Chapitre VII. La nuit s’éteint, 1995-2012
p. 385-419
Texte intégral
1À partir du milieu des années 1990, la radio nocturne recule progressivement sur toutes les stations. Les programmes en direct sont peu à peu remplacés par du contenu préenregistré, rediffusé ou musical, tandis que la spécificité de la radio nocturne, comme lieu d’une parole et d’une programmation alternatives, a tendance à s’effacer. D’abord témoin de ce déclin, France Inter fait figure d’icône de résistance nocturne pendant plusieurs années, avant de se ranger, à son tour, du côté des impératifs de l’audience, en cessant ses émissions de nuit en direct. De fait, la suppression des nuits de la station généraliste publique marque une rupture temporelle très nette dans l’histoire de l’objet radio nocturne. Dans cet ultime chapitre, il s’agit de retracer la chronologie de cette disparition progressive, puis d’en analyser les causes et les significations.
Jusqu’au milieu des années 2000, un sursaut ?
Sur France Inter, « reine des ténèbres1 », les émissions s’allongent
Après 1996, les émissions s’allongent
2En 1996, Jean-Charles Aschero est remercié de France Inter et disparaît définitivement des ondes radiophoniques, emportant avec lui Les Choses de la nuit du dimanche soir qui viennent tout juste d’avoir vingt ans. Il est évincé par le nouveau directeur Jacques Santamaria2, en même temps que beaucoup d’autres – Olivier Barrot, Philippe Dana, Jean Fontaine, Gérard Lefort, Daniel Shick et Michel Touret. Le bouleversement de l’antenne est général, Le Monde parle d’une « onde de choc3 » à France Inter. Sur Internet, plusieurs témoignages d’auditeurs évoquent le « déchirement » provoqué, en particulier, par la fin des Choses de la nuit :
« Pendant plus de quinze ans, j’ai suivi avec enthousiasme l’émission Les Choses de la nuit […]. Quel déchirement ce fut lorsque, au mois de juin 1996, France Inter le renvoya. Peut-être est-ce parce que Jean-Charles n’hésitait pas à pousser des salutaires coups de gueule de temps en temps […]… Quand je pense qu’ils l’ont accusé de ne pas être assez convivial, là c’était le bouquet, qu’était-il pendant toutes ces années4 ? »
3Marc se souvient d’avoir écouté la dernière :
« Je n’arrivais pas à croire que Les Choses de la nuit s’arrêtaient. Beaucoup d’auditeurs étaient tristes et en colère. L’émission me manque aujourd’hui5. »
4Stéphane, également à l’écoute de cette ultime émission, se souvient qu’Aschero promet alors à ses auditeurs de leur donner des nouvelles par le biais des petites annonces de Libération, tout en avouant ne pas savoir s’il l’a véritablement fait6.
5En remplacement, les nuits du dimanche au lundi sont désormais animées par Brigitte Kernel, aux commandes de Noctiluque, émission consacrée à la littérature entre 1 heure et 5 heures du matin. Celle qui animait jusqu’ici Noir sur blanc, les nuits de la semaine (3 heures-4 heures), ne produit désormais plus qu’une seule émission hebdomadaire, plus longue.
6En fait, outre cette suppression des Choses de la nuit, la nouvelle grille établie à la rentrée 1996 marque une très nette rupture en termes de programmes nocturnes. À partir de cette année-là, la « reine des ténèbres7 » France Inter, qui propose des émissions 24 heures sur 24 depuis 1957, revient en arrière sur la question de la durée de ses émissions de nuit.
7Originellement, le premier programme nocturne Route de nuit était considéré comme une longue plage comprise entre minuit – puis une heure – et l’aube, conçue comme une émission d’accompagnement d’un seul bloc, jusqu’en 1973. Depuis, progressivement, ce temps radiophonique avait été morcelé en diverses séquences, afin de proposer des programmes plus courts, et variés. À la place d’une seule et même personne à l’antenne toute la nuit, plusieurs animateurs-producteurs se relayaient, depuis 1975, pour assurer la permanence d’antenne, à l’exception de la nuit du dimanche, occupée par Les Choses de la nuit. Cette multiplication de l’offre des programmes témoignait d’une certaine prise de conscience, de la part des directeurs, de la diversité de l’auditoire nocturne, et, par voie de conséquence, indiquait une considération nouvelle pour les auditeurs de nuit en général. Cet espace-temps, au même titre que le jour, avait désormais droit à une succession de programmes variés et de voix changeantes.
8Pendant la saison 1982-1983, par exemple, la programmation des nuits d’Inter durant la semaine était la suivante :
20 h 05-22 heures | Feed-back (Bernard Lenoir, Michèle Soulier) |
22 h 15-23 heures | Intersidéral (Philippe Manœuvre, Smith et Wesson) |
23 heures-1 heure | Le Pop Club (José Artur) |
1 heure-2 heures | Tempo (Frantz Priollet, Maryse Friboulet) |
2 heures-3 heures | Allô Macha/Au bonheur du jour (Macha Béranger) |
3 heures-4 h 30 | Les Bleus de la nuit (Michel Bichebois, Monique Bailly) |

9Plusieurs émissions musicales se succédaient alors – consacrées au rock ou à la musique jazz –, intercalées d’une émission culturelle variée – Le Pop Club –, suivie d’un programme de dialogue nocturne puis d’un banc d’essai. Si une seule de ces voix était alors féminine, ces émissions avaient le mérite d’être multiples et variées. Il se passait une chose à peu près similaire pour la nuit du samedi au dimanche, même si les émissions étaient un peu moins variées, essentiellement musicales, à l’exception de la dramatique coordonnée par Patrice Galbeau entre 23 heures et minuit. Seule la nuit du dimanche comportait la longue et originale émission d’Aschero Les Choses de la nuit, jusqu’à ce que celle-ci soit réduite en 1992, ne durant plus que deux heures de temps.
10Durant la saison 1995-1996, la diversité et multiplicité des programmes nocturnes est encore d’actualité, voici comment se présentent alors les nuits de la station :
Semaine
22 heure-0 heure | À l’heure du pop (José Artur) |
0 h 10-1 heure | L’Hippopotame fait des bulles de savon (Julien Delli Fiori) |
1 heure-2 heures | Allô Macha (Macha Béranger) |
2 heures-3 heures | Noir sur blanc (Brigitte Kernel) |
3 heures-5 heures | Les Souris dansent (Serge Le Vaillant) |

Samedi
22 h 45-0 heure | Alternatives (Laurence Pierre) |
0 h 10-1 heure | Microclimats (Kriss) |
1 heure-3 heures | Inter danse (Jo Dona) |
3 heures-6 heures | Zone de turbulence (Laurent Lavige) |

Dimanche
22 heures-0 heure | Les Voies du jazz (André Francis) |
0 h 10-2 h 15 | Les Choses de la nuit (Jean-Charles Aschero) |
2 h 15-3 heures | Les Tréteaux de la nuit (Patrice Galbeau) |
3 heures-5 heures | La Nuit au poste (Michel Grégoire) |

Grille de la saison 1995-1996 sur France Inter.
11Les émissions sont toujours multiples et, en outre, désormais, les voix féminines sont plus nombreuses, puisque quatre animateurs sur neuf sont des animatrices.
12À partir de la rentrée 1996, les grilles des nuits sont transformées, avec la mise en place d’émissions d’un seul bloc, beaucoup plus longues, durant trois, quatre, voire cinq heures. À titre de comparaison, nous reproduisons aussi cette nouvelle grille sous forme de tableaux.
Semaine
22 h 45-0 heure | Le Pop Club (José Artur) |
0 h 10-1 h 30 | Allô Macha (Macha Béranger) |
1 h 30-5 heures | Sous les étoiles exactement (Serge Le) |

Samedi
23 heures-0 heure | Alternatives (Laurence Pierre) |
0 h 10-2 heures | Inter danse (Jo Dona) |
2 heures-5 heures | Zone de turbulence (Laurent Lavige) |

Dimanche
23 heures-0 heure | Travelling jazz (André Francis) |
0 h 10-5 heures | Noctiluque (Brigitte Kernel) |

Grille de la saison 1996-1997 sur France Inter.
13Désormais, les différentes émissions des nuits de semaine de France Inter laissent place à un seul bloc, produit et présenté par un animateur unique : Serge Le Vaillant. Au micro de Sous les étoiles exactement, il intervient chaque nuit entre 1 h 30 et 5 heures du matin, juste après l’émission de Macha Béranger, qui demeure, semblant presque inébranlable, à l’image du Pop Club d’Artur. Ce dernier précède toujours Allô Macha et continue d’être réalisé depuis le restaurant Le Fouquet’s.
14Après avoir été reporter dans L’Oreille en coin, puis réalisateur des émissions nocturnes de jazz de Jean-Michel Proust, Serge Le Vaillant a animé à partir de 1994 le programme quotidien Les Souris dansent (3 heures-5 heures du matin). Cette émission était consacrée à la rediffusion des meilleurs moments de France Inter, dans laquelle l’animateur recevait également une personnalité liée au monde de la radio, pour évoquer ses débuts, ses souvenirs radiophoniques8. Pendant quelques années, le directeur de France Inter, Pierre Bouteiller, a donc choisi d’utiliser la nuit comme un espace de rediffusion d’archives, à l’image de ce que propose France Culture depuis 1985. Cette orientation disparaît en partie en 1996 avec la nouvelle grille de Jacques Santamaria. Désormais, dans Sous les étoiles exactement, Serge Le Vaillant est le seul maître à bord des nuits de la semaine, aux commandes d’une émission originale composée de plusieurs rubriques, ou de plusieurs « émissions » en une, à l’image des Choses de la nuit d’Aschero. Dans une première séquence, le producteur reçoit des musiciens venant se prêter à une interview et jouer en direct au cœur de la nuit. Puis l’émission est interrompue par une rediffusion d’une émission de la veille pendant une demi-heure (à partir de 1999, il s’agit de 2 000 ans d’histoire de Patrice Gélinet). Ensuite, Serge Le Vaillant s’adonne à la lecture d’un feuilleton dont il écrit un épisode chaque jour, Les Dépêches du Tarn-et-Saône, chronique acerbe et humoristique sur la société. À la réalisation, Serge Gandon illustre les textes en musique. Enfin, dans une dernière partie d’émission, le « gardien de phare9 » Serge Le Vaillant reçoit une personnalité culturelle pour une longue interview d’une heure, séquence généralement enregistrée à l’avance, durant la journée. Désormais, à la différence des émissions nocturnes proposées dans les années 1970 et 1980, il semble devenu difficile de recevoir des personnalités au cœur de la nuit.
15 Sous les étoiles exactement est avant tout un programme musical, qui donne à des artistes parfois encore inconnus la possibilité de se produire en direct sur une radio nationale, en pleine nuit. Ce programme constitue d’ailleurs un tremplin pour certains d’entre eux, comme Camille, Bénabar ou encore La Grande Sophie, qui y font leurs premiers pas radiophoniques.
16En outre, cette nouvelle grille lancée en 1996 crée une nouvelle distinction entre la nuit du vendredi au samedi et les autres nuits de la semaine, considérant sa particularité d’être la première nuit du week-end. Voici comment les programmes du vendredi se composent à partir de la fin de soirée :
Vendredi
22 h 45-0 heure | C’est pas dramatique (José Artur) |
0 h 10-2 heures |
Nuit noire (Michel Grégoire) (La Fiction de Nuit noire entre 1 heure et 2 heures, Patrice Galbeau) |
2 heures- 5 heures | À pas de velours (Marie-Pierre Planchon) |

Grille de la saison 1996-1997 sur France Inter.
17France Inter programme ce soir-là Nuit noire, une émission consacrée au polar, à la littérature policière, thème définitivement approprié et assimilé à la nuit. Durant la première saison de son existence, l’émission est présentée par Michel Grégoire, qui produisait jusqu’ici La Nuit au Poste. En ouverture de Nuit noire, un message d’avertissement, prononcé par une voix de femme, prévient les auditeurs du caractère possiblement choquant de ce programme nocturne :
« La direction de France Inter et le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel tiennent à signaler aux conducteurs de véhicules, aux jeunes de moins de seize ans, ainsi qu’aux personnes sensibles en général, que certaines séquences de Nuit Noire peuvent choquer10. »
18Michel Grégoire poursuit donc son exploration du polar. Au début de la dernière émission de la saison 1996-1997, voici comme il annonce son programme, sur le fond musical du thème des films de James Bond11.
« Bonsoir et bienvenue dans notre commissariat nocturne, radiophonique, énigmatique et stéréophonique, pour la dernière garde-à-vue de la saison, en compagnie d’un des parrains de Nuit Noire, Roger Borniche lui-même. Il passera aux aveux concernant ses interlopes activités de flic privé aux États-Unis, puisqu’après avoir été le flic numéro un de la France des années cinquante […], il est allé par la suite chez les Américains. C’est ce qu’il raconte dans son livre mi fiction, mi réalité, […] Le Privé12. Autre gros gibier de notre escouade policière, Éric Yung. Spécialiste du fait divers sur France Inter, il nous racontera l’histoire authentique d’un crime parfait aux saveurs britanniques, l’affaire “Seven Oaks13”. »
19La deuxième partie du programme est consacrée à la diffusion d’une dramatique policière, « La fiction de Nuit noire », coordonnée par Patrice Galbeau14. En première partie, Michel Grégoire reçoit des auteurs de littérature policière, qui sont parfois eux-mêmes policiers.
20L’indicatif de Nuit noire est un morceau de jazz, non identifié, accordant une large place au saxophone, rappelant beaucoup celui de La Nuit au Poste. Les effets sonores de Nuit noire sont particulièrement riches. Pour Adèle, dernière réalisatrice de l’émission, ce type de programmes se prête particulièrement bien à la nuit, permettant de jouer avec les ambiances sonores15.
21À la rentrée 1997, Michel Grégoire quitte la grille de nuit pour présenter des émissions d’après-midi, mais Nuit noire ne disparaît pas tout de suite, étant désormais animée par Paula Jacques16, entre 1997 et 1999.
22Dès 1996, après Nuit noire, à 2 heures du matin dans la nuit du vendredi au samedi, Marie-Pierre Planchon17 produit À pas de velours, jusqu’à 5 heures Dans cette émission, l’animatrice invite des personnalités à s’interroger sur le sens de la vie18, tandis qu’un feuilleton ou un conte est diffusé en fin de nuit. Peu à peu, toutefois, le contenu original laisse place à une majorité de rediffusions d’archives de la chaîne, les émissions anciennes se mêlant aux rediffusions contemporaines. Entre chaque archive, Marie-Pierre Planchon intervient quelques minutes au micro pour présenter les extraits en question, les situer dans leur contexte et accompagner l’auditeur dans sa nuit. En 1998, Marie-Pierre Planchon se voit proposer un autre projet par la station, et Philippe Debrenne19 hérite alors de son créneau de la nuit du vendredi au samedi. Il y produit Dormir debout, une émission qu’il a imaginée quelques années plus tôt et qu’il a déjà eu l’occasion de « tester » lors de remplacements nocturnes ou de grilles d’été. Dans Dormir debout, il est question d’archéologie, de mythologie, d’histoire. Le producteur se rend notamment dans des musées pour enregistrer des reportages avec des historiens ou des conservateurs. Il propose également des récits d’histoire mythologique, qu’il s’amuse à rédiger lui-même, parfois en alexandrins20. L’émission est une invitation au voyage dans le temps.
23Enfin, les nuits du samedi au dimanche sont toujours occupées par Interdanse, l’émission itinérante de Jo Dona qui propose des retransmissions des bals de villages ou de petites villes, ainsi que des entretiens avec les maires ou les habitants de ces communes. L’animateur profite aussi de ces événements et émissions pour s’adonner à sa passion première : le chant21. De leur côté, Bernard Lenoir et Laurent Lavige continuent de produire des émissions musicales diffusées les soirs ou nuits de semaine, comme Laurence Pierre, avec son programme de musique actuelle diffusé le samedi soir, Alternatives.
La convivialité demeure au micro des nuits d’Inter
24En dépit de la disparition de certaines émissions, et du rallongement des programmes dans la nuit, France Inter reste une exception dans le paysage radiophonique traditionnel, une station sur laquelle la nuit demeure le territoire de la parole, de la complicité et de la bonne humeur. Les passages d’antenne entre les différents animateurs prouvent cette décontraction, les auditeurs pouvant se sentir complices de ces moments intimes, comme hors du temps, drôles et parfois surréalistes, sorte d’îlots de vérité et d’humanité sur les ondes, à une époque où les discours s’uniformisent. Le ton de la nuit reste différent.
25Les plaisanteries ou discours de séduction entre les différents animateurs-producteurs, mais aussi avec les journalistes de nuit, ne sont pas rares. Par exemple, en 1994, après les informations de 2 heures du matin présentées par Nathalie Hernandez, l’animatrice de Noir sur Blanc Brigitte Kernel prend la journaliste à partie, à propos de la tenue d’une fête de la rédaction :
Brigitte Kernel : 2 heures, 3 minutes et une grosse fête à France Inter, si j’entends bien. Je ne sais pas si les auditeurs l’entendent… Une espèce de son d’aspirateur, peut-être qu’on peut monter ça… […] C’est une fête des journalistes, c’est ça ?
Nathalie Hernandez : Exactement.
B. K. : J’y suis pas allée moi, c’est bizarre.
N. H. : Vous pouviez Brigitte, il suffisait de demander. Rires.
B. K. : Non, non c’était pas du tout l’animation ou les programmes, c’était les journalistes. Vous y retournez ?
N. H. : Peut-être, je vais peut-être aller les voir quand même.
B. K. : Jus de pomme !
N. H. : Jus de pomme, bien sûr.
B. K. : D’ailleurs vous êtes superbe dans votre fourreau lamé là, c’est un peu court quand même…
N. H. : Mais ça se voit pas en radio.
B. K. : Quand même, là… […] Vous ne voyez pas Nathalie Hernandez mais vous pouvez l’imaginez, c’est terrible, terrible… Noir sur Blanc, c’est reparti22.
26En décrivant la journaliste de la sorte, Brigitte Kernel, d’ailleurs ouvertement homosexuelle, s’amuse à aiguiser l’imaginaire de ses auditeurs nocturnes. Ce petit jeu avec Nathalie Hernandez est même assez récurrent. Dans une autre archive d’avril 1995, Brigitte Kernel flatte la journaliste au sujet de son physique, après son flash : « avec vos lèvres pulpeuses très rouges, et votre très, très mini-jupe, c’est terrible23 ». Un jeu s’instaure donc entre ces deux femmes derrière le micro nocturne, et les auditeurs se font témoins, voire voyeurs, de cette relation un peu ambiguë qui se déploie entre elles au fil des nuits.
27Parfois, les passages d’antenne entre deux producteurs sont particulièrement longs. Macha Béranger et Serge Le Vaillant ont l’habitude d’échanger plusieurs minutes à l’antenne, au moment de la transition entre leurs émissions. Les deux animateurs se racontent, se lancent des piques, se taquinent. Nuit après nuit, les auditeurs assistent donc à ces jeux qui s’apparentent, parfois, à des joutes verbales. Macha se livre également à des conversations avec le journaliste de nuit José Sétien, s’amusant à lui tenir des propos sur le registre de la séduction, afin de le mettre mal à l’aise, comme cette nuit du novembre 1999 :
Macha Béranger : Bonsoir José ! Alors, il va faire très froid ? Je vais être obligée de me serrer contre vous tous les soirs ?
José Sétien : Mais, absolument.
M. B. : Rires. J’adore quand je vous dis des choses comme ça, parce qu’en principe ça vous fait un peu rougir, quand même
J. S. : Ah bon ? C’est vrai ? Honnêtement ?
M. B. : Ah oui, vous vous rendez pas compte ? ! Rires. C’est mignon24…
28José Sétien se souvient d’une animatrice blagueuse, qui s’amuse même, parfois, à éteindre sa petite lampe pour l’empêcher de lire son flash25. Régulièrement elle se plaît à tester les « nouveaux » venus, afin de les décontenancer. Une nuit, par exemple, elle enlève son chemisier devant Vincent Josse, alors tout jeune reporter, afin de le tester26. Les passages d’antenne entre elle et Laurent Lavige sont également particulièrement longs et croustillants.
29Malgré tout, l’ambiance nocturne est moins détendue qu’auparavant, la radio étant notamment moins ouverte sur l’extérieur. En 1995, suite aux attentats islamistes dont a été victime la capitale, les conditions de sécurité sont particulièrement renforcées et il est devenu difficile pour les auditeurs de venir rendre visite à Macha dans la nuit. Max, l’un de ses interlocuteurs durant la nuit du 8 novembre, explique qu’il souhaiterait lui rendre visite :
Max : Si vous saviez d’où je vous téléphone ! Rires. Je suis à l’horizontal dans mon lit, et je vous écoute pratiquement tous les jours, ça me berce et je m’endors.
Macha Béranger : Ça me fait très plaisir.
Max : Il y a une personne à côté qui me dit qu’elle est très jalouse de votre voix.
M. B. : Oh, qu’elle ne s’inquiète pas, je suis très loin.
Max : Par contre, demain on peut se rencontrer, je monte à Paris pour le travail, je suis capable de venir faire un tour à la Maison de la radio, à une heure du matin.
M. B. : La sécurité est terrible en ce moment à France Inter.
Max : Ouais, mais les passe-droits ça existe.
M. B. : Ah non, en ce moment il y a une telle machine que27…
30En dépit de ce contexte particulier de sécurité renforcée suite aux attentats, il semble qu’il soit devenu moins facile, d’une manière générale, de pénétrer dans l’antre de la Maison de la radio à toute heure, et en particulier durant les heures noires.
Sur Europe 1, le retour de la parole interactive, jusqu’à une certaine heure
Les Meilleurs de nuit
31Si Le Pop Club se poursuit sur France Inter, Club Kriter de Christian Barbier sur Europe 1 s’arrête en 1996, après près de trente ans d’existence28. Parallèlement, la chaîne de la rue François-Ier renoue avec le principe de dialogue nocturne avec les auditeurs, qu’elle avait abandonné depuis 1980 et la fin de La Ligne ouverte de Gonzague Saint-Bris. Entre 1995 et 1997, les deux animateurs Hubert29 et Malher30 produisent Les Meilleurs de nuit, une longue émission quotidienne dans laquelle ils reçoivent des appels d’auditeurs (00 h 30-4 h 30)31. Ils se relaient au micro pour proposer un programme sept nuits sur sept. Non seulement les animateurs s’entretiennent au téléphone avec les auditeurs, mais ils ont aussi la possibilité d’avoir plusieurs interlocuteurs à l’antenne en même temps. Hubert s’en souvient comme d’une expérience extraordinaire :
« Les gens de la nuit sont un peu différents. Les Meilleurs de nuit c’était extraordinaire. J’avais jusqu’à neuf possibilités de communications simultanées, alors il y en a un qui jouait du piano à Marseille, l’autre de la basse à Strasbourg, le troisième qui chantait en Bretagne, c’était extraordinaire. Il y avait une espèce de complicité entre les gens32… »
32Ces possibilités de dialogues multiples simultanés rappellent les expériences nocturnes de certaines radios libres, dont Radio Village sur Ici et Maintenant, et « La Meute », de Supernana, sur Skyrock. Plus encore, ce programme Les Meilleurs de nuit établit une chaîne de solidarité entre les auditeurs, semblable à celle impulsée par Les Routiers sont sympa dans les années 1970 sur RTL. Lors d’une des premières émissions des « Meilleurs », en effet, une auditrice appelle en larmes, expliquant qu’elle va se suicider, débordée par d’importants problèmes de dettes, menacée d’expulsion par un huissier. Pendant l’émission, les auditeurs dialoguent à l’antenne avec elle, essayant de la rassurer, tandis que certains passent à la radio déposer un peu d’argent à son intention. À l’issue du programme, au petit matin, Hubert, accompagné d’un technicien, prend la route direction Troyes, là où habite l’auditrice. Ils déposent un acompte chez l’huissier, et, grâce à l’aide de la communauté des « Meilleurs », sortent cette jeune femme de cette difficile situation financière33. L’histoire rappelle celle de Gérard Trois, à l’époque des Routiers sont sympa. Là encore, la radio nocturne interactive démontre son utilité, sa capacité à apporter un soutien concret à certains auditeurs, grâce à la solidarité de cette communauté nocturne.
33Cette émission interactive disparaît finalement de la chaîne en 1997, supprimée par le nouveau directeur d’Europe 1 Jérôme Bellay. Hugues Durocher, le directeur de la rédaction, explique ce choix par les mauvais scores d’audience, le manque d’interactivité du programme – « les mêmes personnes appelaient tout le temps34 », estime-t-il –, ainsi que par une prétendue vulgarité – « c’était devenu vraiment vulgaire, une sorte de Minitel rose du troisième âge35 ». Au moment de l’annonce de suppression des Meilleurs de nuit, la communauté des fidèles de l’émission, désemparée, se mobilise, l’un d’entre eux créant un service Minitel, avec un numéro commuté permettant aux auditeurs de rester en contact à moindres frais. Libération se fait l’écho des mécontentements de cette « fratrie », qui juge l’émission « d’utilité publique », la qualifiant de « prothèse existentielle ». Un fidèle explique :
« Si vous créez une émission avec un tel pouvoir affectif, les gens se retrouvent face à un silence difficilement maîtrisable36. »
34En dépit d’une certaine mobilisation, le programme s’arrête, et, pendant deux ans, Europe 1 ne propose plus d’émissions de dialogues la nuit. La tranche horaire des Meilleurs de nuit est désormais occupée par des rediffusions des programmes de la veille.
La Libre Antenne de Caroline Dublanche
35Finalement, en 1999, Jérôme Bellay décide de recréer une nouvelle émission de ce type, affirmant s’inspirer de ce qui existe aux États-Unis37. Il choisit de confier ce programme à une femme, Caroline Dublanche, psychologue de formation. À partir de cette année-là, elle prend l’antenne chaque nuit de minuit à 2 heures pour répondre aux appels des auditeurs. Constatant un succès certain du programme, sa Libre Antenne est allongée, diffusée ensuite entre 23 heures et 2 heures. Il s’agit alors de la plus longue de la grille d’Europe 1. Paradoxalement, selon l’animatrice, plus l’heure défile et plus la quantité d’appels augmente, y compris dans la dernière heure. Au début, une seule personne est présente au standard puis, après quelque temps, une deuxième la rejoint, pour répondre au nombre grandissant d’appels.
36Les archives de La Libre Antenne sont conservées à l’Ina à partir de l’année 2002, ce qui a permis de se livrer à l’écoute attentive d’un échantillon de vingt et une émissions entre 2002 et 2011, soit deux émissions par an sur des mois roulants, selon le même procédé utilisé pour l’échantillonnage des émissions de Macha Béranger.
37Au total, 164 appels ont été recensés pour ces vingt et une émissions, soit près de huit appels par nuit, c’est-à-dire presque deux fois plus que dans Allô Macha, où seules quatre personnes interviennent à l’antenne en moyenne chaque soir. Même si cette différence s’explique en partie par la plus longue durée de l’émission de Caroline Dublanche – elle dure trois heures entre 2002 et 2004 –, la raison principale est ailleurs. En effet, la particularité du programme de Caroline Dublanche réside dans la place importante laissée aux auditeurs pour réagir aux témoignages des uns et des autres directement sur l’antenne. Si ce phénomène existe parfois dans Allô Macha, il s’agit d’un élément récurrent et essentiel dans la Libre Antenne d’Europe 1. Sur les 164 appels recensés, 68 émanent d’auditeurs souhaitant réagir en direct aux propos d’un autre auditeur, soit 41 %. Pour rappel, dans notre échantillon d’Allô Macha, ce type d’appels ne dépasse pas les 17 % de la totalité des interventions d’auditeurs38. Plus encore, non seulement les auditeurs sont invités à réagir par téléphone aux témoignages dans l’émission de Caroline Dublanche, mais ils ont aussi la possibilité d’être plusieurs à l’antenne en même temps, ce qui n’existe pas sur France Inter. De fait, ce programme donne la possibilité directe à leurs auditeurs de dialoguer entre eux, dans la continuité des Meilleurs de nuit.
38Par exemple, la nuit du 8 mai 2002, Colette fait part de son inquiétude vis-à-vis du problème d’addiction à l’alcool dont souffre son compagnon. En réaction, François et Catherine, tous deux alcooliques sevrés, passés chez les Alcooliques anonymes, téléphonent pour conseiller Colette et témoigner de leur expérience39. Autre exemple, l’émission du 16 novembre 2007, dans laquelle quatre personnes réagissent en direct à l’appel de Karine, accablée de problèmes de dettes. Parmi ces quatre intervenants figurent un expert judiciaire et un magistrat, qui lui donnent tous deux des conseils pratiques concernant les voies légales qui existent dans sa situation. Dans cette même émission, trois auditeurs se retrouvent à l’antenne pour réagir à l’appel de Françoise, future grand-mère – son fils et son épouse, tous deux malvoyants, attendent un enfant, et Françoise s’inquiète pour le nouveau-né à venir. Les trois personnes qui témoignent sont trois mères aveugles ou malvoyantes, qui font part de leur histoire, et rassurent l’auditrice en lui montrant qu’il est possible d’être parent dans cette situation40. La Libre Antenne d’Europe 1, comme les autres émissions nocturnes de ce type avant elle, constitue donc un outil d’entraide, une plateforme nocturne rassemblant une communauté basée sur la solidarité, un espace de rencontre. En début d’émission, l’animatrice rappelle cette caractéristique propre au programme :
« Vous le savez, chaque soir vous êtes les invités de cette émission qui vous donne la parole. Vous pouvez si vous le souhaitez engager un débat en direct avec d’autres auditeurs autour d’un thème que vous aurez choisi, vous êtes les bienvenus au 01 [numéro de téléphone]. Vous pouvez également participer, donner votre point de vue, faire un commentaire, poser une question à la personne qui s’exprime à l’antenne en envoyant un SMS au 6 10 11, ou encore un mail sur le site europe1.fr41. »
39Cet espace de dialogue se prolonge également au-delà de l’émission, puisque des coordonnées peuvent être transmises hors antenne, mais aussi, durant les premières années, dans le cadre d’un forum Internet réservé aux auditeurs.
40En juin 2003, Jean, 35 ans, appelle le standard d’Europe 1 pour évoquer sa situation de célibataire, dont il se plaint, et lance une sorte d’appel pour savoir où se trouvent les autres personnes dans le même cas que lui. En réaction, six autres personnes célibataires, quatre femmes et deux hommes, interviennent à ce sujet sur l’antenne – ils sont alors sept à « bavarder ensemble » –, tandis que de nombreux SMS et mails parviennent également à Caroline Dublanche, qui en lit quelques-uns. Certains émanent d’auditrices qui se montrent clairement d’accord et disponibles pour rencontrer Jean. L’animatrice rappelle l’existence du forum Internet des auditeurs : « forum sur lequel moi je n’interviens pas, mais vous qui êtes à l’écoute pouvez intervenir42 ».
41Quelques minutes plus tard, elle annonce que l’un des auditeurs vient de créer une nouvelle rubrique consacrée à la question du célibat et des rencontres dans le forum de l’émission. Cette émission, comme celle de Macha Béranger, s’adapte aux nouvelles technologies et s’ouvre à une forme de participation des auditeurs par SMS ou e-mail. Caroline Dublanche commente ainsi les réactions et salue les auditeurs fidèles qui lui envoient des messages instantanés et des marques d’affection pendant le direct. Certains auditeurs suivent d’ailleurs de manière amusée ces correspondances écrites, à l’image d’Agnès, auditrice affirmant écouter l’émission notamment pour cela :
« Tous les soirs j’attends avec impatience votre émission pour pouvoir écouter ce que vous dira Georges par SMS. J’ai l’impression que vous ne lisez pas tous les messages qu’il vous envoie43. »
42Ces SMS, selon l’animatrice, constituent aussi une émission dans l’émission.
« Parmi ceux qui m’écrivent, […] les Sergio, les Angie… Il y a des gens comme ça, ils se font des petits clins d’œil, c’est une communauté à part. C’est une émission dans l’émission, les réactions. Ils se parlent entre eux parfois. Il faut que je veille à ça, parce qu’il ne faut pas que ceux qui écoutent se sentent exclus, je ne veux pas que ce soit une émission d’habitués, d’initiés44. »
43Le ton de Caroline Dublanche, s’il est toujours bienveillant, est un peu moins « amical » et plus professionnel que celui de Macha Béranger, car il s’agit d’une psychologue de formation, comme elle le rappelle parfois de manière imagée en début d’émission :
« Allongez-vous sur le divan, fermez les yeux, la consultation commence. […] J’espère que vous n’êtes pas tous endormis45. »
44Cette fonction de psychologue n’empêche pas Caroline Dublanche de se confier quelque peu à l’antenne, même si ses « confidences » vont moins loin que celles de Macha. Caroline Dublanche fait tout de même parfois référence à des traits de son caractère ou à son humeur du jour. Ses auditeurs témoignent, en tout cas, d’un fort attachement à sa personne, ils lui souhaitent même son anniversaire par SMS en direct à l’antenne, les messages affluant une fois minuit passée46.
45Sur la réception de l’émission, si nous ne disposons pas du courrier de Caroline Dublanche, nous pouvons tout de même analyser les messages écrits que l’animatrice lit à l’antenne durant l’émission. Comme les auditeurs de Macha, un certain nombre d’entre eux expliquent qu’écouter les témoignages des intervenants de La Libre Antenne les aide dans leur propre vie, certaines expériences similaires permettant d’effectuer une sorte d’identification, voire de catharsis. En décembre 2004, David, qui travaille la nuit à un péage d’autoroute, envoie par exemple un SMS à l’animatrice.
« Mes nuits sont assez calmes car le trafic est réduit, donc j’écoute avec attention votre émission, et bien souvent j’ai trouvé des solutions à mes problèmes en écoutant des auditeurs qui, eux, avaient eu le courage de téléphoner47. »
46Caroline Dublanche insiste ensuite sur cet aspect, encourageant les auditeurs à l’appeler :
« Je vous le dis comme ça, parce qu’on ne réalise pas toujours qu’en appelant, on le fait d’abord pour soi, mais dîtes vous bien que vous pouvez aider d’autres personnes qui sont à l’écoute48. »
47Pour Fabien, qui écoute l’émission depuis San Francisco, les auditeurs de la nuit « apportent une bouffée d’amour citoyenne », un « humanisme radiophonique49 » nécessaire. Parfois, l’émission semble souffrir de la concurrence de la télévision. Caroline Dublanche se plaint notamment des programmes tardifs hebdomadaires de Jean-Luc Delarue Ça se discute qui, selon elle, captent son auditoire, et contribuent à diminuer le nombre d’appels qu’elle reçoit. Une nuit de février 2005, elle semble particulièrement remontée contre l’animateur de télévision :
« J’attends vos appels, pas très nombreux hein ce soir, je sais bien on est mercredi soir c’est Delarue, en plus il fait un sujet sur les libertins50, donc moi je m’angoisse je me dis je vais pas avoir d’appels ce soir. Franchement j’en ai marre de Delarue hein le mercredi, que fait le CSA, franchement ? Rires. Voilà en tous cas au standard toute l’équipe est là, ils attendent vos appels51. »
48En dépit de ses craintes, huit auditeurs passeront ce soir-là à l’antenne, ce qui correspond à la moyenne du nombre d’appels.
49En règle générale, la publicité disparaît des stations commerciales après minuit, la proportion moindre d’auditeurs à l’antenne n’attirant pas les annonceurs. Pourtant dans l’émission de Caroline Dublanche, la publicité apparaît au bout de quelques années, y compris après minuit, preuve que l’audience est importante. Pendant plusieurs mois, à partir de 2007, des espaces publicitaires sont vendus au début de chaque heure de La Libre Antenne à une marque de complément nutritionnel censé aider les femmes ménopausées à lutter contre les troubles du sommeil. La cible visée par ce spot publicitaire est donc clairement identifiée. À la fin de l’émission, à deux heures, une dernière annonce clôt ces spots publicitaires au sujet de ce produit :
« Pour lutter contre les nuits blanches, pas la peine de décrocher votre téléphone ou de compter les moutons, essayez Ménophytea sommeil, le complément naturel des femmes ménopausées52. »
50Ce message, indiquant « pas le peine de décrocher votre téléphone », une fois l’émission de Caroline Dublanche terminée, est assez ironique.
51Après La Libre Antenne, Europe 1 procède désormais à la rediffusion d’émissions de la journée qui vient de s’écouler, à partir de 2 heures du matin d’abord, puis à partir d’une heure quand l’émission de Dublanche est décalée. Le 8 mai 2002, par exemple, une émission d’Yves Calvi est rediffusée à partir de 2 heures. À l’oreille, le changement de rythme et de ton est assez brutal, donnant la sensation que cette deuxième émission a été accélérée, tellement le débit semble plus rapide53. La parole reste présente, mais il s’agit d’une parole du jour, qui contraste avec le ton habituel de la nuit.
Sur RTL, l’éviction « ratée » de l’homme des Nocturnes
52À l’automne 2000, le nouveau directeur de RTL Stéphane Duhamel54 fait part de sa décision de supprimer Les Nocturnes de RTL. Quelque temps plus tôt, au mois de mai, il avait d’ailleurs annoncé l’éviction de Philippe Bouvard, à la tête des Grosses Têtes depuis vingt-quatre ans55. Ses décisions sont motivées par une volonté de rajeunissement de l’antenne et de réduction des coûts, justifiée, concernant Les Nocturnes, par la « disproportion existante entre les moyens techniques et humains mis en œuvre par rapport à l’audience de la nuit56 ». Jusqu’à cette date, Les Nocturnes sont réalisées depuis les studios de la Villa Louvigny à Luxembourg et font appel à quatre animateurs – Georges Lang, Jean-François Johann, Jean-Louis Baudoux et Lionel Richebourg –, répartis entre la première et la deuxième partie de la nuit, ainsi qu’entre les nuits de semaine et du week-end. Annoncé en octobre, l’arrêt de l’émission prend effet le 16 décembre 2000. Cette nuit-là, Georges Lang s’exprime avec émotion à l’antenne, pour annoncer « un programme de musique qui ne sera pas le [sien]57 ». Il est censé parler à l’antenne de RTL pour la dernière fois, mais, depuis l’annonce de la suppression des Nocturnes et des Grosses têtes, les auditeurs fidèles de ces deux programmes se manifestent en nombre pour faire part de leur mécontentement et de leur attachement à ces émissions et à leurs animateurs, par le biais d’appels, de courriers et de mails de protestation destinés à la direction. Une lettre ouverte est publiée sur internet, dont le but est d’attirer l’attention de la station sur le fait que le public de la nuit « n’est pas une quantité négligeable ».
« Vous nous privez d’une équipe d’animateurs qui ont à cœur de partager avec nous leur passion ; la musique. Vous remplacez quatre personnes par un juke-box sans âme ni personnalité. La rentabilité est votre seul credo, la musique est le nôtre. […] Nous avions fait le choix d’écouter RTL la nuit parce que nous savions y trouver ce que nous cherchions. Cinq heures de musique quotidiennes non-stop qui accompagnent nos activités de noctambules. Cinq heures de programmes qui manifestent une réelle intelligence, un excellent choix et un éclectisme que vous ne pouvez niez58. »
53Pour les auteurs de cette lettre, les changements de la grille des programmes de la station relèvent d’une décision « arbitraire » qui témoigne du « mépris » des directeurs pour leurs auditeurs.
54Finalement, en raison d’une baisse spectaculaire de l’audience59, le nouveau directeur général Stéphane Duhamel est remercié le 20 décembre 200060, et le Conseil d’Administration de la station choisit de rappeler Philippe Bouvard ainsi que Georges Lang dès le mois de janvier 200161. Ce dernier retrouve son émission après un mois à l’écart de l’antenne, tout en devant accepter certaines contraintes. Par mesure d’économies, Les Nocturnes sont désormais réalisées en direct des studios de RTL à Paris et non plus au Luxembourg, tandis que l’équipe de quatre animateurs est réduite de moitié. Seuls demeurent Georges Lang et Jean-François Johann62. Les Nocturnes se terminent désormais à 3 heures, des rediffusions des programmes de la veille étant mises en place entre 3 et 5 heures du matin. Georges Lang assure les nuits de la semaine, et Jean-François Johann celles du week-end. Après près de trente ans d’activité professionnelle au Luxembourg, Georges Lang doit donc déménager à Paris la semaine, tandis que sa famille est installée au Luxembourg63, mais Les Nocturnes reprennent, et cet animateur symbolise à lui seul ce rendez-vous. En 2003, il fête les trente ans de l’émission dans un programme spécial qu’il co-anime avec Jean-François Johann.
55Le hard rock, en revanche, disparaît des soirées de la généraliste RTL. En effet, Francis Zégut, l’homme spécialiste de ce style musical, rejoint la chaîne thématique musicale RTL 2 en 2001. À la place de l’émission de rock, RTL met en place un magazine culturel, Ma Nuit au poste, animé par Isabelle Quenin64. L’animatrice affirme apprécier tout particulièrement cette ambiance du soir65.
56Signalons également l’initiative estivale de cette station qui, pour l’été 2002, crée le programme Banc d’essai, le samedi à 23 heures. Sous la houlette de Bertrand Hamar et Olivier Pin, cette émission est le théâtre d’une compétition entre de jeunes animateurs jugés par les auditeurs66.
Sur les autres stations, permanence des dynamiques antérieures
57Sur France Culture, Alain Veinstein poursuit son émission d’entretiens consacrée à la littérature, Du jour au lendemain. En 1999, Libération consacre un portrait à celui qui est qualifié de « maître des nuits de France Culture », saluant sa maîtrise de l’entretien.
« Il écoute. Les yeux mi-clos derrière ses lunettes, un casque sur la tête, dans une boîte acoustique. Christine Angot lui fait face à trois bon mètres. Silence. Quatre, cinq secondes. C’est long, à la radio. Il reprend : “On est un peu comme deux vieux châtelains qui mangeraient leur soupe, figés depuis toujours dans une haine recuite et qui n’ont plus rien à se dire.” Elle rit, repart dans son discours heurté, péremptoire, de la littérature à haute voix. Il n’aura pas été question de L’Inceste pendant l’émission, et c’est très bien ainsi, on parle souvent mieux des livres quand on n’en parle pas. Depuis 1986, Alain Veinstein mène ce type d’entretien dans Du jour au lendemain sur France Culture entre minuit et minuit trente, quand l’attention de l’auditeur flotte entre désir de sommeil et extrême acuité. Depuis 1986, il amasse des archives sonores inestimables sur la littérature et les sciences humaines, lui qui sait en peu de mots, parfois même sans mot (il manie très bien le mmmh du psychanalyste), faire aller son invité à l’essentiel, lui faire livrer sa part d’authenticité ou mettre à nu sa vacuité67. »
58Cette année-là, en 1999, Les Nuits magnétiques sont remplacées par Surpris par la nuit, cette nouvelle émission n’étant rien d’autre, selon Alain Veinstein, « que Les Nuits Magnétiques à l’heure du numérique68 ». En octobre 1999, Olivier Duhamel propose d’ailleurs pour Surpris par la nuit une série intitulée « Crépuscule », dans laquelle il écoute :
« les solitaires, les veilleurs du temps, les pilotes de nuit de haute montagne, les pêcheurs d’étoiles, bref, tous ceux dont la vie, dans ce qu’elle a d’essentiel, a partie liée avec la nuit, ou au moins au basculement du jour dans la nuit69 ».
59Cette série documentaire, donnant la parole aux gens de la nuit, célèbre ainsi, le temps de trois soirées radiophoniques, le monde des heures noires. D’ailleurs, dans le premier numéro de la série, consacré à la Solitaire du Figaro et à ses navigateurs, il est question d’une radio nocturne : la Radio Les Termes. Cette station éphémère, créée pour la course à destination des navigateurs, fonctionne chaque nuit entre 23 heures et 2 heures du matin uniquement, afin de soutenir les participants et les distraire, comme l’explique le médecin de la course, animateur de la radio :
« C’est une heure où les coureurs ont besoin d’être un peu soutenus, parce que la nuit, […] c’est dur de tenir, on est tout seul sur l’eau, c’est dur de se motiver […]… On va pas chercher les confidences des coureurs hein, on est pas là pour faire de la psychanalyse sur l’eau, on est là uniquement pour les distraire. Mais c’est un moment où les coureurs sont assez demandeurs, parce que la nuit, même en mer, même quand on est un coureur, c’est jamais un moment très drôle. C’est toujours un petit peu angoissant la nuit qui tombe avec du mauvais temps, et donc on a hâte que le jour vienne. Donc le fait d’être présent et d’avoir le réconfort de la chaleur, de la voix humaine, je crois que ça peut les aider, et c’est l’élément essentiel de cette histoire. Ça crée une convivialité70. »
60D’une certaine façon, les propos de cet animateur de radio constituent une mise en abîme de la situation d’écoute des auditeurs de Surpris par la nuit. Ces derniers, s’ils ne sont certainement pas seuls en mer, sont tout de même généralement seuls malgré tout, chez eux ou ailleurs, et ont souvent besoin aussi, à cette heure-là, dans cette écoute, d’être divertis, voire d’être rassurés.
61Plus tard dans la nuit, France Culture et France Musique poursuivent leurs Nuits, qui sont diffusées dès l’origine de manière automatique. Sur la plupart des autres stations, les voix des animateurs cèdent la place dès minuit à des bandes de musique ininterrompue, flux musical froid et impersonnel, entrecoupé ou non de voix pré-enregistrées.
62Enfin, certaines stations, afin de gagner de l’argent grâce à la nuit, poursuivent la logique de revente de leur temps d’antenne nocturne à d’autres. Dans les années 1970, Europe 1 avait initié le phénomène, suivi par RTL dans les années 1980 puis 1990. En 2002, RMC se prête à son tour à cette pratique. Un article de Télérama en fait mention :
« RMC Info, entre 4 h 30 et 5 heures, loue (3 000 francs les 15 minutes) son antenne à Radio Réveil, une Église protestante suisse, à Christ Vous Appelle, un mouvement pentecôtiste basé à Nice, et à Radio Évangile, une filiale de Trans World Radio (USA), station protestante évangélique. Ces trois “Églises” proposent des lectures de la Bible, de courtes méditations, des interviews ou des reportages. Et à 5 heures, RMC Info diffuse l’hymne monégasque. Pour une radio dont les capitaux sont à 87 % français, c’est assez insolite71 ! »
63Sur les radios musicales destinées aux jeunes, les émissions de libre antenne se poursuivent. Difool, qui a quitté Fun Radio en 1996, a rejoint Skyrock et anime tous les soirs La Radio libre entre 21 heures et minuit à partir de 1997. Le CSA, soucieux de protéger les mineurs, introduit de nouvelles règles concernant la protection de l’enfance et de l’adolescence à la radio72 en 2004, après plusieurs années de concertation avec des associations de parents, d’enseignants et différents relais d’opinions :
« Aucun service de radiodiffusion sonore ne doit diffuser entre 6 heures et 22 h 30 de programmes susceptibles de heurter la sensibilité des auditeurs de moins de 16 ans. Les programmes pornographiques ou de très grande violence font, quant à eux, l’objet d’une interdiction totale de diffusion en raison de l’absence de dispositif technique permettant, pour les services de radiodiffusion sonore, de s’assurer que seuls les adultes peuvent y accéder73. »
64Le CSA découpe donc le temps d’antenne radiophonique en deux plages horaires distinctes. Sur Skyrock, cette séparation du temps est matérialisée par une sonnerie qui délimite les « horaires pyjamas ». Elle retentit à l’antenne chaque soir à 22 h 30, invitant les plus jeunes auditeurs à aller se coucher74. Des sanctions (mises en demeure et amendes) sont prises à l’encontre des stations qui ne respectent pas cette législation de 200475.
65De son côté, Maurice a quitté Skyrock en 1996. En 1997, il crée Maurice Radio libre, un programme de libre antenne diffusé sur plusieurs radios indépendantes dans toute la France. Il a son propre studio de diffusion et de production. En 1998, il crée le site internet Maurice Radio libre, webradio sur laquelle sont diffusés des programmes de dialogues avec des auditeurs76.
66En 1997, dix ans après la suppression de Radio 7, le service public de la radio lance une nouvelle chaîne destinée aux jeunes, Le Mouv’77, qui proposera à son tour des émissions de libre antenne pour les jeunes. L’une des originalités de la chaîne sera de diffuser une émission de dialogue faite par une équipe féminine, Les Filles du Mouv’, animée entre 2004 et 2008 par Émilie Mazoyer.
67D’une manière générale, à partir du milieu des années 1990, les directeurs des stations de radio sont de plus en plus frileux à innover dans leurs programmes de nuit, ne remplaçant pas toujours les émissions supprimées et tendant même à faire disparaître cette case de programmes spécifiques. Durant la saison 1994-1995, Félicie Dubois a animé toutes les nuits une longue émission de création – Les Dégradés – sur la station publique suisse de la RTS Couleur 3. À son retour en France en 1995, elle est persuadée qu’une station parisienne voudra bien lui permettre de reprendre sa formule originale, à base de textes littéraires écrits presque en direct, de reportages, de sorties nocturnes… Elle frappe aux portes des radios parisiennes avec son projet et son expérience, mais toutes refusent78. D’une manière générale, on ne laisse plus vraiment la chance ni les moyens à une nouvelle émission de se lancer et de s’installer dans la nuit. Nous analyserons pourquoi dans le dernier volet de cette exploration chronologique.
68En 1997, le chroniqueur radio de Libération, Hervé Gauville, propose une réflexion intéressante sur la radio nocturne, affirmant que ceux qui écoutent la radio durant les heures noires recherchent, à la manière de l’enfance, une voix maternelle pour les accompagner avec sérénité vers le sommeil :
« Celles et ceux qui sont incapables d’éteindre la radio à l’heure de se coucher n’ont jamais su faire le deuil de la voix maternelle qui se rappelle à leur souvenir […]. Les autres, qui ont eu à se débrouiller tout seuls pour franchir le seuil de la nuit, se cramponnent, adultes, à leur émission du soir pour la même raison, retrouver la voix jamais entendue, toujours attendue. L’intoxication radiophonique est un cordon ombilical noué à hauteur de tympan. Pas étonnant alors de les retrouver, ces orphelins inconsolables, agités de cauchemars, en proie à d’insurmontables insomnies, tournant, somnambules, en rond dans la chambre qui n’en finit plus d’espérer le matin, effarés de ne pas comprendre pourquoi ni les retransmissions tardives ni les appels nocturnes ne réussissent à apaiser leur anxiété. Et puis, soudain, un air de rien du tout, une rengaine d’accordéon, un rire idiot, un lapsus apaisent cette angoisse […]. Quelqu’un parle dans le poste, qui n’est même pas quelqu’un, juste une intonation, un accent, une mesure et ça suffit pour rétablir le contact avec le monde perdu. Les dormeurs peuvent bien ronfler, la radio couvrira toujours leurs rêves. Sa toute-puissance est égale à l’ivresse sèche du privé de sommeil. Tant qu’il y aura une voix dans la nuit sera conservée la mémoire des paroles maternelles ou, sinon ses mots, du moins leur chant. Pourquoi est-ce que ce sont précisément les adolescents les meilleurs auditeurs sinon parce que leur mère, ils en sont d’autant plus séparés qu’ils vivent encore près d’elle79. »
69Cette voix dans la nuit, réconfort des insomniaques et du peuple nocturne, n’est-elle pas justement amenée à disparaître ?
L’extinction des voix, du milieu des années 2000 à 2012
70À partir du milieu des années 2000, la radio nocturne perd du terrain sur toutes les stations, la parole et le direct s’amenuisant de plus en plus. Surtout, France Inter, qui restait une exception dans le paysage radiophonique des heures noires, abandonne à son tour ses nuits.
Le symbole France Inter, chronique d’une disparition annoncée ?
La fin de deux émissions mythiques
• La fin du Pop Club
71En 2005, c’est la fin du Pop Club de José Artur, après quarante ans d’antenne – son animateur en a alors soixante-dix-sept. Deux ans plus tôt, en 2003, un article du Monde qualifiait encore José Artur « d’infatigable pape du Pop » :
« Le Fouquet’s est son royaume. Le célèbre restaurant parisien des Champs-Élysées lui tient lieu de bureau, de local de travail et de rendez-vous. Un observatoire pour celui qui n’est plus précisément un nouvel observateur : c’est là, dans l’intime salon James-Joyce, au premier étage, que José Artur, sémillant septuagénaire, chaque soir, du lundi au jeudi, présente l’émission légendaire dont il est le créateur, l’emblème, la voix et le ton : Le Pop Club80. »
72Le journaliste insiste sur l’exceptionnelle longévité de cette émission, vante le ton de José Artur, un « ton parisien, mais de ce Paris un peu oublié et perdu », ainsi que l’aspect parfois « happening » de son émission. José Artur affirme en plaisantant avoir choisi la date de sa dernière émission : « ce sera le 20 mai 2020, jour de mon anniversaire81 ». Il s’arrêtera pourtant en 2005. Avant cela, son Pop Club déménage, pour un an seulement, au Drugstore Publicis. Près de trente ans après l’émission Drugstore de Yann Hegann, sur Europe 1, ce lieu des Champs Élysées retrouve donc pour quelques mois la vocation radiophonique nocturne qui l’avait un temps habité.
73José Artur n’aura pas l’occasion de célébrer ses quarante ans du Pop Club le 4 octobre 2005, puisque l’émission disparaît de la grille de rentrée de septembre 2005. José Artur conserve toutefois un programme hebdomadaire sur le théâtre, C’est pas dramatique82. Si la suppression du Pop Club n’a rien de très étonnant, elle marque bel et bien la fin d’une époque. Après l’arrêt de son émission, José Artur sera régulièrement invité dans les médias pour raconter ses souvenirs de « micro de nuit », puis au moment de son décès, en janvier 2015, le monde médiatique lui rendra de nombreux hommages.
• La fin d’Allô Macha
74En 2006, l’année suivant la suppression du Pop Club, le nouveau directeur de la chaîne – Frédéric Schlesinger – envisage de ne pas renouveler le contrat de Macha Béranger, alors âgée de 65 ans. L’émission de confidences nocturnes Allô Macha est supprimée, après vingt-neuf ans d’existence83. Pour le nouveau dirigeant, il s’agit de rajeunir l’audience et de supprimer des formules selon lui éculées84. L’animatrice, souffrant d’un cancer, avait été contrainte de s’absenter à plusieurs reprises de l’antenne cette année-là. Pour les auditeurs fidèles, la nouvelle de la suppression d’Allô Macha est difficile à accepter. Le 6 juin 2006, Macha leur annonce la nouvelle à l’antenne en direct :
« Cette nuit n’est pas une nuit tout à fait comme les autres […]. C’est le cœur gonflé d’une immense tristesse que je vais vous annoncer une nouvelle pas très agréable, en tout cas pour mon équipe, pour moi, et pour les très fidèles sans sommeil. […] La direction de France Inter a décidé de ne pas reconduire l’émission à la rentrée de septembre prochain, alors il ne me reste plus que quatre petites semaines pour que je puisse encore et encore vous écouter, vous consoler, vous aider et vous aimer, comme j’ai tenté de le faire, pendant 29 ans et deux mois, chaque nuit, passionnément85. »
75Suite à cette annonce, les appels de soutien d’auditeurs affluent. Macha Béranger pleure et, le temps d’une émission, les rôles s’inversent, les auditeurs appelant pour la consoler et la soutenir, comme Pascal :
« L’émission s’arrête, mais ce que vous avez impulsé ça va rester, et c’est quelque chose qui est très intime, très profond. Vous avez donné beaucoup, écouté beaucoup, aidé beaucoup de gens à sortir de situations personnelles délicates… Même si ça s’arrête, ça continue Macha86. »
76Macha Béranger parle même de sa relation avec les auditeurs comme de sa « plus longue histoire d’amour ». Certains « sans-sommeil », qui n’avaient jusqu’ici jamais essayé d’appeler, parce qu’ils n’osaient pas ou n’en ressentaient pas le besoin, décident ce soir-là de joindre le standard de l’émission, choqués par cette annonce. Jean-Marc, par exemple, s’insurge – « vous n’êtes pas une formule » –, et affirme que Macha l’a aidé à traverser des périodes difficiles, l’a accompagné depuis une quinzaine d’années. Sophie, qui n’a jamais appelé l’émission avant, témoigne dans le même sens :
« Vous m’aidez à vivre depuis dix ans, tout simplement. Je me suis toujours promis de vous appeler un jour, mais c’est trop difficile pour moi de parler. Je vous connais depuis 1996, je vous ai découverte sur mon lit d’hôpital, je venais d’apprendre que j’avais un cancer durant ma grossesse. […] Après, j’ai toujours trouvé une certaine force en vous… […] J’ai du mal à imaginer qu’un jour je ne puisse plus vous entendre. Je suis complètement assommée. Je pense que c’est une blague. […] Je suis un peu gênée de dire ça mais il faut que j’avoue que c’est quand même grâce à vous que je suis vivante. […] Après l’annonce de mon cancer j’ai l’impression que c’est la deuxième mauvaise nouvelle de ma vie87. »
77Ce témoignage montre bien comment certains auditeurs, même passifs, ont développé un rapport affectif à cette émission de dialogue nocturne et à cette voix dans la nuit. D’autres sans-sommeil, déjà passés à l’antenne d’Allô Macha, témoignent également, tel Mathieu :
« Vous m’avez énormément réconforté, et grâce à votre émission, grâce à vous, j’ai fait des rencontres extraordinaires et ma vie, du jour au lendemain, a complètement changé. Vous parliez de trait d’union, c’est exactement ça. Je vais être très honnête, c’est vrai que ces dernières années je vous écoutais moins, mais vous êtes toujours présente, […] et quand parfois j’allumais quand même la radio, certains soirs, que je vous écoutais… voilà, c’est une magie cette émission, une magie ! Une magie et en même temps une magie réelle, vous avez transformé mon existence.
J’étais complètement seul, je ne savais pas où j’allais, et grâce à vous je me suis complètement trouvé, accompli dans tous les domaines. J’ai trouvé l’amour, je suis très heureux depuis cinq ans avec la personne que j’aime, j’ai trouvé ma voie – je suis psychologue aujourd’hui. […] Le premier avril 97, un soir où j’allais très mal, vous avez été présente, comme vous avez été présente pour des milliers et des milliers de personnes à un moment venu, et ça me fait très mal ce qui vous arrive88… »
78Ce soir-là, parmi les divers appels d’auditeurs (onze au total) qui remercient l’animatrice, s’indignent et annoncent qu’ils vont se battre pour qu’Allô Macha ne soit pas supprimé, Alain Delon passe à l’antenne pour afficher son soutien, insistant sur le fait que rien n’a été convenu à l’avance et qu’il appelle de manière spontanée.
79Un site internet est créé par les auditeurs, qui recueille des dizaines de messages de soutien et sur lequel une pétition est lancée89. En dépit de cette mobilisation, Macha Béranger doit définitivement quitter France Inter. La dernière émission a lieu le 29 juin 2006. Cette nuit-là, Macha est entourée de différentes personnalités, « quelque personnes célèbres ou non », dont les comédiens Jean-Claude Brialy et Raphaël Mezrahi, l’animateur de télévision Laurent Mariotte, ou encore une médium, amie de l’animatrice. Finalement, le ton de cette émission est aux rires et au divertissement, tranchant avec l’atmosphère habituellement feutrée d’Allô Macha90.
80Il est nécessaire de nuancer ces réactions passionnées. En dépit d’une popularité importante auprès des sans-sommeil, Macha ne fait évidemment pas l’unanimité. Plus encore, tandis que certains auditeurs affirment avoir été aidés par elle, d’autres, au contraire, ont été déçus ou blessés suite à un passage dans Allô Macha, même s’il est difficile de percevoir ce type de discours. D’une part, en effet, ces personnes-là sont empêchées de passer à l’antenne pour s’exprimer négativement, même si certaines doivent parfois réussir à tromper le filtre du standard. D’autre part, dans les lettres que nous avons pu consulter, encore une fois, il semble que les courriers négatifs aient été écartés. Nous avons pourtant rencontré une auditrice qui témoigne d’une expérience malheureuse relative à Allô Macha. Au lieu de se sentir aidée, comprise et réconfortée par son passage à l’antenne, elle a été très déçue par l’attitude d’une animatrice n’ayant fait preuve, selon elle, d’aucune psychologie et d’aucune bienveillance. Plus encore, alors qu’elle avait demandé à l’assistant de ne pas transmettre ses coordonnées aux sans-sommeils, elle a reçu, quelques jours plus tard, la lettre d’une auditrice à son domicile. Elle s’est sentie blessée et trahie, d’autant plus que la lettre n’était pas une manifestation de sympathie91. À partir de cette expérience, elle n’a plus jamais considéré Allô Macha de la même manière. S’il s’agit d’un témoignage isolé, nous avons tout de même retrouvé dans le courrier et les appels d’autres traces d’auditeurs se plaignant d’avoir été contactés par des personnes néfastes ou mal intentionnées, suite à leur passage à l’antenne.
81Par ailleurs, nous avons recueilli le témoignage d’un homme qui a été l’assistant de Macha Béranger pendant les dernières années de l’émission. Il affirme qu’à la fin, elle recevait beaucoup moins d’appels, et que parmi ces derniers, il y en avait certains qu’elle ne voulait pas prendre dans l’émission, pour des raisons personnelles92. Il se souvient, par exemple, d’une auditrice paraplégique, que Macha refusait systématiquement, tout en étant tout de même satisfaite, dit-il, de savoir qu’elle continuait d’appeler. C’est finalement lui qui passait du temps au téléphone avec ces auditeurs dont elle ne voulait pas, contribuant malgré tout, dans l’espace de cette communication privée, à leur permettre de s’exprimer. En tout cas, s’il se souvient de l’appel spontané d’Alain Delon, il insiste sur le fait que les appels d’auditeurs devenaient rares. Il évoque le climat d’une certaine tristesse, explique qu’ils étaient parfois obligés de rappeler des « habitués » pour les faire intervenir, et affirme avoir demandé à sa mère, une fois, de téléphoner en se faisant passer pour une auditrice. Ce témoignage concorde avec d’autres récits recueillis parmi les professionnels de France Inter.
82En tout cas, l’émission s’arrête et, aux yeux du public, Macha Béranger n’a pas perdu de son aura. Invitée sur le plateau TV d’On ne peut pas plaire à tout le monde de Marc-Olivier Fogiel peu de temps après l’annonce de la suppression de son émission, elle est traitée avec bienveillance par l’ensemble des autres invités présents, et nombreux sont ceux qui affirment « adorer » l’animatrice93. Dans les derniers temps de l’émission, Macha était d’ailleurs régulièrement invitée à la télévision pour évoquer sa carrière et son rapport à la nuit. Dans un reportage qui lui était consacré en 2002, il était indiqué à tort que Macha avait été aux commandes de la première émission nocturne de conversations avec les auditeurs, insistant sur le caractère pionnier d’un tel programme94. Avec le temps, l’antériorité du programme de Gonzague Saint Bris sur Europe 1, et même son existence, a ainsi été comme effacée de la mémoire collective, supplantée par la figure de femme dans la nuit incarnée par Macha Béranger.
83Après l’été 2006, Macha Béranger trouve refuge chez MFM Radio où elle anime Bonsoir Macha chaque soir entre 23 heures et minuit, pendant une saison seulement95. L’animatrice ne se remettra vraisemblablement jamais de son éviction de France Inter. L’année suivante, elle publie un ouvrage dans lequel elle raconte son combat contre le cancer et « l’aventure de chagrin » causée par la suppression d’Allô Macha96. Macha, sorte de personnage entré dans la légende, continue d’inspirer et de fasciner jusqu’à son décès, en 2009, trois ans après la fin de l’émission, et bien au-delà. En 2012, un film mettant en scène une animatrice de radio nocturne dialoguant avec les auditeurs sort sur les écrans français : Parlez-moi de vous, de Pierre Pinaud97. Au moment de la promotion de ce long métrage, il est constamment fait référence à Macha Béranger98, de nombreux parallèles pouvant être tissés entre l’animatrice de France Inter et le personnage incarné par Karine Viard. D’abord, le pseudonyme du personnage, « Mélina », ressemble étrangement à celui de Macha. En outre, le caractère torturé de cette animatrice de fiction concorde avec celui de l’animatrice réelle, selon de nombreux témoignages recueillis auprès de personnes ayant travaillé avec elle à France Inter.
84Si l’intrigue principale du film n’a pas directement à voir avec la profession du personnage incarné par Karine Viard, son métier occupe tout de même une place importante dans le déroulement de l’histoire, et met en exergue la complexité d’un personnage double. Souriante, aimante et bienveillante avec les auditeurs le soir au micro, cette Mélina se révèle froide, triste et solitaire le reste du temps. Si un tel décalage est mis en évidence dans ce film, il semble qu’il en soit de même dans la vie privée de Macha Béranger, tous les témoins rencontrés évoquant un fossé entre la représentation du « mythe Macha » et la réalité. Il est intéressant de voir comment l’univers particulier de Macha, véhiculé par divers reportages depuis les années 1970, est ici recréé à l’image, avec un studio plongé dans l’obscurité et une simple petite lampe allumée, créant une atmosphère tamisée.
85En 2006, alors qu’Allô Macha connaissait ses dernières heures, un auditeur sans-sommeil, François Cha, par ailleurs chanteur, auteur et compositeur, avait écrit et mis en musique des paroles en hommage à Macha, sans avoir jamais eu le courage de les lui transmettre. En 2016, soit dix ans après la disparition de l’émission, il a rendu publique cette chanson, sur Internet, l’accompagnant d’un petit texte :
« Macha Béranger était “une grande dame de la radio” comme on dit. […] Je me souviens du générique emprunté à Mozart, sa voix grave, et les témoignages des auditeurs parfois horribles… Pendant une période, j’écoutais ses émissions dans mon lit, et j’ai eu l’idée géniale d’en faire une chanson. Et un soir, vers une heure du matin, alors que nous faisions la promo de notre album chez Serge Le Vaillant sur France Inter justement, j’assiste à la fin de son émission. Il y avait tout : son petit chien, le studio dans la pénombre, ses clopes… Bien entendu, je ne suis jamais allé la voir pour lui dire que cette chanson existait, et elle est morte peu après, bien fait pour moi. Je pensais qu’elle le prendrait mal, quel abruti… […] Quand on est seul et “sans sommeil”, qui faut-il appeler à la radio aujourd’hui pour être consolé99 ? »
Un renouveau des voix nocturnes ?
• L’expérience Allô La Planète
86Le programme Allô Macha est remplacé, à la rentrée 2006, par Allô la planète, une émission de « libre antenne planétaire » animée par Éric Lange100. Tandis que l’émission de Macha était diffusée après minuit et ne durait plus qu’une heure durant les dernières années, Allô la planète a lieu chaque soir entre 23 heures et 1 heure. Allô la planète a comme principe de recevoir des appels du monde entier, pour écouter les expériences personnelles de chacun – Français expatriés, en voyage, et étrangers parlant français – mais aussi l’actualité des pays dans lesquels les auditeurs se trouvent.
87Ce concept d’émission, Éric Lange l’a imaginé plusieurs années plus tôt, mais il a mis du temps à obtenir qu’une station généraliste l’accepte. Ce grand voyageur a commencé sur les radios libres au début des années 1980, et a pu pendant plus de dix ans allier sa passion des voyages et de la radio – il a notamment proposé des programmes à Fun Radio et Skyrock dans lesquels il racontait ses périples. Dans Allô la planète, chaque auditeur peut appeler pour demander des conseils avant de partir dans telle ou telle région du monde, passer une annonce pour trouver des contacts sur place, raconter ce qu’il se passe dans le pays, la région, la ville où il vit, parfois de l’autre côté du globe. L’émission est une fenêtre ouverte sur le monde, dans laquelle des voix provenant d’un peu partout se succèdent. En 2008, Télérama consacre un article élogieux à Éric Lange et à son émission :
« Grâce à lui, on se régale de discussions planétaires. […] Aujourd’hui, c’est nous qu’il fait rêver avec ses incroyables histoires, comme celles de l’homme âgé qui vit seul sur une île et cherche désespérément quelqu’un pour le remplacer, ou du chercheur fou qui s’apprête à réaliser une chute libre de 40 kilomètres… Tous se racontent sur le grand écran sonore d’Allô la planète. Une idée folle et généreuse qui n’a jamais quitté Éric Lange101. »
88Quelques mois plus tard, Le Monde consacre à son tour un long article à l’émission, saluant la possibilité donnée « aux auditeurs éparpillés dans le monde entier de s’organiser en réseau d’amitié et d’entraide102 ». Le programme s’inscrit donc dans le sillage d’une émission comme Les Routiers sont sympa, à cette différence près qu’au lieu de s’adresser en priorité à une profession, l’émission est destinée d’abord aux voyageurs. Allô la planète s’inscrit également dans le prolongement des programmes de dialogue nocturne de Gonzague Saint Bris et Macha Béranger. En particulier, cette émission a mis en place le système des « bouteilles à la mer », appels d’auditeurs à l’entraide et à la solidarité de la communauté. Éric Lange raconte plusieurs anecdotes d’auditeurs ayant trouvé destinataire pour leurs « bouteilles à la mer » : celle d’un doudou oublié dans un hôtel de Prague récupéré par une étudiante ; celle d’un visa obtenu in extremis pour un historien ivoirien qui risquait de rater un important colloque… Il évoque aussi l’histoire d’un auditeur qui, ayant rencontré une Colombienne sur Internet, a appelé l’émission en se demandant s’il devait la rejoindre. Stimulé par les encouragements et les conseils des auditeurs laissés en direct et sur le site de l’émission, mais aussi par la promesse – tenue – émanant de résidents colombiens de venir le chercher à l’aéroport de Bogota, le jeune homme a finalement pris la décision de partir. Quelque temps plus tard, il a rappelé Éric Lange depuis la Colombie, le jour de son mariage.
89Au-delà de ses belles histoires de rencontres se déroule chaque soir une conversation internationale sur divers sujets, des débats de société autour de thèmes parfois assez éloignés des préoccupations des émissions diffusées durant la journée, globalement très franco-centrées.
90Éric Lange définit son émission comme « un grand dîner de famille. Une famille éparpillée aux quatre coins de la planète et qui se retrouve chaque soir pour parler du monde comme il va ». Dans ce programme, des personnes très éloignées géographiquement utilisent un ton très intime pour se parler. Plus encore, à la différence des émissions de libre antenne en général, les auditeurs d’Allô la planète n’appellent généralement pas pour parler d’eux ni pour s’épancher sur leur sort, comme l’indique Anneka, assistante de l’émission : « Les gens qui voyagent ne parlent pas d’eux, ils parlent de ce qu’ils font. » Divers projets – humanitaires, écologiques ou culturels – fleurissent ainsi sur le site de l’émission et Éric Lange explique que son métier consister à aider ces personnes porteuses de projets à « raconter au mieux ce qu’ils vivent pour que d’autres continuent de leur prêter main forte103 ». Débats d’idées sur le développement économique en Chine ou en Russie, récit de vie en Amérique du Sud, périple à moto au Kazakhstan, tour du monde à vélo… les sujets se succèdent sur les ondes et trouvent également un écho sur la Toile. Allô la planète a largement dépassé le simple cadre radiophonique, en investissant Internet, avec un forum interactif ouvert en permanence, plateforme d’échanges entre les différents auditeurs.
91L’émission attire de nombreux auditeurs, entre 350 000 et 400 000 auditeurs en audience cumulée en France selon Médiamétrie en 2008, le chiffre total réel étant nécessairement supérieur, puisque l’auditoire d’Allô la planète dépasse largement les frontières. En outre, l’audience de l’émission semble s’être beaucoup rajeunie par rapport à Allô Macha. Par exemple, de nombreux étudiants « Erasmus » ou en année de césure à l’étranger appellent. Plusieurs témoignages indiquent d’ailleurs que certains auditeurs se sont décidés à partir pour un grand voyage ou pour une expérience d’année d’études à l’étranger après avoir écouté l’émission, encouragés par les récits des uns et des autres. Allô la planète constitue en effet une véritable invitation au voyage. En 2010, après trois saisons fructueuses, Allô la planète est supprimée par le nouveau directeur des programmes de France Inter, Philippe Val.
• De nouvelles voix féminines nocturnes ?
92Dans les années 2000, de nouvelles voix féminines investissent les ondes tardives ou nocturnes de France Inter, aux commandes d’émissions culturelles : il s’agit de Brigitte Palchine, Sophie Loubière, Marjorie Risacher.
93Birgitte Palchine a commencé à animer des émissions sur Radio Bleue. À l’été 1994, elle a produit Mensonges d’une nuit d’été sur France Inter, une émission quotidienne d’entretiens (00 heure-2 heures). Après plusieurs émissions sur France Bleu et France Inter, la direction de France Inter lui confie à la rentrée 2001 une case intitulée Nocturne, la nuit du samedi au dimanche entre 4 et 5 heures du matin. Il s’agit d’un programme culturel consacré à la littérature, l’art, la musique et le spectacle, et la programmation nocturne de l’émission permet de « traiter également des sujets réservés aux adultes104 ». À partir de 2008, Nocturne dure quatre heures (1 heure-5 heures), divisée en plusieurs rubriques.
94Sophie Loubière, écrivaine de polars entrée à Radio France en tant qu’auteure de dramatiques au milieu des années 1990, a produit des émissions estivales pour France Inter, puis France Bleu, à partir de 1997. À l’été 2001, elle crée le concept de Dernier Parking avant la plage, émission de lectures littéraires diffusée en fin d’après-midi sur France Inter. Après avoir été reconduit cinq étés consécutifs, ce programme est intégré à la grille de la saison 2006-2007, sous le titre Parking de nuit, d’abord diffusé dans la nuit du samedi au dimanche, puis le vendredi soir (21 heures-22 heures). Avec Dernier Parking avant la nuit, France Inter renoue avec la tradition des émissions nocturnes de lecture animées par des voix féminines, comme La Nuit commence de Madeleine Constant dans les années 1970, ou L’Heure du Kriss… me dans les années 1990. La radio raconte donc encore des histoires, Parking de nuit alternant avec des thèmes différents, parfois policiers, dans la tradition des dramatiques policières.
95Une troisième voix féminine, Marjorie Risacher105, produit des émissions musicales estivales tardives particulières, à partir de l’été 2000 – Pique et cœur, le dimanche soir de minuit à 1 heure, puis de 21 heures à 22 heures. Le principe est original, puisqu’il consiste à confronter un chanteur aux avis de huit auditeurs sélectionnés, qui ont reçu chez eux le dernier disque de l’artiste et se livrent à l’exercice de la critique musicale. Parmi les artistes se prêtant au jeu, citons Yann Tiersen, Mano Solo, Louis Chedid, MC Solaar, Oxmo Puccino, ou encore Charlélie Couture. L’une des auditrices de Pique & cœur exprime bien l’impact que cette émission a eu sur elle :
« Je me souviens très nettement de mon premier Pique et cœur. Je sais où j’étais, l’artiste qui passait, et ce que j’ai ressenti. Ce dimanche-là, l’artiste était Helena Noguerra, que je n’ai jamais perdu de vue depuis, et c’était le dernier jour de mes vacances en Corse. J’étais complètement hypnotisée par la voix de Marjorie Risacher, l’ambiance intimiste, les voix de ces auditeurs anonymes. Je trouvais l’émission originale, intelligente et sensible. Donner la parole à ceux qui achètent les CD et les billets de concerts et la relayer intelligemment à l’artiste… concept génial. Plus tard j’ai eu la chance d’être un des 8 auditeurs d’un soir. Je n’avais jamais appréhendé un album de cette façon, en cherchant à mettre des mots précis sur des sentiments positifs ou négatifs, en essayant de construire une argumentation. […] Pique et cœur m’a appris à écouter la musique différemment et je lui dois de belles découvertes ou redécouvertes d’artistes que j’avais catalogués106. »
96À partir de 2008, Marjorie Risacher est présente toute l’année dans la grille de France Inter, puisqu’elle produit un programme diffusé au sein de Nocturne de Brigitte Palchine – Au clair de la lune (2 h 30-3 heures) – qui consiste en la diffusion de concerts de musique, enregistrés devant un public restreint à la radio.
Vers la disparition programmée des nuits de France Inter ?
• La nuit menacée ?
97En 2008, Le Monde célèbre dans un long article la spécificité nocturne de France Inter, présentée comme étant « l’une des seules à poursuivre le direct la nuit107 ». Pour la journaliste, la nuit est d’ailleurs considérée comme « un pur moment de liberté et de confidence ». Elle a passé la nuit dans les studios de la station nationale du service public, aux côtés des animateurs Éric Lange et Serge Le Vaillant, ainsi que de Serge Gandon, réalisateur de Sous les étoiles exactement.
« Minuit quarante-cinq, sur les bords de Seine. Allô la planète, l’émission interactive et internationale d’Éric Lange, s’achève entre Shanghai et Hanoï. Là-bas, le jour naît. Ici, c’est la nuit. Dans les couloirs de France Inter, les bureaux se sont vidés, mais on y décèle encore de l’activité. Car Inter est l’une des seules stations à proposer des directs toute la journée. […] En studio, la lumière tamisée rappelle l’heure avancée, mais l’énergie du direct reste tangible. Une obligation pour le producteur de l’émission. “Les gens qui écoutent n’ont pas envie qu’on leur rappelle qu’ils ne dorment pas. […] Quand j’ai commencé, je parlais aux boulangers et aux éboueurs. Mais il y a plus de 400 métiers de nuit. Sans compter Internet, qui permet à des familles de nous écouter en déjeunant, aux États-Unis.” »
98Dans cet article le réalisateur et le producteur de Sous les étoiles exactement vantent les conditions de liberté dans lesquelles ils peuvent travailler la nuit, tandis que le directeur de France Inter, Frédéric Schlesinger, affirme qu’il est impossible de connaître les audiences des émissions nocturnes, les sondages de Médiamétrie n’étant pas effectués pour la tranche horaire minuit-cinq heures. En réalité, les chiffres existent bel et bien, mais seuls les directeurs des stations et les producteurs concernés sont censés les avoir. Frédéric Schlesinger insiste en tout cas sur l’importance, à ses yeux, d’assurer du direct toute la nuit, peu importe l’audience. Il revendique une mission de service public : « cela fait plus d’une décennie que Sous les étoiles exactement est installée sur les ondes, et il n’est pas question de changer108 », assure-t-il. Son successeur, Philippe Val, n’aura pas la même vision des choses.
99En quelques années, en effet, cette spécificité nocturne de la station généraliste du service public s’évapore dans la nuit.
100Philippe Val remplace Frédéric Schlesinger à la direction des programmes de France Inter en juin 2009. S’il ne procède pas à des changements majeurs pour la grille 2009-2010, il bouleverse celle de la rentrée suivante. À l’été 2010, il remercie six producteurs d’émissions du soir et de programmes nocturnes109 : Sophie Loubière pour Parking de nuit, Sylvie La Rocca pour La Nuit comme si110, Brigitte Palchine pour Nocturne, Marjorie Risacher pour Pique & cœur, Philippe Debrenne pour Dormir debout et Éric Lange pour Allô la planète111. Ces évictions interviennent en même temps que celles des humoristes Didier Porte et Stéphane Guillon, qui provoquent une importante polémique112, mais aussi de la suppression du magazine de la rédaction Et pourtant elle tourne de Jean-Marc Four, et de l’émission quotidienne Esprit critique de Vincent Josse, ces deux derniers n’étant pour autant pas exclus de l’antenne.
101S’il est d’usage que les nouveaux directeurs de chaîne marquent leur arrivée par une refonte de la grille et des équipes, ces nombreuses évictions et suppressions de programmes sont remarquables, d’autant que les audiences de la station se portent bien, et suscitent de nombreuses interrogations au sein des professionnels de la station et des auditeurs113. Il se murmure que ces remaniements seraient essentiellement d’ordre politique114. Outre l’éviction de Didier Porte et Stéphane Guillon, les producteurs remerciés en 2010 sont tous aux commandes d’émissions tardives ou nocturnes, essentiellement diffusées le week-end. L’objectif, qui se dessine en filigrane, est de refondre les programmes de nuit du week-end, voire de les supprimer complètement.
102Là encore, des auditeurs font entendre leurs mécontentements, notamment sur Internet, avec des pétitions lancées pour soutenir les différentes émissions. Voici par exemple le message accompagnant l’une des pétitions destinées à soutenir Parking de nuit de Sophie Loubière :
« Notre Parking de nuit va être rasé. […] Au fil des années le public tantôt estival, nocturne ou roulant vers le week-end, s’est étoffé, et avec lui le temps de lecture s’est allongé. Oui, une lecture à haute voix crée du plaisir et suscite le désir d’aller plus loin avec le livre. Lire n’est ni grave ni austère et surtout pas réservé à une sphère savante qui doit faire rire les auteurs avant que leur ouvrage ne soit jeté au bûcher. Le Parking de Sophie est un médiateur remarquable qui parle aussi à ceux qui n’ont pas suivi une orientation littéraire, leur offrant des plages de pages et une couverture sonore enveloppant les bonnes ondes de la radio115. »
103En fait, comme l’indique Philippe Debrenne, le producteur de Dormir debout évincé cet été-là, ce n’est pas parce que le contenu de ces émissions nocturnes déplaît, ou gêne la nouvelle direction qu’elles sont supprimées. En effet, comme il l’explique, Philippe Val n’a en réalité aucune idée du contenu de Dormir debout :
« Les cinq dernières années que j’ai passées à la radio, il y a eu Philippe Val et avant il y a eu Schlesinger ; ils ne connaissaient même pas mon existence. Je les croisais dans les couloirs, ils ne savaient pas qui j’étais. […] Quand Philippe Val m’a viré, je suis allé dans son bureau. Il ne savait pas ce qu’il y avait dans mon émission et il s’est même planté de jour, il pensait que j’étais la nuit du samedi au dimanche116. »
104Ce témoignage indique bien combien la radio nocturne est devenue un espace-temps dont se désintéressent les directeurs des stations, même de France Inter, station pourtant historiquement pionnière en la matière. Cet été-là, plusieurs professionnels de radio et auditeurs commencent à s’inquiéter pour l’avenir des programmes de nuit, à l’image de cette auditrice :
« Pour la nuit ? On ne sait pas. On saura à la rentrée. Les émissions évincées “ne correspondent pas à la ligne éditoriale […]”. On a du mal à comprendre. Elles avaient pourtant leur légitime succès. Elles étaient passionnantes, elles rendaient nos nuits intelligentes. Et quand Val donne les grandes lignes de la rentrée et qu’il explique les changements, il ne parle pas des émissions nocturnes117… »
105En réalité, si ces émissions sont supprimées, ce n’est ni parce qu’elles dérangent, ni pour faire de la place pour quelqu’un d’autre, puisqu’elles ne seront pas vraiment remplacées. À ce stade, Philippe Val a vraisemblablement déjà formé le projet de supprimer progressivement les émissions de nuit.
106Les diverses marques de protestation des auditeurs et des employés de France Inter ne remettent pas en cause la décision de la nouvelle direction. Si Éric Lange peut rejoindre par la suite Le Mouv’ et que Brigitte Palchine reprend le micro sur France Bleu, pour les quatre autres producteurs, la radio ne sera plus qu’un souvenir. Ainsi, Sophie Loubière se concentre désormais sur l’écriture de romans policiers, tandis que Philippe Debrenne a dirigé ensuite plusieurs associations.
107Jusqu’à une certaine heure, les créneaux horaires auparavant occupés par ces émissions sont remplacés par d’autres programmes « en première diffusion », c’est-à-dire conçus pour être spécifiquement diffusés à ces horaires nocturnes. En revanche, à partir de trois heures du matin pour la nuit du vendredi au samedi, et dès une heure du matin pour la nuit du samedi au dimanche, les émissions originales cèdent désormais la place à des rediffusions de programmes de la semaine. Voici ainsi les grilles des programmes nocturnes de France Inter le week-end en janvier 2011 :
Janvier 2011. Nuit du vendredi au samedi sur France Inter.
23 heures – 00 heure | Studio Théâtre, de Laure Adler |
00 heure – 1 heure | Pop, etc, de Valli |
1 heure – 2 heures | Conduite accompagnée*, de Mathias Deguelle |
2 heures – 3 heures | Nuit Noire puis Nuit Blanche**, de Patrick Liegibel |
3 heures – 5 heures | REDIFFUSIONS (Transeuropéennes, Rendez vous avec X, Partir Avec) |

* Il s’agit d’une émission créée à la rentrée 2010, dont le principe est le suivant : une personnalité qui s’entretient avec l’animateur, présente à son tour un autre intervenant, moins connu.
** Patrick Liegibel, « monsieur fiction de France Inter » produit Nuit noire et Nuit blanche, deux émissions de fictions radiophoniques traitant de phénomènes de société. La question est traitée de façon mystérieuse dans Nuit noire et plus légère dans Nuit blanche.
Janvier 2011. Nuit du samedi au dimanche.
22 heures – 00 heure | Alternatives*, Laurence Pierre |
00 heure – 1 heure | Boulibaï Vibrations**, de Malik Boulibaï |
1 heure – 5 heures | REDIFFUSIONS (Sur les épaules de Darwin, On aura tout vu, C’est du classique mais c’est pas grave, Les Liaisons heureuses, Les Notes de la semaine…) |

* Émission de musique électronique existant depuis 1994.
** Émission consacrée à la musique reggae, qui existe depuis 2003.
108Par exemple, le programme Nocturne de Brigitte Palchine, auparavant diffusé dans la nuit du samedi au dimanche entre une heure et cinq heures, a été intégralement remplacé par une longue plage de rediffusions. L’année suivante, à l’été 2011, Bernard Lenoir, l’hôte des soirées rock et pop de France Inter, organisateur des Black Sessions, concerts spéciaux radiodiffusés depuis la Maison de la radio, est à son tour remercié de la station, son nom venant s’ajoutant à la liste des évictions de voix mythiques des fins de soirée de France Inter.
• La fin des nuits en direct
109Deux ans plus tard, en juin 2012, la direction de France Inter annonce la suppression des nuits en direct sur son antenne : les nuits de semaine seront comblées, entre une heure et cinq heures du matin, par des rediffusions des programmes de la journée qui vient de s’écouler, à l’image de ce qui se passe déjà sur Europe 1. Serge Le Vaillant, à la tête des heures nocturnes depuis plus de quinze ans, reprend la responsabilité des nuits du week-end, qui seront désormais enregistrées en journée durant la semaine. Les traditionnelles et célèbres nuits blanches de France Inter laissent donc la place à des « nuits en boîte de conserve » – pour reprendre les termes des syndicats de la radio publique. L’intersyndicale de Radio France dénonce cette décision de la direction dans un communiqué :
« Priver les auditeurs d’un accompagnement vivant, c’est dévoyer l’esprit du service public. Cette spécificité du direct la nuit, qui faisait notre différence et notre fierté va être sacrifiée sous des prétextes éditoriaux, masquant maladroitement les restrictions économiques décidées par la direction d’Inter sur cette tranche.
Nous tenons à exprimer notre profond désaccord quant à la destruction du service que sont en droit d’attendre les auditeurs d’une antenne nationale. La mission de France Inter, c’est aussi apporter une présence réconfortante, divertissante, instructive, de jour avec un ton et un contexte de jour, de nuit avec un ton et une complicité de nuit. Notre antenne ne sera plus à la hauteur de ce qu’elle a été et n’offrira plus aux auditeurs la qualité et la présence auxquelles ils sont habitués.
[…] En déshabillant de façon aussi peu nuancée les nuits sur France Inter, la Direction prend une décision historique qui sera lourde de conséquences pour l’avenir118. »
110D’autres réactions se font entendre, émanant d’auditeurs119, d’artistes120 ou d’intellectuels121, mais la direction ne fait pas marche arrière. Les nuits de France Inter perdent ainsi l’âme du direct qui les caractérisait – même si certaines séquences de Sous les étoiles exactement étaient déjà enregistrées. Ironie du sort, cette suppression des nuits de France Inter en direct a été réalisée par un directeur qui, dans les années 1970, était un invité régulier du Studio de nuit de Jean-Louis Foulquier122.
111Sur Internet, notamment sur la page Facebook de l’animateur Serge Le Vaillant, les témoignages d’auditeurs affluent, faisant part de leur colère ou de leur tristesse depuis la disparition de Sous les étoiles exactement. Certains partagent des poèmes.
112Un an après la suppression des nuits en direct, à l’été 2013, Philippe Val, toujours directeur de France Inter, ne renouvelle pas le contrat de Serge Le Vaillant pour la rentrée, et personne n’est prévu pour le remplacer. La station historiquement à l’origine de l’existence d’une radio nocturne française – Paris Inter en juin 1955 – met donc elle-même un terme à cette histoire, près de soixante ans plus tard. À la place de ses émissions du week-end de Serge Le Vaillant, la direction met en place, sans surprise, des rediffusions. La semaine comme le week-end, France Inter propose alors quatre heures quotidiennes de programmes de redites, soit vingt-huit heures hebdomadaires. En parallèle, la direction de la station choisit de ne pas reconduire non plus le contrat de Laurent Lavige, producteur d’émissions musicales nocturnes quotidiennes entre minuit et une heure du matin depuis le début des années 1990, devenu une voix mythique de la nuit123.
113Cette disparition du nocturne en direct sur France Inter s’est réalisée rapidement. En quelques années, la tradition de France Inter comme chaîne spécialiste du 24 heures sur 24 s’est évaporée, sans trop faire de remous. Pourtant, jusqu’aux derniers moments, quand était évoquée la « radio nocturne en direct », le réflexe était de penser à France Inter, dernier bastion d’une radio présente en continu, radio de la parole. Par exemple, au printemps 2012, quelques mois avant la suppression du direct les nuits de semaine, un journaliste, qui s’était donné comme défi de ne pas dormir pendant quatre jours, avait choisi de passer sa première nuit aux côtés de Serge Le Vaillant, dans les studios de France Inter124, la radio qui ne dormait jamais.
• Et sur les autres stations ?
114En 2012, à l’image de France Inter, Europe 1 rediffuse toujours des émissions de la veille entre 1 heure et 5 heures du matin, la semaine comme le week-end. RTL procède de la même façon mais à partir de 3 heures seulement, puisque Les Nocturnes de Georges Lang se poursuivent chaque nuit de la semaine jusqu’à cette heure-ci. RTL reste alors la dernière station généraliste à proposer des programmes nocturnes en direct jusqu’au cœur de la nuit. En décembre 2012, Libération consacre un long article à Georges Lang :
« Quelques heures après le crépuscule, sur les ondes, perce le timbre chaud et buriné d’une voix rassurante. Ce papillon de nuit, posé sur les fréquences hertziennes, c’est Georges Lang, 65 ans, et il s’envole vers sa quarantième année à la tête des Nocturnes, l’émission de nuit de RTL aux 100 000 auditeurs125. »
115En mai 2013, le disc-jockey de RTL célèbre effectivement ses 40 ans d’antenne, dépassant ainsi le record jusqu’ici détenu par José Artur et son Pop Club, ce qui était d’ailleurs l’un de ses buts secrets126.
Comment expliquer cette disparition de la radio de nuit ?
116Deux types de facteurs expliquent cette progressive désaffection de la radio nocturne française, d’ordre technique et économique.
Facteurs techniques
117D’abord, comme nous l’avons vu précédemment, l’apparition de la télévision 24 heures sur 24 en France à la fin des années 1980 a contribué à faire perdre de l’importance à la radio nocturne. Désormais, la radio n’est plus la seule compagne médiatique dont bénéficient les nocturnes, tandis que les atours « visuels » de la télévision peuvent paraître plus attractifs. Depuis la fin des années 1980, cette diffusion en continu s’est répandue sur l’ensemble des chaînes, lesquelles n’ont par ailleurs cessé de se multiplier. Aux chaînes du câble et du satellite se sont ajoutées celles de la Télévision Numérique Terrestre à partir du 31 mars 2005. L’offre télévisuelle n’a donc cessé de s’étoffer, tandis que les écrans se sont transformés et diversifiés.
118Par ailleurs, l’apparition d’Internet, puis des podcasts au milieu des années 2000127, et avec eux la possibilité d’écouter ou réécouter facilement la radio à la demande, a profondément transformé les habitudes des auditeurs. Désormais, il est en effet possible d’écouter durant la nuit des programmes que l’on aurait manqués au cours de la journée. La radio à la carte permet à l’auditeur de choisir ses programmes en dehors du temps linéaire de la radio, de s’extraire de la primauté du direct. Mais une émission écoutée en direct, dont on sait qu’elle est effectivement réalisée au moment où on l’entend, n’aurait-elle pas quelque chose en plus, une sorte de petit supplément d’âme ? N’y a-t-il pas un lien plus fort dans cette situation de cohabitation de l’instant ? Par ailleurs, dans le cas des stations généralistes, n’y a-t-il pas justement une contradiction à rediffuser la nuit des émissions de la veille que l’auditeur pourrait de toute façon, s’il le souhaite, réécouter à sa guise via les podcasts ? Enfin, en dehors de ses utilisations liées à la radio, Internet lui-même est devenu un autre compagnon disponible, offrant des possibilités de dialogues nocturnes et instantanés, notamment via les réseaux sociaux, avec des personnes pouvant se trouver de l’autre côté du globe. Mais si l’offre de moyens de communication n’a cessé de se développer, par le biais des téléphones portables et des différentes applications disponibles sur smartphones, cette société de la communication a-t-elle pour autant rendu obsolète la radio de nuit ?
Facteurs économiques
119Surtout, cette disparition de la radio nocturne en direct incombe au système d’économie concurrentielle dans lequel évolue désormais l’audiovisuel, y compris l’audiovisuel public. Suite à l’essoufflement des radios libres et au tournant commercial pris par une majorité d’entre elles, après l’autorisation de la publicité sur leurs ondes en 1984, les programmes de nuit se retrouvent en effet très appauvris. Les dirigeants des chaînes de radio, mus par des logiques de concurrence et un désir grandissant de corréler les coûts à l’audience, choisissent de sacrifier la nuit sur l’autel des économies budgétaires. De fait, la question de l’indice d’écoute des émissions de nuit a toujours été problématique. En effet, si Médiamétrie, qui procède aux sondages de la mesure d’audience radiophonique, mesure les données 24 heures sur 24, cette société ne communique pas au public les résultats de la tranche « minuit-cinq heures du matin ». Aussi ces cinq heures nocturnes quotidiennes ne sont-elles pas prises en compte dans le comptage global de la mise en concurrence des stations. La radio nocturne constitue alors une frontière en termes de concurrence, un espace non économiquement rentable. Sur les radios commerciales, aucun spot publicitaire n’est généralement diffusé durant la nuit, sauf exceptionnellement, on l’a vu par exemple avec La Libre Antenne de Caroline Dublanche, avec des spots publicitaires pour un complément alimentaire censé aider à lutter contre les troubles du sommeil.
120Les audiences radiophoniques nocturnes sont certes faibles, mais puisqu’elles ne sont pas officiellement comptées, elles sont relativement ignorées. Sur France Inter, avant que les émissions nocturnes en direct ne soient supprimées, le budget alloué à ce type de programmes n’a cessé de se réduire depuis les années 1980. Peu à peu, les directions successives ont réduit les moyens de ces émissions, la conclusion logique ayant été de les supprimer complètement. Comme le déplore Jean Lebrun, ancien producteur sur France Culture, puis longtemps producteur de La Marche de l’histoire sur France Inter : « quand la pensée est calculante, il ne peut y avoir d’émission méditante128 », faisant référence à Heidegger. Et par ailleurs, si des économies sont réalisées sur la nuit, c’est aussi dans le cadre d’une réduction plus générale de budgets et de moyens à Radio France129.
121France Inter, bien qu’étant restée longtemps une station qui développait des programmes de nuit élaborés et dans une grille très riche, a vu peu à peu ses émissions se réduire en nombre et en variété. Par souci d’économie, on a rogné sur la nuit, passant de plusieurs émissions d’une heure se succédant en direct, à une seule émission de quatre heures d’affilée, et de plus en plus émaillée de rediffusions d’émissions de la veille ; Sous les étoiles exactement du lundi au jeudi, ou Dormir debout la nuit du vendredi au samedi. Philippe Debrenne, producteur de Dormir debout, devait composer avec ces moments de rediffusions à l’intérieur de son propre programme :
« Ils ont mis de plus en plus de rediffusions. Il n’y avait plus de moyens, on coupait les budgets, c’était des émissions de deux heures au lieu d’une… Quand Le Vaillant130 est arrivé, pour eux131 c’était tout bénef’, ils avaient un animateur pour toute la nuit au lieu d’en payer quatre. Ça veut dire un seul animateur, un seul réalisateur, un seul assistant… tout était divisé132. »
122Par ailleurs, en dépit d’absence de budget pour son émission, Philippe Debrenne se débrouillait seul pour que les personnes et organismes qu’il souhaitait rencontrer dans le cadre de ses reportages prennent en charge ses déplacements. Dans son émission, en effet, il y avait notamment un long reportage-visite-guidée d’un musée, d’une exposition, en compagnie du conservateur des lieux. À chaque fois, il négociait avec les services de presse des musées en question pour que ce soit le musée d’accueil qui prenne en charge le coût de son billet de train. Selon lui, cette absence de budget accordée à son émission traduisait le « mépris des directeurs pour la nuit133 ». Cette question du mépris des dirigeants de chaînes de radio pour la nuit est en effet revenue à de nombreuses reprises au cours des entretiens réalisés dans le cadre de cette recherche.
123La disparition des émissions de nuit en direct témoigne d’un désintérêt grandissant pour le monde de la nuit et les gens qui l’habitent. La radio des heures noires est redevenue une marge, un territoire inoccupé, tandis que les travailleurs de nuit, comme les auditeurs nocturnes, sont paradoxalement de plus en plus nombreux. En 2012, les travailleurs de nuit, même occasionnels, représentaient 15,4 % des employés français, soit 3,5 millions de personnes, alors qu’ils étaient 2,5 millions vingt ans plus tôt, en 1991, un million de moins134. Quant aux auditeurs de radio, 5 % des individus de plus de 15 ans déclaraient avoir au moins un contact avec la radio entre minuit et cinq heures du matin durant la saison 2011-2012, tandis qu’ils n’étaient que 2,7 % en 1992-1993135. L’audience nocturne augmente tandis que les programmes disparaissent, là est toute la contradiction. Mais s’agit-il d’un phénomène global, non exclusivement français ?
124En observant les grilles de programmes des stations de radios des pays européens, force est de constater que, dans la majorité des cas, les flux de musique ou les rediffusions ont pris le pas sur les programmes nocturnes originaux réalisés en direct. En Italie, en Suisse ou en Belgique, par exemple, il est difficile de trouver des programmes en direct après minuit ou une heure du matin. Mais cette radio n’a pas disparu partout. Au Royaume-Uni ou en Espagne, certaines chaînes de radio publiques continuent de proposer des programmes radiophoniques nocturnes sans interruption136, lesquels restent considérés comme relevant d’une mission de service public.
125En 2013, le philosophe Michaël Foessel dénonçait dans la revue Esprit la décision de France Inter de supprimer les émissions en direct après une heure du matin, insistant sur le lien d’évidence existant entre la radio et la nuit : « dans le noir, c’est à l’ouïe que l’on se fie de préférence ». Selon lui, ce choix est passé relativement inaperçu car il participe « d’un processus général d’effacement de la nuit » dans ce que celle-ci comporte « d’inquiétant et de marginal ». Pourtant, la radio nocturne avait à ses yeux une vraie utilité :
« Il y a […] ceux qui ne parviennent pas à dormir ou en sont socialement empêchés. C’est pour eux que l’existence d’émissions en direct était la plus précieuse. Les insomniaques et les travailleurs de nuit avaient jusqu’ici la possibilité de se fier à la radio comme à une compagne d’infortune. Qui ne se souvient d’Allô Macha […] qui réunissait chaque soir quelques milliers de “sans sommeil” ? La voix rauque de Macha […] participait d’une communauté de la confidence. Cela ne vaut pas seulement du rêve : la nuit symbolise un temps où tombent les barrières de la censure. Sur les ondes, on y a longtemps toléré que les individus parlent d’eux, c’est-à-dire surtout de leur solitude, sans trop se soucier du jugement des autres. Jusqu’à ces dernières années, les émissions nocturnes étaient les seules où les auditeurs avaient la parole. Aujourd’hui, on la leur donne en plein jour, afin qu’ils éditorialisent indéfiniment, à la manière des journalistes. Durant la nuit, le direct participait d’une sorte de solidarité des égarés. Il y a bien des différences, évidemment, entre le gardien d’hôtel, l’insomniaque, l’infirmière et le noctambule rentré de ses pérégrinations. Mais l’existence d’une voix dans la nuit a pu apparaître à chacun d’entre eux comme un réconfort face au sentiment de ne partager le rythme social majoritaire. En optant pour la rediffusion des programmes diurnes, les radios ont aussi choisi d’associer l’obscurité à la redite. Tout se passe désormais comme si la logique du jour (avec ses impératifs rationnels de productivité) l’emportait sur ce qu’il peut y avoir d’inattendu dans la nuit. […] Il existe pourtant bien une société de la nuit à laquelle les radios reconnaissaient au moins une existence, mais que l’on semble avoir choisi de ne plus voir. En privant cette société nocturne des voix qui lui étaient expressément adressées, on suggère que la “vraie vie” n’a lieu qu’aux heures de bureau137. »
126Cet article nous semble éclairant pour comprendre les mécanismes à l’œuvre autour de cette question de la disparition de la radio nocturne. Michaël Foessel montre bien que cette suppression de la radio nocturne accompagne un mouvement général de négation de la nuit, tandis que la radio trouvait au contraire tout son sens dans le direct des heures noires.
Conclusion
127Progressivement, entre le milieu des années 1980 et 2012, la radio nocturne a perdu du terrain sur l’ensemble des stations, les programmes en direct ayant été remplacés par des « nuits en boîte » diffusées automatiquement par ordinateur, proposant de la musique, ou des rediffusions d’émissions. Si France Inter a longtemps fait figure d’exception, poursuivant ce qui semblait être une mission de service public, en demeurant le « phare » éclairant la nuit des auditeurs vivant à des horaires décalés, elle a toutefois arrêté la machine à son tour, en 2012.
128Un an plus tard, en 2013, le documentaire La Maison de la Radio, réalisé par Nicolas Philibert, sort sur les écrans. De manière assez étonnante, alors que le film a été tourné sur une période de six mois pendant l’année 2011138, c’est-à-dire lorsque les nuits de France Inter étaient encore vivantes, le réalisateur a choisi de n’en rien montrer dans son œuvre finale. N’aurait-il pas filmé une seule nuit de Sous les étoiles exactement sur France Inter ? Si, au contraire, il a tourné des images, a-t-il choisi de ne pas les montrer dans son film justement parce qu’entre le tournage et sa sortie, les nuits de France Inter ont été supprimées ? Dans La Maison de la Radio, la nuit est représentée par des images de studios vides et de couloirs en arcs-de-cercle plongés dans la pénombre. Pourtant, même depuis la suppression des émissions en direct, il reste de l’activité la nuit dans cette maison ronde. À France Inter et France Info, un journaliste travaille pour réaliser des flashs nocturnes139, tandis que d’autres s’activent, dès deux heures du matin, à l’élaboration de la matinale140.
129L’imaginaire entourant ce monde de la radio nocturne reste en tout cas bien prégnant, présent dans les esprits. Des souvenirs de voix continuent de bercer les rêves d’anciens auditeurs, des témoignages fleurissent sur divers sites et forums d’adeptes de cette radio partageant leurs expériences, tandis que certains passionnés, indépendants et associatifs, tentent de faire vivre encore la nuit radiophonique, de manière occasionnelle. Malgré tout, cela relève de l’exceptionnel. Après une certaine heure, la radio ne parle plus, en tout cas plus en direct. Dans un roman d’Olivier Adam paru en 2014, le narrateur regrette cette absence :
« Alex allume le poste de radio et il a beau changer de station il n’y a que de la musique. Ce n’est pas qu’il n’aime pas ça mais la nuit quand il est seul il aimerait qu’on lui parle. Quand il était plus jeune, la nuit il y avait des émissions avec des gens qui parlaient. Qui racontaient des trucs qui leur étaient arrivés. Il aimait bien. Il les écoutait raconter leur vie. Essayait de s’imaginer à leur place. Ou bien il avait la sensation qu’un type ou une nana s’était assis à côté de lui au bar et qu’il se confiait. Ce qui l’agitait vraiment en dedans. L’empêchait de dormir la nuit. Son sentiment de solitude. Sa déchirure secrète. Mais ça n’existe plus. Plus personne ne parle141. »
130La radio nocturne se conjugue désormais au passé.
Notes de bas de page
1« Inter, reine des ténèbres », Télérama, no 2250, semaine du 27 février au 5 mars 1993.
2Jacques Santamaria est entré à l’ORTF en 1972, occupant divers postes.
3Le Monde, 14 juillet 1996.
4Témoignage de Thierry, vers 2000, [http://fm.chez.com/aschero/Bienvenue.html], consulté le 7 mai 2019.
5Témoignage de Marc, ibid.
6Témoignage de Stéphane, ibid.
7Télérama, no 2250, semaine du 27 février au 5 mars 1993.
8Par ex. Les Souris dansent avec José Artur, France Inter, 13 décembre 1995, Ina.
9Entretien avec Serge Le Vaillant, 19 avril 2012.
10Nuit noire, France Inter, 5 juillet 1997, Ina.
11The James Bond Man, composé par Monty Norman, et arrangé par John Barry, 1962.
12Roger Borniche, Le Privé, Paris, Presses de la Cité, 1996.
13Nuit noire, France Inter, 5 juillet 1997, Ina.
14Patrice Galbeau produit des dramatiques nocturnes sur Inter depuis Les Tréteaux de la nuit.
15Entretien avec Adèle, 2 mai 2012.
16Elle a débuté à L’Oreille en coin et a produit diverses émissions, notamment le programme érotique Si tendre était la nuit, en duo avec Daniel Mermet en 1983.
17Arrivée à Inter dans les années 1980, elle est notamment la voix de la météo marine, chaque soir à 20 heures.
18La Croix, 15 juillet 2005.
19Philippe Debrenne a commencé sur Carbone 14 en 1981, puis a rejoint France Inter au début des années 1990, d’abord comme assistant et reporter, entretien avec Philippe Debrenne, mai 2012.
20Entretiens avec Adèle, 2 mai 2012 et Philippe Debrenne, mai 2012.
21Bas les masques, France 2, 2 mars 1995, Ina.
22Noir sur Blanc, France Inter, 17 décembre 1994, Ina.
23Noir sur Blanc, France Inter, 8 avril 1995, Ina.
24Allô Macha, France Inter, 10 novembre 1999, Ina.
25Entretien avec José Sétien, 15 juillet 2013.
26Ibid.
27Allô Macha, France Inter, 8 novembre 1995, Ina.
28Mais l’émission de Christian Barbier a connu plusieurs années d’interruption avant de cesser définitivement.
29Hubert Wayaffe fut l’animateur vedette des jeunes de Dans le vent dans les années 1960.
30C’est Malher qui aurait inventé le concept de libre antenne, avec Bonsoir la planète sur Skyrock.
31Site de Malher, [http://oukilestmalher.free.fr/meilleurs/], consulté le 7 mai 2019.
32Hubert Wayaffe, La Bulle d’Évelyne, mai 2012, [http://evelynnewsweek.blogs.fr/page_7.html], consulté le 7 mai 2019.
33Ibid.
34« Le pire pour les Meilleurs de nuit », Libération, 14 août 1997.
35Ibid.
36Ibid.
37Entretien avec Caroline Dublanche, 29 mai 2013.
38Ibid.
39La Libre Antenne, Europe 1, 8 mai 2002, Ina.
40La Libre Antenne, 16 novembre 2007, Ina.
41La Libre Antenne, 10 juin 2003, Ina.
42Ibid.
43La Libre Antenne, 16 février 2005, Ina.
44Entretien avec Caroline Dublanche, 29 mai 2013.
45La Libre Antenne, 16 février 2005, Ina.
46La Libre Antenne, 11 novembre 2003, Ina.
47La Libre Antenne, 4 décembre 2004, Ina.
48Ibid.
49La Libre Antenne, 16 novembre 2007, Ina.
50« La France libertine », Ça se discute, France 2, 15 février 2005.
51La Libre Antenne, 16 février 2005, Ina.
52Ibid.
53Nuit du 8 mai 2002, Europe 1, Ina.
54Il a pris ses fonctions au printemps 2000, remplaçant Jacques Rigaud.
55Le Monde, 21 mai 2000.
56« Petite histoire sonore des Nocturnes », Le Transistor, mai 2013, site inaccessible en mai 2019.
57Archive en ligne, [https://soundcloud.com/le-transistor/rtl-les-nocturnes-16-decembre], consulté le 7 mai 2019.
58Radio Actu, 21-12-2000.
59L’Express, 18 janvier 2001.
60Libération, 21 décembre 2000.
61« RTL ou l’histoire d’un accident industriel », Le Monde, 15 janvier 2001.
62« Une petite histoire sonore des Nocturnes », Le Transistor, 22 mai 2013.
63Entretien avec Georges Lang, 12 janvier 2012.
64Animatrice depuis le début des années 1980.
65Le Monde, 10 octobre 2004.
66Le Monde, 29 juin 2002.
67Libération, 2 novembre 1999.
68Entretien avec Alain Veinstein, 11 mai 2012.
69Surpris par la nuit, France Culture, 4 octobre 1999, Ina.
70Ibid.
71Télérama, no 2716, semaine du 30 janvier au 6 février 2002, p. 161.
72Voir notamment le Fonds CSA 00019398/59, dossier no 71, Ina.
73Christophe Deleu, « Dix heures et demi du soir à la radio », Le Temps des médias, no 19, automne 2012, p. 55.
74Hervé Glevarec, Libre antenne, op. cit., p. 32.
75Christophe Deleu, « Dix heures et demi du soir à la radio », art. cité.
76En 2019, sa webradio existe toujours, [http://www.mauriceradiolibre.com/], consulté le 7 mai 2019.
77Communication CB News, du 23 au 29 juin 1997, p. 10.
78Entretien avec Félicie Dubois, 21 février 2012.
79Hervé Gauville, « Radio actif. Il faut dormir maintenant », Libération, 19 avril 1997.
80Le Monde, 29 mars 2003.
81Ibid.
82C’est pas dramatique cessera définitivement à l’été 2007. Durant la saison 2006-2007, José Artur produit et présente, en duo avec David Glaser, l’émission culturelle Inoxydable sur France Inter.
83« La Nuit tombe sur Macha », Stratégies, no 1419, 22 juin 2006, p. 30.
84CB News, no 907, 15 janvier 2007, p. 12.
85Allô Macha, France Inter, 6 juin 2006, Ina.
86Ibid.
87Ibid.
88Ibid.
89Plusieurs sites de soutien lancés en 2006 n’existent plus aujourd’hui.
90Allô Macha, France Inter, 29 juin 2006, Ina.
91Témoignage recueilli le 9 mars 2015.
92Témoignage recueilli le 15 mai 2015.
93On ne peut pas plaire à tout le monde, France 3, 11 juin 2006, Ina.
94Y’a un début à tout, France 2, 26 mars 2002, Ina.
95Libération, 29 août 2006.
96Macha Béranger, Quand ça vous arrive, Paris, Michel Lafon, 2007.
97Il s’agit de son premier film.
98Par ex. Journal de 20 heures, TF1, 7 janvier 2012, Ina.
99François Cha, Allô Macha, [https://soundcloud.com/francois-cha/allo-macha], consulté le 7 mai 2019.
100Animateur venu des radios musicales privées. Entretien avec Éric Lange, 16 avril 2012.
101Télérama, no 3048, semaine du 14 au 20 juin 2008.
102Le Monde, 11 octobre 2008.
103Entretien avec Éric Lange, 16 avril 2012.
104Nocturne, France Inter, 9 septembre 2001, notice descriptive, Ina.
105À partir de 1998, elle participe à diverses productions musicales de France Inter en tant que reporter ou chroniqueuse.
106Témoignage de Christine, 2010, [http://piqueetcoeur.blogspot.fr/2010/05/lemission-pique-cur-vient-detre.html], consulté le 7 mai 2019.
107Le Monde, 25 avril 2008.
108Ibid.
109Télérama, no 3096, semaine du 16 au 22 mai 2009, p. 64-65.
110Sylvie La Rocca a produit en 2009-2010 La Nuit comme si, le vendredi entre 23 heures et minuit.
111Télérama, semaine du 16 au 22 juin 2010.
112Le Monde radio télévision, 26 juin 2010.
113Le Monde, 1er juillet 2010.
114Philippe Val est accusé de collusion avec le Président de la République, connu pour être un ami de sa compagne Carla Bruni-Sarkozy. La plupart des émissions qu’il supprime en 2010 sont des programmes qui avaient été créés par le directeur précédent Frédéric Schlesinger.
115Commentaire de Marc, 26 juin 2010, [http://racontars.akynou.fr/index.php?post/2010/06/26/Panique-%C3%A0-France-Inter], consulté le 7 mai 2019.
116Entretien avec Philippe Debrenne, 6 mai 2012.
117Akynou, 26 juin 2010, [http://racontars.akynou.fr/index.php?post/2010/06/26/Panique-%C3%A0-France-Inter], consulté le 7 mai 2019.
118Communiqué regroupant la Cgt Radio France, la CFDT, le SNJ et Sud Radio France, juillet 2012.
119Ozap, 11 janvier 2012, [http://www.ozap.com/actu/la-fin-des-nuits-blanches-sur-france-inter/441890], consulté le 7 mai 2019.
120Christophe Arleston, « Nuit morte », 13 juillet 2012, [https://www.facebook.com/ChristopheArleston/posts/449268691774154?stream_ref=5], consulté le 7 mai 2019.
121Michaël Foessel, « Quand la nuit s’éteint », Esprit, no 393 mars-avril 2013, p. 13-15.
122Entretien avec Adèle, 2 mai 2012.
123La même année, la direction de France Inter évince Daniel Mermet, l’une des autres voix mythiques de la chaîne, producteur depuis 1989 du magazine de reportages Là-bas si j’y suis.
124Néon, no 1, avril-mai 2012.
125Libération, 19 décembre 2012.
126Entretien avec Georges Lang, 12 janvier 2012.
127« Podcasting : la radio du futur déjà dans vos oreilles », Communication CB News, no 857, 28 novembre 2005, p. 21.
128Témoigne de Jean Lebrun, recueilli le 31 janvier 2015.
129Cour des comptes, Rapport public thématique : Radio France, les raisons d’une crise, les pistes d’une réforme, La Documentation française, avril 2015, [https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20150401-rapport-Radio-France.pdf], consulté le 3 avril 2020.
130Producteur de Sous les étoiles exactement sur France Inter, entre 1997 et 2013.
131Sous-entendu : « pour la direction ».
132Entretien avec Philippe Debrenne, 11 mai 2012.
133Ibid.
134Rapport « Dares Analyses », du ministère du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social, août 2014, no 062.
135Chiffres Médiamétrie communiqués directement à l’auteure en septembre 2012.
136Radio 3 en Espagne propose encore en 2019 une succession d’émissions en direct toute la nuit, et BBC 5 live en Grande Bretagne propose chaque nuit Up all night de 1 heure à 5 heures.
137Michaël Foessel, « Quand la nuit s’éteint », art. cité, p. 14.
138Télérama, no 3211, semaine du 31 juillet au 6 août 2011.
139Entretien avec Maxime Debs, flashman de nuit en 2012 et 2013, 13 juin 2013.
140Entretien avec Clotilde Dumetz, rédactrice-en-chef adjointe des journaux du matin en 2013, 13 juin 2013.
141Olivier Adam, Peine perdue, Paris, Flammarion, 2014, p. 192-193.

Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008