Préface
p. 13-14
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Index géographique : France
Texte intégral
1C’est avec grand plaisir que j’ai accepté de répondre à l’invitation de Romain Pasquier d’introduire son étude sur La capacité politique des régions. A vrai dire, celle-ci ne nécessite ni parrainage ni patronage car son intrinsèque qualité aussi bien dans la substance que dans la forme se suffit à elle-même. Sans doute faut-il trouver une raison d’être à cet avant-propos dans la nostalgie du temps qui passe puisque, il y a un peu plus de trente ans, je formulais la même requête à Georges Dupuis pour ma thèse soutenue comme celle de Romain Pasquier à Rennes et consacrée au thème de la « Centralisation et Décentralisation dans le débat politique français – 1945-1972 ». Georges Dupuis, dans une analyse qui semblerait banale aujourd’hui mais qui, avec le recul du temps, apparaît comme particulièrement aiguë voire visionnaire soulignait que l’Etat-Nation était en quelque sorte « coincé » entre les pressions et les revendications de la périphérie et l’expansion croissante de la Communauté européenne pourtant bien modeste au regard de son développement présent. Ce diagnostic a précédé de deux décennies des analyses plus sophistiquées mais pas plus pertinentes sur ce qu’il est convenu d’appeler « the hollowing out of the State ».
2L’ouvrage de Romain Pasquier témoigne des progrès qui ont été faits depuis les premiers balbutiements régionaux en Europe, tant dans l’évolution du problème que dans l’approche et les méthodes d’analyse. Le titre lui-même (la capacité politique des régions) eût été inconcevable il y a quelques décennies : on ne s’interroge pas sur ce qui n’existe pas ou si peu. La méthode enfin, comparative, qui permet à l’intérieur d’un système ou entre systèmes politiques différents de préciser le questionnement, d’affiner l’analyse, de débusquer les fausses évidences. Indéniablement Romain Pasquier rejoint la jeune cohorte des comparatistes qui ne gardent pas le nez fixé sur le pré-carré hexagonal en tentant de compenser par l’hyper-spécialisation et les variations infinies sur le même détail un nombrilisme intellectuel stérile et sans intérêt.
3En s’interrogeant sur la capacité politique des régions, l’étude de Pasquier nous montre d’abord qu’au sein de chaque ensemble national il y a, pour reprendre Max Weber, des leaders et des « followers » ; des initiateurs et des bénéficiaires passifs des « wind fall profits ». La Rioja profite du train des autonomies régionales, entraînée par les nationalités historiques, mais aussi de la revendication jalouse de l’Andalousie qui, faisant partie du niveau inférieur de la dévolution espagnole, revendiquait avec hauteur l’égalité de traitement (ô paradoxe !) avec le fameux slogan « Café para Todos ». Même phénomène en France mais dans un contexte différent, voire opposé : pour ne pas créer des institutions spécifiques en Bretagne, en Alsace ou ailleurs, l’État central régale (peu…) tout le monde, y compris une région Centre qui n’en demandait pas tant et qui découvre, toute étonnée, qu’elle existe au moins sur le papier…
4Mais une fois cette capacité politique institutionnelle allouée à tous, de nouvelles opportunités s’offrent. On n’est pas étonné a priori que la Bretagne ou la Galice soient en mesure de conjuguer la mobilisation politique et sociale avec des politiques territoriales dynamiques (encore qu’il n’y ait aucun fatalisme à cet égard comme le démontre a contrario la Corse). Mais il est intéressant de constater que sur la base d’un faible capital initial, la capacité politique des régions peut se développer ou au contraire s’étioler dans l’œuf. Par exemple, La Rioja manifeste des velléités de développement tandis que, selon Pasquier « le Centre présente un cas extrême de non-régionalisation des enjeux », confirmant ainsi sa propension à demeurer le ventre mou de la régionalisation à la française.
5Voilà une étude stimulante pour l’esprit, riche d’informations, d’enseignements et de réflexions, plaisante à lire et qui, je l’espère, suscitera des émules au sein des générations montantes de chercheurs.
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