8. Un chemin vers le leadership
p. 185-203
Texte intégral
Préliminaires
11er octobre 1999. Gérard Marcou, professeur à Paris I, nous informe que la proposition qu’il nous avait faite d’étudier, à Montpellier, la mise en œuvre du projet de Communauté d’Agglomération est acceptée. Elle est, avec d’autres, réalisée pour le compte du Centre d’Études et de Projet du Ministère de l’Intérieur, une cellule d’étude rattachée au cabinet de Jean-Pierre Chevènement, dont la DGCL1 ne cesserait de discuter le bien-fondé. L’idée nous avait plu d’emblée. Nous connaissions le terrain, puisque notre centre de recherche, le CEPEL, avait dans ses missions l’analyse de l’action et des systèmes politiques territoriaux. Cette connaissance du terrain était cependant distincte de celle que l’on tire du contact direct, opérationnel, avec les élus et leurs techniciens. Nous n’avions pas travaillé pour, tout en ayant produit sur le pouvoir local. Il s’agissait là d’un « contrat ». La proposition de Gérard Marcou, à laquelle nous avions répondu en suggérant qu’on s’intéresse également au cas de Béziers – qui sera également étudié2 – était pour nous l’occasion d’un regard nouveau (celui du chargé d’étude, devant faire preuve en peu de temps – quatre mois – d’efficacité, de perspicacité et de respect eu égard aux normes d’études standardisées par le chef de projet, pour 15 régions françaises) sur une réalité. Il s’agissait de changer d’angle d’attaque comme on change de casquette, tout en conservant à l’esprit et les bénéfices de l’inscription sur place et les travaux antérieurs, qui nous avaient permis de détenir, sur l’action publique locale comme sur les machines politiques et électorales, un stock d’hypothèses disponibles3. Dans notre esprit, cette accumulation primitive devait permettre d’aller vite au cœur des choses, en contrôlant les risques de capture par la source d’information, et de disposer ainsi d’une étude de cas dont l’usage scientifique serait un deuxième temps de travail. L’étude en question ne comprenait aucune problématique réelle dans le canevas remis à chacun. Tout au plus s’agissait-il d’éléments de description des étapes du processus et des interactions favorables ou défavorables au succès de l’affaire. Le Cabinet était alors « dans le vague », ne sachant si, avec cette loi sur les agglomérations du 12 juillet 1999, il allait rééditer l’échec cuisant de 1971 (loi sur la fusion des communes) ou bien crouler sous des projets dits « cosmétiques », ces « agglomérations Canada dry » qui, pour avoir le goût et l’odeur de la coopération intercommunale, n’en seraient pas moins motivées et limitées par une philosophie de guichet. La notion de leadership avait été évoquée, en passant et de façon « courante », lors d’une des réunions préparatoires. Nous n’y avions pas alors prêté attention.
214 octobre 1999, 18 heures, Salle des Rencontres de la Mairie. Georges Frêche, député maire de Montpellier, introduit la présentation de l’étude sur le nouveau Plan de Déplacement Urbain (PDU) par une équipe de géographes. Dans cette introduction, qui durera une heure et quinze minutes, l’élu donnera quelques précisions à propos d’un projet qui alimente les rumeurs depuis des semaines: la transformation du District urbain en Communauté d’Agglomération. Après avoir fait le bilan d’une histoire de 25 ans de coopération intercommunale, il indique une perspective: la réalisation d’une Communauté urbaine coiffant les villes actuelles de Nîmes, Sète, Béziers, qu’il avait défendue quelques semaines auparavant dans un entretien accordé à la Gazette de Montpellier. Il en explicite la logique principale: tirer parti et réguler le flux démographique annoncé au sein d’une institution qui serait en phase avec l’urbanisation actuelle du littoral languedocien. Il en désigne les ennemis: « les aventuriers et spadassins rôdés à la cuisine anti-Frêche », uniquement soucieux de la défense de leurs petits intérêts. Il répond d’avance, comme il en est coutumier, aux critiques qui pointent quant au caractère non démocratique du processus: « le pouvoir appartiendra au Préfet et aux Conseils municipaux concernés ».
3Une grande partie du processus montpelliérain, tel qu’il nous est apparu dans l’enquête de terrain sur la création d’une Communauté d’Agglomération, paraissait surdéterminée par la personnalité du maire de Montpellier, son système, ses méthodes.
4Nous avons très tôt senti un décalage entre la demande d’étude standard et nos propres aspirations de recherche. Et une difficulté: celle de se limiter au cadre d’étude, alors même que celui-ci était indissociable d’une autre réalité, celle du pouvoir politique dans une agglomération. Or, nous n’avions pas toutes les clefs d’explication à son sujet, et brûlions de profiter de l’étude pour accomplir cette recherche.
5Mais comment faire le lien entre une aspiration extensive et l’étroitesse de la commande ? Quelle question formuler qui permette les allers-retours fructueux entre une démarche ponctuelle et une analyse sur la durée ? Nous avons donc cannibalisé deux fois la proposition Marcou. En nous servant du statut de chargé d’étude pour faire de la recherche sur Montpellier. En construisant ensuite une réelle problématique susceptible d’associer d’autres chercheurs en d’autres terrains de mise en œuvre de cette invention politique, l’agglomération4.
6Il a tout d’abord fallu écarter la psychanalyse. Au vu des fragments de réel qui précèdent, la tentation était logique. Elle revenait à assumer une part importante de schizophrénie. Chargé d’étude le matin, accoucheur des âmes le soir. L’on aurait alors eu, à la manière d’un Raphaël Draï5, recours aux schèmes de l’hypertrophie du moi (« je m’étends donc je suis », en quelque sorte) en politique. Ce faisant, nous aurions conduit, en secret, l’élu au divan. Démarche vaine et, de surcroît, vaniteuse. Bref, un phantasme.
7Ayant quitté les rives douteuses de l’autopromotion de soi par la déconstruction d’autrui à pas cher, il nous restait à proposer une lecture de la nature et des enjeux de tels projets d’action publique. L’une des leçons les plus admises de l’étude de l’action publique territoriale est sans conteste la multiplicité de ses agents (overcrowded policy arenas ), de ses logiques et de ses niveaux (multilevel governance ). Quelle entrée, respectueuse des terrains et ayant vocation à les traiter de manière comparative, pouvait rendre compte de ces différentes échelles de pouvoir d’un territoire en mutation ?
8Notre objet est d’indiquer les raisons qui nous ont conduits, progressivement, à considérer le leadership comme l’un de ces outils comparatifs (et non le seul, d’ailleurs). Le chemin qui nous y a conduit a procédé d’abord par élimination. La notion de leadership nous est apparue opérationnelle sur le terrain, parce que d’autres notions ou concepts nous ont semblé impraticables. La première partie en montre les raisons. Ayant ensuite fait notre choix, nous montrerons quelles vertus analytiques nous avons trouvées à cette notion.
Ornières
9Dans le stock des hypothèses qu’alors nous projetions d’examiner, il s’en trouvait trois qui pouvaient réunir les deux qualités que nous venons de mentionner: adaptation au terrain et comparabilité. La première était « l’intérêt », cette logique dont on dit qu’elle est la mieux partagée. La rationalité de la conduite des différents protagonistes serait mise à l’épreuve, parvenant ainsi à une approche « réaliste » de l’invention des agglomérations. L’échec de ce premier angle de vue fut patent, et nous allons voir pourquoi. Nous avons ensuite exploré la piste de la « domination politique ». Elle se donnait à voir de manière évidente, et dans chacun des entretiens. C’était presque trop, et pourtant ce ne fut guère suffisant pour nous convaincre. Ce qui donc pouvait expliquer les traits spécifiques et les convergences dans l’action, se trouvait-il alors dans une « culture politique » ? À force de s’entendre dire « vous savez, ici, c’est tellement particulier », on eût presque fini par prendre le symptôme pour le diagnostic.
Intérêt
10La recherche des causes des phénomènes observés à la lumière de l’intérêt s’annonçait assez riche, de prime abord. Il est en premier lieu incontestable que cet angle permet d’interpréter la conduite des acteurs en fonction de leur capital ou, ce qui revient ici au même, de leurs ressources stratégiques. Cette démarche fonctionne à la manière du vaccin anti-technocratique dont parle E. Friedberg6. Elle se décompose en deux problèmes: celui de la présentation des intérêts, puis celui de leur représentation. Et c’est bien le passage de l’un à l’autre qui finit par faire problème.
Présentation
11La première activité de recherche a donc consisté à recueillir, auprès des intéressés et de leurs services, dans notre stock documentaire les données socio-économiques et politiques qui pouvaient contribuer à donner de l’agglomération en gestation une « structure des intérêts en jeu ». Ressources fiscales, structure des budgets municipaux, nature et implantation des équipements et ressources humaines ont été identifiées. Parallèlement, les aspects juridiques et financiers des transferts de compétence ont été examinés. En particulier, nous avons étudié la question, épineuse, de la disparition ou de la recomposition (selon les cas) des intercommunalités multiples qu’une agglomération en gestation contient, avec pour mission de les « intégrer ». Nous avons assez vite abouti à une présentation assez réaliste de la configuration des intérêts territoriaux. Il nous semblait alors que la ville-centre avait « intérêt » à la constitution de l’agglomération, qu’un nombre non négligeable d’autres communes pouvaient y percevoir une stratégie collective adaptée à leurs problèmes, et que l’incitation financière proposée dans la corbeille des élus finirait par compenser les pertes objectives de la plupart des autres. Nous étions assez contents de nous. Tout au plus, la conduite « aberrante » de certains, par rapport à ces mêmes intérêts nous semblait-elle digne d’une réflexion spécifique. Tel maire se présentant comme l’un des chantres de l’agglomération alors même qu’il y perdrait en termes financiers. Tel autre qui ne pouvait en attendre qu’une utilité de court et moyen termes, et qui s’insurgeait contre le processus enclenché. Dans la stricte orthodoxie utilitariste7, on pouvait résoudre assez facilement ces dissonances par une dose mesurée de trocs, d’échanges dyadiques, formels ou informels. Le modèle était prêt à subir l’épreuve de la comparaison.
Représentation
12La série d’entretiens qui s’est alors déroulée avait pour objet, en quelque sorte, de valider le bien-fondé de la structure que nous avions mise au jour. Las, il nous parut aussitôt que les stratégies fondées sur des intérêts ne résonnaient, pour les acteurs, que comme un lointain écho. Les fonctionnaires de la préfecture semblaient avoir de la difficulté à décliner l’ensemble des conséquences matérielles de la loi, auprès des différents protagonistes désignés par l’annonce du député maire. Ils semblaient de surcroît ne pas considérer cela comme un enjeu majeur, préoccupés qu’ils étaient par la montée des oppositions à un projet que le préfet lui-même avait considéré comme légitime: « si on ne fait pas d’agglomération à Montpellier, alors cela veut dire que la loi ne s’applique pas ici, et il faudra me démontrer pour quelles raisons ». La tentative de validation auprès des élus nous donna une idée plus précise du décalage entre cette présentation des intérêts et leurs représentations de la chose. S’il existait bien des stratégies, elles n’étaient nullement déductibles d’intérêts, et ce pour deux raisons. La première fut rapidement vérifiée: aucun, sauf peut-être la technocratie intercommunale préexistante (le District), n’avait réellement approfondi la mécanique institutionnelle, administrative, financière et fiscale. Sur ces plans, nous entendions (alors même que nous n’étions pas des « experts » de la chose) des énormités. Nous recueillions surtout des représentations fondées sur des « grands principes »: la nécessité d’une coopération fondée sur un grand projet à 2015, d’un côté, et de l’autre la défense acharnée de la République communale bafouée par cette loi. Ironie du sort, rappelons qu’il s’agissait en l’espèce de la « loi Chevènement ». Si les protagonistes directs étaient si peu soucieux d’entrer dans les détails que nous avions systématisés, c’était que l’important, empiriquement et analytiquement, était ailleurs. Quant à l’idée que l’incitation financière eût pu permettre de consolider ou de compenser les intérêts en cause, elle se révélait d’une pertinence très limitée. C’était un vrai paradoxe, en ce début d’étude de terrain. Pour de nombreux observateurs, en effet, il s’agissait même du critère principal d’explication de la dynamique qui s’emparait des pouvoirs locaux, jusque-là réservés à l’égard de la coopération institutionnalisée. Partout les initiateurs des projets popularisaient cette idée et sa conséquence immédiate: la production d’un impératif politique. Finalement, la structuration des intérêts urbains, pour être au cœur des justifications générales venant légitimer la loi, n’en était pas moins contingente.
Domination
13Reprenons ce dernier exemple de l’incitation financière, et développons-en la contextualisation politique. Considérer que la bonification de DGF8 suffirait, en dehors de toute considération, à déclencher une Communauté d’Agglomération présente le redoutable inconvénient de prendre les élus locaux… pour des idiots.
14Premièrement, et fondamentalement, la question qu’ils se posaient était aussi de savoir: pour quoi faire ? Comme le dit très bien un élu de Seine-Saint-Denis, il est une chose d’évaluer les bénéfices financiers de l’opération, il en est une autre d’en envisager l’utilisation légitime9. Et il ne s’agit pas que d’un scrupule de riche… ou de comptable. L’octroi de cet avantage n’est pas sans contreparties.
15Ensuite, ce bénéfice n’est pas garanti dans la durée. Les élus régionaux et locaux ont eu ces dernières années suffisamment matière à redouter les revirements unilatéraux de l’État « partenaire », pour ne pas être fascinés par un effet d’aubaine dont la pérennisation n’est pas assurée. D’ailleurs, les caisses prévues par le Ministère à cet effet ont été vidées bien plus vite que prévu, à cause du succès même de la loi. Il n’est pas dit que la négociation de rallonges avec le Ministère des finances débouche sur une stabilité de ces engagements.
16Enfin, l’avantage financier ne reste réel qu’à partir du moment où ces élus, et leurs structures, s’engagent réellement dans une logique d’intégration. Une intercommunalité « cosmétique », où le Coefficient d’Intégration Fiscale resterait bas, pourrait transformer le bénéfice en handicap, en forçant les communes à se défaire d’une part de leur pouvoir. À cet égard, les conditions bordelaises de négociation de la TPU10 sont exemplaires de cette menace11.
17L’acceptation du bénéfice matériel conduit donc les acteurs éventuellement réticents à entrer dans un système de contraintes lourdes, par ailleurs irréversible ou peu s’en faut. Il serait erroné de croire qu’ils n’en sont pas conscients au moment de s’engager, ou non, dans de tels projets. L’incitation financière n’est donc pas l’explication du succès. Elle remplit cependant des rôles qui nous ont sensiblement rapprochés d’une analyse en termes de domination politique.
18Le premier rôle de la « carotte financière » est symbolique. Auprès des populations informées des agglomérations, c’est l’élément le plus populaire de la loi. Il est donc extrêmement facile à thématiser positivement, et délicat à combattre frontalement. L’initiateur d’un tel projet est en position de faire gagner de l’argent à la collectivité; son opposant de lui en faire perdre.
19Le second rôle est transactionnel. La carotte est une ressource à la disposition des porteurs du projet pour négocier un ralliement ou priver un récalcitrant d’un registre matériel pour justifier son refus.
20Ensuite, collectivement, la bonification de DGF permet de « neutraliser » les ajustements initiaux liés à la création de la structure. Elle autorise que personne ne soit perdant dans ce passage, tout en faisant en sorte que certains gagnent plus que d’autres. Surtout, elle entraîne le report à plus tard des véritables effets de l’intégration communautaire, c’est-à-dire à des transactions politiques d’une agglomération installée, légitime.
21En outre, le surcroît d’investissement sur cet enjeu financier a eu pour effet que se construisent des agglomérations sans véritable projet politique. Il a en effet entraîné l’évitement de tout débat public substantiel à ce sujet.
22L’absence de projet politique ne signifie pas l’absence de domination politique. Au contraire, cet état de latence favorise un déséquilibre entre acteurs quant à l’accès à la ressource stratégique: l’information sur le dispositif, les relations centre/périphérie, les négociations informelles avec les intérêts territorialisés (associations, organismes consulaires, patronat local…). La domination politique est particulièrement sensible sur le terrain que nous avons choisi. Elle s’exprime au travers de trois dimensions, qui sont autant d’hypothèses auxquelles nous avons sincèrement cru.
- une domination tirée de la loi Chevènement. Il s’agit en l’occurrence de la production d’un modèle standard, vers lequel convergent toute une série de dispositifs, depuis les lois sur l’air et sur l’eau, la loi Besson-Gayssot dite S. R. U., les Grands Projets de Ville et autres Contrats d’Agglomération, la loi Voynet sur les pays… L’hypothèse est ici que l’État est la source, multidimensionnelle, de cette domination politique. Hypothèse cependant reprise avec tant de complaisance par les opposants locaux qu’elle fond comme neige au soleil. Du reste, cette hypothèse, devenue politiquement incorrecte au temps de l’action publique territoriale12, peut-elle une seconde être compatible avec notre autre constat: les préfets n’ont que des marges de manœuvre limitées dans ce processus1313 ?
- une domination politique qui serait celle des élus-initiateurs. En clair, les maires des villes-centre, dont on sait qu’ils sont à la fois fréquemment désignés comme présidents d’agglomération, qu’ils disposent de ressources politiques plus pertinentes14 et… qu’ils sont désignés, ça et là, par la vindicte périurbaine comme les potentats coupables d’un tel crime de lèse-République. C’est justement là le problème. La diabolisation de l’adversaire, la personnalisation de son pouvoir supposé, sont plus des symptômes que des éléments empiriquement vérifiables. Admettons cependant que l’on puisse identifier la personnalisation de cette domination comme une variable, que nous pourrions comparer avec d’autres terrains. Cela nous fait déjà deux dominants, et deux registres de domination très différents, auxquels s’ajoute le troisième.
- une domination « politique » où le politique ne serait que le fideicommis d’intérêts territoriaux dominants. On a cherché en effet à montrer que ces processus avaient en réalité des destinataires indirects en la personne des intérêts privés, et notamment des groupes de services urbains. Collectivement, ceux-ci sont globalement portés à soutenir une telle initiative, au titre de la simplification des politiques, de la rationalisation des interlocuteurs et procédures… Ce dernier discours est notamment porté par les grands groupes de services urbains, qui attendent des agglomérations un accroissement des seuils de marché et donc une prise d’influence encore plus nette sur les territoires. Mais hélas, un simple tour de piste auprès de ces « mandants fantômes » suffit à se convaincre qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Admettons la présence d’un intérêt collectif chez eux. Celui-ci demeure en réalité assez abstrait. Au concret, ses représentants, à l’échelon local, sont confrontés à de véritables contradictions politiques, économiques et territoriales. Au niveau national, ils ont été consultés de manière informelle par le Ministère, sans pouvoir exprimer une position commune stable. S’il y a là une logique de domination incontestable, il est donc difficile de lui assigner un visage, même collectif. Cela rend encore plus délicat la thèse d’une capture des processus par une main, visible ou invisible.
23Aussi le fait de privilégier une entrée par la domination, on le voit, nous conduisait à des questions non résolues et pourtant cruciales: qui domine ? Sur quoi ? Comment ?
Culture
24À ce stade commencèrent à compter les amorces de restitution dans la communauté: séminaire d’actualité dans le centre de recherche, échanges avec les collègues travaillant sur d’autres sites. Au travers de ces discussions apparurent deux modes d’explication des processus en cours. Pour les uns, ils ne pouvaient s’observer que dans le temps long des constructions institutionnelles antérieures. De là découlait que le chemin de l’agglomération, pour innovant qu’il semblait être, devait s’inscrire dans une chaîne de décisions, de pratiques et de routines qui structuraient les possibles. David Guéranger15 fut dans ce groupe celui qui, analysant le cas de Chambéry, allait le plus loin dans une explication néo-institutionnaliste. D’autres objectèrent que cet ensemble de pratiques, assez routinisées pour conditionner le pas suivant, étaient elles-mêmes fonction d’une structure mentale qui, dans le cas chambérien, menait à une agglomération sans difficulté, alors qu’une autre structure aurait conduit à un tout autre produit. L’on commençait alors à s’interroger sur des processus difficiles, aux débats houleux. L’on voyait poindre quelques cas, comme Béziers, de projets en échec. Le recours au contentieux devenait une arme, tandis que l’appel au peuple, par la voie du référendum consultatif, s’emparait du périurbain de notre propre terrain. Il était certes facile d’accepter l’idée institutionnaliste en cas de succès. Mais il devenait difficile d’expliquer, dans les cas où existait une institution antérieure, aux capacités qui plus est non négligeables, l’échec ou l’extrême difficulté de sa trans-croissance en Communauté d’agglomération. Le débat qui s’amorça alors entre nous opposait ceux qui tenaient pour la prédominance du fait institutionnel à ceux qui valorisaient l’hypothèse d’une « culture politique territoriale16 ». Celle-ci supposait d’être précisée, identifiée empiriquement. Nous n’y sommes pas réellement parvenus. Tout au plus avons-nous, sur Montpellier d’abord, puis ailleurs, amassé quelques indices fiables. Le terrain languedocien nous rendit sensibles au rôle que joue le conflit dans l’identification politique, à l’esprit de conquête rapportée au traitement du protagoniste en adversaire, à l’utilisation des institutions pour continuer la lutte par d’autres moyens… Il est peu dire qu’ici les formes héritées de coopération institutionnelle ne parlaient guère, qu’elles ne désignaient aucun chemin contraint. Ici, l’institution… ce fut le Tribunal Administratif, ultime et dérisoire forum des débats politiques.
25Marseille fut une autre illustration de l’impasse empirique à laquelle conduisait le néo-institutionnalisme, en voulant nous convaincre de la prescription des rôles politiques par la dynamique propre des institutions. Comme l’indiquèrent plus tard Maurice Olive et Jean-Pierre Oppenheim au sujet de Marseille17, s’il y a création institutionnelle et accumulation de dispositifs, la configuration sociale et politique qui les conçoit, ou les acclimate, demeure fondamentalement inchangée. La fin du defferrisme n’en finit pas, à la lumière de la reproduction des mêmes « échanges politiques ». Celle-ci garantit le passage à la Communauté urbaine, en prenant soin d’en borner les marges de progression institutionnelle autonome.
26Le cas de Béziers18 est intéressant en ce que la loi Chevènement, loin de mener les intercommunalités préexistantes vers la voie royale de l’intégration, devint au contraire un instrument d’amplification des conflits politiques locaux. Dans cette configuration politique, toute entrée en scène d’une nouvelle ressource conduisait à des manœuvres préventives (voire immunitaires): il s’agissait de priver l’autre des bénéfices qu’il pourrait éventuellement en tirer. La méfiance politique, interne à chaque courant politique comme à l’ensemble des cercles économiques et sociaux de la ville, aiguisait une « phobie » pour tout ce qui pourrait modifier l’équilibre, fragmentaire, des échanges politiques.
27L’idée de culture politique territoriale était ainsi séduisante, notamment dans les situations locales marquées par le conflit et la fragmentation politiques. Leur interprétation en termes de « culture » nous permettait de dépasser une définition « morale » des conflits comme relation sociale19. Mais, tout comme la structure des intérêts et la domination politique, elle était à la fois trop globale et insuffisamment cohérente pour servir de point focal de l’étude. Celle-ci avait progressé en se nourrissant de ces regards successifs. Nous avions rassemblé un matériau important, que nous avions déjà « fait tourner » au contact de ces notions. Il nous serait sans doute difficile de trouver « la » clef explicative. C’est alors que, dans un tout autre contexte scientifique, nous avons croisé une initiative de William Genieys et Andy Smith: celle de reconsidérer la notion de leadership à la lumière de la politique et des politiques publiques locales. De nos échanges naquit un article20 et la conviction que nous pouvions tirer de cette proposition une perspective nouvelle et utile pour notre terrain de recherche.
Itinéraire
28En effet, cette interrogation commune fut d’abord une interrogation croisée, l’occasion de mettre en commun des hypothèses d’analyses du pouvoir local énoncées par des chercheurs plutôt tournés vers l’analyse des élites, de leur formation, de leurs systèmes de représentation et de légitimation, et par nous, plus centrés sur les processus d’invention de politique, les chemins décisionnels. Nous avions ensemble des objets communs: les territoires, leurs systèmes de représentation, sans y porter nécessairement les mêmes regards. Revisiter la notion de leadership pouvait alors permettre de formuler des hypothèses pour une question de recherche centrale dans notre terrain: au nom de quel territoire nos protagonistes pouvaient-ils légitimement intervenir ? Derrière cette question, nous pouvions alors tenter de croiser une interrogation qui nous était familière sur la nature du changement institutionnel, avec une autre, moins habituelle pour nous, liée aux dynamiques identitaires.
29Restaient deux écueils à éviter :
- extraire le leadership d’une acception commune et imprécise qui parasitait son utilisation,
- éviter de donner à la dimension leadership toute causalité explicative des processus analysés.
Le leadership, guide de terrain
30Le leadership a ceci de particulier à mobiliser dans l’analyse, qu’il est une notion largement utilisée dans le discours des acteurs. Anglicisme sans véritable traduction, il n’est généralement rapporté qu’au leader, à ses fonctions, à ce qu’il exprime de la position dominante d’un sur les autres. Dans cette acception courante, leader et leadership se confondent allégrement, et sont employés comme synonymes. Dans le cas montpelliérain qui nous intéressait, l’expression avait attiré notre attention dès les premiers entretiens. Faisant le panorama du processus à l’œuvre, et évoquant les difficultés du projet d’extension de l’agglomération institutionnelle de Montpellier à d’autres territoires, le Préfet avait ainsi avancé l’explication d’un « surcroît de leadership ». Trop de leadership nuit au projet, en quelque sorte. Mais de quoi parlait-il au demeurant ? De l’accaparement par le porteur de projet de la parole légitime et de l’initiative ? De l’impossible négociation sur la position annoncée de cumul des positions de maire de Montpellier et de Président de l’agglomération à venir ? Du monopole d’expertise urbaine et technique détenu par l’intercommunalité urbaine existante (le District) ? Ou bien le préfet se faisait-il l’écho de maires périurbains exprimant le sentiment d’être mis devant le fait accompli d’une intégration dans une urbanité qu’ils avaient choisi d’occulter jusqu’alors ? Toutes ces dimensions n’étaient ni contradictoires, ni totalement congruentes. Confondait-on ici leadership et leader ? Dans le cabinet du Maire de Montpellier, la réponse était, en ce début de processus, sans équivoque: ce n’était pas la personnalité du maire qui était en cause, mais la seule domination « naturelle » – i. e. démographique et économique – de Montpellier sur son aire urbaine. À l’inverse, des maires périurbains tentaient la rhétorique symétrique: « l’intercommunalité, nous sommes évidemment pour, mais nous ne pouvons pas passer comme ça sous la coupe de Frêche ». Ce n’était là qu’une des rhétoriques d’opposition parmi d’autres. Mais le rejet de l’imperium de Georges Frêche semblait néanmoins présent dans tous les discours d’opposition, et plusieurs de ses propres supporters firent allusion aux problèmes engendrés par l’affirmation publique de la position dominante du Maire de Montpellier. Nous avons exprimé plus haut notre scepticisme quant à la pertinence heuristique de la notion de domination dans ce cadre d’analyse. C’est que la notion elle-même, largement diffusée dans le discours des acteurs, est par trop instrumentalisée par l’un et l’autre camp pour faire légitimement figure d’unique hypothèse analytique. Derrière la menace annoncée de la domination future se gèrent des stratégies de positionnement qui ne sont pas seulement des positions de dominés. Au reste, nous l’avons vu, la triangulation du jeu entre le porteur de projet, le préfet et les opposants au périmètre font du représentant de l’État autre chose qu’un inter-médiateur. Là réside d’ailleurs l’intérêt heuristique de la notion de domination: parce qu’elle doit être dépassée, elle oblige à mettre à jour le jeu d’acteurs, leurs ressources, leurs savoir-faire, leur histoire commune, leur configuration.
Le leadership en configuration
31Quelles sont donc les données de notre équation ?
32Au premier chef, un dispositif législatif nouveau, la loi Chevènement, qui ouvre aux acteurs locaux la possibilité d’une nouvelle donne de régulation politique, à l’échelle non plus communale mais urbaine au sens large. Cet encadrement législatif est également un encadrement temporel, puisque sa propre dynamique de réussite s’appuie sur des bonifications financières accessibles dans un calendrier resserré: trois ans à compter de la publication de la loi. Au-delà, les acteurs locaux peuvent continuer à investir le nouveau cadre législatif, mais ils ne bénéficient plus des incitations financières, dont l’effet est souvent déclencheur d’initiatives.
33Au second chef, deux acteurs généralistes et centraux intéressés à l’application de la loi sur le territoire urbain montpelliérain: le maire de la ville-centre et le préfet.
34Pour le premier, l’enjeu recouvre des solutions aux déséquilibres des charges de centralité entendues au sens large: équipements structurants, pressions démographiques, mixité sociale,… Il est aussi un enjeu de pouvoir, la possibilité d’étendre son influence directe au-delà de l’actuel district montpelliérain, dans une dynamique concurrentielle vis-à-vis tant du département de l’Hérault que de la région Languedoc-Roussillon.
35Pour le second, il s’agit tout autant de faire appliquer la loi de « son » ministre, que de mettre en œuvre des instruments de régulation des problèmes urbains auxquels doit faire face le territoire considéré. Les deux acteurs sont en interdépendance directe sur ce dossier. Le Préfet a besoin d’un porteur de projet, le maire ne peut se passer du Préfet pour contraindre les communes opposantes à intégrer le périmètre. Plus, le dossier de l’agglomération est un dossier à portée globale. Sa résolution peut faciliter ou être facilitée par la résolution de problèmes connexes (notamment tous ceux touchant aux différentes cartes et autres schémas collectifs englobant l’aire urbaine).
36Le contexte économique et démographique est la troisième dimension de la configuration d’agglomération étudiée. L’aire urbaine montpelliéraine est, depuis le milieu des années 1980, l’épicentre d’une dynamique de croissance démographique régionale qui bouscule les équilibres territoriaux et économiques. L’urbanisation accélérée du territoire qui en résulte est plus rapide que ne peuvent l’anticiper les collectivités locales. Mitage du périurbain, difficile maîtrise de la croissance des équipements collectifs, inadaptation accélérée des infrastructures de communication, en sont les symptômes les plus massivement visibles. Cette mutation démographique est liée et accompagne une mutation économique. Le développement, dans une région quasiment dépourvue de traditions industrielles, d’activités de services, de productions de biens technologiques, ou d’entreprises à haute valeur ajoutée, en est l’un des premiers piliers. Le vieillissement de la population régionale, du fait de l’arrivée, elle aussi massive, de retraités d’autres régions, ouvre la voie à une économie de services spécialisés, tout en précipitant également la mutation des services collectifs. La nécessité objective d’une régulation collective de ces éléments ne fait que peu de doute. On peut par conséquent faire l’hypothèse que le partage de cette conviction par les acteurs politiques locaux fait du choix des instruments de régulation un enjeu d’autant plus légitime et important. Le contexte intéresse au jeu.
37À ce stade descriptif intervient la dimension du projet, qui donne son contour à la configuration. Le projet montpelliérain consiste donc à créer une communauté d’agglomération englobant le District, et21 autres communes autour de cet EPCI22. Cinq sous-ensembles peuvent être distingués dans cette nouvelle carte. Le District d’une part, qui doit quoi qu’il en soit se transformer en communauté d’agglomération avant le 1 er janvier 2002. Une zone d’extension au sud-ouest de Montpellier, qui englobe la totalité d’un canton périurbain dont plusieurs communes ont souhaité, antérieurement, intégrer le district. La zone est réputée globalement favorable au projet. Une zone d’extension sud-est, recoupant également un canton, hôte de l’aéroport international. Bien que dominé par des élus de gauche, ce canton, siège d’un SIVOM23 ancien et d’une communauté de communes en passe d’accéder à sa propre TPU, est globalement hostile à son intégration dans le périmètre d’agglomération. Une zone d’extension nord-est, la plus exposée à la pression démographique, composée de 10 communes d’un canton dont trois communes sont déjà membres du district. C’est la zone d’incertitude première, de nombreuses communes n’ayant pas encore tranché le débat sur leur intégration.
38Enfin, un quatrième groupe de communes est disparate géographiquement, mais rassemble des territoires de la « petite couronne », ouvertement hostiles de longue date à leur intégration dans l’intercommunalité montpelliéraine, et que le texte de loi permet d’imposer dans le périmètre au nom d’une cohérence économique et spatiale. Voilà pour le périmètre. Le contenu du projet lui-même n’est pas si problématique. L’agglomération prendrait, outre les compétences obligatoires des communautés d’agglomération (développement économique, équilibre social de l’habitat, aménagement, politique de la ville), quatre compétences optionnelles: voirie communautaire, eau, protection et mise en valeur du cadre de vie, équipements culturels et sportifs communautaires, ainsi qu’une partie de la cinquième compétence, dite d’assainissement, hors collecte des ordures ménagères.
39Voici brièvement présentés les traits les plus objectivables de la configuration dans laquelle peut se déployer le leadership. Si nous avons insisté par ailleurs sur le lien qu’entretiennent les deux notions 23, c’est que le leadership émerge d’une configuration donnée, et se conforte en la remodelant sans cesse. Dans le cas présent, quels sont, en dehors des traits réputationnels focalisés sur les effets de domination symbolique, les caractères de ce leadership ?
40Il s’appuie en premier lieu sur une maîtrise technique, un entourage technico-administratif susceptible de mettre en action les vœux du porteur de projet. Le cabinet mayoral et l’encadrement administratif du District constituent cette première équipe directement dirigée par Georges Frêche. Elle lui permet d’être en compétition ouverte avec les services de l’État dans l’expertise du dossier.
41Dans un dossier où il s’agit de convaincre d’autres communes, son entourage de fidèles, au sens de Bailey24, ne lui est que de peu de recours, puisqu’il s’agit avant tout d’adjoints au Maire de Montpellier. Néanmoins, leur fonction est d’assurer la gestion quotidienne de la municipalité, et de permettre ainsi à leur leader de déporter son énergie sur le dossier de l’agglomération.
42Au sein du District, le Maire de Montpellier dispose également d’une réserve de fidèles, maires de communes périurbaines. Mais il est difficile de les englober dans les catégories d’analyses forgées par Bailey. Beaucoup d’entre eux restent des alliés, au sens classique du terme, et cherchent d’abord à construire leur propre autonomie, à établir, à leur échelle, et sur leur propre territoire, leur leadership. Contrairement à la gestion municipale, le leader doit donc composer avec d’autres alliés territoriaux, au premier rang desquels les conseillers généraux socialistes peuvent faire figure de médiateurs, ou d’entrepreneurs intermédiaires. Le leadership central doit donc entrer en transaction pour asseoir sa légitimité.
Le leadership en transaction
43James Mac Grégor Burns a théorisé cette nécessité transactionnelle25, en montrant comment les leaders « convainquent ceux qui les suivent (les followers) d’agir » en fonction d’objectifs qui deviennent communs aux leaders et aux followers. Là où les fidèles de Bailey agissent dans une logique de rétribution consubstantielle à leur participation à l’entreprise du leader, le follower doit trouver dans la réalisation du projet du leader sa propre satisfaction, son propre objectif. En cela, les notions de leadership transactionnel et de rapports entre leader et followers permettent d’éclairer une partie de la configuration territoriale montpelliéraine. En effet, le porteur du projet doit, pour accroître son emprise territoriale, trouver dans les « nouveaux » territoires de la future agglomération des passeurs, des relais de sa volonté politique. Prise dans son acceptation première, la notion de transaction garde alors une valeur heurisitique: quels sont les termes de l’association entre le leader intercommunal et ceux, parmi les représentants de ces territoires, qui acceptent de relayer, et de médiatiser le projet ?
44Le périmètre projeté recoupe, dans sa marge d’extension, six cantons. Deux sont concernés intégralement. La nécessité d’une relation transactionnelle avec le conseiller général semble donc patente.
45Au sud-ouest, le conseiller général, socialiste, souhaite de longue date que ce territoire soit rattaché à l’institution urbaine. Depuis l’échec d’une première tentative de rattachement de sa commune devant le Tribunal administratif pour absence de continuité territoriale, le conseiller général a construit une stratégie de rattachement de l’ensemble du canton. Il a, pour cela, su transformer et unifier les instances intercommunales antérieures, et préparé ainsi les maires du canton à une dynamique de projet. Cette préparation facilite grandement le débat sur l’intégration dans l’agglomération. Ce débat sera d’ailleurs mené de concert par le conseiller général et le Maire de Montpellier, lors de réunions conjointes dans les communes.
46L’extension nord-est est également réductible à un vaste canton périurbain. Le conseiller général, également socialiste, est maire d’une des trois communes (sur 18) du canton ayant adhéré de longue date au District de Montpellier. Son influence, nette sur la partie limitrophe de la ville (la plus peuplée), s’estompe rapidement plus au nord du canton. Certaines communes septentrionales ont affiché leur volonté d’intégrer l’intercommunalité urbaine en gestation. D’autres non. Surtout, aucune des trois communautés de communes qui recoupent la zone d’extension n’est arrivée à une position homogène. Dans cette zone, la position transactionnelle, qui aurait permis de construire les bases du nouveau débat, fait défaut. Et le Maire de Montpellier ne peut que très imparfaitement s’appuyer sur un relais « naturel », le conseiller général, mal implanté géographiquement, et dénoncé comme inféodé (il est vice-président du District) par les opposants au projet. Enfin, de nombreuses communes du secteur lient leur sort aux communes de la troisième zone, est, d’extension de l’agglomération.
47Cette zone orientale, peuplée, dans laquelle se trouve l’un des équipements majeurs, l’aéroport, est aussi la porte orientale de la ville. C’est par cette zone que débouche l’autoroute A9, qui relie Montpellier et Lyon. C’est également dans ce secteur que l’on projette d’établir la gare TGV future. Peuplement historique de la région montpelliéraine26, le canton est aussi marqué géographiquement par sa position d’entrée dans la « petite Camargue », cette zone, culturellement et identitairement rattachable au delta du Rhône, qui sépare Languedoc et Provence. Le canton est structuré politiquement autour du maire du chef-lieu, Mauguio, également conseiller général, et président des deux structures intercommunales: un SIVOM ancien aux larges compétences opérationnelles, et une communauté de communes qui recouvre partiellement le territoire cantonal du SIVOM. Ce conseiller général, socialiste, penche pour l’intégration de la zone dans l’agglomération, pour des raisons notamment économique. Les deux EPCI de « l’étang de l’Or » ont tiré leurs richesses d’une position isolationniste. Ces ressources se tarissent aujourd’hui, alors que la nécessité d’une extension de la zone aéroportuaire, et d’une rénovation des deux stations littorales du canton, se font de plus en plus impérieuses. Mais cette option est contestée par les maires des autres communes de la « petite Camargue », qui voient dans l’intégration à l’institution urbaine la fin de leur identité culturelle revendiquée. Pour autant, le projet d’agglomération ne propose pas l’intégration de l’ensemble du canton. Seules trois communes sur les huit intéressent les porteurs du projet: Mauguio (et son aéroport), Saint-Aunès (commune limitrophe de Montpellier) et La Grande Motte (dont l’intégration compléterait l’ancrage balnéaire de l’agglomération). À l’inverse, l’ancienneté des structures intercommunales cantonales semble imposer fonctionnellement l’intégration de toutes les communes, sauf à abandonner des instruments politiques rôdés, et à saper l’assise territoriale du conseiller général. Ce dernier va donc tenter de construire une position d’intermédiaire: être celui qui rallie les communes non membres du District au projet. Ce faisant, il construit sa propre posture de leadership. C’est une posture transactionnelle, en ce qu’elle se construit avec l’aide bienveillante du préfet, qui souhaite un médiateur pour les communes « agglomérables ». Mais le Maire de Montpellier accepte en reculant la transaction. En effet, si elle semble intéressante à terme, cette position de leader transactionnel conquise par le conseiller général de Mauguio est politiquement inquiétante pour sa propre maîtrise du périmètre. La stratégie de Georges Frêche n’ouvre que sur deux alternatives: l’adhésion directe des communes, ou l’imposition des territoires « indispensables » par l’entremise de la loi.
48C’est ainsi qu’il envisage le cas des autres communes dont il souhaite l’intégration. Au sud, la petite commune de Lavérune, limitrophe à Montpellier, n’est pas membre du District. L’adhésion de la zone sud-ouest encerclera cette municipalité de droite et imposera son intégration. L’appui du conseiller général socialiste n’est donc pas recherché. Encore plus au sud, la commune de Villeneuve-les-Maguelone, située dans l’aire urbaine montpelliéraine, est rattachée administrativement au canton de Frontignan, la partie orientale de la zone d’attraction de Sète. Cette commune littorale, gérée depuis longtemps par des communistes, héberge sous son sol l’émissaire en mer de la station d’épuration districale. C’est cet équipement qui justifie son intégration au périmètre. Son sort va se négocier entre le Maire de Montpellier et le Maire de Sète (également communiste); l’opposition qui en naîtra ne devant pas entraver une imposition préfectorale dans le périmètre.
49Au nord, enfin, deux cités-collines, banlieues aisées de Montpellier, sont également incluses dans le périmètre. L’une est dirigée par le conseiller général UDF du canton des Matelles (nord-ouest de Montpellier), l’autre par un vice-président DL du Conseil régional. Officiellement, leur intégration est motivée par le fait qu’elles accueillent toutes deux la source du bassin hydraulique de l’agglomération. En réalité, beaucoup d’autres critères entrent dans le calcul: mixité sociale (les deux communes n’accueillent que très peu de logements sociaux), partage d’une taxe professionnelle florissante, et… mise à mal de l’intercommunalité dont elles sont le pilier économique: la communauté de communes du Pic-Saint-Loup, dirigée par le « frère ennemi » de Georges Frêche, Gérard Saumade, ancien président socialiste du Conseil Général de l’Hérault, contre lequel Georges Frêche s’est cassé les dents en 1993, lors d’une fratricide bataille législative.
50Avec ces communes, celui-ci n’a sérieusement mis en œuvre aucune tentative de négociation. La loi le dit: elles intégreront l’agglomération parce qu’elles sont nécessaires à sa cohésion économique et spatiale. À ces territoires, il applique le sens premier du mot, celui que lui donna le Code Justinien: droit de terrifier . Les protagonistes locaux en forcent encore le trait, en refusant au député maire l’accès aux salles municipales pour débattre du projet d’agglomération.
51Il use ainsi de son leadership au sens commun. Il est le leader, le dominant. Les autres, et notamment ses opposants, le reconnaissent comme tels, et construisent leur position en miroir. Ce faisant, ils renforcent l’image dominante du dominant, et ainsi de suite. C’est d’ailleurs précisément dans ce caractère le plus commun et le plus médiatique du leader que résident les principaux facteurs de contre-productivité de son leadership.
Le leadership contre-productif
52Résumons ici les principaux traits décrits précédemment. Le projet d’agglomération s’appuie sur un leadership stable, dont l’actuel EPCI districal, et la figure dominante du leader sont les composantes les plus manifestes, et l’envergure entrepreunariale du Préfet le complément efficace.
53Le projet se caractérise d’abord par sa projection territoriale. Il s’agit ici d’inventer un territoire, et les nouvelles représentations qui l’accompagnent. C’est là une de ses spécificités27.
54Dans cette projection territoriale, le leader ne compte que sur un entourage limité, et peu efficient. Il doit donc composer avec de nouveaux acteurs, entrer en transaction. Il ne l’accepte que dès lors que la dimension transactionnelle de son leadership est également transitoire, et se limite à une relation à des intercesseurs, et non à des médiateurs obligés.
55Il s’appuie, pour cela, sur un dispositif législatif qu’il souhaite utiliser pleinement. Ce faisant, il ne laisse à ses opposants d’autres marges de manœuvres que celle de combattre le cadre législatif, et l’utilisation extensive qu’il en fait.
56En cela réside la dimension contre-productive de son leadership. L’agglomération projetée par Georges Frêche en 1999 n’existe toujours pas. Le District de Montpellier s’est, en septembre 2001, constitué en communauté d’agglomération à périmètre constant. Entre temps, les opposants au projet ont fait de la justice administrative l’arbitre de leur contentieux. Si cette dernière s’est gardée de se prononcer sur la validité au fond de leur refus d’intégrer la future institution, elle a néanmoins annulé le projet sur des considérations procédurales, dans une lecture du texte qui sanctionne la méthode de Georges Frêche (l’imposition comme seule ressource de négociation), et remet en cause certains fondements même de la loi.
57Le dominant est en situation d’échec. Son leadership est-il pour autant écorné ? Non, si l’on considère qu’aucun leader alternatif n’a émergé. Le porte-parole des opposants est l’un de leurs avocats, et l’aventure transactionnelle inaboutie du maire de Mauguio a été depuis sanctionnée par un échec aux dernières municipales. Pourtant, les maires des communes opposantes ont, à cette occasion, renouvelé leur légitimité démocratique, et ils sont plus que jamais ceux qui maîtrisent le calendrier de faisabilité du projet. Or, la dimension temporelle est consubstantielle du leadership, au même titre que la dimension territoriale28. Plus que la réalité du leardership, et la conception que s’en fait le leader, c’est le sens de ce qu’est le territoire sur lequel il se projette qui est ici remis en question. Ce qui est écorné, c’est la dimension du fief29.
58Si l’instrument analytique qu’est le leadership oblige à déconstruire les configurations dans lesquelles il prend une consistance, il ne résume ni les dimensions territoriales, ni les dimensions temporelles qu’il met à jour. C’est en cela qu’il a été pour nous un catalyseur analytique. La découverte de ses limites n’en rend finalement, dans ce cas précis, que plus pertinent sa mobilisation.
Conclusion: clairière
59Inventer un territoire, c’est projeter des règles du jeu politique30 sur un espace d’action. Cette projection s’opère, à partir de standards institutionnels, dans des contextes spécifiques. Ces derniers conduisent à s’intéresser aux constituants matériels, socio-économiques et politiques de la territorialisation. Il en découle la pertinence des variables d’intérêt, de domination et de culture politiques. Mais l’on peut vérifier empiriquement, à l’occasion de la création des Communautés d’agglomération, que le leadership politique est également une variable cruciale des projets en cours de développement, et que cette notion offre non seulement l’avantage d’interroger l’intérêt, la domination et la culture, mais aussi d’établir des liens entre eux. Dépassant le simple constat, nous avons donc tenté de réinsérer la problématique du leadership dans l’analyse de tels processus d’action publique. Chemin faisant, les contextes spécifiques sont devenus des configurations, notion utile pour aborder de manière dialectique le collectif que présuppose la « territorialité », et l’individuel que sous-tend le leadership. Pour ce faire, nous avons approfondi un cas, celui de Montpellier, en mobilisant une grille où sont spécifiées les notions de configuration, de construction et d’imaginaire politiques. Une telle grille permet à la fois de relier à des structures d’opportunité (analytiques) les dispositions et manifestations personnelles du leader et d’appréhender en retour leur efficace propre sur les premières.
60N’a-t-il pas ici quelque chose d’artificiel, et n’aurait-il pas été possible d’analyser ces éléments avec des notions plus en vue (gouvernance) ou plus traditionnelles (gouvernement) ? D’une part, l’intérêt d’une notion n’est pas nécessairement dans ce qu’elle « invente », mais dans ce qu’elle donne à voir. D’autre part, nous avons souhaité conserver, tout au long de ces études, le souvenir de ce pari d’associer des champs de perceptions aujourd’hui trop souvent enchâssés dans des écoles séparées (sociologie de l’action publique, analyse du travail politique, étude de l’imaginaire politique, analyse biographique…). Notion périlleuse, parce que trop marquée du sceau du sens commun (mais n’est-ce pas également le cas pour d’autres, comme domination ou intérêt ?), le leadership nécessite, pour se garder des dérives interprétatives, de caractériser d’abord les dimensions structurelles et collectives de la politique, pour en dépasser l’usage monocausal, et les intégrer dans l’ensemble plus fluide et plus fluctuant des règles du jeu politique et de leur transformation constante. À ce prix-là, le leadership interroge autant le sens commun que les catégories les plus constituées, et renouvelle des interrogations souvent par trop routinières sur les phénomènes de personnalisation du pouvoir.
Notes de bas de page
1 La Direction Générale des Collectivités Locales est l’organe opérationnel du Ministère de l’Intérieur à destination des collectivités territoriales.
2 Corinne Escaffit, « Le projet de communauté d’agglomération à Béziers: quel leader pour quel territoire ? », dans F. Baraize, E. Négrier (éd.), L’invention politique de l’agglomération, Paris, L’Harmattan, 2001.
3 On citera notamment: Emmanuel Négrier, Bernard Jouve (dir.), Que gouvernent les Régions d’Europe. Échange politique et mobilisations régionales, Paris, L’Harmattan, 2001, (Logiques Politiques); Paul Allies, François Baraize et al., « Une nouvelle singularité politique ? Les élections régionales du 15 mars 1998 en Languedoc-Roussillon », Pôle Sud, 8, 1998, p. 5-40; Emmanuel Négrier (dir.) « Élections et politiques régionales », Pôle Sud, 8, 1998; P. Allies, F. Baraize et al., « La nationalisation du vote, les élections européennes de juin 1999 », Pôle Sud, 11, 1999, p. 97-127; E. Négrier (dir.), Les maîtres du sud. Géo-politiquedu Languedoc-Roussillon, Golias Éditeur, 2001; Alain Faure, Emmanuel Négrier, La politique culturelle des agglomérations, Paris, La Documentation Française, 2001; François Baraize, Emmanuel Négrier, « Victoire à domicile… » dans B. Dolez, A. Laurent (dir.), Les élections municipales de 2001, Paris, Presses de Science Po, 2001.
4 François Baraize, Emmanuel Négrier (dir.), L’invention politique de l’agglomération, Paris, L’Harmattan, 2001, (Logiques politiques).
5 Raphaël Draï, Le pouvoir et la parole, Paris, Payot, 1981. La prise en compte du collectif « agglomération » par une telle approche nous aurait conduit à qualifier les oppositions au projet de « restes d’altérité », que Draï, à la suite de Sartre, utilise à l’endroit des « porteurs d’une parole désormais différente » (p. 227 et ss.). Nous n’étions pas très éloignés, paradoxalement, d’une grille binaire (modernité/tradition) excessivement simpliste.
6 Erhard Friedberg, Le pouvoir et la règle. Dynamiques de l’action organisée, Paris, Éd. du Seuil, 1993.
7 James G. March, Johan P. Olsen, Democratic Gouvernance, New York, London, Free Press, 1995.
8 La Dotation Globale de Fonctionnement regroupe les crédits versés par l’État aux communes pour assurer les compétences décentralisées. Crédits de fonctionnement, elle est en rapport avec la population. En la matière, la loi Chevènement prévoit de porter à 250 FF par habitant la DGF des communes adhérant à une communauté d’agglomération. Cela constitue une augmentation de 50 à 200% selon les cas, d’où son surnom de « carotte financière ».
9 Cette partie reprend certaines analyses développées dans F. Baraize et E. Négrier, L’invention politique de l’agglomération, op. cit.
10 La Taxe Professionnelle Unique (TPU) est la condition fiscale sine qua non de la constitution des nouvelles intercommunalités intégrées. Elle consiste à « lisser » les différents taux de taxe professionnelle sur le territoire communautaire pour les égaliser, et mettre fins aux situations de « dumping » fiscal présentes sur certains territoires communautaires.
11 Christophe Arpaillange, Jacques de Maillard, Élodie Guérin-Lavignotte, Éric Kerrouche, Michel-Alexis Montané, « La Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) à l’heure de la loi Chevènement: négociations contraintes dans une confédération de communes » dans F. Baraize, E. Négrier, 2001, op. cit.
12 Patrice Duran, Jean-Claude Thœnig, « L’État et la gestion publique territoriale », Revue Française de Science Politique, 46, (4), 1996, p. 580-623.
13 F. Baraize, E. Négrier, « Communautés d’agglomération et développement politique », dans J.- C. Némery (dir.), Quelle administration territoriale pour le XXIe siècle en France dans l’Union Européenne ?, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 105-119.
14 Rémy Le Saout, « Les présidents des établissements publics de coopération intercommunale », dans E. Négrier (dir.), Intercommunalités, n° spécial, Les Annales des Ponts, 100, 2001.
15 David Guérange, Gilles Pollet, « L’application de la loi Chevènement en Savoie », dans Gérard Marcou (dir.), Les premiers mois d’application de la loi du 12 juillet 1999, Paris, GRALE/CEP-Ministère de l’Intérieur, 2000, p. 504-519.
16 Négrier Emmanuel, « L’invention politique de l’agglomération », dans F. Baraize, E. Négrier (dir.), 2001, op. cit.
17 Maurice Olive, Jean-Pierre Oppenheim, « La communauté urbaine de Marseille, un fragment métropolitain », dans F. Baraize, E. Négrier (dir.), 2001, op. cit.
18 C. Escaffit, 2001, op. cit.
19 Dépassant l’approche weberienne des conflits appliquée par Julien Freund, Christian Thuderoz indique en effet que le conflit est aussi le « signe d’une appartenance à une même situation sociale ». Le conflit « est précisément l’expression d’une divergence quant à l’évolution possible de cette situation commune » (p. 51). Les situations que nous observions, sous l’angle d’une « culture politique conflictuelle », ne postulaient en rien une orientation contrainte vers le compromis, qu’il soit fondé sur les intérêts ou sur la morale. Voir Julien Freund, Sociologie du conflit, Paris, PUF, 1983; Christian Thuderoz Christian, Négociations. Essai de sociologie du lien social, Paris, PUF, 2000.
20 William Genieys, Andy Smith, François Baraize, Alain Faure, Emmanuel Négrier, « Le pouvoir local en débats. Pour une sociologie du rapport entre leadership et territoire », Pôle Sud, 13, 2000, p. 103-119.
21 Établissement Public de Coopération Intercommunale. EPCI est l’acronyme générique donné aux intercommunalités françaises.
22 Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple.
23 Genieys, Smith et al., 2000, op. cit.
24 Frederick-G. Bailey, Les règles du jeu politique, Paris, PUF, 1971.
25 James Mc Gregor Burns, Leadership, New York, Harper and Row, 1978.
26 Montpellier est, historiquement, une émanation urbaine du chef-lieu de canton, Mauguio.
27 François Baraize, « Quel leadership pour les agglomérations françaises ? », Sciences de la Société, 53, 2001, p. 43-62.
28 On renverra là à certaines de nos analyses précédentes : Emmanuel Négrier, « Leadership, territoire et société », Sciences de la société, 53, 2001, p. 63-82.
29 Emmanuel Négrier, « Les nouveaux fiefs. Les élections municipales de 2001 », Pôle Sud, 15, nov. 2001.
30 Évelyne Ritaine, « Territoire: espace du jeu politique », Quaderni, 13-14, 1991, p. 39-53.
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