». C’est une réponse à un article féroce de Lecoq-Kerneven paru en 1874. On retrouve une pareille attitude lors de la parution de sa Leçon de numismatique au président de la commission des attributions numismatiques de la Société Française, en réponse à son compte-rendu sur notre « traité de la composition et de la lecture de toutes inscriptions monétaires, monogrammes, symboles et emblèmes depuis l’époque mérovingienne jusqu’à l’apparition des armoiries73 ». À l’origine du conflit, on trouve en effet l’analyse qu’a faite de son livre le président de la Société Française de Numismatique. Dans la préface, Lecoq écrit : » Mais le plus souvent, seul, au milieu de nos idées nouvelles, dirons-nous de nos découvertes ? Nous redoutions comme une erreur cette lumière qui nous apparaissait. » Cet extrait donne une idée assez exacte du style de l’ensemble. Il note, page v : « Dans cette entreprise si nouvelle, nous aurons commis des erreurs sans doute, mais nous serons heureux de voir relever nos imperfections, et nous recevrons avec reconnaissance tout redressement d’erreur et toute critique de bonne foi74. » La Leçon de numismatique… semble se poser en démenti de cette affirmation. « Notre numismatique est en effet une page du génie du christianisme qui n’avait pas encore été tracée, écrit-il, ajoutant : Dieu a été la base et le couronnement de cette numismatique chrétienne et nationale75. »
Un xxe siècle discret
27La personnalité d’un riche Nantais, Thomas Dobrée, domine la fin du siècle. Né à Nantes le 31 août 1810, il hérite de son père une importante fortune qui lui permet de se livrer sans réserves à sa passion des arts. Il meurt en octobre 1895 en léguant son palais et ses trésors au département de Loire-Atlantique76. Sa collection de monnaies, constituée en partie par l’achat de celle de Bigot, a formé la base de l’importante série numismatique du Musée Dobrée. On ne peut que constater qu’à l’origine des deux grandes collections publiques de Bretagne (Rennes et Nantes), on trouve deux initiatives privées. L’évolution est ensuite parallèle à celle de Rennes, par l’enrichissement d’une base solide grâce à des acquisitions de collections ou de trouvailles. Après cette époque si riche, la première moitié du xxe siècle apparaît comme une période creuse car, à partir des années 1890, les articles de numismatique se font rares à la Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine comme à la Société Archéologique de Nantes. La génération Bigot a disparu et l’on ne relève plus que les communications de Paul Soullard, actif de 1896 à 192077. Il est né à Nantes le 17 septembre 1839, décédé le 13 octobre 1930. Commerçant, grand voyageur, il se retire des affaires vers 1898 et se lance alors dans les études, et en particulier la numismatique. Sa vocation vient, dit-il, d’avoir vu ses parents jouer aux cartes en comptant les points avec des jetons, tous différents. Il réunit plusieurs milliers de monnaies, en particulier la quasi-totalité des monnaies sorties de l’atelier de Nantes. Ami de Fortuné Parenteau, il entre à la Société Française de Numismatique en 1904, sous le parrainage de MM. Caron et Bordeaux. Il est aussi connaisseur en sigillographie, en bibliophilie et en archéologie. Sa bibliographie couvre pour l’essentiel la période 1903-1927. À la même époque, dans les années 1924-1932, le Dr Macé publie aussi sur le sujet, mais ses articles sont loin d’avoir la densité de ceux de P. Soullard. Émile Guibourg, dont le premier article date de 1925, ne devient vraiment actif qu’entre 1952-1964. La fondation de l’Association Numismatique Armoricaine (n° 1 en février 1967) par Yann Poupinot puis celle de la Société Bretonne de Numismatique et d’Histoire (1992) par Daniel Cariou relancent l’intérêt pour l’étude de la numismatique. Le siècle se termine sur une synthèse de Jean Kerhervé dans L’État breton, pour la fin de l’époque médiévale, et la publication des Monnaies des comtes et ducs de Bretagne, de Yannick Jézéquel78. En 470 références, l’auteur classe par type, et non plus par atelier, les monnaies ducales, ainsi que celles des Penthièvre et la production bretonne de Limoges.
Collections et collectionneurs
28Le devenir des collections est aussi un aspect historiographique intéressant. Il existe trois grandes solutions : la vente avec catalogue, la dispersion et le don à un musée. À la vente Poey d’Avant, M. Ramé acquiert toute la série bretonne pour la somme de 1 345 F79. On ne connaît pas d’autre grand catalogue de vente que celui de la collection Guibourg80. On suit plus facilement la vente ou le don à un musée, comme pour la collection Dobrée, rejointe par la suite par les collections Parenteau puis Soullard, à l’initiative de Marcel Soullard, fils du numismate81. Le Musée de Rennes profite de la générosité de collectionneurs comme André, Aussant et Mocudé82. Beaucoup de ces hommes recherchent aussi les autres monnaies armoricaines, en particulier au xixe siècle Danjou de la Garenne, Kergariou, Dague-Dubois, La Bretesche, et au xxe siècle, Soullard et Guibourg.
29Lors de la rédaction de son ouvrage, Poey d’Avant consulte dans l’ensemble les mêmes collections que Bigot, à l’exception de la collection Fornier, citée par Bigot, mais il en signale d’inédites, comme celles d’Hubin de La Rairie et La Bretesche. Sur 1263 monnaies, Poey d’Avant précise 1223 origines, certaines monnaies ayant été vues dans plusieurs collections83, d’autres ne possédant pas de références84.Trois ensembles fournissent 62 % des monnaies qu’il cite : Bigot, Aussant et Dobrée. On trouve le Cabinet des Médailles en quatrième position, puis les autres grands noms de la numismatique bretonne du xixe siècle :Danjou, Parenteau, Bréhier, La Gillardaie. Le Musée de Rennes est la deuxième institution mentionnée, avant une série de collections dont on a le sentiment que Poey d’Avant ne les a référencées que pour faire plaisir à leur propriétaire85…
Tableau 1. – Ventilation des collections consultées par poey d’avant. Source : Poey d’avant, Monnaies féodales… 1 223 origines de monnaies sont mentionnées.


30La comparaison des différentes sources permet aussi de dresser un tableau sociologique des collectionneurs et numismates bretons.
Tableau 2. – Répartition sociologique des collectionneurs et numismates bretons. Sources : Bigot, p. 409-412, Poey d’Avant, Monnaies féodales…, p. 451-454, et Coativy : « Esquisse sociologique sur les collectionneurs… », p. 79-80.

28,3 % du total général, même base au niveau national. Nota : quand le nom porte une particule mais que la profession n’est pas précisée, il est classé arbitrairement à noble.
31Même si l’échantillon breton est faible, la répartition n’est pas vraiment originale et on constate en Bretagne les mêmes phénomènes que dans le reste du pays, en particulier la domination des professions intellectuelles (juristes, médecins) et la forte présence de la noblesse pour qui la numismatique reste encore un passe-temps de gentilhomme86. Seule la part importante faite aux clercs numismates mérite d’être relevée comme un trait spécifiquement breton. Le travail de ces hommes permet de faire évoluer le classement des pièces et de préciser les variétés, mais il n’apporte que peu d’informations sur la vision que les contemporains ont de la monnaie. Il faut alors se tourner vers d’autres sources.
Usage et vision de la monnaie
32Les trésors nous renseignent de très près sur les espèces utilisées par les populations médiévales, mais ils livrent aussi d’autres informations sur l’usage quotidien de l’argent, la façon de le stocker, de le cacher, et quelquefois les préoccupations du propriétaire. Il est regrettable que nous ne soyons pas mieux renseignés par les découvreurs, qui négligent souvent de donner des détails sur la profondeur d’enfouissement, le contenant, les circonstances de la découverte, etc. Certaines informations demeurent malgré tout étayées par les textes, qui permettent d’apporter quelques précisions.
Du maniement des économies
33Les circonstances de découverte des trésors varient. Les travaux immobiliers, d’aménagements routiers, et les carrières fournissent leur lot, qu’il s’agisse du creusement de fondations, de travaux de rénovation, ou de la destruction d’un habitat ancien, d’une chapelle, etc. Les travaux des champs apportent leur contribution, avec quelquefois un peu de piquant. C’est le cas du trésor du Trévoux III qui est découvert par un porc fouisseur ! Les fouilles archéologiques sont aussi l’occasion de trouvailles, mais plus souvent de monnaies isolées, en particulier autour des châteaux, dans les églises et les cimetières. Enfin, le hasard fait quelquefois bien les choses et les monnaies qui se cachaient entre les racines d’un arbre ressortent après une forte tempête.
Du bon usage des cachettes
34La façon dont se présentent les pièces qui sortent du sol permet de mieux appréhender la psychologie du thésauriseur et les circonstances de l’enfouissement, en premier lieu les contenants. Avant toute analyse, il faut relativiser les chiffres du fait de la nature organique de certains matériaux comme la toile, le bois et, dans une moindre mesure le cuir, qui se conservent très mal. Les trésors déposés en pleine terre ne laissent guère de trace en dehors de la monnaie. On sait que, par le passé, ces cachettes étaient très employées, à l’Âge du Bronze par exemple87. Au total, 61 cas sont bien décrits, et nous avons pu dresser une liste de 42 lieux d’enfouissement connus, ce qui donne le tableau suivant, avec un élément de comparaison au Luxembourg88.
Tableau 3. – Les lieux de découverte des trésors, en Bretagne et au Luxembourg. Sources : Corpus des trésors bretons (en annexe), et Weiler, La circulation…, p. 37-39. Les lieux d’enfouissement détaillés par R. Weiler ne correspondent pas tout à fait à ceux connus en Bretagne, ce qui explique que le total luxembourgeois ne fasse pas 100 %.

35Les maisons arrivent largement en tête, avec un peu plus de 50 % des trésors. C’est tout a fait compréhensible. Les hommes cachent leur argent chez eux, dans un endroit qu’ils connaissent bien, et qu’ils ont éventuellement aménagé pour cette fonction. Trois cas sont mieux connus. À Saint-Pol-de-Léon II, les économies sont cachées dans une crèche, au Trévoux III dans un four, et à Questembert II à l’intérieur d’une cheminée. L’enquête de canonisation de Charles de Blois nous renseigne aussi. En 1369, Guillaume Guidomar et sa femme Guillote cachent deux moutons d’or dans un mur, probablement à l’intérieur de la cheminée, car les pièces tombent dans le feu. Seule une intervention miraculeuse de Charles de Blois leur rend leur forme originelle89. Les édifices religieux arrivent en deuxième position90. Ces endroits offrent plusieurs avantages. Dans une société chrétienne, une forme de tabou s’attache aux églises, chapelles et oratoires. Dans l’esprit de celui qui enfouit son argent, un découvreur hésitera à s’emparer des économies, car il deviendrait dès lors voleur d’église. Le phénomène est ancien. Dans l’aulularia, la comédie de la marmite de Plaute, Euclion, après avoir trouvé une marmite pleine d’or dans sa maison, la cache dans le temple de la Bonne Foi91. Dans ces espaces sacrés, la localisation varie. À Binic, l’argent est placé sous la porte principale de l’ancienne chapelle Saint-Jacques. À Nantes IV, il est dans une crypte, comme à Dinan I, près du squelette d’un abbé92. Lors des travaux de rénovation de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, un ensemble de monnaies des années 1360-1370 est découvert en 1843, à la jonction des nervures qui reposent sur le chapiteau d’un groupe de colonnettes93. Les hasards de l’activité humaine révèlent d’autres cachettes, comme les talus (quatre cas), les tombeaux (deux) et la rue (un). Les trésors marins relèvent d’une autre logique. Il est facile d’imaginer que l’argent a été perdu lors d’un naufrage. Quiconque a pratiqué les rivages bretons comprend l’inanité d’y cacher quelque chose. Les mouvements d’eau et de sable sont tellement importants que d’un jour à l’autre, un objet peut se déplacer de façon importante. Trois cas sont connus. À Douarnenez, une monnaie d’or anglaise a été découverte à la sortie du port ; à Crozon, les monnaies étaient dispersées sur l’estran et à Plouguerneau, la bourse perdue se trouvait dans une épave. En dehors du côté anecdotique, les trésors marins permettent d’appréhender un peu mieux le commerce maritime.
Enfouir son argent
36Dans neuf cas, nous connaissons approximativement la profondeur d’enfouissement des trésors.
Tableau 4. – Les profondeurs d’enfouissement des trésors bretons. Source : Corpus des trésors bretons.

37Un certain nombre de problèmes d’interprétation se posent. Les profondeurs de découverte sont rarement mentionnées par les inventeurs, et leur nombre est faible par rapport à la quantité de trésors trouvés en Bretagne. De plus, nous n’avons aucune idée de la topographie du terrain à l’époque de l’enfouissement, ni des mouvements qui ont pu se produire par la suite. Les reconstructions en milieu urbain se font sur les ruines de l’époque précédente, et dans le cas de Nantes I, il est possible que la profondeur de départ n’ait pas été la même qu’actuellement. On peut toutefois faire apparaître un certain nombre de phénomènes. La moyenne s’établit autour de 85 cm, ce qui est assez important, les cas de Nantes et de Béganne étant exceptionnels. Ces derniers donnent l’impression que les propriétaires avaient une réelle angoisse que l’on retrouve leurs dépôts. Pour cela, ils ont creusé particulièrement profond, et il devient difficile d’y voir des enfouissements d’urgence. Dans le cas de Béganne, le cacheur a même creusé au maximum des possibilités, pour ne s’arrêter qu’à la roche. Dans le cas de Guérande, la composition indique un enfouissement d’urgence. Cela est confirmé par la faible profondeur pour un ensemble qui a une valeur importante, de l’ordre de 75 £. Les contenants offrent une autre approche de l’usage de la monnaie, plus quotidienne.
Tableau 5. – Les contenants des trésors bretons. Source : Corpus des trésors bretons.

38Soixante et un contenants sont connus. Au mieux, la cache est maçonnée, quelquefois recouverte d’une pierre plate, comme à Guérande II, Saint-Gilles-Vieux-Marché I, Tréguennec et Nantes III. Dans ce dernier cas, elle est aménagée dans une cavité, sous une des pierres du petit banc circulaire de la crypte de la cathédrale. La cachette est plus sommaire à Vannes III, et se réduit à un amas de petites pierres. Avec 41 occurrences, le pot de terre apparaît comme l’ustensile favori pour stocker son argent et le cacher94. L’argent peut déjà y être déposé avant l’enfouissement, et il n’y a pas de risque d’égarer des pièces. Dans l’optique de la courte durée, le pot de terre résiste correctement. Ce n’est pas le cas sur le long terme, et les trésors se présentent souvent sous la forme d’un bloc de métal soudé par la corrosion, avec des tessons de poterie agglomérés à l’ensemble. À Pluherlin, le propriétaire de l’argent a estimé que deux précautions valent mieux qu’une. Les monnaies sont serrées dans un morceau de toile, lui-même déposé dans un pot de terre ou de grès. Autrement, un sac de toile suffit à conserver les pièces. Il est possible qu’une étude plus attentive des trouvailles permette de faire augmenter la proportion des sacs. Il faut en effet des conditions toutes particulières pour que subsiste ce matériau sur une longue durée.
39Il en va de même pour les quatre bourses en cuir répertoriées. À Derval, l’inventeur a retrouvé l’escarcelle de cuir qui accompagnait l’équipement complet d’un chevalier. Elle contenait 5 écus d’or, probablement de Charles VI (1385-1422). À Plouescat, la bourse de cuir était encore close par un fermail. Les textes précisent en partie l’usage des bourses. L’inventaire du mobilier de Jeanne de Penthièvre, duchesse de Bretagne, dressé en 1384, mentionne qu’elle possède « une pièce d’or de Castille en une bourse en cuir95 ». Le duc François II en porte une, qu’il remplit au moins de gros, si on en croit un mandement de 148896. Il « les vieult avoir pour à sa main et bource employer en ses menuz affaires ». Si les tirelires ne sont pas mentionnées dans les actes, elles servent à stocker l’argent, et aussi à le cacher. C’est le cas à Ploërmel, pour une tirelire en terre rougeâtre, de forme ronde, surmontée d’une sorte de bouton et « du même modèle que celle que l’on fabrique encore de nos jours97 », ainsi qu’à Questembert II, pour une tirelire en terre de forme ronde, de 20 cm de haut. Une corne de bœuf remplit cet office dans un cas, de même qu’une boîte en bois. Par contre, on trouve peu de contenants en métal, comme en Normandie lancastrienne, à l’exception du trésor de Quimper, caché dans un tube de plomb98.
De quelques menus objets précieux
40Les trésors bretons contiennent rarement autre chose que des monnaies. Pourtant, quelques cas apportent un lot d’objets que l’on s’attend à trouver avec de l’argent, d’autres moins. Il ne circule pas que des monnaies contemporaines des utilisateurs. Il n’est pas rare de trouver des monnaies frappées 50 voire 100 ans avant l’enfouissement. À Riec-sur-Belon, la monnaie la plus ancienne est un denier de Louis VII (1137-1180), alors que le trésor a été enfoui entre avril 1340 et novembre 1341, soit près de 200 ans d’écart. Par contre, il est plus surprenant de trouver à Pluvigner un antoninien de consécration de Claude II le Gothique (268-270), sur les 351 monnaies enfouies vers 1364. Dans le trésor d’Oudon, de la même époque, on trouve aussi un piéfort de plus de 5 g99. On peut aussi cacher des objets précieux et de petite taille. À Fougères II, le trésor contient environ 80 monnaies dans un pot de terre, dont 28 en or, accompagnées d’un anneau très fort en argent. Il est orné de grosses cannelures, se renflant vers le chaton qui est plat, à 10 pans, bordé d’un grènetis festonné. Il porte gravé très profondément une croix longue dans un cercle. De chaque côté de la croix est plantée une branche de myrte. Au pied de la croix, deux V forment un monogramme, et autour de ce motif central, on peut lire GUERIN en gros caractères gothiques. L’objet mesure 33 mm de diamètre intérieur, pour un poids de 18,7 g. L’inventeur précise que « ce doit être un anneau de mariage100 ». À Hénon, des monnaies féodales, enfouies dans les fondations de l’ancienne chapelle de La Madeleine, sont accompagnées d’une matrice de sceau du xiiie siècle au nom d’Alain de Maroué101. Dans le trésor de Saint-Herblon, découvert en 1901 lors de la démolition de l’ancienne église, les 220 monnaies sont enfouies vers 1419-1422 avec une matrice de sceau armorié, au nom de T. Le Brebieus, aussi inconnu qu’Alain de Maroué102. Enfin, à Locmariaquer, on découvre en 1920 plus de 400 monnaies et plusieurs boucles, dans un pichet en terre vernissée103. Elles sont en argent, faites d’une tige tordue et aplatie, avec grand ardillon médiant, d’un diamètre de 55 à 60 mm. Ces découvertes sont confirmées par les listes d’objets précieux qui peuvent être nommés avec les monnaies.
41Si nous reprenons l’inventaire des biens de Jeanne de Penthièvre, nous trouvons en plus d’une monnaie d’or, une chaîne d’argent, un signet et une chaîne d’or, cinq anneaux d’or décorés de pierres précieuses, un mordant à ceinture d’argent doré, huit sceaux d’argent de Charles de Blois (ils sont alors oblitérés), quatre anneaux d’or décorés, et « en une bourse une tuille d’or104 ». Plus tardif, un mandement du 14 août 1488 enjoint de rendre à Guillaume de La Marche « une bouecte avec les espèces d’or, argent et baigues y estantes105 ». Ces ensembles ne sont pas vraiment surprenants. Il s’agit d’objets précieux, en métaux nobles et de petite taille, c’est-à-dire faciles à cacher. Notons enfin qu’à Dinan I, on découvre en mai 1839 le squelette d’un abbé dans la crypte des Jacobins. Près de lui se trouvent une crosse en cuivre ornée d’émaux bleus, des débris d’ornement en or et en soie et un certain nombre de monnaies bretonnes106. Souvent associés à des événements dramatiques, les trésors n’offrent qu’une vision limitée de l’utilisation quotidienne de l’argent, aussi faut-il se tourner vers d’autres sources pour brosser un tableau plus fourni.
Conserver son argent
42Faute de banques de dépôt, le stockage de l’argent pose un problème crucial de vie quotidienne, à tous les niveaux de la société. Pour des raisons d’échelle et de documentation, nous nous tournerons d’abord vers le duc, puis vers les particuliers.
Les coffres du duc
43Tout au long de la période, la notion de trésor ducal reste très forte. Avant 1250, l’argent du duc est déposé à la prévôté de Nantes, au moins l’argent nantais, in domo prepositore. En 1217, le duc assigne à une abbaye des revenus à percevoir « sur les sommes déposées à la prévôté107 ». Il est possible que Pierre de Dreux ait aussi entreposé une partie de son argent au monastère Saint-Melaine de Rennes, avant 1229, mais les documents ne sont pas très clairs sur les liens qu’entretiennent le pouvoir et cette abbaye rennaise108. À partir de 1250, le stockage de l’argent se fait à la Tour Neuve, à Nantes. Ce château est construit entre 1237 et 1248 par Jean le Roux, qui en fait sa résidence principale109. Trois inventaires dressés en 1303, à la mort de Jean II (1305) et de Jean III (1341) nous renseignent précisément sur la situation110. Une première liste, dressée en 1303, ne concerne que la Tour Neuve. Elle signale la présence de 117 534 £t en argent monnayé, 12 126 £t en argent non monnayé, soit environ 1 170 kg d’argent. Elle nous indique aussi que l’argent peut transiter par le château, avant d’être admis dans le trésor à proprement parler, comme ces « 7 096 £ 1 s 8 d, lesqueux deniers sont ou souzein estage de la Tour Nove touz preez à meitre en leu de trésor ».
44En 1305, la description est plus détaillée, et concerne aussi Longjumeau et Suscinio. L’argent est conservé dans un grand nombre de sacs, parfois scellés, au moins 136, mais ils ne sont pas tous dénombrés111. Ils peuvent renfermer des sommes rondes, 2 000 £ pour 20 d’entre eux, ou bien une somme aléatoire. Les espèces sont parfois classées, « desur la dite arche… en parisiz doubles soiz » 2 200 £, ou mélangées comme ces sept sacs de bretons, mansois « e d’autres menues monnoeies & aus autres dons sunt estrellins », pour un total de 805 £. Il n’y a pas que de l’argent monnayé, mais aussi de l’argenterie et du métal apprécié en marc : 54,5 marcs 2 onces d’or et 5 182 marcs 7 onces d’argent en métal ou en vaisselle112.Tout cela est conservé aux différents étages de la tour, dans
« une arche qui estait jouste sous l’uys, en VI granz saz, en parisiz e en tornois dobles et en mailles blanches fortes. Item desur ladite arche […] en parisiz doubles […]. Item en une autre arche prochaine de celle, en XXV saz, en parisiz & en tornois dobles… en mailles blanches fortes ».
45Le métal peut même se présenter dans des paniers comme ces « 174 mars et 6 esterlins, pesez au marc de Tours, en un panier », ou à même le sol, comme c’est le cas pour « XXV saz qui sunt sur les planches sunt IIIm CX mars d’argient en masse ». L’inventaire de 1341 est plus intéressant du fait du détail des monnaies d’or, mais il nous renseigne moins bien sûr les conditions de conservation du métal. L’acte nous dit que les monnaies sont toujours placées dans des arches et des sacs, certains liés entre eux113. Ces sacs ne doivent pas être bien grands, au moins celui qui ne contient que 21 parisis d’or. Dans l’ensemble, un effort est fait pour qu’ils renferment une somme ronde114. Certains sont contenus dans un sac plus grand et plus solide115. Sans pour autant faire ici une étude détaillée des monnaies d’or et d’argent116, on peut noter leur variété, certaines n’étant représentées que par deux exemplaires. La composition du trésor ducal n’est pas sans rappeler par la variété des espèces la composition des trésors trouvés en terre, à une autre échelle bien sûr.
46L’argent ducal n’est pas conservé qu’à Nantes. Au prieuré de Longjumeau, le duc possède 3 500 £, et à Suscinio, 19 567 £ en monnaie et 336 marcs d’argent en vaisselle. L’argent déposé à Longjumeau devait servir à Jean II quand celui-ci se trouvait à Paris. Les sommes ne sont donc pas aussi importantes qu’à Nantes. Enfin, le duc ne voyage pas sans rien. À Lyon, « quant il trespasse » on découvre « en deniers, flourins e autres monnoies » 10 034 £ 16 s 8 d, en vaisselle, 29 marcs 8 onces d’argent et 14,5 marcs 2 onces d’or, ainsi « qu’une poche o plusieurs pièces d’or pesanz environ un marc » et une bourse contenant cinq florins à la reine, 67 anneaux d’or et 2 d’argent. La description est révélatrice des mentalités de l’époque. Le duc accumule du métal en monnaie, en vaisselle ou en lingot, comme ses sujets. En déplacement, il emporte ce dont il a besoin. Le pouvoir n’a pas encore dépassé un stade assez sommaire du maniement de l’argent.
47La situation n’évolue pas considérablement par la suite, mais nous n’avons hélas pas de textes aussi détaillés que les inventaires après décès de 1305 et de 1341117. La notion de coffres pleins de métal précieux reste forte. Le 21 novembre 1457, le duc Pierre II reproche à Henri de Villeblanche et trois de ses complices d’être mêlés à la mort de Gilles de Bretagne. Il les accuse aussi d’avoir vidé les caisses de l’état, et il insiste sur le fait qu’
« au temps de son deceiz (celui du duc François Ier) son tresor estoit tout gasté & dissipé, tellement qu’il n’y avoit que pou d’argent ou nyent en or ne argent considéré ce qui devoit estre attendu les trésors que lesserent les Ducs précédens & les revenues du Duchié118 ».
48S’il est encore question des sommes de diverses fermes « en nostre bourse, tresor ou couffres », les choses évoluent et le concept de richesse en métal précieux s’élargit119. C’est la même impression qui ressort après le complot de Margot de Clisson. Lors de son enlèvement par les Penthièvre, entre février et juillet 1420, le duc promet de verser son poids en or aux Carmes de Nantes, et en argent à Tréguier, s’il s’en sort vivant120. Comme le fait remarquer Arthur de La Borderie, « le duc ne lésina point ». Il enfile son armure avant de monter sur la balance, ce qui donne un poids total de 380 marcs 7 onces, soit 93 kg environ. La représentation qui est donnée de l’opération dans le missel des Carmes est révélatrice d’une nouvelle vision de la richesse121. En 1487, la remise des biens de feue la duchesse de Bretagne à Gatien Mathis, associe les monnaies à la vaisselle d’or et d’argent, ainsi qu’aux bijoux trouvés dans ses coffres122. Les sacs d’or laissent peu à peu la place à l’orfèvrerie, coupes, aiguières, plats, etc.
49C’est à la trésorerie de l’épargne que sont stockées les richesses du duc, aussi bien en bijoux et en vaisselle qu’en espèces123. L’orfèvrerie sert comme monnaie, directement ou indirectement. Vers 1373, Jean IV passe à Linde, et décide de « bailler ung pou de vesselle d’argent124 ». Elle permet de garantir les emprunts. En octobre 1457, le trésorier Olivier Le Roux utilise pour un même paiement de 500 écus, 30 marcs d’argent, 12 tasses et une aiguière125. Le 22 juin 1462, on verse à Jacques Le Camus, marchand à Angers, pour les donner au duc de Calabre, l’équivalent de 6 000 écus126. Deux ans plus tard, l’opération est renouvelée pour un montant de 5 000 écus, pour aider à payer une ambassade et du matériel de guerre127. En cas de nécessité, ces objets sont transformés en monnaie. Le 10 novembre 1467, un mandement est adressé à Olivier Baud, trésorier des guerres, de recevoir de l’abbé de Saint-Melaine 100 marcs 5 onces d’argent en vaisselle et de les faire monnayer immédiatement à la Monnaie de Rennes. Le trésorier reçoit aussi 95 marcs 3 onces d’argent « en flacons et autres vexelles » à 7 £ 15 s le marc128.
50Ces manipulations s’intensifient en temps de guerre et les années 14871491 sont particulièrement riches en mandements d’envoi d’objets précieux à la fonte129. Quelquefois, c’est un particulier qui fait les frais de cette opération. Lors du conflit qui oppose Anne de Bretagne au maréchal de Rieux, la jeune duchesse envoie à la fonte à Rennes 6 écuelles d’argent de 12 marcs 3 onces, 5 plats d’argent de 22 marcs 3 onces, « le tout armoïez des armes du sire de Rieux130 ». Tout cela est traité avec précaution, puisqu’une partie des objets est enveloppée dans des housses de cuir, et l’ensemble placé dans des coffres131. Le 27 avril 1464, Jehan du Boais, trésorier de l’épargne, paye 15 £ à Guillemin de Launay « pour plusieurs estuyz qu’il a fait faire pour estuyer vexelle132 ». Le 10 novembre 1467, c’est l’orfèvre nantais Jehan Vallée qui fabrique deux étuis pour 12 tasses blanches à une hermine, et un étui pour deux bassins dorés, le tout pour 68 s 9 d133. Ils sont déposés dans des coffres élaborés. Si en 1472, il ne reste plus au château de l’Hermine que deux coffres en bois inutilisables, un grand « avec la clef dedans qu’on ne peut retirer », et un petit dont l’huis est brisé, Nantes est mieux pourvu. Une chambre basse abrite deux coffres de « subtile faczon », que Tanguy du Chastel a fait fabriquer à Tours, deux autres dont un rond, et trois vieilles huges de buis134. Le compte des miseurs de la ville pour 1467 nous apprend que la confection d’un bon coffre coûte un peu plus de deux livres. Guillaume Le Clerc, gaisnier, reçoit 30 s « pour ung coffret carré garny de fer blanc », Henry Lucas, claveurier, 5 s « pour deux coupplez (et) ung crampon », et Pierre Guiole 10 s « pour deux crapauds à fermer ledict coffret135 ».
Épargner au jour le jour
51Les particuliers sont confrontés aux mêmes problèmes de stockage, comme l’attestent les lettres de rémission pour vol136. Le plus souvent, l’argent est déposé dans une huche où l’on trouve « grande somme de chevance de deniers137 ». Le vol de 160 écus en 1407 n’est hélas pas détaillé dans la lettre de rémission accordée au voleur, mais l’ensemble représente tout de même 200 £138. Les économies se présentent sous forme de monnaie ou de métal, en lingot ou en fretin comme chez Hervé Lezongar, victime d’une querelle domestique139. Jehan Le Heuc et Marie Lezongar sa femme, volent chez le frère de celle-ci la coquette somme de 40 marcs d’argent, soit près de 10 kg de métal140. Il peut aussi y avoir toutes sortes d’objets précieux, de la vaisselle, des contrats141… En 1508, le vol dont est victime Michel Thierry nous donne des détails intéressants sur la façon de garder les pièces142. Un homme entre dans la maison, force un coffre et en sort un sac de toile plein de monnaies, pour environ 250 £t. L’audacieux revient quelque temps après et vole un autre sac plus petit, sans précision de valeur143. Deux ans plus tard, en janvier 1510, un délinquant pénètre par effraction dans une maison et dérobe dans un coffre une poche de toile, qui contient environ 84 £ en onzains et 70 s en douzains karolus et autres espèces144. Le coffre se situe aussi dans la chambre à coucher, ce qui n’est pas surprenant. Le propriétaire veut avoir les yeux dessus la nuit, mais il ne semble pas que cela ait servi à grand-chose dans les deux cas cités ci-dessus. Les sommes enfermées peuvent être importantes. En février 1431, Bertrand de Rosmadec dépose dans un coffre de la chambre du trésor de la cathédrale 2 667 écus d’or, auri boni et veteris (à 64 au marc), et un mouton d’or, du coin de Charles VI145.
52Que ce soit pour les courses, pour s’acheter à boire, ou pour les dépenses de la vie quotidienne, hommes et femmes se déplacent avec de l’argent, et accessoirement le perdent. Les monnaies isolées forment un ensemble révélateur du porte-monnaie médiéval. Le plus surprenant est de voir la grande quantité de monnaies d’or isolées que la terre livre. Que ce soit à Plonéis, Bain, La Noë-Blanche, Vertou, Rennes, elles sont relativement fréquentes. On peut en tirer plusieurs enseignements. Tout d’abord, ces pièces circulent et ne sont pas cantonnées dans les coffres ou les trésors. De plus, les particuliers les portent sur eux, ce qui les amène à les perdre dans des circonstances qui nous échappent presque toujours. Nous avons vu plus haut que la bourse est utilisée. C’est probablement ce genre d’objet qui a été perdu à Plougonvelin. Cette petite trouvaille fortuite comprend un écu d’or à la couronne et un demi-guénar de Charles VI, accompagné d’un blanc aux neuf mouchetures de l’atelier de Nantes, de Jean IV. L’argent peut aussi se trouver au fond de la poche, caché dans une couture du vêtement, etc. Cela explique d’ailleurs la perte de ces monnaies précieuses, qui représentent souvent plus d’une livre, soit plusieurs jours de salaire pour un ouvrier au xve siècle. Les sommes transportées sur soi peuvent être plus importantes. En 1468, un particulier est victime du vol d’une bougète contenant 100£ « tant en or que monnoie146 ». En 1477, Rolland de Beaulieu, homme d’armes, est enlevé. Ses ravisseurs en profitent pour lui subtiliser les 64 pièces d’or qu’il porte sur lui147. En 1490, c’est le recteur de Noyal, Jean de La Sauldraye, qui est dépouillé de 120 écus par des soldats148. Ces cas exceptionnels nous sont bien rapportés par les archives. Il en va différemment pour la petite monnaie. L’argent circule plus que l’or, et les petites espèces sont plus facilement perdues et moins recherchées, ce qui explique le déséquilibre des découvertes en leur faveur. Très tôt, les deniers s’égarent, comme à Pen-er-Malo, en Guidel, dans la première moitié du xiie siècle149. Par la suite, tout le monde est appelé à voir utiliser de grosses monnaies d’argent. À Tréguier, en 1320, un Espagnol met dans la main d’un aveugle un gros, le reprend et lui donne une pièce sans valeur, ce qui provoque l’ire du mendiant150. Un siècle plus tard, le duc prévoit un blanc par pauvre pour ses aumônes151.
Manier la monnaie
53Dans un monde dominé par l’illettrisme, les opérations les plus simples peuvent prendre des proportions inattendues, d’autant que la numération monétaire est compliquée. Face à ces problèmes, les hommes du Moyen Âge ont su développer des méthodes simples, efficaces et à la portée de tous, en particulier pour le comptage.
Compter
54Pour gérer ses biens, le chef de famille a besoin d’un certain nombre d’objets utiles, surtout pour s’y retrouver dans une comptabilité en base 12 (les deniers), 20 (les sous) et 10. Les jetons permettent d’y voir plus clair. Le phénomène est précoce, puisque l’on voit apparaître les premiers jetons au temps des Dreux152. Ils se répandent dans toute la société, et nombreux sont ceux qui s’en font fabriquer à leurs armes, de la Chambre des comptes aux grandes familles nobles. Un rapide tour d’horizon fait apparaître des noms de familles connues comme Clisson, Coëtivy, Quilfistre, de Vay, etc.153. Ils peuvent être en plomb, comme ceux des chanoines de Quimper154, en cuivre, en argent et même en or155. Les institutions en font une grande consommation, en particulier les gens des Comptes, mais aussi les villes, les chapitres, etc. Dans les années 1420, Jehan Beauceporte en fournit un millier à la Chambre des comptes, « par vertu d’un mandement de la Chambre donné au xe jour d’octobre l’an 1427 ». La Chambre les paie et les attend, comme l’indique une glose portée sur le compte, probablement lors du contrôle : il a depuis randu lesdits méreaux156. En 1468, la ville de Nantes paye à « Mahet Aloff, ung cent de gitz et contouers de Paris, qu’il avoit baillé aux gens qui estoient commis à l’audition du compte Guillemin de Launay157 ». Le 18 avril 1477, le général maître Berthelot Le Mée reçoit un mandement du conseil ducal pour la fabrication de 600 jetons d’argent, « pour servir et départir ausdits gens du Conseill et finance, commis à besoigner esdites finances158 ». C’est Julien Thierry, le maître de l’atelier de Nantes, qui doit s’occuper de leur fabrication. Il arrive aussi que le duc fasse fabriquer les jetons à Paris. Il faut alors demander l’autorisation à la Cour des monnaies, comme en 1458, quand le duc obtient un « congé de monnoyer gectons de letton, pour Mons. le duc de Bretaigne, jusques à ung millier159 ». La haute noblesse fait de même. Dans les années 1420, Arthur de Richemont en fait fabriquer. « Aussi en fut fait du temps que monsr le connestable de Richemont faisoit faire monnoye à Parthenay ; et avoit ès ditz gettons un sanglier qui avoit un roulleau et devise auquel avoit : “Qui que le veille” ; et de l’aultre part les armes dudit seigneur ; et touttes manières de gettons lisent : “Gettez seurment et le conte trouverez160.” » En 1441, Prégent de Coëtivy, amiral de France, fait lui aussi fabriquer 100 jetons à Paris161. Les fouilles de Landévennec ont livré un jeton portant une crosse, qui pourrait avoir été émis pour l’abbaye. Il existe enfin sur le marché médiéval un certain nombre de jetons banaux, produits en Allemagne ou dans le Nord de la France, qui servent quotidiennement chez les marchands, dans les administrations, comme le prouvent les exemplaires retrouvés lors de fouilles162.
Jeton de compte. On distingue le comptoir sur lequel le graveur a figuré les jetons. Au revers, un abécédaire, toujours utile. Coll. privée, photo Savubo.

55L’utilisation en est simple. Le comptoir comporte des colonnes, pour les deniers, les sous, les dizaines, centaines, etc. Le trésorier aligne les jetons sur chaque colonne, et quand il en a douze pour les deniers, il les enlève et à la place, en met un dans la ligne des sous, et ainsi de suite. La Chambre des comptes en possède, de même que le matériel qui va avec ; getouers et méreaulx sont utilisés avec un comptouer. S’y ajoutent du papier pour les notes, du parchemin et une pierre ponce qui sert de gomme à parchemin163. Chaque comptable a ses méthodes pour le report des chiffres, comme Auffroy Guinot qui abrège les écus d’or sous la forme d’un triangle164. Dans certains cas, les jetons imitent un type monétaire précis, ce qui permet de jouer sur la valeur relative de chaque monnaie, francs, écus, moutons165… Découverts fortuitement, ils sont souvent regroupés sous le terme générique de jetons de Nuremberg. Comme ces derniers ont été fabriqués jusqu’au xviiie siècle, il est difficile d’y voir clair dans les nombreuses mentions de trouvailles. On les trouve majoritairement en ville (Rennes, Lamballe, Saint-Malo) ou à proximité des châteaux forts (Hédé, SaintAubin-du-Cormier, Tonquédec, Sixt, Vieux-Vy-sur-Couesnon) où ils servaient à la comptabilité de tous les jours. Quand il est décrit, le type peut fournir des indications chronologiques. C’est le cas pour les jetons au type de l’agnel et de monnaies ducales de Rennes, du jeton au type de la chaise d’or de Saint-Malo, des jetons de Tonquédec et de Vieux-Vy-sur-Couesnon. Les usagers semblent ne pas leur accorder beaucoup d’importance. À Tonquédec, ils forment un peu moins de la moitié des découvertes isolées. Par contre, il n’en a pas été trouvé dans un trésor, signe que le public fait bien la différence166.
56Dans certains cas, il est nécessaire d’avoir un matériel un peu plus compliqué. Comme le métal circule aussi sous forme de lingot ou de fretin, il est important de pouvoir le peser. Lors d’un vol qui a lieu au début du xvie siècle, il est fait mention de vol de « bindes à paiser or ou argent » qu’un particulier conserve dans un coffre, dans sa maison167. Lors des fouilles du château de Tonquédec, les archéologues ont découvert dans des déblais un poids d’une once (30,594 g). Les changeurs sont particulièrement bien équipés pour identifier les différentes monnaies. On ne connaît pas de livre de changeur pour la Bretagne, mais ils ne devaient pas différer beaucoup de ceux connus ailleurs. Deux manuscrits de la Bibliothèque nationale de France évoquent longuement la monnaie bretonne168. Les monnaies y sont décrites avec plus ou moins de précision, avec le cours (quand il n’est pas trop évident) et quelquefois le titre, comme ces « gros fais à Regnes, à telle crois du costé de la pille » qui « sont à 2 d 23 gr de fin169 ». Certains sont très tardifs, comme celui de J.-B. Hautin, imprimé en 1619, qui a donné naissance à nombre de monnaies fantaisistes170. Les particuliers en possèdent aussi quelquefois, au moins ceux qui voyagent et sont amenés à manier de fortes sommes d’argent. On trouve dans la bibliothèque de Prégent de Coëtivy « ung petit livre en papier pour ce connaître en fait de monnoies et autres choses171 ».
57Le livre de changeur est d’autant plus utile à son propriétaire que la multiplication des principautés entraîne une variété de plus en plus grande d’espèces.
58Il faut pouvoir les reconnaître, pour des raisons pratiques, mais aussi économiques, d’où la nécessité impérative de savoir nommer les monnaies.
Nommer
59La réalité peut être cachée par le vocabulaire employé, dans l’étude des monnaies d’or, et accessoirement dans celle des monnaies d’argent. Un a priori veut qu’au Moyen Âge une même monnaie puisse être désignée sous plusieurs appellations, et donc qu’il ne faut se fier ni aux textes, ni aux noms utilisés172. L’étude de plusieurs centaines de mentions de monnaies d’or permet d’affirmer le contraire. Une première remarque subjective est que l’argent est un domaine trop sensible pour laisser la place au flou artistique, générateur d’erreur et de fraude. Si au temps des toutes premières monnaies d’or, on a pu parler de denier d’or ou de florin abusivement, le phénomène n’a pas duré. On peut le remarquer en Bretagne. Les hommes qui utilisent ces pièces au jour le jour connaissent leur sujet. Au pire évoquent-ils des 500 florins d’or « a l’escu de coing de mons. le roy », mais le plus souvent, les comptes détaillent bien les différentes espèces utilisées173. Lors d’un échange de terre en mars 1352, les estimations sont faites pour « le seurplus en deniers, de tele monnoie comme en gros tournoys d’argent, du poiz et de la loy du temps mons. le roy Phelippe fils mons. le roy saint Loys, pour douze deniers parisis, et plus loin : toutes charges […] en deniers quatre vins dix neuf livres seize soulz trois deniers maille poitevine parisis, tele monnoie que dessus est dit174 ». Le 1er février 1366, le duc rembourse un prêt à Adam Franceys, Londonien, et l’acte détaille précisément 431 moutons, 246 francs et 46 écus « johannes au coign le roi de France175 ». Lorsque Julien Thierry prête de l’argent à la duchesse, il n’aligne pas moins de quinze monnaies différentes, toutes parfaitement énumérées.
60Il faut donc cesser de croire que les comptables médiévaux utilisent de façon aléatoire telle ou telle dénomination, à leur gré. Par contre, il arrive que les textes posent problème, du fait de l’emploi de monnaie de compte. Dans les comptes des miseurs de Nantes, les sommes sont habituellement exprimées de cette manière, sauf exception176. À Lamballe, Monique Chauvin a pu étudier le phénomène sur trente ans177. À partir de 1444-1445, la monnaie de compte remplace la monnaie d’or dans les registres, même si l’on sait par ailleurs que l’or continue à être utilisé. C’est un des effets de la crise des années 1417-1421. Les mises en or sont essentiellement constituées par les pensions, ainsi que par les prélèvements effectués sur les recettes. Les cens et la plupart des revenus seigneuriaux sont prélevés en argent, comme les sommes consacrées aux frais d’entretien et au paiement des gages des officiers. Le marc d’argent est mentionné régulièrement, souvent pour une utilisation infime par rapport aux monnaies, mais parfois pour de grosses sommes comme les 10 marcs 7 onces et ½ d’argent recueillis en 1419-1420. Parfois, une annotation permet de faire apparaître la monnaie d’or qui se cache sous la monnaie de compte. Le 23 mars 1474, un paiement de 500 royaux en monnaie de Bretagne, comprend 5 ducats, 1 royal et 1 florin au chat178. Il arrive enfin qu’il faille distinguer deux monnaies de même nom, mais de valeur différentes. Dans un paiement conclu le 3 avril 1471 entre Yvon de Quélen et Guillaume de Quélen son oncle, il est question de 12 nobles à la rose et de 50 nobles de Henry valant 100 saluts179. La différenciation se fait par le nom et la valeur relative des deux espèces.
61Les documents contemporains qui parlent de monnaies autrement qu’incidemment (comptes, mandements, mises en gages…) sont assez rares. Nous bénéficions tout de même avec le Catholicon d’un témoignage exceptionnel sur l’approche quotidienne des pièces à la fin du Moyen Âge. Ce dictionnaire breton-latin-français, est écrit en 1464 par Jehan Lagadeuc, prêtre du diocèse de Tréguier, et publié dans cette ville en 1499180. Au hasard des pages, on trouve le vocabulaire monétaire breton de la fin du Moyen Âge. On peut séparer deux ensembles, les termes génériques et les mots plus précis. Monneiz, mouneiz, et dans le supplément monnoye, appartiennent au premier ensemble.
62Les articles permettent à l’auteur de détailler différentes espèces, comme denier et petit denier. Mais Lagadeuc va au-delà, et aborde aussi bien la fabrication des monnaies avec monezier (le monnayeur), que la richesse, « plain de monnoye ». Une petite phrase est plus difficile à interpréter : « C’est monnoye qui est a aulcun qui au pouer de l’aultre et de quelle peult faire a son plaisir181. » Visiblement, le principe selon lequel l’argent trouvé en terre appartient au seigneur est ici contesté ! mouneiz a plusieurs sens, en particulier de trésor : « c’est le lieu on la mett la pecune a garder », et plus loin « c’est le lieu on la mett la monnoye en repost ou en depost182 ». Les manieurs d’argent ne sont pas oubliés, en particulier le changeur, monyer183. Des termes plus précis désignent les pièces et les métaux utilisés au xve siècle, comme scoet aour (escu dor), salut our (salut dor) et franc, assorti de la précision XX s, soit sa valeur (un franc d’or de 20 sols). Par contre, le real (royal), et l’agnel, oan, ne sont pas désignés comme monnaie, preuve de leur abandon dans l’usage courant. On trouve aussi les métaux, our (or) et argant (argent). Le supplément aborde l’essayage des pièces, mais de façon assez lubrique, puisqu’on apprend que canoët, cocu, est synonyme d’asséeur d’escus… La monnaie d’argent n’est pour ainsi dire pas évoquée, à l’exception du gros, bras. Guen pour guénar n’apparaît pas dans le dictionnaire, ce qui va contre l’hypothèse d’une origine bretonne du mot184. Il faut peut-être voir dans cette absence de l’argent un maniement tellement quotidien que l’auteur n’a pas vu l’intérêt d’un article, à moins que les mots français n’aient été couramment utilisés, se passant ainsi de traduction. Les monnaies peuvent aussi recevoir un surnom lié à un élément du décor, comme le blanc au chapelet (l’hexalobe du blanc de Jean V), gros à l’œillet sous François II (le différent d’émission, un annelet) ou au contexte politique (gros d’Orléans, sous François II aussi).
Manipuler
63Les documents nous renseignent enfin partiellement sur le maniement des grosses sommes d’argent. Au xiiie siècle, au temps du denier, les chiffres grimpent rapidement. En juillet 1280, le duc verse 22 000 £ en deniers pour le mariage de sa fille Blanche185. Cela représente 5 280 000 deniers, pour un poids de 5 tonnes de métal ! Il est fort probable qu’une bonne partie de la somme a été convertie en terres et en rentes diverses. Nous sommes sans doute dans le même cas de figure quand le chevalier André promet 1 000 £ de vieil or en 1307186. Par contre, le duc ou son entourage voient réellement passer de très fortes sommes d’argent. En juillet 1386, le prince reçoit 50 000 francs, qu’il dépense d’ailleurs aussitôt187. Mais il est quelquefois difficile de réunir en une seule fois de grosses sommes d’argent. Habituellement, les versements ont lieu en plusieurs fois. En 1408, 1934 francs sont donnés au duc, sur une somme totale de 150 000. L’or est remis au garde-robier, qui le répartit en trois versements, de 494 francs, 680 francs et 760 francs188. Les années 1408-1416 sont d’ailleurs scandées par des versements d’or, en général de faible valeur, qui proviennent de la dot de la duchesse189. Le trésor ducal est bien sûr amené a en brasser. En 1433-1434, Jean Mauléon paye 11 654 écus et réaux, 1 081 saluts, 236 574 £ en argent, en monnaie à 6 d. de loi, et 300 £ 10 s 6 d en monnaie à 5 d de loi. S’y ajoutent 19 marcs 7 onces 6 gros d’argent non monnayé190. La trésorerie de l’épargne est mise à profit quand il faut réunir rapidement du métal. Pour assurer un paiement de 50 000 saluts, au poids de Florence, il faut mettre des bijoux en gage. La transaction est sévèrement contrôlée par deux orfèvres de l’entourage ducal, Jehan Pigeon et Herman Kerlinch, en présence de trois membres de la Chambre des comptes191. Pour des raisons pratiques, il est quelquefois spécifié que le paiement pourra se faire en monnaies différentes mais à valeur équivalente. C’est le cas dans le traité de mariage entre Jehan de Rohan et Marie de Bretagne, qui porte sur 100 000 écus192.
64Les sommes maniées par les riches particuliers sont généralement moins fortes qu’à la cour, même si elles sont importantes. En juin 1342, Hervé de Léon verse à Gauthier de Mauny, pour sa libération, « trois mil livres d’esterlins ou la value en flourins de Flourence, ou d’autres de coigns royaux193 ». Vincent de Kerléau, abbé de Bégard et premier président des Comptes, possède à sa mort en 1476, 48 marcs 6 onces d’argent, soit environ 12 kg de métal. Jean de Malestroit, chancelier de Jean V, détient plus de 180 kg d’argent et de vermeil194 ! À la fin de l’époque ducale, JulienThierry peut mobiliser 2 935 pièces d’or sur trois ans, sans pour autant remettre en cause sa fortune195. Les menaces d’amende en cas d’infraction apportent un complément sur la vision des grosses sommes. Deux cas de figure se posent. Si l’amende vise une personne ou un groupe bien précis, l’amende théorique est calculée sur la réalité des biens de celui qui encourt la punition. Elle se situe alors dans une fourchette raisonnable de richesse médiévale, par exemple 300 écus196. Mais le plus souvent, les sommes évoquées sont totalement irréalistes. Le 11 mars 1462, les évêques de Saint-Malo et de Léon risquent la saisie de 1 000 marcs d’or, assortie d’une peine de commission de 10 000 écus d’or197. Un maximum est atteint sous Jean V, avec une menace d’amende de 10 000 marcs d’or198 !
65Le problème du transport de grandes quantités d’argent se pose constamment. Le paiement d’une cargaison, la solde des troupes, la production d’un atelier monétaire circulent vers leurs destinataires. Il faut donc prévoir et protéger. Tout le monde est bien conscient du danger : « Les deniers sont perillous à carrier par mier et terre199. » Avant tout déplacement, le pouvoir accorde des sauf-conduits à tous les marchands susceptibles d’être agressés. La formule de la chancellerie est traditionnelle. Le 26 juin 1464, des marchands anglais reçoivent un sauf-conduit pour traverser la Bretagne, qui concerne en particulier « or, argent monnoyé ou à monnoïer, vexelle, joyaulx200 »… Mais il peut malgré tout être nécessaire de transporter des écus. Dans ce cas, la technique la plus simple consiste à faire accompagner les valeurs d’une ou plusieurs personnes de confiance. C’est surtout valable pour les petites sommes, qui ne représentent pas un gros volume. En 1423, Guillaume Le Gouz et un valet reçoivent 12 £ 10 d pour avoir convoyé, à cheval, 200 écus pour un montant de 350 £201. Dans les années 1450, ce sont encore deux hommes, « Roland Noget, serviteur de mondit seigneur [le duc] et Huriet son poursuivant, (qui) vindrent de Vannes à Lamballe pour querir Vc escuz, contenuz ci davant, de ce receveur202 ». Dans les deux cas, il s’agit d’hommes de confiance. La famille Le Gouz est au service du duc, en particulier dans l’administration financière203. Quant à Huriet, il est poursuivant d’armes, c’est-à-dire écuyer à tout faire du duc. L’escorte peut être beaucoup plus importante si les sommes augmentent. On ne compte pas moins de six archers pour escorter 4 000 saluts à Dinan au début des années 1430204. L’argent est versé au trésorier de l’épargne, responsable de la gestion du stock de monnaies et d’objets précieux. Le paiement de la solde des gens de guerre constitue une difficulté perpétuelle, tant pour réunir l’argent que pour le distribuer. Les soldats sont le plus souvent payés en or. Le 2 mai 1468, il ne faut pas moins de 10 035 £, payées en royaux d’or, soit environ 8 000 pièces. L’acte qui stipule le paiement, mentionne aussi les salaires des voituriers qui doivent convoyer l’or vers la Normandie, où se trouvent les soldats. L’opération sedéroule sous la conduite de Jehan Mauhugeon, lieutenant du sire de la Hunaudaye, « qui a la conduite dudit argent ».Enfin, il est précisé que « rendra ledit trésorier compte de la dite somme baillée audit Coline, si non, en tant qu’il auroit destourbier en chemin en quoy ladite finance soit perdue205 ». Quinze jours plus tard, la chancellerie enregistre le paiement de 9 £ 6 s 8 d aux voituriers qui ont envoyé l’argent de Rennes à Caen pour les affaires du duc206.
66Les valeurs propres à chaque région sont connues et utilisées à bon escient, comme les rapports entre les différentes monnaies. Dans une charte du prieuré de Dinan, le rédacteur explique que 250 £ sterlings valent 1 000 £ tournois207. Il faut parfois préciser la monnaie usitée, « monnoie de Bretaigne208 » ou livres tournois209. C’est quelquefois insuffisant, en particulier en période de crise, et les utilisateurs sont obligés de détailler les espèces en fonction des mutations, mais la difficulté pour l’historien réside le plus souvent dans l’utilisation de la monnaie de compte, qui ne permet pas de distinguer l’or de l’argent, ni les pièces utilisées210. Enfin, les comptables s’adaptent à des situations plus cocasses. Un compte de la recette de Nantes, du 17 mars 1393, détaille des monnaies d’or (4 293 francs, 40 nobles et 1 flourence), de la monnaie de compte, correspondant à des versements en pièces d’argent (2 842 £ 10 s 8 d pouge 2/3 de denier), du métal au poids (8 marcs d’argent) mais aussi trois paires d’éperons dorés, deux paires de gants de chamoez fourré de gris, une paire de gants de cerf, et enfin des versements en nature211. Un acte du milieu du xve siècle nous donne le cours de la paire de gants blancs, 15 £ 17 s 6 d. Il mentionne aussi le versement de deux gros de vieil or (7,6 g), ce qui est assez rare par rapport aux versements en marcs d’argent212. Quant à l’afféagement d’un moulin, il nous donne le cours de la paire d’éperons dorés, un écu213.
67Il arrive que les usagers se plaignent de la valeur des pièces, à différents niveaux. Dans la vie quotidienne, les mutations monétaires obligent les comptables à reprendre leur compte, à les raturer, etc. C’est le cas du receveur de la seigneurie de Corlay qui doit corriger son compte lors de la crise des années 1487-1491214. Mais ces mutations ont des effets bien plus désagréables. Les fermiers s’engagent pour une recette sur la base des revenus de l’année précédente. Si un changement affecte le cours de la monnaie, ils en sont les premières victimes. Les requêtes en ce sens sont particulièrement nombreuses, comme en 1488, celle de Jehan Tourfou, fermier du devoir de l’appétissement des vins à Nantes215. Deux ans plus tard, la situation ne s’est pas arrangée, et les Bretons se plaignent toujours car les mutations affectent aussi les affaires216. En temps de guerre, tout le monde est conscient de la charge qui pèse sur l’état et des difficultés de celui-ci. En temps de paix, il est possible de remonstrer au pouvoir qu’un petit effort faciliterait la vie quotidienne. En 1458, une délégation de Rennais se rend auprès du duc, à Nantes, au sujet du mandement interdisant de prendre les plaques à plus de 11 d, « voyant estre grant dommaige pour le païz […] pour en faire remonstrance ».
68On y trouve en particulier des praticiens de la monnaie, comme Gilles Bourgneuff et Robin Chereville217. Pendant la guerre de Succession, certains trésors des années 1350, qui ne contiennent pas de monnaies bretonnes d’imitation (Quimper, Savenay, Saint-Gilles-Vieux-Marché) indiquent clairement que les usagers trient efficacement les monnaies et ne gardent que les meilleures. Une dernière question reste très difficile à trancher, comme le sont souvent les petits problèmes de vie quotidienne : quelles sont les monnaies employées au jour le jour par les hommes de l’époque ? On peut sans danger proposer une hiérarchie assez simple, du gagne-deniers qui compte en monnaie noire, et quelquefois dans l’année dépense son argent sur le marché local, aux grands marchands et aux princes, qui manipulent l’or et la lettre de change du commerce international. L’impression générale que laissent les découvertes de monnaies isolées, de l’an mil à la fin du xve siècle, est que peu à peu, avec la monétarisation de l’économie, tout le monde est amené à avoir de grosses monnaies d’argent entre les mains, certains plus souvent que d’autres. En 1500, gros et blancs font partie de la vie quotidienne des Bretons, l’or dans une moindre mesure.
Page raturée du compte de la seigneurie de Corlay. Les ratures multiples trahissent le désarroi du comptable et l’embarras des contrôleurs. Kerhervé, L’État breton…, p. 219.

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69En définitive, il est important de souligner le problème de la dispersion de l’information, et celui de sa grande variété. Du fait que la monnaie touche à tous les domaines de la vie publique et privée, les sources se retrouvent multipliées à l’infini, et la documentation de même. Il importe donc de travailler sur ce qui peut apporter le plus d’informations, et de compléter au mieux avec le reste, comme a voulu le montrer l’étude de l’usage et de la vision de la monnaie. Entre le début du xive et la fin du xve siècle, on assiste à une transformation de la vision de la richesse par les contemporains. Plus que le nombre de sacs de pièces, la diversité apparaît comme synonyme de prospérité. Désormais, ce qui compte, c’est posséder « plusieurs biens comme vexelle d’argent, d’estain, d’airain, tapiceries218 ». L’impression est la même dans un texte par lequel le duc ordonne de saisir « pluseurs espèces de biens » laissés par ses ennemis à Tréguier, « tant en argent monnoyé que à monnoyer, joyaulx, bagues, vexelle d’or et d’argent, draps de soye et de layne, et d’autres biens219 ».
Notes de bas de page
1 Kerhervé, L’État breton…, p. 15.
2 Id., ibid.
3 Si l’on prend le cas de la Bourgogne, on remarque que l’historien n’a que le choix des archives : 11 liasses représentant les archives de la Chambre des comptes de Dijon, de 1198 à 1654, complétées par des ordonnances et des mandements royaux et ducaux, des archives d’administration, de police… ; les comptes de l’atelier de Dijon sont conservés pour les années 1417-1459 et 1490 à 1495 ; les archives de la Cour des monnaies de Paris viennent en complément. On ne peut que comparer avec le cas désespéré de la Bretagne : 13 registres de chancellerie, 5 pièces manuscrites, pas un compte d’atelier monétaire… Rigault, « Sources d’archives sur l’ancienne Monnaie de Dijon », BSFN, juin 1964, p. 379. On remarquera aussi le détail des listes du personnel des ateliers monétaires bourguignons que Dumas-Dubourg a pu dresser grâce aux sources bourguignonnes. Le monnayage des ducs de Bourgogne…, par exemple p. 161-171.
4 Les registres de chancellerie (entre parenthèse, le nom du transcripteur. Cf. sources imprimées) : ALA B 1 : 1407 (Blanchard) ; 1457-1458 (fragments dans DL II 1199-1203) ; B 2 : 1462 (Venneuguès) ; B 3 : 1464 (Gourvès) ; B 4 : 1466 (Berthemet) ; B 5 : 1467 (Jolec) ; B 6 : 1468 (Kermarrec) ; B 7 : 1473 (Quéro) ; B 8 : 1477 (Bihan) ; B 9 : 1480 (Poullélaouen) ; B 10 : 1486-1487 (Corcuff) ; B 11 : 14871488 ; B 12 : 1489-1490 (Le Bourhis) ; B 13 : 1490-1491 (Cochard) ; B 14 : 1503 (Danguy des Déserts). DM III 281-283 ; 321-324 ; 456-462.
5 Pour les publications de ces auteurs, cf. bibliographie.
6 ALA E 127 et 128, 6 actes. Il est difficile de savoir si le regroupement des six actes monétaires dans ces deux liasses est l’effet du hasard ou du classement archivistique, ou bien s’ils représentent les dernières épaves des archives monétaires bretonnes, anciennement regroupées.
7 Nous espérions y retrouver des lignages survivants, un plan d’atelier… Ils sont par contre d’une très grande utilité pour l’étude des ateliers bretons d’Ancien Régime.
8 ALA B 12 844, 1470, 1488, 1501 et 2 de 1502 ; il semblerait qu’ils aient disparu depuis.
9 ALA B 12 838. Sur ce fonds : Pocquet du Haut-Jussé, Les papes et les ducs de Bretagne, Paris, 1928, p. XIV.
10 1459 (10 avril) : séance du conseil ducal : Oppinions demandees touchant le cours des plaques. ALA E 131, f°8.
11 ALA B 2988.
12 AM Rennes 1043-1057 et AIV 1 F 96-1 F 108.
13 DL II 1199-1203 et DM II 1716.
14 Sur les chroniqueurs bretons et leurs méthodes de travail, on lira le chapitre de Kerhervé, « L’historiographie bretonne. La naissance de l’histoire en Bretagne », dans Le Gallo et Balcou, Histoire littéraire et culturelle…, t. I, p. 245-271
15 Définition de Illisch, Münzfunde…, p. 1-15. C’est aussi celle de Jean Duplessy, Duplessy, Les trésors monétaires…, t. i, p.7.
16 Fougères II : une chevalière portant Guérin ; Hénon : un sceau…
17 Par exemple, l’absence d’une monnaie d’or commune comme l’écu d’or de Charles VI indique des trésors antérieurs à 1385.
18 Moesgaard, La politique monétaire…, p. 21, considère à tort que le taux de perte est constant. Il est plus fort sur les lieux d’échanges commerciaux (foires, centres urbains) que dans les campagnes.
19 Le phénomène est bien connu actuellement. Le commerce souffre d’une pénurie de petite monnaie, les « pièces jaunes », du fait qu’elles sont thésaurisées par plaisir, et surtout que les spécimens perdus ne sont plus ramassés. Compte tenu des coûts élevés de fabrication, la Monnaie s’en inquiète.
20 À titre de comparaison, Duplessy, Les trésors monétaires…, t. i, signale 19 trésors bretons (751-1223), et 41 dans le t. ii (1223-1385).
21 Bain, sept trouvailles signalées dont six par la SAIV de 1844 à 1897.
22 Gaultier du Mottay, « Répertoire archéologique du département des Côtes-du-Nord », Société Archéologique des Côtes-du-Nord, t. vi, 1874-1881 et t. i, 2e série, 1883-1885, et Rosenzweig, Répertoire archéologique du Morbihan, Paris, 1863.
23 Départements des Côtes-d’Armor (22), du Finistère (29), d’Ille-et-Vilaine (35), de Loire-Atlantique (44) et du Morbihan (56).
24 Duplessy, Les trésors monétaires… t. i et ii, et inventaire manuscrit des trésors, dressé par M. Duplessy, Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale de France, inédit, avec l’aimable autorisation de l’auteur. Nous devons ici remercier ceux qui nous ont communiqué des trouvailles inédites ou peu connues, en particulier Jean Duplessy qui nous a ouvert son inventaire manuscrit, Marc Bompaire et Olivier Jeanne Rose qui nous ont signalé des trouvailles de monnaies sur chantiers archéologiques ou pour des régions dont nous ne maîtrisons pas la documentation, en particulier la Normandie, ainsi que tous les numismates et amateurs qui ont bien voulu nous donner l’origine de leurs monnaies, quand ils la connaissaient. Nous ne saurions trop souligner les lacunes de la documentation archéologique. Les rapports de fouilles mentionnent rarement les découvertes numismatiques médiévales, et trop de chantiers n’ont pas eu la gloire d’une communication. Le phénomène n’est pas nouveau : le 8 février 1916, M. Banéat montre des monnaies diverses trouvées à rennes, PVSAIV, 1916, p. xlvi.
25 DM II, 1103 et Bigot, Essai…, p. 379. Il couvre une période qui va de juin 1414 à mars 1421.
26 DM I 1201-1204, DM I 1413-1415, ALA B 11 f°133 et B 12 f°103-104.
27 Pocquet du Haut-Jussé, « Les emprunts de la duchesse Anne à Julien Tierry », AB, 1962, p. 269-293.
28 H. Touchard fait le tour de la documentation, soulignant sa pauvreté. Il remarque aussi que les comptes utilisent le plus souvent la monnaie de compte, et que les mentions de pièces sont rares et dispersées, Touchard, Le commerce maritime breton à la fin du moyen Âge, Paris, 1967, p. 97-100.
29 Bompaire, « Saisie de monnaies prohibées au milieu du xve siècle. Le talbot d’or », p. 165 et note 68. M. Bompaire insiste sur le peu de cas qu’il faut faire des listes de cours et d’empirance, ainsi que les livres de changeurs, pour aborder la circulation monétaire. Rien ne vaut les trésors ou les trésors papiers, inventaire de monnaies d’époque.
30 Dumas et Barrandon, Le titre et le poids de fin des monnaies sous le règne de Philippe auguste, Paris, 1982.
31 D’autres méthodes sont utilisées dès cette époque. La première utilisation d’un cyclotron, appliquée à la numismatique, date des années 1960.
32 Une seule fois pour les monnaies à la croix ancrée et de Penthièvre, sur 15 exemplaires.
33 Sur la technique employée, Dumas et Barrandon, Le titre et le poids de fin…, p. 29-42.
34 Je remercie tout spécialement Madame Maria-Filomena Guerra qui a su m’expliquer avec simplicité et précision les méthodes utilisées pour analyser les monnaies. Pour les recherches en cours sur l’altération du titre et pour identifier l’origine du minerai qui entre dans la fabrication des monnaies, cf. Guerra, « Elemental analysis of coins and glasses », Pergamon, 1995, p. 583-588, avec explication sur les techniques et une abondante bibliographie, ainsi que Bompaire et Guerra, « Analyses de monnaies françaises du xie siècle, le problème du zinc », Actes du colloque de Berlin, sous presse. On peut aussi consulter Sarthre, Guerra, Barrandon et Hiernard, « Les monnaies d’argent du Centre-Ouest de la Gaule. Premiers résultats d’analyses », RN, 1996, p. 7-27.
35 Elles font l’objet d’une étude particulière, infra, p. 253-267.
36 Rolland, Monnaies des comtes de Provence, xiiie-xve siècles. Histoire monétaire, économique et corporative, description raisonnée, Paris, 1956.
37 Bompaire, L’atelier monétaire royal de Montpellier et la circulation monétaire en Bas-Languedoc jusqu’au milieu du xve siècle, thèse de l’école des Chartes, Paris, 1980.
38 Dumas-Dubourg, Le monnayage des ducs de Bourgogne, Louvain-la-Neuve, 1988.
39 Kampmann, « Étude sur les collectionneurs de monnaies au xviie s. », SENA, décembre 1965, p. 197, et Jacquiot, « Le Roi-Soleil, premier collectionneur du royaume », Collectionneurs et collections numismatiques, Paris, 1968, p. 15-34.
40 Frain, Recueil d’arrêts, Rennes, 1684, t. ii, p. 545-546.
41 On aura reconnu la monnaie la plus » médiatique »de la numismatique bretonne, le gros à l’écu heaumé. Cf. infra, les monnaies de Jean IV, 1364-1370.
42 Il cite une charte de 1087 signalée par d’Argentré, livre i, chap. 13, suspecte, mentionnant les monnaies. La description de la monnaie mérovingienne est exacte, cf. B 27.
43 La Borderie, Correspondance historique…, Paris, 1880, p. 25.
44 Ibid., p. 63, 20 janvier 1694.
45 Ibid., p. 107, 15 octobre 1703.
46 DL I 310.
47 Morice et Taillandier, Histoire ecclésiastique et civile…, t. ii, pl. clix.
48 Sur le président de Robien, Kerviler, Biobibliographie…, t. xi nouvelle série, p. 348 ; Banéat, Catalogue du musée archéologique et ethnographique, Rennes,1909, p. vii-xix ;Veillard, » Histoire de la constitution d’une collection de numismatique gauloise par un musée », Mélanges offerts au docteur J.-B. Colbert de Beaulieu, Paris, 1987, p. 765-768, et Closmadeuc, « Le président de Robien, archéologue », BSPM, 1882, p. 25-60.
49 Sur Peiresc, bonne présentation de Gay-Van Der Meer, « Peiresc numismate », Collectionneurs et collections numismatiques. Monnaies, médailles et jetons, Paris, 1968, p. 7-13.
50 Nombreux exemples dans Bigot, Essai…, comme Bigot 273, 912, 1233, etc. qui reprend Pierre-Ancher Tobiésen Duby, Traité des monnoies des barons, Paris, 1790.
51 Les dates entre parenthèses qui suivent les noms des collectionneurs indiquent leur période d’activité, c’est-à-dire de rédaction d’articles.
52 Bigot, Essai…, p. 411-412
53 La planche et le texte ont été republiés dans les ASBNH, 1996, p. 43-48.
54 Ogée, Dictionnaire…, t.ii, p. 115-116 et 451. Notons enfin qu’à l’article Nantes, Ogée écrit une histoire de la ville année par année. Elle apporte quelques points de vue intéressants sur la monnaie.
55 Coativy, « Alexis Bigot 1826-1860 », ASBNH, 1995, p. 45.
56 On y note l’écu d’or de François II et six monnaies d’Anne de Bretagne (1488-1491).
57 Les séances de la SAIV contemporaine de la construction de ce bâtiment fournissent nombre de références de trouvailles monétaires.
58 Poey d’Avant, Monnaies…, t. i, p. 38. À noter l’annonce parue dans la revue Numismatique, 1845, p. 252 : MM. Fillon et Poey d’Avant « s’occupent de la publication d’un ouvrage sur les monnaies de Bretagne ». Ils recherchent des documents. En 1855, Guéraud communique dans la revue des provinces de l’ouest la parution du livre de Poey d’Avant, RPO, 1855, p. 185. Il doit s’agir du catalogue de la collection.
59 Caron, Monnaies…, p. 19, 25, 36, 40, 42…
60 Les dates entre parenthèses correspondent aux périodes de publications de ces auteurs.
61 C’est le cas d’André, Ramé, Aussant, Danjou, Jouaust, Corbes, Delabigne-Villeneuve…
62 Parenteau, abbé Brune, Keranflec’h…
63 Kerviler, Biobibliographie…, t. x, nouvelle série, p. 218. Il est membre de la SFN en 1866 et 1867. « Les membres bretons de la SFN en 1866 », ASFNA, 1866, Procès verbaux. « Les membres bretons de la SFN en 1867 », ASFNA, 1867, p. x-xxiv.
64 caron, Monnaies…, p. 412.
65 Poey d’Avant, Monnaies…, t. i, p. x-xi.
66 Lecoq-Kerneven caresse aussi la muse et on lui doit en particulier ces vers :
Un souvenir, des traits qu’admire, que convoite
L’ardent archéologue amant de ton trésor
Lecoq-Kerneven, « Le parc de Buard au lever du jour », RPO, 1856, p. 679-681.
67 Lecoq-Kerneven, « Carte numismatique de la péninsule armoricaine », ASFNA, 1867, p. 184-209 et une carte, note 1, p. 185.
68 Caron, Monnaies…, p. 60.
69 Lecoq-Kerneven, « Carte numismatique… », p.205.
70 Aussant, « Étude de numismatique bretonne », BMSAIV, 1863, p. 134-146, réattribution à Conan II et III de deux monnaies données à Conan Ier par Lecoq-Kerneven.
71 PVSAIV, 1870, p. lxxxvii, 10 décembre 1867. À la séance suivante, une discussion s’engage sur la valeur du travail de Lecoq. Il semble que l’on reproche à André une présentation contestant le travail de Lecoq. André dit qu’au contraire, il appuie Lecoq, mais ce dernier subit quelques descentes en flammes.
72 Nantes, sd. (vers 1875).
73 Rennes, 1870, 42 p.
74 Le traité a été publié à Rennes, chez l’auteur, boulevard Sévigné, n° 22, 1869. La seconde étude de numismatique de Lecoq-Kerneven date de 1867.
75 Il faut bien sûr replacer l’ensemble dans un contexte politique tourmenté, dont les troubles gagnent même la numismatique bretonne ! La lutte oppose alors les tenants catholiques de la monarchie aux républicains laïcs.
76 Kerviler, Biobliographie…, t. xii, p. 206-207.
77 Jeulin, « Paul Soullard, numismate, doyen et ancien vice-président de la Société archéologique », BSAN, 1930, p. 9-18, avec bibliographie.
78 Kerhervé, L’État breton…, p. 179-220, et Jézéquel, Les monnaies…
79 « Vente Poey d’Avant » RN, t. xix, 1854, p. 227-228.
80 Exception faite du catalogue de la vente Poey d’Avant, qui n’est pas à proprement parler une collection bretonne, et des petites collections dispersées aux enchères (Brest, 11 juillet 1991) ou sur catalogue de marchand (Barré-Platt, septembre 1997, 80 numéros dont 1 cavalier d’or).
81 Lafaurie, « Préface », Musée Thomas Dobrée. Monnaies nantaises et monnaies d’or, Nantes, 1973, et « Chronique. Un don précieux au Musée Dobrée : la collection de monnaies et médailles de M. Soullard », BSFN, juillet 1967, p. 190 : extrait de La Bretagne à Paris du 02-06-1967.
82 Veillard, « Histoire de la constitution d’une collection… », p. 765-768.
83 Poey d’Avant 1450, denier d’Alain de Goëllo : Bigot, Dobrée, Parenteau.
84 Poey d’Avant 644 par exemple.
85 Fillon, Kergariou, Poey d’Avant 270, rare denier de Eudon. À cette époque, Kergariou est décédé, et Dague-Dubois n’est représenté dans le catalogue que par une seule pièce…
86 Par le passé, la numismatique était une des « sciences les plus distinguées et les plus dignes d’un chevalier ». Cité par Wenger, Les monnaies, Lausanne, sd., p. 3.
87 Trésor de haches à douille de Plestin. Avant les Celtes. L’Europe à l’âge du bronze, catalogue de l’exposition de Daoulas, 1988, p. 75. Pour la période médiévale, on ne connaît qu’un cas de dépôt à même la terre, soit 1,6 % des contenants.
88 Certains se répètent quand, par exemple, les monnaies sont dans un sac de toile enfermé dans une cache. Un des seuls auteurs à étudier en détail ce sujet est Weiler, La circulation monétaire et les trouvailles numismatiques du moyen Âge et des temps modernes au pays du Luxembourg, p. 37-39. Localisation des cachettes de 62 trésors : abbaye-couvent : 2 ; églises : 4 ; cimetière : 1 ; châteaux : 2 ; habitations-fermes : 36 (dont : 14 en terre ; 12 dans un mur, 2 dans un four à pain, 2 sous un dallage, 1 près de la cheminée et 5 sans précision) ; rivières-ponts : 2 ; four à chaux : 1 ; champs : 8 ; forêts : 4.
89 Cité par Coativy, Monnaies de Bretagne, p. 46.
90 Un trésor caché dans une église à O, Moesgaard, La politique monétaire…, p. 7.
91 Plaute et térence, Œuvres complètes, éd. Pierre Grimal, La Pléiade, 1971, p. 138-139. Hélas pour Euclion, la cachette dans un temple n’empêche pas l’esclave Strobile de chercher à s’en emparer ! En échange, il promet un conge de vin miellé à la déesse. La pièce antique inspira L’avare de Molière.
92 Redon IV, le trésor est aussi dans un souterrain de l’abbaye, mais sa composition surprenante (monnaies ducales en argent et monnaies de cuivre de Gaston d’Orléans, ainsi qu’un jeton de Nuremberg), plaide en faveur d’un trésor d’enfant, comme ceux de Dirinon et Plouzané, Coativy, « Une trouvaille de petites monnaies », BSAF, 1997, p. 41.
93 Autres cas :Hénon, dans les fondations de l’ancienne chapelle de La Madeleine ;Plédéliac II, dans les ruines de l’abbaye de Saint-Aubin ; Saint-Herblon, dans l’ancienne église ;Trémuson, lors de la démolition de l’église ; Le Vieux-Bourg, dans les fondations de la tour de l’église.
94 C’est aussi le cas en Normandie pendant la guerre de Cent Ans. Pilet-Lemière, « La circulation monétaire en Normandie… », p. 91-93.
95 La Borderie, » Inventaire du mobilier de Jeanne la Boiteuse, duchesse de Bretagne », RPO, 1853, p. 202-211.
96 ALA B 11, f° 135.
97 PVSAIV, 1893, 9 février 1892, p. vi-vii.
98 Contenants en étain à Ecorches (une pinte) et à O (une salière), Moesgaard, La politique monétaire…, p. 7.
99 Il s’agit du piéfort d’un blanc au châtel trefflé 1re émission, Duplessy 298, de 5,25 g, conjointement avec un exemplaire de la monnaie.
100 D’Anjou, » Le trésor de Fougères », Association bretonne, 1849, t. i, p. 247-250.
101 Maroué est une paroisse située à proximité de Hénon. Potier de Courcy, Armorial et nobiliaire…, ne dit rien de cette famille.
102 « Observationsurlessubstructionsdel’ancienneéglisedeSaint-Herblon », BSAN, 1901, p. 24-26.
103 Fonssagrives, « Découverte d’un trésor à Locmariaquer », BSPM, 1920-1921, p. 25, 27 et 36.
104 La Borderie, » Inventaire du mobilier… », p.202-211.
105 ALA B 11, f° 255 v°.
106 Gaultier du Mottay, » Répertoire archéologique… », ii, p. 373.
107 Levron, Catalogue des actes de Pierre de Preux…, p. 207.
108 La Borderie, Nouveau recueil…, acte i, 24 décembre 1229.
109 ID, Histoire…, t. iii, p. 356.
110 ID, Nouveau recueil… acte xxiii et Histoire…, t. iii, p. 378-381, DM I 1201-1204 et 1413-1415.
111 1303 : saellez dou seau olivier Talchoit ; dou seau rio l’ussier, ibid.
112 Ce qui représente 13,4 kg d’or et 1 268 kg d’argent.
113 1341 : In qua archa reperientas. In eod. sacco cum interfinio ligaturum, ibid.
114 En monnaie de Limoges par ex. : 240 £, 260 £, 250 £, 100 £, 240 £…, ibid.
115 In quadam besacia coriacea recludens, intra dictam arcam reposuerat conservandas, ibid.
116 Cf. chapitre suivant sur la circulation monétaire.
117 Notons qu’en 1393 (17 mars), on fait des réparations à la Tour Neuve, à Nantes, mais rien n’indique que c’est au niveau du stockage de l’argent. ALA E 211.3.
118 DM II 1719.
119 Jones, Actes de Jean IV…, acte 175, 1371.
120 Sur les circonstances du complot de Margot de Clisson, La Borderie, Histoire…, t. iv, p. 196-214.
121 Illustrée dans La Bretagne au temps des ducs, Daoulas, 1991, p. 40. On notera que le peintre n’a pas représenté le duc en armure mais seulement en surcot.
122 Corcuff, acte 1413.
123 Kerhervé, L’État breton…, p. 299-307.
124 La Borderie, Chronique… de Jean de Saint-Paul, p. 32.
125 Compte d’Olivier Le Roux, DM II 1723.
126 Détail : 2 bassins d’or 13 marcs 3 onces 6 gros ; 2 flacons d’or godronnés et rachez 14 marcs 3 gros ; la patte d’un drageoir en or, environ 10 marcs ; 1 pot d’or 14 marcs 4 onces 2 gros ½ : 6 tasses d’or 11 marcs 4 onces 7 gros ; 2 pots d’or 20 marcs 4 onces ; 6 tasses d’or à souaige et couvercle godronné 21 marcs 3 onces, (souage : moulure, sorte de renflement en forme de tore ou de doucine, dont on décorait le pied des coupes, aiguières, flambeaux etc.), Venneuguès, 1462, acte 484.
127 1464 (1er février) : mandement au trésorier de l’Épargne, Gourvès, acte 88.
128 Jolec, acte 906, 1466.
129 Par exemple : 1487 (20 avril) : mandement à Gilles Thomas, trésorier de l’Épargne, de remettre à Guillaume Picaud, maître de Nantes, un pot en or pesant 14 marcs 1 once 2 grains en gage d’une somme de 12 000 £ nécessaire pour soudoyer les gens de guerre, Corcuff, acte 1019. 1487 (9 juin) : décharge à Gilles Thomas de 800 marcs de vaisselle d’argent à Guillaume Picaud, qui doivent être transformés en monnaies et remis à Guillaume Juzel, et de 17 marcs 4 onces 6 grains manquant du fait des déchets, Corcuff, acte 1055. Cariou a pu identifier formellement une targe d’Anne de Bretagne frappée avec le métal de sa vaisselle, Coativy, « Les florins de François II et d’Anne de Bretagne », ASBNH, 1994, p. 46, et Cariou, « Une monnaie obsidionale de Rennes retrouvée ou une targe faite avec la vaisselle d’argent d’Anne de Bretagne », ASBNH, 1997, p. 61-62.
130 1490 (1er mars), Le Bourhis, acte 502, registre de chancellerie.
131 ALA E 205/1.
132 Gourvès, acte 450.
133 Kermarrec, acte du 10 novembre 1467.
134 Kerhervé, L’État breton…, p. 298, notes 143-144.
135 AMN CC 94, f° 6.
136 Pour plus de détails, il nous a fallu déborder un peu du cadre chronologique que nous nous étions fixé, pour faire des incursions au début du xvie siècle. Les registres de chancellerie tenus après 1491 sont bien moins intéressants d’un point de vue politique que ceux du temps des Montforts. Par contre, ils offrent beaucoup de textes à caractère judiciaire qui apportent nombre d’informations sur la criminalité, et par voie de conséquence sur la vie quotidienne.
137 1406 (mars) : Olivier Le Moingne est accusé d’avoir rompu une huche où il y avoit grande somme de chevance de deniers, Blanchard, Actes de Jean V …, acte 249.
138 Blanchard, actes de Jean V…, acte 759.
139 1488 (9 mars) : mandement pour enquêter à Vannes sur le vol d’un coffre contenant de l’argent monnayé ou à monnoyer, ALA B 11, f° 129 v°-130.
140 Kermarrec, acte 149, 1468 (20 février).
141 1467 (16 avril) : rémission pour le vol de coffres contenant lettres, contrats, or, argent et autres biens, pour une valeur de 100 £, Jolec, acte 292.
142 C’est le fils de Julien Thierry, maître de l’atelier de Nantes de 1466 à 1479, Kerhervé, L’État breton…, p. 198, note 74.
143 Debord, acte 905 bis, 1510.
144 Ibid., acte 682 bis.
145 Le Men, Monographie de la cathédrale de Quimper, p. 105.
146 Kermarrec, acte 407, 1468 (14 mai).
147 Bihan, acte 440, 1477 (30 avril).
148 Cochard, acte 312, 1490 (22 novembre).
149 Quatre deniers dont trois de Conan III (1112-1148), trouvés au cours de fouilles sur le site d’une ferme abandonnée, Bertrand et Lucas : « Un village côtier du xiie siècle en Bretagne : Pen-er-Malo en Guidel (Morbihan) », Archéologie Médiévale, 1975, p. 96-98.
150 Le Guillou, Saint Yves, ceux qui l’ont connu témoignent, ceux qu’il a guéris racontent, SL, 1989, témoignage 120, p. 104.
151 DM II 900, juillet 1420.
152 PVSAIV, 1876, p. viii, 14 avril 1874 : Danjou présente un jeton offrant le type des deniers de Pierre de Dreux et portant une légende française en caractères du xive siècle.
153 Corre, Corpus de jetons armoriés de personnages français, Paris, 1986.
154 Chauffier, « Un méreau quimpérois », Association bretonne, 1873, p. 41.
155 Comme le très célèbre jeton des écuries de la reine Anne. 1491-1991. la Bretagne au temps des ducs, Daoulas, 1991, p. 174 et n° 210.9.
156 Compte de Jehan Beauceporte, 1426-1428, ALA E 211.10, f°20 v°.
157 AMN CC 94, f° 11 v°. M. Aloff fournit aussi des arbalètes à la ville. AMN CC 91, f° 11.
158 Bihan, acte 625.
159 Barthélémy, « Documents sur la fabrication des jetons… », p. 235.
160 On retrouve le sanglier (couronné !) sur son sceau. DM II sceau cciv, 1422.
161 Barthélémy, « Documents sur la fabrication des jetons… », p. 235. Il semble que ni les jetons du connétable, ni ceux de l’amiral n’aient été retrouvés.
162 Hédé (35), Lamballe VI (22), Rennes (35)…
163 ALA E 211/10 (f° 20 v° et 28), et AM Rennes 1047/1464-1465 f° 53 v° et 1051/1477-1478.
164 Comptes d’Auffroy Guinot, AIV 1 F 629, f° 1 v°.
165 Comme ceux trouvés à Rennes, au type de l’agnel, ou celui au type de la chaise d’or de Saint-Malo.
166 Ce n’est pas le cas en Normandie, où dans certains trésors, des jetons sont assimilés à des monnaies, Moesgaard, La politique monétaire…, p. 10.
167 Debord, acte 197 bis, 1510 (23 février).
168 Ms 5 916 et 5 920. F. de Saulcy en a publié l’essentiel, repris incomplètement et avec des erreurs de transcription par Caron, Monnaies…, p. 57-59.
169 Ms fr. 5 920, f° 113. Saulcy, Recueil de documents relatifs à l’histoire des monnaies frappées par les rois de France depuis Philippe II jusqu’à François Ier, Paris, 1879-1892, t. i, p. 98.
170 Hautin, Figures des monnoyes de France, 1619 : description de monnaies, y compris les monnaies féodales de Bretagne. Les monnaies sont figurées sans lettre d’atelier, et les dessins ont été repris par Duby, puis Bigot et encore récemment par Y. Jézéquel. Elles sont à écarter.
171 Marchegay, « Chartrier de Thouars… », BSAN, 1870, p. 161-162.
172 C’est en particulier l’idée développée à plusieurs reprises par Cariou, « Dénominations… », ASBNH, 1992-1993, p. 24, « À propos d’un article sur les florins de François II », ASBNH, 1995, p. 32 et « Quelques précisions à propos des écus d’or des ducs François », ASBNH, 1996, p. 28.
173 Jones, Actes de Charles de Blois…, acte 194, 1357 (3 mars).
174 Ibid., acte 147.
175 AIV 1 F 626 1365-1397, f° ii.
176 AMN CC 95, paiements en réaux et en écus (1469-1471).
177 Chauvin, Les comptes de la seigneurie…, p. 53-54.
178 Rançon de Jean de Sesmaisons, DM III 264.
179 Kerhervé, L’État breton…, p. 189-190.
180 Introduction très complète de Jean Feutren, édition J. Floch, Mayenne, 1977.
181 Id, art. Mouneiz.
182 Ibid. Pour l’éditeur du texte, l’auteur met une différence entre monneiz, réservé à l’aspect technique et qu’il réserve à l’objet lui-même, et mouneiz qu’il applique aux échanges (p. 64 du supplément). Il est exact que la définition de monneiz est particulièrement courte et ne renvoie qu’au latin moneta et monetarius, alors que mouneiz bénéficie d’un plus long développement, et que les deux mots sont bien séparés, à une page d’intervalle. De plus, l’orthographe est différente, avec doublement du n dans le premier cas, et pas dans le second.
183 Nous ne saurions assez conseiller les émetteurs contemporains de billets et de chèques bretons de s’en inspirer, et d’abandonner le bank, à la consonance plus américaine qu’armoricaine.
184 C’est une hypothèse émise par Dieudonné, « La monnaie de Charles V », PVSFN, 7 février 1931, p. xxi- xxiii.
185 DM I 1054.
186 AIV 1 F 587.
187 AIV 1 F 588.
188 Blanchard, Actes de Jean V…, acte 1038, 1408 (5 septembre).
189 1408(16septembre) : versement de 30 francs ; 1408 (23 septembre) : versement de 20 francs, Blanchard, Actes de Jean V…, actes 1039, 1040, etc.
190 Compte de Jean Mauléon, dm ii 1270.
191 Blanchard, Actes de Jean V…, acte 2491, 1441 (3 juin).
192 1465 (10 février), DM II 1769.
193 AIV 1 F 623, f° 7, 1342 (2 juin).
194 Kerhervé, L’État breton…, p. 879.
195 Pocquet du Haut-Jussé, » Les emprunts de la duchesse Anne à Julien Tierry », ABPO, 1962, p. 269293.
196 Kermarrec, acte 345, 1468 (28 avril).
197 Venneuguès, 1462, acte 191.
198 Blanchard, Actes de Jean V…, acte 2420, 1440 (28 mai). Nombreuses mentions dans les registres de chancellerie, en particulier en 1477.
199 21 février 1342, cité par Merson, « Un monnayage anglo-breton au xive siècle ? », BSFN, juin 1984, p. 508.
200 Gourvès, 1464, acte 433. Autres exemples en 1462 (13 décembre et 24 décembre), Venneuguès, 1462, acte 955 et 971. La formule est identique. Autre exemple en août 1490, avec un congé de sûreté pour des Français envoyés comme otages en Bretagne. On leur assure la sûreté entre autres de leur or, argent monnoyé et a monnoyer, vexelles, joiaulx, bouettes, Le Bourhis, acte 1035, registre de chancellerie.
201 AIV 1 F 97 J. En 1391, le tabellion de Saint-Lô reçoit 6 £t pour avoir convoyé de sa ville à Paris la somme de 375 £t, l’aller-retour a pris 12 jours, Favier, Finance et fiscalité…, p. 264-265.
202 1455-1458, comptes de la châtellenie de Lamballe, Cité par Chauvin, Les comptes…, p. 54.
203 Kerhervé, L’État breton…, p. 869.
204 1430-1431, comptes d’Auffroy Guinot, AIV 1 F 629, f° 27.
205 Kermarrec, acte 362, Jean Mauhugeon devient par la suite capitaine du trait et maître de l’artillerie ducale, Potier de Courcy, armorial et nobiliaire…, art. Mauhugeon. Pierre Coline est secrétaire de la chancellerie ducale. Cette opération de transport de fonds n’est pas sans rappeler celle de Blanche de Castille qui affrète en 1250 onze chariots, qui portent chacun 2 tonneaux chargés de deniers, ainsi que des chevaux de somme, pour envoyer à saint Louis l’argent de la septième croisade, Richard, Saint Louis, Paris, 1983, p. 254.
206 Berthemet, acte 730, 1466 (18 mai).
207 Geslin de Bourgogne et Barthélémy, Anciens évêchés de Bretagne…, p. ccxlvii. Charte de 1268.
208 1355 (1er novembre) : paiement de gages, compte de la baronnie de Fougères, AIV 1 F 623, f° 95.
209 1301 (17 avril), ALA 14 J 2-15.
210 C’est le cas en 1303, dans le rôle des rentes en argent et en nature perçues par le receveur de Muzillac. Toutes les sommes sont en monnaie de compte, ALA E 211.1.
211 Compte de la recette de Nantes, ALA E 211.3.
212 ALA 14 J 2-15, 1452 (16 janvier).
213 Le Bourhis, acte 564, 1490 (24 janvier).
214 Kerhervé, L’État breton…, p. 218.
215 AMN CC 384/15. Les Bretons ne sont pas les seuls à se plaindre, comme l’atteste le Journal du bourgeois de Paris, p. 415-416, n° 822.
216 AMN CC 383/49, 1490 (10 juillet).
217 AIV 1 F 109 f° 52, 10 juin 1458.
218 1468 (19 mai) : pillage du manoir du seigneur de Quintin par le seigneur de La Feillée, pour un total de 10 000 écus. Une peine d’amende de 20 000 écus, Kermarrec, acte 408.
219 Quéro, acte 421, 1473 (11 mai).
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