Chapitre VI. Les à-côtés du travail
p. 159-176
Texte intégral
1Les cadres ne sont plus, comme par le passé, à l’abri du chômage et, avec ce risque potentiel, une autre de leur spécificité disparaît. On peut donc penser que ce qui a pu caractériser en propre la nature de leurs relations à l’égard des entreprises s’en soit trouvé modifié. Chez les plus anciens qui ont pu en faire l’expérience, les germes de la suspicion rencontrent là un terreau favorable. Chez les plus jeunes, l’intériorisation précoce de ce risque en tant que probable a pu contribuer à structurer un champ d’attentes et d’aspirations distinct de celui de leurs aînés. Dans tous les cas, et même si cela relève de « l’évidence sociologique », on ne peut donc omettre de signaler que ce risque a dû modifier la relation « contribution-rétribution » (l’expression est de Paul Bouffartigue) des cadres à l’égard de l’entreprise.
2Les flux de salariés qui quittent le monde du travail suivent une sorte de parcours initiatique ponctué d’étapes à forte charge émotionnelle. En suivant les cadres dans les étapes de cette traversée, on essaiera de montrer en quoi chacune d’elles peut jouer sur la conception que les cadres se font du contenu et des contours de la catégorie à laquelle ils appartiennent. On cherchera aussi à comprendre en quoi ces étapes peuvent être l’occasion d’une mise à l’épreuve de leur valeur. La signification subjective que l’on peut attribuer à ces mises à l’écart du monde du travail varie en fonction d’un ensemble complexe de variables. En la rapportant à des héritages inséparablement individuels et collectifs, on montrera, à travers l’opposition de deux cas (Bernard et Philippe), que cette éviction – passagère – n’entraîne pas mécaniquement un désinvestissement des cadres au travail.
LE MARCHÉ DES CADRES
3Certains sociologues voient dans l’évolution du chômage des cadres une variable, parmi d’autres, d’une tendance vers une précarisation de ceux-ci1. D’autres, plus modérés, comme Paul Bouffartigue, incitent à pondérer de telles expressions.Pourtant, quelle que soit l’intensité avec laquelle le chômage porte atteinte à l’existence de la catégorie, on ne peut nier que, par ce risque encouru, se fissure, pour partie, l’identité symbolique d’un groupe social que le passé avait relativement épargné de ce danger. On tâchera de montrer ici que le sentiment d’unité et de différentialité de la catégorie peut aussi être entamé par la profusion des organismes d’aide à la réinsertion professionnelle.
De quelques particularismes du chômage des cadres
4Mis au chômage, les cadres prennent, parfois soudainement, conscience de leur interchangeabilité et de l’affaiblissement de leur différentialité positive. Pourtant, le sentiment de leur différence persiste, qui les amène à préférer des organismes spécialisés dans l’accompagnement des membres de leur catégorie, cherchant ainsi à éviter ce qui relève, pour certains, d’un traitement de masse du chômage2.
« Aujourd’hui, je suis à C.A., un organisme d’aide de retour à l’emploi réservé aux cadres, parce que ça me donne un autre tremplin pour repartir. On a déjà des outils pour contacter les entreprises. Je dirais que c’est une formule de plus qui permet de revenir sur le marché de l’emploi. Ça permet aussi d’échanger avec des cadres de très haut niveau, parce qu’ici on a aussi des cadres qui ont une formation, une culture intéressante. Quelque part, on peut se comprendre quand on aborde certains problèmes, alors que, je voudrais pas les critiquer, mais quand on va à l’ANPE, je discute avec eux 5 minutes, et c’est fini, je n’y vais pas souvent, mais à chaque fois, c’est le clash ! »
(Responsable administratif et financier, 48 ans, à la recherche d’emploi.)
5Mais, le sentiment de leur différence à l’égard d’autres populations ne s’accompagne pas nécessairement de celui de leur ressemblance au sein de la catégorie. Pourquoi ? Le chômage des cadres comporte quelques spécificités. Soucieux de coller au mieux à ces spécificités, les organismes de prise en charge ont contribué à faire apparaître, en les institutionnalisant, des hiérarchies latentes au sein de la catégorie. Ainsi, à force de spécialisation, ces organismes ont-ils participé à la segmentation du groupe. Avant de montrer comment ces luttes internes au champ du marché des cadres peuvent jouer sur la représentation de ce qu’est un cadre pour chacun des membres de la catégorie, tâchons de pointer quelques particularismes de l’évolution du chômage des cadres.
Les fluctuations du chômage des cadres
« Le taux de chômage des cadres au sens du BIT est passé de 3 % en 1990 à 7,1 % en 19953. » Un point culminant sera atteint en 1994. Ce taux se stabilise sur la fin de cette décennie. En 2005, il redescend à 4,9 %. La phase de progression des années quatre-vingt-dix a desservi en premier lieu les cadres administratifs et commerciaux d’entreprise. Si, au cours de cette période, le taux de chômage des cadres n’atteint pas le niveau des autres groupes professionnels, il s’en rapproche pourtant quelque peu4. Ces courbes inter-catégorielles n’ont pourtant rien de parallèle, ce qui atteste d’une sensibilité différentielle des cadres aux évolutions conjoncturelles5. L’importance du chômage de longue durée compte parmi les spécificités propres aux cadres qui les distinguent des autres groupes professionnels. Il touche particulièrement les plus âgés – « les anciennetés de chômage sont de loin les plus importantes pour les cadres d’entreprise de plus de 50 ans. Elles se sont allongées depuis la fin des années quatre-vingt, passant de 8 mois en 1988 à 20 mois en 1997 » – mais aussi les plus jeunes : « ce sont surtout les jeunes cadres de niveau Bac + 2 qui connaissent des difficultés grandissantes à retrouver un emploi6 ». Tout se passe comme si la tranche des quinquagénaires maintenait un niveau d’exigence élevé plus longtemps que les autres catégories, ce qui pourrait les amener, dans une première phase de leur recherche d’emploi, à refuser un travail par trop éloigné des conditions salariales qui étaient les leurs avant leur mise à l’écart7. Les cadres mis à l’écart du monde du travail encourent aussi le risque d’un déclassement statutaire, financier, mais aussi symbolique. « Ainsi, en 1996, 58 % des emplois retrouvés par les cadres d’entreprises concernés n’ont pas le statut cadre, contre 36 % en 1989. Sur l’ensemble de la période 1990-1995, c’est près de la moitié de ceux qui ont retrouvé un emploi qui ne sont plus classés cadres8. » Dans ces déclassements, les cadres perdent aussi une forme de stabilité affective qui, le temps d’un conjoncture favorable, avait soudé ensemble leur destin (mais aussi celui de leur famille) à celui de leur entreprise.
Institutionnalisation des spécificités et représentation
6Parallèlement à ces évolutions, des organismes d’aide à la recherche d’emploi ont vu le jour, d’autres se sont spécialisés dans l’accueil de ce public, au sens large du terme. « Compte tenu de l’augmentation spectaculaire du nombre de cadres au chômage, l’ANPE (créée en 1967), traditionnellement peu tournée vers l’emploi des cadres, a décidé d’en faire une priorité. Concrètement, entre 1994 et 1997, l’organisme public a ouvert 25 “espaces cadres”9. » La création de l’APEC, en 1966, est, elle, à mettre sur le compte d’une volonté de fournir une aide aux cadres dans la gestion de leur carrière, tout en soutenant les services des ressources humaines dans les entreprises. Mais, progressivement, les formes prises par les évolutions du chômage des cadres contraindront cet organisme à quelques réorientations d’activité.
« Je voulais sortir d’une image qui nous englue pour nous permettre de revenir à ce pour quoi l’APEC a été créée voilà maintenant 30 ans. On a été créé pour aider les cadres à gérer leur carrière et aider les entreprises dans leur GRH. Mais notre image à l’APEC a été accentuée du côté chômage parce qu’on s’est pris de plein fouet le choc pétrolier, et comme il n’y avait personne pour aider ces cadres qui étaient les grands blessés de la guerre économique, eh bien l’APEC a fait son boulot. Je dirais qu’elle a géré les trous de carrière plutôt que la carrière… enfin, les trous font partie de la carrière. »
(Directrice d’une agence de l’APEC, en région.)
7Les outils statistiques mis en place afin d’appréhender les formes prises par l’évolution du nombre de demandeurs d’emploi feront apparaître certaines caractéristiques propres aux cadres qui attireront sur elles l’attention des créateurs de service.
« Notre métier est de “commercer” les atouts des cadres de 50 ans »
« Enquêteur : Est-ce qu’on pourrait commencer par une présentation des raisons de la création de cet organisme, et puis, ce que vous y faites en général, et vous en particulier ?
Co-directeur du cabinet de recrutement HM : Août 96, marché de l’emploi assez morose, difficulté pour l’ensemble de la population par rapport à cette question. Les jeunes diplômés ne trouvaient plus de job, les quinquas se faisaient mettre à la porte des boîtes qui fusionnaient, qui se restructuraient autour de leur colonne vertébrale centrale, avec réduction des coûts. Donc, année 96 très morose sur les questions d’emploi. M. X, 50 ans à l’époque, moi-même, 26 ans à l’époque, décidons de créer un cabinet de recrutement qui s’appelle “H-M” dont la simple idée est de valoriser l’emploi des cadres qui ont plus de 50 ans. »
8On pourrait multiplier à l’envi les exemples qui permettent d’illustrer le rendement d’un processus qui annonce l’arrivée, sur le marché des cadres, d’organismes à fort degré de spécialisation qui, entérinant les caractéristiques propres à ce groupe, contribuent ainsi à ancrer dans les représentations l’existence de populations bigarrées à l’intérieur même de la catégorie. Nous n’évoquerons ici que quelques exemples parmi les plus marquants.
9Certains de ces organismes :
10– se font les relais de l’idéologie condensée dans la littérature managériale contemporaine…
« Enquêteur : Les attributs de la personne “normale” à laquelle vous faisiez référence tout de suite, c’est quoi ?
Co-directeur du cabinet de recrutement HM : C’est l’autonomie, c’est la responsabilisation, il faut rendre à nouveau responsables les gens de leur travail. C’est-à-dire, qu’ils ont perdu leur responsabilité, parce que c’est tellement hiérarchique, il y avait toujours le chef qui était responsable à leur place, et donc, c’est de “rerendre”… de rendre à nouveau chaque collaborateur responsable du travail qu’il fait, et lui donner envie de le faire. Mais pour moi, tout le monde va être cadre un jour. »
11– d’autres attestent d’une représentation déjà datée, ou revue à la hausse, du rôle des cadres dans l’entreprise…
« Responsable d’une structure de reclassement : Pour moi un cadre, c’est quelqu’un qui a une influence de près ou de loin sur la rentabilité de l’entreprise, et qui prend ses responsabilités à ce niveau-là.
Enquêteur : Ça signifie qu’il a une marge de manœuvre par rapport aux décisions que prend la direction ?
Responsable : Oui, mais c’est aussi quelqu’un qui va participer à des réunions, qui va échanger sur le développement de l’entreprise, sur les stratégies à mettre en place. Oui, c’est quelqu’un qui est participant dans le développement de l’entreprise, ce n’est pas quelqu’un à qui on va dire : “On a décidé ça en réunion, voilà les objectifs à atteindre”, c’est vraiment quelqu’un qui encadre l’entreprise, qui doit participer, amener des idées dans un développement, dans une stratégie. »
12– d’autres encore peinent à dissimuler la confusion qui règne autour de la définition même de ce qu’est un cadre…
« Enquêteur : Tout à l’heure, j’ai noté une expression, vous m’avez parlé de “cadre digne de ce nom”, quelles seraient pour vous les caractéristiques d’un cadre “digne de ce nom” ?
Responsable d’une maison de l’emploi des cadres : Disons que c’est par opposition à des gens qui ont des postes de cadre sur le papier et qui n’en ont pas réellement les missions. Ça arrive, dans certaines entreprises. Ce n’est pas le nom, enfin… c’est pas le nom d’un statut qui va me faire dire que la personne est cadre. Donc, vous avez ce que moi j’appelle le cadre Canada Dry : “Ça a la couleur de l’alcool, mais ce n’est pas de l’alcool”. Eh bien, c’est exactement ça, le Canada Dry il a les mêmes fonctions que le cadre, mais il n’a pas le titre. Eh bien l’agent de maîtrise et le faux cadre peuvent être des Canada Dry, ce n’est qu’un nom, qu’un mot, ça ne change pas la fonction du gars, mais ça a des incidences derrière. Alors, qu’est-ce que c’est qu’un mot, est-ce qu’on est obligé de garder le mot : question ? »
13Si tous ces organismes d’aide à la réinsertion professionnelle peuvent fonctionner comme des espaces de socialisation propices à la mise en commun d’expériences partagées, et, par là, contribuer à souder, par l’affectivité qui s’en dégage, le sentiment d’appartenance à une même catégorie, il reste que, sous les effets cumulés d’une spécialisation en cours du marché de la réinsertion, une définition éclatée de la catégorie se propage. Ainsi, les individus qui traversent ces différents organismes ne pourront-ils manquer d’être confrontés à cette pluralité de référents identitaires éloignée d’une conception homogène du groupe auquel pourtant ils appartiennent. Mais, ces passages dans ces organismes ne sont qu’une étape intermédiaire inscrite dans un mouvement plus large – de sortie et de préparation au retour dans le monde du travail – à travers lequel les espaces traversés et les méthodes employées viendront s’inscrire dans les esprits de ceux qui en feront l’expérience.
LES ÉTAPES D’UN PARCOURS DE DÉCONSTRUCTION-RECONSTRUCTION
14La gestion des flux de populations salariées qui naviguent entre le travail et le hors travail relève, dans certains cas, d’une sorte de parcours initiatique ponctué – schématiquement – de deux grandes étapes, l’une de départ de l’entreprise, l’autre d’arrivée dans un organisme de réinsertion. Chacune de ces étapes triture le sentiment que les cadres ont de leur valeur. Il convient donc d’essayer de décrire ce qui peut s’y passer et s’y jouer, afin de donner à comprendre en quoi ces « extraits de socialisation » peuvent modifier le rapport au travail de ceux qui suivront ces parcours.
L’exclusion
15Sur celui que les rumeurs, mais aussi, parfois, les procédés rationnels d’éviction auront désigné, ou plutôt pressenti comme un exclu potentiel, se répandent les angoisses du groupe. Les regards, attitudes, comportements adressés à l’Autre, cette altérité devenue absolue, se chargeront de faire entendre à ceux qu’ils désignent leur différence négative. Les individus qui subissent ces processus franchissent ainsi des espaces symboliques aux frontières signifiantes. Mis à l’écart, ils s’engagent, par paliers successifs, sur la voie qui les défait des attributs identitaires qu’ils ont pu arborer dans un espace et un temps antérieurs, et glissent, progressivement, vers un moins d’Être.
16À partir d’un fragment d’entretien, on voudrait illustrer ce qui vient d’être décrit ci-dessus. On s’appuiera pour cela sur le témoignage de Thierry. Le suivi de l’évolution de sa trajectoire professionnelle auquel on s’est livré jusqu’à présent a permis de mettre en évidence comment, de façon insidieuse et progressive, le temps qui s’écoule l’écarte à la fois de l’entreprise et du travail. Le fragment qui suit montre un point culminant de cette lente et semble-t-il irréversible séparation qu’accompagne un processus d’exclusion au rythme « naturel ».
« Je n’en peux plus ! »
« Enquêteur : Donc aujourd’hui, tu es en arrêt maladie ?
Thierry : Oui. Donc, concernant la pression que j’ai depuis un an, je ne la supporte plus, et jusqu’en janvier j’ai tenu le coup, parce que j’avais d’autres activités après le travail, et ces activités se sont un peu ralenties, c’était les cours à l’université… Donc après, petit à petit, le travail m’a pris les nerfs. Je dormais mal, je me réveillais très tôt, j’avais une pression perpétuelle de la part de mon responsable de service qui n’a aucune confiance en nous, qui nous surveille, qui est tout le temps à dire : “Tu vois, heureusement que je suis là, tu as vu ce que tu as fait, c’est de ta faute !” C’est que des choses comme ça. Il donne des plannings imaginaires, qui ne peuvent pas tenir debout dès le début, qui au lieu de durer deux jours, comme il le prévoit, durent en fait 5 semaines… On en est à ce point de décalage… Donc, il ne comprend rien quoi. Donc là, j’ai craqué. […] Et ce jour-là, pour la première fois… Enfin, mon chef m’avait demandé, à propos du projet qu’il fallait faire en deux jours, mais qu’en fait au bout de cinq semaines, c’était toujours pas fini, il m’avait demandé : “Alors, c’est fini ?” et donc là, pour la première fois, j’ai… Pour la première fois j’ai menti. Je lui ai dit que j’avais fait ça, et puis ce n’était même pas vrai, j’ai même changé des dates dans des fichiers, et c’est la première fois de ma carrière où je trichais. Voilà, j’ai triché. C’est ce qu’on nous demande. Pour plaire, il faut tricher. Donc là, après, ça allait de moins en moins bien. Le week-end, je pensais au boulot. Je trouvais inintéressant ce que j’avais à faire, et je n’arrivais même plus à le faire, je n’arrivais plus à bosser quoi. Donc résultat, avant de craquer complètement, on m’a mis à l’arrêt pour me reposer. Mais là, je dois retourner dans mon travail, dans une semaine, mais je vois que c’est sans issue. J’ai demandé à changer de service, voire à partir de la boîte si les conditions étaient bonnes. Je n’en peux plus ! Voilà, donc, c’est du bon gâchis, et je ne suis pas le seul dans ce cas-là. Les gens se taisent, ils ne se disent plus rien. Je me souviens qu’en période d’élection, autour de la table du café, on parlait politique et tout. Maintenant, on ne parle de rien, c’est le vide. Il n’y a rien. Heureusement qu’il y a encore quelques affinités avec des gens que je connais d’avant, mais autrement… avec les gens qui sont dans mon service, je n’ai même pas envie de les connaître, parce que c’est la langue de bois eux aussi, et puis ils se méfient de moi aussi. »
L’inclusion
« J’ai fait un bilan de compétence avant de faire ma formation à l’IFG parce que je voulais savoir si j’en étais capable et puis ça permet d’avoir une meilleure connaissance de soi. Donc pour moi je trouve que le bilan de compétences, c’est une bonne chose. Mais j’ai constaté que l’instant qu’on vit a des influences sur les résultats. Par exemple, si vous êtes dans une période négative, les tests auront tendance à être négatifs, si par contre vous êtes dans une période positive, vous êtes en pleine activité, vous aurez tendance à être beaucoup plus vous-même dans les tests. »
(Responsable de production, 55 ans, à la recherche d’emploi.)
17Tous les cadres évincés des mondes de l’entreprise ne transitent pas nécessairement par des espaces d’aide à la réinsertion professionnelle, et surtout pas par les mêmes. Ils sont pourtant nombreux à les fréquenter, nombreux à pouvoir être imprégnés de ce et ceux qu’on y rencontre.
18La plupart des organismes qui occupent le marché de la réinsertion professionnelle déploient une panoplie d’outils d’évaluation dont l’objectif est d’accorder au mieux l’offre à la demande d’emploi (il s’agit d’une recherche d’adéquation entre profils). Certains de ces outils contribuent à débusquer des « qualités naturelles » chez ceux qu’ils prennent pour objet ; faire émerger ces qualités revient, schématiquement, à délimiter un champ des possibles de recherche d’emploi pour l’individu concerné. La croyance dans le pouvoir d’assignation-dévoilement de ces qualités par les outils a toutes les chances de trouver un terreau favorable chez des individus déjà affaiblis par leur situation présente. Mais cette croyance peut aussi être encouragée par les conditions de travail de certains cadres. En effet, comme le montrent les travaux de Sophie Pochic, il n’est pas rare que les cadres aient eu à utiliser eux-mêmes des outils proches de ceux-ci lorsqu’ils étaient en situation de travail10. Ils y sont donc, pour ainsi dire, doublement acquis. Certaines de ces techniques parviennent parfois à entretenir, voire même à construire, un sentiment de culpabilité chez ceux sur qui elles s’appliquent. Quand le sentiment de ne pas avoir démérité, d’avoir été injustement évincé se mêle à celui de l’insécurité que procure les échecs répétés face aux tentatives de retrouver du travail, quand les réseaux familiaux et amicaux se distendent et se déstructurent, la violence symbolique est ici à son aise. Les techniques d’extirpation du non-dit ont alors beau jeu de construire une intériorité factice.
« Les gens ne bluffent pas en reclassement »
« Enquêteur : Et comment vous vous y prenez techniquement pour aider les cadres à formaliser “ce qu’ils ont en eux” ?
Recruteur et formateur pour cadres : Je les fais parler et on reste en entretien en face à face pendant 2/3 heures et je les fais creuser, analyser.
Enquêteur : Et les tests de personnalité, c’est quoi ?
Recruteur et formateur pour cadres : Alors, c’est des tests psychologiques, notamment le 16 PF qui est un test de personnalité qui est assez fin sur tout ce qui est sociabilité, management, autonomie, capacité à mener des projets, donc ça donne une certaine échelle de l’individu, sachant que ce n’est ni bon, ni mauvais. On en discute après et normalement, on n’a pas trop de surprises. Cela dit, ce n’est pas le seul outil, je ne me base pas uniquement sur ça. Il faut saisir la dimension complète de l’individu.
Enquêteur : Quels rapports ils entretiennent à ces tests ?
Recruteur et formateur pour cadres : Très bien, je n’ai jamais eu aucun refus. Ils les considèrent plutôt comme une aide à retrouver une situation, parce que le cadre est plus démuni quand il se retrouve au chômage que quelqu’un d’exécutant. Il le vit beaucoup plus mal, donc tout ce qui peut les aider à retrouver une situation rapidement, à se re-situer, ils le prennent bien, ils l’acceptent parfaitement. Les gens ne bluffent pas en reclassement. »
19Certains cabinets spécialisés dans la recherche d’emploi organisent des séances de formations à la préparation d’entretiens de recrutements. Tous les cadres ne fréquentent pas ces espaces, tous donc, a fortiori, ne font pas l’expérience de ce type particulier de préparation au retour à l’emploi. Mais ceux qui les pratiquent, commeBernard, pourront être l’objet – bien involontaire – de véritables processus de dépersonnalisation. S’attaquant aux façons de penser, de sentir, de se présenter et d’agir, des techniques se diffusent qui visent la substitution d’un sujet par un autre.
20L’entreprise dans laquelle Bernard a travaillé de 1983 à 1995 sera rachetée. Refusant les propositions qui lui seront faites par les nouveaux acquéreurs, Bernard se retrouvera à la recherche d’un emploi. Il a alors 45 ans. « Quand on a appris ça, on ne s’y attendait pas, ça a été une douche froide. Ils ont proposé à l’encadrement un chèque de départ. J’ai pris le chèque, et je suis parti. » Au cours de cette phase de recherche d’emploi, Bernard passera entre les mains d’un organisme d’out placement.
Convocation à comparaître de l’intériorité et de l’extériorité
« Enquêteur : Est-ce que vous êtes passé par des organismes qui font des bilans de compétence, des boîtes d’out placement pendant que vous étiez à la recherche d’emploi ?
Bernard : Oui, j’ai fait une formation dans une espèce de boîte, c’était une boîte qui faisait des formations de cadres, du type : comment se vendre ?, enfin, tout le topo.
Enquêteur : Et la formation dont vous me parlez, vous en avez retiré quelque chose ?
Bernard : Non. Enfin, ce que j’en ai retenu… Le premier sentiment que j’en ai eu, ça a été de me dire que le monde du travail avait bien changé, parce que moi, je n’avais jamais été au chômage de ma vie, à chaque fois que j’avais cherché du travail, ça c’était bien passé… Et puis, quand j’ai vu cette formation, comment il fallait faire pour trouver du travail… pourtant j’avais fait du recrutement, j’en avais fait beaucoup, je me suis dit : “Ça devient de la prostitution”, c’est exactement le raisonnement que j’ai eu. Je me suis dit que le monde du travail s’était énormément dégradé et pour en arriver à trouver un emploi, il faut pratiquement être obligé de se prostituer. C’était incroyable tous les détails auxquels il fallait être attentif pour aller à un entretien de recrutement. On m’a même dit qu’il fallait que je mette une chemise bleue, qu’il fallait que j’aie des lunettes avec des bords bleus… On avait fait, dans cette formation, il y avait une formation de relookage… je me suis dit : “Mais ce n’est pas possible ! Mais dans quel monde on est ?” Je pense qu’on avait un peu ce sentiment d’être dans un système où, eh bien, si tu veux trouver du boulot, eh bien il y a une forme de prostitution là-dessous, parce que la manière dont c’est fait, il faut vraiment se vendre, réapprendre à parler, apprendre à téléphoner, tout ça… ça m’a un peu dégoûté en fait, j’ai complètement été dégoûté de tout ça.
Enquêteur : Et apprendre à parler, vous avez réussi [sourire] ?
Bernard : Oui, mais c’est le vocabulaire. Il y avait des feuilles où il y avait écrit ce qu’il fallait dire et ce qu’il ne fallait pas dire, le vocabulaire de ce type, d’un autre type… Je trouve que ça fini par être exagéré. Et en définitive le recruteur, en face de lui, il a quelqu’un de complètement factice, qui a complètement été travaillé et qui n’est pas représentatif du personnage que ça va être. Parce qu’on ne peut pas jouer le rôle tout le temps, ça va de le jouer une heure à un entretien, mais bon… »
21Ponctuant parfois le parcours du demandeur d’emploi, le passage par l’assistante sociale peut être synonyme, chez certains cadres, de signes annonciateurs d’une forme de déchéance sociale en cours de réalisation. Par toutes les distances qui les séparaient de ces milieux, par toutes les connotations péjoratives qui y sont attachées, ces lieux les amènent sur un autre côté, ou plutôt, les placent face à l’évidence de ce qu’ils deviennent ou risquent de devenir ; un déshabillage moral est à l’œuvre, un vernis social s’écaille, l’image qu’ils pouvaient avoir d’eux-mêmes s’étiole.
« La dernière marche »
« C’est dans ce cadre-là que j’ai été sensibilisée à ce que disaient les cadres dans la région versaillaise, à St Germain en Laye, et c’était une pépinière de cadres et dans une clientèle d’AS (assistante sociale), c’est assez particulier parce qu’on estimait que ce n’était pas vraiment un travail d’écouter des gens qui avaient de l’argent. Les personnes qui venaient me voir étaient des personnes qui, à un moment donné, avaient une situation, soit familiale, soit professionnelle, soit personnelle, perturbée, soit par le chômage, la maladie ou le divorce. Il y a toujours cette espèce de “blessure” d’aller voir une AS, qu’ils font ressentir, où qu’ils expriment. C’est dans ce cadre-là qu’on avait des entretiens très fournis sur les récits de vie. Pour eux, venir voir l’AS c’était quand même la dernière marche. Leur première expression c’était un peu un déni, un déni qu’on peut comprendre mais… Et puis ils exprimaient que pour eux, effectivement, c’était une forme de déchéance, non seulement de bénéficier de l’allocation en tant que telle, mais d’être obligé d’en arriver là, de venir. »
(Assistante sociale en région parisienne.)
DES EFFETS DIFFÉRENTIELS DE LA MISE À L’ÉCART
22De l’éviction, au retour dans le monde du travail, chaque étape de cet itinéraire de déconstruction-reconstruction peut s’avérer psychiquement coûteuse pour les individus qui en font les frais. Chacune de ses étapes risque en fait de ternir l’image qu’ont d’eux-mêmes ceux qui se voient contraints à la remettre en jeu. Mais, le pouvoir que l’on peut attribuer à ces micro-espaces d’expériences reste pourtant aussi indétectable qu’impossible à évaluer. Laissons là cette voie sans issue, et reprenons la piste qui va nous conduire à essayer d’évaluer, plus largement, les effets du chômage sur l’investissement des cadres au travail. Si la mise à l’écart du monde du travail risque de poser les germes de la suspicion au cœur de la relation employeur-employé, il ne s’ensuit pas, et c’est ce que nous allons essayer de montrer, que ce germe ne se transforme inévitablement en un désinvestissement des cadres au travail.
Une prise de conscience de leur interchangeabilité
23Comprendre les effets du chômage sur le rapport au travail des cadres impose de commencer par tordre le coup à un lieu commun. Cette évidence partagée pourrait être formulée hâtivement de la façon suivante : évincés du monde du travail, les cadres perdraient plus que les autres salariés, leur mise à l’écart entraînerait la destitution et la dissolution de leur identité sociale. L’entretien d’un tel lieu commun masque nombre de présupposés qui font de la centralité du travail le trait exclusif des cadres, de la nature de l’investissement de ces derniers un attribut distinctif, de leur dépendance – totale – à l’égard de l’entreprise une caractéristique aussi unique que primordiale, et, pour tout cela, de la souffrance produite par leur éviction, les proies les plus affectées. Or, si l’on reprend chacun de ces points, on ne voit pas au nom de quoi ils seraient le « privilège » des cadres. Pourtant, l’entretien de tels stéréotypes invite aussi à identifier, par de là la diffusion de ces impensés, ce qui permettrait de caractériser en propre le rapport des cadres au travail, au chômage et à l’entreprise.
24Un premier point duquel découle des caractéristiques spécifiques doit donc ici être rappelé une nouvelle fois : pendant une période qui s’achève, schématiquement, avec la fin des Trente glorieuses, les cadres ont été relativement protégés des risques du chômage. Avec la « banalisation » de leur éviction, ce sont donc les termes particuliers d’une relation contribution-rétribution – qui justifiait un fort investissement au travail en échange d’une stabilité de l’emploi – qui vont brutalement se trouver modifiés.
« Il y a toute une génération qui a été sacrifiée à l’économique, ceux qui avaient tout donné à l’entreprise en partant de pas grand-chose. Je pense notamment à toute la catégorie des gens qui étaient sortis du monde ouvrier et qui avaient grimpé, et qui ont beaucoup donné à l’entreprise. Il y a même eu confusion totale entre leur boîte et leur vie. Donc, ces gens-là, quand la boîte a été obligée de se séparer d’un certain nombre d’entre eux, eh bien, ils n’ont pas compris, et moi, j’appellerais ça des grands blessés de guerre. Ce sont des handicapés à vie. »
(Directrice d’une agence de l’APEC.)
25Cette prise de conscience – forcée – par les cadres de leur interchangeabilité annonce la fin d’une croyance dans la différentialité positive du type de relation qui avait pu les unir jusque-là à leur employeur.
« Quand on a travaillé comme cadre, moi ça fait 25 ans, on s’aperçoit que l’on est tout simplement un salarié comme un autre. Lorsque l’entreprise décide de se séparer de vous, vous n’avez pas plus de pouvoir qu’un salarié. »
(Assistant de direction d’un magasin d’import-export, à la recherche d’emploi, 49 ans.)
26En franchissant une frontière à la fois symbolique et spatiale, les cadres mis au chômage traversent aussi, cette fois, à reculons, une limite temporelle.
Les franchissements symboliques
« Avant, quand on passait cadre maison, dans les années 60/70, il y avait bien une évolution, on passait de l’autre coté de la barrière et on ne pointait plus. Mais je crois que ça a été considéré comme noble d’être cadre jusqu’au moment où il y a eu les licenciements, où les cadres se sont aperçus qu’ils étaient des salariés comme les autres et qu’après avoir licencié les ouvriers, ils se faisaient licencier. Et là, je crois que leur statut en a quand même pris un coup et je ne suis pas sûre qu’ils revendiquent tellement cette notion de cadre. Là, il y a eu un basculement, ils ont compris qu’ils n’étaient pas du coté du manche mais du coté de la cognée, c’est eux qui avaient fait les charrettes et ils se retrouvaient dans les charrettes. »
(Directrice d’un institut au sein d’un centre de formation pour adultes.)
27Chez ceux qu’on nomme les cadres maison, il y a fort à parier que ce processus tardif et violent de désillusionnement ait engendré des frustrations à la hauteur des illusions constituées dans un état antérieur du système. Chez ceux-ci, la mise à l’écart du monde du travail déstabilise un équilibre entre le titre, la fonction, les attributs et la valeur… l’investissement contre la stabilité11. Mais ce n’est pas tout, et le fragment cité ci-dessus le montre fort bien : dans un espace hiérarchisé et stratifié de l’organisation de la production, les cadres ont, structurellement, parfois été du côté de ceux qui procédaient à la mise au chômage des autres salariés. On peut donc en déduire que la remise en cause de l’argumentaire fourni par les entreprises afin de justifier ces licenciements ne trouvera pas nécessairement un terreau d’opposition favorable chez ceux-là même qui auront été les agents de sa mise en œuvre. Passer du côté de ceux que l’entreprise licencie peut ainsi amener certains cadres à des contorsions argumentatives, sorte de changement radical de – prise de – position qui relève pourtant d’une forme particulière de survie sociale. Ces contorsions ne peuvent laisser intact l’individu pris dans le jeu de la nécessité d’oublier, pour s’adapter à une nouvelle situation.
L’éviction, pertes et profits (étude de cas n° 9)
28Ce rapide tour d’horizon a permis de désigner quelques effets possibles du chômage sur les cadres. À travers l’opposition de deux cas (Bernard12 et Philippe), on tâchera de montrer pourquoi on ne peut conclure, en toute logique, de façon mécanique, à un désinvestissement au travail de ceux qui en auront été évincés.
L’éviction, pertes et profits
De refus en échecs, Bernard revoit progressivement ses aspirations à la baisse. Le fragment qui suit montre, entre autre, que les douze années passées dans l’entreprise qui l’a nommé cadre l’ont, semble-t-il, mis à l’abri de certaines évolutions qu’a connues le monde du travail.
Attente et déclassement
« Bernard : Donc, j’ai pris le chèque et je suis parti.
Enquêteur : Et là, vous vous êtes retrouvé sans emploi ?
Bernard : Sans emploi. J’ai fait différents essais dans certaines sociétés, mais ça n’a pas marché, il faut être clair. J’ai fait des essais chez X et je suis parti aussi vite que je suis rentré parce que je ne pouvais pas rester dans une société pareille.
Enquêteur : Pourquoi ?
Bernard : Ah, c’est hard chez eux. La gestion du personnel, je n’ai jamais vu ça. C’est odieux, j’ai rarement vu des gens odieux comme ça ! Ensuite, j’ai eu une proposition d’un poste qui aurait pu être vachement intéressant, si ce n’est qu’il était payé – directeur de plate-forme –, payé à peine au-dessus du SMIC. Je me suis dit que je ne pouvais pas accepter quelque chose comme ça, je suis mieux payé aux ASSEDIC. Donc là, j’ai préféré aussi partir au bout de trois mois. Et puis, après, je suis rentré chez Y en tant qu’employé, employé de commerce, et j’avais fait une demande, et ils m’avaient convoqué en entretien, et puis ils m’ont dit : “On n’a pas de poste pour vous”, parce que moi, j’étais parti sur un temps plein. […] En fait, je suis rentré par piston chez Y grâce à des gens très sympathiques et puis voilà. Depuis, je suis employé de commerce. »
Redevenu employé, Bernard franchit, cette fois en sens inverse, une frontière vers l’ancien monde, frontière à haute valeur symbolique que sa nomination au statut de cadre lui avait permis de dépasser. Bernard – se – pense – dans – cette nouvelle entreprise à travers des termes qui rappellent la rupture, la séparation, la mise à l’écart, la distance. Tout se passe comme si ce retour d’histoire taxinomique le ramenait, par un mouvement de balancier, du côté de l’impur ; le temps qui s’écoule estompera progressivement ces différences, et l’amènera à voir, probablement par nécessité faite vertu, en l’autre un semblable.
« J’avais le sentiment d’être revenu de l’autre côté de la barrière »
« Enquêteur : Donc, vous êtes employé de commerce depuis 3 ans maintenant ?
Bernard : Oui.
Enquêteur : Question bête sans doute… Vous avez senti que vous avez rétrogradé ?
Bernard : Au début, ça a été dur. Au début, ça a été très dur. Au début, ça a été très très dur, parce que, c’est ça, il y a quelque chose… Il y a une part d’humiliation et puis finalement, au fil des mois, ça s’est estompé, j’ai trouvé des gens sympathiques et charmants. Mais j’ai quand même toujours eu l’impression d’être démarqué, d’abord par l’âge. Je suis dans une entreprise qui est très jeune au niveau de la moyenne d’âge, parce que la moyenne d’âge est à peine supérieure à 30 ans, donc, je me suis senti un peu démarqué, mais j’ai été très bien accepté par tous ces jeunes, et puis maintenant, je passe de bons moments au travail.
Enquêteur : Et quand vous dites : “part d’humiliation”, quelles sont les raisons de ce sentiment ?
Bernard : C’est le sentiment d’être à côté de gens… Je travaille dans une chaîne de “minilabs” avec des gens… C’est pas eux que je dirigeais dans le temps, mais c’est l’équivalent, vous comprenez… Donc, j’avais le sentiment d’être revenu de l’autre côté de la barrière, même en dessous, puisque quand j’étais de l’autre côté de la barrière, j’étais déjà responsable de magasin, je n’avais jamais été employé comme je le suis maintenant. J’étais passé d’un laboratoire professionnel, à un poste de responsable de laboratoire, à un poste de cadre, et puis d’un poste de cadre, je suis revenu à employé de commerce. »
Le fragment qui suit montrera avec force que l’investissement de Bernard au travail est étroitement lié, si ce n’est déterminé, au (et par le) statut, qu’il croît de celui d’employé à celui de cadre, et inversement. Par là, Bernard dévoile ce que sont pour lui les propriétés propres à chaque position dans l’espace salarié. Bernard est semblable à une bombe à retardement d’investissement au travail, il suffirait qu’il redevienne cadre pour qu’alors explose en lui – à nouveau – une force qui sommeille. Mais cette force reste contenue, sans une nouvelle nomination, elle demeurera à l’état latent ; pourtant Bernard hésite… En attendant, il adopte des comportements liés, semble-t-il, à son nouvel état.
L’hésitation
« Bernard : Entre 1983 et 1995, quand j’étais cadre, j’avais un salaire fixe et j’avais un intéressement au chiffre d’affaires de mon secteur.
Enquêteur : Mais, à vous écouter, je n’ai pas l’impression que c’était ça qui vous faisait courir ?
Bernard : Non, ce n’était pas ça. Non, non, je ne sais pas… C’est le fait que ça me passionnait, c’est ça oui. Quand j’ai perdu mon emploi, je crois que ce qui m’a manqué le plus, c’est l’investissement que j’avais, ça me manquait de partir le matin à 5 h et de rentrer tard. C’est ça qui me manquait le plus, plus que le salaire. Le salaire depuis il a été divisé, mais je… Je crois que ça m’a manqué terriblement. Au départ, de rester à la maison, c’était quelque chose d’affolant. Mais maintenant, par contre, je ne repartirais pas, avec le recul, ah non, je ne partirais pas !
Enquêteur : Pourquoi vous ne repartiriez pas maintenant ?
Bernard : Ça fait maintenant 3-4 ans que ça c’est terminé. Je suis rentré en tant qu’employé donc, d’un autre côté, j’ai appris à vivre différemment, c’est-à-dire, à vivre en tant qu’employé. Donc sans évidemment les soucis et les responsabilités. Alors que quand vous êtes cadre, les responsabilités c’est toujours des soucis, même quand ça vous passionne. Il y a toujours un stress, même si ça vous plaît, alors que maintenant, j’ai beaucoup de temps de libre. Je suis aux 35 H, j’ai deux jours de repos par semaine. Vous voyez, je ne travaille pas aujourd’hui, et je n’ai pas beaucoup travaillé cette semaine, parce qu’on est en période de basse activité. J’ai pris plaisir à prendre le temps de vivre, à être avec mes enfants, ma femme, et, je n’ai plus envie… Ou alors, il faudrait vraiment que je retombe dans une configuration identique, qu’un jour on vienne me chercher et qu’on me lance dans un truc qui me passionne.
Enquêteur : Si on vous nommait cadre de direction, vous seriez prêt à retravailler 60 H par semaine ?
Bernard : Si le jeu en vaut la chandelle, oui, je repartirais. Mais, dire que ça me manque, non, aujourd’hui, ça ne me manque plus. Mais si on me remettait sur les rails, je dis bien si ON [Bernard insiste] me remettait sur les rails, parce que moi je ne recherche pas du tout, mais si un jour le hasard faisait que… on me disait : “Tiens, tu veux pas travailler là ?” alors oui, je crois que je repartirais. À condition que ça me passionne, parce que c’est vraiment… J’aurai pas la foi sinon. Il faut vraiment avoir la foi pour faire ce genre de truc. J’ai 50 ans, j’ai moins la foi quand même, il arrive un âge où on a moins la foi. »
Les techniques d’éviction employées par l’entreprise N° 3 afin de licencier Philippe ont consisté, semble-t-il, pour l’essentiel, à le priver de travail. Philippe sera donc remercié, nous sommes alors en 1998.
L’éviction
« Enquêteur : J’avais des questions sur ton temps de travail, on a commencé à l’aborder et…
Philippe : C’est très variable. Je t’en ai parlé quand c’était beaucoup, mais je t’ai rien dit quand c’était très faible. J’ai eu des moments très faibles.
Enquêteur : Très faibles, ça veut dire ?
Philippe : Les moments où je bosse le moins ?
Enquêteur : Oui.
Philippe : C’est honteux [rires]. J’ai eu des moments où je ne bossais pas.
Enquêteur : Pas du tout ?
Philippe : Oui.
Enquêteur : C’était dans quelle boîte ça ?
Philippe : Chez l’entreprise N° 3. Payé à rien foutre.
Enquêteur : C’est incroyable ça !
Philippe : C’est incroyable, mais c’est pas excellent. Ça stresse un peu, mais ça arrive. Ça stresse un peu. Quand tu es payé à rien foutre, c’est chiant.
Enquêteur : Et comment c’est possible ça, qu’on puisse être payé à rien faire ?
Philippe : Parce que le business que tu dois faire n’existe pas ou…
Enquêteur : Et ça, c’était sur la fin ?
Philippe : Oui, souvent [timidement].
Enquêteur : Pour toi, tu te sentais sur une voie de garage ou quoi ?
Philippe : Eh bien oui. Quand tu vois que c’est comme ça, tu changes, tu te prépares à la guerre quoi. C’est un peu emmerdant, donc, il faut faire un constat éclairé de la situation, et puis d’en tirer… Mais bien sûr que c’est chiant. »
Menant le jeu du rendement économique à son point culminant, Philippe, licencié, fera de cette éviction et, par là, de lui-même, l’occasion d’une auto-exploitation, de sa personne une source de profit. Arguant que le licenciement fait partie des règles du jeu du marché de l’emploi, donc, du monde du travail, Philippe rend alors la monnaie de sa pièce à l’entreprise qui l’en a sorti. Ce qui aurait pu apparaître aux yeux d’autres cadres comme une preuve d’échec, se transforme, chez Philippe, en chance à saisir. Cette logique de maximisation du profit semble s’être faite habitus, transposable d’un domaine à l’autre, elle anime ses gestes et pensées. Dans une sorte de fatalisme résigné mais pourtant joyeux, Philippe incarne la règle du jeu du profit économique.
« La meilleure affaire de ma vie »
« Enquêteur : Si on peut reprendre l’itinéraire, on était en 93. Tu restes combien de temps dans cette boîte-là ?
Philippe : Dans cette boîte-là, l’entreprise N° 3, 5 ans. Après je quitte l’entreprise N° 3 pour rentrer dans une autre compagnie, plus petite, qui s’appelle l’entreprise N° 4, donc là, c’est un peu plus complexe.
Enquêteur : Et là, pareil, tu as donné ta démission ?
Philippe : Non, là, j’ai eu un problème de gestion de contrat, en fait… j’ai été licencié de l’entreprise N° 3.
Enquêteur : Ah oui !
Philippe : Oui, la meilleur affaire de ma vie. Je suis toujours en procès avec eux. Je t’expliquerai après si tu veux mais… [rires]
Enquêteur : On peut couper si tu veux ?
Philippe : Non, non. Ça fait partie du jeu.
Enquêteur : Donc, toi, ces règles du jeu, tu les as acceptées ?
Philippe : Ben de toute façon, attends, les règles du jeu, ça fait partie du package.
Enquêteur : Mais alors, pourquoi tu te retournes maintenant contre eux ?
Philippe : Pour gagner de l’argent, le licenciement c’est qu’une affaire, c’est de l’argent, c’est tout. Ils m’ont donné 1, et moi j’ai dit : “Non, c’est pas 1 qu’il faut, c’est 100”, c’est tout [rires]. Il ne faut pas prendre un licenciement comme étant un échec ou je ne sais quoi… Un licenciement, c’est une bonne opportunité de faire une bonne affaire. C’est tout. Donc, ça se gère comme une vente, c’est pareil, comme un business. On ne parle pas de principes… Enfin si, on va énoncer des principes, mais… c’est ça le problème. On parle tous de principes, mais on sait tous que le seul principe qui compte, c’est l’argent qu’on gagne à la fin. De toute façon, on travaille que pour l’argent. Enfin, on travaille pour le plaisir, etc. mais la seule unité qui permet de tout mesurer, c’est ça. Quand je te parlais tout à l’heure des signes de reconnaissance, c’est lié à l’argent. C’est le mètre étalon, il n’y a pas à tortiller. Dire que tu acceptes ou que tu n’acceptes pas, c’est ton problème, mais de toute façon, tu n’as pas le choix, c’est un état de fait. C’est comme dire que tu n’acceptes pas qu’il ne fasse pas beau. C’est comme ça, c’est comme ça, tu ne peux rien y changer. Se battre contre ça, c’est se battre contre des moulins à vent. Il faut comprendre le truc et puis s’en accommoder. C’est vachement simple en fait [rires], c’est super simple. »
Suite à ce licenciement, Philippe se jettera à fond dans le lancement d’une entreprise (une start-up), accompagné, dans cette aventure, de collègues proches qu’il estime. Il quitte donc, pour un temps, la société salariale. Voie parfois empruntée par les cadres désireux de retrouver un emploi, cette orientation à l’aspect séduisant, porte pourtant la trace d’un choix par absence de choix. Mais, pour l’instant, Philippe s’engage sans compter dans cette nouvelle expérience.
« C’est une super aventure »
« Philippe : Nous sommes en septembre 2000, et là, une des personnes que j’ai connue chez N° 3, qui était mon assistant, enfin, un des commerciaux qui bossait avec moi, vient me voir pour me parler d’un truc qu’il commençait à développer, un produit, une espèce de produit bizarre, et il me dit : “Viens voir Philippe, c’est un truc qu’on a fait, c’est vachement bien…” Je m’y suis engagé. Donc, voilà. C’est une super aventure. C’est une super aventure. Le truc qu’on développe, c’est très très lourd aussi. C’est-à-dire que les gens qui sont dedans, ce sont des super forts. On verra si ça marche ou pas, mais on aura essayé.
Enquêteur : Qu’est-ce qu’ils ont comme bagage scolaire ces “super forts” en question ?
Philippe : On est trois à dominante commerciale marketing… C’est tous des super bons dans leur… ils ont tous des écoles de commerce, des trucs comme ça, mais ça a toujours été de très bons professionnels, ils sont tous super forts, ils ont été dans les meilleures boîtes, ils étaient dans les meilleurs. […]
Enquêteur : Mais, vous avez des rapports hiérarchiques entre vous ?
Philippe : Non, c’est pas comme ça que ça marche. Il y en a un qui s’occupe de la recherche développement, il y en a un qui s’occupe du projet management, et puis il y en a un qui est porte-drapeau, celui qui est chef.
Enquêteur : Alors, c’est toi ?
Philippe : Oui. [rires] C’est eux qui m’ont demandé, moi, je m’en foutais, je m’en fous complètement, c’est parce que je suis le plus grand et que sur la photo, ça se voit mieux.
Enquêteur : Et là, tu gagnes mieux ta vie que…
Philippe : Là, je gagne zéro. Pour l’instant, j’investis, et on est tous pareils, sauf un mec qu’on a embauché. On est 4 à gagner zéro, en travaillant à plein temps dessus. Eh bien, si ça marche, on dira tous “bravo” plus tard. »
De quelques différences notables, l’importance des durées
Si l’un et l’autre ont connu le chômage au cours d’une même période (1995 pour Bernard, 1998 pour Philippe), il n’est pourtant pas survenu au même moment dans leur vie professionnelle, en 1995 le premier était âgé de quarante-cinq ans, en 1998 le second n’en avait que trente-quatre. Leur expérience professionnelle, avant leur période de chômage, n’est pas non plus ponctuée du même nombre d’entreprises traversées. Au temps long de l’expérience professionnelle dans une même entreprise chez le plus ancien (Bernard), succède un rythme rapide, soutenu et régulier de courtes périodes chez le plus jeune (Philippe). Par ces durées, et la fréquence des changements qui en découle, leur attachement aux entreprises diffère aussi. Pour Philippe, se faire licencier fait partie des règles du jeu, l’intériorisation chez lui de ce possible ne fait pas de doutes, tel n’est en revanche pas le cas de Bernard qui constate, amèrement, que l’entreprise lui retire maintenant cette plus-value d’existence sociale qu’elle lui avait accordée par le passé. Au moment où ils sont licenciés, Bernard et Philippe sont aussi l’un et l’autre dans des situations familiales fort différentes, si le premier est marié et a déjà quatre enfants, le second est célibataire et n’a pas d’enfants.
Distances au titre et motivation, une valeur de soi par construction ou délégation
Ce qui motive leur investissement les distingue aussi. Au moment où l’un et l’autre rentrent sur le marché du travail, les chances d’accéder au statut cadre sont différentes, plus fortes pour Philippe, elles se banalisent. L’importance accordée à la possibilité de perdre le statut est à rapporter aux chances de pouvoir y accéder. Chez Bernard, que son identité par délégation a fait entrer « dans un autre monde », la certitude de sa valeur est comme suspendue à la volonté de ceux qui l’ont nommé, le risque est grand pour lui de se voir retirer les marques de sa nouvelle appartenance. À l’inverse, chez Philippe, – déjà – assuré du sentiment de sa valeur, il faut plus qu’un licenciement pour instiller le doute au fond de son être. Du côté de Bernard, le franchissement taxinomique – de cadre à employé – aura eu pour effet de désamorcer, chez lui, une source importante de motivation ; chez Bernard, l’accès au statut semble avoir le pouvoir de décloisonner, de libérer mais aussi de contenir des possibles. Philippe, lui, se soucie peu de la possibilité de perdre le titre ; ce titre n’indique pas ce qui le pousse. Du reste, interpellé par des cabinets de chasseurs de têtes, Philippe est encore conforté dans l’assurance de sa différentialité positive.
Luxe et nécessité, légèreté de soi et poids des autres
Tous ces facteurs se cumulent et concourent à produire des effets spécifiques sur le rapport au travail de Bernard et de Philippe. Pourtant, tous n’abondent pas, pour ainsi dire, dans le même sens. Pour comprendre la capacité des individus à « profiter » de leurs phases de chômage – ou, pour employer le langage euphémisé que véhicule la littérature managériale, pour « rebondir » –, on ne peut faire l’économie d’un détour par les conditions sociales d’existence de ces mêmes individus. « Philippe : Au fait, tu sais que c’est très très cool d’être au chômage. Il y’en a qui, paraît-il, souffrent du statut social, moi je ne souffre pas trop. C’est des vacances mais en mieux parce qu’il n’y a pas de pression et pas de trucs pour lesquels on pourrait s’inquiéter pendant son absence. Les vraies vacances, c’est pas de partir quelque part faire un voyage qui tue. Les vraies vacances, c’est avoir son temps pour soi ! » S’il est aisé, dans ces conditions (Philippe vit seul, il n’a pas d’enfants), de – (se) donner l’impression de – supporter la douceur de l’oisiveté, pour d’autres, comme Bernard, à la fois soucieux de conserver leur titre et contraints d’assumer des charges familiales, le temps du chômage qui passe peut être générateur d’angoisses qui peuvent devenir des pivots tus du devoir en période de conjoncture économique difficile.
Aux sources de soi, richesses intérieures et extérieures
Du côté de Bernard, l’attachement à l’entreprise – et, à travers elle, à celui qui lui a donné son statut, sa (recon)naissance sociale – est tel, qu’une mise à l’écart ne peut manquer de jeter le trouble et la confusion sur soi et sa valeur ; chez Philippe, rien de tel. Déclassé, Bernard passe à rebours la frontière magique que l’entreprise lui avait permis de franchir en le nommant cadre. Seule une nouvelle nomination pourrait réinsuffler en lui le courage de se réinvestir sans compter ; chez Philippe, rien de tel.
L’auto-exploitation à laquelle se livre Philippe, qui fait de son licenciement une source de profit, dénote un changement radical de rapport des cadres à l’entreprise, mais elle atteste aussi, et de façon concomitante, d’une évolution du rapport à soi. En effet, Philippe ne se contente pas d’amener son ancien employeur aux prud’hommes – chose difficilement concevable pour qui, dans des circonstances antérieures, a pu entretenir avec elle (l’entreprise) et ses représentants, un rapport de proximité parfois proche d’une alliance fusionnelle –, il montre, à travers cette démarche, que, d’une relation d’exploitation occultée et euphémisée, on glisse vers la conscience de sa propre exploitation, ou plutôt vers l’exploitation rationnelle en finalité de soi par sa propre conscience. Ici, la mise à l’écart du monde de la production aura permis d’illustrer un point saillant du présent du travail, l’importance de soi pour soi. À l’opposé, pour qui, mais aussi, pour quoi, travaillerait celui à qui on a accordé, puis retiré une part non négligeable de légitimité existentielle ?
29Si le chômage a modifié la relation des cadres aux entreprises, il est un autre ressort de leur contribution qui, par la décomposition de la projection d’une relation escomptée, s’est trouvé progressivement sapé de ses fondements, jouant par là, lui aussi, sur l’intensité de leur investissement et les formes de leur attachement, l’avenir professionnel.
Notes de bas de page
1 On pense notamment ici aux travaux menés par J. Lojkine, « Vers une précarisation des cadres ? » in F. Michon et D. Segrestin (sous la dir.), L’emploi, l’entreprise et la société, op. cit.
2 « Les cadres n’ont en général pas une appréciation très positive des services de l’ANPE, qui leur offre pourtant des services spécialisés. Ils voudraient en effet avoir un accompagnement personnalisé, sur le mode du bilan de compétences, alors que l’ANPE administre avant tout le chômage de masse. » S. Pochic, « La recherche d’emploi des cadres, un surinvestissement sans illusions ? », GDR CADRES, op. cit., p. 216.
3 APEC, ANPE Cadres du secteur privé, Paris, La Documentation française, collection, ROME, 1996. F. Dany, « La carrière des cadres à l’épreuve des dispositifs de gestion. Des mécanismes de segmentation contraignants. », GDR CADRES, op. cit., p. 172.
4 « Le chômage continue d’augmenter pour les ouvriers (taux de 12,5 % en 2005) alors qu’il se replie pour les professions intermédiaires, les rapprochant ainsi des cadres (respectivement 5,5 % et 4,9 %) ». Enquête sur l’emploi 2005. Source : http://www.orientation.ac-versailles.fr.
5 Voir en particulier les travaux de L. Chauvel, Le destin des générations…, op. cit., p. 45-46 et 140.
6 Les deux citations proviennent de V. André-Roux et S. Le Minez, « Dix ans d’évolution du chômage des cadres : 1987-1997 », Données sociales 1999, INSEE, p. 145.
7 Cette proposition est émise dans un ouvrage de Ph. D’Iribarne, Le chômage paradoxal, Paris, PUF, Économie en Liberté, 1990, 191 p.
8 P. Bouffartigue et C. Gadéa, SDC, op. cit.,p. 89.
9 J.-P. Juès, Les cadres en France, op. cit., p. 116.
10 « Les cadres qui ont connu tout au long de leur carrière des entretiens individuels et des tests de personnalité remettent rarement en cause la validité de ces évaluations, qui leur ont souvent été, il est vrai, favorables. » S. Pochic, « La recherche d’emploi des cadres, un surinvestissement sans illusions ? », GDR CADRES, op. cit., p. 216.
11 Tenus d’honorer des formes diverses d’endettements, économiques (prêts contractés auprès de banques), sociaux (contre-don à l’intérieur d’un réseau de relations sociales), les cadres ont, pour le dire vulgairement, le couteau sous la gorge. Souvent évacuée, cette dimension ne peut être occultée, elle compte parmi les sources de motivation au travail, souvent inavouables, mais pourtant bien réelles, qui animent les cadres… dure réalité mais réalité quand même !
12 Le lecteur trouvera dans l’annexe Synthèse des cas retenus des informations complémentaires sur la trajectoire de Bernard ; voir reprise du parcours professionnel de Bernard.
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