La Provence en politique, une propension aux extrêmes ?
p. 125-146
Texte intégral
1C’est un espace géopolitiquement spécifique que la Provence. Calée entre Rhône, Méditerranée et Alpes, il est clairement situé depuis longtemps même si ses limites ont pu fluctuer et même si, entre le nord du Vaucluse (avec l’enclave de Valréas) et le sud de la Drôme (qui se veut provençal) et du côté des Hautes-Alpes, la délimitation est rien moins que floue. La région est caractérisée par un profil politique majoritaire qui l’a souvent distingué du reste du pays par sa propension à servir de terreau aux extrêmes. Son identité quelque peu exotique, d’un sudisme qui cesse d’être inquiétant à la fin du xixe siècle pour devenir plus « aimable » et accommodant que celui du Languedoc, a été servie et renforcée par l’image que l’on en a donnée et qui a toujours tendu à accentuer, jusqu’à la caricature, ses singularités, et notamment ses singularités politiques.
Une région frontière en bout de France
2Cette Provence, qui correspond à la région d’aujourd’hui, a pour elle une remarquable stabilité dans ses fondements administratifs depuis la Révolution française, même si la relative homogénéité de la province d’Ancien Régime, ancienne terre d’Empire, séparée du royaume de France par le Rhône, a été alors fractionnée. En fait, avec l’intégration des possessions pontificales du Comtat au nord-ouest et celle, à l’est, du comté de Nice, la Révolution et l’Empire ont constitué un bloc géopolitiquement et culturellement si pertinent qu’il s’est imposé lorsque la structure régionale s’est mise en place1. Il est significatif que la dernière réforme régionale, celle de 2014, n’en ait pas modifié les contours. L’incontestable spécificité politique des Alpes-Maritimes, du moins jusqu’aux années 1980, justifie qu’un sort particulier lui soit réservé dans cette présentation régionale. La question s’est posée pour les Hautes-Alpes, terre historiquement dauphinoise et qui est partiellement dans la zone d’attraction de Grenoble et de Lyon, mais l’influence de Marseille sur la haute vallée de la Durance et ses affluents n’est pas moindre et, du point de vue politique qui nous intéresse ici, la réelle originalité du département par rapport à la Provence centrale – un positionnement longtemps plus modéré – n’est pas telle qu’elle justifie un traitement à part.
3Ce qui caractérise la région et qui ne va pas être sans effet sur son comportement politique, c’est sa situation périphérique, en lisière de l’Italie et d’une Méditerranée dont l’essentiel de la population s’est longtemps méfié, d’où d’ailleurs la position très particulière de Marseille au sein des représentations que les Provençaux se faisaient de leur espace. Marseille, capitale économique incontestée de la région, est devenue avec la création des actuelles institutions régionales sa capitale politique, mais cette ville qui a toujours cultivé ses particularités est trop tournée vers le mer, trop cosmopolite et trop « populaire », voire considérée comme trop vulgaire (à l’instar de son accent) pour être tout à fait « provençale ». L’attraction marseillaise sur l’ensemble de la région n’en est pas moins forte. C’est par l’immigration régionale, notamment celle des « Gavots » descendus des Alpes proches, que Marseille, tout comme les autres grandes cités littorales, s’est accrue. L’homogénéité de la région repose sur les liens économiques et humains qui unissent les bas pays – plaine du Rhône, bassins de la Basse-Provence et de plus en plus le littoral avec Marseille comme centre – et la montagne provençale qui concerne tous les départements de la région, sauf les Bouches-du-Rhône. Ses élites, hommes d’affaires comme responsables politiques, ont longtemps cultivé, soit, chez celles du littoral, leur enracinement dans l’arrière-pays, soit, pour les notables de l’intérieur, leur proximité avec la métropole régionale ou Aix. Trois entités géographiques donc que l’histoire n’a cessé d’unir : la montagne, longtemps réservoir d’hommes, la Basse-Provence des grosses bourgades où le rural et l’urbain se mêlent jusque dans la deuxième moitié du xxe siècle, la côte avec sa capitale économique et les ports qui longtemps en dépendent ou qui, comme Toulon, en sont une sorte de compléments, avant que le basculement démographique ne donne l’avantage à la frange littorale à partir des années 1960.
4Une partie de l’immigration étrangère suit les mêmes voies que les migrations locales puisqu’elle provient des vallées transalpines dont certaines sont d’ailleurs « provençales » par l’usage de la langue d’oc. Cette langue, dans ses diverses variantes locales, est un élément d’homogénéité puisqu’elle est d’usage courant jusqu’au début de xxe siècle, y compris parmi les élites politiques autochtones. Cependant, même s’ils adhèrent au Félibrige ou s’ils affichent jusqu’à Michel Vauzelles, président de la région jusqu’en 2016 (ancien maire d’Arles), des sympathies pour lui ou s’ils surjouent leur provençalité, ce qui est encore plus fréquent (Jean-Claude Gaudin), ces élus n’ont jamais été tentés par le régionalisme politique. C’est une des caractéristiques du comportement politique des Provençaux que de n’avoir jamais nourri aucune velléité de séparatisme et d’avoir toujours affirmé leur attachement à la France, la France chrétienne chez les « blancs », la France républicaine chez les « rouges ». Plusieurs facteurs ont joué dans cet attachement à la France d’une région qui, finalement, aurait pu arguer de son histoire pour vouloir s’en distinguer. Parmi eux, se trouve en bonne place son ouverture sur l’extérieur et l’afflux à partir de la deuxième moitié du xixe siècle d’une immigration venue du reste de la France par la vallée du Rhône et une immigration, d’abord italienne, puis venant surtout de l’autre côté de la Méditerranée, et notamment d’Algérie après 1962. Jouent également dans cette adhésion les cultures politiques dominantes, principalement la culture républicaine, jacobine, pour qui la France ne peut se concevoir que dans l’agrégation – et non dans la séparation – autour des principes issus de la « Grande Révolution » qui sont les siens et qui vont dans le sens du progrès.
5En dépit d’une « nationalisation » des comportements de plus en plus sensible, il n’en subsiste pas moins la conscience d’une identité culturelle fondée, dans le passé, sur la langue et aujourd’hui sur l’accent, sur certaines habitudes (de comportement, de nourriture, etc.), sur la façon d’user des espaces – la « culture » de l’agora dont l’envers est la défense jalouse d’un espace privé où l’« autre » pénètre peu –, et surtout sur la perception que « les autres » ont d’une région dont l’image a évolué – exotique vue de la France « d’en haut », ensauvagée et mal « civilisée » jusqu’au milieu du xixe siècle, puis folklorisée par le roman, le tourisme, le cinéma – mais est toujours restée spécifique. La représentation que l’on a d’elle et que ses populations tendent à intérioriser reste ce qui, finalement, ne cesse de forger depuis plus de deux siècles l’unité de la Provence. Cette image ne va pas sans traduction dans la vie politique de la région et dans le comportement de nombre de ses élus. Sa singularité – la propension à des choix extrémistes chez une proportion notable de ses citoyens notamment – vient en partie de là. Sans doute, est-elle accentuée par le sentiment d’être en bout de France, loin d’un « centre » dont on attend beaucoup, puisque l’on en dépend beaucoup, même si l’on proclame haut et fort le contraire – à Marseille (et Nice) particulièrement et depuis des siècles.
Une historiographie de qualité, mais déséquilibrée
6L’historiographie de la Provence politique contemporaine s’appuie sur le socle que fournissent pour la fin du xviiie siècle et la première moitié du xixe les études de géopolitique révolutionnaire ou post-révolutionnaire de Michel Vovelle2 et de ses élèves, notamment Martine Lapied3 pour le Vaucluse, et la somme de Maurice Agulhon sur la société de Basse-Provence4. Cette historiographie a éclairé bien davantage l’ancrage républicain et « rouge » de la Provence contemporaine – puisque c’est ce qui caractérise durant plus d’un siècle cette région – que son autre et aussi longue tradition politique, sa composante « blanche ». Elle a insisté à juste titre sur son basculement précoce du côté du républicanisme le plus affirmé, qui fait de la Provence un élément essentiel du « Midi rouge » jusqu’aux années 1980. L’historien de référence sur ce plan est Maurice Agulhon avec ses travaux sur le Var du milieu du xixe siècle5, mais Philippe Vigier s’en était fait également l’historien pour la Provence alpine6. De tous les départements de la région, c’est le Var qui a fait l’objet de la série de thèses la plus fournie puisqu’elle se poursuit, après Agulhon, avec le Second Empire et le rétablissement de la République d’Émilien Constant7, le monde paysan de la IIIe République d’Yves Rinaudo8, l’entre-deux-guerres de Jacques Girault9 et avec mes travaux sur la Résistance qui assurent le lien avec la refondation de la Libération10, sans oublier la thèse de Jocelyne George sur les maires du Var, précieuse pour l’étude des élites politiques, particulièrement riche d’informations sur l’ensemble du xixe siècle et notamment sa première moitié11. Les recherches sur les Bouches-du-Rhône ou le Vaucluse n’offrent pas la même continuité, mais de larges pans en ont été couverts, en particulier par les recherches de Pierre Guiral et de ses élèves, celles d’Antoine Olivesi12, de Robert Mencherini13, de Jean-Claude Lahaxe pour le premier14, la thèse de Claude Mesliand15 et l’analyse du « daladiérisme » par Frédéric Monier16 pour le deuxième qui bénéficie aussi de la synthèse départementale de qualité dirigée par René Grosso17. Compte tenu de l’ancrage politique dominant la région, les nombreuses notices des diverses étapes du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français fournissent une masse d’informations et compensent parfois l’absence d’études plus larges, en particulier pour les départements alpins. Elles permettent de couvrir la IVe République et les débuts de la Ve, en tout cas pour les cadres politiques de gauche. Ces travaux, que complète l’analyse de Frédéric Sawicki sur les réseaux du parti socialiste dans le Var des années 1970-1980, éclairent donc surtout la séquence centrale de la vie politique régionale18.
7En revanche, la « Provence blanche » et plus généralement les droites n’ont pas attiré la même attention, bien que les travaux précédents ne les négligent pas et que ce courant profite aujourd’hui des recherches de Bruno Dumons19. Le courant royaliste a bénéficié cependant, au moins pour les Bouches-du-Rhône, de la thèse de Gérard Gaudin20 et, dans une certaine mesure, de l’œuvre de Victor Nguyen sur Charles Maurras21. En revanche, la droite « classique » a été plutôt négligée – en dehors de quelques travaux de maîtrise – jusqu’à la thèse de Marc Bayle sur les droites à Toulon sous la Ve République22. Celle-ci permet de faire le lien avec les nombreuses études consacrées à l’extrême droite depuis que celle-ci a émergé dans le paysage politique.
8Nous avons limité ce survol aux principaux travaux de recherches et nous ne négligeons ni les monographies locales, ni les travaux d’étudiants faits souvent dans leur sillage, pas plus que ceux d’érudits locaux qui parsèment les bulletins ou revues locales ou, pour une période plus récente, les enquêtes journalistiques de qualité. Cet ensemble, imposant par sa masse, même s’il ne traite pas toujours directement des élites politiques, apporte des informations indispensables. Il reste à les organiser en une analyse cohérente, ce que ne donnent pas vraiment les synthèses départementales ou de villes existantes, ni même celles qui se veulent régionales, à l’exception cependant des chapitres du volume 3 de la Géopolitique des régions françaises, dirigé par Yves Lacoste, consacrés à la Provence, Alpes-Maritimes comprises23, et d’un texte de Maurice Agulhon, « La tradition politique du Midi méditerranéen » qu’il n’a pas repris dans son recueil Histoire vagabonde24. L’objectif de cette contribution est donc de proposer un survol de l’évolution politique de la région et un cadre de compréhension à l’analyse de ses élites.
9Au centre de cette période, s’est déroulé un cycle politique qui dure un peu plus d’un siècle et qui correspond à une orientation majoritaire à gauche. Plutôt que « rouge », l’expression « République avancée » nous paraît caractériser au mieux ce moment parce qu’elle moins connotée sur un plan idéologique (même si la couleur rouge est un symbole longtemps revendiqué) et qu’elle dit bien qu’il s’agit là d’une manière de s’affirmer encore plus républicain sur le plan socio-politique, sans remettre en cause les bases du pacte social noué à la Révolution autour de la liberté et de la propriété individuelle, y compris lorsque ce républicanisme est incarné par le parti communiste. Né sous la IIe République en tant que force politique, ce républicanisme s’est étiolé dans la deuxième moitié du xxe siècle pour s’effondrer électoralement au milieu des années 1980. Cet épisode, qui tend à s’effacer des mémoires, a cédé la place à la progressive monopolisation des pouvoirs par des forces conservatrices, souvent perméables à la renaissance inattendue sur leur droite de courants traditionalistes et nationalistes. Le poids et l’influence acquis par ces courants, leur pérennité et la constitution de communautés qui se vivent comme des contre-sociétés, l’attraction pour des régimes autoritaires et la formation d’une culture politique spécifique peuvent laisser croire à une sorte de retour à la « Provence blanche », réactionnaire, par référence à celle qui prévalait dans la première moitié du xixe siècle, comme si le cycle « rouge » s’était épuisé. Rien n’est joué cependant pour le camp « progressiste » comme les récentes élections de 2017 viennent de le démontrer. En tout cas, c’est bien ce balancement entre « blancs » et « rouges », avec un long épisode central « rouge » (dans la diversité de ses nuances et de ses mues), qui semble caractériser l’évolution politique de la Provence.
Héritages : une Provence catholique et légitimiste
10Cet héritage est d’abord celui de la Révolution française car les luttes de factions ont été féroces et l’opposition au pouvoir central particulièrement vive, même si elle a été finalement écrasée en 1793. Bien que la situation ait été très contrastée selon les localités, elle a laissé des peurs chez presque tous, des espérances chez certains, des ressentiments chez beaucoup. Les conflits se sont greffés sur ceux plus anciens qui opposaient communautés paroissiales et seigneurs, les clans se sont modelés, hors les plus grandes villes (mais, à part Marseille, lesquelles ?), sur ceux qui partageaient la population auparavant. La société locale n’était pas, ou plus, sauf terroirs isolés (et pas forcément en haute montagne), régie selon un principe hiérarchique figé, réservant le pouvoir local à une famille. Elle n’était certes pas égalitaire, les clientèles n’en étaient pas absentes, mais la tendance était déjà plutôt à « l’égalité en considération », lié à l’usage de la parole publique. La diffusion ancienne de la petite propriété n’y était sans doute pas pour rien, que la Révolution a accéléré en même temps que le sentiment démocratique. Celle-ci a mis en place des familles qui vont, au xixe siècle, dominer le « parti du Mouvement », face à d’autres, cléricales, qui vont incarner celui « de l’Ordre ». La répartition des biens nationaux et la remise en cause éventuelle de leur acquisition par la suite ont pu peser sans doute dans les orientations, mais encore davantage l’hostilité ou la soumission à un pouvoir transcendant et autoritaire, celui de l’Église notamment.
11L’Empire a fini par ouvrir largement les portes des responsabilités aux représentants des grandes familles nobles ou bourgeoises dont le ralliement n’est en fait que de surface. La première abdication de Napoléon en 1814 est accueillie avec joie. On manifeste à Marseille devant la préfecture, symbole d’un État central perçu comme un prédateur lointain. Le « tyran » est conspué et menacé, y compris de mort lorsqu’il traverse la région pour s’embarquer vers l’île d’Elbe. À son retour en 1815, pour éviter les villes hostiles, Napoléon est obligé de prendre la route très excentrée qui portera son nom beaucoup plus tard, au xxe siècle pour des raisons touristiques. L’empereur trouve peu d’appuis sincères parmi les membres de l’élite. Plusieurs maires ou administrateurs, y compris parmi ceux qui étaient en place à la fin de l’Empire, démissionnent alors. L’annonce de la deuxième abdication, après Waterloo, se produit dans un climat très différent de celui de 1814. Seules les villes de garnison font preuve de retenue à l’égard du déchu, tandis qu’Aix et Marseille accueillent les troupes étrangères avec des transports de joie. Marseille et le Bas-Rhône sont les épicentres de la deuxième « Terreur Blanche » durant laquelle des dizaines de personnes sont massacrées et plus encore brimées pendant les premiers temps de la Restauration.
12De cet épisode, plusieurs traits sont à retenir. Le premier est le rejet du bonapartisme qui marque l’histoire politique de la région tout au long du xixe siècle et la faiblesse relative de la légende napoléonienne. Le deuxième est que la plupart des communes sont divisées d’ores et déjà en deux « partis. » Même si la domination du royalisme est générale, ceux qui ont la Révolution en héritage ou qui la considèrent comme horizon ne disparaissent pas mais entrent dans une période d’hibernation. Cette discrétion renforce la région dans une identité « blanche » dont la réputation est bien établie désormais. Une aristocratie aux commandes, une religiosité ostensible, un royalisme dominant, un petit peuple attaché aux formes de la tradition, la Provence apparaît bien, jusqu’en 1848, comme une terre conservatrice. Sous la Restauration, c’est la version la plus extrémiste des partisans des Bourbons, les « ultras », qui paraît triompher, y compris après la dissolution de la « Chambre introuvable » en 1816. Religion et soutien au pouvoir sont intrinsèquement mêlés. Tous les dignitaires de l’Église sont nobles, bourboniens et, pour la plupart, ultramontains. Durant toutes ces années, de grandes manifestations religieuses marquent le « retour » à la foi et au roi. Les confréries connaissent un renouveau entre 1818 et 1825. Des associations comme les Chevaliers de la Foi ou la Congrégation organisent les grandes missions qui visent les grandes comme les petites villes. Les modérés se trouvent plutôt parmi les magistrats et les grands négociants. Mais c’est du côté du pouvoir que se situe le principal contrepoids à l’influence ultra, car ses représentants, qui ont souvent servi l’administration impériale, font preuve de plus de pondération, à l’instar du comte de Villeneuve-Bargemon, préfet des Bouches-du-Rhône, de 1815 à 1829, grand administrateur et homme des Lumières.
13En tout cas, les événements de 1815 et leur suite ont contribué à renforcer le stéréotype d’une Provence « sauvage », tant à cause des « excès » de son climat et de sa nature que de la « brutalité » de ses hommes. Mais le trait le plus important sans doute est – déjà – le décalage qui s’instaure entre la région et une grande partie du pays, entre la Provence et le « centre » (Paris, le pouvoir). Comme l’écrit Maurice Agulhon, « l’histoire de la Provence est ici à contre-sens de l’histoire moyenne des pays de France, et en tout cas de l’histoire parisienne25 ».
14Dans ce contexte, l’opposition est difficile. Une partie des républicains s’oriente vers l’action clandestine à l’imitation des carbonari, mais, le plus souvent, les républicains se font discrets ou quittent la région, comme l’avocat Manuel, qui est l’un des dirigeants de la Charbonnerie. Partent aussi de nombreux jeunes libéraux, dont Adolphe Thiers, qui vont tenter leur chance à Paris. Pourtant, une courant libéral s’affirme peu à peu à fin des années 1820 à travers les premiers journaux dignes de ce nom (Le Sémaphore à Marseille, L’Aviso à Toulon, L’Écho du Vaucluse à Avignon). Cette opposition se confond, héritage de la Révolution aidant, avec un patriotisme vif. Aussi communie-t-elle dans l’enthousiasme pour l’expédition d’Alger, partie de Toulon le 25 mai 1830.
15La Révolution de juillet 1830 surprend mais la transition s’effectue généralement dans le calme, même si des magistrats et des administrateurs légitimistes démissionnent et si la plantation d’arbres de la liberté provoque quelques incidents. Cependant l’échec de la tentative de soulèvement qui suit le débarquement de la duchesse de Berry près de Marseille en avril 1832 coupe court aux velléités de révolte. Les libéraux, hommes d’ordre, rassurent : Thiers est élu député d’Aix à partir de 1830. Toutes les villes, à commencer par les plus grandes, sont aux mains de partisans de Louis-Philippe. Bénéficiant d’une base censitaire, élargie, le régime s’appuie jusqu’au bout sur une large majorité de députés du « juste milieu ». La bourgeoisie moyenne, « éclairée », peut promouvoir ses propres représentants au détriment de la vieille oligarchie. Mais, sous les apparences d’un pouvoir solide, et même renforcé, ses bases sont fragiles et limitées par l’enracinement légitimiste d’un côté et l’influence croissante des « rouges » de l’autre
16Le légitimisme demeure une force. Il a ses fiefs dans les villes, notamment dans les corporations anciennes comme les portefaix de Marseille ou d’Avignon, et certaines régions rurales (dans le Comtat, autour des Alpilles). Le peuple carliste est encadré par le clergé et une fraction des élites dont le combat s’intègre, le plus souvent, dans les nouvelles règles du jeu, bien que les réseaux secrets persistent dans la basse vallée du Rhône. Cette opposition politique conserve de trois à cinq députés, certains de renom puisque le chef du parti légitimiste à la Chambre, l’avocat Berryer, est l’élu à partir de 1834 des quartiers riches du sud de Marseille.
17L’élément le plus neuf est l’essor d’un « parti » républicain qui possède des fidèles dans les milieux populaires urbains ou semi-urbains et dans la bourgeoisie libérale. Ne se perdant pas dans des mouvements insurrectionnels comme à Paris ou Lyon, il profite de l’apprentissage de la démocratie que permet la loi électorale de 1831 et se lance dans la conquête de l’opinion, via une presse républicaine souvent éphémère et des lieux de sociabilité nombreux (chambrées, cercles, loges maçonniques, sociétés de secours mutuel). Au contact de réfugiés politiques, il se passionne pour les luttes émancipatrices en Europe. À Marseille comme à Toulon, jeunes bourgeois cultivés et prolétaires autodidactes fous de culture, aussi idéalistes les uns que les autres, communient dans une même foi émancipatrice. Certains éléments issus de la bourgeoisie « avancée », attirés par le saint-simonisme, vont au peuple et contribuent à la conversion du monde ouvrier de la région. C’est cette conjonction qui donne à Toulon, avec sa société de compagnonnage dissidente et son arsenal où se déroule l’une des premières grèves modernes en mars 1845, un rôle pionnier. Mais le monde rural que l’exode n’a pas encore saigné est touché lui aussi par les idées progressistes et commence à échapper aux hiérarchies traditionnelles. Cette politisation qui transforme les luttes récurrentes contre des impôts indirects trouvés iniques ou pour la défense des droits communaux est l’une des caractéristiques de la région. Cette Provence en mouvement, démocrate, anticléricale, souvent égalitariste, profite de la désaffection vis-à-vis d’un pouvoir de moins en moins libéral. La crise économique de la fin des années 1840 bien qu’amortie en Provence grâce aux importations de blé marseillaises sert de révélateur à la fracture, sociale et politique, qui la parcourt.
1848-1871, le basculement. Naissance de la Provence « rouge »
18Dès l’annonce des événements parisiens de février 1848, la colère sociale se révèle moins en ville qu’à la campagne où une sorte de revanche s’exprime parfois dans la réoccupation de communaux ou le saccage de perceptions. Un peu partout, des républicains « de la veille », rejoints par ceux « du lendemain », plantent des arbres de la liberté, organisent des banquets de fraternisation, créent des clubs aux noms évocateurs (de la Paix, de la Fraternité, de la Montagne) et des feuilles de toutes tendances. C’est dans ce contexte qu’arrive à Marseille comme commissaire de la République Émile Ollivier, jeune avocat de 22 ans, fils d’un vieux républicain de la ville, qui, en s’appuyant sur la bourgeoisie éclairée, met en place dans les grandes villes des municipalités provisoires, plutôt modérées.
19Les élections du 23 avril à la Constituante, première manifestation du suffrage universel masculin, sont une victoire pour ces républicains avec dix-neuf élus sur vingt-quatre dans le Var, les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse. Leur seul échec est dans les Basses-Alpes. Mais l’enthousiasme des débuts s’éteint assez vite. La crise s’aggravant, les partisans de l’ordre reprennent le dessus. Comme à Paris, les ouvriers des ateliers nationaux de Marseille, qui érigent des barricades en juin, sont brutalement réprimés par la troupe. L’heure est à la remise aux pas et à la préparation des élections locales puis présidentielles. Les premières amènent à la tête des villes des majorités plus souvent légitimistes qu’orléanistes, alors que les républicains « avancés » s’affirment plutôt dans les bourgades de l’intérieur. Les élections présidentielles du 10 décembre 1848 montrent combien le comportement politique de la région est déjà singulier : le bonapartisme ne fait une recette relative que dans les Basses-Alpes et le Vaucluse, car, dans le Var et les Bouches-du-Rhône, Cavaignac arrive en tête et partout les candidats républicains obtiennent des résultats supérieurs à ceux de l’ensemble du pays, en particulier le démocrate socialiste Ledru-Rollin.
20Dans un contexte tendu par la crise économique et le retour du choléra, le nouveau pouvoir entend reprendre en main ces pays « mal-pensants » avec des préfets à poigne – le baron Haussmann dans le Var – qui appuient les hommes d’ordre et le clergé et qui combattent les « rouges » en révoquant des maires, en fermant des sociétés, en entravant la presse républicaine, en réprimant les comportements « séditieux ». Aux élections législatives du 13 mai 1849, s’affrontent des royalistes et des républicains radicaux. La bipolarisation est nette. Si le parti de l’Ordre – légitimiste – rafle tous les sièges dans les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse, les Basses-Alpes s’émancipent en accordant trois sièges aux républicains, le Var se distingue avec quatre « démoc’-soc’ » sur sept élus (dont Ledru-Rollin) et Marseille est en train de basculer. Mais la majorité nationale restant conservatrice, la répression se durcit dans les mois qui suivent. Devant cet état de choses, les républicains s’organisent en sociétés secrètes. Les arrestations de l’été et de l’automne de 1850, puis le procès de Lyon un an après, affaiblissent la « Nouvelle Montagne » implantée dans tout le Sud-Est, notamment dans le Vaucluse. Les démocrates attendent les élections de 1852 qui permettront de porter la « Belle », la « vraie » République, au pouvoir. La confiance dans les vertus de la démocratie, la croyance en une fatalité de la victoire des « petits » contre les « gros » et les « blancs » animent les militants du parti avancé, souvent nourris de mysticisme socialiste à fondement chrétien. À l’annonce d’un coup d’État du 2 décembre connu souvent avec retard, les républicains réagissent, mais, dans les principales villes, les autorités, épaulées par la présence de l’armée, se sont préparées à l’échéance et décapitent dès le 4 le camp démocrate. En revanche, dans l’arrière-pays, les sociétés secrètes républicaines organisent la révolte, circonviennent les « blancs » et les gendarmes, prennent les mairies. Des colonnes marchent sur les sous-préfectures et en contrôlent plusieurs dans le Vaucluse, les Basses-Alpes et le Var. Les insurgés bas-alpin investissent Digne, la préfecture, et y installent un Comité départemental de Résistance. Mais, les uns après les autres, isolés et pourchassés, les détachements républicains se dispersent ou sont dispersés par l’armée entre le 9 et le 15 décembre. Alors que l’insurrection républicaine a remarquablement maîtrisé la violence, la répression fait plusieurs dizaines de tués dans ses rangs. Plus de 5 000 républicains sont arrêtés dans la région et plusieurs centaines, condamnés à des peines plus ou moins lourdes. Le « parti » républicain est désorganisé et connaît une longue période d’apparente léthargie. Pourtant l’événement – cette insurrection populaire pour le respect de la Constitution et l’espérance d’une République des « petits » – est fondateur. Il est le point de départ de la tradition « rouge » ou « républicaine avancée » qui, même en se diluant, va caractériser la région pendant plus d’un siècle.
21Le régime que le bientôt Napoléon III met en place en s’appuyant sur les « blancs », l’Église et une administration départementale et communale fidèle à sa ligne autoritaire paraît avoir brisé l’opposition républicaine. En réalité, son enracinement se poursuit souterrainement au point qu’elle resurgit avec force en 1870. Du coup, le Second Empire apparaît comme un moment sans lendemains politiques ici. Pourtant les transformations économiques et les bouleversements sociaux ne sont pas minces. Marseille où Louis-Napoléon se rend dès 1852 pour sceller son alliance avec les milieux d’affaires et le clergé local en est l’illustration même, avec son commerce aux dimensions mondiales, son industrie qui en dépend en grande part, sa population gonflée de toutes les immigrations, régionales, nationales, ou d’Europe du Sud. La « révolution ferroviaire » fait sentir ses premiers effets. L’exode rural désamorce les tensions autour de la terre, en particulier dans les zones les plus pauvres de la région tandis que les bassins et les vallées commencent à se convertir à l’agriculture spéculative. Zone de transit vers les théâtres d’opération extérieurs, la région renforce, notamment autour de Toulon, une vocation militaire étroitement liée à son positionnement géopolitique. C’est ce que vient affirmer le second voyage que fait l’empereur en septembre 1860 à l’occasion du rattachement du comté de Nice à la France. Cependant, dès que le régime desserre son étreinte et que la peur des « rouges » retombe, les « blancs » reprennent leur autonomie et passent dans une opposition relative. Mais les royalistes ont trop appuyé l’Empire à ses débuts, l’Église a trop participé à son effort de reprise en main pour que la droite monarchiste puisse apparaître comme le principal pôle de l’opposition. Celle-ci est incarnée par les républicains qui reprennent pied dans les conseils municipaux des grandes villes et se révèlent de plus en plus à gauche, alors que leur aile modérée, dont le chef de file est Émile Ollivier, passé du conseil général du Var à la direction du gouvernement au début de 1870, s’isole en se ralliant à l’empereur. La gauche républicaine se situe toujours dans l’héritage des « démoc’-soc’ » de la IIe République. Cette opposition de gauche montre sa force lors des votes de 1869 et 1870. Marseille choisit d’élire deux radicaux, dont Gambetta, sur quatre députés, vote « non », comme Toulon, au plébiscite du 8 mai et donne, là encore comme Toulon, la majorité aux républicains aux élections municipales des 27 et 28 août 1870. L’atmosphère y est prérévolutionnaire, alors que la guerre contre la Prusse donne l’occasion à la gauche de se placer à l’avant-garde du patriotisme.
22Le 4 septembre, la République est proclamée un peu partout, souvent sans attendre le feu vert de Paris, dans une atmosphère où se mêlent les souvenirs de 1848 et la représentation que l’on se fait des journées patriotiques de 1792. La garde nationale est reconstituée, la police impériale licenciée. Des « quarante-huitards » sont promus par le Gouvernement provisoire (Alphonse Esquiros, puis Adolphe Gent administrateurs du département des Bouches-du-Rhône, Paul Cotte dans le Var). Le camp républicain est cependant scindé entre modérés soucieux de ne pas compromettre les chances de la République et celle du pays envahi et les plus révolutionnaires qui veulent rejouer aux sans-culottes. C’est pourquoi Esquiros est écarté car il a pris la tête de la Ligue du Midi, coalition de treize départements méridionaux voulant à la fois assurer la défense du pays et pousser « la décentralisation ». Quand Marseille connaît la capitulation de Metz, le 1er novembre, les révolutionnaires forment une première commune insurrectionnelle qui ne dure que peu de jours, apaisée par le désir unanime de mettre la région en défense.
23L’armistice, fin janvier, déçoit tout comme le résultat des élections du 8 février 1871, la démission de Gambetta et son remplacement par Thiers, non encore rallié à la République. La deuxième Commune marseillaise commence le 23 mars 1871 à la suite de l’insurrection parisienne. Coalition de radicaux, de proudhoniens, de socialistes révolutionnaires, elle est écrasée à partir du 3 avril et se solde par près de 200 morts (plus de 150 insurgés) et 850 arrestations. Son leader, Gaston Crémieux, est fusillé le 10 novembre. Cet épisode ne recouvre pas celui de 1851 comme référence républicaine dans une région dont les départements (hors Hautes-Alpes) ont la singularité est de se situer à nouveau très à gauche alors que la droite royaliste est majoritaire dans le pays.
La « République au village » : la IIIe République
24Depuis 1870 et durant toute la IIIe République, tout se passe comme si l’orientation politique majoritaire en Provence prenait un tour toujours plus « avancé » par rapport à l’évolution du pays. Républicaine quant il est monarchiste, radicale quand il devient républicains, elle passe au socialisme quand le radicalisme accède au pouvoir et ceci dès avant 1914. La Provence fait partie du « Midi rouge », en particulier le Var où la gauche brandit ce qualificatif comme étendard26. Même les Hautes-Alpes, prises entre cette Provence, l’Isère et la Drôme républicaines, n’échappent pas complètement au « mouvement » et l’arrondissement de Grasse détaché du Var pour constituer le département des Alpes-Maritimes garde un profil politique marqué par ses racines, même si le développement d’un tourisme très fortuné positionne ses élites politiques dans un radicalisme modéré.
25Les « blancs », monarchistes se ralliant peu à peu et plus ou moins au régime républicain, sont divisés et affaiblis. Parfois tentés par la politique du pire, ils commencent ici une traversée du désert, génératrice de frustrations, d’une mentalité de minorité menacée. Pourtant, bien appuyés par un clergé omniprésent et s’investissant désormais dans l’action sociale (le syndicalisme agricole par exemple), ils gardent une audience partout et restent longtemps maîtres de petites « Vendée provençales », dans le Bas-Rhône en particulier.
26Les dix premières années de la IIIe République restent marquées par les « quarante-huitards » et leurs héritiers directs, partagés entre « opportunistes » suivant Gambetta et Ferry ou radicaux fidèles au programme de 1869. En tout cas, les autorités – des préfets à poigne, souvent d’origine aristocratique, par exemple dans les Bouches-du-Rhône – mènent la vie assez dure aux très nombreuses municipalités républicaines ou aux conseils généraux hostiles. D’ailleurs Marseille reste sous l’état de siège jusqu’en 1876. Cependant, cette année-là, sont élus dix-huit députés de gauche dont la moitié de radicaux sur vingt et les trois sénateurs des Bouches-du-Rhône sont des républicains d’envergure. Parmi eux, se trouve Esquiros dont les obsèques civiles peu après sont l’occasion d’une grande manifestation politique. L’assise de ces républicains, que l’anticléricalisme réunit, reste autant rurale qu’urbaine. C’est en réalité le maillage des bourgades, encore très agricoles, lieux de marchés rayonnant aux alentours, et des villages groupés de l’intérieur qui sert de socle aux majorités de gauche. Marseille, la capitale économique, déjà clivée entre quartiers riches du sud et ceux, populaires et industriels, du nord, partage cette orientation, avec, d’emblée, une coloration plus « avancée » due aux noyaux révolutionnaires qui s’y trouvent.
27Dès lors, la République est véritablement chez elle « au village » comme en ville en Provence (et peut-être plus encore « au village » qu’en ville du moins en Basse-Provence) comme en témoigne la construction des bâtiments municipaux, scolaires, administratifs, de justice qui l’incarnent, les inscriptions et noms de rues qui la symbolisent et qui exposent les orientations plus ou moins « avancées » des républicains qui gouvernent la localité, l’érection des monuments et de fontaines qui exposent ses héros et ses bienfaits. Tout un tissu associatif renouvelé maille le territoire avec ses lieux de réunion – bourses du travail dans les villes ouvrières (Marseille érige la deuxième de France), orphéons et lyres locales, cercles – ou d’activités économiques, avec, entre autres, en pays viticole, les premières caves coopératives (le Var étant au 1er rang en 1914). Le radicalisme est alors triomphant, sous la direction de notables issus des professions libérales, du négoce ou de l’industrie. C’est le moment où, de 1885 à 1892, Clemenceau est député du Var, département qu’il représentera ensuite au Sénat de 1902 à 1919. L’ennemi est à droite, d’abord clérical car la hiérarchie catholique reste souvent sur des positions de combat, ensuite royaliste ou césariste, même si le boulangisme peut un moment troubler le camp républicain avec des ralliements momentanés comme celui de Gustave Naquet, une des grandes figures du radicalisme vauclusien. Le danger est bientôt nationaliste.
28Les ex-opportunistes et autres « progressistes » sont bien implantés dans les grandes villes, en particulier Marseille et Toulon, ou dans la périphérie alpine plus conservatrice. Ils ont des chefs de file influents comme le « républicain libre-échangiste » Jules Charles-Roux, élu de Marseille entre 1889 à 1898, ou André Honnorat qui parvient à conquérir l’Ubaye en 1910, grâce à l’appui de la bourgeoisie « mexicaine ». Ils sont pour les radicaux des adversaires, mais, de plus en plus, des alliés à partir du moment où les socialistes percent à gauche et commencent à bousculer les positions politiques dans les années 1890.
29Le socialisme émerge à Marseille d’abord dans une certaine confusion, bien que le Parti ouvrier y soit né en 1879. C’est en alliance avec les radicaux qu’il obtient ses premiers élus et c’est du radicalisme que proviennent ses leaders passés au socialisme par souci de justice sociale et rejet de l’affairisme qui a rapidement secoué les divers milieux républicains, y compris dans la région comme l’illustre l’échec de Clemenceau dans le Var en 1892. C’est cette année-là que Marseille élit le premier maire socialiste de France. Le Dr Siméon Flaissières, un ancien radical, inaugure un socialisme municipal pragmatique, hygiéniste, favorable à la municipalisation des services, vite attaqué par ses adversaires pour ses dépenses et son soutien aux syndicats et au « désordre » (les grèves). D’autres municipalités – Toulon, La Ciotat, Draguignan – sont conquises. Les socialistes grignotent l’électorat radical surtout dans les Bouches-du-Rhône et le Var, où ils dominent dès 1910 le conseil général et où est élu en 1912 Pierre Renaudel, le bras droit de Jaurès à L’Humanité, alors que le Vaucluse, les Hautes-Alpes et les Basses-Alpes résistent encore à cette poussée. L’unification de 1905 des divers courants socialistes dans la SFIO est ici relative, plutôt promu par une jeune génération dont Félix Gouin, maire d’Istres, est un des représentants, tandis que beaucoup d’élus restent « indépendants » et inquiets de la radicalisation du syndicalisme ouvrier alors que la CGT entend se poser en rivale révolutionnaire du socialisme.
30La guerre paraît interrompre un moment cette évolution. Dès avant 1914, les menaces extérieures ont favorisé dans cette région frontière et fortement militarisée une certaine poussée du nationalisme dont profite la jeune Action française qui réorganise, autour de Charles Maurras, le royalisme provençal. La percée des socialistes, l’activisme de la CGT, la remontée d’un esprit de revanche rapprochent une partie des radicaux des républicains conservateurs dont la figure émergente est alors le Marseillais Joseph Thierry, ministre en 1913. Les législatives de 1914, où ces derniers obtiennent cinq élus à Aix, Toulon et Marseille, le reste étant partagé presque à égalité entre républicains, radicaux et socialistes, reflètent cette situation. Les socialistes provençaux s’inscrivent dans la tradition patriotique de 1870-1871 et restent dans leur majorité partisans de l’« Union sacrée » jusqu’à la fin du conflit, suivant en cela Pierre Renaudel et Fernand Bouisson, député-maire d’Aubagne et membre du gouvernement Clemenceau. Mais, en Provence comme ailleurs, la large alliance patriotique scellée pendant la guerre, la victoire dont Clemenceau est considéré comme le « Père », la peur que fait naître la contestation d’extrême gauche qui s’exprime fortement les 1er mai de 1918 à 1920 assurent le succès de la coalition des radicaux et de la droite (le « Bloc national ») aux législatives de 1919. Le Var n’y échappe pas où, aidée par « l’effet Clemenceau », elle remporte tous les sièges, pas plus que les Basses-Alpes où elle en gagne quatre sur cinq. Ce coup d’arrêt à la progression socialiste n’est que de courte durée puisque celle-ci reprend aux élections de 1924. Bien installée dans les Bouches-du-Rhône, retrouvant sa place dans le Var, progressant dans le Vaucluse et les départements alpins, appuyée sur la CGT « confédérée », la SFIO devient le premier parti de la gauche en Provence. Pourtant, la création du parti communiste par des syndicalistes révolutionnaires et des socialistes « kienthaliens » (derrière Alexandre Blanc, député d’Orange) a paru un moment l’ébranler tant son succès a été grand en milieu rural notamment parmi les jeunes, « anciens combattants » révoltés, comme Simon Sabiani à Marseille, par la boucherie à laquelle ils avaient survécu, instituteurs pacifistes ou ouvriers rejoignant la CGTU. Mais, le nouveau parti est affaibli très vite par sa bolchevisation, le culte de l’URSS et un sectarisme qui l’isole du reste de la gauche. Au sein de celle-ci, le radicalisme, pratiquement effacé de la carte électorale du Var, affaibli partout ailleurs, ne garde comme môle de résistance qu’une partie de l’influente presse marseillaise et le bastion vauclusien, où s’impose à partir de 1919 et de la région d’Orange Édouard Daladier, incarnation d’une nouvelle génération qui est aussi celle « du feu ».
31La République reste « au village » dans la continuité d’avant 1914. La spécificité « rouge » de la région persiste jusque dans les années trente, bien que la situation se complexifie sur le plan des équilibres politiques. La SFIO provençale parvient à surmonter la crise provoquée par la scission « néo-socialiste » en 1933, en dépit de l’effet d’entraînement suscité par Pierre Renaudel, en particulier dans le Var dont il était resté le député. Elle reste solidement implantée dans les villes, parmi les ouvriers et les fonctionnaires. La victoire d’Henri Tasso à Marseille en 1935, la réélection de Louis Gros à Avignon et la sauvegarde des municipalités de nombre de villes moyennes ou petites en attestent. Aux élections législatives de 1936, la SFIO obtient onze sièges de députés, soit près de la moitié de la représentation régionale et, outre les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse devient l’un de ses fiefs, en dépit du maintien des radicaux au nord du département. Si ces élections marquent ici une rupture, ce n’est pas dans la large majorité accordée à la gauche – sur ce plan, la continuité prévaut –, mais dans la progression communiste qui se fait au détriment de la SFIO, notamment dans le Var où elle ne conserve que deux élus. Ce succès est marqué par l’élection de cinq députés communistes dont François Billoux qui bat Simon Sabiani à Marseille et qui devient pour longtemps le « patron » du PCF dans la région. Ce succès est celui de l’unité de la gauche, qui a été préparée deux ans auparavant et qui s’est concrétisée en 1935 par la victoire d’un ouvrier communiste à Toulon aux élections partielles qui ont suivi le décès de Renaudel. La poussée électorale du PCF s’accompagne de son renforcement militant et plus encore syndical car la réunification de la CGT permet à la génération communiste formée auparavant de prendre la tête localement de plusieurs unions ou syndicats. Le Front populaire, la crise économique qu’il n’a pu faire oublier qu’un temps, la guerre d’Espagne, les menaces fascistes et nazies, la question du pacifisme mettent en difficulté des socialistes souvent écartelés entre un discours qui se veut révolutionnaire et une gestion communale ou départementale prudemment réformiste. Sur le plan local, ses problèmes sont accentués par le caractère ingouvernable de Marseille et les pratiques clientélistes qui y prévalent. Ce terreau profite à l’activisme communiste et à celui de l’extrême droite. Le Parti social français et le Parti populaire français, qui peut s’appuyer sur les réseaux tissés par Simon Sabiani, trouvent à Marseille et sur le littoral leurs principaux points forts, hors région parisienne et Afrique du Nord. Daladier qui préside le parti radical et a rompu avec le Front populaire, joue la carte de « l’homme fort » (le « taureau du Vaucluse ») pour rassurer la paysannerie et les classes moyennes. Il trouve à Marseille, avec le dramatique incendie des Nouvelles Galeries qui se produit, le 29 octobre 1938, au moment du congrès radical, un prétexte pour montrer sa détermination en enlevant la gestion de Marseille à la municipalité socialiste Tasso pour la confier à un administrateur provisoire.
32La situation est délétère dans le pays, elle l’est dans une région où les équipes socialistes sont souvent usées par le pouvoir qu’elles exercent localement parfois depuis longtemps, sont divisées sur la ligne à suivre à l’intérieur comme à l’extérieur et sont contestées par des communistes que l’alliance antifasciste du Front populaire a réintégré dans le jeu politique. Ces derniers, qui entendent représenter une alternative révolutionnaire, suscitent plus de peurs, y compris à gauche, que d’espérances. Radicalisées par l’accession du Front populaire au pouvoir, les droites locales affichent souvent une certaine compréhension pour les régimes autoritaires voisins (Italie, Espagne). Pour rallier une base populaire, une partie d’entre elles soutient des leaders démagogues influents dans les grandes villes du littoral, Marius Escartefigue, ex-maire socialiste de Toulon avant 1914, réélu à droite en 1929, Sabiani à Marseille, ville dont la réputation n’a jamais été aussi sulfureuse. C’est dans ce contexte de crise politique et morale que la guerre, puis la défaite, surviennent.
Régénération et délitement de la Provence « rouge ». De 1940 à la Ve République
33L’installation du régime de Vichy permet aux « blancs » de prendre le pouvoir local là où ils en étaient exclus depuis plus ou moins longtemps. L’importance de l’épuration politique fait des années 1940-1941 un moment de revanche pour la vieille droite provençale issue du royalisme, renforcée par la plus grande partie de la droite autoritaire, dont les éléments actifs sont souvent marqués par l’expérience de l’armée ou des colonies. L’un des chefs de file de cette extrême droite triomphante est Joseph Darnand, vite chargé de responsabilités régionales dans les organisations paraétatiques créées par l’État français du maréchal Pétain (Groupes de protection, Légion française des combattants), avant de promouvoir le Service d’ordre légionnaire. En revanche, le PPF et Sabiani sont tenus en lisière par les nouveaux maîtres du pouvoir qui, pour les villes, préfèrent mettre en place des maires conservateurs, peu marqués politiquement et issus de la « société civile » comme on dirait aujourd’hui (milieux socio-économiques, fonctionnaires d’autorité, juristes, anciens militaires). Mis à part l’aile droite de la CGT et quelques notables opportunistes, radicaux ou socialistes, souvent anciens combattants, ralliés au nouveau pouvoir, la gauche ne peut qu’être rejetée dans une opposition précoce, plutôt discrète, avant de fournir la plupart de leurs cadres aux mouvements de résistance, Libération et Franc-Tireur évidemment, mais même Combat, le plus important de tous, pourtant plutôt étiqueté à droite, mais qui, en Provence, recrute vite ses animateurs, aux côtés de démocrates-chrétiens, parmi les socialistes ou socialisants, les francs-maçons, voire d’anciens communistes. La région marseillaise, où se trouvent les états-majors régionaux des organisations clandestines, tient une place essentielle en zone non occupée dans la formation de la Résistance avant que le relais ne soit pris par Lyon en 1942. C’est là en particulier que le parti socialiste clandestin commence à se reconstituer autour de Daniel Mayer et de Félix Gouin et noue des relations avec la France libre. Dans cette reconstitution, un autre socialiste joue un rôle majeur sur le plan régional et national, c’est Gaston Defferre dont on ne peut comprendre la place après-guerre si on l’ignore. Cependant, la prééminence de la Résistance non communiste est battue en brèche à partir de 1943 par la montée en puissance rapide de la Résistance communiste qui réclame sa part de pouvoir dans les instances clandestines (comités de libération, Forces françaises de l’intérieur, etc.). Au sein de la Résistance puis à la Libération, la lutte politique est un prolongement, souvent vif, de la rivalité entre socialistes qui veulent garder leurs positions électorales d’avant-guerre et les communistes qui entendent les en évincer. Là encore, on ne peut comprendre leurs rapports tendus après-guerre en ignorant cet aspect du combat clandestin. Quoi qu’il en soit, la Résistance a régénéré l’éventail politique et renouvelé le personnel. La génération de la Résistance et celle de la Libération vont dominer la vie politique régionale pendant quarante ans.
34Les communistes à la Libération connaissent l’apogée de leur influence dans la région comme ailleurs en France. Premiers reconstitués, recrutant largement, ils contrôlent des journaux, font la conquête de plusieurs villes d’importance, prennent des bastions ouvriers aux socialistes, bénéficient avec la CGT d’un relais puissant. La droite conservatrice est très affaiblie par son soutien au Maréchal, de même que les radicaux qui continuent à décliner. L’extrême droite est disqualifiée. Les socialistes gardent une large assise urbaine et rurale, mais ils doivent céder du terrain aux communistes aux diverses élections de 1945. S’ils conservent la majorité dans les conseils généraux, ils perdent notamment Marseille et Toulon, outre les communes industrielles du littoral. Le PCF est bien la première force militante et électorale en Provence, en particulier à Marseille et dans sa région.
35La vie politique sous la IVe République et la Ve jusqu’à la fin des années soixante-dix continue sur la lancée de la Libération. La gauche la domine, PCF et SFIO en sont les forces majeures, la région appartient toujours au « Midi rouge ». Cependant, entre les deux partis, qu’opposent les luttes ouvrières de la « Guerre froide » dont Marseille a été l’un des phares, il y a un peu plus que de la rivalité. Le PCF, toujours sous la houlette de François Billoux, reste très puissant bien que perdant régulièrement des militants au fil du temps. Sa principale force repose sur la CGT et les municipalités industrielles qu’il parvient à conserver au fil des élections municipales, en particulier autour de l’étang de Berre. L’influence de la SFIO dans la région est incarnée par un homme, Gaston Defferre, qui bénéficie d’un outil puissant avec le groupe de presse qu’il a constitué. Il s’appuie sur ses camarades de Résistance qui exercent une partie du pouvoir local tant à Marseille que dans les Bouches-du-Rhône (Louis Philibert, président du conseil général de 1967 à 1989) et les départements voisins (Édouard Soldani dans le Var, Jean Garcin dans le Vaucluse, plus une kyrielle d’élus dans les Basses-Alpes et quelques autres dans les Hautes-Alpes). Certains de ses « barons » ou alliés accèdent à la Chambre des députés ou au Sénat pour de longues années. Face aux communistes, le choix a été de faire alliance sur le plan local avec la droite modérée, système qui perdure jusqu’aux élections municipales de 1977. La SFIO tend à s’affaiblir au fil des crises qui la secoue, en particulier à cause de la politique algérienne du gouvernement Guy Mollet. Certains de ses cadres rejoignent ses dissidences de gauche, d’autres, comme Max Juvénal, ancien « patron » de la résistance non communiste dans la région, rallient le général de Gaulle. La SFIO s’appuie surtout sur le réseau dense de ses élus à Marseille et en Provence intérieure, sur le réseau laïc et des forces syndicales diverses, hostiles à l’hégémonie communiste, en milieu enseignant avec le SNI, chez les fonctionnaires et employés avec FO ou parmi le monde viticole et ses institutions mutualistes. Après sa tentative avortée de se présenter à l’élection présidentielle de 1965, Defferre s’est rallié au projet mitterrandien, mais la refondation du courant socialiste en 1971 – la création du PS – ne se traduit pas en Provence par un renouvellement sensible, ni des structures, ni des hommes, ni des orientations.
36La droite conservatrice, dont toute une aile se refuse à toute alliance avec la SFIO, a retrouvé une partie de son influence, dans le contexte de la Guerre froide puis des guerres coloniales, en liaison avec de larges pans des milieux économiques et du monde catholique. Le MRP s’y est dissout, de même que le RPF et sa tendance principale ressort du Centre national des indépendants. Faisant de la défense de l’empire colonial, puis de l’Algérie française, l’un de ses principaux chevaux de bataille, elle se révèle avec la poussée poujadiste en 1956, qui obtient, en particulier dans le Vaucluse, quelques succès. Par la suite, devenu très antigaulliste après avoir soutenu l’accession au pouvoir du général de Gaulle, elle dénonce de façon virulente sa « trahison », jusqu’à se rapprocher de la gauche non communiste dans la contestation du « pouvoir personnel ». Jean Médecin à Nice et l’armateur Jean Fraissinet à Marseille sont ses figures de proue. Ce courant est renforcé à Toulon par l’élection de Maurice Arreckx en 1959.
37L’hostilité à la forme de pouvoir personnel que représente le gaullisme des débuts de la Ve République s’inscrit en continuité avec la tradition républicaine régionale qui s’est forgée contre le bonapartisme et la monarchie sous la IIIe République et que la Résistance a prolongé. Du coup, le gaullisme, tout en constituant un nouveau courant politique, n’obtient que des succès localisés ou éphémères à l’occasion de moments particuliers, 1947 avec le RPF qui conquiert provisoirement Marseille et Toulon, 1958 aux élections législatives en mordant tant à droite qu’à gauche, 1968 toujours aux législatives en prenant la tête du « parti de l’ordre ».
38Les années 1970 ne connaissent pas grand changement en apparence. Le programme commun a peu d’effets sur les relations à gauche. Defferre, présidant désormais la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, avant de devenir en 1981 ministre d’État chargé notamment d’une décentralisation dont il est le champion depuis longtemps, paraît au sommet de son influence. Son groupe de presse est même parvenu à absorber le quotidien concurrent, Le Méridional, tout en respectant sa ligne éditoriale. Électoralement, chacun maintient ses positions, communistes et socialistes restent dominants dans la vie politique. Pourtant, l’installation massive de rapatriés d’Afrique du Nord et de néo-résidents venus d’autres régions de France, l’urbanisation du littoral ou des bassins intérieurs, la crise de la métallurgie provençale et de quelques autres activités industrielles majeures, une économie de plus en plus tournée vers le tertiaire, notamment le tourisme et le commerce, changent la sociologie de la région. L’effritement des réseaux syndicaux et associatifs sur lesquels reposaient PCF et PS est largement entamé. Les deux partis restent dans une vive concurrence et, aux élections municipales de 1977, Defferre comme ses amis se refusent à faire liste commune avec le PCF. L’alliance reste au centre ou avec la « société civile. » L’aile gauche du PS, le CERES, favorable à l’entente avec le PC, fait parfois sécession, ainsi à Toulon, sans grand succès. La nouvelle génération de responsables ou d’élus socialistes, qui vient souvent de cette mouvance (Maurice Janetti dans le Var par exemple) ne peut que rentrer dans le rang pour peu qu’elle cherche à avoir un avenir politique. Le cas de Michel Pezet, qui succède Defferre à la tête de la région et qui est présenté comme son « dauphin », en fournit l’illustration. Le renouvellement se situe au sein de la droite non gaulliste avec l’UDF fondée à Fréjus en 1977, peu après que le jeune François Léotard a conquis la municipalité. L’ambitieux varois et Jean-Claude Gaudin qui s’émancipe à Marseille, après avoir battu en 1978 Charles-Émile Loo, l’un des bras droit de Defferre aux législatives, sont les chefs de file de cette rénovation. Ils sont d’ailleurs parmi les seuls élus de droite que la « vague rose » de 1981 n’emporte pas. En fait, le retournement de la sensibilité politique dominante a commencé.
Le grand retournement
39Alors que jusqu’en 1973, le PS était en Provence au-dessus de la moyenne nationale, il est en dessous à partir de 1978. En 1981, Mitterrand est encore en tête au 1er tour de l’élection présidentielle dans les Alpes-de-Haute-Provence, le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône, mais seul ce département lui accorde plus de 45 % des suffrages. Ailleurs, en notamment dans le Var, il est dépassé par Valéry Giscard d’Estaing. En fait, hors Bouches-du-Rhône, la gauche est partout ébranlée, même si les législatives donnent aux socialistes un succès inattendu. Les années suivantes sont marquées par l’effondrement du parti communiste (qui était encore le parti électoralement le plus fort à Marseille en 1978 avec un socle d’électeurs tournant encore autour de 30 %) et c’est, pour le parti socialiste, le début d’une période de déconvenues électorales plus ou moins masquées par de fausses victoires.
40Les élections les plus significatives sur ce plan sont les élections municipales de 1983. À Marseille, l’électorat, décontenancé par l’alliance que Defferre a fini par nouer – étant l’une des têtes du gouvernement, pouvait-il faire autrement ? – avec le parti communiste, donne la majorité des voix à la droite. Les listes Defferre sont battues dans trois secteurs sur huit et sont en ballotage dans les autres, y compris le sien, alors qu’en 1971 et 1977, elles en avaient remporté sept. Si Defferre gagne la majorité des sièges au conseil municipal au 2e tour, c’est de justesse et grâce au découpage entraîné par la loi PLM dont il a été l’initiateur. Le séisme marseillais n’est pas le seul. Alors que la droite est renforcée dans les villes qu’elle détenait (Toulon, Aix, Digne, les localités du littoral, etc.), les communistes perdent Arles et Grasse, les socialistes, Avignon dès le 1er tour27, Orange, Tarascon, etc. Dans le Var, les victoires in extremis de Soldani à Draguignan et de la liste communiste à La Seyne sont invalidées et ces deux bastions de la gauche basculent à droite en 1984, la première tombant aux mains d’un pur représentant du médeciniste niçois et la seconde dans celles d’un cadre de l’appareil administratif de Toulon. Le maire de Toulon remplace d’ailleurs Édouard Soldani à la présidence de l’Association des maires du Var. Mais, au-delà des résultats, les élections municipales de 1983 se sont déroulées dans un climat d’extrême tension politique, sur le plan national et local, marqué par des surenchères verbales qui, dans leurs excès, faisant feu de tout bois. L’atmosphère renvoie aux campagnes xénophobes des années trente (racisme, anticommunisme, défense des intérêts « de classe »). La sécurité et l’immigration, devenues des thèmes de propagande centraux de la vie politique dès la fin des années 1970, sont utilisés par la droite contre une gauche accusée de laxisme, et repris à gauche pour démontrer qu’il n’en était rien.
41Les années 1984-1986 en Provence sont celles d’un retournement historique. Il n’est pas seulement électoral. C’est de fin de cycles dont il s’agit, un double cycle, l’un a commencé à la Libération, l’autre un siècle auparavant. Ce retournement a été acté par les élections européennes de 1984 et surtout par les élections cantonales de 1985, qui ont conduit le Var et les Alpes-de-Haute-Provence, départements emblématiques d’un ancrage historique à gauche, à passer à droite. La gauche reste majoritaire dans le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône, mais en profitant de triangulaires dues au maintien du candidat FN. Car l’autre élément nouveau, c’est l’émergence de l’extrême droite qui obtient son premier élu, un transfuge du Parti républicain (PR), aux élections cantonales à Marseille en 1984. Cette évolution est confirmée par les élections régionales et législatives (à la proportionnelle) de mars 1986. La gauche, avec 45 sièges (dont 14 communistes), perd la direction du conseil régional qu’elle détenait depuis sa création en 1974. Les droites sont majoritaires avec 47 conseillers pour l’alliance UDF-RPR et 25 pour le Front national. L’accession de Jean-Claude Gaudin à la présidence du conseil régional est la conséquence de ce basculement qui se situe d’autant plus nettement à droite que la nouvelle majorité englobe le FN, considéré comme un avatar récupérable par l’aile marseillaise du Parti républicain.
42Le résultat des législatives confirme ce basculement. Le scrutin de liste à la proportionnelle permet à la gauche de limiter la chute, le PCF n’a plus que deux élus dans les Bouches-du-Rhône au lieu de quatre et aucun ailleurs, et le PS, s’il conserve cinq députés dans les Bouches-du-Rhône, n’en a plus qu’un (au lieu de trois) dans le Vaucluse et deux dans le Var. La droite UDF et RPR est légèrement en recul à cause du FN par rapport à 1978 et 1981, sauf dans les départements alpins, mais elle n’en domine pas moins le Var avec quatre élus, est passée de deux à cinq dans les Bouches-du-Rhône et en a gagné deux dans le Vaucluse. Le FN obtient autour de 20 % des voix dans le Var et les Bouches-du-Rhône et guère moins dans le Vaucluse (16 %). De ce fait, la région devient son principal lieu d’implantation.
43Au total, les droites deviennent majoritaires dans tous les départements provençaux. Elles dépassent les 62 % des suffrages exprimés dans le Var qui suit le cheminement politique tracé par les Alpes-Maritimes. D’ailleurs, les cartes électorales sont tout à fait claires à ce sujet. La droitisation du département, hors Toulon, démarre à l’est et sur le littoral, puis gagne l’ensemble du Var. Cette évolution plonge principalement ses racines dans les courants de la droite conservatrice traditionnelle dans laquelle le gaullisme s’est dissous. Le FN des années 1980 en est l’un des avatars.
44La mort de Gaston Defferre le 7 mai 1986 marque symboliquement ce retournement de cycle. Il était le chef de file de la génération politique issue de la Résistance et dominait depuis la Libération la gauche non communiste en Provence. La mutation va au-delà du temps court des élections et du temps d’une génération. C’est au temps long qu’elle renvoie : les années 1984-1986 sont la fin d’un cycle politique commencé plus d’un siècle auparavant, sous la IIe République.
Vers une nouvelle Provence blanche ?
45Les trente ans qui suivent ce retournement confirment la position dominante des droites, conservatrices et réactionnaires. Compte tenu de leurs divisions, cette domination peut paraître relative puisqu’elle a laissé des marges à la gauche. Pourtant, le fait majeur, de 1986 à 2017, est là, dans leur progression continue sur le plan local comme dans la représentation nationale d’une région dont au moins 65 % des députés (et jusqu’à 85 %) en proviennent.
46L’autre fait majeur est l’enracinement de l’extrême droite depuis son émergence des années quatre-vingt. La Provence a été son premier terrain de conquête et elle reste l’une de ses terres de prédilection, ce qui conduit régulièrement certains de ses cadres nationaux, à la suite de Jean-Marie Le Pen, à s’y faire « parachuter » pour les élections régionales ou nationales. L’implantation a commencé par certains quartiers de Marseille et le littoral à partir d’une droite bourgeoise radicalisée par la présence de la gauche au pouvoir et des noyaux de nostalgiques de l’Algérie française (rapatriés et militaires). Elle s’est élargie dans les milieux populaires et les classes moyennes laissés en déshérence par la gauche communiste et socialiste tant dans l’arrière-pays rural et semi-rural que dans les périphéries urbaines et péri-urbaines (ainsi à Marseille). Elle est accompagnée par la vitalité d’un courant traditionaliste catholique dont les diocèses et communautés du Vaucluse et du Var sont parmi les éléments de pointe. Bloquée par la droite classique aux élections nationales, cette droite nationaliste a réussi à conquérir des positions locales en deux temps, d’une part en 1995-1997 avec les municipalités de Toulon, Orange, Marignane, suivies par Vitrolles, puis dans les années 2010 avec une nouvelle génération de cadres liés à la direction nationale du parti et mieux formés. D’emblée, une partie des élus ou des candidats du FN provient du délitement de la droite classique, en même temps que celle-ci a réussi non moins régulièrement à absorber certains élus d’extrême droite, ainsi Yann Piat, seule député FN après sa réélection dans le Var en 1988. Ces transferts, tout comme les thématiques politiques privilégiées de chaque côté, illustrent la porosité entre le courant nationaliste et la droite régionale qui, à divers moments, en 1986, en 1998 en particulier, a noué ou a été tentée de nouer des alliances avec le parti d’extrême droite. Pour des raisons diverses dont la moindre n’est pas le choix finalement fait par les instances nationales des partis de droite, ces rapprochements n’ont pas duré ou pas abouti, pour l’instant.
47La droite domine donc depuis trente ans la vie politique locale, une droite où le gaullisme, minoritaire, a été étouffé par le courant issu du Centre national des indépendants (Républicains indépendants, Parti républicain, UDF). Ce courant repose sur un socle électoral solide et n’a été que faiblement ou momentanément ébranlé par les « affaires » ou les règlements de compte internes, en particulier dans le Var avec l’assassinat de Yann Piat et l’affaire Arreckx qui l’a suivi28. La conquête du conseil régional de 1986 à 1998 par Jean-Claude Gaudin a été prolongée par celle de la mairie de Marseille en 1995 qui a été pour lui sa véritable consécration. Dominante à Avignon, à Aix-en-Provence, reprenant Toulon au FN en 2002, cette droite tient une grande partie des villes moyennes et des bourgades de l’intérieur, outre son implantation plus ancienne sur le littoral. Solidement appuyée par des réseaux d’influence économique et sociale puissants (chambres de commerce et de métiers, organismes professionnels, presse locale), elle domine les conseils généraux du Var, des Hautes-Alpes, a dirigé une assez longue période ceux des Alpes-de-Haute-Provence (1988-1998) et du Vaucluse (1992-2001) et est parvenue à faire tomber le bastion socialiste des Bouches-du-Rhône en 2015. Elle est largement majoritaire parmi les députés et les sénateurs et ses chefs de file, notamment Jean-Claude Gaudin et François Léotard jusqu’à son retrait de la vie politique, ont joué un rôle d’importance au sein des instances nationales du PR et de l’UDF. Comme avec la gauche auparavant, de véritables rentes de situation se sont ainsi instaurées assurant aux mêmes ou à leurs héritiers un contrôle peu contesté sur les pouvoirs locaux. En dépit de divisions qui tiennent à des intérêts de territoires ou à des rivalités personnelles plus qu’à des considérations idéologiques (ainsi entre Aix et Marseille), cette droite est homogène d’un point de vue social et politique. Elle est formée, comme une partie de la gauche non communiste, de personnalités issues d’une petite classe moyenne, dont la politique a assuré la promotion personnelle, dont la pensée politique est floue et qui, compte tenu de la faiblesse de la tradition démocrate-chrétienne et de la concurrence du Front national, sont souvent sensibles aux tendances les plus autoritaires de leur famille politique. La conquête du conseil départemental des Bouches-du-Rhône en 2015 et celle du conseil régional un an après constituent l’épilogue logique de la droitisation de la région.
48C’est la division de la droite et le refus d’une partie de celle-ci, conduite par François Léotard, de faire alliance avec le FN qui expliquent seules que, de 1998 à 2016, le conseil régional ait été présidé par le socialiste Michel Vauzelle, à la tête d’une coalition regroupant également communistes et écologistes. Et c’est fréquemment grâce à des triangulaires que la gauche a pu conserver des élus. Autrement dit, durant ces dernières trente années nombre de ces victoires l’ont été « à la Pyrrhus », masquant plus ou moins l’effritement de sa base électorale.
49L’extrême gauche occupe dans la région une position paradoxale. Depuis 1995, Marseille a été sacrée « capitale des luttes » et incarne l’une des places fortes de l’opposition syndicale aux diverses réformes sociales proposées par les gouvernements qui se sont succédé. Or, cette extrême gauche dont le PCF restait jusqu’ici l’élément majeur, a perdu la plus grande partie de son poids électoral. Elle stagne depuis 1986 à deux élus au mieux aux élections législatives. Son recul a été particulièrement rapide là où elle était la plus faible, puis dans les périphéries urbaines ou les anciens centres industriels autour de Marseille. Le territoire où elle reste relativement solide s’est réduit à la région Arles-Martigues. Le contraste est donc fort entre une occupation de la rue impressionnante lors des grandes protestations sociales et la faiblesse du socle politique qui s’en veut l’expression.
50Les Verts de leur côté n’ont jamais pu construire une force politique représentative dans la région, alors que les problèmes qu’elle connaît (urbanisation et accès au logement, transports, pollutions et protection de l’environnement) auraient pu leur ouvrir un espace. Ils sont restés les appendices du PS ou de l’extrême gauche.
51Les socialistes ont paradoxalement profité de la crise de la gauche dans la région en s’assurant une position prépondérante en son sein depuis les années 1980. Cette position dont les effets ont été nets dans la gouvernance des Bouches-du-Rhône et les victoires obtenues grâce à la division des droites – la reprise du conseil régional en 1998 et sa conservation jusqu’en 2016, celle des conseils généraux du Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence ou celle de la mairie d’Avignon en 2014 – ne peut cacher un affaiblissement réel. Réseau d’élus locaux et de syndicalistes implantés dans la fonction ou les entreprises publiques, n’ayant pas su ou pas pu renouveler ses pratiques, ni reconstituer son vivier militant, parcouru de multiples rivalités, le PS a vu s’effriter ses bases locales. L’évolution de sa représentation régionale au Sénat en témoigne. Hégémonique jusque dans les années 1980 (un seul sénateur de droite), il passe sous les 50 % de la représentation régionale à partir des années 200029.
52Les crises, affaires et divisions qui ont affecté la Fédération socialiste des Bouches-du-Rhône depuis le décès de Gaston Defferre (mise à l’écart de Michel Pezet, soutien à Robert Vigouroux, très marginal dans le parti, puis à un personnage aussi controversé que Bernard Tapie30, etc.) n’ont pas semblé ébranler le bastion qu’était devenu le département dans une région où la gauche se rétractait partout. Les dernières affaires, dont la plus grave, celle qui a mis en cause Jean-Noël Guerini, président du conseil général depuis 1998, et qui a entraîné une nouvelle scission, a montré les faiblesses d’une coquille ne recouvrant plus guère qu’un ensemble de clientèles personnelles. À partir du moment où il perd Marseille aux élections municipales de 1995 et où ce qui servait de clé de voûte à son système de domination – le conseil général – s’effondre avec les poursuites contre Jean-Noël Guérini et la dissidence que celui-ci entretient, le PS suit dans les Bouches-du-Rhône le chemin que son homologue du Var a pris vingt ans auparavant avec l’effondrement du réseau de pouvoir dont Édouard Soldani était le centre. Dans le Var, la décomposition de la gauche est telle qu’elle n’a plus aucun représentant au sein des instances départementales depuis les élections cantonales de 2015. C’est paradoxalement dans les deux départements alpins, où la population s’est renouvelée, que la gauche est la moins soumise aux fluctuations de sa représentation.
La droitisation contrariée ?
53Avec les premières décennies du xxie siècle, la Provence paraissait bien s’orienter vers un nouveau cycle politique, dominé celui-là par le « parti de l’ordre » résultant de son glissement vers une droite de plus en plus affirmée sous l’influence de ses courants « populaires » ou nationalistes. Les élections législatives de juin 2017 semblent pourtant redessiner différemment les contours de la vie politique avec le succès inattendu, mais significatif, des candidats de la majorité présidentielle (La République en marche), dont le principal chef de file régional était en tête de la liste socialiste aux élections régionales de 2016. Ce succès a fracturé les droites entre libéraux et autoritaires dont les principaux représentants se situent à la périphérie régionale (Alpes-Maritimes, Vaucluse). Le clivage que ces élections et l’élection présidentielle qui les a précédées ont révélé oppose clairement deux camps, celui des « progressistes » qui regroupe momentanément réformistes de gauche et de droite et celui des « réactionnaires ». Ce nouveau clivage ouvre un jeu qui paraissait peu à peu se refermer. Beaucoup de ce qu’il en adviendra dépend de la conscience qu’en prennent ou qu’en prendront les élites politiques de la région et du choix qu’elles feront.
Notes de bas de page
1Bien que le Gard ait été rattaché à la Provence dans les premières configurations régionales depuis la région économique de 1919.
2Vovelle Michel, La découverte de la politique. Géopolitique de la Révolution française, Paris, La Découverte, 1992.
3Lapied Martine, Le Comtat et la Révolution française : naissance des options collectives, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 1996.
4Agulhon Maurice, Un mouvement populaire au temps de 1848 : histoire des populations du Var dans la première moitié du xixe siècle, thèse d’État, Sorbonne, 1969, publiée en 3 ouvrages séparés en 1970, La vie sociale en Provence intérieure au lendemain de la Révolution, Paris, Société des études robespierristes ; La République au village, Paris, Plon ; Une ville ouvrière au temps du socialisme utopique, Toulon de 1815 à 1851, Paris/La Haye, EPHE/Mouton.
5Ibid.
6Vigier Philippe, La Seconde République dans la région alpine. Étude politique et sociale, tome I : Les notables (vers 1845-fin 1848), et tome II : Les Paysans (1849-1852), Paris, Presses universitaires de France, 2 volumes, 1963.
7Constant Émilien, Le département du Var sous le Second Empire et au début de la Troisième République, Les Mées, Association 1851 pour la mémoire des résistances républicaines, 2 volumes, 2009.
8Rinaudo Yves, Les paysans du Var (fin xixe-début xxe siècle), Lille, Service de reproduction des thèses, 1982.
9Girault Jacques, Le Var rouge. Les Varois et le socialisme de la fin de la Première Guerre mondiale au milieu des années 1930, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995.
10Guillon Jean-Marie, La Résistance dans le Var. Essai d’histoire politique, thèse d’État sous la direction d’Émile Temime, université Aix-Marseille 1, 1989, 3 tomes.
11George Jocelyne, Les maires dans département du Var de 1800 à 1940, thèse d’État sous la direction de Maurice Agulhon, université Paris 1 Sorbonne, 1987, 5 volumes.
12Olivesi Antoine et Roncayolo Marcel, Géographie électorale des Bouches-du-Rhône sous la IVe République, Paris, Armand Colin/Cahiers de la FNSP, 1961.
13Menchérini Robert, Midi rouge, ombres et lumières. Une histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône de 1930 à 1950, Paris, Syllepse, 4 volumes, 2004, 2009, 2011 et 2014.
14Lahaxe Jean-Claude, Les communistes à Marseille à l’apogée de la guerre froide, 1949-1954, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2006.
15Mesliand Claude, Paysans du Vaucluse (1860-1939), Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 1989, 2 volumes.
16Monier Frédéric, La politique des plaintes. Clientélisme et demandes sociales dans le Vaucluse d’Édouard Daladier (1890-1940), Paris, La Boutique de l’Histoire, 2007.
17Grosso René (dir.), Histoire du Vaucluse de 1793 à nos jours, tome 1 : La vie politique, Avignon, Alain Barthélemy, 1993.
18Sawicki Frédéric, Les réseaux du Parti socialiste. Sociologie d’un milieu partisan, Paris, Belin, 1997.
19Notamment Dumons Bruno, « Les “blancs” du Var. Des pratiques politiques inexplorées (1850-1930) », Parlement[s], revue d’histoire politique, numéro hors-série 7, 2011, p. 29-41.
20Gaudin Gérard, Le royalisme dans les Bouches-du-Rhône de 1876 à 1927. De la fidélité à l’idéologie, contribution à l’étude des Blancs du Midi, thèse d’État sous la direction de Pierre Guiral, université Aix-Marseille 1, 3 volumes, 1978.
21Nguyen Victor, Aux origines de l’Action française, Paris, Fayard, 1991.
22Bayle Marc, Les droites à Toulon (1958-1994). De l’Algérie française au Front national, Toulon, Les Presses du Midi, 2014.
23Lacoste Yves (dir.), Géopolitique des régions françaises, tome 3 : La France du Sud-Est, Paris, Fayard, 1986.
24Ce texte est paru dans le Bulletin des jeunes de l’Association Guillaume Budé, no 8-10, 1963 (« Permanences méditerranéennes de l’humanisme », p. 113-124). Les volumes de son Histoire vagabonde ont été publiés par les Éditions Gallimard (Paris, 1988).
25Agulhon Maurice, Histoire de la Provence, Toulouse, Privat, 1969, p. 446.
26Girault Jacques, « À la recherche du Var rouge », Cahiers de la Méditerranée, no 7, décembre 1973, p. 2-22.
27Fief du sénateur socialiste Henri Duffaut, maire depuis vingt-cinq ans, qui ne se représentait plus.
28La chute puis la condamnation du président du conseil général du Var, ex-maire de Toulon, en 1994-1996.
29Le PCF n’a plus le siège de sénateur qu’il conservait dans les Bouches-du-Rhône depuis la fin des années cinquante. À noter que le FN détient deux sièges au Sénat depuis 2014 et ce sont deux élus de la région.
30Élu député à Marseille avec le soutien du PS en 1989, tête de liste aux régionales de 1992 avec le même soutien, réélu député avec l’étiquette MRG, mais à Gardanne et contre un communiste, en 1993, il se préparait à partir à la conquête de Marseille lorsque les « affaires » de l’OM ont coupé court à ses ambitions.
Auteur
Professeur émérite d’histoire contemporaine à Aix-Marseille Université, membre du laboratoire TELEMMe.

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