Le confesseur royal
Un expert de théologie morale en politique ?
p. 249-264
Texte intégral
1L’existence de l’expert est avant tout une construction sociale. Elle tient à la fois à la genèse et à la consolidation d’un champ de savoir distinct et à la reconnaissance sociale et institutionnelle qui accorde au détenteur du même savoir la capacité de répondre à un besoin individuel ou collectif1. De ce fait, l’expert, pour être reconnu comme tel, doit mettre en évidence son expertise à travers des comportements et des discours spécifiques qui le distinguent des « laïcs » communs2. Dit ainsi, le « clerc » est l’expert par définition dont la terminologie évoque le passage de l’Église à l’État. Si son rôle dans l’histoire de la construction du pouvoir politique au Moyen Âge n’est pas méconnu, sa participation comme expert dans la genèse de l’État moderne, qui est le demandeur d’expertises le plus important, reste un point de controverse idéologique3. Pour ceux qui associent modernité et sécularité, la question de la contribution des hommes du clergé à la notion même de la politique moderne peut paraître intrinsèquement illégitime4. Dans les pages qui suivent, on tâchera d’examiner un type spécifique de « clerc » qui émerge à l’époque moderne dans les institutions de conseil politique : celui du confesseur royal des monarques catholiques5. Je propose de montrer que sa participation ne répondait pas seulement à des demandes d’expertise visant à contenir la crise politico-religieuse ouverte après la Réforme mais qu’elle fut aussi un passage décisif dans la conceptualisation moderne du politique.
2Interroger l’expertise des confesseurs royaux peut paraître futile : le confesseur en tant que tel est censé être un théologien et qui plus est, un expert des cas de conscience. Si ceci ne pose pas de problème à première vue, le fait que le confesseur royal émerge à l’époque moderne comme conseiller dans les sphères curiale et gouvernementale complique la situation. Cette position particulière soulève au moins trois questions : une première touche à la construction des champs d’expertise au carrefour des discours normatifs et du cadre institutionnel de son activité ; la deuxième question concerne le regard porté par les acteurs eux-mêmes sur l’application de cette expertise, et finalement on peut s’interroger sur le débat public que soulèvent les activités des confesseurs en tant qu’experts. L’expertise légitime des confesseurs se trouve à l’intersection de ces axes, qui ne sont pas forcément en harmonie. Mes remarques ici reposent sur une comparaison entre la France et l’Espagne, deux monarchies qui, au cours des xvie et xviie siècles, se construisent de façon antagonique, le rôle du confesseur se trouvant souvent au cœur même de cette mise en opposition6.
La théologie morale
3Afin de saisir quels étaient les champs d’expertise revendiqués par les confesseurs, il convient de se tourner vers le terrain vaste et dynamique de la théologie morale moderne, et plus précisément vers les manuels de confession. La plus ample information sur la question des problèmes de conscience des rois se trouve en fait à l’intérieur du manuel pour confesseur du frère Augustin Martin Azpilcueta, le fameux « docteur Navarre ». Son manuel, publié pour la première fois en 1552 et réédité tout au long des xvie et xviie siècles, peut être considéré comme le manuel de confession le plus important de l’époque moderne7. Il contient un long chapitre traitant des péchés propres aux princes8. Il est important de noter que tous les champs d’intervention indiqués par Navarre visent le roi comme personne publique, et par conséquent concernent des problèmes d’ordre politique. S’inspirant de saint Thomas d’Aquin, qui distingue l’office de l’homme privé et qui soutient que la légitimité de l’office n’est pas directement affectée par l’état vertueux ou non du porteur de l’office, Navarre ne s’intéresse pas à la question de la vertu princière ou au prince comme homme privé9. Cette vision reste dominante parmi les théologiens de l’époque moderne et elle trouve également une expression claire dans les écrits dédiés au prince chrétien du cardinal Bellarmin10.
4Navarre indique trois sujets d’intervention principales pour le confesseur : la guerre juste, l’impôt et la justice distributive, c’est-à-dire la relation entre mérite et office dans la distribution des offices politiques. Il est pourtant frappant que Navarre ne s’exprime pas sur le rapport entre État et Église ou sur un quelconque devoir du prince à intervenir dans la répression de l’hérésie. Nulle part Navarre ne théorise la figure du confesseur royal comme expert suprême des affaires ecclésiastiques. Il exprime ainsi une position théologique qui sépare les sphères de la grâce et de la loi. En même temps, Navarre, qui avait refusé la proposition de Philippe II d’intégrer sa cour comme conseiller et probablement aussi comme confesseur, marqua aussi sa distance critique envers la politique religieuse du Roi Catholique et notamment les tribunaux d’inquisition11.
5Le cadre esquissé par Navarre resta la référence normative incontournable jusqu’au xviie siècle. Si le manuel indique les champs d’expertise du confesseur, il n’offre pourtant pas de leçons détaillées pour identifier et analyser, par exemple, un « impôt juste ». Il semble présupposer que les confesseurs, munis d’une éducation en théologie morale, savent comment analyser les cas de conscience pertinents, où se tourner pour s’y orienter et aussi, qu’ils connaissent les techniques d’analyse probabilistes pour les résoudre. En arrière-plan, on voit ainsi s’esquisser le vaste champ de la théologie morale, en pleine croissance depuis la deuxième moitié du xvie siècle12. Les jésuites étaient les premiers à utiliser le terme technique de « théologie morale », mais ils n’étaient pas les seuls ni les premiers à s’en occuper : depuis le quatrième concile de Latran en 1215, qui avait prescrit le devoir de confession auriculaire annuelle, l’étude des actes moraux avait donné naissance à une vaste production de manuels pénitentiels promus par les membres des ordres mendiants, notamment les frères prêcheurs, ancrés dans le commentaire de la Somme théologique de Thomas d’Aquin13. La croissance et l’effervescence de la théologie morale à l’époque moderne donnaient pourtant lieu à des débats toujours plus vifs touchant l’ensemble de la vie sociale et politique14. Si l’évaluation des actes moraux était certes controversée par définition, les historiens ont souvent tendance à oublier que les débats portant sur des problèmes comme celui de la guerre juste, n’étaient pas des spéculations intellectuelles théoriques ou philosophiques déconnectées. Ces débats étaient, au contraire, intimement liés aux activités des conseillers en politique, sollicitant leur expertise dans un horizon pratique afin de soutenir le conseil de ceux qui portaient des responsabilités publiques15.
6L’ambition des théologiens moraux était haute : ainsi, le dominicain Domingo Bañez et le jésuite Luis de Molina, généralement en désaccord sur bien des choses, pensaient tous deux qu’il fallait diminuer le poids des juristes qui n’offraient qu’un conseil fondé sur un savoir technique. À leurs yeux, l’expertise juridique était qualitativement inférieure à celle des confesseurs, fondée sur la théologie morale. Celle-ci offrait une vraie science globale de la conscience, ce qui, selon l’acception moderne du terme, dénotait une science du jugement moral16. Cette confiance dans la théologie morale comme science utile à la politique contribua sans doute à la transformation du rôle du confesseur à partir de la deuxième moitié du xvie siècle. Des deux côtés des Pyrénées, on constate en effet la sortie des confesseurs royaux du cadre organique et collectif de la chapelle royale. Le confesseur se distingue de plus en plus du collectif du clergé de cour, mais le détachement institutionnel ne mène pas toujours à une position clairement définie du confesseur royal comme conseiller, même si la plupart des monarchies catholiques intègrent les confesseurs à la fonction de conseil17. En France, toutefois, la position des confesseurs royaux vis-à-vis du conseil royal resta ambiguë, ce qui limitait la possibilité de déployer leur expertise.
Les confesseurs et les institutions de conseil politique
7Les susnommés Bañez et Molina, l’un dominicain, l’autre jésuite, nous renvoient aussi aux deux ordres religieux qui fournissaient la majorité des confesseurs royaux à l’époque moderne, avec une toute petite place pour les Franciscains, qu’on trouve plus fréquemment en charge des femmes dans les cours des Habsbourg18. En France, depuis le règne de Henri IV, les pères jésuites exerçaient un (quasi) monopole sur la fonction de confesseur du roi19, tandis que les Rois Catholiques en Espagne restèrent fidèles aux frères dominicains jusqu’à l’avènement des Bourbons au début du xviiie siècle20. Comparant les profils intellectuels des confesseurs dans les deux cours, on remarque d’autres différences21. Le profil dogmatique et théologique des confesseurs dominicains espagnols était particulièrement fort : la plupart d’entre eux étaient des théologiens universitaires de carrière et souvent même des commentateurs reconnus du corpus thomiste. Ainsi, Gaspar de Córdoba, confesseur de Philippe III de 1597 à 1604, enseigna la théologie à Valladolid avant sa venue à la cour ; Jerónimo Xavierre (confesseur de 1607 à 1608) et Luis de Aliaga (confesseur de 1608 à 1621) avaient tenu des chaires de théologie à Saragosse, tandis que Juan de Santo Tomás, brièvement confesseur de Philippe IV après la chute d’Olivares (de 1643 à 1644), était même le commentateur de saint Thomas d’Aquin le plus célèbre du xviie siècle22. Outre ce profil dogmatique élevé, tous étaient dotés d’une expérience administrative à l’intérieur de leur ordre comme Maîtres généraux ou visitateurs d’abbayes.
8Le profil des jésuites français présente des variations significatives : ce n’est point l’ancrage dans l’enseignement au sein de l’université, mais évidemment celui mené au sein des institutions et collèges jésuites, qui domine. De ce fait, ils avaient universellement reçu une formation dans les cas de conscience, mais aucun d’entre eux n’avait le profil d’un théologien moral de grande envergure. D’autres critères paraissent plus importants, notamment leur profil de controversistes religieux : anti-protestants dans la première moitié du xviie siècle23 et anti-jansénistes dans la deuxième moitié du siècle24. On trouve des cas originaux, comme celui de Nicolas Caussin (confesseur en 1637), surtout reconnu comme rhétoricien et commentateur biblique, tandis que le fameux père La Chaize (confesseur de 1674 à 1709) était enseignant de philosophie et de mathématiques25. Cette différence de profil n’est pas une coïncidence, mais est intimement liée à l’intégration différenciée des confesseurs dans les structures de conseil des deux cours. Le flou entourant la position des confesseurs est aggravé par le manque de formalisation général des structures du conseil politique dans la monarchie française26. À ceci s’ajoute que les règlements jésuites internes interdisaient depuis 1608 aux confesseurs royaux issus de l’ordre d’accepter des charges de conseil politique27. Cette configuration explique probablement dans une large mesure les profonds soupçons envers les confesseurs exerçant comme conseillers en France. Alimentée par un anti-jésuitisme bien établi depuis le xvie siècle, la légende de leur influence incontrôlable et sinistre empoisonna le discours sur les confesseurs en France tout au long de la période moderne28.
9Les différences contextuelles entre les deux cours conditionnent évidemment la façon dont l’expertise des confesseurs pouvait se révéler, mais aussi la nature des critiques qui lui étaient intentées. Pour l’historien, la monarchie hispanique offre des matériaux d’enquête quantitativement et qualitativement plus riches. Le haut degré de bureaucratisation des procédures de conseil a produit des traces écrites assez considérables, même lorsque les confesseurs ne participaient pas en personne au Conseil d’État et nonobstant le poids croissant des juntas qui ont laissé moins de traces écrites. Dans l’ensemble, les juntas et les conseils mobilisaient une grande quantité de conseillers letrados, mais aussi d’hommes du clergé et de religieux pour rassembler et traiter des informations qui servaient de base aux délibérations des conseils, avant de remonter au monarque pour la prise de décision. Les confesseurs royaux n’étaient pas les seuls théologiens dans cet engrenage complexe. Dans les juntas notamment, on constate la tendance à intégrer un grand nombre de théologiens, souvent sous la présidence du confesseur29.
10Cet état des lieux ne semble pas avoir suscité de méfiance envers les conseillers religieux de la part des autres conseillers royaux espagnols. Au contraire, dans des questions de grande complexité morale, ils avaient (même) pris l’habitude de renvoyer le problème à un théologien expert, normalement le confesseur30. La culture politique polysynodale était en outre soutenue par une riche production théorique et littéraire soulignant avec emphase l’importance et la nécessité de la diversité des opinions dans les conseils31. Les conseillers royaux acceptaient l’expertise des théologiens moraux comme un des éléments constitutifs de la diversité du conseil afin de protéger la conscience du roi et la légitimité de la prise de décision. Ils reconnaissaient également un principe fondamental de la théologie morale stipulant que toute décision prise dans des conditions d’ignorance coupable constituait un péché32. L’activité des conseillers politiques et religieux, visant à éliminer l’ignorance coupable, contribuait ainsi de façon importante à la légitimation du processus politique. Ceci n’obligeait pas le prince à embrasser une opinion particulière, ni de forcément privilégier les opinions des théologiens, voire celles du confesseur. En fait, selon le probabilisme modéré, propagé tout d’abord par les théologiens dominicains, toute opinion probable, c’est-à-dire une opinion reposant sur une autorité et un raisonnement théologique reconnus, était moralement défendable, puisque les jugements des actes moraux n’invoquaient que des opinions et non pas des vérités ou dogmes de foi. On voit ainsi combien la croissance du probabilisme, à laquelle Jean-Pascal Gay a dédié des pages importantes33, coïncide avec la culture de conseil non seulement dans le confessionnal mais aussi dans le monde politique. Cette culture du conseil épousait facilement les structures de conseil existant dans la monarchie hispanique, mais elle était beaucoup plus difficile à intégrer au contexte de la monarchie française. Ici, la fragilité des conseils royaux et de la monarchie résultait, sur le plan théorique, d’un culte voué à l’univocité et au secret, et sur le plan pratique, de l’ambition d’enrayer le jeu des opinions, transformant la prise de conseil en politique en une espèce de liturgie mystique du pouvoir se voulant absolu34.
11On ne peut surestimer l’importance de ce contexte intellectuel si on veut comprendre les raisons pour lesquelles l’intégration des théologiens et des confesseurs était considérée comme un atout fondamental de la monarchie chez tous les penseurs politiques espagnols au tournant du xvie siècle35. Ce principe était fièrement revendiqué dans la polémique anti-française tout au long de la première moitié du xviie siècle36. Ce serait un contresens d’interpréter le soutien théorique et pratique pour l’expertise des théologiens dans les conseils comme une marque de la soumission de la monarchie hispanique à la papauté. Au contraire, le fait que le roi ait le pouvoir de mobiliser des experts en théologie morale pour le conseiller et le soutenir dans l’exercice du pouvoir, était une preuve de sa souveraineté et un élément d’indépendance envers Rome lors des conflits fréquents que les Rois Catholiques entretenaient avec la papauté37. Le fait que le confesseur ne soit pas considéré comme un élément déstabilisant le pouvoir du monarque et l’autorité royale rendait sa participation aussi plus transparente. Les confesseurs intervenaient ouvertement dans des champs clairement indiqués par la théologie morale, c’est-à-dire la guerre, les impôts et la justice distributive, mais aussi dans des cas de complexité morale évidente, comme l’expulsion des Morisques, à laquelle le confesseur Xavierre s’opposait d’ailleurs vivement. Le fait que la décision prise sur la question morisque ne corresponde pas in fine à l’avis du confesseur, démontre bien que la voix du confesseur, bien qu’indispensable, n’était qu’un élément dans un processus plus complexe de recueil d’informations et d’expertises en amont de la prise de décision38.
Conseiller en tant que théologien moral
12C’est surtout la méconnaissance de la notion de justice distributive39, qui a mené certains historiens contemporains à mal juger l’extension des champs d’expertise attribués aux confesseurs espagnols. On lit ainsi que les confesseurs se mêlaient de tout, non seulement de la distribution des bénéfices ecclésiastiques, mais aussi de la distribution des postes dans la sphère politique, ce qui est considéré comme inapproprié40. Mais qui lit bien les traités de théologie morale comprend rapidement que, par définition, les compétences des confesseurs ne se limitaient jamais à la sphère ecclésiastique, tandis que le maintien de la justice distributive était, pour le monarque, un devoir de conscience en tant qu’il était le garant du bien commun de la res publica. De ce fait, il convenait de consulter le confesseur sur cette vaste matière afin de s’assurer que les offices étaient bien attribués à des personnes qualifiées et de mérite. Et qui plus est, la question de la mesure du mérite était un locus incontournable du débat en théologie morale et on peut saisir avec clarté le reflet de ces débats dans la pratique du conseil. Ainsi, en 1608, le confesseur Luis de Aliaga expliqua à Philippe III comment la distribution des postes dépendait de la source des revenus qui les alimentait. Il était important de distinguer les grâces payées de la bourse personnelle du roi, des offices publics financés par les revenus et les impôts des sujets. Aliaga rappela que :
« Dans ce cas, la justice distributive s’applique car ces revenus appartiennent à la république et sont destinés à faire prospérer celle-ci et ses habitants. Il faut les distribuer selon le mérite de chacun, car si ceci n’est pas le cas, cela revient à soustraire à la république et à ses habitants ce qui leur est dû par force de loi41. »
13L’interprétation du confesseur Aliaga citait presque littéralement la position de Domingo Bañez à ce sujet. Ce dernier avait soutenu une position « conservatrice » parmi les théologiens engagés dans le débat. Bañez s’était opposé à d’autres théologiens (souvent jésuites) qui avaient proposé non seulement que la distribution des revenus fasse partie du pouvoir absolu du prince mais aussi que les offices ne soient pas la propriété de la république. Par conséquent, selon eux, les critères de justice distributive limitant son libre arbitre ne s’appliquaient pas42. Aliaga, en revanche, en épousant la ligne défendue par Bañez, soutenait l’idée d’une monarchie beaucoup plus limitée. L’immixtion d’Aliaga dans les questions de justice distributive, et surtout dans la question de l’attribution des offices dans la monarchie hispanique, était la suite logique de cette interprétation et non pas une expansion illégitime des tâches du confesseur. Les pareceres de la plume d’Aliaga témoignent sans ambiguïté de ce qu’il se tenait aux principes qu’il avait esquissés et qui étaient parfaitement cohérents avec le champ d’expertise du confesseur s’occupant d’un grave problème de conscience royale.
14Pour la monarchie française rien de comparable n’existait, ce qui ne passa pas inaperçu à l’époque. Notamment pendant les conflits armés avec l’Espagne, le déficit d’expertise de théologie morale dans le conseil français devint la cible de propagandistes espagnols et anti-français. Selon eux, ce déficit était l’effet et la cause de l’influence néfaste du cardinal Richelieu. Ce genre d’attaques polémiques s’exprima vivement au cours du conflit de la Valteline entre 1624 et 1626, bien avant que Richelieu ne prît la décision controversée d’entrer dans la guerre de Trente Ans aux côtés de la Suède. En 1625, le pamphlet anonyme Admonitio ad regem, citant des passages classiques du débat théologique sur la guerre juste, dénonçait la violation de principes moraux de la part des conseillers français et notamment l’absence d’experts compétents en matière de conscience43. Il est difficile de savoir quel était l’effet de ce genre de pamphlet sur les tensions politiques françaises internes où les « dévots » s’avéraient toujours plus critiques envers le cardinal44. Toutefois, il semble que Richelieu était conscient du risque potentiel de ce genre de critique, et ses propagandistes payés y répondaient en dénonçant avec force les « bigots hispanicisés45 ». Ils niaient en bloc l’utilité et la légitimité de la théologie morale et de ses experts. Ils demandaient « pourquoi un théologien depuis sa cellule devrait se mêler du Conseil d’État », et l’historiographe royal Jérémie Ferrier insista sur le fait que les « maximes scolastiques n’[avaie]nt pas de place en politique46 ». Ce n’étaient là que des subterfuges inventés par les théologiens espagnols pour porter l’ambition de leur roi à la monarchie universelle. Selon les pamphlétaires, ni la France, ni le roi en son conseil n’avaient besoin d’un prétendu conseil de conscience, ni d’expertises fondées sur la théologie morale.
15Reste qu’il était impensable, même pour Richelieu, de supprimer le poste de confesseur du roi. Il en résultait une tension permanente entre, d’une part, le potentiel théologique du confesseur et de l’autre, l’espace mal défini dans lequel il naviguait. En 1625, Richelieu s’efforça d’éliminer ces contradictions par une instruction au confesseur Jean Suffren qui avisait le confesseur de ne se mêler ni des affaires d’État, ni même des bénéfices ecclésiastiques47. Mais la situation resta ambiguë, comme le démontre bien le conflit avec le confesseur Nicolas Caussin en 1637, au sujet de la participation française dans la guerre de Trente Ans. Les efforts de Richelieu pour marginaliser le confesseur se heurtaient à une idée bien établie, revendiquée par Caussin, celle qu’en tant qu’expert de l’évaluation des actes moraux, il ne pouvait s’abstenir de conseiller le prince. Néanmoins, l’affaire du père Caussin se termina par la chute du confesseur48 et l’épisode dramatique mit fin aux ambitions des autres confesseurs jésuites qui auraient été tentés de suivre ses pas. La défaite du confesseur marqua la défaite définitive en France de la théologie morale comme expertise valable en politique. Ceci, il faut le souligner, s’amorça bien avant l’attaque Pascalienne des Lettres Provinciales aux casuistes jésuites en 1656.
Crise et doutes
16Mais en Espagne aussi, malgré la position plus stable du confesseur, les critiques et les doutes à l’encontre de l’utilité de l’expertise des théologiens moraux se firent sentir dès 1630 environ, puis de façon toujours plus prononcée, après la chute d’Olivares en 1642. D’où venait cette crise ? Pour le dire en un mot, elle émanait surtout des théologiens eux-mêmes. Contrairement à la confiance exprimée encore au xvie siècle par Domingo Bañez et Luis de Molina, selon lesquels la théologie morale avait le statut de méta-science permettant de saisir intellectuellement le monde politique, vers 1620 le doute commença à s’installer chez quelques théologiens. L’évaluation morale des problèmes politiques devenait de plus en plus complexe ; il fallait être capable d’assembler et d’interpréter des informations de plus en plus incertaines et spécialisées. Déjà en 1608, le confesseur Aliaga remarqua que les questions touchant aux finances publiques le troublaient souvent, car il n’était pas certain d’être suffisamment compétent pour les évaluer49. Il apparaît que cette perplexité ne cessa de grandir au point de finir par s’exprimer aussi chez les théoriciens de la théologie morale. Ainsi en 1646, le jésuite Juan de Lugo émit des doutes quant à la capacité des confesseurs à bien conseiller les monarques sur les impôts50. C’est un constat assez révélateur, car la discussion de l’impôt juste était une des questions classiques dont les théologiens débattaient avec grande confiance depuis plus d’un siècle. Mais Lugo exprima une inquiétude profonde : l’administration des finances des États était devenue tellement labyrinthique qu’elle exigeait des connaissances complémentaires pour s’y retrouver. Il ne niait pas la compétence théologique des confesseurs, mais il doutait qu’ils soient en position d’appliquer leur expertise sans pouvoir comprendre les aspects techniques du budget de la monarchie hispanique. L’expertise des « économistes », selon Lugo, y était plus appropriée. On voit ainsi le doute s’installer chez ceux qui enseignaient, mais aussi chez ceux qui étaient appelés à appliquer ces enseignements dans la pratique du conseil.
17À ceci s’ajoutait la critique moralisante d’hommes du clergé zélotes qui, depuis longtemps, doutaient que ce soit vraiment l’expertise en théologie morale qui fasse le bon confesseur. Une des critiques les plus explicites et précoces en Espagne vint de l’archevêque de Valence, Juan de Ribera, qui envoya une avalanche de lettres à Philippe III afin de le convaincre d’exclure le confesseur du conseil, suggérant qu’il était incapable de traiter les problèmes de façon compétente. Selon Ribera, le savoir du théologien était inadapté à la politique et, presque pire, l’activité dans les conseils politiques endommageait et compromettait l’éthos et la vertu du confesseur en tant qu’homme religieux. L’activité de conseiller souillait la pureté de jugement du théologien, faisant du confesseur un homme politique guidé par le vice et l’ambition51. Cette position au début marginale ne fit que croître, surtout lors du règne de Philippe IV, quand la proximité et la dépendance du confesseur Antonio Sotomayor (confesseur de 1616 à 1643) vis-à-vis du favori du roi, le comte-duc d’Olivares, fit douter de sa capacité à exercer ses devoirs de façon neutre et le rendit suspect. Nombreux étaient ceux qui dénonçaient la contamination du confesseur par les ambitions du favori52.
18Le fait que ni le dernier confesseur de Philippe IV, Juan Martínez (confesseur de 1644 à 1665) ni ses successeurs ne participèrent au Conseil d’État paraît une conséquence logique de cette inquiétude, née dans les années hautement conflictuelles qui suivirent le régime d’Olivares53. Il convient de s’arrêter ici brièvement sur le cas de Martínez, qui soulève plusieurs questions et permet de retracer la transition jusqu’à la lente éclipse de l’expertise du confesseur : marginalisé du conseil politique, ses activités se poursuivirent dans la pénombre, émergeant toutefois de façon paradoxale et inouïe, peu avant la mort du roi54. Cela dit, en 1664, Juan Martínez devint curieusement le premier et dernier confesseur royal s’adressant au public lettré en imprimant un gros volume de Discursos theologicos y politicos rassemblant le best of de ses avis au roi55. Or, une analyse de contenu révèle que le périmètre des champs d’expertise revendiqué ici, s’était bien rétréci. Si le cinquième discours traitant de l’impôt sur la farine semble une revendication tardive de la compétence classique des confesseurs en matière fiscale, les autres discours s’occupent surtout de matières ecclésiastiques, comme la mobilité des évêques, de la vénalité des habits des ordres militaires ou de problèmes liés à la moralité publique dans le pays et à la cour56.
19On peut se demander si le Discurso volumineux consacré à l’impôt sur la farine n’était que l’expression de la frustration de Martínez, amer d’avoir été tenu en marge des institutions durant les quatorze années de débat où il avait maintenu une position minoritaire. Le discours se présente comme une somme monumentale de la tradition de théologie morale au sujet de la fiscalité indirecte, comme si l’auteur avait l’ambition d’écraser ses adversaires par le nombre et l’ancienneté de ses arguments57. Le confesseur s’était heurté à l’opposition de conseillers politiques, mais aussi à celle d’autres hommes du clergé, qui s’étaient exprimés en faveur de l’impôt sur la farine. Mais finalement, le roi avait épousé la position minoritaire du confesseur : le souverain avait rejeté cet impôt indirect qui risquait d’augmenter considérablement le coût de la vie des plus pauvres. Selon Martínez, la décision royale faisait preuve non de sa propre valeur, mais de la bonté du roi, qui, par amour de ses sujets et animé d’un vrai esprit chrétien, épousait une décision heurtant ses propres intérêts financiers. Même si le discours ne cache pas une certaine fierté du confesseur de son expertise, le propos affiché était de faire l’éloge du roi :
« Il faut considérer la constance de Sa Majesté tout au long de cette affaire, car contre des multiples demandes durant plusieurs années de prélever cet impôt, et en des circonstances si éprouvantes où il manquait de revenu, ce à quoi cet impôt aurait pu remédier, toujours Sa Majesté s’est montrée constante dans son refus de le faire passer58. »
20Le discours sur l’impôt s’efforçait ainsi de rappeler l’« héroïque » vertu du monarque, signalant en passant, non sans véhémence, une tradition morale désormais révolue, même auprès de la majorité du clergé espagnol, qui s’était plié aux exigences financières pendant ces années dramatiques de guerre. Même ainsi, on ne peut ignorer que la majorité des chapitres du tome de presque mille pages suggérait que l’expertise du confesseur touchait surtout à la moralité publique et à l’administration de l’Église, et notamment au rappel des principes du concile de Trente à ce sujet. C’est un profil bien éloigné de celui esquissé par le docteur Navarre un siècle auparavant.
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21Vers le milieu du xviie siècle et à partir de deux configurations très différentes, des deux côtés des Pyrénées, l’idée du confesseur comme expert de théologie morale se trouva en retrait et en crise. C’était non seulement une crise de la validité de l’expertise, mais aussi une crise de confiance plus profonde, qui suggérait que la capacité à intervenir de façon positive dans le conseil politique était limitée, voire profondément illusoire. De façon toujours plus perçante, des voix critiques s’élevaient demandant l’abstention des théologiens, ainsi maintenus hors de la sphère politique, et leur autolimitation dans la sphère ecclésiastique. À cette fin, des champs de savoir alternatifs étaient mobilisés, surtout ceux des études bibliques. L’exemple des prophètes de l’Ancien Testament était certes ancien, mais il s’imposait toujours davantage pour préparer les confesseurs à leur tâche. La chute presque obligatoire des confesseurs attachés à la pureté de la vérité donne la mesure du succès de cette dernière ligne59. En Espagne, les critiques des confesseurs renvoyaient également de façon croissante aux enseignements qu’on pouvait tirer de l’histoire ecclésiastique pour fortifier les confesseurs dans leur approche au monde. Toutes ces nouvelles tendances avaient en commun de creuser la division entre sphère religieuse et sphère temporelle.
22La promotion de l’histoire ecclésiastique notamment semble avoir eu pour but de pousser les confesseurs dans de nouvelles directions. Ainsi, en 1686, le carmélite José Agramunt Capero (1645-1717) recommanda dans une lettre adressée au confesseur Tomás Carbonell (confesseur de 1675 à 1676 et de 1682 à 1686) une liste de lectures constituée exclusivement de textes de moines et d’évêques de la Chrétienté ancienne et médiévale comme saint Ambroise, Pierre Damian, Bernard de Clairvaux et Pierre de Blois, entre autres60. Ce changement de corpus de référence impliquait un changement profond du modèle proposé au confesseur ainsi profondément radicalisé et cléricalisé. Selon le nouveau modèle, le bon confesseur n’était pas forcément celui qui savait résoudre les problèmes de conscience en s’appuyant sur un raisonnement scolastique sophistiqué, mais celui qui était empreint d’un éthos et d’un habitus reflétant le dynamisme militant de l’Église première. Les textes choisis soulignaient un attachement à la vérité dogmatique et au magistère de l’Église contre la vanité des docteurs qui la déconstruisaient par amour de la controverse, à coups d’opinions extravagantes. Capero visait ainsi des constellations historiques où les représentants du pouvoir ecclésiastique s’opposaient férocement au pouvoir temporel, comme par exemple saint Ambroise à l’empereur Théodose.
23Le radicalisme (idéologique) des références ne pouvait voiler le fait qu’en réalité, ce nouveau modèle renversait totalement la raison d’être originelle du confesseur royal et ce, de façon problématique. Le confesseur expert d’histoire ecclésiastique n’était plus dorénavant le conseiller en toutes matières, privées et publiques, ni un guide spirituel, voire un prophète, mais il était au contraire un représentant de l’Église et le porte-parole des intérêts ecclésiastiques. Cette cléricalisation du confesseur, construite sur des sources réfléchissant à des conflits anciens, fut néfaste à long terme. L’identification, aux yeux du public, des confesseurs royaux à des intérêts purement ecclésiastiques et qui plus est, à des « lobbys » cléricaux spécifiques, sapa leur légitimité et leur crédibilité. La fulgurante montée des textes satiriques visant les confesseurs royaux dès la deuxième partie du xviie siècle en témoigne vivement61. Pour le dire en un mot : en déconstruisant la légitimité de l’expertise en théologie morale, les religieux zélotes finirent eux-mêmes par saper la légitimité du confesseur comme conseiller doté d’une expertise valable dans la prise de décision politique. L’idée de politique se trouva ainsi profondément sécularisée non tant par des forces séculières, que par les clercs eux-mêmes.
Notes de bas de page
1Je remercie Héloïse Hermant et Marion Brétéché pour la révision et relecture du texte.
2Voir Rexroth Frank et Schröder-Stapper Teresa, « Woran man Experten erkennt. Einführende Überlegungen zur performativen Dimension von Sonderwissen während der Vormoderne », in eadem (dir.), Experten, Wissen, Symbole. Performanz und Medialität vormoderner Wissenskulturen, Berlin/Boston, De Gruyter, 2018, p. 7-29, ici p. 9-16.
3Le sous-entendu est clairement péjoratif chez Benda Julian, La trahison des clercs, Paris, Grasset, 1927 ; pour la controverse à l’époque contemporaine, voir Prudhomme Claude, « Les clercs et la politique : un débat sans fin ? », Histoire, monde et cultures religieuses, no 42, 2017, p. 3-6 ; Willaime Jean-Paul, « Les nouveaux clercs dans la société contemporaine », Archives de Sciences Sociales des Religions, no 54, 1987/2, p. 161-165. À propos de l’État moderne comme demandeur d’expertises voir Ash Eric H., « Introduction : expertise and the early modern state », Osiris, no 24, 2010/1, p. 1-24, qui introduit un cahier spécial au sujet, mais ne prête pas attention aux théologiens ou aux experts du clergé.
4Une exploration récente de la problématique dans Gabriel Karl et Gärber Christel (dir.), Umstrittene Säkularisierung : Soziologische und historische Analysen zur Differenzierung von Religion und Politik, Berlin, Berlin University Press, 2012.
5À ce sujet, je me permets de renvoyer à Reinhardt Nicole, Voices of Conscience. Royal Confessors and Political Counsel in Seventeenth-Century Spain and France, Oxford, Oxford University Press, p. 13-14. Mon approche qui intègre les confesseurs et leur expertise de façon comparative dans un horizon de culture politique de l’Ancien Régime, se distingue d’autres études monographiques mesurant avant tout leur influence ; voir surtout Pirlet Pierre-François, Le confesseur du Prince dans les Pays-Bas espagnols (1598-1659). Une fonction, des individus, Louvain, Leuven University Press, 2018 ; Bireley Robert, Religion and Politics in the Counter-Reformation : Emperor Ferdinand II, William Lamormaini SJ, and the Formation of Imperial Policy, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1981 ; Bireley Robert, The Jesuits and the Thirty Years War : Kings, Courts, and Confessors, Cambridge, Cambridge University Press, 2003 ; Martínez Peñas Leandro, El confessor del rey en el antiguo régimen, Madrid, Editorial Complutense, 2007. Les études sur le clergé de cour adoptent une perspective légèrement différente visant moins le problème du conseil que la cour comme espace d’expression du pouvoir politique ; voir Rurale Flavio (dir.), I religiosi a corte. Teologia, politica e diplomazia in antico regime : atti del seminario di studi Georgetown University a Villa « Le Balze », Fiesole, 20 ottobre 1995, Rome, Bulzoni, 1995 ; Michon Cédric, La crosse et le sceptre : les prélats d’État sous François Ier et Henri VIII, Paris, Tallandier, 2008 ; Pierre Benoist, La monarchie ecclésiale : le clergé de cour en France à l’époque moderne, Seyssel, Champ Vallon, 2013.
6Depuis quelques années, cette opposition classique a été revue et corrigée sous plusieurs aspects, voir notamment Schaub Jean-Frédéric, La France espagnole. Les racines hispaniques de l’absolutisme français, Paris, Le Seuil, 2003 ; Sabatier Gérard et Torrione Margarita (dir.), ¿ Louis XIV espagnol ? Madrid et Versailles, images et modèles, Paris, Éditions de la Maison de l’homme, 2009 ; Montcher Fabien, La historiografía real en el contexto de la interacción hispano-francesa (c. 1598-1635), PhD thesis, Universidad Complutense Madrid, 2013. La place du religieux dans la construction antagoniste reste pourtant une question mal explorée.
7L’étude la plus importante est Lavenia Vincenzo, « Martín de Azpilcueta (1492-1586) : un profilo », Archivio Italiano per la Storia della Pietà, no 16, 2003, p. 15-148.
8Azpilcueta Martín de, Manual de confesores & penitentes, Coimbra, 1552, p. 606-615 ; il y a de nombreuses traductions et réimpressions jusqu’au xviie siècle.
9Une analyse détaillée dans Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 86-105.
10Bellarmin Robert, « De officio principis Christiani », in Pasquale Giustiniani et Gustavo Galeota (dir.), Scritti spirituali, vol. 3, Brescia, Morcelliana, 1997, p. 24-238, chap. vi. À propos de la théologie politique de Bellarmin, voir Bireley Robert, The Counter-Reformation Prince, p. 24-44 ; de Franceschi Sylvio Hermann, « Le modèle jésuite du prince chrétien : à propos du De officio principis Christiani de Bellarmin », xviie siècle, no 237, 2007/4, p. 713-728.
11Voir Lavenia Vincenzo, L’infamia e il perdono. Tributi, pene, e confessione nella teologia morale della prima età moderna, Bologne, il Mulino, 2004, p. 246-264.
12Voir notamment Theiner Johann, Die Entwicklung der Moraltheologie zur eigenständigen Disziplin, Regensburg, F. Puster, 1970 ; Mahoney John, The Making of Moral Theology : A Study of the Catholic Tradition, Oxford, Oxford University Press, 1987 ; Schwartz Daniel, The Political Morality of the Late Scholastics. Civic Life, War and Conscience, Cambridge, Cambridge University Press, 2019. Sur le rôle important, mais nullement exclusif, des collèges jésuites dans l’enseignement de la théologie morale, voir O’Malley John, The First Jesuits, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1993 ; Grendler Paul F., The Jesuits and Italian Universities, 1548-1773, Washington, DC, The Catholic University of America Press, 2017, p. 419-426.
13Voir Tentler Thomas N., Sin and Confession on the Eve of the Reformation, Princeton, NJ, Princeton University Press, 1977 ; Goering Joseph, « The internal forum and the literature of penance and confession », in Wilfried Hartmann et Kenneth Pennington (dir.), History of Medieval Canon Law in the Classical Period, 1140-1234 : from Gratian to the Decretales of pope Gregory IX, Washington, DC, Catholic University of America Press, 2008, p. 379-428.
14Pour les débats français, Gay Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grand Siècle (1640-1700), Paris, Éditions du Cerf, 2011 ; pour la controverse probabiliste qui est centrale ici, voir maintenant Tutino Stefania, Uncertainty in Post-Reformation Catholicism. A History of Probabilism, New York, Oxford University Press, 2018.
15Une mise au point avec des renvois bibliographiques étendus, dans Lavenia Vincenzo, Dio in uniforme. Cappellani, catechesi cattolica e soldati in età moderna, Bologne, il Mulino, 2017, p. 9-79 ; voir également Reinhardt Nicole, « Introduction : War, Conscience, and Counsel in Early Modern Catholic Europe », Journal of Early Modern History, no 18, 2014, p. 435-446.
16Theiner, Die Entwicklung der Moraltheologie, p. 303-308 ; Reinhardt Nicole, « How individual was conscience in the early modern period ? Observations on the development of Catholic moral theology », Religion, no 45, 2015/3, p. 409-428.
17Ces différences sont examinées de façon détaillée pour la France, l’Espagne et l’Empire pendant la guerre de Trente Ans dans Bireley Robert, The Jesuits and the Thirty Years War, op. cit
18Le plus fameux étant certainement Francisco Ximénes de Cisneros confesseur d’Isabelle la Catholique ; voir aussi de Castro Manuel, « Confesores franciscanos de la Emperatriz Doña Maria de Austria », Archivos Ibero-Americano, no 45, 1985, p. 113-152 ; Wyhe Cordula van, « Court and convent : the Infanta Isabella and her Franciscan confessor Andrés de Soto », Sixteenth Century Journal, no 35/2 (2004), p. 411-445.
19Voir Minois Georges, Le confesseur du roi. Les directeurs de conscience sous la monarchie française, Paris, Fayard, 1988 ; pour la relation entre Henri IV et les jésuites, voir Nelson Eric, The Jesuits and the Monarchy : Catholic Reform and Political Authority in France (1590-1615), Aldershot, Ashgate, 2005 ; Fragnito Gigliola, « Tra parocci confessori e confessori gesuiti : il governo della coscienza di Enrico IV di Borbone », in José Martínez Millán, Manuel Rivero Rodríguez et Gijs Verstegen (dir.), La Corte en Europa : Política y Religión (siglos xvi-xviii), vol. 1, Madrid, Polifemo, 2012, p. 333-357 ; Wolfe Michael, « The king’s conscience personal authority and accountability », Majestas Yearbook, no 1, 1993, p. 39-51.
20Sur la tradition espagnole dominicaine, voir Alonso-Getino Luis Gonzaga, « Dominicos españoles confesores de reyes », Ciencia Tomista, no 14, 1916, p. 373-431 ; López Arandia María Amparo, « Dominicos en la corte de los Austrias : el confesor del rey », Tiempos modernos, no 20, 2010/1, p. 1-30 ; Poutrin Isabelle, « Los Confesores de los reyes de España : carrera y función (siglos xvi y xvii) », in Antonio L. Cortés Peña, José L. Beltrán et Eliseo Martín (éd.), Religión y poder en la edad moderna, Granada, Universidad de Granada, 2005 ; pour l’avènement des Bourbons, Cuesta Luisa, « Jesuitas confesores des reyes y directores de la Biblioteca Nacional », Revista de Archivos, Bibliotecas y Museos, no 79, 1961, p. 129-174 ; une étude sur l’Ancien Régime, Martínez Peñas Leandro, El confesor del rey en el antiguo régimen, op. cit.
21Voir Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 157-60.
22Sur son profil théologique, voir Gomes Pinharanda, João de Santo Tomás na filosofia do século xvii, Lisbonne, Ministério da Educação, 1985 ; sur son service de confesseur auprès de Philippe IV, voir Filippini Orietta, La coscienza del re : Juan de Santo Tomás, confessore di Filippo IV di Spagna (1643-1644), Florence, L. S. Olschki, 2006.
23Ceci est notamment le cas pour Pierre Coton (confesseur 1608-1610), voir Pierre Benoist, La monarchie ecclésiale, p. 311-316.
24J’ai exploré ceci dans Reinhardt Nicole, « Das königliche Gewissen im Prisma jansenistischer Kritik », in Dominik Burkard et Tanja Tanner (dir.), Der Jansenismus. Eine „ katholische Häresie “ ? Das Ringen um Gnade, Rechtfertigung und die Autorität Augustins in der Frühen Neuzeit, Münster, Aschendorff, 2013, p. 349-371.
25Duclos Paul, « Nicolas Caussin », in Diccionario Histórico de la Compañía de Jesús : biográficotématico, vol. 1, Madrid, Universidad Pontificio Comillas, 2001, p. 724-725 ; Blet Pierre, « François de la Chaize », op. cit., vol. 3, p. 2238-2239.
26Voir Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit, p. 18-25.
27Bireley Robert, « Hofbeichtväter und Politik im 17. Jahrhundert », in Michael Sievernich et Günter Switek (dir.), Ignatianisch : Eigenart und Methode der Gesellschaft Jesu, Fribourg, Herder, 1990, p. 386-403. La notion du « politique » étant pourtant assez vague, le décret était observé différemment et n’empêcha pas des activités de conseil dans les cours de Munich et de Vienne.
28Voir Fabre Pierre-Antoine et Maire Catherine (éd.), Les Antijésuites. Discours, figures et lieux de l’antijésuitesisme à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 ; Pavone Sabina, The Wily Jesuits and the Monita Secreta, the Forged Secret Instructions of the Jesuits : Myth and Reality, St. Louis, MO, Institute for Jesuit Sources, 2005.
29Au sujet des institutions de conseil en Espagne, voir Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit, p. 26-34 ; sur les juntas de théologiens, voir Wendland Andreas, « Geistlicher Sachverstand im frühneuzeitlichen Spanien : die juntas de teólogos unter Olivares (1623-1643) », in Luise Schorn-Schütte et Sven Tode (dir.), Debatten über die Legitimation von Herrschaft : Politische Sprachen in der Frühen Neuzeit, Berlin, Akademie Verlag, 2006, p. 143-158.
30Visible particulièrement dans le cas de l’expulsion des Morisques, voir Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 195-214 ; voir aussi Wendland Andreas, « Geistlicher Sachverstand im frühneuzeitlichen Spanien », art. cité.
31Au sujet du débat autour du conseil du roi en Espagne, Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 43-54 ; Martínez Bermejo Saúl, « Voice, orality, and the performance of political counsel in early modern Spain », Historical Journal, no 61, 2018/4, p. 891-911.
32Reinhardt Nicole, ibid., p. 73-84 ; Tutino Stefania, Uncertainty, op. cit., chap. ii.
33Voir Gay Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grand Siècle (1640-1700), Paris, Éditions du Cerf, 2011.
34Voir Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 54-65 ; Jouanna Arlette, Le prince absolu. Apogée et déclin de l’imaginaire monarchique, Paris, Gallimard, 2014, chap. ii.
35Voir Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 67-68. On trouve des voix critiques parmi les groupes religieux rigoristes, comme l’archevêque de Valencia Juan de Ribera, voir Poutrin Isabelle, « L’œil du souverain : Luis de Aliaga et le métier de confesseur royal sous Philippe III », in Johannes-Michael Scholz et Tamar Herzog (dir.), Observation and Communication : The Construction of Realities in the Hispanic World, Francfort, Vittorio Klostermann, 1997, p. 253-270. Ces critiques sont renouvelées après la chute d’Olivares par Juan de Santo Tomás, Reinhardt Nicole, Voices of conscience, op. cit., p. 307-312.
36Reinhardt Nicole, « Just war, royal conscience and the crisis of theological counsel in the early seventeenth century », Journal of Early Modern History, no 18, 2014, p. 495-521.
37J’ai examiné le rôle des confesseurs espagnols dans la défense du régalisme dans Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 168-178.
38Pour la question de l’expulsion des Morisques, voir Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 195-216.
39J’ai exploré cette notion, fortement liée à l’idée théologique de l’acceptio personarum dans Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 136-155 ; une discussion publique à travers des traités imprimés par le confesseur du Vice-Roi eut lieu à Naples au début du xviie siècle, voir Reinhardt Nicole, « Hernando de Mendoça (1562-1617), General Acquaviva and the controversy over confession, counsel, and obedience », Journal of Jesuit Studies, no 4, 2017, p. 209-229, ici p. 223-226.
40Voir par exemple, García García Bernardo J., « El confesor fray Luis Aliaga y la conciencia del rey », in Flavio Rurale (dir.), I religiosi a corte. Teologia, politica e diplomazia in antico regime, Rome, Bulzoni, 1998, p. 159-194, qui ignore complètement l’impact de la théologie morale sur le cadre d’intervention légitime du confesseur royal.
41Biblioteca Bartolomé March (BBM), Papeles Aliaga, I, fo 88 ro-90 ro : parecer 16 décembre 1608.
42Bañez Domingo, De Iure & iustitia decisiones, Salamanque, Renaut fratres, 1584, Quaest. LXIII, p. 279-284.
43G.G.R. Theologi, ad Ludovicum decimum-tertium Galliae et Navarrae Regem Christianissimum Admonitio, Autun, 1625, p. 21 ; le jésuite allemand Adam Contzen, confesseur du duc Maximilien Ier de Bavière est aujourd’hui considéré comme l’auteur. Le texte est bien analysé dans Church William, Richelieu and the Reason of State, Princeton, NJ, Princeton University Press, 1972, p. 115-126.
44Blet Pierre, Richelieu et l’Église, Paris, Via Romana, 2007, p. 31-60 ; Bergin Joseph, The Politics of Religion in Early Modern France, New Haven, CT, Yale University Press, 2014, p. 117-119 ; Wright Anthony D., The Divisions of French Catholicism, 1629-1645. The “Parting of the Ways”, Farnham, Ashgate, 2011, chap. iv.
45Un des pamphlétaires les plus actifs était le chanoine de Saint-Germain l’Auxerrois Fancan, notamment avec son Discours sur l’affaire de la Valteline, et des Grisons dedie au tres-puissant & Catholique Roy d’Espagne. Traduit de l’italien, Paris, Joseph Bouillerot, 1625, p. 51 passim ; Le miroir du temps passé à l’usage du present : A tous bons peres Religieux & vrais Catholiques non passionez, s. l., 1625, p. 21. Sur Fancan et Richelieu, Fagniez Gustave, « Fancan et Richelieu », Revue historique, no 107, 1911/1, p. 59-78.
46Le Catholique d’Estat ou Discours politique des Alliances du Roy tres-Chrestien, contre les calomnies des ennemis de son Estat, dédié au Roy par le sieur du Ferrier, Paris, Joseph Bouillerot, 1625, p. 21. William Church suggère que le père Joseph, éminence grise de Richelieu, ainsi que Pierre de Bérulle ont coopéré à cette publication, voir Church William, Richelieu, op. cit, p. 128.
47Lettre de Richelieu au père Suffren [1625 ?], Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’Etat du Cardinal de Richelieu recueillis et publiés par M. Avenel, vol. 2 : (1624-1627), Paris, Imprimerie impériale, 1851, p. 155-158.
48Reinhardt Nicole, « Just war, royal conscience », art. cité ; Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 235-241.
49BBM, Papeles Aliaga, I, fo 25 ro : parecer Luis Aliaga, 1er décembre 1608.
50De Lugo Juan, Disputationum de Iustitia et Iure. Tomus Primus, Lyon, haered. Pierre Prost, Philippe Borde, Laurent Arnaud, 1646, disp. XXXVI, sect. (31), p. 555.
51Poutrin Isabelle, « Cas de conscience et affaires d’État : le ministère du confesseur royal en Espagne sous Philippe III », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 53, 2006, p. 7-28.
52Sur la critique croissante de la part des hommes de clergé, voir Aldea Vaquero Quintín, « La resistencia eclesiástica », in John H. Elliott et Ángel García Sanz (dir.), La España del Conde Duque de Olivares : Encuentro internacional sobre la España del Conde Duque de Olivares celebrado en Toro, los dias 15-18 de septiembre 1987, Valladolid, Universidad de Valladolid, 1990, p. 401-414 ; Perrone Sean T., « Clerical opposition in Habsburg Spain », European History Quarterly, no 31, 2001/3, p. 323-352 ; sur le cas du confesseur, Negredo del Cerro Fernando, « La capilla de palacio a principios del siglo xvii : Otras formas del poder en el Alcázar madrileño », Studia Historica-Historia moderna, no 28, 2006, p. 63-86. Sur les rapports tendus entre confesseurs et favoris, voir Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 218-243.
53Voir l’étude classique de Elliott John H., The Count-Duke of Olivares. The Statesman in an Age of Decline, Londres/New Haven, Yale University Press, 1986, p. 600-673 ; pour la réorientation de la cour dans les années qui suivent la chute d’Olivares, Malcolm Alistair, Royal Favouritism and the Governing Elite of the Spanish Monarchy, 1640-1665, Oxford, Oxford University Press, 2017, p. 93-116.
54Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 352.
55Martínez Juan, Discursos theologicos y politicos dedicados a la Magestad del rey Nuestro Señor, Colégio de S. Thomas de Alcalá de Henares, Diego Garcia, 1664 ; les informations biographiques sur Juan Mártinez ne sont pas riches et reposent surtout sur son oraison funèbre, voir Vergara Antonio de, Oracion panegirica y funeral a las honras del reverendissimo P. M. fray Iuan Martinez, confessor que fue de sus Magestades […] de la Orden de Santo Domingo : que se hizieron en el Convento del Rosario desta Corte, Madrid, 1670.
56Pour le débat sur le théâtre, voir Malcolm Alistair, « Public Morality and the Closure of the Theatres in the Mid-Seventeenth Century : Philip IV, the Council of Castile and the Arrival of Mariana of Austria », in Richard J. Pym (dir.), Rhetoric and Reality in Early Modern Spain, Londres, Tamesis, 2006, p. 92-112 ; pour le débat autour des évêchés, voir Rawlings Helen, « Bishops of the Habit in Castile, 1621-1665 : a prosopographical approach », Journal of Ecclesiastical History, no 56, 2005-3, p. 455-475.
57Martínez Juan, Discursos theologicos y politicos, op. cit., p. 337-483. Pour les discussions traitant de la fiscalité au milieu du xviie siècle, voir Ortiz Domínguez, Hacienda y política de Felipe IV, Madrid, Editorial de Derecho Financiero, 1960, p. 365-367.
58Martínez Juan, Discursos theologicos y politicos, op. cit., p. 338.
59Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 252-265 et p. 267-281.
60Il existe deux copies de la lettre, une à la Biblioteca Nacional de España (Madrid), ms. 5758, fo 4 ro-20 ro ; l’autre à la Biblioteca Histórica Santa Cruz (Valladolid), ms. 267, fo 30 ro-fo 34 ro. On trouvera une analyse détaillée de ce texte dans Reinhardt Nicole, Voices of Conscience, op. cit., p. 286-298.
61Reinhardt Nicole, « The King’s Confessor : changing images », in Michael Schaich (dir.), Monarchy and Religion. The Transformation of Royal Culture in Eighteenth-Century Europe, Oxford, Oxford University Press, 2007, p. 153-185.
Auteur
University of Durham/UK

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