4. Le gouvernement urbain saisi par l’internationalisation
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Texte intégral
1S’interroger sur l’internationalisation comme phénomène de changement dans le gouvernement des villes françaises1 renvoie à une exigence de clarification des concepts dans et par la comparaison historique.
2Ce concept peut être commode pour rendre compte de certains changements sociaux. Il peut permettre de guider l’approche à un premier stade, mais doit nécessairement être précisé, spécifié pour cerner des cas concrets (Bendix, 1968). Il doit donc être possible de mieux caractériser les changements que l’on recouvre sous le terme d’internationalisation. Il est surtout indispensable de définir le contexte pertinent pour l’analyse, ce qui nous renvoie à l’exigence comparative, car « en quelque science sociale qu’ils opèrent, les concepts sociologiques ne peuvent être éprouvés, densifiés, rectifiés, généralisés qu’au travers de la comparaison historique » (Passeron, 1998).
3La démarche va donc consister à spécifier le concept et à montrer en quoi il peut permettre d’éclairer certains changements à l’œuvre dans le gouvernement des villes. Un usage incontrôlé de termes comme l’internationalisation des villes pourrait en effet rapidement nous faire perdre de vue que la ville est depuis longtemps un espace de production des échanges internationaux, qu’il s’agisse de migrations, de commerce ou de relations intellectuelles et artistiques.
4Pour définir le concept d’internationalisation, on peut revenir à la théorie de l’échange énoncée par Georg Simmel dans la Philosophie de l’argent (1987) Pour ce dernier, l’échange résulte d’un investissement psychique et produit une valeur. L’usage de l’argent, en mettant en relation des valeurs subjectives, transpose la valeur à un niveau objectif, qui tend à s’autonomiser. La monétarisation peut donc se comprendre comme inversion de l’argent de moyen en fin. Ce processus tend à niveler les différences qualitatives de valeurs, et à réifier les rapports sociaux, en ce qu’il réduit les individus à des rôles. Dans la mesure où les deux dernières décennies ont été marquées par une ouverture croissante de la circulation monétaire, nous comprendrons l’internationalisation non seulement comme un élargissement des espaces d’expériences dans l’ordonnancement des activités sociales, mais aussi comme une dynamique d’objectivation de la valeur des échanges internationaux. Lorsqu’on étudie l’évolution des échanges internationaux formés par les élites urbaines, on perçoit cette tendance à l’uniformisation du « désir d’international » et à sa réduction en profit économique. Ces changements impriment à la conduite des affaires publiques de la ville une quête de finalités rationnelles, le plus souvent définies par les individus comme des « exigences de l’environnement international ». Théoriser cette « exigence » en la naturalisant sous la forme d’une nécessité fonctionnelle conduirait à ne pas interroger ce passage de la valeur des échanges internationaux à un niveau objectif. Or ce phénomène éclaire tout à la fois l’évolution du sens attribué à ces échanges et la redéfinition des rôles sociaux qu’elle induit dans le gouvernement des villes.
5Suivre cette piste suppose de limiter la portée de l’analyse à des cas précis, et de garder à l’esprit que cette dynamique de changement résulte de l’échange plutôt qu’elle ne le détermine.
6Les travaux consacrés à ce sujet n’évitent pas toujours l’explication des changements urbains d’après de supposées nécessités fonctionnelles posées par les transformations des systèmes productifs ou des institutions européennes. Cette lecture fonctionnaliste présente le double défaut d’endogénéiser les évolutions de l’ordre économique et de rabattre les processus d’internationalisation sur ce seul plan, en réduisant la complexité des relations par lesquelles se sont opérés ces changements.
7Mieux vaut donc comprendre l’internationalisation comme un concept dynamique susceptible d’éclairer les processus caractéristiques d’une nouvelle séquence historique du gouvernement des villes, que de la considérer ex post comme une dynamique historique expliquant ce changement.
8Pour comprendre en effet cette séquence du gouvernement des villes, il faut recourir à un autre jeu de contrast-conceptions, de conceptions contrastées (Bendix, 1968). C’est pourquoi, par la comparaison historique, nous décrirons la dynamique de changement que représente le gouvernement urbain comme l’émergence d’un nouveau modèle de gouvernement des villes françaises2 (1). À cette condition seulement, il sera possible de jalonner l’analyse en opérant des coupes synchroniques dans la continuité des différentes temporalités historiques. Le travail de coupe permettra de figer un contexte historique pour situer les cas qui confèrent une portée heuristique au concept dynamique d’internationalisation défini précédemment. Seront ainsi étudiées, l’une après l’autre, les deux dimensions concomitantes d’un même processus de changement : l’évaluation économique et esthétique de l’international (2) et sa réduction à des rôles sociaux (3).
Modernisation municipale et gouvernement urbain : deux modèles historiques de gouvernement des villes
9Dans le cadre d’une comparaison historique du gouvernement des villes françaises depuis la fin du Second Empire (Vion, 2001), trois modèles historiques ont été définis. Le premier, le modèle républicain, a son apogée au tournant du XXe siècle. Il se caractérise par un ensemble de relations politiques dominé par la compétence juridique et organisé territorialement par le découpage communal. Au cœur de ces relations, le maire, fort de sa légitimité élective, et le préfet sont les pivots du système en garantissant l’ordre, en exerçant un pouvoir hiérarchique sur les administrations et en définissant les besoins collectifs de la population. L’autonomie et l’innovation urbaine s’appuient sur des investissements qui ont pour base fiscale la consommation. L’organisation municipale reste empirique, mais le dynamisme des relations contractuelles et des interventions publiques est l’enjeu de multiples débats juridiques qui soulignent la tension entre une dynamique de matérialisation du droit et un combat des juristes pour la préservation de ses qualités formelles.
10La réforme de l’État amorcée dans l’entre-deux-guerres et accélérée après 1945 (planification et rationalisation des choix budgétaires, réévaluation du rôle de l’exécutif, montée en puissance des grands corps) contribue à l’émergence d’un autre modèle, que l’on peut appeler la modernisation municipale. Ce modèle est dominé par une rationalisation de l’équipement urbain qui s’appuie sur la compétence technique des grands corps et qui est financée par la Caisse des dépôts, ses filiales et ses SEML, sous l’influence des ministères, qui établissent ainsi un lien entre prêt et subvention. Dans ce contexte où l’ensemble des besoins liés à la croissance urbaine est défini sur le mode de l’équipement (ZUP, ZAC, stations d’épuration, centres d’incinération, écoles, lycées, centres sociaux, maisons de quartiers, bibliothèques pour tous, maisons de la culture, équipements sportifs, crèches, etc.), les municipalités voient émerger le rôle sectoriel des adjoints, et s’appuient sur des groupes intermédiaires en faisant participer les associations à la formulation des programmes. Les maires multiplient les investissements politiques (SEML, présidences de conseils d’administration d’établissements publics et d’associations paramunicipales), et cumulent les mandats pour pérenniser le contrôle de leur entreprise politique. Les villes qui s’approchent le plus du type pur (Grenoble, Rennes) sont celles où le dynamisme bâtisseur et le pluralisme associatif s’inscrivent dans des cadres d’expression participatifs et se conjuguent avec le dynamisme des maires dans leurs négociations avec les administrations centrales.
11Mais les changements institutionnels des années quatre-vingt ont favorisé l’émergence d’un nouveau modèle de gouvernement des villes que l’on peut appeler, à la suite de Dominique Lorrain, le « gouvernement urbain », et qui se caractérise par les modes d’organisation suivants : un renforcement des pouvoirs d’agglomération (Lefèvre, 1998 ; Négrier et Baraize, 2001), la délégation de la gestion des services urbains à des grands groupes en plein développement international (Lorrain, 1995a), un recours croissant à des relations d’expertise professionnelles (Legavre, 1994 ; Massardier, 1996 ; Saint-Martin, 1999 ; Pinson et Vion, 2000), le développement des sociétés d’économie mixte locale (Caillosse, Le Galès et Loncle-Moriceau, 1997) et des partenariats public-privé (Heinz, 1993), la multiplication des interventions économiques par des aides directes et indirectes, la contractualisation des relations entre institutions dans un cadre décentralisé (Gaudin, 1999a ; Gilbert et Thoenig, 1999), une plus grande autonomie financière dans un contexte de globalisation des concours financiers de l’État et des emprunts locaux, la définition de projets de villes à l’appui de la planification urbaine (Padioleau, 1991 ; Pinson, 1999).
12Ce modèle n’embrasse pas, à lui seul, toutes les dimensions du gouvernement des villes contemporain3, mais il permet de rendre compte des changements les plus saillants. Or le concept d’internationalisation peut éclairer bon nombre de ces changements.
Un phénomène du gouvernement urbain : l’évaluation économique et esthétique de l’international
13L’intervention des pouvoirs publics locaux dans les échanges internationaux remonte à la fin des années quarante, avec la multiplication des échanges scolaires, sportifs, culturels et autres dans le cadre des jumelages. Les élus français ont été particulièrement actifs dans ce domaine, en créant des associations spécialisées, en multipliant les appariements, en suscitant et en soutenant les initiatives scolaires et associatives. Ces mobilisations prennent leur sens à partir de l’enjeu des amitiés internationales pendant la guerre froide. Les formations politiques pro-européennes ont développé les jumelages avec l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, et la Grande-Bretagne, pendant que les élus communistes, progressistes ou neutralistes tentaient d’organiser les liens avec les démocraties populaires. Ces mobilisations politiques ont trouvé des prolongements à la fin de la guerre froide dans des mouvements de solidarité avec les pays d’Europe centrale et orientale.
14Au cours de ce demi-siècle, l’organisation de la vie communale par les jumelages a ainsi spectaculairement augmenté les contacts internationaux des cercles composant les localités et produit de nouvelles valeurs politiques favorisant l’ouverture et la démocratisation des relations internationales. Si ces échanges internationaux ne sont quasiment jamais pris en compte dans l’analyse des processus d’internationalisation, c’est parce qu’ils sont plus évalués par les individus en termes qualitatifs, par leur valeur intersubjective, qu’en termes de mesures sociales ou monétaires. En ce sens, ils échappent en grande part à la quantification et au calcul économique – pour lequels ils sont « quantités négligeables ». Pourtant, il va sans dire que ces échanges ont favorisé et favorisent encore le sentiment d’appartenance à une communauté internationale.
15Néanmoins, le caractère exclusif de l’intervention dans cette forme d’échanges internationaux n’est plus aujourd’hui que l’apanage des municipalités des bourgs et des villes moyennes. Dans la conduite des affaires publiques des grandes villes, cette forme d’échanges demeure aussi, plus ou moins sporadiquement. Mais la valeur des échanges internationaux est de plus en plus indifférente à la particularité individuelle et, au contraire, de plus en plus objectivée sur le mode de l’évaluation économique et esthétique.
L’objectivation de la valeur des interconnexions : les grandes opérations urbaines
16Une première dimension de cette objectivation réside dans la réalisation de grandes opérations d’aménagement conduites par les administrations urbaines et leurs principaux partenaires économiques (CDC, banques, promoteurs, CCI, etc.) pour valoriser l’accélération des connexions avec le Bassin parisien et les grands aéroports internationaux. À l’occasion de la mise en service de gares TGV (Rennes, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille) ou de lignes aériennes internationales (Mont pellier, Strasbourg, Clermont-Ferrand), l’investissement dans l’immobilier d’affaires et les infrastructures d’accueil (lieux de congrès, etc.) a été conçu comme un enjeu prioritaire dans la perspective de l’ouverture croissante des échanges.
17Depuis le début des années quatre-vingt, la mobilisation des acteurs urbains sur une problématique de développement local a en effet favorisé la multiplication de situations d’expertise économique et l’institutionnalisation de nouveaux cercles économiques comme les technopoles ou les comités de prospective. À partir de la relance européenne constituée par la négociation de l’Acte unique, ces cercles se sont mobilisés pour prendre des initiatives politiques destinées à anticiper et à tirer profit de la libéralisation des échanges et de la décentralisation des institutions européennes. Ces mobilisations ont principalement eu pour effet de redéfinir les politiques foncières et immobilières des villes, avec l’aménagement de quartiers « à vocation internationale » réalisés dans le cadre de zones d’aménagement concerté gérées par des sociétés d’économie ou déléguées à des grands groupes.
18À Lyon, le départ de la foire vers la périphérie en 1983 a été le point de départ d’une grande opération d’urbanisme d’abord centrée sur la réalisation d’un nouveau palais des Congrès et d’un pôle tertiaire destinés à « insérer Lyon dans le concert des grandes villes européennes ». La ville cède alors les terrains à une SEM qui vend la charge foncière, la SARI de Christian Pellerin étant chargée de la réalisation du nouveau quartier d’affaires. En 1989, la SEM passe la main à la SARI qui doit assurer la réalisation et la gestion déléguée du palais des Congrès. Le projet est rebaptisé Cité internationale. Mais à peine la convention d’aménagement signée, la crise immobilière oblige la SARI, au bord de la faillite, à se désengager. Le projet est cédé en 1992 par bail à construction à un autre aménageur privé, Spaicil, une filiale du groupe Générale des Eaux, dans le cadre d’une ZAC conventionnée de 30 hectares : palais des Congrès, bureaux, musée d’Art contemporain, cinéma, hôtel de luxe. Puis la poursuite de l’aménagement de la ZAC est confiée en 2000 à la SEM Cité internationale, une société d’économie mixte associant notamment la Communauté urbaine de Lyon (COURLY), la ville de Lyon, Dexia, Vivendi, qui entreprend d’étendre la Cité de 144000 m2, soit 224000 m2 en 2005.
19À Lille, la mobilisation des années quatre-vingt en faveur du passage du TGV a porté un coup d’accélérateur au rapprochement avec les milieux d’affaires. La politique gouvernementale de Pierre Mauroy relançant le projet de tunnel sous la Manche a eu pour effet d’instaurer un nouveau climat de confiance avec le patronat local, très impliqué dans les relations commerciales franco-britanniques. Au milieu des années quatre-vingt, la mobilisation des responsables politiques et économiques de la région dans une association Lille-gare TGV a accentué ces rapprochements. Le succès de cette mobilisation en 1986 a entraîné une importante réflexion d’aménagement urbain destiné à développer un grand quartier d’affaires autour de la nouvelle gare. Cette politique ambitieuse a été principalement initiée par une mission dirigée par un ancien conseiller de Pierre Mauroy à Matignon, Jean Peyrelevade, désigné par la suite président de l’UAP. Cette mission a mobilisé les multiples réseaux de Peyrelevade dans les milieux bancaires et débouché sur la constitution d’une société d’économie mixte impliquant la Communauté urbaine, la Chambre de commerce et d’industrie, la Caisse des dépôts et consignations et les banques Indosuez, Scalbert Dupont, Crédit lyonnais, Banque populaire du Nord. Cette société a mis en œuvre une grande opération d’urbanisme baptisée Euralille.
20La même logique a prévalu à Marseille avec l’opération Euromed, dans la perspective de la mise en service du TGV Méditerranée. Les relations d’expertise ont d’ailleurs fait intervenir des agents ayant opéré à Lille. Ces grandes opérations d’urbanisme sont bien connues. Partout, elles ont accéléré l’institutionnalisation d’un pouvoir économique d’agglomération en suscitant de multiples négociations entre les élus locaux, débouchant sur des emprunts communautaires et la création de SEML impliquant les établissements publics intercommunaux. Ainsi, à Lille, l’accord politique sur le financement d’Euralille par la Communauté urbaine a été obtenu sur la base de contreparties : financement du projet de centre d’affaires basé sur les télécommunications à Roubaix (Eurotéléport), de la technopole de Villeneuve-d’Ascq, etc.
21Cette mutation politique et ses nombreux effets constituent la dimension urbaine de l’institutionnalisation de l’espace et du marché européen. C’est en effet dans cette dynamique que se développe le sentiment de la compétition entre les villes, avec pour corollaire une demande de formalisation et d’opérationnalisation des savoirs de l’internationalisation des villes. Cette dynamique est d’ailleurs largement favorisée par les institutions européennes, dans le cadre de la politique des fonds structurels. À Lille, la Communauté urbaine de Lille et quatre organisations intercommunales belges : IDETA (Tournai), IEG (Mouscron), LEIEDAL (Courtrai), WIER (Bruges) se regroupent, en 1991, au sein d’une Conférence permanente intercommunale transfrontalière afin de promouvoir des projets de coopération dans le cadre des financements européens INTERREG I. L’agence de développement et d’urbanisme, qui est fondée en 1990, intervient dans cette procédure comme appui prospectif et sollicite à cet égard l’expertise d’un professeur de géographie et d’aménagement régional de l’université de Lille 3, Charles Gachelin, qui envoie une trentaine d’étudiants en mission dans des villes étrangères pour y analyser les processus d’internationalisation (ADU, n° 66, 1992 ; Gachelin, 1992). Ces réflexions, qui renvoient en large part au projet New International Cities Era piloté par l’universitaire canadien Panayotis Soldatos, orientent l’agence vers la commande d’un diagnostic à ce dernier. Dans la droite ligne de ses réflexions sur la masse critique des villes et l’importance de l’offre de transports, Soldatos prône d’abord la réalisation d’une conurbation transfrontalière susceptible de mettre en réseau les aéroports, voies ferrées et autoroutes de la Région, et financée par les programmes interrégionaux européens (Soldatos, 1992). Après avoir commandé des études de faisabilité à des cabinets de conseil et des études cartographiques à l’IGN (ADU, n° 66, 1992 ; n° 177, 1993), les responsables de l’agence d’urbanisme formalisent des priorités pour la coopération transfrontalière (ADU, n° 223, 1994). La COPIT devient ainsi un outil de collaborations techniques d’informations spatiales et économiques, qui développe de nombreuses études sur la valorisation des zones frontalières et la multimodalité des activités de transport.
22Ces réflexions sont diffusées par les professionnels des agences aux Assises de la métropole tenues en 1992 et 1998 afin de définir les stratégies à 20 ans. Ces points sont largement repris et approfondis dans les débats du comité Grand Lille, composé d’élus locaux chargés du développement économique et d’universitaires ; ce comité d’une soixantaine de personnes a été créé en 1991 à l’initiative d’un club de chefs d’entreprises, le club Gagnants, et de l’Agence pour la promotion internationale de la Métropole lilloise. Ses travaux ont orienté les mobilisations vers des diagnostics économiques plus ciblés. Dans cet ensemble de relations d’expertise fortement influencé par les expériences nord-américaines, l’accent a d’abord été porté sur les infrastructures et les interconnexions, imposant, comme dans la plupart des grandes villes, la norme selon laquelle « l’ouverture internationale est avant tout un enjeu logistique4 ». Puis ces relations se sont spécialisées et localisées en fonction des problèmes de mise en œuvre des stratégies définies, selon un processus que nous avons déjà décrit (Pinson et Vion, 2000).
23Toutes ces réflexions ont contribué à objectiver la valeur des échanges internationaux par la mesure, le calcul, l’anticipation de profits. Par ce type de relations, la dimension objective de l’internationalisation prend son essor dans la rationalisation des succès, la hiérarchisation des critères, la modélisation des contraintes : autant de mesures au service d’un savoir-faire managerial. Toutes ces entreprises de réduction de valeurs qualitatives en valeurs quantitatives font émerger le projet comme méthode de gouvernement (Padioleau, 1991 ; Pinson, 1999, etc.). Le postulat de la rationalité des décisions inscrit celles-ci dans un temps non-historique, que Jean-Pierre Dupuy appelle le « temps du projet » (Dupuy, 1994), et qui suppose un pouvoir contrefactuel sur le passé, puisque les acteurs sont censés avoir agi en fonction d’un savoir dont ils connaissaient l’efficacité, mais auquel ils n’avaient pas accès. En réalité, cette dimension objective de la méthode constitue une rationalisation a posteriori, dans la mesure où les acteurs ont moins mis en œuvre une stratégie rationnelle qu’ils n’ont « fabriqué de l’internationalité » en mobilisant des interventions ayant fait leur preuve à l’étranger. L’exemple des quartiers d’affaires illustre ce phénomène.
L’art d’internationaliser les quartiers d’affaires
24Si l’on analyse historiquement la conduite de ces grands projets, on s’aperçoit que l’objectivation de leur valeur internationale s’est produite empiriquement dans la formulation de nouveaux besoins économiques et esthétiques.
25La dimension esthétique de l’internationalisation réside avant tout dans la transnationalité des interventions architecturales.
26Si l’on prend le cas d’Euralille, on s’aperçoit que les contacts noués de longue date, dans le cadre du jumelage, entre les élus de Lille et de Rotterdam, ont orienté les voyages d’études vers la cité hollandaise. Cette préconnaissance des expériences urbanistiques menées à Rotterdam, au début des années quatre-vingt, a orienté le choix du jury vers l’architecte Rem Koolhaas, fondateur de l’Office for Metropolitan Architecture de Rotterdam et principal artisan de la transformation urbaine de la ville. Tandis que l’intervention à Lille contribuait à consolider la réputation internationale de l’architecte, celui-ci s’entourait de collègues français et étrangers tout aussi réputés pour leur expérience internationale de la commande publique : Jean Nouvel, Christian de Portzamparc, Kazuo Shinohara, etc.
27Cette logique de promotion d’architectes étrangers activée dans la plupart des grandes villes françaises (Boffill à Montpellier ; Piano à Lyon ; Kurokawa, Gregotti, Foster à Nîmes, etc.), auxquels on peut ajouter les architectes français jouissant d’une réputation internationale (Nouvel à Lyon, Nîmes, Bordeaux, Portzamparc à Lille, Rennes, etc.), garantit l’originalité des édifices de la « cité internationale ». Les discours médiatiques objectivent la plus-value du « geste architectural » qui tient dans l’affirmation d’une singularité par des formes pures, réduites à la géométrie. La rationalisation volumétrique fait ainsi émerger une nouvelle écriture architecturale fondée sur la technique de l’épure, et rendue possible par la sophistication des techniques chimiques du béton et du verre et des techniques informatiques de dessin. On sait que Weber considérait plus la ville contemporaine comme un objet d’analyse de la rationalisation de la culture et des formes esthétiques que comme un enjeu de sa recherche sur les types de légitimité (Bruhns, 1988). En ce sens, l’intérêt de Weber pour la ville contemporaine est plutôt à rapprocher de sa Sociologie de la musique. Une sociologie de la rationalisation de l’architecture poursuivrait utilement cette réflexion. Quoi qu’il en soit, toutes ces nouvelles formes architecturales accentuent la distance psychique dans l’expérience esthétique de la ville en accusant le contraste entre le passif d’un site marqué par sa fonctionnalité et l’originalité du nouveau paysage créé par l’intervention d’un artiste jouissant d’une réputation internationale. G. Simmel avait montré que l’éloignement de la nature imposé par l’économie monétaire et la vie citadine avait rendu possible le sentiment esthétique à travers la naissance de la peinture de paysage, puis de l’émergence du sentiment romantique. La circulation des hommes et des images prolonge aujourd’hui ce phénomène dans l’éloignement des objets urbains eux-mêmes, qui se traduit par une appréciation esthétique de la ville par les élites les plus mobiles. L’émergence d’un discours critique élitaire sur la ville et ses nouveaux objets architecturaux ne s’accompagne évidemment pas d’une adhésion unanime. Au contraire, on s’aperçoit que chaque nouveau projet suscite des réactions contradictoires. À Rennes, par exemple, à propos du projet de Nouvel équipement culturel dessiné par Christian de Portzamparc, une vraie ligne de fracture apparaissait dans les cahiers d’exposition entre les commentaires experts et les réactions parfois vives des habitants (Toutain, 2001). Ces formes de rejet esthétique en quête d’expression publique ne sont pas sans rappeler celles qui visent l’art contemporain (Heinich, 1998).
28Mais cet investissement esthétique produit de l’internationalisation dans la mesure où la croyance dans cette productivité se double précisément d’efforts pour attirer les élites mobiles, à travers la recherche d’investisseurs étrangers, la valorisation des congrès internationaux, la compétition pour l’accueil des organisations européennes.
29Ainsi, la volonté d’internationaliser le nouveau quartier d’affaires de Lyon a conduit les élus à se mobiliser pour accueillir des grands événements internationaux comme le G7 au palais des Congrès, mais surtout pour répondre à l’appel à candidature de transfert du siège d’Interpol, puis, une fois cette opération réalisée, pour déléguer la gestion d’infrastructures de luxe (hôtel quatre étoiles, casino) à des grands groupes spécialisés dans la gestion multinationale de ces activités (Hilton, Partouche). L’implantation de telles infrastructures a été conçue comme un moyen d’attirer les investisseurs et les joueurs du monde entier à la Cité internationale.
30Par ailleurs, les nouvelles politiques urbaines, axées sur l’offre d’immobilier d’affaires, ont incité les collectivités locales à développer des structures centrées sur la recherche d’investissements étrangers. À Lille, la CCI et la CUDL ont créé, en 1984, une agence de promotion internationale de la métropole vouée à la recherche d’investisseurs étrangers. Cette agence a été particulièrement active dans la prospection des entreprises pour la commercialisation des locaux d’Euralille, en organisant des missions de prospection à Londres, Paris et Amsterdam et des opérations de promotion basées sur l’invitation de chefs d’entreprise à Lille (arrivée en TGV, visite d’Euralille et conférence au World Trade Center, concert de l’orchestre philharmonique, retour dans la soirée par TGV).
31Ces recherches d’investisseurs étrangers décentralisent des activités longtemps concentrées dans les mains des agences régionales de la DATAR. Une nouvelle relation s’est progressivement instituée entre agences afin de réorienter la politique d’implantation vers les grandes villes. Tout cela donne lieu à de multiples entreprises d’évaluation économique des investissements étrangers par domaines d’activités, par pays d’origine, par commune d’implantation, etc., en lien avec les bureaux d’études et les centres universitaires. Ces évaluations orientent les recherches actives d’investisseurs. Les recherches s’appuient en bonne partie sur la mobilisation d’informations économiques issues de la presse économique, de missions directes à l’étranger, et de contacts privilégiés avec les cercles de migrants. Les agents impliqués dans ces activités insistent en effet sur le rôle stratégique des sociabilités formées par les associations de migrants, qu’ils essaient de mobiliser fortement sur cet objectif. À Lille, le club d’amitié Buffalo-Lille est ainsi régulièrement aidé par l’APIM (secrétariat, matériel, etc.). À Rennes, le directeur de l’Institut franco-américain et l’association Bretagne-Japon sont régulièrement impliqués dans ce type d’activités et dans les négociations qu’elles suscitent. Toutes ces opérations de recherche d’investisseurs sont basées sur des techniques de management qui insistent sur la concision des informations, la maîtrise des langues, mais aussi, et surtout, la vitesse d’exécution et la synchronisation des interventions. En cela, les processus d’internationalisation peuvent aussi recouvrir une « transformation de la contrainte externe, exercée par l’institution sociale du temps, en un certain type de conscience du temps » (Elias, 1996).
32La constitution d’un milieu local ouvert à des formes d’immigration privilégiées suscite aussi une plus grande sensibilité à des pratiques rompant avec les institutions et les hiérarchies nationales. Comme le suggère Anne-Catherine Wagner (1998) : « L’intégration dans le milieu des affaires internationales requiert l’adoption de normes de comportement, de codes de sociabilité, et finalement de tout un style de vie indissociable des contraintes professionnelles. » Alors que ces revendications particulières introduisent des nouvelles formes de sélectivité sociale, elles participent à la valorisation d’un espace, en impliquant de nouvelles élites habituées à comparer les lieux de vie, à jouer avec la diversité des cultures et à les hiérarchiser.
33Ces quelques exemples illustrent la portée du concept d’internationalisation pour la compréhension de certaines évolutions du gouvernement des villes. Si l’on suit le lien qu’opère G. Simmel entre objectivation des valeurs et réduction des échanges interpersonnels à des rôles, on peut maintenant essayer de comprendre quelques mutations des relations sociales orientées vers le gouvernement des villes.
L’international et la redéfinition des rôles dans le gouvernement des villes
34Les relations structurées par les processus d’internationalisation décrits cidessus ont pour effet d’institutionnaliser de nouveaux rôles dans le gouvernement des villes. Cette dimension sociale du changement fait évoluer les frontières de compétences intra-professionnelles et réduit l’autonomie des élus dans la mise sur agenda des grands projets.
Les nouveaux rôles professionnels de l’internationalisation
35La définition des enjeux de rayonnement international des villes concerne au premier chef, dans chaque profession, les acteurs les plus proches des procédures publiques de contractualisation (géographes, économistes, architectes, consultants, programmateurs culturels, etc.) ou les plus impliqués dans des partenariats publics-privés (universitaires, ingénieurs, agents de développement local, etc.).
36Si l’on s’intéresse à la formalisation des savoirs de l’internationalisation des villes, on s’aperçoit que deux groupes ont joué un rôle-clé au tournant des années quatre-vingt-dix : les consultants et les géographes. Denis Saint-Martin (1999) a montré comment les cabinets de conseil en management public ont d’abord, au début des années quatre-vingt, développé leur clientèle au sein des collectivités locales, avant de « remonter » vers les administrations centrales pour promouvoir une méthode de réforme. C’est dans ce mouvement que l’on peut comprendre la structuration de nouveaux rôles de l’internationalisation des villes. L’État a en effet légitimé certains professionnels en leur reconnaissant une mission spécifique. À la fin des années quatre-vingt, le groupe de conseil TEN, dirigé par Claude Neuschwander, ancien PDG de Lip, proche de Michel Rocard, trouve dans la promotion de ces enjeux un prolongement naturel de ses multiples activités de conseil aux élus locaux en faveur de projets de développement des nouvelles technologies. Ces activités sont basées sur un travail d’importation des savoirs constitués dans les parcs technologiques américains, qui s’appuie notamment sur une collaboration avec Triade, une association de consultants spécialisés dans les partenariats de recherche-développement et les alliances entre PMI françaises et américaines. À l’occasion d’une démarche de diagnostic des atouts de Strasbourg dans la dynamique d’ouverture européenne, ces professionnels offrent une tribune de choix à Panayotis Soldatos, fondateur au début des années quatre-vingt du programme New International Cities Era. Devant le public de professionnels rassemblé au cours d’un grand colloque organisé à Strasbourg en décembre 1988 par la DATAR, la ville de Strasbourg, le conseil régional d’Alsace et Triade, P. Soldatos vient développer ses treize critères pour une ville internationale. Ces critères font l’objet d’une appropriation rapide par le milieu des aménageurs urbains, à Lyon, à Lille, à Strasbourg, etc. Dans cette période, le pôle de recherche de la DATAR signe avec quelques collectivités (Toulouse, Montpellier, Nîmes, Rennes) des contrats d’études qui apportent des débouchés aux consultants, notamment TEN et Soldatos.
37Dans le même temps, l’enjeu d’internationalisation des villes fait évoluer les rôles professionnels des géographes. Les géographes, rassemblés au sein du GIP-RECLUS, développent de nombreux travaux sur le sujet, visant à définir une hiérarchie des pôles d’internationalisation et à cartographier leurs résultats. Ces travaux, dont le principal résultat cartographique a été vulgarisé sous le terme de « banane bleue », ont été réalisés à la demande la DATAR et ont bénéficié d’une large publicité : colloques, articles dans les journaux et les revues spécialisées, etc. Dans son travail sur la DATAR, Gilles Massardier a largement rendu compte des relations suivies entre cette administration et les « nouveaux géographes », fondateurs de la revue L’Espace géographique, héritiers des travaux d’économie spatiale ayant inspiré la fameuse politique des « métropoles d’équilibre » en 1970. À partir du milieu des années soixante-dix, ces nouveaux géographes ont en effet consolidé leurs positions professionnelles dans les institutions d’enseignement et de recherche (facultés, CNRS et instituts d’aménagement), dans les revues, dans les groupes de travail, comités scientifiques et cabinets ministériels. Ils ont ainsi organisé une nouvelle profession de géographe, bénéficiant largement de la contractualisation de la recherche. G. Massardier a ainsi montré comment le géographe Roger Brunet, fondateur de L’Espace géographique, membre des commissions de réflexion du PS dans les années soixante-dix, directeur des SHS au ministère de la Recherche de 1981 à 1984, avait mis à profit cette expérience pour constituer le GIP-RECLUS, un groupement rassemblant une ving-taine d’institutions (administrations locales et nationales, établissements de recherche). L’enquête du GIP-RECLUS sur les villes européennes conforte en bonne partie les premières initiatives de diagnostic des positions internationales des villes. Dès son entrée en fonction, au printemps 1988, le ministre de l’Aménagement du territoire du gouvernement Rocard, Jacques Chérèque, donne ainsi son accord pour l’élaboration d’une politique dite de « chartes d’objectifs pour le positionnement international des villes », définie par le Comité interministériel d’aménagement du territoire de janvier 1990, et visant à promouvoir les démarches de projets stratégiques dans quelques grandes agglomérations françaises (Lyon, Marseille, Strasbourg, Lille, Bordeaux, Montpellier, Toulouse, Nantes-Saint-Nazaire, Rennes).
38La plupart de ces villes rejoignent Eurocités, une association de villes européennes constituée par les maires de Barcelone et Rotterdam pour développer les échanges d’expériences et intensifier le lobbying des maires de grandes villes auprès de la Commission européenne. Eurocités, fondée en 1989, est devenue en dix ans le principal vecteur de diffusion de la méthode du « projet de ville », méthode censée favoriser un consensus local sur les stratégies d’internationalisation à long terme. L’apparition récente d’un nouveau savoir portant sur l’internationalisation des villes ne doit pas conduire à une surestimation du rôle des réseaux transnationaux d’expertise dans les changements institutionnels locaux (Pinson et Vion, 2000). L’administration centrale, en France, a joué un rôle de légitimation des professionnels, par la reconnaissance officielle de leur mission. De plus, l’expertise n’a provoqué des changements que lorsque les savoirs ont été opérationnalisés par les aménageurs urbains.
39Le rôle des agents de développement et d’urbanisme apparaît ici comme un rôle clé, comme l’a illustré l’exemple des Assises de la Métropole de Lille. Ces professionnels jouent un rôle de médiation important, dans la mesure où ils affinent les diagnostics et exercent une forte influence sur la commande de prestations à d’autres professionnels, comme les économistes, les urbanistes, etc., dans le cadre des procédures publiques de contractualisation.
40Dans ces choix, le critère réputationnel apparaît le plus souvent comme prédominant. Pour comprendre les évolutions intraprofessionnelles que recouvrent de telles relations, l’exemple des architectes est sans doute le plus parlant. François Champy (1998) a ainsi souligné qu’au milieu des années quatre-vingt-dix, 80 % des commandes publiques étaient réalisées par moins de 5 % des architectes installés en France. La sélectivité des procédures a en effet créé un ensemble de codes de sociabilité mondaine (invitations, réceptions, visites, etc.) et de contraintes professionnelles (multiplication des publications, association avec des professionnels de la photo, du graphisme, du design, de la sémiologie, de la scénographie, etc.) qui ont fait de cette minorité les « architectes stars de la commande publique » (Biau, 1998).
41Tous ces nouveaux rôles professionnels de l’internationalisation font évoluer le gouvernement des villes vers un nouveau type de légitimité. Pour comprendre ce phénomène, le concept de « professionnalisme », développé par le sociologue américain Eliot Freidson (1998), apporte un éclairage intéressant. Selon lui, le professionnalisme est un type idéal d’organisation rationnelle du travail qui contraste nettement avec le modèle bureaucratique. Les praticiens y ont une plus grande autonomie dans leur relation avec leurs publics et contrôlent leur travail dans la mesure où ils en déterminent le contenu. Les activités se développent à partir de mobilisations pour la reconnaissance et la protection statutaire de savoirs spécialisés. Les modalités d’habilitation et d’évaluation des pratiques sont contrôlées par des associations professionnelles.
42Sans que ce modèle soit jamais complètement à l’œuvre dans la réalité, il semble que la gestion des affaires locales soit marquée par un phénomène de professionnalisation. Le domaine culturel est sans doute l’un des meilleurs exemples du lien entre internationalisation et professionnalisation en cours dans les grandes villes : contractualisation, développement des partenariats, recours aux consultants, évaluation, pouvoir des associations professionnelles (par exemple le Syndeac), etc. La popularisation récente d’expressions comme les « domaines d’excellence » marque à la fois l’objectivation de la valeur des échanges artistiques internationaux et le privilège accordé à des diffuseurs auxquels un plus grand degré d’autonomie et de spécialisation assure une certaine autorité dans les milieux culturels et dans les médias (Vion et Le Galès, 1998).
43On est bien loin ici d’un modèle de concurrence arbitré par les consommateurs, qui expliquerait l’internationalisation des politiques urbaines en référence au marché. En cela, on peut dire que les changements institutionnels, même s’ils accompagnent ou soutiennent les mutations profondes des modes de production et d’échanges, ne sont pas complètement déterminés par eux. Mais il est certain, par contre, que la multiplication des investissements professionnels sur des problématiques d’internationalisation des villes, en ce qu’ils conduisent à adapter la gestion urbaine aux exigences d’une nouvelle élite économique, réoriente les priorités d’action et réduit l’autonomie politique des élus urbains. L’exemple de Lille 2004 illustre ces nouvelles relations politiques.
Rôles et agenda politique : l’exemple de Lille 2004
44Le cas de la candidature de Lille à l’organisation des Jeux olympiques de 2004 montre comment la mobilisation intensive de professionnels structure entre les élus et ces entrepreneurs un nouveau type de relations institutionnelles caractérisées par une moindre autonomie des élus dans la mise sur agenda des opérations.
Agenda de l’opération Lille 2004
1re phase : études et constitution d’un comité d’organisation
Mai 1994 : Séminaire transfrontalier
Juin 1994 : Création de l’association Lille Europe Olympique 2004
Décembre 1994 : Annonce par le Premier ministre Édouard Balladur de la candidature de la France à l’organisation des Jeux olympiques de 2004
Mars 1995 : Voyage d’études à Barcelone
2e phase : candidature devant le Comité national olympique et sportif français
Avril 1995 : Dépôt d’un acte de candidature au Comité national olympique et sportif français par l’association LEO 2004
Juin 1995 : Réélection de Pierre Mauroy à Lille et élection à la présidence de la Communauté urbaine de Lille. Annonce officielle de la candidature de Lille à l’ouverture de la coupe d’Europe d’athlétisme au stadium nord de Villeneuve-d’Ascq
Août 1995 : Rencontre avec le ministre des Sports
Septembre 1995 : Dépôt d’un dossier de candidature au CNOSF
Octobre 1995 : Visite des membres du CNOSF au Conseil de la Communauté urbaine de Lille
Novembre 1995 : Sélection de la candidature de Lille par le CNOSF. Débat à l’Assemblée nationale sur le budget Jeunesse et Sports. Constitution d’un groupe interministériel de suivi
. Janvier 1996 : Dépôt du dossier technique au CNOSF. Visite à Lille de 22 responsables de fédérations sportives
3e phase : négociations
Février 1996 : Entretien entre le président de la CUDL et le ministre des Sports. Premier débat au conseil municipal de Lille. Invitation des associations à une concertation sur le développement durable
Avril 1996 : Rencontre entre le président de la CUDL et le Premier ministre débouchant sur un plan de financement
Mai 1996 : Séminaire de 3 jours des 11 villes candidates à Atlanta
Juin 1996 : Rapport du groupe interministériel de suivi. Vote par la Communauté urbaine de Lille d’un plan de garantie et de financement. Vote par les conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais d’un plan de financement
4e phase : lobbying et présentation de la candidature devant le CIO
Juillet 1996 : Délégation lilloise à Atlanta
Août 1996 : Entretien entre le président de la CUDL et le président de la République
Septembre 1996 : Accueil de la délégation du Comité international olympique
Février 1997 : Réception des sportifs français d’Atlanta/Visite de Lille 2004 à Lausanne
Mars 1997 : Présentation de la candidature devant le CIO. Publication de la « short list » du CIO excluant Lille et comprenant Le Cap, Athènes, Stockholm, Buenos Aires et Rome.
45Les récits produits par différents acteurs ramènent tous le lieu de naissance du projet lillois au bureau de Charles Gachelin, professeur de géographie et d’aménagement à l’université de Lille 3, impliqué dans l’impulsion et la formalisation de la charte de métropolisation de Lille. Souhaitant donner corps à l’objectif d’organiser un événement de portée mondiale, il rédige en effet un imposant rapport sur l’opportunité d’une telle candidature, inspiré par l’analyse du succès de Barcelone menée par ses étudiants. Ce rapport envisage la candidature à l’organisation des Jeux olympiques comme la traduction des objectifs de liaison entre les différents pôles de la grande métropole transfrontalière imaginée par la charte, incluant pour l’occasion les infrastructures et les capacités hôtelières de Bruxelles. Après un premier séminaire transfrontalier de la COPIT en mai 1994, l’Agence de développement et d’urbanisme de la métropole rédige un appel pour une candidature conjointe, synthétisant les arguments du rapport. Ce séminaire constitue le point de départ de la création de l’association Lille Europe Olympique 2004. Le directeur de l’agence, Francis Ampe, en assure la présidence, et sollicite les acteurs les plus impliqués dans l’animation du Comité Grand Lille. On y retrouve donc Bruno Bonduelle, PDG de l’entreprise du même nom et président de l’APIM, la chargée de communication de son groupe (consultante), des collaborateurs de l’Agence de développement, de l’Agence pour la promotion internationale de la métropole, etc. Malgré quelques premiers contacts entre l’association lilloise et les élus de Bruxelles, l’hypothèse d’une candidature conjointe est abandonnée lorsque le Comité olympique rappelle le principe formel de la compétence étatique des candidatures, et sa préférence pour des négociations singulières.
46L’Agence de développement et d’urbanisme entreprend alors l’élaboration d’un premier projet de candidature qui resserre les sites dans l’agglomération, à partir des objectifs élaborés au cours des discussions sur le schéma directeur. L’urbaniste Giuseppe Bonacorsi, artisan de ce schéma, propose une disposition des sites le long d’un axe sud-est/centre-ouest/nord-est, dit arc olympique, allant de Lesquin (aéroport) à Tourcoing, et visant à requalifier les sites jugés stratégiques. L’organisation d’un voyage d’études à Barcelone, en mars 1995, est l’occasion d’approfondir cette réflexion sur la valorisation de certains sites stratégiques.
47Après la victoire sur Lyon, en novembre 1995, l’Agence d’urbanisme approfondit les dossiers d’aménagement des sites stratégiques, et s’adjoint, site par site, les services d’une dizaine de bureaux d’études lillois. Elle choisit des architectes de renom comme Henri Gaudin, concepteur de la rénovation du stade Charléty, Pierre Parat, architecte du palais omnisports Paris-Bercy, ou Oriol Bohigas, l’architecte du village olympique de Barcelone. Pour l’analyse financière du projet, l’association Lille 2004 recourt aux services de David Smithers, le directeur financier des Jeux olympiques de Sidney, et du cabinet d’audit australien Coopers and Lybrand. On voit bien à l’œuvre la dimension réputationnelle des choix de collaborateurs.
48La professionnalisation et la technicité de l’action provoquent des conflits politiques locaux. Les associations locales se plaignent de ne pas être associées à l’élaboration du projet. La concertation, prévue par la charte, est finalement organisée sur une durée de deux mois, « compte tenu des échéances de dépôt de candidature ». Elle implique quarante-trois associations de protection de l’environnement ou d’animation des quartiers. Comme dans la négociation des politiques contractuelles (CEPEL, 1996 ; Gaudin, 1999a), le processus de décision a pour effet de sélectionner les acteurs associatifs les plus professionnalisés. À la fin de la concertation, deux associations fédératives (EDA et Nord Nature) rédigent donc une « Charte pour des Jeux olympiques durables » déplorant la brièveté du délai de consultation et exprimant des oppositions sur deux points : un projet de contournement autoroutier par le sud-est traversant des champs captants, un plan de lutte pour la qualité de l’air jugé insuffisant. Cette opposition débouche sur la publication de deux documents distincts : la Charte et un document de LEO 2004.
49La compétition internationale redéfinit donc l’organisation du pouvoir urbain en mettant au centre de la décision des acteurs organisés sur un mode professionnel.
50L’insistance sur le rôle des professionnels ne doit certes pas occulter l’implication des élus dans la candidature. Celle-ci se traduit en effet par deux années d’âpres négociations pour l’implantation des sites et le financement du projet. Néanmoins, ces relations politiques sont moins l’effet d’un choix défini dans un débat contradictoire que d’une injonction à agir produite par un jeu de mobilisation de l’opinion. En effet, jusqu’aux élections municipales de juin 1995, le travail de LEO 2004, initié un an auparavant, fait l’objet d’une communication très filtrée, qui consiste à informer partiellement les élites locales, sans donner une publicité importante au projet, afin d’éviter une politisation de l’initiative. Cette tactique est ainsi présentée par la chargée de communication de l’association :
« Notre stratégie, début 95, c’était, tout doucement, d’inoculer l’esprit olympique dans la région pour convaincre les élus. On était en campagne électorale, il y avait les élections présidentielles, les municipales, et donc forcément, derrière, la Communauté urbaine : il ne fallait pas que ce soit un enjeu politique. Donc on a eu un travail de communication extrêmement difficile. Ce qui fait qu’on ne communiquait pas. On ne communiquait pas, mais il fallait néanmoins faire monter la mayonnaise. »
51Ainsi, le projet de candidature de Lille à l’organisation des Jeux olympiques de 2004 ne fait l’objet d’aucun débat électoral, et la candidature est officiellement annoncée par Pierre Mauroy, quelques jours après son élection à la présidence de la Communauté urbaine. Cette annonce, effectuée à l’ouverture de la Coupe d’Europe d’athlétisme, est elle-même préparée de longue date par la chargée de communication, qui a recueilli le soutien officiel de Marie-Josée Pérec et toutes les accréditations nécessaires auprès des organisateurs de la compétition, pour la publicité du discours et le déploiement des emblèmes lillois dans le stade. Dans cette stratégie, même si les professionnels montrent une préférence pour une personnalité politique jouissant d’une notoriété internationale comme Pierre Mauroy, l’identité de l’élu importe relativement peu : « Si ça n’avait pas été Mauroy, c’était quelqu’un d’autre. Nous, de toute façon, on était sur des rails. Mais bon, il fallait que ce soit porté par le maire de la ville. »
52Ainsi, le travail de négociation politique proprement dit ne débute qu’après la victoire de Lille contre Lyon dans la procédure de sélection du Comité national olympique et sportif français. Cette victoire relativement inattendue place le débat public sous une double pression : d’une part, la candidature fait désormais l’objet de négociations avec le ministère de la Jeunesse et des Sports ; d’autre part, elle fait l’objet d’une médiatisation sans précédent. Alors qu’au mois d’octobre 1995, les élus se plaignaient de ne pas avoir été associés aux démarches de LEO 2004, ce nouveau contexte crée une injonction forte à défendre la candidature, aucun élu ne souhaitant prendre le risque de porter la responsabilité d’une division et d’un échec. Ainsi, même Marie-Christine Blandin, présidente écologiste de la Région Nord-Pas-de-Calais, et dirigeante d’une formation politique plutôt réservée sur le sujet, apporte le soutien de la collectivité régionale à l’entreprise. Les controverses politiques ne resurgissent qu’à la fin de l’année 1996, lorsque Pierre Mauroy négocie avec le Premier ministre Alain Juppé un plan de financement fondé sur un partage 50 % État, 50 % collectivités locales des 3,7 milliards de francs d’investissements.
53Aux débats politiques sur le coût du projet, l’association LEO 2004 répond par de nouvelles campagnes de communication orientées dans deux directions : l’emploi et le soutien de la population. Elle commande ainsi à un cabinet de consultants une étude sur la création d’emplois engendrée par la candidature et l’impact économique potentiel de l’organisation des Jeux, qui fait l’objet d’une publicité dans la presse quotidienne régionale. Elle commande aussi un sondage à l’Institut BVA, qui affirme que 88 % des Lillois soutiennent la candidature de Lille. Ce sondage sert de base à une réorientation de la stratégie de communication sur le thème de la « candidature citoyenne » (Euro-RSCG). Ce recours aux méthodes de sondage et de communication, outre qu’il correspond à une forme de fabrique de l’opinion éprouvée depuis longtemps aux États-Unis (Blondiaux, 1997), nous donne une indication intéressante sur l’évolution des formes de la démocratie locale. On voit en effet comment la production de grands événements rassembleurs tend à devenir un mode de gouvernement qui donne forme à ce que Bernard Manin appelle une démocratie du public (Manin, 1995), c’est-à-dire une démocratie basée sur un travail de production d’images et d’opinions. Cette forme contraste fortement avec la forme participative typique du modèle de modernisation municipale.
54Au bout du compte, ce travail de mobilisation ne doit pas se résumer à un coup médiatique car il a produit des effets tout à fait importants sur le contrôle de l’espace urbain. En effet, la pression de la candidature sur les élus a considérablement accéléré et réorienté les négociations engagées sur le schéma directeur. Comme l’exprime le secrétaire général de Lille : « C’est loin d’être une opération blanche. On a fait de la programmation pour dix ans en évitant des débats interminables. » Outre l’accélération de la planification urbaine, la mobilisation produit aussi une réorientation de la politique immobilière. L’analyse d’un manque de capacité hôtelière a ainsi incité les agences et les administrations urbaines à réorienter leur travail vers la recherche d’investisseurs sur un projet d’hôtel 5 étoiles et de casino à Euralille, tandis que le Casino de Lyon était délégué au groupe Partouche.
55L’exemple de la candidature de Lille à l’organisation des Jeux olympiques de Lille 2004 illustre bien le lien que l’on peut opérer entre l’objectivation de la valeur des échanges internationaux et la réduction de ces échanges à des rôles professionnels. Ce changement social ne s’opère pas sans conflits politiques locaux, et l’on a pu observer dans les années qui ont suivi l’opération une volonté politique de revenir à des formes de participation plus traditionnelles, sous la forme d’un comité consultatif associant des responsables d’associations de quartiers et des acteurs socioéconomiques locaux comme les syndicalistes, les commerçants, etc. Il ne s’agit donc pas de considérer l’internationalisation comme un processus continu. Comme toute forme d’apprentissage, ce type d’expérience s’accompagne d’hésitations, de retours en arrière. Néanmoins, elle continue à produire des effets moins spectaculaires, par la pérennisation de savoir-faire, comme le lobbying ou le sponsoring. Dans les années qui ont suivi l’opération, l’APIM a ainsi remobilisé le club de sponsors sur l’objectif de recréer une grande équipe de football apte à disputer les compétitions européennes. L’agence a aussi mobilisé les principaux acteurs de l’opération sur l’objectif d’implantation du projet SOLEIL (accélérateur de particules) à Lille. On peut penser aussi que la réalisation de certaines grandes installations sportives va rendre possible de nouvelles démarches d’organisation de compétitions mondiales.
***
56Ce parcours, nécessairement rapide et schématique de certaines évolutions récentes du gouvernement des villes, permet d’apprécier la valeur de la théorie de l’échange de G. Simmel pour la compréhension des phénomènes d’internationalisation contemporains.
57Cette théorie conduit à saisir tout à la fois comment la valeur des échanges internationaux a été objectivée dans des cas concrets, et comment cette évolution des échanges a institutionnalisé de nouveaux rôles sociaux. Mais elle permet aussi d’entrevoir que ces changements ont des effets cumulatifs importants. Dans la mesure où les modèles de relations développés ci-dessus conservent une vertu d’interprétation analogique dans la plupart des grandes villes, les changements des vingt dernières années expliquent aussi l’expansion spectaculaire des grands groupes de services urbains et le développement de leurs capacités de diversification. De la même façon, les initiatives publiques de soutien à la R & D et la mise en place de technopoles ont favorisé la création de petites et moyennes entreprises de pointe, dont l’internationalisation est elle-même soutenue par les pouvoirs publics. Or ces entreprises participent aussi activement à la réorganisation des modes de production, en favorisant l’externalisation et la réorganisation des firmes en réseaux. Répétons-le : on est bien loin ici d’un modèle de concurrence arbitré par les consommateurs, qui expliquerait l’internationalisation des politiques urbaines en référence au marché. Au contraire, le gouvernement de la ville est beaucoup plus évalué, sanctionné et réformé par des professionnels qui participent aux mutations des modes de production, mais n’est pas complètement dépendant d’eux.
58Dans ce modèle d’analyse, la ville apparaît donc moins comme une collectivité gouvernée par des relations internes ou externes que comme un espace politique structuré par des échanges plus ou moins proches, plus ou moins institutionnalisés, et dont la valeur est plus ou moins objective. S’il y a « retournement du monde » (Badie et Smouts, 1993), c’est peut-être aussi en ce que l’international est quotidiennement objectivé dans des échanges localisés. La nouvelle culture urbaine tend ainsi à faire de l’international non plus seulement un environnement des échanges politiques urbains, mais un critère en soi d’objectivation de leur valeur, un « signe de performance » qui n’est pas sans évoquer la forme laïcisée du « signe d’élection » dont Weber faisait le ressort du capitalisme émergent. C’est pourquoi, en ce qu’il recouvre des processus de formalisation des savoirs, de calcul et d’appréciation esthétique de l’international, le concept d’internationalisation éclaire tout autant les changements politiques que les nouveaux styles de vie capitalistes contemporains, que Boltanski et Chiapello (1999) ont justement appelé « le nouvel esprit du capitalisme ».
Notes de bas de page
1 L’analyse présentée ici s’appuie sur une enquête relative à la constitution des enjeux internationaux dans le gouvernement des villes. L’enquête a été réalisée dans le cadre d’une recherche de doctorat : La constitution des enjeux internationaux dans le gouvernement des villes françaises (1947-1995), thèse pour le doctorat de science politique, sous la direction de Guillaume Devin, université Rennes 1, 2001, préparée au Centre de recherches administratives et politiques de Rennes (UMR 6051).
2 Ce type de modèles se rapproche de ce que le courant sociologique américain de l’institutionnalisme historique appelle patterned relations (Steinmo et Thelen, 1995), c’est-à-dire des modèles de relations institutionnelles. Leur statut épistémologique est clarifié par Jean-Claude Passeron : « Précisons d’emblée que nous n’entendons pas par modèle autre chose qu’un schéma stable de relations sémantiques entre concepts, c’està-dire un schème d’intelligibilité théorique, transposable de descriptions en descriptions. […] Les modèles que dégage une comparaison historique sont des schématisations descriptives dont la portée explicative ne s’éprouve que progressivement, et à des degrés différents de plausibilité, dans la multiplication des contextes où l’enquête montre qu’ils gardent leur vertu d’interprétation analogique » (Passeron, 1998).
3 Pour le reste, on peut observer la récurrence de certaines pratiques caractéristiques de modèles historiques antérieurs, qu’on songe par exemple aux arrêtés antimendicité (modèle républicain) ou aux conseils de quartiers (modernisation municipale).
4 Interview de Renaud Muselier, premier adjoint au maire de Marseille et député des Bouches-du-Rhône, France Info, 7 juin 2001.
Auteur
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