Chapitre I. Une radio tardive d’évasion, 1945-1955
p. 45-83
Texte intégral
1Après la Libération, la radiodiffusion, nouvellement nationalisée, est en reconstruction. Des émetteurs sont peu à peu rétablis pour quadriller au mieux le territoire, tandis que l’offre des programmes s’étend et s’étoffe sensiblement. La radio de ces années d’après-guerre connaît un véritable essor, se faisant une place dans la majorité des foyers français. Elle se limite toutefois à une diffusion diurne, puisque ses programmes s’interrompent vers minuit pour ne reprendre que le lendemain matin. Pourtant, de nombreuses émissions diffusées tardivement le soir sont imprégnées d’une forte connotation nocturne, tandis que leur titre renvoie souvent au vocabulaire et à l’imaginaire de la nuit. Il s’agit d’émissions musicales, d’entretiens mis en scène de personnalités du monde artistique, de programmes poétiques, d’invitations au voyage, ou encore de nuits de fête.
Paysage radiophonique à la Libération et dans l’immédiat après-guerre
Monopole de la Radiodiffusion d’État
2Quelques jours avant la Libération de Paris, Radio Paris et Radio Vichy sont sabotées, puis cessent d’émettre, respectivement les 18 et 25 août 19441. Depuis 1943, les hommes de radio de la Résistance, parmi lesquels Jean Guignebert2 ou Maurice Bourdet3, organisent le futur service de reportage de la radio française libérée. Avant la Libération, Jean Guignebert – devenu ministre de l’Information par intérim – et ses équipes sont en mesure d’émettre. Le 20 août, la voix de la France libérée s’exprime pour la première fois depuis le Studio d’essai, rue de l’Université4. Pierre Crénesse, au micro ce soir-là, témoigne :
« La Marseillaise passe dans l’antenne. Il est 22 h 31. J’ai la gorge tellement sèche que j’ai peur de bafouiller. Je sais qu’on excuserait mon émotion, mais moi, je ne me la pardonnerais pas : depuis quatre ans, j’attendais ce moment précis. La petite lampe rouge du micro s’allume : “Ici Radiodiffusion de la nation française.” C’est tout. La lampe rouge s’éteint. La liberté est encore bien timide. Jusqu’au lendemain soir, nous ne diffuserons que de la musique et l’annonce du poste5. »
3Durant la nuit du 22 au 23 août, un appel à l’insurrection générale de l’État-major des Forces Françaises de l’intérieur est diffusé tous les quarts d’heure sur l’antenne, puis des bulletins d’informations sont diffusés depuis le Studio d’essai pendant plusieurs jours6. Paris est libérée le 25 août et, à partir du 7 septembre, la Radiodiffusion nationale de la France libérée émet officiellement7. Son équipe parisienne est bientôt renforcée par les Français de la BBC à Londres8.
4La France libérée instaure le monopole d’État de la radiodiffusion nationale (RN) qui interdit l’existence des radios privées9 et procède à une épuration dont se charge le comité de libération de la radiodiffusion française10.
5Fin octobre 1944 est publié le premier numéro de Radio 44, journal hebdomadaire de programmes radiophoniques, édité par la radiodiffusion française elle-même, avant d’être confié à la SOFIRAD – Société financière de radiodiffusion11. La couverture de ce premier numéro représente un portrait du général de Gaulle et le journal s’ouvre avec des éditoriaux de Jean Guignebert12 – entre-temps nommé directeur général de la Radiodiffusion nationale – et de Maurice Schumann13. Jean Guignebert déplore l’état du réseau radiophonique français suite au départ des Allemands14, mais célèbre la Libération et rend hommage à la Résistance. L’urgence, dit-il, est à la reconstruction du réseau radiophonique français, afin que la France « fasse partout entendre sa voix de grande puissance libre et forte15 ».
6Pour l’heure, la radiodiffusion française ne compte qu’une seule chaîne dont les émissions s’arrêtent à minuit et demi pour reprendre à 6 h 30. Chaque soir, les trois derniers quarts d’heure d’antenne sont consacrés à la diffusion de Messages de la Croix-Rouge. À partir du 14 janvier 1945, la radiodiffusion nationale compte deux stations : le Programme national, à tonalité classique, et le Programme parisien, au réseau plus restreint mais « volontairement plus facile, plus distrayant16 ». Jusqu’à la fin du conflit, le Programme national diffuse entre 20 h 30 et 21 heures l’émission Les Français parlent aux français, produite par les voix de Radio Londres, et ses émissions s’arrêtent à 0 h 45. Entre minuit dix et minuit trente, un speaker lit des Messages familiaux, puis durant le dernier quart d’heure d’antenne, la station propose chaque nuit une Émission pour les Prisonniers17. La radiodiffusion française utilise ainsi l’espace nocturne pour transmettre des messages intimes et personnels et apporter un soutien moral, tandis que la guerre se poursuit. Il s’agit de venir en aide à ceux qui souffrent, l’urgence étant à l’entraide et la reconstruction18. La radiodiffusion nationale remplit alors une mission de service public.
7Dès la semaine du 27 mai 1945, soit un peu moins de trois semaines après la fin de la guerre en Europe, le Programme national réduit son temps d’émission le soir en s’arrêtant désormais à minuit dix19. La guerre étant terminée, il n’est sans doute plus jugé nécessaire de continuer à empiéter sur les heures nocturnes. On assiste donc à un retour à une sorte de « couvre-feu » radiophonique, paradoxal dans le vocabulaire en ce contexte de fin de guerre. Les messages familiaux de minuit ont disparu, ainsi que les émissions pour les prisonniers. Il demeure toutefois vers 23 heures une émission réalisée par le service Prisonniers de la chaîne. L’autre station de la radio d’État, le programme parisien, a de son côté toujours terminé ses programmes avant minuit – autour de 23 heures – et consacre ses soirées essentiellement à la diffusion de musique, à l’image du reste de la journée. En tout cas, la fin des émissions des différentes chaînes est marquée par la diffusion de La Marseillaise – ce qui n’est pas une nouveauté, puisque certaines stations publiques fermaient leur antenne avec l’hymne national dès les années 192020. Par ailleurs, en plus de la clore, l’hymne de la nation française ouvre également la journée radiophonique21.
8Dans les premières années d’après-guerre, la France doit se reconstruire, à tous les niveaux. La radio, qui connaît des difficultés techniques et financières, n’est pas épargnée. Son réseau est en ruine et son personnel décimé. Wladimir Porché22 arrive à la Radio en mars 1946, il est nommé directeur général de la Radiodiffusion française23, chargé de cette reconstruction24.
9Dans l’immédiat après-guerre, la radio nationale ne propose que peu de programmes véritablement novateurs ou élaborés. Il faut attendre la fin des années quarante et de la reconstruction pour que des émissions spécifiques du soir, autres que des retransmissions de concert ou de pièces de théâtre, voient le jour.
10Au moment des réflexions concernant l’élaboration des plans de fréquence et du nouveau réseau d’émetteurs, une attention toute particulière est portée à la question de la différence d’émissions entre le jour et la nuit. En 1946, un groupe de techniciens de la RDF mène une étude autour d’un nouveau plan de répartition des fréquences des émetteurs au niveau européen25, dont la principale base s’appuie sur la « distinction fondamentale » existant entre le jour et la nuit, c’est-à-dire sur fait que la portée des émetteurs soit beaucoup plus grande la nuit que le jour. Pour la première fois, cette étude imagine la mise en place de deux régimes d’émissions différents – l’un nocturne, l’autre diurne –, faisant varier le nombre d’émetteurs en fonctionnement le jour et la nuit, et qui permettrait, selon ces techniciens, un plus grand confort d’écoute pour les auditeurs26. D’un point de vue législatif, cela impliquerait la reconnaissance officielle, jusqu’alors jamais explicitée, du fait que « les émissions radiophoniques dépassent les frontières, et sont utilement perçues dans les pays étrangers27 ». Le projet présenté dans cette étude n’a toutefois pas été utilisé dans l’élaboration du Plan européen de fréquences de Copenhague de 194828, ni dans celui de Stockholm en 1952, étant vraisemblablement trop compliqué à mettre en place29.
Radios périphériques
11Malgré le monopole instauré en 1945, les Français de l’après Seconde Guerre mondiale ne se contentent pas d’écouter les programmes radio de la RDF. Bien au contraire, ils écoutent même largement d’autres postes, ceux qu’on appelle les « périphériques », ou encore des stations étrangères.
12À la Libération, la station privée Radio-Luxembourg, créée en 193330, renaît et se reconstruit progressivement, échappant au monopole car émettant depuis le Grand-Duché de Luxembourg. En opposition au sérieux mis en avant par la radiodiffusion française31, cette station joue la carte du divertissement et de la musique. Chaque soir, à 22 h 30, elle diffuse Bonsoir les amis !, un programme musical d’accompagnement. Les auditeurs français, selon leur région, ont aussi accès aux émissions d’autres émetteurs extraterritoriaux : Radio Monte-Carlo et Radio Andorre32. À la fin de l’année 1947, une enquête est lancée par l’hebdomadaire Radio Programme, à laquelle répondent 11 040 personnes. Ces réponses indiquent que les lecteurs du magazine écoutent majoritairement Radio-Luxembourg (27,1 %), puis le Poste national (24 %), le Poste parisien (22,2 %), Radio Andorre (10 %), Paris-Inter (5,5 %) et Radio Suisse romande (5,2 %)33. Ainsi la radio d’État ne détient-elle pas le monopole de l’écoute. Quelques années plus tard, dans des sondages commandés par la RTF à l’INSEE, l’écart se sera encore plus creusé. Ils indiquent en 1954 que les stations préférées des Français sont, dans l’ordre : Radio-Luxembourg (41 %), La Chaîne parisienne (25 %), Paris-Inter (9 %), la Chaîne nationale (6 %), et Radio-Andorre (3 %).
13En fait, en dépit de l’instauration du monopole à la Libération, l’État français joue une sorte de double jeu, puisqu’il participe au financement des stations périphériques. Initialement Société financière de radiodiffusion, la SOFIRA (Société financière de radio) est une société anonyme née en novembre 1942, dont l’objet consiste en la création et l’exploitation d’entreprises de radiodiffusion – elle participera notamment à la création de Radio Monte-Carlo en 1943. À la Libération, cette société devient SOFIRAD et la question de sa suppression se pose. Elle est toutefois maintenue dans le but d’effectuer des opérations interdites à la Radiodiffusion française d’un point de vue comptable. L’hebdomadaire de programmes Radio 44, édité par la RN jusqu’en janvier 1945, est ensuite confié à la SOFIRAD. Parallèlement, cette société s’illustre dans le monde des stations périphériques, en gérant les participations de l’État français dans les postes de radio privés34. De fait, via cette société, l’État détiendra peu à peu une part importante du capital de ces diverses radios privées périphériques35, les contrôlant ainsi d’une manière détournée. Grâce à cette société, l’État s’assure ainsi une ressource pécuniaire utilisée pour le fonctionnement de la radiodiffusion, à une époque où la redevance demeure restreinte36.
14Le journal Radio 45, Radio 46… présente dans une première partie les programmes de la semaine de la RDF, tandis que les émissions des périphériques sont regroupées sur une page unique intitulée « Sur les ondes du monde », à la fin du journal37. En 1950, un nouvel hebdomadaire spécialisé est créé, Radio, Cinéma, Télévision, qui deviendra Télérama en 1960. Il propose les programmes détaillés de la radiodiffusion française, ainsi que des postes étrangers en langue française, et des postes étrangers en langue étrangère. Radio Andorre, dans les années d’après-guerre, est la station qui poursuit ses programmes le plus avant dans la nuit, avec de la musique de danse (« Orchestre Carnet de bal », « Jazz », « Pasodobles », « Musique tzigane », « Bals musette »), jusqu’à 1 heure du matin tous les soirs de la semaine, mais ses programmes ne reprennent qu’à midi le lendemain38.
Expansion de la radio
15En 1939, les Français étaient équipés de 5,2 millions de postes récepteurs39, en 1945, au sortir de la guerre, ce chiffre n’a quasiment pas bougé, puisqu’il s’élève à 5,3 millions. Progressivement, tandis que le réseau des émetteurs se reconstruit, les Français s’équipent massivement : durant la seule année 1948, deux millions de récepteurs sont vendus40. La radio devient l’équipement de base de la famille française ; en 1953, elle est présente dans neuf foyers sur dix, tandis que des publicités vantant l’achat d’un deuxième poste récepteur apparaissent dans la presse. À côté du meuble de radio en bois trônant dans la salle à manger ou le salon, il est désormais possible d’acquérir des postes plus petits et moins onéreux, par exemple encastrés dans des matières plastiques.
16Toutefois, dans les années d’après-guerre, l’écoute de la radio demeure très largement une pratique familiale, collective. Le poste récepteur trône encore souvent au milieu du salon, constituant un médium de distraction autour duquel la famille se réunit pendant les repas ou le soir après le dîner, afin d’écouter des retransmissions de concerts, des pièces de théâtre, des crochets radiophoniques ou encore des jeux. La télévision fait de timides débuts – la RDF devient RTF en 1949, pour Radiodiffusion télévision française –, mais le poste téléviseur mettra plusieurs années avant de s’installer durablement chez les Français. Pour l’heure, la radio est reine dans les foyers et les deux pics d’écoute radiophonique ont lieu au moment du déjeuner, puis entre 20 heures et 22 heures. Par exemple, selon une enquête menée par l’institut DORSET en avril 1949, 61,5 % des Français sont à l’écoute de leur poste entre midi et 14 heures, et 55,5 % entre 20 heures et 22 heures41. Dans une autre enquête menée par le même institut en 1949 auprès de 5 380 personnes, une majorité d’auditeurs annonce éteindre le poste de radio aux alentours de 22 heures : 12,3 % l’éteignent à 21 heures ; 28,3 % à 22 heures ; 18,6 % à 23 heures et 7 % à minuit. Selon cette même enquête, il semblerait que plus les individus proviennent d’une classe sociale élevée, plus ils éteignent leur poste tard, et donc, très vraisemblablement, plus ils se couchent tard. Les ouvriers et les agriculteurs commencent en effet souvent très tôt le matin, plus tôt que les employés de bureau, par exemple.
Sondage sur l’heure d’arrêt du poste de radio le soir. Enquête Dorset, 1949, CAC, AN, 19890447, article 3, Fonds ORTF « Pourcentage d’écoute par période pour l’ensemble de la semaine », enquête Dorset, avril 1949.
À quelle heure éteignez-vous votre poste le soir ? | |||||
% total | A 385 |
B 1740 |
C 2531 |
D 724 |
|
19 h et + tôt | 0,3 | / | 0,3 | 0,2 | 0,7 |
20 h | 3,6 | 2,8 | 2,6 | 3,4 | 6,5 |
20 h 30 | 2,7 | 0,8 | 1,7 | 3,2 | 4,2 |
21 h | 12,3 | 4,2 | 10,5 | 13,3 | 16,7 |
21 h 30 | 7,1 | 3,4 | 6,3 | 8,1 | 7,4 |
22 h | 28,3 | 27,5 | 24,5 | 30,5 | 28,8 |
22 h 30 | 11 | 12,5 | 12,6 | 11,1 | 6,4 |
23 h | 18,6 | 22,6 | 21,8 | 16,8 | 15,6 |
23 h 30 | 3,8 | 4,7 | 4,8 | 3,4 | 3 |
24 h | 7 | 12,2 | 9,3 | 5,6 | 4,5 |
Variable | 2,1 | 3,9 | 1,7 | 2 | 2,5 |
? | 3,2 | 3,9 | 1,7 | 2 | 2,5 |

Les classes ABCD distinguent, dans l’ordre décroissant le statut social des personnes interrogées. Les facteurs qui entrent dans l’appréciation de ce statut comptent en premier lieu les signes de richesse.
17Même si l’écoute baisse de manière très nette à partir de 22 heures, une proportion non négligeable d’individus demeure à l’écoute de la radio après cette heure-là. Environ un quart des détenteurs de postes écoutent la radio à des heures tardives, et l’intérêt de ce premier chapitre est bien de présenter les programmes francophones à l’écoute desquels ces auditeurs ont la possibilité de se brancher.
18L’écoute de la radio le soir n’est pas sans poser des problèmes de voisinage et de tapage nocturne, comme en témoigne la presse des années d’après-guerre. Un article paru dans Le Monde à l’été 1946 met en évidence ce problème des « bruits de Paris », qui semblait avoir disparu pendant l’Occupation, mais a ressurgi depuis la Libération.
« Boileau, déjà, se plaignait des bruits qui montent de la rue et troublent le travail aussi bien que le repos des Parisiens42. Avant la guerre, le Touring-Club avait organisé une campagne pour réduire leur intensité et leur fréquence ; la police fut invitée à sévir contre les amateurs de radio qui, toutes fenêtres béantes, l’été, laissaient leur appareil tonitruer fort avant dans la soirée ; on parvint même à réglementer l’usage des trompes d’auto et à mettre une sourdine aux locomotives qui sifflaient sans discrétion aux abords des gares. Pendant l’occupation le calme et l’obscurité régnèrent sur Paris nocturne. On fermait les fenêtres, on tirait les rideaux, et c’est en silence que l’on “prenait” Londres…
Mais depuis la Libération tous les bruits que nous avions chassés ont repris droit de cité et leur ampleur va chaque jour crescendo. Les concerts de la radio se répandent sans vergogne à travers les rues ; des réclamations s’élèvent contre les chants et les disputes des noctambules et contre les pétarades des motocyclistes matinaux. À ces bruits de fond s’ajoutent périodiquement […] ceux des fêtes foraines. […] Tout cela fait un vacarme infernal qui rend toute vie normale impossible dans le voisinage de ces réjouissances trop populaires43. »
19La radio s’inscrit donc comme une cause de tapage nocturne, qui trouble la tranquillité des honnêtes gens menant une « vie normale ». Cet article montre bien l’ambivalence et la dualité existant entre les riverains aspirant au repos d’un côté, et les noctambules – ou amateurs de radio tardive – de l’autre, adeptes de distractions jugées « trop populaires ». Comme si ces deux catégories de personnes étaient absolument étanches. Jean Guignebert consacre un éditorial de Radio 46 à ce sujet, recommandant aux auditeurs de cesser d’écouter la radio fort avec leurs fenêtres ouvertes, le jour aussi bien que la nuit44.
20Cette opposition entre les travailleurs qui se lèvent tôt et les noctambules n’est pas nouvelle, et n’aura de cesse d’être encadrée, contrôlée et réglementée. En 1948, un autre article du Monde rappelle que « les postes de TSF ne sont pas seuls à troubler le repos nocturne des Parisiens ». Les « trompes des autos » – les klaxons – font alors l’objet d’une réglementation plus stricte, étant interdits entre 22 heures et 7 heures du matin45. Parallèlement, l’hebdomadaire Radio 48 ajoute dans chaque soirée de ses programmes l’encart suivant, en gras :
« Vers 22 heures, n’oubliez pas de baisser l’intensité de votre poste. Vos voisins dorment peut-être46. »
Vie nocturne et travail de nuit
21Avant d’aborder les émissions tardives en tant que telles, il est intéressant de s’arrêter un instant sur la question du rapport à la nuit et au travail nocturne, et de la représentation de ces notions dans les médias des années d’après-guerre. De fait, il existe une sorte de double mouvement de fascination et de répulsion pour la nuit, sa dimension ambiguë émerveille et inquiète à la fois. Le monde post-crépusculaire fascine les hommes parce qu’il représente un univers souvent méconnu et mystérieux. La nuit et les nocturnes inspirent les artistes – chanteurs, cinéastes, poètes ou photographes47 –, mais cet espace-temps n’est pas simplement poétique ou erratique ; il peut aussi être laborieux.
22En 1947, la RDF diffuse une série d’émissions sur le monde du travail de nuit, intitulée Nuits Blanches et produite par Flavien Monod48. La première de cette série propose un reportage sur le train express de luxe Calais-Méditerranée49, la deuxième s’intéresse aux Halles et aux boulangeries, et la troisième propose un reportage sur le travail de nuit dans le métro. Diffusée en novembre 1947 et intitulée « Danger de mort », cette émission demeure la seule de ces Nuits Blanches conservée et consultable. Au début du programme, Flavien Monod présente le projet de la série :
« Voici le métro. Voici […] un document sonore inédit et authentique, sur la vie nocturne du métropolitain de Paris. […] Cette série d’émissions vise à constituer une sorte de panorama de tout ce qui est travail de nuit. Nous essayons chaque fois de vous faire partager la vie de ceux qui […] dorment le jour, commencent d’exercer leur métier après le crépuscule, et quittent, comme on dit, au petit matin. Et pour vous les faire partager, ces nuits de travail, nous les avons partagées nous-mêmes. […] Contrairement à tous les usages, nous avons vécu entre le dernier et le premier métro. Curieux séjour dans un monde fait pour les voyageurs et privés de ces mêmes voyageurs. Il va être minuit, l’heure des nuits blanches50. »
23La présentation introductive du producteur est intéressante, car ce dernier insiste bien sur l’aspect contraire aux usages habituels, ainsi que sur la dimension curieuse et extraordinaire de ce séjour dans le monde du métro nocturne et du travail de nuit en général. L’émission présente les différentes tâches de ces travailleurs souterrains des heures noires, en donnant la parole aux intéressés et en détaillant les différentes opérations réalisées durant la nuit. Une large place est donnée aux illustrations sonores des différents bruits en présence, retravaillés en studio par les auteurs qui souhaitent réaliser une sorte d’« impressionnisme sonore », selon leurs propres mots. D’autres Nuits Blanches suivront, notamment une émission sur la vie nocturne de l’aéropostale française, et une autre sur la nuit dans un grand quotidien de Paris. Cette série, dont la conservation a été partielle, présente un éventail relativement diversifié des professions de nuit de la fin des années quarante. Ce travail en décalé, et le monde nocturne dans lequel il s’inscrit, intéressent et fascinent alors les journalistes en général. Au début des années 1950, de nombreux articles de presse écrite sont ainsi consacrés à la description de travaux de nuit, sous forme de reportages, apportant tantôt aux lecteurs de la rêverie et une sorte d’exotisme, tantôt un programme didactique, tantôt encore des propos à visée rassurante sur des questions relatives à la sécurité policière nocturne.
24Le monde du travail nocturne est quasiment exclusivement masculin. En effet, depuis la loi du 2 novembre 189251, qui instaurait pour la première fois une distinction entre les sexes dans le travail52, le travail de nuit53 est en principe interdit aux femmes. La raison avancée concernait la protection : protection de leur intégrité physique ; de leur procréation pour certains ; ou encore de leur morale54. Cette loi a toutefois posé d’importantes difficultés et a été transgressée dès le lendemain de sa promulgation. Depuis janvier 1925, deux types de dérogations existent : le travail de nuit des femmes est possible temporairement dans les industries ayant des denrées périssables, ainsi qu’en cas de chômage résultant d’une interruption accidentelle ou de force majeure55. Malgré tout, les métiers nocturnes restent très largement réservés aux hommes.
25En dehors du cadre du travail, la nuit n’a de cesse d’exercer une sorte d’attraction et d’éblouissement, provoqué par les lueurs de la nuit urbaine et festive. Paris et les grandes villes françaises regorgent de clubs, bars, restaurants et théâtres, autant d’établissements qui accueillent, chaque soir, les amateurs de musique, de comédie, de danse, de vin ou de gastronomie. Paris, surtout, rayonne pour sa vie nocturne, son « Paris la nuit » mythique aux yeux des étrangers56. En 1951, la municipalité décide d’ailleurs d’illuminer ses monuments tous les soirs, « afin de mettre en valeur aux yeux des étrangers, l’aspect nocturne de Paris57 ». Dans la presse, des journalistes font régulièrement le point sur les possibilités offertes par la vie noctambule de la capitale. Olivier Merlin, journaliste au Monde, s’interroge sur cet étrange attrait pour la vie nocturne, qu’il partage lui-même :
« À quoi tiennent donc ces sortes d’états seconds qui vous prennent au dîner, ces désirs épars et altérés de “sortir” quand les soucis d’affaires sont pour un temps remisés ? En quoi vous attirent les mille fanaux de l’“Ouvert la nuit”, avec leurs champagnes, leurs fumées, leur vague à l’âme de pénombre et de voûte ? Pourquoi se sent-on davantage ballotté vers je ne sais quelles évasions, je ne sais quels rêves, au fur et à mesure que les heures s’écoulent ? Pourquoi est-ce toujours très tard, sur de méchants tabourets, en écoutant épaule contre épaule un poème ou une chanson, que l’on est soudain deux dans la foule à être seuls au monde ? Est-ce ça “la noce”58 ? »
26Ce journaliste multiplie d’ailleurs les articles faisant référence à la vie nocturne59. Dans l’un d’eux, il fustige la pratique « soi-disant parisienne » consistant à n’ouvrir les « boîtes » qu’après minuit : « la clientèle travaille généralement de bon matin et préfère ne pas se coucher à des heures ridicules60 ! » En tout cas, avant de sortir danser dans les clubs de Saint-Germain-des-Prés ou d’ailleurs, les Parisiens peuvent aller au spectacle. La RTF propose à partir de 1950 l’émission Le Monde est un spectacle, produite par Marianne Monestier61 et Roger Goupilières. Diffusé le dimanche soir à partir de 22 h 40, ce programme traite de l’actualité des sorties culturelles, essentiellement parisiennes, dans le domaine de la musique, du théâtre et du cinéma.
27En dehors des nuits urbaines et de l’effervescence des fêtes des grandes villes, il existe une nuit bien différente, rurale, longue et silencieuse. Parfois, la radio peut pourtant venir troubler son silence, jusqu’à une certaine heure. Jusqu’au milieu des années cinquante, il n’y a pas véritablement de programme radiophonique nocturne régulier, c’est-à-dire diffusé après minuit, et pourtant les émissions tardives de cette époque comportent très souvent le mot « nuit » dans leur titre. Le terme dispose d’ailleurs fréquemment d’un caractère polysémique. La nuit est en effet comprise à la fois au sens propre, mais elle peut aussi être associée au passé – la « nuit des temps » – à la mort, à une part d’ombre, ou à la dimension de secret. Dans le programme Souvenirs de la nuit, série de la RTF diffusée en 1955, l’écrivain Pierre Mac Orlan62 convoque des histoires du passé ou des personnages de la littérature, il fait renaître des fantômes, raconte des événements de l’Antiquité ou de la vie nocturne de telle ou telle ville. Son émission hebdomadaire est diffusée le vendredi à 20 h 55 sur la chaîne nationale et dure une vingtaine de minutes. Il la présente sous forme dialoguée avec Frank Nino63. Dans la première émission du 15 avril 1955, Mac Orlan introduit son nouveau programme, et le lien intrinsèque qu’il entretient avec la nuit :
« Pour bien comprendre une nuit à la campagne il faut y demeurer. En général le couvre-feu sonne au moment où le soleil se couche. Alors toutes les portes se ferment, et le village semble dormir pour les non-initiés. […] C’est quelquefois dans le doux chuintement d’une hulotte que resurgissent des personnages défunts depuis des siècles, mais qui apparaissent plus vivants que les habitants de ce village. […] Ce sont en général des silhouettes […] familières qui franchissent les portes fermées, à l’ordinaire des vedettes de la radio, mais pour des professionnels de l’aventure nocturne, qui ici devient purement imaginaire, des visages humains, provoquées par des nuits très anciennes, peuvent pénétrer dans un cabinet de travail dont l’atmosphère se fait curieusement clandestine64. »
28Pierre Mac Orlan évoque la présence nocturne des vedettes de la radio dans l’intimité des foyers, derrière les « portes fermées ». Il souligne la force d’invasion de la voix, la puissance d’évocation sensorielle de l’écoute, dans l’atmosphère mystérieuse et presque magique du monde nocturne. Ainsi la nuit est-elle le chemin qui permet de franchir des siècles et milliers de kilomètres pour retrouver des personnages réels ou d’imagination. Elle semble abolir le temps et l’espace. Pour Mac Orlan, les hommes du jour et de la nuit ne sont d’ailleurs pas les mêmes, même si beaucoup d’entre eux « jouent sur les deux tableaux ». Il insiste par ailleurs sur l’effet de loupe ou de déformation produit par la nuit, espace-temps durant lequel les sentiments s’aiguisent, les passions s’exacerbent. La nuit correspondrait ainsi au temps des possibles, « c’est une complice déconcertante, mais efficace, dit-il, de tout ce que l’on peut imaginer, dans le bien comme dans le mal65 ». Finalement, la nuit ne serait-elle pas la complice idéale de la radio, à moins que ce ne soit l’inverse ?
Des programmes tardifs en guise de prélude au sommeil ?
De l’influence psychologique de la radio
29Dans ces années d’après-guerre, le philosophe Gaston Bachelard imagine une radio nocturne d’un genre nouveau, diffusant des programmes qui prépareraient les individus au sommeil et leur permettraient de se prémunir contre les insomnies. Il expose ses idées dans une conférence intitulée « Rêverie et radio », prononcée en 1949 au Centre d’études radiophoniques66 et diffusée sur la Chaîne nationale67 :
« Si la radio devait sonner des heures de repos, des heures de calme, cette rêverie radiodiffusée serait salutaire. […] Il faut faire rêver l’auditeur. […] Peu à peu, il entend, mais n’écoute plus. La voix du speaker le pousse derrière les épaules et lui dit : “Va, va au fond de toi-même. […] Nous entrons dans la nuit : nous commençons précisément le chemin des rêves.” […]
C’est ainsi que pourrait être traité le problème de l’insomnie. À quelle heure faut-il mettre cela ? Pour moi, il faut que ce soit à 8 h ½ du soir, parce que je me couche à 9 heures. On pourrait mettre cela un peu plus tard pour les noctambules […].
La radio doit dire le soir aux âmes malheureuses, aux âmes lourdes : “il s’agit de ne plus dormir sur terre, il s’agit de rentrer dans le monde nocturne que tu vas choisir68”. »
30Le philosophe souhaite attirer l’attention sur l’impact psychologique de la radio. Comme l’expliquera Jean Tardieu, Bachelard « voulait nous parler d’une responsabilité psychanalytique par rapport à l’inconscient individuel de l’auditeur ou de l’inconscient collectif du public69 ».
31Éliane Clancier, dans un mémoire de maîtrise sur le Club d’essai70, souligne l’intérêt grandissant porté par le Centre d’études radiophoniques aux effets psychologiques de la radio sur l’auditeur. L’attention est particulièrement orientée vers les conditions d’écoute et de réception. Dès 1946, Jean Thévenot observe l’intérêt d’écouter la radio dans l’obscurité, ce qui permet de « détacher [l’auditeur] de son foyer, de le dépayser, et de faciliter la concentration de son attention71 ». La nuit constitue donc un moment particulièrement opportun pour l’écoute du poste. Le 19 juin 1950 au soir, la RDF diffuse une adaptation du Club d’Essai d’Une larme du diable de Théophile Gautier. Interprétée notamment par Gérard Philippe et Danièle Delorme, cette pièce obtiendra d’ailleurs le prix Italia en 1951. C’est la première diffusion mondiale en stéréophonie, qui s’adresse aux auditeurs disposant chez eux de deux postes récepteurs – l’émission étant diffusée à la fois sur Paris Inter et sur la Chaîne Parisienne, ce qui permet une « audition en relief sonore72 ». La pièce radiophonique est introduite par un conseil – plutôt une injonction – du cinéaste René Clair, directeur artistique de l’œuvre73 :
« Voulez-vous un conseil ? Faites comme je fais moi-même : éteignez cette lumière trop forte. [Clic] Vous m’avez entendu ! Éteignez cette lumière ! Croyez-moi, le plaisir que nous espérons vous donner serait gâché si les murs qui vous entourent empêchaient votre esprit de se rendre au rendez-vous aérien qui lui est fixé par l’auteur depuis si longtemps. Pensez que la pièce qui va se jouer, qui attend depuis 1839 d’être présentée au public, n’a pas eu de chance. Donnez-lui en une. La lumière est éteinte ? Merci. À ceux qui n’ont pas suivi mon conseil parce qu’ils étaient trop paresseux pour se lever de leur siège, je demande une dernière faveur : dès que ma voix se taira, qu’ils ferment les yeux. S’ils ne le font pas, ils ne comprendront rien à ce qui va se passer. Les yeux fermés, tout leur semblera clair. Il faut, vous le savez, un peu d’obscurité pour les actes de magie ou les séances de spiritisme, et puisque votre imagination est la scène où va se jouer notre pièce, cette scène doit être vide et prête à recevoir les décors les plus fantastiques74. »
32Ici, l’obscurité semble nécessaire pour donner toute sa dimension au contenu fantastique de l’œuvre, la puissance de suggestion de la radio s’intensifiant en effet dans le noir. Certains auditeurs imaginent même des programmes qui s’adresseraient à leur âme et leur permettraient de vivre d’agréables rêves éveillés. François Guillaume75, responsable du Courrier des auditeurs de la RDF, publie en 1947 un ouvrage compilant diverses lettres, dont certaines n’ont pas pu être lues au micro « en raison de leur bizarrerie […], de leur audace, ou de leur caractère spécial76 », comme cette missive écrite par une femme célibataire :
« J’aurais voulu être aimée, connaître de doux émois, je le voudrais encore. Hélas, je suis seule, de vilains fils blancs sont venus émailler ma chevelure avant que le prince charmant n’ait paru. […] Sans doute ne suis-je pas unique ; je pourrais même dire que nous sommes assez nombreuses dans mon cas. Alors, Monsieur, j’ai recours à vous, et à la radio. Puisque la réalité a déçu nos espérances, pourriez-vous nous bercer d’illusions ? Chaque soir, pendant quelques instants, la voix mâle d’un speaker (pourquoi pas vous ?) parlant au micro, comme à l’une d’entre nous, dirait ces mots d’amour que nous n’avons jamais entendus. Chacune les prendrait pour soi et vivrait un beau rêve. Roxane abandonnant son balcon écouterait toute émue devant son poste les propos enflammés d’un moderne Cyrano ! Et croyez-vous qu’il n’y aurait que des vieilles filles à l’écoute de cette émission-là77 ? »
33En 1947, cette lettre est classée par l’auteur du livre dans la catégorie des courriers écrits par des « refoulés, sadiques, invertis, dégénérés de l’amour78 ». C’est en se fondant sur des principes similaires, mais dans un autre but, que Bachelard imagine un genre de radio tardive qui conduirait les auditeurs au sommeil, grâce à sa capacité à s’infiltrer dans toutes les pièces de la maison, y compris les chambres à coucher. Cette invasion de la radio dans la sphère intime inquiète d’ailleurs Jean Cocteau, qui écrit en 1947 :
« La familiarité de la radio m’effraie. Elle entre dans les chambres, dans les cabinets de toilettes et jusque dans les lits. Elle accompagne les disputes et les crimes. Elle est indifférente à la douleur79. »
34Un an plus tard, Jean-Paul Sartre formulera une réflexion similaire en écrivant : « la radio surprend les gens à table ou dans leurs lits, au moment où ils ont le moins de défense, dans l’abandon presque organique de la solitude80 ».
35En 1949, au moment où Bachelard prononce la conférence « Rêverie et radio », il n’existe donc pas de radio nocturne en France après minuit. Passé cet horaire, les ondes laissent place au vide, au silence radio. Si les auditeurs refusent ce silence, ils peuvent toutefois explorer les fréquences en ondes courtes, pour tenter de capter des voix étrangères. Mais les programmes français diffusés dès 22 heures – à l’heure où la majorité des auditeurs éteignent leur poste –, voire 21 heures, possèdent déjà un fort caractère nocturne. Ainsi est-il particulièrement intéressant d’observer ce sur quoi se ferme l’antenne. Certaines émissions, qui apparaissent dès la fin des années 1940, semblent particulièrement adaptées à la fin de soirée, et même à la nuit. Elles comportent une connotation nocturne qui transparaît souvent dans le nom même du programme. En imaginant ces émissions tardives qui aideraient les auditeurs à trouver le sommeil, Bachelard suggère implicitement que la nuit ne serait faite que pour dormir. Si son idée novatrice ne sera jamais vraiment mise en œuvre, certains programmes tardifs des années d’après-guerre semblent conçus pour conduire les auditeurs jusqu’à leur lit.
L’émission Prélude aux rêves
36Souvent, après des retransmissions de cabaret, des concerts ou des émissions de variétés, les stations ménagent un temps pour diffuser des morceaux de musique douce. Sur les chaînes de la RDF, ces programmes s’intitulent tour à tour Musique douce ; La Nuit, la musique et vous ; Musique douce et chanson d’amour ; ou encore Une demi-heure de charme. Le rôle attendu de cette musique enregistrée est clair : ralentir le rythme et accompagner tranquillement les auditeurs jusqu’à leur lit.
37En 1948, une nouvelle émission du Poste parisien s’intitule d’ailleurs Prélude aux rêves81, elle occupe quinze minutes dans la grille des programmes, entre minuit et minuit et quart. Son titre explicite renvoie bien à cette idée d’une introduction à la rêverie, une préparation radiophonique au sommeil. Ce programme est présenté par les speakers Christiane Montels82 et Charles Bassompierre83. L’émission du 9 avril 1948 a été conservée, portant le sous-titre « La Nostalgie des gares et des trains ». Pour chaque émission, un sujet est choisi, et des chansons en lien avec ce thème sont diffusées. Entre les morceaux, les présentateurs lisent des textes, dont certains semblent avoir été écrits spécialement pour l’émission, tandis que d’autres sont extraits de poèmes ou d’œuvres littéraires. Cette nuit d’avril 1948, toutes les musiques diffusées ont donc un lien avec les gares ou les voyages en train. On peut y entendre notamment Le Petit train départemental interprété par Ginette Garcin, Puisque vous partez en voyage, par Mireille et Jean Sablon, et Paris-Méditerranée, par Édith Piaf.
38En début d’émission, les voix sont plutôt dynamiques. Près qu’un quart d’heure plus tard, à la fin du programme, le ton a sensiblement changé, les deux speakers invitant clairement les auditeurs à rejoindre le sommeil. Leur voix s’est faite plus lente et plus douce :
Charles B. : Le sommeil va clore vos paupières, un train siffle dans la nuit (bruitage d’un train), et vous l’entendez faiblement à travers le mur de votre chambre… […] Il vous emporte dans le cahotement des roues.
Christiane M. : Un train siffle et s’en va, bousculant l’air, les routes, l’espace, la nuit bleue et l’odeur des chemins. […] Il vous amène vers le pays que vous désirez connaître, dans un voyage dont on ne se lasse jamais, le pays des jolis rêves où l’on ne rencontre que des visages aimés, et des odeurs de vrai bonheur84.
39En février 1947, une troisième chaîne de radio nationale est créée : Paris Inter. Elle émet quotidiennement aux côtés du Poste national, du Poste parisien et de stations régionales85. À l’origine, cette nouvelle station est destinée à diffuser des programmes réalisés par le Club d’essai, studio de recherches radiophoniques créé en avril 1946, en remplacement du Studio d’essai. Dirigé par Jean Tardieu, sa mission consiste à « perfectionner l’art radiophonique et le renouveler86 ». Outre les programmes du Club d’essai, la nouvelle chaîne Paris-Inter diffuse des retransmissions de programmes de radios étrangères ainsi que de la musique enregistrée, entre 6 h 30 et minuit et quart sans interruption87. Elle comporte aussi de brèves informations toutes les heures. Au cours de l’année 1948, Paris-Inter reprend l’émission Prélude aux rêves de minuit, tandis que le Poste parisien cesse désormais ses programmes à 23 heures.
Jazz nocturne
40En matière musicale, le jazz s’impose comme un style à diffuser au début de la nuit. Dès 1945, l’amateur de jazz Henri Gédovius produit sur la radiodiffusion nationale des émissions qui lui sont consacrées. La Soirée à Harlem, programmée le lundi soir entre 22 h 15 et 23 heures, consiste en la diffusion des « meilleurs enregistrements de jazz hot88 », présentés par un animateur enjoué et didactique. Ce style musical était déjà présent sur les ondes avant-guerre89, et Gédovius ne fait ici que reprendre un programme qu’il présentait déjà sur Radio Cité en 1937, le mercredi à 22 h 3090. Comme l’affirme l’historien Christian Delporte, la Libération n’a pas constitué une rupture dans l’histoire culturelle des médias91, mais cette musique jazz est redécouverte à la Libération et devient porteuse, selon Jean-Jacques Ledos92, d’un « message de liberté recouvrée que les nouvelles “années folles”, celles de Saint-Germain-des-Prés, en particulier, exalteront93 ». En effet, ce quartier parisien de la rive gauche constitue après-guerre un haut lieu de la vie intellectuelle, culturelle et nocturne parisienne, avec ses boîtes de nuit et ses caves de jazz94. La musique jazz, symbole d’une certaine élite intellectuelle, retrouve rapidement sa place dans les programmes radiophoniques, qui consistent surtout en la diffusion commentée des œuvres et des interprètes, et qui se situent souvent tard le soir dans la grille. Cette tradition du jazz nocturne perdurera et, dès sa création, Paris-Inter se spécialise dans ce domaine. L’émission Trente ans de jazz est présentée par Frank Ténot, une voix que les auditeurs français auront l’occasion de réentendre bientôt sur d’autres fréquences. Le Poste parisien consacre lui aussi des émissions tardives à la diffusion de jazz, avec Jazz Panorama tous les soirs entre 22 h 15 et 22 h 45, un programme de Hugues Panassié, président du Hot Club de France95.
41L’introduction du disque microsillon en France, en 1949, est une évolution technique qui entraînera une mutation fondamentale des pratiques d’écoute et de diffusion de musique à la radio : les émissions seront de plus en plus composées à base de disques, plutôt que d’enregistrements de concerts96.
Les émissions consacrées aux vedettes
42Dans les années d’après-guerre, la vie des célébrités passionne déjà les Français. Au premier plan, ce sont d’abord les vedettes du cinéma qui fascinent – ces « stars » ou « semi-divinités », selon Edgar Morin qui leur consacre un ouvrage en 195797 –, mais aussi les chanteurs, les écrivains et les têtes couronnées. De nouveaux journaux sont créés, qui consacrent de nombreuses pages à relater la vie, notamment privée, de ces vedettes, et qui connaissent un franc succès. Paris Match, lancé en 194998 par Jean Prouvost, tirera à 1,8 million d’exemplaires en 1958. Ces magazines jouent sur la fibre émotionnelle, remettant au goût du jour les techniques de la presse populaire du xixe siècle, fondées sur le récit, l’identification et la leçon de morale99.
43La radio des années cinquante explore ce même univers. De nombreuses émissions du soir de la RTF sont ainsi consacrées aux vedettes, plus particulièrement au décryptage et à l’analyse de leur parcours professionnel mais surtout personnel, de leur histoire intime et de leur psychologie. Ces programmes se présentent parfois sous des formes de mises en récit étonnantes et originales, dispositifs dans lesquels les animateurs prétendent être autre chose que des hommes de radio, par exemple des enquêteurs. Afin de dévoiler la vie intime des vedettes, ces producteurs de la RTF, qui sont souvent des écrivains, regorgent d’inventivité. Ils profitent d’un horaire de diffusion tardif pour instaurer un climat bien particulier. Les dispositifs varient mais l’idée est toujours la même : creuser dans la « nuit » de ces célébrités, explorer leur enfance, leurs rêves ou leurs fantasmes, tout ce qui est intime et ne peut se deviner ni se dire aisément. Les confidences s’installent ainsi sur les ondes à l’heure où la nuit tombe. Comme il s’agit de programmes souvent très travaillés, enregistrés à l’avance, élaborés grâce à un montage minutieux et mettant en scène des personnalités célèbres, ces émissions ont été conservées, au moins partiellement.
44Nous observerons ici trois émissions hebdomadaires de la RTF en particulier, toutes trois produites par des hommes exerçant également une activité d’écrivain : Qui êtes-vous ? d’André Gillois, La Parole est à la nuit de Luc Bérimont, et Le Bureau des rêves perdus de Louis Mollion. Deux de ces émissions comportent d’ailleurs dans leur titre des références directes au moment nocturne (« la nuit » et les « rêves »).
Qui êtes-vous ? d’André Gillois
45André Gillois100, de son vrai nom Maurice Diamant-Berger, est un ancien résistant. Avant la guerre, il a travaillé pour le cinéma et l’édition. Voix du service français de la BBC pendant la Seconde Guerre mondiale, il est nommé directeur des variétés de la Radiodiffusion française en octobre 1944101, puis directeur du Poste parisien en 1946102. Il se consacre par ailleurs à l’écriture de romans et de pièces de théâtre, tout en produisant de nombreuses émissions pour la radio103. À partir de 1949, il produit sur le Poste parisien son programme vedette Qui êtes-vous ?, diffusé entre 21 h 45 et 22 h 20, dans lequel il soumet des personnalités à un interrogatoire original, afin de dresser leur profil psychologique.
46L’émission commence par une description physique de l’interviewé par la physiognomoniste104 Catherine Gris, dans le but de dessiner des éléments de caractérologie105, puis se poursuit avec une sorte de test psychologique qui passe par des questions parfois très intimes, posées par une équipe de plusieurs personnes : les philosophes Emmanuel Berl106 et Maurice Clavel, accompagnés d’un psychanalyste, le « Docteur Martin », en réalité le Docteur Held107, qui tient à garder l’anonymat. Dans la deuxième moitié de l’émission, les chroniqueurs échangent leurs points de vue sur les réponses aux questions et proposent leurs interprétations, la personne interrogée ayant le loisir de réagir aux différentes remarques faîtes sur son caractère. Pour conclure, André Gillois dévoile les résultats du test, en présentant les caractéristiques principales de la personne interrogée108. Une note de la RTF décrit l’objectif de ce programme :
« Le but que poursuit André Gillois est d’arriver à faire dire à celui qu’il interroge, soit des choses qu’il n’avait pas envie de dire au départ, soit même, et surtout, des choses auxquelles il n’avait jamais pensé, parce qu’elles étaient enfouies dans de trop lointains souvenirs ou parce que la confrontation de certains souvenirs a fait naître de nouvelles idées. […] Il n’y a eu aucun incident avec les personnes interrogées et [elles] ont même été agréablement surprises, la plupart du temps, d’avoir l’occasion de parler sur des thèmes qu’évitent les conversations ordinaires et qui les révèlent à eux-mêmes en même temps qu’aux autres109. »
47Ces programmes se distinguent des conversations ou des émissions ordinaires, leur but étant de faire advenir une parole inédite et intime. Généralement, après une entrée en matière systématique, consistant en un questionnaire dit « de Proust » auquel les invités répondent de manière brève, ce qui crée un rythme vif, les collaborateurs de l’émission demandent généralement à l’invité de revenir sur ses souvenirs d’enfance, et tentent de faire la généalogie de sa personnalité actuelle. Invité du 27 novembre 1949, Blaise Cendrars s’écrie au cours de l’émission : « ce sont des questions de psychanalystes presque, que vous me posez110 ! » Henri-René Lenormand ira même plus loin :
« Eh bien ! permettez-moi de vous dire que ce que vous venez de dire ce soir, c’est en somme le premier éclaircissement technique psychanalytique avec lequel je suis entré en contact, et que toute ma vie je me suis refusé à la psychanalyse111. »
48En 1953, deux ans après la fin du programme, André Gillois résume le principe de l’émission :
« Il s’agissait […] d’arracher à celui qui voulait bien se prêter au jeu, non pas ce qu’il avait décidé de ne pas dire, mais au moins les souvenirs, les idées, les goûts, les opinions, les sentiments, qu’il ne s’était pas préparé à exprimer, que parfois il ne s’avouait pas à lui-même ou qui correspondaient à des questions qu’il ne s’était jamais posées112. »
49Comme l’essentiel de la radio à cette époque, ces émissions sont enregistrées à l’avance et ne sont donc pas diffusées en direct. La réception critique de Qui êtes-vous ? dans la presse spécialisée apparaît nuancée. Régulièrement, l’hebdomadaire Radio-Cinéma-Télévision retranscrit des extraits de l’émission, tout en précisant qu’il s’agit d’un programme dont le magazine « [ne peut] garantir la valeur morale ». Un journaliste de Témoignage Chrétien analyse dès le mois d’octobre 1949 l’émission, usant de métaphores médicales et chirurgicales :
« [André Gillois] se penche sur un seul cas, mais en tire le maximum. Pour opérer la parfaite dissection d’une personnalité, il commence par endormir le patient en lui demandant de tracer lui-même son portrait. Ensuite, il utilise une série de bistouris, nommés questions, les unes classiques : “Quel est votre musicien préféré ?”, les autres sournoises, qui tendent de savant pièges au malade pour l’amener à se livrer […]. Lorsque cette avalanche de points d’interrogation s’avère insuffisante, les assistants du maître […] insistent et complètent l’auscultation. […] Ces messieurs tirent les plus graves conclusions des moindres syllabes échappées à l’imprudent sujet, justifient leur diagnostic, et ne se mettent, naturellement, pas d’accord. […] Finalement, le “patron” Gillois met un terme à ces querelles en concluant avec son habituelle sagesse113. »
50Progressivement, André Gillois gagne en notoriété. En 1953, L’Express le classe parmi « les cent noms qui portent l’avenir », « entraîn[ant] les auditeurs de la radio dans les voies de la connaissance en créant et recréant un style radiophonique qui spécule sur le meilleur de son auditoire114 ». Les archives écrites professionnelles d’André Gillois sont conservées à l’Ina. Parmi l’abondance de documents – 43 cartons – figure notamment la liste des invités reçus dans Qui êtes-vous ?, document dans lequel il apparaît que certains textes d’émissions ont fait l’objet d’une publication115.
51Au total, d’après cette liste, 101 personnalités se sont prêtées au jeu des questions intimes de Qui êtes-vous ? entre 1949 et 1952116. Il semble qu’il manque en réalité un nom et que la liste totale soit de 102 personnalités117. Sur ces 102 invités, seules 16 personnes sont des femmes, contre 86 hommes, soit une proportion d’invités masculins de 84 %. Par ailleurs, la majorité des interviewés (près de 59 %) sont des écrivains, des gens de lettres, dont Blaise Cendrars, Paul Léautaud, Georges Simenon ou Jean Rostand. L’on trouve aussi des hommes de théâtre et des comédiens, dont Bernard Blier, Jean-Louis Barrault et Pierre Brasseur, des comédiennes – Simone Signoret, Danièle Delorme et Françoise Rosay –, des chanteurs – Mouloudji et Yves Montand, ce dernier étant également comédien –, des journalistes, des peintres, des sportifs – l’alpiniste Maurice Herzog ou l’athlète Jules Ladoumègue –, le chorégraphe Serge Lifar ou encore le compositeur Olivier Messiaen. Si les profils varient quelque peu, il s’agit d’une émission essentiellement consacrée au monde artistique, les chroniqueurs faisant d’ailleurs eux-mêmes partie de cet univers.
Activité principale des invités de Qui êtes-vous ? d’André Gillois
Écrivains | Comédien· ne· s | Journalistes | Peintres | Scientifiques | Autres | |
Hommes | 54 | 12 | 3 | 5 | 3 | 9 |
Femmes | 4 | 9 | 3 | - | - | - |

52D’un point de vue formel, en écoutant plusieurs numéros, on constate que des questions identiques sont souvent réutilisées, les membres de l’équipe s’appuyant sur un test établi par Gaston Berger, un des fondateurs de la caractérologie118. Durant la première saison, André Gillois communique certaines questions à ses invités en avance119, ce qui pourrait expliquer la rapidité des réponses. Toutefois, à partir de 1950, les célébrités découvrent le questionnaire au moment de l’enregistrement120.
53Lorsque les invités sont des femmes, les questions, posées par l’équipe exclusivement masculine, ont davantage tendance à aborder des thèmes comme la passion, l’amour, ou encore le « statut de femme » des invités. C’est le cas par exemple dans l’émission avec Simone Signoret121. Il est intéressant de noter que les artistes interrogés ne sont jamais là pour faire de la promotion, en tout cas il n’est annoncé à aucun moment la sortie d’un livre, d’un film ou d’une pièce de théâtre. Les personnalités sont là pour elles-mêmes, en dehors d’une actualité culturelle.
54Cette émission inspire la BBC, qui crée en 1952 une version britannique : Frankly Speaking. Ce programme ne va toutefois pas aussi loin que la version française, comme le signale le responsable de l’émission à la BBC Joe Weltman :
« Notre série a adopté un style plus détendu, plus discursif, qui contraste vivement avec les manières […] du programme français. Tandis que les émissions françaises étaient souvent de brillantes démonstrations de joute verbale et d’esprit aiguisé répondant du tac au tac, les auditeurs apprécieront sûrement nos efforts pour suggérer une atmosphère moins athlétique et moins tendue. Les Français semblaient accorder plus d’importance à la cohérence, leur panel d’interrogateurs traquait durement chaque contradiction dans les réponses qu’ils recevaient, et leurs célébrités avaient tendance à avoir recours à l’auto-justification122 […]. »
55La version originale n’est en effet pas toujours tendre avec les célébrités interrogées, les différents interviewers n’hésitant pas à mettre les invités face à leurs contradictions, à les malmener. Comme l’a souligné le chercheur Pierre-Marie Héron, leur attitude est souvent impertinente123, leur ton inquisiteur. La seule lecture du questionnaire introductif à l’émission montre la distance qui sépare Qui êtes-vous ? des grands entretiens littéraires de la RTF qui lui sont contemporains124. Certains invités jugent d’ailleurs l’émission avec sévérité, comme l’écrivain François Mauriac :
« Je comprends qu’un écrivain arrivé à un certain âge donne au public une vue d’ensemble de lui-même. Cela n’a aucun rapport avec l’épreuve à laquelle j’ai été soumis, où l’on essaye de vous psychanalyser, et qui garde un côté un peu… escopette ! […] Comment ne pas préférer à un jeu où l’on essaye de vous surprendre, une conversation avec quelqu’un qu’on a choisi et avec qui on est en confiance125 ? »
56Pour certains auditeurs de l’époque, cette émission est perçue comme une intrusion vulgaire dans l’intimité des artistes. Quelques mois après le début de cette série, l’émission est parodiée dans Radio Pastiche126, sous l’intitulé Qui vous êtes127 ? L’invité, Monsieur Dupont, un « Français moyen » répond au questionnaire habituel d’une façon ordinaire, puis, à travers les interprétations ampoulées, conceptuelles et même absurdes des différents collaborateurs, les producteurs de Radio Pastiche se moquent de la prétention au sérieux et à l’intellectualisme de l’émission originale.
57André Gillois produit de nombreux programmes radiophoniques dans les années d’après-guerre. Ces derniers sont souvent diffusés le soir, comme l’essentiel des émissions les plus élaborées. Les autres productions d’André Gillois prennent généralement la forme de cheminements intérieurs. Elles ont souvent recours à la psychologie et à la caractérologie. Dans La Parole est d’argent, Gillois utilise à la radio l’étude du caractère par la voix. Dans À quoi penses-tu128 ?, il questionne encore des artistes sur ce qu’il se passe dans leur tête dans telle ou telle situation.
La Parole est à la nuit, de Luc Bérimont
58Luc Bérimont est poète et écrivain. Son premier recueil de poèmes, paru en 1940, s’intitule Domaine de la nuit129. À partir de 1948, il produit des émissions pour le service public de la radio. En 1952, il crée son émission qui restera la plus célèbre, La Parole est à la nuit. La première de cette série est consacrée à Pierre Brasseur et diffusée le 6 novembre 1952 à 22 h 15 sur la Chaîne parisienne. En introduction, Bérimont présente le principe de ce nouveau programme, sur des sons de battements de cœur :
« Un cœur d’homme qui bat. Qu’est-ce que c’est un cœur d’homme qui bat ? Actuellement nous entendons le cœur de Pierre Brasseur. Pourquoi bat-il à ce rythme précipité ? Parce que quatre hommes le prennent en chasse, quatre hommes qui vont le poursuivre et donner la parole à sa nuit. […] Il s’agit pour nous de rechercher par quels détours un homme est devenu ce qu’il est aujourd’hui, […] nous donnons la parole à la nuit de son passé. Nous relevons ses empreintes et ses traces. Aujourd’hui nous avons choisi Pierre Brasseur, Messieurs, il me reste à vous dire “au travail, et bonne chance130”. »
59Avec le terme « Messieurs », le producteur s’adresse à son équipe de journalistes coproducteurs – Jacques Bureau131, Jean-Dominique Laurent et Francis Gastambide132 –, jouant ici le rôle d’enquêteurs chargés de récolter différents documents concernant le dossier Brasseur, tandis que Luc Bérimont incarne le supérieur qui donne des instructions et indique la marche à suivre. L’émission, qualifiée de « film-enquête radiophonique », est construite de façon à laisser entendre les différentes étapes du travail d’investigation de ces hommes, chargés d’effectuer une plongée à travers le passé du comédien. Chaque journaliste au micro joue un rôle, apportant tour à tour un nouveau document sonore. Toute l’émission est construite dans une forme de récit, tandis que les illustrations sonores sont très nombreuses, tout comme les sollicitations à se laisser aller à l’imaginaire. Ce premier épisode consacré à Pierre Brasseur commence de la sorte :
[Bruits de moteurs, sirènes, klaxons, ambiance extérieure urbaine.]
Luc Bérimont : Voilà, c’est ici l’avenue de Lamballe. Voyez, on est à deux pas de Quai de Passy, il y a le brouillard qui monte de la Seine. Tiens, regardez, regardez cet immeuble-là. Un, deux trois, quatre, cinq, au cinquième là-haut, vous voyez ? Oui, ici, à droite, oui, la fenêtre de Pierre Brasseur. C’est ça, la fenêtre éclairée, là, en haut. Brasseur travaille sous sa lampe, il est près de sa femme qui joue du piano, écoutez… [Musique de piano, puis retour aux klaxons] […] Vous entendez ? »
60Dans cet extrait, le producteur joue avec l’imagination sensorielle de ses auditeurs, en s’adressant directement à eux, sous forme impérative – « regardez ! » – ou interrogative – « Vous entendez ? » Pour essayer de comprendre Pierre Brasseur et le faire découvrir aux auditeurs, Luc Bérimont et ses collaborateurs ont interrogé de nombreuses personnes de l’entourage de l’acteur : sa mère, le directeur de la pension dans laquelle il était scolarisé enfant, le propriétaire du café proche de sa pension, son ancienne propriétaire, ainsi qu’un nombre important de personnalités amies ou ayant travaillé avec lui. Se succèdent ainsi à l’antenne des comédiens ; des écrivains – dont Marcel Achard, Jean Cocteau et Jean-Paul Sartre ; mais aussi des cinéastes. Au total, une vingtaine de personnalités du monde des Lettres et du spectacle interviennent dans l’émission pour évoquer Pierre Brasseur, en plus de son entourage familial ou privé. Brasseur lui-même est interviewé lors de courtes séquences, mais l’essentiel des propos tenus sur lui émane d’autres personnes, que Luc Bérimont prétend joindre à tour de rôle par téléphone. Selon Radio, Cinéma, Télévision, cette première émission avec Pierre Brasseur fait scandale, tellement elle est « vraie133 ». En effet, son ancienne propriétaire n’hésite pas, par exemple, à révéler que le comédien ne lui payait pas régulièrement son loyer et que, accablé de dettes, il avait continuellement les huissiers derrière lui. Si les différents intervenants dressent un portrait flatteur de Brasseur, ils n’omettent pas de souligner ses comportements de séducteur infatigable, ni de raconter dans les détails des aspects intimes de son histoire et de son caractère. Les témoignages sont intercalés de nombreux extraits de musiques ou de films. Cette émission, parce qu’elle représente la première de cette série, est particulièrement dense, avec un nombre important d’intervenants.
61Avec le temps, le nombre d’interlocuteurs sera sensiblement réduit, la parole la plus importante finissant par être celle de l’intéressé. Par exemple, La Parole est à la nuit du 7 janvier 1956, consacrée à Marcel Pagnol, s’apparente plus à un entretien classique, puisque c’est Pagnol lui-même qui s’exprime134, l’émission prenant davantage la forme d’une confession radiophonique. L’émission existera pendant plusieurs années et se consacrera à des personnalités aussi diverses que Gilbert Bécaud, Jean-Louis Barrault, Jean Renoir, Eddie Constantine, Raoul Dufy, Jean Cocteau, Henri Salvador, Charles Aznavour, ou encore l’enfant poète Minou Drouet.
62La série La Parole est à la nuit a été moins bien conservée que Qui êtes-vous ? durant ses premières années, même s’il demeure un certain nombre d’archives disponibles, particulièrement pour l’année 1956. Toutefois, à ce moment-là, l’émission a cessé de se consacrer aux vedettes pour s’intéresser à des sujets de société comme : « L’automobile et son histoire », « La médecine tuera-t-elle la chirurgie ? », ou encore « Lumière sur la planète Mars135 ».
Le Bureau des rêves perdus de Louis Mollion
63Louis Mollion, à l’origine comédien, devient après-guerre le directeur du service des émissions littéraires et dramatiques de la RDF puis RTF. Dans Le Bureau des rêves perdus, il se lance « à la poursuite des rêves disparus » de célébrités, en duo avec le comédien Étienne Bierry. L’émission est elle aussi diffusée sur la Chaîne parisienne, entre 22 h 15 et 23 heures, à partir de 1953136, et réalisée par Albert Riéra.
64Le programme est construit sous forme de dialogue entre Louis Mollion, supposé directeur d’un Bureau des rêves perdus, et son associé ou employé Étienne Bierry. Dans leur bureau imaginaire, les deux coproducteurs rassemblent, recensent, classent et conservent les rêves d’enfance de personnalités dans différents dossiers. Des moments d’interview enregistrée de la personne sont diffusés de temps à autre. L’émission sur les rêves de Blaise Cendrars, diffusée en 1953, commence ainsi :
Louis Mollion : Vous est-il déjà arrivé de faire des rêves feuilletons ? […] Des rêves à prolongement si vous préférez ?
Étienne Bierry : Oh non, je ne crois pas.
L. M. : C’est effectivement une forme de rêve assez rare, qui existe pourtant. Vous voyez ce dossier, et bien je viens justement d’en classer un particulièrement curieux. […] Chaque épisode du rêve est précédé d’un résumé du chapitre précédent, [rires] si je puis dire. C’est à Blaise Cendrars que je le dois137.
65S’ensuit une description, par Blaise Cendrars lui-même, des différents rêves qu’il a pu faire dans sa vie, et notamment des « rêves-feuilletons ». Ce programme traitant des rêves est tout particulièrement adapté, par son thème onirique, à une diffusion tardive. Mais les producteurs jouent aussi sur la polysémie du mot « rêves », et encouragent les personnages interrogés non seulement à parler des rêves qu’ils font durant leur sommeil, mais aussi de leurs rêves éveillés. Les moments enregistrés sont présentés comme des documents bruts, donnant la sensation d’émaner naturellement de la parole de la personne concernée, sans que celle-ci ait été interviewée et enregistrée. En effet, les questions et relances du producteur ont été coupées au montage, afin de préserver une empreinte à la fois personnelle et onirique.
66Les différentes personnes qui se prêtent au jeu de l’émission reviennent toutes sur leur enfance, et racontent des éléments intimes de leur caractère et de leur passé. Louis Mollion invite ainsi de nombreux poètes : Francis Carco, Pierre Mac Orlan, Philippe Soupault ou encore Tristan Tzara, mais les rêveurs qui se prêtent au jeu de cette émission viennent du monde artistique au sens large. Citons ainsi les compositeurs Joseph Kosma et Henri Sauguet, le cinéaste Jean Renoir, le chansonnier Jacques Grellot, les peintres Marie Laurencin et Georges Braques, ou encore l’homme de cirque Achille Zavatta. Parfois, ce sont même des inconnus qui sont conviés à raconter leurs rêves au micro : un cheminot, un bouquiniste, ou encore un vieux Blanquiste138. Au total, il y aura près de 150 émissions, jusqu’en 1962. Chaque fois, l’introduction laisse entendre à l’auditeur qu’il pénètre dans un monde onirique. Le Bureau des rêves perdus de Pierre Mac Orlan, diffusé le 1er janvier 1954, commence par exemple comme ceci :
Étienne Bierry : C’est étrange, comment suis-je arrivé ici ?
Lois Mollion. : Ah, cher Monsieur, on ne sait jamais. Mais ce qu’il y a de sûr c’est que chaque être vient me voir au moins une fois dans sa vie. Vous regardez ce qui vous entoure ? C’est que le bureau des rêves perdus a de quoi faire rêver.
E. B. : Tant d’ordre dans un pareil endroit, c’est…
L. M. : Mais sans cela, Monsieur, on ne s’y retrouverait pas, rien ne s’échappe plus facilement que les rêves. Tenez, ouvrez ce tiroir.
Bruit d’un tiroir qui s’ouvre, bruitage de sons mystérieux, voix de jeune femme : « J’ai un voile, un voile en tulle blanc »… Bruit du tiroir qu’on referme.
L. M. : Le voile blanc, rêve de toutes les jeunes filles aux yeux émerveillés sur le printemps de l’amour.
E. B. : Mais celui-ci ?
L. M. : Voyez vous-même…
Bruitage puis voix d’homme, qui résonne en écho :
« Vous êtes le patron, c’est entendu, mais je n’admets pas que vous me parliez sur ce ton… pas sur ce ton… pas sur ce ton… » Bruit du tiroir qui se referme. […]
L. M. : C’est l’interminable protocole des humiliations qui se révoltent, non, non, sans grand intérêt…
E. B. : Ce tiroir alors…
Bruit d’un tiroir que l’on ouvre, sons mystérieux.
Pierre Mac Orlan : Je n’ai jamais eu le temps de rêver parce que j’étais préoccupé à trouver de quoi boulotter tous les jours139. […]
67Commence ensuite le récit de l’écrivain Mac Orlan au sujet de ses rêves. La musique de ce programme, non identifiée, évoque une atmosphère sibylline, un univers vaporeux et mystérieux, à la fois attirant et angoissant, qui illustre bien le monde des rêves. Dans cette émission, tandis que Francis Carco raconte un rêve éveillé dans lequel il rencontre Baudelaire, ou évoque avec légèreté les prostituées140, Marie Laurencin se souvient de ses terreurs nocturnes de petite fille, puis parle de ses rêves de lieux et d’époques inaccessibles, par exemple des Égyptiens construisant les pyramides141.
68Puisque le programme est diffusé entre 22 h 15 et 23 heures, on peut supposer que certains auditeurs écoutent cette émission aux portes du sommeil, depuis leur lit. Peut-être certains s’endorment-ils à l’écoute des récits de rêves de ces personnalités, les propos des ondes influant à leur tour sur leurs propres rêves, à l’image de ce qu’imaginait Gaston Bachelard.
69Ces trois programmes radiophoniques tardifs des années cinquante – Qui êtes-vous ?, La Parole est à la nuit et Le Bureau des rêves perdus – mettent donc l’accent sur la confession, la confidence, le dévoilement du caractère intime des personnalités invitées. Ces émissions témoignent toutes d’un intérêt pour la psychologie, s’appuyant sur la caractérologie dans Qui êtes-vous ?, ou sur l’analyse psychologique des rêves dans Le Bureau des rêves perdus. De telles émissions s’inscrivent dans un contexte de propagation de la psychologie et de la théorie psychanalytique dans les années 1950, de l’intelligentsia jusqu’au grand public142. Elles répondent aussi au désir grandissant de mieux connaître les artistes et les vedettes, ces êtres dont les « visage[s] [servent parfois] de support aux rêves humains143 ».
70Si Qui êtes-vous ? est un programme simple et sobre dans sa conception, les deux autres sont des émissions particulièrement élaborées d’un point de vue sonore, mettant en jeu un important travail de montage et de réalisation. C’est tout particulièrement vrai dans La Parole est à la nuit, ce « film-enquête radiophonique » dans lequel le recours aux bruitages et aux illustrations musicales joue un très grand rôle. En revanche, ces trois programmes s’appuient tous sur une mise en récit, construisant une situation fictive, ou en tout cas un dispositif original qui se démarque d’un simple entretien de questions et réponses. Le but poursuivi par les producteurs – faire parler la personnalité, ou son entourage, à propos de sujets plutôt intimes – semble souvent atteint. Il est par ailleurs important de noter que ces hommes de radio proviennent souvent du même monde artistique que les personnes qu’ils interrogent, ce qui facilite certainement leurs relations et leurs interactions. Parfois, même, ce sont des collaborateurs de radio qui participent à l’un de ces programmes, comme par exemple Pierre Mac Orlan dans Le Bureau des rêves perdus. Ils se prêtent donc au jeu, tout en en connaissant assez bien les codes.
71Lorsqu’elles existent, les archives de ces émissions sont des sources précieuses sur ces artistes, qui sont moins des vedettes populaires que des intellectuels. Tout particulièrement, elles constituent un matériel archivistique sonore particulièrement riche pour les écrivains français du début et du milieu du xxe siècle, dont beaucoup se sont prêtés à l’exercice144. Enfin, il est intéressant de constater que les individus ne sont pas invités dans ces programmes pour promouvoir la sortie d’un nouveau livre ou d’un dernier film. Ils viennent simplement se livrer « gratuitement » à cet exercice de confession radiophonique. C’est parfois le cas la journée, même si, le plus souvent, les artistes invités viennent parler de leur actualité.
72Ces confessions diffusées assez tard le soir sont donc essentiellement le fait d’artistes, même si Louis Mollion convie exceptionnellement des anonymes à venir raconter leurs rêves – le 24 juin 1957, par exemple, il reçoit un ancien déporté145. Au début des années cinquante, toutefois, les périphériques Radio Luxembourg, Radio Monte-Carlo et Radio Andorre diffusent le dimanche à 22 h 30 un programme intitulé Confidences. Ici, il n’est pas question des confidences des célébrités mais de celles d’anonymes. Cette émission est en effet patronnée par le magazine féminin Confidences, le premier « magazine du cœur » lancé en 1938146, qui accueille dans ses pages les récits, confidences et échanges de conseils des lectrices. Le programme radiophonique Confidences consiste vraisemblablement en la lecture à l’antenne de certaines lettres de lectrices devenues auditrices, mais nous n’avons pas pu retrouver d’archives sonores ou écrites concernant cette émission, à l’exception de publicités dans les magazines de programmes147.
Les émissions de création, une radio d’évasion
73En dehors de ces programmes consacrés aux célébrités, s’il existe quelques émissions sérieuses d’information ou de débats d’actualité diffusées assez tard le soir, comme La Tribune de Paris148, Le Siècle en marche149 ou encore Des idées et des hommes150, l’essentiel des émissions proposées après 21 heures ou 22 heures fait la part belle au divertissement et à la création. Il s’agit d’une radio souvent onirique, qui offre à ses auditeurs tardifs des voyages sonores dans l’imaginaire.
Les émissions littéraires et artistiques
74Dans les années d’après-guerre, la soirée et la nuit sont le lieu privilégié pour les émissions littéraires et artistiques, même si, d’une manière générale, les programmes de ce type peuvent avoir leur place à toute heure de la journée dans les grilles de la radiodiffusion française. En effet, durant ces années-là, la radio est dirigée et fabriquée par des poètes151. Paul Gilson152, écrivain, poète, cinéaste et journaliste, sera directeur des programmes de la RDF, puis RTF, de 1946 jusqu’à sa mort en 1963. Ce « poète fantaisiste153 » accorde une place de choix à de jeunes auteurs, tels Jean Tardieu, Roland Dubillard, ou encore François Billetdoux. Le Club d’Essai du poète Jean Tardieu, avec ses programmes élaborés et laboratoires, a sa propre fréquence de diffusion. Parfois, les programmes qu’il expérimente sont également diffusés sur les chaînes traditionnelles, généralement le soir, autour de 22 heures.
75 Le Club d’Essai est notamment à l’origine d’enregistrements de longues séries d’entretiens avec des écrivains, diffusés sur la Chaîne nationale : par exemple André Gide et Paul Léautaud s’entretenant avec Jean Amrouche ou Robert Mallet. La radio, par ailleurs, n’hésite pas à parler de cinéma, quelquefois en invitant des vedettes, d’autres fois en diffusant largement des extraits d’œuvres du septième art. Entre 1949 et 1950, Maurice Cazeneuve154 et Pierre Viallet155 produisent Les Rois de la nuit, une émission de la Chaîne nationale consacrée aux grands réalisateurs du cinéma, diffusée entre 21 h 30 et 22 h 15. Contrairement aux émissions de confidences évoquées précédemment, l’intérêt est moins de parler de la vie privée des cinéastes que d’évoquer leurs films, en en diffusant des extraits. Mais ces programmes sont eux aussi construits dans un cadre fictionnel, les producteurs se mettant en scène dans des dialogues écrits à l’avance. Par exemple, pour l’émission consacrée à Orson Welles156, les deux collaborateurs prétendent être cousins, celui de Paris expliquant à son cousin de province la filmographie d’Orson Welles. Par ailleurs, à l’occasion de Noël 1949, l’émission propose la diffusion d’extraits de films consacrés à cette nuit de réveillon. Le programme est présenté par le comédien Bernard Blier. Ce dernier joue le rôle de Lucien, gardien de nuit dans un studio de cinéma. Obligé de passer Noël seul à son travail, il a l’idée, pour tromper l’ennui et la solitude, de ressortir des bobines de film traitant de cette nuit spéciale157.
76Si la radio de ces années-là est largement fabriquée par des poètes, la poésie occupe une place de choix sur les ondes. À la fin des années quarante, la Chaîne nationale propose Un Quart d’heure poétique158, plusieurs soirs par semaine, à 23 heures. Par exemple, un soir de juin 1948, les comédiens Marie Ventura et Jean Deninx lisent des poèmes sur l’amour et la volupté, avec emphase et lyrisme, mais sur un ton solennel159. La voix est nue, dépourvue d’ornementation sonore. Parfois, ce sont les auteurs eux-mêmes qui lisent et mettent en onde leurs écrits. C’est le cas d’André Frédérique, avec son émission poétique L’Âge d’or, qui clôt la journée de Paris Inter en 1949, entre minuit et minuit et quart160. Quelques années plus tard, en 1954, Sacha Guitry produit, en collaboration avec Pierre Lhoste, la série hebdomadaire Et puis voici des vers entremêlés de prose, diffusée à 21 heures sur le Poste parisien. Dans ce programme d’un quart d’heure, l’auteur dramatique lit ses propres poèmes, qui sont publiés en recueil la même année161.
77Entre 1953 et 1957, le poète et producteur de radio Jean-Marc Morvan écrit les scénarios d’émissions intitulées Les Nuits décousues, diffusées sur la Chaîne nationale aux environs de 22 h 15. Il s’agit d’émissions poétiques enregistrées avec des comédiens : Roger Blin, Catherine Sauvage et François Chaumette notamment. Les illustrations musicales sont d’André Popp162 et la réalisation d’Alain Trutat163. Ces productions sont des créations étonnantes, des invitations à la réflexion autour de la nuit et à la rêverie plus ou moins éveillée. Dès le générique, une sorte de dimension mystérieuse voire mystique s’installe. Sur fond d’une musique de cordes composée par André Popp, on entend en effet une voix d’homme, lointaine, débiter sur un ton très lent et grave, et avec beaucoup d’écho, le début d’un poème d’Henri Michaux :
Dans la nuit,
Dans la nuit,
Je me suis uni à la nuit,
à la nuit sans limites,
à la nuit164.
78Plusieurs secondes de silence séparent chaque groupe de mots. Dès les premières minutes, Les Nuits décousues installent un décor sonore spécifique, avec un rythme particulièrement lent, et des effets sonores – écho et réverbération – qui symbolisent l’entrée dans un espace-temps radiophonique à part, le cadre nocturne constituant l’essence même de ce programme. Conçues comme des créations poétiques, ces émissions laissent aussi une large place à la chanson. Voici, par exemple, l’introduction de l’émission « Une nuit pour rien » diffusée le 9 janvier 1954, avec des textes de Francis Picabia, Louis Aragon, Alfred de Musset, Agnès Capri ou encore Paul Valéry, et des musiques de Georges Brassens, Joseph Kosma et Erik Satie, parmi d’autres.
Une voix d’homme, chuchotant, avec de l’écho :
« Voici l’heure où le lion rugit, où le loup hurle à la lune, tandis que le paysan ronfle, sa journée est faîte.
Voici l’heure où la chandelle crépite et va s’éteindre, tandis que la chouette jette sa plainte qui secoue le malade sous ses draps, et soudain lui glisse l’idée qu’il est mort.
Voici l’heure où les cimetières s’ouvrent et lâchent leurs fantômes, et nous les esprits follets qui dansons sur les quatre chevaux de la lune, comme des rêves sur un homme endormi165. »
79Ces émissions instaurent un climat particulièrement propice à la rêverie et aux évocations de l’imaginaire, offrant des sortes de voyages en terre nocturne, des explorations poétiques et musicales des différents visages de la nuit : « La Nuit de la rencontre », « La Nuit de l’enfance », « La Nuit des barbelés », « La 25e Nuit », ou encore « La Nuit du fait-divers ».
Les invitations au voyage
80Plusieurs émissions tardives proposent des invitations au voyage, avec des programmes sous forme de reportage du bout du monde ou de récits de voyages illustrés de manière sonore. La plus célèbre d’entre elles voit le jour en 1950, et s’intitule Les Nuits du bout du monde.
Les Nuits du bout du monde, de Stéphane Pizella
81Stéphane Pizella incarne parfaitement la figure du soir et du début de la nuit de la radio des années cinquante. Né en 1909 en Corse, Pizella est un ancien grand reporter, voyageur invétéré, conteur d’histoires et adepte d’une radio très travaillée. Il propose à partir de 1950 une série d’émissions tardive qui deviendra mythique – Les Nuits du bout du monde. En lui confiant cette émission, Arno-Charles Brun, directeur des programmes de variétés de la RTF, lui demande de donner de la place à de vastes plages musicales et Pizella restera toujours fidèle à cette tradition : « dans mes émissions il y a toujours énormément de musique, car elles suggèrent166 » :
« Mes émissions reposent […] sur la musique. Il y a certaines phrases que je ne finis pas, si la musique peut les finir pour moi. […] Au lieu de dire “il pleuvait”, je mets le concerto no 2 de Saint-Saëns pour piano et l’auditeur voit la pluie bien avant que je parle d’elle167. »
82Jacques Chardonnier, ancien technicien du son de la RTF, et collaborateur aux Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, se souvient avec émotion de ce programme :
« La voix de Stéphane Pizella a fait voyager toute une génération d’auditeurs vers des pays lointains, très lointains mais parfois aussi très proches. À chaque récit, la voix, les musiques déclenchaient l’imagination et chacun s’inventait des images et vivait dans la chaleur moite de l’Indonésie ou l’hiver glacial de New York. Stéphane Pizella nous faisait découvrir des pays dont nous ignorions jusqu’au nom. Peu importe si la description n’était pas aussi rigoureuse que certains géographes l’eussent souhaitée, mais le rêve était toujours là. Il suffisait de baisser doucement la lumière. Et les violons emportaient l’auditeur à l’autre bout du monde168. »
83Les auditeurs du soir des années cinquante se laissent ainsi aller à d’émouvants « voyages imaginaires169 », dans des pays lointains et inconnus qu’ils n’ont jamais vus de leurs yeux mais que la voix de l’homme de radio leur donne à imaginer. Voyageurs immobiles aux oreilles grandes ouvertes et aux yeux clos. Pour alimenter cette rêverie et agrémenter ses récits, Stéphane Pizella a recours à une multitude d’archives sonores et de musiques. Ces programmes s’apparentent à des « reportages subjectifs170 », car le producteur n’hésite pas à employer la première personne. Plus encore, Pizella construit toutes ses émissions en précisant qu’il fait revenir à la surface ses propres souvenirs, ses propres expériences vécues à l’étranger. Par exemple, dans « Une nuit à Djibouti », il commence l’émission de la sorte :
« Ce piano mécanique, c’est la première image “sonore” qui monte et qui montera toujours dans mon souvenir, lorsque je me penche, et toutes les fois que je me pencherai sur mes nuits de Djibouti171. »
84Dans cette seule phrase introductive, Pizella a recours à quatre marques de la première personne du singulier, ce qui marque d’emblée son implication personnelle. De la même façon, il n’hésite pas à interpeller directement l’auditeur, notamment en lui posant des questions. Ce programme se différencie largement des émissions classiques d’alors, dans lesquelles des textes relativement impersonnels sont lus à l’antenne par des speakers, généralement des comédiens qui jouent un rôle en lisant des dialogues construits de toutes pièces. En 1951, Stéphane Pizella expose la vision qu’il a de son travail :
« Mon but est de créer des images et de faire sentir, voir ce que j’ai vu à des aveugles. L’auditeur n’a que des oreilles : il ne voit rien. Ce qu’on lui présente doit être un film, un film dans lequel aux images visuelles sont substituées des images auditives. Le reportage idéal est (serait) celui où l’on n’entend pas le radioreporter si ce n’est que pour planter, en quelques mots, le décor et faire les enchaînements entre les sons qu’il recueille172. »
85La nuit constitue le moment idéal pour ce genre d’émission d’incitation à la rêverie, dans cet espace de transition vers l’onirisme et l’imaginaire, cet endroit où l’on peut davantage entendre et fermer les yeux. Stéphane Pizella affectionne d’ailleurs tout particulièrement la nuit et il semble parfois essayer d’en percer les mystères à travers son programme. Dans l’une de ses premières émissions, consacrée à Manille et diffusée le 2 décembre 1950 à 22 heures, il interpelle l’auditeur et dresse un portrait poétique de la nuit, en la personnifiant.
« Je ne sais pas quelle impression vous apporte ma présence chez vous, tout près de vous, au commencement de ces nuits. Ma présence et mes récits. La mienne, en les commençant, c’est que je vous ai pris par la main amicalement, et que nous marchons ensemble au hasard de ces nuits, et que je ne suis pas seul dans ce studio, devant ces micros. Mais il vous reste à franchir une deuxième étape, découvrir ce que sont ces nuits, ou plutôt La Nuit.
Peut-être l’avez-vous pressenti ; pour moi, la Nuit est vivante. Elle n’est pas seulement une ombre étendue sur les villes, les plaines, les vallées, les océans. Elle se meut, elle vient, elle s’en va, elle parle, elle chante, elle apporte de la joie et de la mélancolie, elle vous prend, vous délaisse. La Nuit, femme capricieuse, volage, instable. Fidèle, rarement.
À New-York, elle s’habille en femme du monde à la Ve avenue, mais se saoule avec les clochards de la beuverie et se farde au néant avec des couleurs pour filles de trottoir quand elle se promène dans Broadway. À Santa Fé elle est timide. À Honolulu elle vous apporte des concerts d’oiseaux. À Saipan, elle est bestiale, elle vous apporte la nausée et le cafard des îles. À Lay Thé, elle danse avec les lucioles d’or. À Manille, elle ne se livre jamais le premier soir. Elle ne donne que son parfum d’ylang-ylang, et je l’ai cherchée, jour après jour, obstiné, décidé à la forcer, à la prendre, sachant que le soir où je l’aurai enfin, elle ne pourrait plus se dérober jamais, et qu’elle m’appartiendrait173. »
86Dans les mots et la voix de cet homme de radio, la nuit s’apparente donc à une femme à conquérir, y compris en lui forçant la main. Les villes évoquées dans ce passage sont toutes lointaines, et exotiques à leur façon. De fait, Pizella joue beaucoup avec cette notion d’exotisme174, entraînant ses auditeurs sur tous les continents.
87La première série de la collection des Nuits du bout du monde175 a été assez mal conservée, seules quelques rares archives subsistent, mais les textes de certaines émissions ont été publiés en recueil176. Il y aura plus tard d’autres séries de cette émission177 et Pizella produit de nombreux autres programmes tardifs durant les années 1950 : Les Heures de notre vie, Musique sans passeport, et Concerto pour une ombre. Si les titres changent, les émissions se ressemblent. À chaque fois, le producteur se pose en conteur, évoque des souvenirs de voyage, faisant appel à des éléments vraisemblablement personnels de sa vie, et utilise de très nombreuses illustrations musicales. Il installe une ambiance particulièrement intime et chaleureuse, allant même jusqu’à interpeller son auditeur en le tutoyant. Voici par exemple son introduction d’un Concerto pour une ombre de janvier 1954, intitulé « Valse souvenir » :
« Si tu crois, toi qui viens d’entendre […] le titre, ou plutôt le sous-titre de ce Concerto qu’hier j’écrivais, si tu crois qu’il fut placé là sans autre raison que celle de justifier cette émission, si tu le crois vraiment, détrompe-toi. Il est venu par hasard, je ne l’attendais pas178… »
88Ainsi Pizella instaure-t-il un lien fort entre son auditoire et lui, n’hésitant pas à dire « je », mais également « tu », ce qui est inédit alors.
D’autres émissions de voyages
89Les programmes de Pizella, s’ils font figure d’objets originaux, ne sont toutefois pas les seuls à proposer des reportages de voyage, parfois même centrés sur la nuit. En 1949, le programme Tourisme et travail179 propose une émission intitulée « Les Îles de la nuit », dans laquelle un homme – Henri-François Rey180 – essaie de convaincre une femme sceptique – Marguerite Tarayre181 – du bien-fondé de rêver aux voyages. Il s’agit là encore d’un dialogue mis en scène de manière fictive pour les besoins de l’émission :
« Je propose de fuir vers des plages blondes et des îles lointaines où il ne soit plus question de température politique ou de fièvre boursière. […] Je voudrais donner envie à ceux qui nous écoutent de partir, ou de rêver qu’ils partent. Leur donner envie de vivre intensément leurs rêves, et puis peut-être qu’au bout de ce rêve, à la fin, il deviendra une réalité. […]
Il ne faut pas oublier qu’il existe Tahiti182, qu’il existe des îles de la nuit, des filles de la nuit, un bonheur très simple à la mesure de l’homme. […] Les îles paradis, encerclant des lagons calmes, ne semblent avoir été créées que pour matérialiser les rêves d’évasion des pauvres humains, pour les consoler de leur triste existence quotidienne183. »
90Ainsi le rêve de voyage est-il proposé comme une alternative permettant de s’échapper de la vie ordinaire, voire de se consoler de la « triste existence quotidienne » des « pauvres humains ». Sans même voyager physiquement, la radio permet là encore des voyages immobiles d’un genre nouveau, et les producteurs encouragent les auditeurs à s’autoriser ce genre de rêves, et à y croire. Les expressions employées évoquent déjà les futurs propos de Pizella et témoignent de l’imprégnation de certaines représentations insulaires ou exotiques dans l’imaginaire collectif.
91Dans le cadre du programme Le Monde comme il va, diffusé chaque lundi sur la Chaîne Parisienne entre 22 h 15 et 22 h 45, certaines émissions sont consacrées elles aussi à des reportages de voyages à l’étranger. Ce programme prend des formes diverses, attaché à décrire les changements du monde contemporain, mais il propose de temps à autre des sortes de carnets de voyages sonores. Par exemple, le 10 août 1953, l’émission est produite par Roger Anceau et s’intitule « Une Nuit à Barcelone184 ». Le ton est proche de celui de Pizella, les descriptions sont précises et subjectives et les illustrations sonores nombreuses. Le producteur nous propose de passer une nuit blanche à Barcelone « dans les rues du plaisir ». Le Monde comme il va proposera plusieurs émissions sur l’étranger : par exemple sur la vie culturelle à Brazzaville, l’Opéra de Pékin, Varsovie, Vienne, le Danemark et la Norvège, ou encore Ibiza.
92Enfin, Henri Gédovius, évoqué précédemment au sujet de la musique jazz, propose dès 1945 une émission musicale tardive qui constitue une vraie invitation au voyage. Le but de ce programme, diffusé le vendredi entre 22 h 15 et 23 heures et intitulé Le Cabaret de l’illusion, est de « créer l’atmosphère d’un cabaret, en présentant des disques rares et de qualité, de différents pays. Russes, Espagnols, Hongrois, Cubains, Roumains, Argentins185 ». Pour y parvenir, Gédovius présente en quelques mots le cabaret du pays dans lequel il est censé se trouver, puis, entre chaque disque diffusé, il fait de courtes annonces, tandis que passent en fond sonore des applaudissements enregistrés et des « bruits dans la langue respective et en Français, avec l’accent particulier au pays186 ». Gédovius utilise la magie évocatrice de la radio, capable de créer des images et de planter des décors imaginaires. Avec ce « montage sonore », il tire doublement parti des possibilités radiophoniques et de l’ambiance de rêverie et d’imaginaire propre à la nuit. Le Cabaret de l’illusion du vendredi 27 avril 1945 est, par exemple, consacré là encore à l’Espagne, et les quelques mots de description de l’animateur suffisent à ancrer des images :
« Des cigares longs comme la main et fins comme un porte-plume, de la fumée, des rires exaltés par un public passionné, chanteurs et chanteuses rivalisent de prouesses, ici le chant est un véritable culte et chacun met tout son être dans ce genre de compétition vocale. Voici le cabaret espagnol187. »
93Gédovius, Stéphane Pizella et les autres producteurs d’émissions de ce type, s’apparentent ainsi à de nouveaux écrivains de littérature de voyage, tandis que l’auditeur se mue en voyageur immobile, par l’intermédiaire de l’écoute, non plus de la lecture188.
Radio frisson : les dramatiques189 policières et fantastiques
94Outre les rêveries et les invitations au voyage, la radio des heures tardives sait jouer avec un imaginaire collectif traditionnel associant la nuit à l’angoisse, au crime et aux intrigues policières, tandis que l’immédiat après-guerre correspond à une période de boom éditorial en matière de littérature policière190. Parallèlement, de nombreuses séries de feuilletons policiers sont créées ou adaptées à la radio191, dont certaines sont diffusées tardivement en soirée, comme Le Détective est sur la piste, écrite par Pierre Boileau et diffusée en 1946 et 1947 sur le Programme national le lundi soir entre 22 h 50 et 23 h 30192.
95Dans ces années d’après-guerre, le fantastique a aussi sa place dans les émissions radiophoniques du soir ou du début de la nuit. Par exemple, en mars 1948, le Poste parisien lui consacre une soirée entière. Le journaliste Roger Bourgeon s’est vu confier la coordination de cette soirée de frissons, qu’il a réalisée avec Agathe Mella et Nino Frank. Au programme de ce soir-là, entre 18 h 30 et minuit, la diffusion de deux concerts de l’Orchestre de la Radiodiffusion française sur le thème « Les Musiciens du diable » et « L’Écran du diable », suivis de six contes fantastiques commandés à des auteurs spécialement pour l’occasion. Enfin, à 23 h 15, les auditeurs les plus noctambules peuvent écouter La Mort prend des vacances, une adaptation par Agathe Mella d’un film d’Alberto Casella et Walter Perris193. Ce type de soirée se reproduira sur l’antenne de la RDF. Par exemple, en avril 1951, le Programme parisien programme Cinq histoires étranges, une série de dramatiques de science-fiction ou fantastiques. La réalisation est confiée à Georges Godebert194, tandis que le compositeur de musique concrète Pierre Henry s’occupe des effets spéciaux195. L’émission commence par un avertissement :
« Bonnes gens trop sensibles, abstenez-vous. Jeunes enfants, allez-vous coucher, il est l’heure… Amateurs d’émotions fortes, vous voilà prévenus ! Concentrez-vous…
Éteignez vos lumières. Et écoutez…
Musique de générique196
Mesdames ; Messieurs,
Cri de femme effrayée puis musique (leitmotiv qui reviendra entre toutes les séquences)
Attention, attention, Mesdames, Messieurs, Nous vous invitons à écouter cinq histoires, cinq histoires étranges.
Puis Chuchotement : Des histoires inquiétantes, improbables peut-être, des histoires simplement cruelles…
Cinq histoires étranges, et maintenant l’heure est venue de coucher les enfants. L’ombre et la nuit nous attendent. Que ceux qui n’ont pas peur du mystère et de l’angoisse restent à l’écoute. Quant à vous, chers auditeurs sensibles qui préférez les choses moins sombres, nous nous excusons mais que voulez-vous, ce soir, nous ne travaillons pas dans le rose. À tout à l’heure, peut-être, dans vos rêves étranges197. »
96Les comédiens de ces dramatiques œuvrent habituellement pour le théâtre et le cinéma, notamment Michel Bouquet, Charlotte Clasis, Julien Bertheau et Geneviève Morel. Cette soirée a fait l’objet d’un rapport d’écoute par le contrôle artistique des émissions :
« Le groupement de cinq récits dialogués ayant un caractère commun d’étrangeté, de mystère et de pathétique est une idée d’émission valable. La difficulté qui consistait à trouver cinq bons textes n’a pas toujours été vaincue et certains passages frôlent parfois un “grand guignolesque” assez peu radiophonique. Mais l’écoute n’en demeure pas moins […] attachante. Un effort efficace de réalisation. Interprètes de talent, dominés par Lucienne Bogaert et Marcel Herrand. […]
Mise en ondes soignée, recherchée et dans l’ensemble très réussie : trouvailles radiophoniques (heureux effets de fantastiques, de sonorités répétées, de contrastes…). Dans l’ensemble, quelques excès de décor sonore et des résonances exagérées rendent l’audition de certains passages difficiles198. »
97Ainsi le contrôle artistique des émissions est-il globalement satisfait de cette soirée expérimentale. Des coupures de presse, conservées dans les archives de l’ORTF, sont toutes plutôt positives, signalant par ailleurs que cette émission a pu offrir une des premières utilisations radiophoniques de la musique concrète199, dont le principe consiste à tenter de recréer des sons à l’état brut grâce à des compositions mélangeant bruits naturels, timbres synthétiques et sons d’instruments.
98Dès les premières années de l’histoire de la radio, le théâtre radiophonique aurait un impact très fort sur l’auditoire, en particulier en 1924 en France, et en 1938 aux États-Unis, avec La Guerre des mondes d’Orson Welles.
99En 1924, en effet, la répétition radiodiffusée de la pièce de théâtre radiophonique Maremoto de Gabriel Germinet200, rapportant le naufrage d’un navire, avait provoqué une très vive émotion chez plusieurs auditeurs de Radio Paris201. Ces derniers, croyant réellement au récit d’un naufrage en direct, s’étaient plaints à travers des courriers, ce qui avait entraîné l’interdiction de diffusion de la pièce par le ministère de la Marine202. Maremoto restait depuis dans les esprits une émission mythique, bien que peu de personnes l’aient entendue. Ce n’est qu’en 1949 qu’une nouvelle version de Maremoto, réalisée par Georges Godebert203, est enregistrée et diffusée sur les antennes de Paris Inter, le 24 juillet, à l’occasion d’une soirée célébrant les noces d’argent du théâtre radiophonique204.
100Plus de dix ans après l’affaire française de Maremoto, un épisode similaire, resté aujourd’hui célèbre, aurait mis les États-Unis en émoi. En 1938, le jeune Orson Welles205, alors âgé de 20 ans, a adapté pour la radio l’œuvre de science-fiction La Guerre des mondes d’Herbert Georges Wells, imaginant une invasion du New-Jersey par des Martiens, dans une émission diffusée à 20 heures le 30 octobre 1938. L’invasion fictive des extra-terrestres était relatée par un reporter, qui commentait en direct une scène d’apocalypse, dénombrant le nombre de morts et annonçant la progression des Martiens vers New York. Interprété par des comédiens et bruité de façon sommaire, le reportage est passé pour vrai aux oreilles de plusieurs auditeurs ; provoquant un sentiment de panique chez certains206. L’impact de cette pièce a vraisemblablement largement été exagéré207, la légende qui l’entoure faisant état d’une vague de panique à travers tout le pays, avec pour point de départ des articles de presse ayant dramatisé la situation, juste après l’événement. En fait, l’intention des journalistes avait été de pointer du doigt les dangers de la radio, afin de décrédibiliser ce nouveau média qui faisait alors concurrence à l’écrit. Malgré cela, ces deux exemples ont souligné la capacité de persuasion du théâtre radiophonique, particulièrement en ce qui concerne les catastrophes ou le fantastique208.
101Dans les années d’après-guerre, le service public de la radiodiffusion n’est pas le seul à s’aventurer sur le terrain du fantastique et de l’étrange. Radio Luxembourg diffuse entre 1951 et 1952 L’Heure du mystère de Jean Thévenot209, le mardi soir à 21 h 30. Ce programme, qui promet de manière ambitieuse que « tout ce qui est mystérieux chez l’homme, dans le monde et l’univers, n’aura plus de secret pour [l’auditeur]210 », s’intéresse à la télépathie, aux envoûtements et autres phénomènes étranges. Un soir, un hypnotiseur tente d’endormir une centaine de spectateurs, connaissant un demi-succès. Une autre fois, un fakir essaie de battre à la radio le record d’enterrement vivant, ce qu’il parvient à faire en demeurant enfermé dans un cercueil pendant une heure et 42 minutes, tandis qu’un micro placé à l’intérieur permet aux auditeurs de suivre ses impressions.
102À partir de 1952, Pierre Billard211 prend part à divers programmes policiers de la radiodiffusion française, tous diffusés en soirée, et qui porteront la tradition de la pièce radiophonique policière à un niveau jamais atteint. D’abord, entre 1952 et 1953, il réalise Le Jeu du mystère et de l’aventure. Cette émission est présentée dans Mon programme à sa création :
« La radio suit la mode. La vogue persistante du roman policier et le succès des adaptations radiophoniques des œuvres de Georges Simenon l’ont incitée à porter dans ses nouveaux programmes une émission spécialement conçue à l’intention des amateurs de detective novels. Elle s’appellera Le Jeu du Mystère et de l’Aventure. […] Le titre même de l’émission indique que les auteurs entendent ne pas limiter leur curiosité et qu’ils prennent le mot policier au sens large. Ils ne s’intéresseront pas aux seuls romans noirs, mais aussi aux contes fantastiques, aux histoires de fantômes, aux œuvres d’anticipation scientifiques et bien entendu à ce que les spécialistes appellent les “problèmes d’échecs”. […] Le Jeu du Mystère et de l’Aventure qui paraît assuré au départ d’un vaste public, sera diffusé sur la Chaîne Parisienne, le vendredi de 21 h 10 à 22 h 10212. »
103L’émission en deux parties est composée d’une dramatique policière – soit créée spécialement pour l’occasion, soit adaptée d’une histoire déjà existante – et les auditeurs sont invités à écrire à l’équipe de production pour imaginer une fin alternative aux épisodes.
104L’année suivante, Jean Luc, l’un des deux producteurs du Jeu du Mystère et de l’aventure, quitte la RTF pour rejoindre Radio Luxembourg où il vient d’être nommé directeur. Paul Gilson propose alors à l’éditeur Maurice Renault et à Pierre Billard d’élaborer une nouvelle formule sur le même créneau horaire. Ils créent Faits divers, en collaboration avec l’auteur de romans policiers et scénariste Pierre Véry213. L’émission, diffusée entre 1953 et 1957 de 21 h 15 à 22 h 15 sur le Poste parisien, met en ondes des histoires vraies trouvées dans le journal. Le programme est réalisé par Pierre Billard, assisté de Jean Garretto214. L’originalité repose sur le fait que ce sont les auditeurs qui sont invités à fournir le matériau de départ de l’émission, en envoyant à la RTF des coupures de presse relatant des faits divers qui les inspirent. Des auteurs écrivent ensuite de courts scénarios à partir de ces faits divers, parmi lesquels François Billetdoux, Pierre Boileau et Thomas Narcejac, Jean Cosmos, Frank Nino, ou encore Yves Jamiaque215. Les textes de ces émissions sont ensuite joués par des comédiens. Mon Programme vante l’aspect novateur et participatif de Faits divers :
« La grande idée de l’émission […] est que l’on demande aux auditeurs de fournir des sujets. […] Les thèmes retenus sont souvent extraordinaires : l’histoire de la grand-mère dont les gangsters avaient emporté involontairement le cadavre, celle du fantôme de la bibliothèque d’York, celle de la morte en surnombre dans un caveau de famille, celle de la bague qui donne de la fièvre216… »
105En début de programme, l’émission est adressée « à tous les amateurs d’extraordinaire et d’imprévu, à toutes celles et à tous ceux qui lisent le journal surtout pour y trouver des histoires217 ». Comme l’ont démontré plusieurs historiens de la justice et du crime, les faits divers fascinent et inspirent les romanciers, journalistes et feuilletonistes depuis le Second Empire, et tout particulièrement durant l’entre-deux-guerres218. Si la Seconde Guerre mondiale et l’Occupation avaient fait disparaître les faits divers des quotidiens, après la Libération, ces derniers reparaissent progressivement à la radio, puis bientôt dans le nouveau média émergeant : la télévision219.
106D’une manière générale, les dramatiques ou fictions occupent le plus souvent le territoire des soirées, toutes stations confondues, au moment où les auditeurs ont le temps de s’installer auprès du poste pour une écoute prolongée et attentive.
L’exception des nuits spéciales
107Jusqu’en 1955, aucune émission en langue française ne se poursuit régulièrement après minuit. C’est différent en Italie, où, à partir de juillet 1952, un programme spécifiquement nocturne est créé, intitulé Notturno Dall’Italia220. Il s’agit du premier exemple européen d’émission destinée aux auditeurs nocturnes. On considère alors que ce programme rassemble 5 % de la population européenne221, des chauffeurs routiers aux gardiens de nuit, des boulangers aux typographes, des médecins de garde aux insomniaques. L’émission émet toute la nuit sans interruption, entre 1 heure et 6 h 30, sur la station Roma 2. Les conditions favorables de diffusion, propres à la nuit et au fait que les autres stations cessent leurs activités, permettent de couvrir un large rayon d’émission, estimée à 5 000 kilomètres. La programmation est essentiellement musicale (opéras, musique symphonique, musique légère, musique de chambre et de bal), les disques étant entrecoupés par de brefs bulletins d’informations. À l’heure pile, le journal est en italien, et, à chaque demi-heure, des informations en français, en anglais et en allemand sont proposées. L’une des finalités de ce programme est de fournir une image positive et attractive de la péninsule italienne aux étrangers, dans le but d’attirer des touristes222.
108En France, les antennes restent exceptionnellement ouvertes toute la nuit, lors de scrutins électoraux ou durant les nuits de fête, comme Noël ou le jour de l’an.
Nuits d’élections
109Dès 1946, la radiodiffusion nationale en reconstruction propose une nuit de programmes ininterrompus sur la Chaîne nationale dans la nuit du dimanche 2 au lundi 3 juin 1946, suite aux élections législatives pour le renouvellement de l’Assemblée constituante. Avant le scrutin, Radio 46 consacre une page à la présentation des moyens techniques et humains qui seront déployés pour mener à bien les programmes de cette nuit électorale, entre 22 h 05 et 6 h 30 du matin, en dépit de l’état « plutôt délabré » du matériel, des lignes et des appareils de la RDF223. Pour parvenir à produire une émission de résultats satisfaisante, on annonce que de nombreux envoyés spéciaux seront envoyés dans toute la France afin de recueillir à chaud les réactions des Français, tandis que les techniciens feront de leur mieux pour assurer les liaisons adéquates. Dans le numéro de la semaine suivante, le directeur de la RDF, Jean Guignebert, se félicite de la réussite de cette nuit spéciale, qu’il qualifie de « performance224 ». Il remercie ses équipes et se félicite de l’avantage et de l’avance de la radio sur la presse imprimée dans ce contexte, la radio permettant à ses auditeurs d’entendre des reportages « à peine différés », et offrant selon lui « une vérité, une présence de la meilleure qualité225 ». Dans les faits, aucune archive de cette nuit électorale radiophonique n’a été conservée et il semble bien difficile de savoir quelle fut réellement la qualité de ces programmes et qui était vraiment à l’écoute. Quoi qu’il en soit, chaque élection sera désormais suivie d’une nuit spéciale à la radio, pour annoncer et commenter les résultats tout au long de la nuit, en direct.
Nuits de réveillon
110En dehors des élections, les stations proposent des programmes nocturnes exceptionnels à l’occasion des fêtes de fin d’année : avec des retransmissions des messes de Noël, mais aussi des programmes de variétés ou de voyage, et surtout des émissions de musiques de danse. Pour Noël 1950, c’est Gédovius qui présente D’une danse à l’autre jusqu’à 5 heures du matin sur le Programme parisien. Sur Paris-Inter, les programmes s’arrêtent à 2 heures, après la diffusion du Beau Danube Bleu du relais de la radio autrichienne de Vienne, puis une émission spéciale de La Vie Parisienne consacrée aux programmes des cabarets. Les radios périphériques proposent aussi des retransmissions de messes de minuit et prolongent leurs programmes – Radio Monte-Carlo étant la plus noctambule, puisqu’elle cesse ses programmes à 6 h 30 la nuit de Noël 1950 – Andorre s’arrête à 4 heures et Radio-Luxembourg à 2 heures226. Le 24 décembre 1954, le directeur général de la RTF Wladimir Porché s’exprime à 23 h 57 sur les trois chaînes nationales pour présenter ses vœux de Noël227.
111Les réveillons de la Saint-Sylvestre sont eux aussi l’occasion de prolonger les programmes de radio, de faire durer la nuit des ondes. Pour le passage au Nouvel An 1955, le Poste parisien diffuse par exemple durant la nuit des extraits du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, lus par le comédien Pierre Fresnay. Un journaliste de Radio, Cinéma, Télévision s’en réjouit :
« Pour passer la veillée de la Saint-Sylvestre, on ne saurait rien imaginer de plus approprié que la lecture, par un grand artiste comme Pierre Fresnay de cette merveilleuse parabole d’amour et d’amitié228. »
112Après ces lectures, la station parisienne propose une soirée musicale en direct jusqu’à deux heures, Aux quatre coins de la chanson, présentée par Pierre Brive, avec Jacques Hélian et son orchestre. Paris-Inter cesse également ses programmes à deux heures, après des émissions de musiques de danse, comme Luxembourg et Andorre, tandis que Radio Monte Carlo offre d’accompagner ses auditeurs jusqu’au petit matin, en procédant pour l’occasion à une permanence des programmes durant la nuit du 31 décembre 1954 au 1er janvier 1955. Un grand encart fait d’ailleurs la publicité de cet événement exceptionnel dans Radio, Cinéma, Télévision (fig. 1)229.
113De tels programmes sont sans doute écoutés en famille et entre amis, accompagnant les réveillons dansants des Français. On peut imaginer que des postes sont parfois allumés dans des lieux publics ou de façon à être entendus dans les rues des villes, mais nous n’avons trouvé aucune archive l’attestant.
114Quoi qu’il en soit, si les stations de radio sont présentes de manière plus tardive durant ces nuits de fêtes, elles ne développent pas vraiment des programmes novateurs pour l’occasion. Aucune de ces émissions de réveillon produites par la radiodiffusion française n’est d’ailleurs consultable à l’Ina, ce qui indique que ces programmes festifs n’étaient pas jugés dignes d’un grand intérêt. Toutefois, nous pouvons signaler l’existence d’une archive singulière datée du 31 décembre 1949 et intitulée Ils ne sont pas seuls ce soir. Diffusée dans la nuit du 31 décembre 1949 au 1er janvier 1950 sur l’une des chaînes de la radiodiffusion française, elle donne à entendre les récits de trois hommes qui passent leur réveillon « dans un poste avancé dans le sud du désert algérien », à Ouled Djellal. Ces trois hommes étant Charles Finalteri230, reporter de Radio Alger, accompagné de deux militaires, Laurent Julien et Félix Tobi, en poste à Ouled Djellal pour surveiller les frontières de l’« Union française ». Partie le matin même, l’équipe de Radio Alger entend ainsi offrir un peu de distraction à ces hommes loin de leurs proches. Félix Tobi en profite pour transmettre sur l’antenne ses vœux de bonne année à sa famille en Normandie231. Ici, la radio entend combler un vide et tisser des liens, en offrant un espace d’expression novateur à des anonymes. Elle permet aussi de donner à entendre la nuit du désert aux auditeurs de France métropolitaine. Le reporter Charles Finalteri décrit en effet la nuit saharienne, « pleine d’étoiles mais froide », tandis qu’on entend en fond sonore la musique d’une flûte algérienne.
Fig. 1. – Publicité pour la nuit de la Saint-Sylvestre 1955 de Radio Monte Carlo.

Source : Radio, Cinéma, Télévision, no 258, semaine du 26 décembre 1954 au 1er janvier 1955
Conclusion
115Jusqu’au milieu des années cinquante, la radio est essentiellement écoutée le soir. Elle constitue une pratique encore majoritairement collective, souvent familiale. Les Français s’installent au salon autour de la radio pour se distraire en écoutant des dramatiques – parfois policières –, des émissions musicales, des retransmissions de pièces de théâtre et de concerts. Cette radio de speakers plutôt guindée et sérieuse, surtout sur le service public, laisse tout de même la place, lorsque la nuit tombe, à de surprenantes audaces. Généralement éloignée des préoccupations liées à l’actualité – sauf dans le cas des nuits électorales –, la radio du début de la nuit raconte des histoires, invente un langage sonore et invite à l’évasion, à la fête, ou à la rêverie poétique. La nuit fascine et inspire les producteurs, qui sont souvent des écrivains et puisent dans le terreau nocturne pour créer des mondes sonores imaginaires.
116Les émissions décrites dans ce chapitre ne représentent pas un panorama exhaustif, d’une part parce que ce sont les émissions de création qui ont été le mieux conservées ; d’autre part parce que les programmes archivés à l’Ina ne concernent que la RDF puis RTF. Or, cette offre de programmes ne nous informe qu’assez peu sur les goûts du public et sur leur réception. En effet, à partir des années cinquante, les enquêtes des premiers grands instituts de sondage nous éclairent sur les pratiques des Français et les goûts des auditeurs, qui réclament classique, d’opéra, de jazz ou de poésie232, tandis que la RTF met l’accent sur les genres considérés comme les plus nobles. La radio la plus écoutée au milieu des années cinquante est ainsi la populaire Radio Luxembourg233 – radio préférée de 41 % des Français, loin devant le Poste parisien (25 %), Paris Inter et le Poste national (tous deux à 9 %)234.
117Les programmes tardifs évoqués sont de toute façon écoutés par une minorité de Français – gens de la nuit ou couche-tard, noctambules ou travailleurs de nuit. Ces individus ne représentent pas le « grand public » et cette radio ne participe pas d’une culture médiatique de masse. Un portrait de la nuit et des gens qui l’habitent commence toutefois à se dessiner dans ces programmes, tandis que s’installe une forme de confession et d’intimité, propre à cet espace-temps radiophonique. Malgré tout, la nuit des ondes demeure jusqu’alors en France une frontière difficilement franchissable ; elle est un territoire spécial, vierge, inoccupé. Ce n’est pas le cas partout.
118En 1957, un journaliste de Radio-Cinéma-Télévision écrit, à propos de l’émission La Parole est à la nuit de Luc Bérimont, une phrase qui définit assez bien la radio de nuit en général et comporte en son sein des signes avant-coureurs de ce que seront les ondes nocturnes dans les décennies suivantes :
« Après le bruit de la rue, après le bruit de l’actualité, après le “bulletin d’information”, après la politique, après le sensationnel, Luc Bérimont vient à la nuit […], l’émission vient à la nuit, car elle est bavarde et confidente, comme la nuit elle-même. C’est une réunion autour d’une table avec les auditeurs235. »
119La radio de nuit constituerait donc un autre espace, celui de l’après – après les obligations ; après le superflu ; après le brouhaha social du jour – et se présente déjà comme le lieu idéal du relâchement et des confidences. Mais c’est une radio qui reste très écrite, très lue, et qui, étant enregistrée à l’avance, empêche une certaine forme de spontanéité et d’improvisation. Bientôt, l’avènement du direct viendra bouleverser ces ondes en profondeur.
Notes de bas de page
1Christian Brochand, Histoire générale de la radio et de la télévision en France, t. I, op. cit., p. 596.
2Guignebert a dirigé la rubrique de politique étrangère de Radio-Cité, avant d’en devenir le directeur. À partir de 1939, il anime le Journal Parlé de la radio d’État puis Vichy le révoque en 1940.
3Avant la guerre, Maurice Bourdet était rédacteur en chef du Journal parlé du Poste parisien. Résistant, il prépare de futures émissions clandestines. Il est arrêté, déporté et meurt au camp de Bremen-Farge en 1944.
4Karine Le Bail, « Le Studio d’essai, Le Club d’essai », in Jean-Noël Jeanneney, L’Écho du siècle, Dictionnaire historique de la radio et de la télévision en France, op. cit., p. 100-101.
5Christian Brochand, Histoire générale de la radio et de la télévision en France, t. II, op. cit., p. 33.
6Robert Prot, Dictionnaire de la radio, Grenoble, PUG/Ina, 1997, p. 363.
7Aurélie Luneau, Radio Londres, op. cit., p. 363.
8L’équipe française de la BBC est notamment composée de Jacques Duchesnes (Michel Saint-Denis), comédien, animateur des Français parlent aux Français, Maurice Schumann, porte-parole de la France libre, Jean Oberlé, dessinateur, Pierre Dac, humoriste, ou encore Maurice Diamant-Berger (André Gillois), journaliste et éditeur.
9Ordonnances du 23 mars 1945 et de novembre 1944.
10Hélène Eck, « La Libération et l’épuration », in Jean-Noël Jeanneney (dir.), L’Écho…, op. cit., p. 40.
11La SOFIRAD a été créée par Pierre Laval en 1942, afin de pouvoir commercialiser des produits radiophoniques. À partir de 1949, cette société fait aussi office d’éditeur.
12Jean Guignebert dirige cette revue jusqu’en 1949.
13Porte-parole de la France libre dans l’équipe française de la BBC, Maurice Schumann reprend à la Libération son activité de journaliste.
1438 émetteurs sur 42 ont été détruits en 1944. Christian Brochand, t. II, op. cit., p. 43.
15Jean Guignebert, Radio 44, no 1, 29-10-1944, p. 2.
16Jean Guignebert, Radio 45, semaine du 14 au 20 janvier 1945.
17Radio 45, no 23, du 1er au 7 avril 1945.
18Christian Brochand, t. II, op. cit., p. 343.
19Radio 45, no 31, du 27 mai 1945.
20C’est le cas notamment de Radio-Paris, Nice/Juan-les-Pins, Lyon, voir Radio Magazine, no 265 du 11 novembre 1928.
21Anne-Marie Duverney, « Les jeunes », Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, no 1, décembre 1982, p. 22.
22Wladimir Porché a dirigé avant la guerre les programmes artistiques de la station d’État Radio Paris.
23La Radiodiffusion nationale (RN) de 1944 est devenue la Radiodiffusion française (RDF) en 1945.
24Hélène Eck, La Radiodiffusion sous la IVe République, thèse citée, p. 203.
25Ina, Fonds TDF, 00013268/118, dossier no 237, « Nouveau plan de répartition des fréquences pour les émetteurs européens de radiodiffusion », étude, octobre 1946.
26Ibid., p. 4-5.
27Ibid.
28CAC, AN, Fonds Radio France, 19950218/3, dossier no 1.
29George A. Godding Jr, La Radiodiffusion dans le monde, Unesco, 1959, p. 125-126.
30Denis Maréchal, RTL. Histoire d’une radio populaire, de Radio Luxembourg à RTL. fr, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2010.
31René Duval, Histoire de la radio, op. cit., p. 265-267.
32Radio Monte Carlo a été créée en 1943 et reprend ses émissions en 1946 ; Radio Andorre existait déjà avant la guerre.
33Radio-programme, no 55, du 9 avril 1948.
34Elle prend des parts également dans des chaînes de radio et télévision étrangères.
35Christian Brochand, t. II, op. cit., p. 274-281.
36La redevance sur les postes de radio existe depuis 1933.
37À partir de 1948, les programmes des périphériques et des stations étrangères seront toutefois intégrés dans les pages des émissions de la RDF.
38Radio 47, no 129, du 13 avril 1947.
39Fabrice d’Almeida, Christian Delporte, Histoire des médias en France, de la Grande Guerre à nos jours, Paris, Flammarion, 2003, p. 76.
40Jean-François Remonté, Les Années Radio, op. cit., p. 13.
41CAC, AN, 19890447, article 3, Fonds ORTF « Pourcentage d’écoute par période pour l’ensemble de la semaine », enquête Dorset, avril 1949.
42Nicolas Boileau, « Les Embarras de Paris », Les Satires, VI, 1666.
43Le Monde, 12 juillet 1946.
44Radio 46, no 98, semaine du 8 au 14 septembre 1946, p. 2.
45Le Monde, 4 juin 1948.
46Par ex. Radio 48, no 190, semaine du 13 au 19 juin 1948.
47Pensons, par ex., aux photographies de Paris la nuit par Brassaï, dans l’entre-deux-guerres.
48Flavien Monod est parolier, chansonnier et journaliste.
49Cette ligne, lancée en 1886, circule entre Calais et Vintimille en Italie.
50« Danger de mort », Nuits Blanches, RDF, chaîne inconnue, 17 novembre 1949, Ina.
51Loi du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles et des femmes dans les établissements industriels.
52Nicole Arnaud-Duc, « Les contradictions du droit », in Geneviève Fraisse et Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, t. IV : Le xixe siècle, Paris, Plon, 1991, p. 96.
53Est alors considéré travail de nuit tout travail entre 22 heures et 5 heures du matin.
54Régine Dhoquois, « Droit du travail, protection de la productrice ou protection de la reproduction : l’exemple de la loi du 2 novembre 1892 », Actes, Les Cahiers d’Action juridique, novembre-décembre 1977.
55Jennifer Bué et Dominique Roux-Rossi, Le Travail de nuit des femmes, Paris, La Documentation française, 1993.
56Le Monde, 21 juin 1947.
57Le Monde, 4 juin 1951.
58Olivier Merlin, « La Rentrée des noctambules », Le Monde, 3 octobre 1951.
59Il travaillera ensuite à Paris Match comme grand reporter.
60Le Monde, 27 décembre 1951.
61Marianne Monestier est « journaliste, écrivain […] et mère de famille », Radio, Cinéma, Télévision, no 177, semaine du 7 au 13 juin 1953.
62Pierre Mac Orlan, auteur de Quai des Brumes (1927), collabore à la radio entre 1947 et 1958.
63De son vrai nom Jacques-Henri Frank. Frank Nino est journaliste et auteur d’essais sur le cinéma et la littérature.
64Souvenirs de la nuit, Chaîne nationale, 15 avril 1955, Ina.
65Ibid.
66Le Centre d’études radiophoniques est créé par Jean Tardieu en 1948. L’objectif est d’organiser des conférences sur la radio et la télévision naissante.
67Gaston Bachelard, « Rêveries et radio », conférence radiodiffusée, 22 janvier 1949, Ina.
68Gaston Bachelard, « Rêverie et radio », in Le Droit de rêver, Paris, PUF, 1970, p. 218-219.
69Arsenal, 4o YA 5673 Rad, Jean Tardieu, Deux ans de recherches au Centre d’Études Radiophoniques, 13 octobre 1950, p. 28.
70Éliane Clancier, Le Club d’Essai de la radiodiffusion française (1946-1960), mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction de Pascal Ory, université Paris 1, 2002.
71Jean Thévenot, L’Âge de la télévision et l’avenir de la radio, Paris, Les Éditions ouvrières, 1946, p. 58.
72Radio, Cinéma, Télévision, no 22, semaine du 18 au 24 juin 1950.
73À cette époque, la radio n’hésite pas à recourir au concours de professionnels du cinéma.
74Jean Tardieu et le Club d’Essai, France Culture, 11 janvier 2001, Ina.
75François Guillaume assure le Courrier des auditeurs sur la Radio de Vichy. En mars 1944, les Forces françaises libres lui enjoignent de cesser ses activités de radio. En septembre 1945, Jean Guignebert lui rend ses fonctions de courriériste.
76François Guillaume, Le Courrier des auditeurs, Paris, Éditions Fournier, 1947, 4e de couverture.
77Ibid., p. 374-375.
78Ibid., p. 373.
79Jean Cocteau, « Le Club d’Essai », La Chambre d’écho, op. cit., avril 1947.
80Jean-Paul Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, Paris, Gallimard, 1948, p. 321.
81Programmes sur microfilms des archives écrites de Radio France.
82Christiane Montels est comédienne et chanteuse.
83Charles Bassompierre a commencé comme speaker au Poste colonial.
84« La Nostalgie des gares et des trains », Prélude aux rêves, Poste parisien, 9 avril 1948, Ina.
85Paris Inter demeure une station relativement confidentielle, jusqu’en 1952, date à partir de laquelle elle arrose l’ensemble du territoire grâce au puissant émetteur d’Allouis.
86Christian Brochand, t. II, op. cit., p. 344.
87Radio 47, no 123, 02 mars 1947, p. 2.
88Archives écrites Ina, Fonds Henri Gédovius, 00014470/01, dossier no 2.
89Jean-Jacques Ledos, « Deux enfants du siècle », Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, no 75, janvier-mars 2003, p. 6.
90Ibid., p. 31.
91Christian Delporte, « Au miroir des médias », in Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli, La Culture de masse en France de la Belle époque à aujourd’hui, Paris, Fayard, 2002, p. 320.
92Ancien caméraman à la RTF puis ORTF et auteur d’ouvrages et articles sur l’histoire de l’audiovisuel.
93Jean-Jacques Ledos, « Deux enfants du siècle », art. cité, p. 7. Voir aussi Ludovic Tournès, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Paris, Fayard, 1999.
94Sophie Jacotot, « Bal », in Christian Delporte, Jean-Yves Mollier et Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine, Paris, PUF, 2010, p. 100.
95L’émission existe depuis 1948 et se prolongera, avec des horaires variables, jusqu’en 1975.
96Ludovic Tournès, Du phonographe au MP3. Histoire de la musique enregistrée, xixe-xxie siècle, Paris, Autrement, 2008.
97Edgar Morin, Les Stars, Paris, Seuil, 1957.
98Paris Match est le retour, sous une nouvelle formule, de Match, hebdomadaire sportif créé en 1926, dont la parution avait cessé en 1940.
99Fabrice d’Almeida et Christian Delporte, Histoire des médias en France, op. cit., p. 172.
100André Gillois, Ce siècle avait deux ans : mémoires, Paris, Mémoire du livre, 2002.
101Jacques Guichard, « André Gillois… », Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, no 46, septembre-novembre 1995, p. 94-97.
102Benjamin Goldenstein, Itinérance, vie et œuvre radiophonique d’André Gillois, mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction de Pascal Ory, université Paris 1, 2002.
103En 1951, il s’occupe de trois émissions hebdomadaires. On parle même d’un « ministère Gillois ».
104La physiognomonie se fonde sur l’idée que les traits du visage peuvent donner un aperçu de la personnalité. Elle connaît un essor au xixe siècle, puis un regain d’intérêt après la parution en 1937 de Quinze leçons de morphopsychologie de Louis Corman.
105Branche de la psychologie qui étudie le caractère psychologique des individus, Gaston Berger, Traité pratique d’analyse du caractère, Paris, PUF, 1950.
106Jean-Noël Jeanneney, « Emmanuel Berl », in L’Écho du siècle, op. cit., p. 649-651.
107Benjamin Goldenstein, mémoire cité, p. 204.
108Voir par ex. l’émission consacrée à Yves Montand, 18 mars 1951.
109Ina, Fonds André Gillois, 00013795/29, dossier no 71, « Notes sur Qui êtes-vous ? », p. 2.
110Qui êtes-vous Blaises Cendrars ?, 7 janvier 1950, Ina.
111Qui êtes-vous Henri-René Lenormand ?, 30 septembre 1950, Ina.
112André Gillois, Qui êtes-vous ?, Textes des émissions de radio, 1949-1951, Paris, Gallimard, 1953, p. 8.
113Témoignage chrétien, 28 octobre 1949.
114L’Express, 7 novembre 1953, p. 7.
115André Gillois, Qui êtes-vous ?, Paris, Gallimard, 1953.
116Les scripts des émissions sont conservés aux Archives dramatiques, seuls manquent deux numéros.
117Benjamin Goldenstein, mémoire cité, p. 206.
118Ces tests connaissent un certain succès, ils sont édités dès 1950 : Gaston Berger, Questionnaire caractérologique, Paris, PUF, 1950.
119Ina, fonds André Gillois, 00013795/29, dossier no 71, « Notes sur Qui êtes-vous ? ».
120Ibid.
121Qui êtes-vous Simone Signoret ?, Chaîne parisienne, 5 novembre 1950, Ina.
122Times, 15 mai 1953, notre traduction.
123Pierre-Marie Héron, « De l’impertinence dans les interviews d’écrivain : l’exemple de la série radiophonique Qui êtes-vous ? (1949-1951) », Argumentation et Analyse du Discours, en ligne, décembre 2014.
124Philippe Lejeune, Je est un autre. L’autobiographie, de la littérature aux médias, Paris, Seuil, 1980, p. 103-160.
125François Mauriac, Les Nouvelles Littéraires, 8 février 1951.
126Émission diffusée le dimanche sur le Poste parisien.
127Qui vous êtes ?, 20 novembre 1949, Ina.
128À quoi penses-tu ? est diffusé à 21 heures sur le Poste parisien.
129Luc Bérimont, Domaine de la nuit, 1940.
130« Pierre Brasseur », La Parole est à la nuit, 6 novembre 1952, Ina.
131Jacques Bureau fut l’un des fondateurs du Hot-Club de France. Résistant pendant la guerre, il a travaillé à Londres comme technicien radio.
132Francis Gastambide est réalisateur pour la RTF.
133Radio, Cinéma, Télévision, no 385, semaine du 2 au 8 juin 1957.
134« Marcel Pagnol », La Parole est à la nuit, Chaîne parisienne, 7 janvier 1956, Ina.
135« Lumière sur la planète Mars », La Parole est à la nuit, 3 février 1957, Ina.
136L’émission est réalisée par Albert Riéra.
137« Les Rêves perdus de Blaise Cendrars », Chaîne parisienne, 8 août 1953, Ina.
138Nessie, « Le Bureau des rêves perdus », Regards sur France Culture, 11 mars 2010 ?, en ligne, le site n’est plus consultable en mai 2019.
139Le Bureau des rêves perdus, 1er janvier 1954, Ina.
140« Les rêves perdus de Francis Carco », Le Bureau des rêves perdus, 4 avril 1953, Ina.
141« Les rêves perdus de Marie Laurencin », Le Bureau des rêves perdus, 23 décembre 1954, Ina.
142Serge Moscovici, La Psychanalyse, son image et son public, Paris, PUF, 1961.
143Qui êtes-vous Simone Signoret ?, 7 novembre 1950, Ina.
144Par ailleurs, la RTF propose dans ces années-là des séries d’entretiens au long cours avec plusieurs écrivains.
145« Les rêves perdus de Louis-Martin Chauffier », Le Bureau des rêves perdus, 24 juin 1957, Ina.
146Le magazine Confidences est créé par Paul Winkler en 1938, qui s’inspire de la rubrique d’échange d’idées entre lectrices du magazine La Mode
147Radio, Cinéma, Télévision, no 213, semaine du 14 au 20 février 1954.
148La Tribune de Paris, émission de débat d’actualité, est diffusée le soir sur la Chaîne nationale à 22 h 30.
149Le Siècle en marche est une émission de causerie, vers 21 h 30 sur la Chaîne nationale.
150Des Idées et des hommes est une émission de Jean Amrouche diffusée à 23 heures sur la Chaîne nationale.
151Voir Pierre-Marie Héron, Les Écrivains hommes de radio (1940-1970), Presses universitaires de la Méditerranée Plum, 2001.
152Paul Gilson a appris le métier à Radio Luxembourg à la fin des années 1930.
153Pascal Ory, L’Aventure culturelle française, 1945-1989, Paris, Flammarion, 1989, p. 140.
154Maurice Cazeneuve est metteur en scène de théâtre, scénariste et réalisateur de TV.
155Ce producteur de radio est également écrivain. Il sera plus tard réalisateur de TV.
156« Orson Welles », Les Rois de la nuit, Chaîne nationale, 27 novembre 1949, Ina.
157« Émission spéciale de Noël », Les Rois de la nuit, Chaîne nationale, 26 décembre 1949, Ina.
158Ce programme est réalisé par François-Henri Michel.
159Un quart d’heure poétique, Chaîne nationale, 8 juin 1948, Ina.
160Archives de Radio France, programmes sur microfilms, 09 juin 1949.
161Sacha Guitry, Et puis voici des vers, Paris, Raoul Solar, 1954.
162Pianiste de bar, André Popp rejoint le Club d’Essai de la RTF à la fin des années 1940.
163Alain Trutat créera l’Atelier de création radiophonique en 1969.
164« La 25e nuit », Les Nuits décousues, 26 décembre 1953, Ina. Poème Henri Michaux, Plume, Paris, Gallimard, 1938.
165« Une Nuit pour rien », Les Nuits décousues, 5 janvier 1954, Ina.
166Stéphane Pizella, Inter actualités, France Inter, 23 janvier 1962, Ina.
167Radio, Cinéma, Télévision, semaine du 13 au 19 novembre 1955.
168Jacques Chardonnier, « Stéphane Pizella », Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, no 49, 1996, p. 152-155.
169André Rauch, « Les usages du temps libre », art. cité, p. 365.
170Arno-Charles Brun, « Stéphane Pizella ou le rêve sans frontière », Micro et Caméra, mai-juin 1970, p. 58.
171« Une Nuit à Djibouti », Les Nuits du bout du monde, 4 mai 1950, Ina, citation soulignée par nos soins.
172Jacques Chardonnier, « Stéphane Pizella », art. cité, p. 155.
173Stéphane Pizella, Les Nuits du bout du monde, 2 décembre 1950, Ina.
174Sur l’exotisme, voir Sylvain Venayre, « Exotisme(s) », in Christian Delporte et al., Dictionnaire d’histoire culturelle, op. cit., p. 303.
175Il y aura d’autres séries plus tardives.
176Stéphane Pizella, Les Nuits du bout du monde, Paris, André Bonne, 1953, p. 11.
177Cf. infra, chapitre ii.
178« Valse souvenir », Concerto pour une ombre, 19 janvier 1954, Ina. Souligné par nous.
179« Tourisme et travail » est une association proche de la CGT, née en 1944, qui promeut le tourisme social. Elle bénéficie d’une émission sur la RTF. Voir Sylvain Pattieu, Tourisme et travail. De l’éducation populaire au secteur marchand (1945-1985), Paris, Presses de Sciences Po, 2009.
180D’abord journaliste, Henri-François Rey deviendra romancier puis dialoguiste et scénariste pour le cinéma.
181Marguerite Tarayre sera principalement réalisatrice pour la RTF.
182Le mythe tahitien existe depuis les années 1770, cf. Sylvain Venayre, « Exotisme(s) », art. cité, p. 303.
183« Les îles de la nuit », Tourisme et travail, 24 avril 1949, Ina.
184« Une Nuit à Barcelone », Le Monde comme il va, Chaîne parisienne, 10 août 1953, Ina.
185Archives écrites Ina, Fonds Henri Gédovius, 00014470/01, dossier no 2, Le Cabaret de l’illusion.
186Ibid.
187Ibid.
188Sur l’histoire du voyage au xixe siècle, voir notamment Sylvain Venayre, Panorama du voyage (1780-1920). Mots, figure, pratiques, Paris, Les Belles Lettres, 2012.
189Une dramatique radio diffère du théâtre radiophonique car elle peut avoir recours à des procédés de création radio – bruitages, effets spéciaux sonores –, impossibles à reproduire sur une scène de théâtre.
190Jacques Baudou, op. cit., p. 43.
191Muriel Favre, « Les Policiers », in Jean-Noël Jeanneney, L’Écho du siècle, op. cit., p. 422-424.
192Ibid., p. 51.
193Radio 48, no 176.
194CAC, AN, Fonds Georges Godebert, versement no 20000392.
195CAC, AN, Fonds ORTF 20000392/7, « Les lundis de Paris du Programme parisien ».
196Les éléments sont soulignés dans les archives.
197CAC, AN, Fonds ORTF 20000392/7, notes préparatoires.
198Ibid.
199Voir Pierre Schaeffer, À la recherche d’une musique concrète, Paris, Seuil, 1952.
200De son vrai nom Maurice Vinet, ingénieur et directeur de Radiola, qu’il renomma Radio Paris en 1922.
201Christian Brochand, « Le Naufrage de Maremoto », Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, no 41, janvier-mars 1994, p. 29-33.
202Cécile Méadel, « Maremoto, une pièce radiophonique de Pierre Cusy et Gabriel Germinet », Réseaux, no 51, 1992, p. 75-94.
203Maremoto était l’une de ses premières réalisations, il aura une longue carrière de réalisateur de théâtre radiophonique.
204« Les Noces d’argent du théâtre radiophoniques », Paris Inter, 24 juillet 1949, Ina.
205Orson Welles était une vedette de CBS, en tant que meneur de jeu et réalisateur de pièces radiophoniques.
206Une centaine de poursuites ont été engagées contre Orson Welles et son équipe, la chaîne CBS a dû présenter ses excuses publiques.
207Pierre Lagrange, La Guerre des mondes a-t-elle eu lieu ?, Paris, Robert Laffont, 2005.
208Richard J. Hand, Listen in terror. British horror radio from the advent of broadcasting to the digital age, Manchester, Manchester University Press, 2014.
209Jean Thévenot a débuté à la RN en 1939. En 1948, il crée l’émission Chasseurs de son dans laquelle il diffuse des enregistrements amateurs. Il collabore aussi à Radio Luxembourg.
210Jean-François Remonté, Les Années radio, op. cit., p. 30.
211Pierre Billard débute comme professeur de philosophie avant d’entrer à la radio en 1948. À partir de 1952, il écrit, produit et réalise des programmes. Fonds Pierre Billard à l’Ina, 00021667.
212Mon programme, octobre 1952.
213Jacques Baudou, op. cit., p. 60.
214Dans les années 1970 et 1980, il produira sur France Inter L’Oreille en coin, avec Pierre Codou.
215Ina, 00021667/10, Fonds Pierre Billard, dossier no 22.
216Mon programme, no 790, cité par Jacques Baudou, op. cit., p. 62.
217« Âmes qui vivent », Faits divers, 27 octobre 1953, Ina.
218Sur cette question, voir Dominique Kalifa, L’Encre et le Sang, récits de crimes et sociétés à la Belle époque, Paris, Fayard, 1995 ; Anne-Claude Ambroise Rendu, Petits récits des désordres ordinaires. Les faits divers dans la presse française des débuts de la IIIe République à la Grande Guerre, Paris, Seli Arslan, 2004 ; Geoffrey Fleuriaud, L’Éducation par le crime. La presse et les faits divers dans l’entre-deux-guerres, Rennes, PUR, 2013.
219Sur le fait divers à la TV, voir Claire Sécail, Le fait divers criminel à la télévision française (1950-2006). Étude de la fabrique et de la mise en scène du récit, thèse d’histoire contemporaine sous la direction de Christian Delporte, université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 2007.
220Il deviendra plus tard Notturno Italiano.
221Giovanni Cordoni, « Notturno italiano », in Peppino Ortoleva i Barbara Scaramucci, Enciclopedia della radio, Milan, Garzanti Libri, 2003, p. 556-557.
222Ibid.
223« Nuit d’élections à la radio », Radio 46, no 84 du 2 juin 1946.
224Ibid., p. 3.
225Ibid.
226Radio, Cinéma, Télévision, no 49, semaine du 24 au 30 décembre 1950.
227Radio, Cinéma, Télévision no 257, semaine du 19 au 25 décembre 1954.
228Radio, Cinéma, Télévision no 258, semaine du 26 décembre 1954 au 1er janvier 1955, p. 24.
229Ibid., p. 26.
230Charles Finalteri est né en 1921 en Algérie. Il sera correspondant à Alger pour Europe no 1, pendant la guerre d’Algérie.
231Ils ne sont pas seuls ce soir, 31 décembre 1949, Ina.
232Bulletin mensuel des statistiques de l’INSEE, supplément trimestriel, juillet-septembre 1954, cité par Christian Delporte, « Au miroir des médias », art. cité, p. 325.
233L’une des émissions radiophoniques vedettes de l’époque est Reine d’un Jour de Radio Luxembourg, programme dans lequel une auditrice inconnue est couverte de cadeaux.
234Bulletin mensuel des statistiques de l’INSEE, juillet-septembre 1954.
235Radio, Cinéma, Télévision, semaine du 2 au 8 juin 1957, p. 49.

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