Chapitre XI. Le lien épistolaire comme acte de pouvoir
p. 175-192
Texte intégral
1La diffusion de l'information à la fin du Moyen Âge demeure un des problèmes clefs pour expliquer la mobilisation des forces sociales et politiques autour de la reconstruction du royaume de France. Sans aucun doute, la propagation de nouvelles sait prendre des chemins multiples1. Dans l'histoire de la communication royale, les bonnes villes offrent un champ d'investigation privilégié. Le rôle politique que les corps de ville conquièrent progressivement participant à leur échelle au gouvernement du royaume induit un discours royal spécifique qui se traduit par un lien épistolaire étroit. Celui-ci dépasse rapidement le simple cadre informatif et devient un véritable outil de pouvoir.
2Les actes envoyés vers les villes peuvent prendre des formes très variées. Les plus communs d'entre eux sont certainement ces grandes lettres patentes publiées par l'autorité souveraine pour renouveler les octrois urbains, confirmer les statuts ou promulguer des édits de portée plus générale. Il en est d'autres aux caractères spécifiques dont les corps de ville sont les destinataires privilégiés : les lettres closes. Écrits par les secrétaires royaux (presque sous la dictée du souverain si l'on en croit l'affectivité qui caractérise leurs propos), au plus près du cœur décisionnel de la monarchie donc, caractérisés par des formes très singulières - leur notification (« De par le roy »), leur formule de salut (« A nos chers et bien amez ») et leur date incomplète (sans mention de l'année2) - ces actes traduisent une certaine proximité entre le souverain et leurs destinataires. Les sources urbaines constituent une documentation de choix quant à l'étude de ces lettres. Parfois encore quelques liasses les conservent en original (c'est le cas à Bourges3), plus communément les secrétaires municipaux les ont enregistrées dans les délibérations4 et bien souvent, il est encore possible de les débusquer au sein des registres de comptes qui rapportent les défraiements des messagers qui les apportent.
1460-1540 : le temps fort de la correspondance royale
3L'inspection méticuleuse et le croisement systématique des registres de délibérations, des pièces fiscales, voire des annales municipales, révèlent une correspondance royale conséquente. Malgré des lacunes documentaires persistantes, les fonds documentaires des trois villes du centre du royaume de France se complètent chronologiquement et permettent de développer une étude comparative sur une large période, du règne de Louis XI à celui de François Ier5.
La correspondance de Louis xi
4La correspondance de Louis XI peut s'analyser à partir des lettres reçues par les corps de ville de Poitiers et de Tours. À Poitiers, la série complète des registres de délibérations entre 1461 et 1482 laisse penser que toutes les lettres adressées au corps de ville sont identifiables et ont été relevées par Bélisaire Ledain dans son travail d'édition. À Tours, la situation est plus complexe car les registres de comptes régulièrement conservés sur cette période6 ne rapportent pas la totalité des lettres closes reçues par la ville (qui ne défraie pas tous les messagers royaux). L'existence d'un registre de délibérations couvrant la période 1462-14747 permet d'en avoir une vision beaucoup plus fiable. Sur ces quelques années, documents délibératifs et fiscaux viennent heureusement se compléter et, se corroborant, ils permettent tout de même d'identifier 36 lettres closes adressées par Louis XI. Face aux 44 pièces conservées ou identifiables à Poitiers sur la totalité du règne, le corpus tourangeau reste conséquent puisque dans les deux cas les moyennes qui peuvent être établies sur l'espace chronologique couvert par les sources respectives demeurent proches (2,8 lettres par an pour Tours et 2,1 pour Poitiers). Ces chiffres ne sont pas en eux-mêmes très élevés, mais ils traduisent cependant une situation exceptionnelle que ne suggèrent pas les collections à ce jour publiées.
5Celles-ci, selon les décomptes de B. Chevalier, ne laissent apparaître qu'à peine un envoi royal tous les quatre ans, entre 1461 et 14988.
La correspondance de Charles VIII
6La fréquence des courriers de Charles VIII n'est pas en relation non plus avec la présentation qu'en donnent les collections d'actes publiés9. Les archives ber- ruyères, qui conservent encore la trace de trente-quatre lettres closes, montrent qu'un choix sévère a été fait par les éditeurs des lettres de Charles VIII (qui n'en retiennent que neuf10) et relativisent par conséquent l'aspect significatif de leurs travaux. Ainsi, la capitale berruyère reçoit plus de 2,7 lettres par an, moyenne proche de celle établie pour le règne de Louis XI à partir de Tours ou de Poitiers, et bien supérieure à celles que l'on peut établir à partir des actes publiés pour Lyon, Reims ou encore Chalons11 Situation d'autant plus singulière que la ville de Bourges ne détient plus un rôle politique privilégié. Les quelques points de comparaison qu'il est possible d'établir avec l'exemple tourangeau montrent que d'autres villes reçoivent un courrier tout aussi important, sinon plus encore. En effet, entre les années 1486 et 1488, au plus fort des guerres de Bretagne, à Tours, comme à Bourges, le rythme du courrier royal s'accélère dans des proportions similaires. Le registre de délibérations conservé à Tours pour la période 1485- 1488 rapporte une trentaine de lettres closes adressées par le roi à la ville. Chiffre plus élevé encore que le nombre de lettres reçues à Bourges mais qui est dû au rôle particulier tenu par la ville pour le ravitaillement de l'armée en campagne. La documentation poitevine offre, elle, une lacune presque totale sur ce règne à peine brisée par la conservation exceptionnelle de quelques registres de comptes12.
La correspondance de Louis XII
7En ce qui concerne le règne de Louis XII, que ne couvre aucune publication générale d'actes, les comparaisons seraient plus délicates si les exemples berruyers et poitevins ne fournissaient à eux seuls une matière documentaire substantielle et comparable. La vingtaine de lettres conservée à Bourges peut être rapprochée de la grosse dizaine rapportée par les documents poitevins. En effet, ces derniers, identifiés à partir de l'analyse de six ans et demi de vie municipale entre 1500 et 1514, permettent d'établir un nombre moyen d'envois très proche de celui de Bourges (1,7 lettre par an dans les deux cas). Même si, sans aucun doute, il manque manifestement une partie du courrier royal à Poitiers comme à Bourges13, sur la totalité du règne, le rythme épistolaire semble se ralentir par rapport aux périodes précédentes. Le cas tourangeau présente lui une incontestable particularité qui tient à la situation géographique de la ville. Sont identifiables à Tours 14 lettres envoyées par Louis XII au corps de ville. Sur celles-ci 10 se concentrent sur seulement deux ans (novembre 1500-août 1502) et semblent indiquer un lien étroit entre le roi et la ville. Pour comprendre l'importance de ce flux épistolaire, il convient de remarquer que sur cette dizaine de documents, deux se rapportent aux divers passages royaux dans la ville (pour annoncer son arrivée, pour résoudre la police des vivres) et trois autres demandent à la ville de recevoir convenablement des ambassades étrangères14. Autant de charges inhérentes à une cité située au cœur de la France gouvernementale et ligérienne et que Poitiers comme Bourges n'ont pas à remplir.
Première moitié du règne de François Ier (avant 1535)
8Pour le règne de François Ier les lettres closes berruyères n'offrent qu'une dizaine d'originaux (essentiellement entre 1515 et 1530), faible récolte face au nombre important d'actes (36 pièces) conservés pour le corps de ville de Poitiers15. Pour établir des moyennes significatives, dans ce dernier cas, il convient une fois de plus de rapporter le nombre de pièces à l'espace chronologique couvert par les registres qui en donnent la connaissance (soit 21,5 ans). Les fréquences se révèlent alors tout à fait similaires à celles déterminées pour le règne de Louis XII (1,6 acte par an), mais un profond déséquilibre existe entre le début et la fin du règne. Une rupture peut se dégager, quelque part entre 1525 et 1535, qui oppose les premières années de règne pendant lesquelles les relations semblent privilégiées avec les villes (avec plus de 3 lettres par an) à une longue seconde partie de règne au cours de laquelle le courrier est beaucoup moins fourni. Malgré un nombre important de pièces sinon conservées du moins indiquées dans les registres de délibérations (21 lettres avant 1530), les documents tourangeaux ne permettent pas de mener plus avant l'étude de la fréquence des envois. En fait, ces lettres résultent de l'analyse de sept ans de la vie municipale, couverts par des registres de délibérations plus régulièrement conservés entre 1517 et 1527. Pour cette période, la moyenne annuelle des envois se monte à trois lettres, état qui vient donc corroborer la situation berruyère et poitevine, et qui confirme bien la particularité épistolaire de la première moitié du règne de François Ier.
9Ainsi, la bonne soixantaine de lettres closes conservées à Bourges de 1483 à 1535, les 90 actes du même type que l'on peut établir à Poitiers entre 1461 à 1535, et encore les 71 pièces qui peuvent être déterminées à partir des fonds tourangeaux de 1461 à 1527, constituent un corpus largement supérieur à tout ce que peuvent suggérer les éditions d'actes.
Fluctuations ponctuelles et régularité du lien épistolaire (1460-1535)
10Pour compléter cette approche générale et bien souligner les rythmes qu'emprunte ce discours épistolaire, il convient de remarquer que les moyennes qui viennent d'être données cachent de fortes variations annuelles. Il est tout à fait significatif tout d'abord que les années sans courrier soient plutôt réduites, du moins pour les périodes où le support documentaire semble solide et pour lesquelles plusieurs villes permettent de mener la comparaison. Quatre années sans courrier à Poitiers entre 1462 et 1482, cinq à Bourges entre 1483 et 1498, soit à peine 25 % des années. Ce chiffre est un maximum puisque nos relevés ne sont pas forcément exhaustifs. Même si notre connaissance de la correspondance du début du xvie siècle est largement tributaire des sources (et de leurs lacunes), l'exemple poitevin révèle la rareté, après 1512, des années sans courrier.
Graphique 1 - Répartition annuelle des lettres closes reçues par les villes de Poitiers et Bourges entre 1461 et 1535.

11En revanche, la répartition annuelle des lettres closes (voir graphique n° 1) montre clairement que les années où les courriers se multiplient sont régulières et ponctuent le paysage épistolaire. Même si l'on ne peut que rarement comparer sur la même période le volume épistolaire reçu par les trois villes, force est de constater que les temps forts de la correspondance royale correspondent aux moments où l'activité diplomatico-militaire du souverain est à son apogée : la guerre du Bien public, les guerres de Bourgogne puis de Bretagne, les différentes reprises du conflit franco-anglais (1492, prise de Calais, ou encore 1512), avant que les aventures de François Ier en Italie ne relancent une correspondance complexe, liée autant aux batailles gagnées qu'aux défaites patentes.
12Les développements des guerres de Bretagne, et plus particulièrement de « la guerre folle »entre 1485 et 1488, fournissent à Tours et à Bourges un nombre important de courriers qui permet de bien comprendre comment le lien politique est entretenu par l'autorité souveraine pendant une période de crise. Entre ces dates, la presque totalité des envois se rapporte à la guerre ou aux problèmes militaires qui y sont inhérents (14 lettres sur 17 reçues par Bourges et 20 sur 22 reçues à Tours). Les années où les envois sont le plus nombreux sont 1485 (10 lettres adressées à Bourges16) et 1487 (4 lettres envoyées à Bourges et 10 à Tours). Le rythme croît donc rapidement et brusquement et, alors que les corps de ville ont parfois du mal à régler les implications des premières lettres, d'autres s'annoncent. Cependant, les points communs entre les deux correspondances s'arrêtent là puisque des types épistolaires différents sont envoyés à chacune des villes. Vers les villes de l'intérieur éloignées des opérations militaires, à l'exemple de Bourges, le roi diffuse essentiellement les nouvelles de la guerre et essaie de prévenir toute tentation séditieuse. Elles deviennent alors des outils de surveillance, dont la charge est de rabattre vers le roi les courriers que font circuler les coalisés17. Si à Tours de telles demandes arrivent également et amènent le corps de ville à surveiller de près les étrangers qui se présentent, les relations épistolaires traitent le plus souvent de problèmes matériels, ceux de l'armée royale en campagne, dont il convient d'assurer le ravitaillement. On l'a vu, la cité tourangelle fait alors figure de plaque tournante pour la gestion des vivres que les marchands de l'élection doivent mener vers Laval d'abord, puis vers Nantes.
13En ces temps de crise, la correspondance royale contribue à la mobilisation des ressources communales par l'autorité royale. Il s'agit d'un des outils par lequel les corps de villes, même éloignés du cadre des opérations militaires, on l'a vu, sont associés au devenir de la monarchie.
Les principaux axes du discours royal vers les villes18
14Les quelques exemples qui ont été évoqués au cours du panorama qui vient d'être dressé montrent que l'objet du discours royal est d'une extraordinaire variété. Là aussi, plusieurs critères peuvent être retenus pour essayer d'en déterminer les caractéristiques générales. Il aurait été possible de séparer les lettres selon leur fonction (demande ou simple information), leur degré de généralité (ou de singularité),le niveau d'intrusion du roi dans les affaires communales (rejoignant ainsi la problématique de l'autoritarisme royal). Plus simplement, il est apparu significatif de classer chacune des lettres envoyées par le souverain en fonction de son thème.
15Se dégagent alors de grandes rubriques qui peuvent elles-mêmes être subdivisées mais qui restent assez générales et permettent surtout de regrouper l'ensemble des actes en limitant au maximum les chevauchements et le double décompte19.La ventilation des lettres peut se faire à l'intérieur de quatre rubriques principales (voir tableau n° 10). Le corpus à partir duquel elles ont été dégagées ne regroupe pas la totalité de la correspondance royale. Il repose sur les quelques ensembles paraissant les plus fiables tant pour Bourges, Poitiers que Tours20.
Tableau 10 - Détail de la ventilation par type des lettres closes reçues par les villes de Bourges, Poitiers et Tours. Seuls les ensembles significatifs ont été retenus (voir texte).

16Note 11Note 22Note 33Note 44Note 55
La communication d'informations d'ordre politique
17Il s'agit sans doute de l'aspect le plus constant de ce courrier. Mis à part certains grands moments de la vie royale (annonce d'une naissance, d'un maria geroyal, ou du rétablissement du roi), la majeure partie de ces lettres se rapporte à des considérations diplomatico-militaires. Les premiers développements de la guerre du Bien public, de la Guerre folle, ou encore les campagnes italiennes et l'annonce de l'emprisonnement de François Ier induisent l'envoi d'actes qui n'ont d'autre fonction que d'informer les échevins des développements diplomatiques. De véritables bulletins d'information sont alors régulièrement adressés aux villes. Ainsi, les 26, 27 et 31 juillet 1465 les échevins poitevins reçoivent trois grandes lettres closes qui annoncent la victoire de Montlhéry, la fuite des vaincus, et détaillent le nombre de morts et de prisonniers. Ces lettres ne selimitent pas à la relation des glorieux actes royaux, mais prennent un caractère préventif, sinon coercitif. Ainsi, lorsque le 29 décembre 1467 Louis XI annonce à la ville de Poitiers par lettres closes la capture d'un frère cordelier missionné par Charles de France, le souverain fait accompagner son envoi d'un cahier de 24 pages qui relate le procès et le jugement du religieux, afin que « tous se rendent bien compte de ce que veulent faire Charles et ses alliés21 ». Vingt ans plus tard, autour des affaires bretonnes une correspondance similaire se développe, dont le but est d'empêcher que la révolte du duc d'Orléans ne gagne par contagion des centres urbains. Il faut dire que ces derniers reçoivent régulièrement des courriers (malheureusement perclus) du duc22. Les lettres closes qu'adresse alors le roi sont parfois accompagnées des courriers saisis aux coalisés ou de ceux que le souverain adresse aux princes23. Seul l'exemple tourangeau se distingue en raison du rôle qui est attribué à la ville pour le ravitaillement des troupes royales. Il faut alors, pour le roi, toujours relancer les multiples demandes de nourriture et de munitions, même si chaque acte présente l'avancée du conflit (de la reddition de Saint-Malo à la capture du prince d'Orange24).
18Au début du règne de François Ier, il s'agit essentiellement de lettres de Louise de Savoie qui informent les échevins de la progression des armées du roi en Italie, de la santé du souverain pendant son emprisonnement et, surtout, qui annoncent sa prochaine libération. Mais lorsque le roi écrit, le plus souvent il s'agit de justifier des campagnes militaires « menées et suscitées en notre royaume de puys un certain temps en ça, par l'es lu empereur et [le] roy d'Angleterre et autres leurs adhérans et alliez noz ennemys et adversaires25 ». Associer ainsi les corps de ville aux exploits royaux permet au souverain de prendre les devants pour justifier les levées financières qui accompagnent les campagnes militaires.
Les demandes fiscales
19Les demandes d'aides pécuniaires ou matérielles y sont en effet souvent associées, à tel point qu'il est difficile de déterminer la dominante de certaines lettres, ce qui fausse parfois les décomptes26. Elles forment une catégorie de lettres qui voit ses proportions croître de Louis XI à François Ier. En fait, cette évolution n'est pas uniquement en relation avec l'accroissement de la pression fiscale, mais révèle plutôt un changement de méthode dans la préparation des levées. Alors que dans la seconde moitié du xve siècle les demandes d'emprunt passaient plutôt par la promulgation de lettres patentes (présentées par des commissaires royaux devant les corps de ville), au début du xvie siècle, de tels actes sont accompagnés par des lettres closes adressées spécialement aux corps de ville (et présentées par les mêmes commissaires). Celles-ci offrent désormais aux municipalités un discours fiscal personnalisé, une prise en compte individualisée. Les quelques pièces de ce genre conservées à Bourges pour le règne de Charles VIII ne comportent pas forcément le montant dont la ville doit s'acquitter, mais annoncent la venue prochaine d'un commissaire chargé d'en faire part27. Les lettres venant solliciter les deniers communaux de Poitiers sont si nombreuses sous François Ier qu'elles faussent quelque peu la lecture de l'équilibre général de son courrier28. D'une façon générale, il s'agit de demandes en argent29, les sollicitations en nature se limitant aux périodes bien précises de conflits et concernant les villes proches des champs d'opérations de l'armée royale (ainsi Tours entre 1485 et 1488).
Les requêtes royales pour solliciter l'intervention municipale
20À côté de ces sollicitations financières, il existe des demandes de nature plus politique. Il s'agit pour le roi de requérir l'attention communale pour régler un problème relatif à l'ordre général du royaume, domaine qui ne relève pas directement de l'autorité municipale, mais dans lequel celle-ci peut avoir intérêt ou influence.
21Une bonne majorité de ces lettres se rapporte à la police générale du royaume. Ainsi, en 1465, Louis XI demande aux échevins poitevins d'aller voir à Montmorillon pour s'inquiéter de savoir qui tient le château de peur que ce soit le comte de la Marche, Jean d'Armagnac30. Encore une fois, les demandes se multiplient à l'occasion des grands conflits princiers qui animent la deuxième moitié du xve siècle. Alors, les villes doivent participer activement à la lutte contre les « mauvaises et dampnables entreprinses et machinations », et cela en rapportant toutes les rumeurs, tous les courriers qui circulent, ou plus simplement en surveillant les lépreux dont certains sont soupçonnés de transporter la correspondance des coalisés31. Plus largement les corps de ville sont requis pour aider au maintien de l'ordre comme en 1484 lorsque la lutte est lancée contre le brigandage et les pillages. Le roi demande alors à la ville de Bourges d'intervenir aux côtés des officiers royaux32. Déjà en 1479, Louis XI avait sollicité les Poitevins pour régler le problème du faux monnayage33. Louis XII en mars 1501 demande, lui, aux échevins berruyers d'assister avec ses commissaires à l'ouverture des greniers de la ville pour effectuer, « au prouffit et soulaigement de notre dit peuple », la distribution des blés qui y sont conservés34.
22Un autre volet de ce recours à l'aide municipale est l'assistance demandée aux corps de ville autour de problèmes très ponctuels, comme l'élection de personnalités religieuses ou politiques. Le fait s'illustre particulièrement à Bourges, avec le choix de l'abbé de Saint-Ambroix, de l'archevêque ou encore du bailli. Dans chacun de ces cas, il revient à la ville soit de confirmer l'élection, soit plus largement d'aider à l'installation du nouveau venu contre toutes les critiques qui peuvent en découler, comme ce fut le cas pour l'élection de Guillaume de Cambrai à l'archevêché en 149235. Ce courrier double alors celui adressé aux chanoines. Quant au bailli, il s'agit en 1498 d'assurer la continuité de l'administration après la concession du Berry en apanage à Jeanne de France36. Ainsi au total, dans le cas berruyer, plus d'une dizaine d'affaires illustrent cette intelligence politique entre le roi et les corps de ville.
Les interventions royales dans l'ordre politique et administratif des cités
23Enfin, l'intervention directe de l'autorité royale dans les affaires communales ne peut être ignorée. Il s'agit en grande majorité de courriers destinés à imposer des candidats royaux. Le cas poitevin montre leur fréquence et l'importance qu'ils ont pu prendre, lorsque, entre 1463 et 1470, Louis XI impose ses propres candidats dans le corps de ville et à la tête de la mairie. Tous présentent des lettres closes, mais tous n'auront pas forcément satisfaction.
24À côté de ces nominations, les lettres qui touchent réellement à la vie administrative, au processus décisionnel proprement dit, sont en nombre réduit et leur impact doit être relativisé. Le cas berrichon illustre le phénomène autour de trois exemples qui, chacun, nourrissent un grand nombre de lettres (jusqu'à quatre dans un cas). La première intervention royale est liée à l'attribution d'un office subalterne (conciergerie de la ville) et nécessite également l'entremise de la reine37. La deuxième ne consiste en fait qu'à faciliter la résiliation de l'office de greffier tenu par Pierre de Bloys, malade, au profit de son neveu38. Enfin, la troisième intervention relative à l'office de procureur de la ville révèle l'existence d'une véritable confusion politique au plus haut niveau de l'administration royale, ce qui entraîne sur le terrain une certaine indécision. Le 24 janvier 1500 la ville reçoit une première lettre close du roi sollicitant l'office pour Étienne d'Orsonville ; le 30 janvier une seconde lettre requiert cette fois-ci l'office pour Jean Du Moulin. Enfin, le 4 février, le premier nommé est rétabli dans son poste. Face à ces contradictions, la ville demande un avis ferme et définitif, et le 18 c'est finalement le second qui a les faveurs du roi39. Il faut donc voir ici plus l'expression d'un conflit de clientèle dans les hautes sphères du pouvoir que la volonté ferme et précise de Louis XII d'imposer un candidat tout à ses ordres. L'anecdote est surtout révélatrice des conditions dans lesquelles sont écrites certaines de ces lettres, dont le roi lui-même reconnaît pouvoir les envoyer « par inadvertance40 ».
25À Tours, le règne de Louis XI constitue aussi un temps fort de l'interventionnisme royal. Celui-ci doit également être bien compris. Il se manifeste par l'envoi de lettres closes pour solliciter certaines élections41, tel qu'on peut l'observer à Poitiers, ainsi que par la multiplication de lettres relatives à l'administration de la ville. Dernière catégorie qui trouve son sens avec l'installation royale aux environs immédiats de la cité à partir de 1470. Plus que d'une surveillance du corps de ville par le roi, il s'agit ici de s'inquiéter de nécessités particulières liées à la vie de cour ou à la sécurité militaire42.
D'un règne à l'autre : les rapports épistolaires comme révélateurs du mode de gouvernement royal
26Le volume de lettres à l'intérieur des différentes catégories épistolaires permet de dégager des tendances, des traditions épistolaires d'un règne à l'autre, traduisant des façons de gouverner. Avant d'entreprendre l'analyse des grands équilibres relatifs à chaque règne, un indicateur supplémentaire doit être observé : la taille des courriers et son évolution. Il révèle déjà, à lui seul, certaines tendances de fond.
La taille des lettres closes : un discours qui s'étoffe
27L'étude de la taille moyenne des courriers peut être menée sur une large période (1461-1530) à partir des actes conservés à Bourges et à Poitiers, dont les séries se complètent chronologiquement. D'une façon générale, il existe une très grande disparité entre les tailles des différentes lettres. Couvrant une fourchette de 346 caractères à plus de 5000, le propos royal peut donc varier dans une proportion allant presque de 1 à 1543. L'analyse règne par règne traduit cette hétérogénéité, mais révèle surtout un important allongement des actes.
Tableau 11 - Évolution de la taille moyenne des lettres closes reçues par Poitiers et Bourges de Louis XI à François Ier

28Note *44
29Pour le règne de Louis XI, le nombre moyen de caractères est largement majoré par l'existence de quelques actes très exceptionnels et qui dépassent les 2300 caractères, taille relativement considérable au regard de l'ensemble de cette correspondance. Il s'agit alors pour le souverain de tenir les villes au fait des évolutions diplomatiques en pleine guerre du Bien public ou d'informer les bourgeois de l'évolution des tractations de paix avec les Anglais. Incontestablement ces actes exceptionnels par leur longueur viennent fausser la lecture d'une correspondance dont les aspects généraux sont tout autres. Si on enlève des décomptes ces quatre lettres closes hérétiques en quelque sorte, la moyenne retombe plus largement autour de 950 caractères. Le courrier de Louis XI se révèle donc être composé de lettres de petite taille, singularité qui ne lui est pas propre puisque la correspondance de Charles VIII semble être très proche, se composant elle aussi d'une proportion très importante d'actes très courts (moins de 800 caractères, soit quelques lignes seulement). Rapporté au rythme et à la fréquence des envois, relativement élevée, on l'a vu, ces dernières caractéristiques font de ce courrier un véritable outil de gouvernement. En règle générale, son objectif est de diffuser une information précise et ponctuelle, d'ailleurs souvent liée à des points très techniques autour de l'administration urbaine. Pourtant la présence d'actes plus informels (et plus longs) permet de dégager une autre finalité à cette correspondance.
30Alors que les caractéristiques du courrier de Charles VIII restent proches de celui de son père, il semble que le règne de Louis XII marque une évolution certaine. La taille moyenne des actes s'accroît sensiblement et dans le même temps le nombre de petites lettres disparaît presque (moins de 5 %). Si bien sûr la vingtaine de lettres berruyères qui permet d'élaborer ces chiffres représente un ensemble un peu trop succinct, celui-ci se montre tout de même d'une homogénéité remarquable. Ainsi, alors que la fréquence des envois se réduit quelque peu, le souverain semble s'attacher à développer son propos.
31Ce phénomène s'affirme et se confirme sous François Ier, pour lequel la taille des lettres closes est une fois et demie plus importante en moyenne que ce qu'elle était soixante ans auparavant. Il ne faut certainement pas voir dans cette évolution la simple volonté de la part de greffiers, sans doute payés à la ligne, d'allonger artificiellement les propos. Le contexte y est également pour beaucoup et Louise de Savoie est à l'origine de longues lettres explicatives qui gonflent sans aucun doute les statistiques. Cependant, il convient également de mettre cette évolution en regard du bouleversement progressif de la thématique épistolaire entre 1461 et 1540, pour bien comprendre qu'un véritable changement de nature apparaît au début du xvie siècle sous Louis XII et s'affirme dans celle de son successeur45.
Évolution des thématiques épistolaires : vers un outil de communication moderne pour un nouveau mode de gouvernement royal ?
32L'évolution des thématiques épistolaires d'un règne à l'autre montre elle aussi que progressivement entre 1460 et 1530 la nature et la fonction du discours royal évoluent profondément. Si l'on reprend les catégories thématiques définies pour analyser la teneur générale du propos royal, d'un règne à l'autre, les équilibres se modifient et demandent à être interprétés (voir graphique n° 2).
Tendance générale : un renversement de la conjoncture épistolaire ?
33L'analyse générale de ces équilibres et de leur mutation doit souligner la diminution des actes marquant l'intervention directe de l'autorité royale dans la sphère municipale. Ce groupe, qui représentait presque la moitié des courriers sous Louis XI, n'en représente pas 20 % sous François Ier. Entre les deux, la décroissance est régulière et presque constante. Quasiment en parallèle, un mouvement contraire et opposé a lieu autour des actes qui formulent une demande à la ville (demandes d'appuis et demandes financières). C'est cette démarche royale qui, dès le règne de Louis XII, occupe presque la moitié de la correspondance alors qu'elle n'en représentait qu'à peine 35 % sous Louis XI. Entre les deux mouvements, l'apparente stabilité du nombre de lettres résultant d'une volonté informative cache elle aussi une certaine croissance, limitée certes, mais bien réelle, dont la proportion serait certainement plus forte si, sous le règne de François Ier, les demandes financières ne venaient écraser un peu artificiellement les autres catégories de lettres. Ainsi, l'évolution des grands équilibres de cette correspondance traduit un enracinement profond des corps de ville dans l'ordre politique du royaume. Incontestablement des types de gouvernement apparaissent et se modifient d'un règne à l'autre.
Graphique 2 - Répartition par règne des courriers en fonction de leur type. Données statistiques issues du tableau n° 10.

Tendance par règne
34Celui de Louis XI mériterait presque d'être qualifié d'interventionniste au regard de la masse de lettres closes qu'il adresse aux villes. Il a déjà été signalé en quoi sa façon de gouverner est assez éloignée de l'autoritarisme que certains lui prêtent. De même, l'impact réel des lettres qui interviennent dans la vie communale doit être remis dans son contexte. Une autre logique politique s'exprime en fait dans ce courrier. La brièveté du propos royal, la répétition des lettres, les sujets précis qu'elles évoquent, ou encore la rareté des lettres de portée générale, révèlent un gouvernement relativement technique du royaume. Si les corps de ville ne sont en aucun cas considérés comme des exécutants politiques, ces courriers ne reflètent pas encore la reconnaissance de leur identité politique.
35Même si la correspondance de Charles VIII semble relativement proche de celle de Louis XI, déjà une certaine évolution s'esquisse et trouvera son plein épanouissement sous le règne de Louis XII. En effet, les équilibres se renversent entre les différentes catégories. La diminution progressive des interventions directes du roi dans les affaires urbaines est plus que significative et son interprétation doit se faire au regard de l'essor des demandes de l'appui urbain. Ainsi, un autre rapport à la collectivité urbaine s'affirme, dans lequel la ville n'est pas chapeautée par le pouvoir royal, mais au contraire est progressivement associée à l'exercice de celui-ci.
36Le règne de Louis XII marque en effet l'affirmation incontestable de cette relation privilégiée entre les villes et le roi. Équilibre presque parfait au regard du corpus berruyer entre les interventions directes dans les affaires communales (dont on a vu la réelle et peu significative portée autour de la nomination d'un nouveau greffier) et les demandes d'aide formulées par le roi à la ville. Équilibre dans lequel transparaît l'image du bon père du peuple.
37La première moitié du règne de François Ier est elle largement marquée par la domination du discours à caractère informatif. Tant à Bourges qu'à Poitiers, les moyennes pour ce type de lettres n'ont jamais été aussi hautes. Sans aucun doute les circonstances s'y prêtent-elles particulièrement, mais dès les premières années du règne une certaine prolixité royale est manifeste vis-à-vis des corps de ville. Ainsi en témoigne la teneur de certains actes comme celui dans lequel, en décembre 1516, François Ier décide que « pour mectre quelque bonne résolution et conclusion »doivent venir vers lui « de tous les lieux de notre dit royaume, gens ydoynes et exprès, pour avoir sur ce leur advis et conseil ». Son objectif est « [selon] tout notre désire et affection [...], de faire vivre en paix, reppoz et transquilleté noz subgects, pour les enricher46 ». La multiplication (comme à Poitiers) des lettres closes accompagnant chaque nouvelle demande d'emprunt ou de réquisition fiscale s'inscrit dans une même volonté de renforcer toujours et encore la proximité politique et le lien affectif qui unit le roi et ses sujets, les corps de ville et l'avenir du royaume.
Implications sémantiques : entre injonction et affectivité
38Si l'analyse thématique de la correspondance royale reste relativement aisée, dégager les caractéristiques sémantiques du discours développé dans les lettres closes par le roi peut apparaître plus complexe. Aux ambitions essentiellement informatives et techniques, ce courrier laisse peu de place aux développements rhétoriques sur la ville ou le gouvernement de la chose publique. En outre, plusieurs questions quant à l'élaboration de ces lettres restent énigmatiques. Dans la verbalisation de ce discours quelle part revient au roi ? C'est un problème qui se pose déjà au regard de la teneur même de certaines lettres, dont le souverain ne semble pas être totalement à l'origine (voir l'exemple du choix du procureur de Bourges en 1500). Un rôle certainement important est à attribuer aux notaires et secrétaires royaux qui reçoivent la charge de les rédiger. Peut-être conviendrait-il alors de mener l'étude stylistique en fonction de ces derniers, de dégager les conséquences politiques de formules de secrétariat pour mieux comprendre l'influence réelle de ces grands officiers royaux47. Certainement aussi, existe-t-il des modèles de lettres closes (même si ce type d'acte n'est certainement pas aussi codifié que d'autres) qui resteraient largement à déterminer.
39Cependant, l'analyse du discours royal ne doit pas se laisser abuser par certaines marques répétitives qui, au premier abord, montrent un pouvoir ferme, brutal sinon sans pitié. Sans aucun doute les ordres impératifs ne sont-ils pas absents et le souverain sait parsemer ses lettres d'expressions fortes et sans ambiguïté apparente, dont la plus significative est sans aucun doute le « Gardez de n'y faire point de faulte car telle est notre plaisir »qui vient ponctuer un grand nombre d'actes. Il faut alors relativiser l'importance de ces expressions, trop répétitives pour porter véritablement, et prendre la juste mesure d'un discours qui, dans l'ensemble, sait rester mesuré.
40En fait, quel que soit le thème du discours, le propos royal manie la fermeté, la compassion et la supplique salvatrice, en fonction des circonstances. On peut comprendre aisément pourquoi dans les actes par lesquels le souverain demande à la ville un appui précis et ponctuel se trouvent employés des mots très mesurés. Tel est le cas des lettres de Louis XI adressées à la commune de Poitiers pendant la guerre du Bien public. Au cours de cette période, toute trace de l'affirmation de l'autorité royale s'efface même des courriers. Les exemples sont nombreux dans lesquels le roi reconnaît la « fience »qu'il a toujours eue dans sa ville, la loyauté dont celle-ci a toujours fait preuve48. Et ce discours ne se limite pas forcément aux périodes troublées des révoltes bourguignonnes ou bretonnes.
41Les bourgeois et les corps de ville sont de « bons vrais et loiaulx subjectz que nous avons bien voulu advertir affin [qu'ils sachent] la vérité de la matière49 ». Ses paroles soulignent le traditionnel bon vouloir du corps de ville, l'affection qui unit les deux pouvoirs ou la raison qui doit conduire les choses publiques50, et vont même jusqu'à prier les bourgeois de l'excuser de lever un impôt ou de ne pas pouvoir rembourser un de ces prêts que les corps de ville ont coutume de voir restituer sur les deniers des aides à venir51. Charles VIII, Louis XII aussi bien que Louis XI n'hésitent pas à rappeler la gratitude qu'ils ont envers la ville et « l'agréable service »qu'elle leur rend52. De même, dans les cas où le roi entre véritablement dans la vie communale et pousse le corps de ville à choisir une personne plutôt qu'une autre pour l'obtention d'un office, les termes demeurent très mesurés. Même lorsqu'il s'agit des plus hautes responsabilités communales, comme à Poitiers entre 1463 et 1470, le discours royal se teinte du « très singulier et agréable plaisir »que les échevins font au roi et précise que les corps de ville pourront croire à la reconnaissance royale qui tiendra leurs affaires « pour espécialement recommandez53 ». Là aussi, pour faciliter et permettre une intervention qui n'est vraiment pas ordinaire, l'embarras et la présentation d'excuses perlent dans le propos royal, lorsqu'elles ne sont pas explicites54. Autant de formules qui révèlent un discours orienté par les nécessités du moment mais aussi toute l'ambiguïté de cette correspondance.
42Ce lien épistolaire montre dans quelle mesure la relation du souverain aux corps de ville se transforme, notamment au début du xvie siècle. Au-delà d'un discours purement informatif qui n'aurait d'autre but que de célébrer les faits héroïques d'un roi guerrier, la correspondance royale travaille elle aussi à enraciner la collaboration politique avec les villes. Plus encore, la multiplication des lettres royales joue un rôle politique important dans l'élaboration d'une conscience politique commune, celle du royaume. Louise de Savoie le sait et l'utilise avec habileté lorsque, après Pavie, elle tente de rassembler les forces vives de la nation55. Ce courrier devient désormais autre chose qu'un outil technique et administratif de gouvernement. C'est un véritable instrument politique qui s'adresse à des personnalités politiques affirmées et qu'il convient de mobiliser. On comprend mieux alors l'allongement progressif du propos royal, la multiplication des termes d'affectivité ou encore le détail de conditions diplomatiques pourtant fort éloignées des préoccupations premières des corps de villes. L'ensemble concourt à entretenir un dialogue qui trouve son corollaire dans le développement d'une parole urbaine.
Notes de bas de page
1 Plutôt que de tumeurs, mieux vaut parler de réseaux pour comprendre la transmission de certaines nouvelles, réseaux basés sur des liens familiaux ou politiques (par exemple, l'annonce en mars 1512 de la multiplication des menaces anglaises est présentée au corps de ville de Poitiers par un officier royal membre du corps de ville, Jean Claveurier, sans que des lettres officielles soient parvenues à la ville). À partir du règne de Charles VIII, de véritables bulletins d'information imprimés font connaître au peuple les faits exceptionnels de la vie du royaume (J.-P Seguin, L'information en France de Louis XII à Henry II, Genève, 1961, 133 p.). Il s'agit d'impressions rouennaises qui diffusent l'annonce de faits exceptionnels vers l'ensemble du peuple. La méthode est reprise et développée par ses successeurs.
2 D'après le corpus rassemblé pour Bourges, la notification de l'année apparaît progressivement dans le deuxième quart du xvie siècle.
3 Une partie des lettres de Charles VIII et Louis XI aux bourgeois berruyers a été publiée par nos soins (Lettres de Charles VIII et de Louis XII conservées dans les fonds d'archives berruyers, dans Annuaire-bulletin de la Société de l'histoire de France, année 1999, p. 55-132). Les travaux déjà évoqués de B. Ledain pour Poitiers et de V. Luzarche pour Tours servent de base à ce travail (voir note suivante). Les lettres closes signalées dans les registres de délibérations de Tours, comme les rares pièces omises par B. Ledain dans ses notes, ont été intégrées aux décomptes qui suivent.
4 Pour Poitiers voir l'édition qui en est faite par B. Ledain, « Lettres des rois de France, princes et grands personnages à la commune de Poitiers », dans Arch. hist. Poitou, t.I, 1872. Pour Tours, voir V. Luzarche, Lettres historiques des archives communales de la ville de Tours depuis Charles VI jusqu'à la fin du règne d'Henri III (1416-1594), Tours, 1861.
5 L'analyse quantitative de cette correspondance demande cependant une certaine gymnastique statistique, rendue nécessaire par la nature indirecte des documents qui permettent de connaître ces lettres. À l'exception de Bourges, pour laquelle ces lettres sont conservées en original, ailleurs elles sont retranscrites dans les registres de comptes ou de délibérations. Si leur fiabilité peut-être considérée comme très bonne, ils ne couvrent que de façon partielle chaque règne. Pour établir des comparaisons significatives et travailler à partir de moyennes, il convient donc de ramener les données absolues à l'espace chronologique couvert par les sources (ce principe prévaut dans l'élaboration des moyennes chiffrées qui sont données par la suite).
6 Seules manquent quatre années dans la série des comptes (1467-1468, 1468-1469, 1471-1472 et 1474- 1475).
7 Il s'agit du registre 12 (Tours, arch. comm., BB 32).
8 L'auteur qui a travaillé à partir des documents publiés dans les grandes éditions d'actes royaux a dénombré 457 lettres closes adressées à des corps de ville pendant cette période (B. Chevalier, « L'État et les bonnes villes en France au temps de leur accord parfait [1450-1550] », dans La ville, la bourgeoisie, et la genèse de l'État moderne (xiie-xviiie siècles), Paris, 1988, Éd. du CNRS, p. 71-85).
9 Lettres de Charles VIII, roi de France, publiées d'après les originaux, P. Pélicier (éd.), Paris, 1895-1905, 5 vol., Société de l'histoire de France.
10 Voir Lettres de Charles VIII et de Louis XII..., op. cit., D. Rivaud (éd.), p. 56.
11 La publication dirigée par P. Pelicier ne retranscrit que 17 actes reçus par le corps de ville de Reims, 19 reçus par Châlons ou encore 26 reçus par celui de Lyon. On peut penser que, à l'instar de ce que l'on observe à Bourges, certaines lettres ont été écartées de la publication.
12 Une seule lettre certainement close peut être identifiée à partir d'un des rares comptes extraordinaires de la ville conservé pour 1493. Il s'agit d'un acte par lequel Charles VIII fait connaître aux bourgeois la signature du traité de Senlis (23 mai) marquant la paix avec l'archiduc Philippe d'Autriche et Maximilien. Jacques Audebert, « chevaucheur »d'écurie du roi qui a apporté ces lettres reçoit deux écus d'or de la ville (Poitiers, arch. comm., K 9, fos 26 et 26 v°). La même année un autre « chevaucheur »royal qui apportait de nouvelles lettres (mentionnant peut-être le traité de Barcelone) semble en avoir été dépouillé sur son chemin mais reçoit tout de même dédommagement de la ville (ibid.).
13 La comparaison des deux corpus dans le détail révèle par exemple à Poitiers un certain nombre de lettres envoyées entre 1511 et 1513 au sujet du renversement de la conjoncture internationale et du retour des menaces anglaises sur le littoral atlantique. Bourges, comme Poitiers, sont concernées par les contrecoups fiscaux de ces événements. Aucune lettre close relative à ceux-ci n'a été conservée dans le cas berruyer alors que Poitiers en reçoit deux.
14 Il s'agit de lettres émises en décembre 1500 (arrivée d'une ambassade d'Empire), décembre 1501 (venue de l'archiduc d'Autriche) et janvier 1502 (ambassade de Hongrie) : Tours, arch. comm., BB 33, fos 342, 347 et CC 53, f° 66.
15 Ce dernier chiffre a été constitué d'après nos propres décomptes et non pas à partir des travaux de B. Ledain (Lettres des rois..., op. cit.) qui pour cette période semblent oublier un bon nombre d'actes indiqués succinctement par les registres de délibérations.
16 Pour cette année-là, il n'est pas possible d'étudier les envois tourangeaux, le registre de délibérations qui la rapporte étant incomplet.
17 C'est en effet le principal rôle que tient la ville de Bourges au cour de la Guerre folle. Le problème du courrier adressé par le duc d'Orléans pendant cette période occupe la moitié des envois royaux (voir Lettres de Charles VIII et de Louis XII..., op. cit., D. Rivaud [éd.], p. 66-70).
18 Cette analyse ne peut se faire qu'à partir des actes dont la teneur est conservée. Les fonds berruyers et poitevins seront par conséquent privilégiés. Les actes tourangeaux dont les sujets peuvent être identifiés permettent de corroborer les tendances dégagées à partir des deux autres corpus.
19 Ce dernier cas n'a pu être évité notamment dans les lettres demandant une participation financière des villes et apportant en même temps le détail des évolutions diplomatiques qui contraignent alors le roi.
20 Les documents poitevins forment des ensembles significatifs pour les règnes de Louis XI et de François Ier. Ceux de Tours permettent d'avoir une assez bonne idée de cette correspondance avant 1474, ou encore dans la première partie du règne de François Ier (jusqu'en 1529). Les autres actes tourangeaux doivent être prudemment éliminés des décomptes comparatifs, notamment le nombre important des lettres identifiables entre 1485 et 1489. Isolées au milieu du règne de Charles VIII, elles viendraient renforcer trop artificiellement l'aspect militaire de la correspondance royale. Sur ce règne, seuls sont donc utilisés les actes provenant de Bourges. Pour le règne de Louis XII, étant donné le faible nombre d'actes, il convient de considérer les pièces fournies par les archives poitevines et berruyères, qui, on l'a vu, même si elles fournissent un état qui est loin d'être exhaustif, possèdent des caractères quantitatifs proches qui permettent de conclure à une certaine représentativité.
1 Pourcentage pondéré. Pourcentage obtenu après avoir rassemblé les lettres envoyées à répétition et qui portent sur le même sujet (prélèvements fiscaux essentiellement). Cette donnée semble plus significative de la réelle répartition d'un courrier artificiellement écrasé par les demandes fiscales.
2 Nombre d'actes (et pourcentage) comportant une demande de subside et délivrant à la ville une information de nature politique.
3 Pourcentage calculé à partir de toutes les lettres demandant un subside.
4 Total des deux rubriques.
5 Pourcentage calculé à partir de toutes les lettres apportant des informations à la ville.
21 Poitiers, arch. comm., C 16.
22 Dans les lettres du 3 janvier ou encore dans celles du 3 février [1485-1487] adressées à la ville de Bourges, le roi remercie la ville d'avoir arrêté les messagers du duc et de lui avoir fait parvenir ses courriers (voir Lettres de Charles VIII et de Louis XII..., op. cit., D. Rivaud [éd.], p. 66-70).
23 Par exemple, les lettres de Charles VIII à la ville de Bourges datées du 9 janvier 1485 sont accompagnées de celles adressées par le roi au duc d'Orléans. Celles du 1er juin 1487 sont accompagnées des lettres que le comte de Caudalle adressait à ses sénéchaux (ibid, p. 66 et 77-78).
24 Tours, arch. comm., BB 33, f° 157, f° 158 v° et f° 161.
25 Lettres de Charles VIII et de Louis XII..., op. cit., D. Rivaud (éd.), p. 94-95 (22 avril 1500).
26 Pour éviter cela dans le tableau n° 10, les deux rubriques ont été rapprochées et dans les cas où cela est nécessaire, des pourcentages qui en tiennent compte ont été réalisés.
27 Lettres de Charles VIII et de Louis XII..., op. cit., D. Rivaud (éd.), p. 79 (9 mai 1492), et Lettres de Charles VIII..., op. cit., P. Pelicier (éd.), t. III, p. 265-266.
28 Dans le tableau présenté ci-dessus il a été tenu compte du poids abusif de ces lettres à caractère fiscal. C'est pourquoi une moyenne « pondérée »a été indiquée, dans laquelle les lettres renouvelant plusieurs fois la même demande financière ne sont pas prises en compte.
29 Les demandes de salpêtre n'apparaissent que sous le règne d'Henri II.
30 Lettres des rois de France..., op. cit., B. Ledain (éd.), p. 151.
31 Ibid., p. 152-153, lettres du 4 avril 1465.
32 Lettres de Charles VIII et de Louis XII..., op. cit., D. Rivaud (éd.), p. 63-64, 22 et 29 juillet 1484.
33 Lettres des rois de France..., op. cit., B. Ledain (éd.), p. 183-184, lettres du 29 mars 1479.
34 Lettres de Charles VIII et de Louis XII..., op. cit., D. Rivaud (éd.), p. 98-99, 9 mars 1501.
35 Ibid., p. 78 (relative à l'abbaye Saint-Ambroix, 16 et 22 octobre 1490), et p. 79 (pour l'archevêché, 28 janvier 1492). Voir aussi Lettres de Charles VIII..., op. cit., P Pelicier (éd.), t. III, p. 123, 234-235.
36 Lettres de Charles VIII et de Louis XII.,.,op. cit., D. Rivaud (éd.), p. 88 et 90 (13 juillet 1498 et 24 novembre 1498, le roi annonce de la nomination de Gilbert Bertrand et demande de lui obéir bien que celui-ci n'ait pas prêté serment devant le Parlement).
37 Ibid, p. 86-87, 8 et 12 septembre 1497.
38 Ibid., p. 99-100, 21 mai 1503.
39 Ibid., p. 91 à 94, janvier -avril 1500.
40 Ibid., p. 92, 4 février 1500 (toujours au sujet de la même nomination).
41 Par exemple des lettres sont présentées en octobre 1467 par Jean Garnier (Tours, arch. comm., BB 32, f° 69) mais sont suivies en novembre de lettres closes annulant cet ordre (ibid., f° 70).
42 En février 1472, par exemple, le roi adresse des lettres à la ville pour obtenir des chevaux afin de se rendre à Châtellerault (id., BB 32, f° 126).
43 L'acte le plus court de tous ceux rassemblés à Poitiers est la lettre envoyée le 10 février 1476 (n.s.). Elle comporte 384 caractères. Le roi demande à quelques notables de la cité de le rejoindre le plus rapidement possible (Lettres des rois de France..., op. cit., B. Ledain [éd.], p. 180). Pour Bourges, l'acte le plus court est l'annonce faite par Charles VIII de la naissance d'un dauphin. Cet acte contient 346 caractères (Lettres de Charles VIII et de Louis XII..., op. cit., D. Rivaud [éd.], p. 80, 10 octobre 1492). La lettre close la plus longue est celle de Louis XI adressée à la ville de Poitiers le 24 juin 1467, dans laquelle le roi informe de son entrevue avec le comte de Varvic, ambassadeur du roi d'Angleterre, suite à l'annonce du mariage du comte de Charolais avec la sœur du roi d'Angleterre (Lettres des rois de France.... op. cit., B. Ledain [éd.], p. 165-167). Pour le règne de François Ier l'acte le plus long (de tout le corpus étudié ici) avec 5048 caractères, est celui par lequel il informe la ville de Bourges de son désir de porter la guerre aux ennemis de la France et d'aller reconquérir les duchés de Milan, d'Asti et de Gênes (Bourges, arch. comm., AA 13).
44 Le pourcentage est ici certainement trop élevé car le corpus rassemblé contient un nombre de pièces trop peu important pour entraîner des conclusions fiables.
45 Étant donné le faible nombre d'actes conservés, il n'est pas possible de donner une estimation chiffrée de la taille des courriers véritablement fiables pour Henri II. Une tentative de décompte faite à partir des lettres closes adressées à la ville de Bourges laisse apparaître des moyennes semblables (dépassant les 1350 caractères).
46 Lettres du 29 décembre 1516 adressées au corps de ville de Bourges (Bourges, arch. comm., AA 13).
47 L'étude de S. Charton-Leclech (Chancellerie et culture au xvie siècle. Les notaires et secrétaires du roi de 1515 à 1547, Toulouse, 1993, PU Mirail) permet de mieux connaître l'originalité sociale de ce groupe dans la première moitié du xvie siècle et vient utilement compléter les travaux et notices individuelles réalisés par A. Lapeyre et R. Scheurer, Les notaires et secrétaires..., op. cit., Paris, 1978.
48 « En vous en avons bonne confience »dit Louis XI aux échevins poitevins en avril 1465 dont il aime rappeler les « bonnes loiaultés envers lui » (Lettres des rois de France..., op. cit., B. Ledain [éd.], p. 153 et 156). Les termes employés par Charles VIII en 1485 s'adressant à la ville de Bourges ne sont guère différents : « Et vous prions et neantmoins mandons que [...] perseverez et continuez en acquictant votre loyaulté envers nous ainsi que tousiours avez fait et que en vous nous avons notre fience et nous aurons vous et voz affaires en singuliere recommandation »(Lettres de Charles VIII et de Louis XII..., op. cit., D. Rivaud [éd.], p. 70-71, 3 septembre 1485, Bourges, arch. comm., AA 13).
49 Lettres de Louis XI aux bourgeois de Poitiers, le 9 janvier 1477 (Lettres des rois de France..., op. cit., B. Ledain [éd.], p. 182).
50 « Si vous prions bien affectueusement [...] que tousjours vous estes demonstrez prestz et enclins à nous subvenir de ce que vous avons cy devant fait requerir et demander, dont nous aurons souvenance a jamais »lettres du 12 octobre 1496 (Lettres de Charles VIII et de Louis XII..., op. cit., D. Rivaud [éd.], p. 85-86).
51 Ce cas s'illustre particulièrement sous Louis XII. Dans des lettres closes du 30 avril 1500, par lesquelles le roi demande à la ville de Bourges de fournir 2 000 livres pour subvenir à la paye de l'armée d'Italie, Louis XII prie la ville de recevoir toutes ses « excusacions cessans »(Bourges, arch. comm., AA 13). En décembre 1501, il s'adresse à la ville de Poitiers pour annoncer qu'il lui sera impossible de rembourser les sommes prêtées car cela nécessiterait de mettre une crue supplémentaire sur le reste de ses sujets. Il trouve alors « très desplaisant que ladite somme ne peut estre payee selon ladicte assignacion »(Lettres des rois de France..., op. cit., B. Ledain [éd.], p. 187).
52 « Si le vueillez faire et vous nous ferez agréable service »dit par exemple Charles VIII dans ses lettres du 8 septembre 1497 adressées à la ville de Bourges (Lettres de Charles VIII et de Louis XII..., op. cit., D. Rivaud [éd.], p. 86-87). Louis XII parle « du bon recueil que avez fait [...] vous en savons très bon gré et vous en mercions »(lettres du 24 novembre 1498, ibid., p. 90-91), bien après que Louis XI, à plusieurs reprises, ait reconnu « bons et loiaulx les plaisir et service que nous aurez faiz »(lettres du 31 juillet 1465, Lettres des rois de France..., op. cit., B. Ledain [éd.], p. 158).
53 Formules qui apparaissent entre autres dans les lettres du 22 mars 1465 et 16 avril (Lettres des rois deFrance..., op. cit., B. Ledain [éd.], p. 152 et 158).
54 C'est le cas pour les premières lettres par lesquelles Louis XI impose Jean Des Moulins comme maire de la ville de Poitiers : « Et que pour ce ne vous excusez de le eslire et faire maire de notre dicte ville pour ceste foiz. Car pour lui ne autre n'avons pas entencion de plus vous en requerir... »(Lettres des rois de France..., op. cit., B. Ledain [éd.], p. 151).
55 Il conviendrait sans doute de mener une analyse précise et particulière de la correspondance de Louise de Savoie au cours de sa période de régence du royaume et notamment pendant le voyage du roi en Italie puis sa captivité. Les archives berruyères permettent de déterminer sept actes adressés par celle-ci à la commune (dont cinq en original, Bourges, arch. comm., AA 13). Ce chiffre n'est pas assez important pour permettre une analyse précise et significative du discours royal.
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