Le ministre des Lumières et l’expertise
Fonctions, pratiques et usages de la figure de l’« expert » par Gerlach Adolph von Münchhausen (1730-1760)
p. 157-178
Texte intégral
1Le champ de recherche sur l’expertise et les experts à l’époque moderne a été essentiellement développé en relation avec la thématique de la construction des États modernes, les « experts » étant considérés comme un rouage de cette évolution. Dans le cas du Saint-Empire, pour lequel le qualificatif de « monstruosité » l’a souvent emporté sur celui de « modernité » – en raison de la manière spécifique dont s’y formule la question de l’étaticité1 –, la thématique de l’expertise se pose donc différemment, et l’on peut même se demander si elle a un sens2. Ensuite, en cas de réponse positive, il faut déterminer dans quels lieux situer les experts : du côté de ces « grands » États d’Empire qu’étaient le Brandebourg-Prusse et l’Autriche ? De celui de l’Empire ? À l’intersection des États et des institutions impériales ?
2Si l’historiographie allemande a fait entendre sa voix dans le concert de travaux autour de l’expertise3, elle n’a pas pris position sur cette question. Elle semble au contraire l’avoir soigneusement évitée. Elle a en effet surtout abordé l’expertise dans les champs de l’histoire des sciences, c’est-à-dire en définissant l’expert à partir de son savoir particulier et de ses compétences. L’originalité de son approche est de s’être intéressée à l’actualisation de l’expert, c’est-à-dire à ce qui fait l’expert en situation.
3L’université allemande peut être considérée comme le lieu par excellence des experts et de l’expertise, au sens où sa mission consistait à transmettre le savoir et les compétences nécessaires aux futurs administrateurs de l’État ainsi qu’aux juristes siégeant dans les institutions impériales. Il n’est par conséquent pas étonnant que l’historiographie allemande se soit tournée vers l’université lorsqu’elle s’est intéressée à la question des experts et de l’expertise. Une attention particulière en effet a été accordée au « prototype universitaire de l’expert4 ». Comme le souligne Marian Füssel, « le fait que le Saint-Empire possédât le réseau universitaire d’Europe le plus dense aux xviie et xviiie siècles ne pouvait rester sans conséquences sur la dynamique du phénomène culturel des experts à l’époque moderne5 ».
4Dans cet article, nous nous proposons d’aborder la question de l’expertise à travers la figure de Gerlach Adolph von Münchhausen, qui fut conseiller privé et ministre principal de l’électorat du Hanovre de 1730 à 1770. Nous suivrons sa trajectoire sur une cinquantaine d’années, entre 1710 et 1760. Ce choix d’un temps long permet d’observer les pratiques concrètes et les usages que Münchhausen a fait de la figure de l’expert à différents stades de sa carrière – donc en prenant en compte l’évolution de son positionnement au sein de l’État hanovrien.
5Münchhausen est d’abord un produit de l’université. Au début du xviiie siècle, il a étudié le droit impérial à Iéna et Halle, qui étaient alors les universités dominantes dans cette discipline. C’est au cours de ces années qu’il a acquis les compétences juridiques qui ont fait plus tard de lui un « expert », au sens classique du terme. Münchhausen, ensuite, a été lui-même un « producteur » d’université : c’est lui qui, au début des années 1730, a été chargé de fonder l’université de Göttingen. Celle-ci est rapidement devenue l’une des grandes universités de l’Aufklärung, à côté de celles de Halle, Iéna et Leipzig. Dans la mesure où la fondation d’une université exigeait la réunion d’un ensemble de savoirs qui n’existait nulle part comme tel – pour le dire vite, il n’existait pas de « manuel pour fonder une université » –, nous nous interrogerons ici sur le type d’expertise qu’a mobilisé la création de Göttingen.
6Enfin, à partir de 1740, Münchhausen est devenu principal ministre du Hanovre et à partir de 1750, il a dirigé le domaine de la diplomatie dans l’électorat6. Cette évolution déplace la question de l’expert : quelle place et quel rôle peuvent jouer un « expert » extérieur à l’État si le ministre lui-même tire sa légitimité nouvelle du fait qu’il est un sachant, un « expert » ? Et en même temps, de quoi un principal ministre doit-il pouvoir être un expert ? Il n’est précisément pas seulement un commis, ni un administrateur : si sa légitimité repose aussi, en partie, sur des connaissances pratiques en droit et en sciences camérales, se présente-t-il pour autant comme un expert, et si oui de quoi et dans quelles circonstances ? Une difficulté définitionnelle se pose alors, qui renvoie à l’ambiguïté de la notion d’expert et d’expertise : si l’expert est simplement celui qui sait, qui détient de l’expérience, « un homme habile et connoissant en quelque chose7 » comme le dit Furetière, l’expertise semble bien décrire un avis donné depuis une position particulière, extérieure à l’État, au tribunal, à l’institution qui la requiert8. En cela, l’expert qualifierait donc à la fois les compétences spécifiques d’un homme, et/ou sa position par rapport à l’usage qu’il fait de ses compétences.
7À partir du personnage et de la carrière de Münchhausen donc, nous nous proposons d’analyser comment et dans quelles configurations un ministre éclairé du xviiie siècle a eu recours à des « experts » ou a choisi de se présenter comme tel, si bien que ce sont les fondements mêmes de la légitimité d’un ministre de l’Aufklärung qui seront interrogés ici.
Les années de fondation de l’université de Göttingen
8Comment Münchhausen est-il passé du statut de « solliciteur » à celui de « sollicité », c’est-à-dire de « celui qui demande » à « celui qui sait » ? Telle est la question examinée dans cette première partie. Celle-ci est centrée sur la période de la fondation de l’université de Göttingen, soit les années 1730 à 1740.
9L’analyse proposée ici s’inscrit dans la lignée de réflexions publiées en 2010 dans un numéro de la revue Osiris consacré à l’expertise à l’époque moderne et coordonné par Eric H. Ash. À côté des attributs propres aux experts que l’on retrouve dans les différents travaux sur l’expertise – à savoir la maîtrise d’un savoir spécialisé, l’expérience, l’inscription dans un contexte socio-politique particulier9 – Eric Ash suggère d’élargir la définition de l’expertise en introduisant une disjonction entre la maîtrise d’un savoir et l’expertise. Ainsi, à propos du fermier général Pierre-Paul Riquet et de son rôle dans l’aménagement du Canal du Midi :
« Lorsque le fermier général fit sa proposition à Colbert, il n’avait aucune expérience reconnue dans le domaine de la construction hydraulique. À partir de quel moment précisément peut-on dire qu’il est devenu un expert pour la construction de canaux ? Une fois qu’il avait soumis un projet pour prouver que son idée était réalisable ? Une fois que les travaux étaient finis ? Ou bien faut-il considérer qu’il avait un statut d’expert tout au long de la procédure, en dépit de son manque d’expérience dans ce domaine10 ? »
10Ces interrogations s’appliquent parfaitement à l’exemple de Münchhausen et de l’université. Sur ce plan, son cas est comparable à celui de Riquet. Dans un cas comme dans l’autre, la réussite a été un élément déterminant de la légitimité que les deux personnages ont acquise, sans que celle-ci ne renvoie à un savoir technique précis ou à un type d’expériences particulières.
Éléments contextuels : Le Hanovre et Münchhausen
11L’université de Göttingen a été ouverte en 1734, quelque quarante ans après l’élévation de la principauté de Calenberg en électorat11. Il s’agissait de l’électorat du Hanovre, soit du neuvième électorat fondé dans le Saint-Empire. Le Hanovre en outre avait un profil particulier, puisque par jeu de succession, l’électeur était également devenu depuis 1714 roi d’Angleterre, sous le nom de George Ier. Le Hanovre et l’Angleterre étaient réunis sous le régime particulier de l’Union personnelle12.
12La création de l’université constitue l’un des éléments de la construction politique de ce nouvel électorat13. L’enjeu était d’autant plus fort que le Hanovre faisait désormais partie des trois électorats à avoir à sa tête un prince électeur qui était également roi à l’extérieur du Saint-Empire : le prince électeur de Saxe était roi de Pologne depuis 1697 et le prince électeur de Brandebourg-Prusse s’était fait couronner roi de Prusse en 1701. Dans la grammaire du Saint-Empire, cela signifie que le Hanovre se retrouvait en concurrence directe avec le Brandebourg-Prusse et la Saxe, qui possédaient chacune trois universités et parmi elles, les universités les plus prestigieuses : Halle pour le Brandebourg, Leipzig et Iéna pour la Saxe. Fonder une nouvelle université était cependant une initiative risquée. Si le Saint-Empire comptait une quarantaine d’universités, seule une petite dizaine enregistrait une fréquentation régulière ; le reste vivotait14.
13Gerlach Adolph von Münchhausen a été l’artisan principal de la fondation de l’université de Göttingen, mais aussi, plus largement, l’un des piliers de la construction du Hanovre : de 1715 à 1770, il a servi successivement les rois George Ier, George II et George III15. Münchhausen est né en 1688 dans le Brandebourg, dans une famille issue de la moyenne noblesse. Comme toute personne de qualité qui se destinait à une carrière au service de l’État, il a fait des études de droit à Iéna et à Halle, qui étaient alors les universités dominantes en droit dans le paysage universitaire allemand. De 1707 à 1710, Münchhausen avait séjourné à Iéna où il avait suivi les cours de Georg Adam Struve et de Christian Wildvogel, qui comptaient parmi les plus éminents juristes de l’Empire en droit canon, en droit féodal et en droit public. À Iéna, Münchhausen défendit des travaux consacrés exclusivement au droit impérial : l’un sur la constitution de l’Empire, l’autre sur la question de la capitulation perpétuelle. En 1710, il fit le choix de l’université de Halle, qui s’était alors imposée dans le paysage universitaire allemand. Il y rejoignait Christian Thomasius, qui était désormais devenu la « star » du droit impérial dans l’Empire. Il partit ensuite étudier à Utrecht et, pour finir sa formation, entama, comme la coutume le voulait, un voyage en France et en Hollande.
14À son retour en 1714, il débuta sa carrière comme conseiller extraordinaire pour les appels dans les tribunaux de Saxe. L’année suivante, George Ier lui accordait la même fonction au Tribunal suprême de Celle, fondé en 1711. Au cours des dix années suivantes, Münchhausen mit à profit les compétences qu’il avait acquises dans le domaine du droit public en s’impliquant dans de nombreux litiges interterritoriaux. En 1726, il devint l’envoyé du Hanovre à la diète de Ratisbonne. Lorsque George II monta sur le trône en 1727, il fit entrer Münchhausen au Conseil privé. En 1732, Münchhausen devenait bailli principal. C’est cette année-là que la fondation de l’université prit forme.
15L’idée de fonder une université dans le Hanovre était ancienne. Elle avait déjà été agitée par Leibniz en 1680, lorsqu’il était bibliothécaire et conseiller de la maison de Hanovre, donc avant la transformation du Calenberg en électorat. Au début des années 1730, le projet refit surface. Il ne s’agissait pas d’une idée originale : tous les électorats possédaient au moins une université. La raison pour laquelle la proposition de créer une université a ressurgi au début des années 1730 est liée au fait qu’à cette période, les conditions pour la négociation du privilège impérial universitaire étaient favorables au Hanovre16. Or un tel privilège était nécessaire à toute université pour que ses diplômes soient reconnus dans tout l’Empire.
16Sitôt le privilège impérial en poche, en janvier 1733, le roi avait confié à Münchhausen la tâche de mettre sur pied l’université. Ce jeune conseiller qui devait jusqu’ici son ascension à sa naissance et à ses compétences en droit se retrouvait dorénavant chargé d’une mission presque aussi périlleuse que celle consistant à établir « une petite République », comme il l’écrivait à son ami Johann Ernst von Hattorf, qui était alors secrétaire de la chancellerie à Londres, c’est-à-dire de l’institution chargée de faire le lien entre le roi et ses conseillers, restés à Hanovre17. Si Münchhausen échouait, sa carrière s’en ressentirait. S’il réussissait, sa légitimité en serait augmentée. Mais quelles compétences la fondation d’une université exigeait-elle ? Quelles ressources Münchhausen pouvait-il mobiliser ?
Le projet universitaire : les limites d’une expertise sur le papier
17Il n’est pas question ici de retracer l’ensemble de l’action de Münchhausen pour la fondation de l’université. Nous nous limiterons à un seul domaine, celui du recrutement des professeurs. C’était une dimension cruciale et qui domina l’activité de Münchhausen pendant les premières années :
« Une université est une institution dans laquelle la présence des professeurs doit précéder celle des étudiants, de la même façon que dans une manufacture, les marchandises doivent être prêtes avant l’arrivée des clients et, avant que les marchandises ne soient prêtes, les ouvriers doivent être en place18. »
18Dès 1733, Münchhausen avait commencé à se mettre en quête de professeurs. Au sein du Conseil, il avait fondé une commission composée de Johann Daniel Gruber et de Johann Peter Tappe. Münchhausen et Gruber s’étaient rencontrés pendant leurs études à Halle. En 1724, Gruber était devenu professeur ordinaire de droit à l’université de Giessen et en 1729, grâce à Münchhausen, il était devenu historiographe et bibliothécaire royal de la maison de Hanovre. Dès lors, Münchhausen et Gruber travaillèrent de façon très étroite, que ce soit pour l’université ou dans des domaines plus directement politiques. Concernant la fondation de l’université, Gruber était la caution dont Münchhausen avait besoin en raison de sa « connaissance du monde universitaire19 ». Le véritable expert pour l’université, au sens classique du terme, c’était donc Gruber. Johann Peter Tappe, quant à lui, avait été maire de Hanovre entre 1715 et 1719 et était à présent membre du consistoire (il en devint le directeur en 1735). Dès les premières réflexions sur le projet universitaire, il avait été posé que :
« Le destin de l’université, surtout dans ses débuts, dépendra du choix des professeurs. Il est nécessaire de chercher des gens qui possèdent une érudition solide, une exposition claire et agréable, des bonnes mœurs, qui soient aussi dynamiques dans leur enseignement que dans leurs écrits, et qui se soient déjà fait un nom dans la République des Lettres. Pour les facultés de théologie, de droit et de médecine, il nous faut recruter d’emblée des noms célèbres20. »
19L’idée, somme toute banale, était d’attirer vers Göttingen des professeurs qui avaient déjà acquis une certaine légitimité dans la République des Lettres afin que leur réputation rejaillisse sur la nouvelle institution. De cette façon, le crédit de la jeune université serait d’emblée garanti.
20Une fois cette stratégie arrêtée, il fallait trouver les professeurs susceptibles de correspondre à l’objectif fixé. Sur ce point, Münchhausen convoqua l’expertise de trois savants hanovriens : Christoph August Heumann – qui était recteur du Gymnasium de Göttingen –, Philippe Ludewig Böhmer – superintendant à Celle – et Paul Gottlieb Werlhof, médecin à la cour de Hanovre. À la demande du Conseil, Heumann, Böhmer et Werlhof firent chacun des propositions de noms en justifiant à chaque fois leur choix par un argumentaire nourri. Ce type d’évaluation portait le titre de « Gutachten », soit celui d’expertise. Précisons que le « Gutachten » n’était pas un outil qui concernait exclusivement les questions de recrutement académique, mais on le retrouve dans les domaines politiques, juridiques, religieux, médicaux, etc.
21En la personne de Heumann, Münchhausen disposait d’un véritable expert du monde savant et des institutions scientifiques21. Heumann, en effet, avait publié en 1718 un manuel d’introduction à l’Historia literaria – le Conspectus reipublicae litterariae – cette discipline qui avait pour objet les savants, le savoir et les institutions académiques22. Le Conspectus s’était imposé rapidement dans les universités allemandes. En 1733, il en était à sa troisième édition, avec des mises à jour qui donnaient une vision actualisée de la carte savante allemande. Dans cet ouvrage, Heumann avait établi un classement des savants de son temps. Il y distinguait les savants de premier rang, qui avaient su faire surgir du neuf ; les savants de deuxième rang qui n’étaient pas des esprits proprement originaux, mais qui étaient capables de construire des raisonnements à partir des idées des autres ; enfin, une troisième catégorie, qui regroupait les savants qui se contentaient de répéter ce qu’avaient fait les autres23.
22À l’aide des propositions de Heumann, Böhmer et Werlhof, Münchhausen établit une liste de professeurs :
« Après avoir relu les protocoles [de nos réunions], j’en conclus que pour la suite, nous devons adopter les principes suivants : pour que l’université puisse se distinguer des autres institutions, il est nécessaire de confier les postes de professeurs à des hommes célèbres et talentueux. Mais les convaincre de venir ne sera pas chose simple, car ils ont déjà des situations confortables, à moins qu’on ne soit capable de leur offrir mieux […].
Conformément à ces principes, c’est le chancelier Pfaff de l’université de Tübingen qu’il faut solliciter en premier, puis le théologien Rambach de l’université de Giessen, dont la renommée contribuerait beaucoup à l’image de notre université ; également le professeur de théologie Mosheim de l’université de Helmstedt24. »
23C’est ainsi qu’une université idéale prit forme sur le papier, composée de professeurs puisés parmi les différentes universités de l’Empire.
24Lors de cette première phase de l’élaboration de l’université, Münchhausen n’est donc pas intervenu lui-même comme expert, mais a sollicité des expertises auprès de spécialistes hanovriens du monde universitaire. En dehors de sa connaissance du milieu des juristes et de l’enseignement du droit, ses compétences juridiques ne lui ont pas été directement utiles. Ce qui était en jeu, c’était surtout sa capacité à mener un tel projet à bien.
25Une fois la phase de consultation achevée, il fallait passer de l’université délivrée par l’expertise à l’université réelle. Le Conseil à Hanovre s’adressa alors aux professeurs dont les noms avaient été retenus. Disons-le tout de suite, l’échec fut retentissant : aucun des professeurs sollicités pour la nouvelle université ne vint à Göttingen. Les motifs étaient de deux ordres. Une partie des professeurs refusa d’aller à Göttingen car changer d’université serait synonyme pour eux de déclassement. La réponse que Mosheim fit à Münchhausen est à ce titre exemplaire :
« Je devrais ainsi redescendre des échelons que j’ai gravis un à un, par la Grâce du plus haut, et redevenir ce que j’étais il y a douze ans, un simple professeur d’université. Puis-je faire cela sans me faire offense à moi-même ? Le monde ne va-t-il pas concevoir les pires suppositions par cette régression et me dénigrer25 ? »
26Les professeurs réputés, en effet, n’avaient aucune raison de quitter leur université pour une institution dont on ne pouvait deviner l’évolution. Comme Münchhausen l’écrivait à Hattorf :
« Ces personnes sont aujourd’hui encore plus rares qu’elles ne l’ont jamais été ; et lorsque l’on parvient enfin à en repérer dans d’autres universités, elles ont déjà des situations tellement favorables qu’elles ne peuvent se résoudre facilement à un changement, sans exiger d’importantes compensations26. »
27Or les conditions que mirent les professeurs sollicités étaient trop élevées.
28Le deuxième cas de figure est celui des professeurs qui acceptèrent la proposition, mais qui furent empêchés de venir par leur prince. En effet, à peine le privilège impérial pour l’université de Göttingen avait-il été accordé, que le roi de Prusse Frédéric Guillaume avait interdit aux professeurs des universités prussiennes – Halle, Duisbourg et Francfort/Oder – d’accepter les sollicitations venues d’autres territoires, par mandat royal daté du 22 avril 1733 :
« Aucun professeur ne doit accepter les propositions que lui fait une université étrangère sous peine de graves poursuites. Toute l’université est déclarée de cet avis, et les ministres Cocceji et le vice-président Reichenbach sont chargés par ordre du roi d’être très vigilants sur ces départs27. »
29L’exemple de la Prusse avait été suivi par celui de la Saxe, puis d’autres territoires s’étaient alignés sur cette position, si bien que Münchhausen ne put recruter les professeurs qu’il souhaitait pour Göttingen. Autrement dit, les États refusèrent de se déposséder de leurs professeurs au profit du Hanovre. Comme Münchhausen le commentait de façon grinçante à Hattorf :
« Plus un souverain fait de difficultés pour laisser partir un professeur, plus c’est le signe que la personne en question possède des talents remarquables28. »
30C’en était fini de l’université idéale. L’expertise au sens strict du Gutachten avait montré ses limites. La conséquence directe pour Münchhausen était que sa crédibilité auprès du roi était en train de chuter, comme il le confiait à Hattorf :
« Lorsque je regarde les directives venues de Londres, je n’ai d’autre possibilité que de penser que soit sa Majesté Royale regrette d’avoir fait le choix de cette institution soit qu’il n’est pas satisfait de l’allure que nous lui donnons. Si sa Majesté souhaitait se retirer de ce projet, les conséquences en seraient funestes29. »
31Et le roi refusa d’accorder à Münchhausen une augmentation des crédits pour l’université, celle précisément que demandait Münchhausen pour pouvoir engager des professeurs célèbres. Le sujet de l’expertise n’était désormais plus l’université, mais Münchhausen lui-même : était-il capable de servir son roi ?
Du projet de l’université à son inscription dans le monde social
32Si Münchhausen ne voulait pas décevoir le roi, nécessité était de changer de stratégie. C’est ici que nous convoquerons la figure de Pierre-Paul Riquet évoquée tout à l’heure et que nous établirons un parallèle entre le conseiller privé et le fermier général. Dans son introduction au numéro cité de la revue Osiris, Eric H. Ash proposait d’inclure dans la définition de l’expertise la capacité à ajuster son action au monde social :
« En définitive, une dimension importante de l’expertise réside dans la capacité à apprendre sur le tas et, en particulier, à savoir réagir aux situations inattendues et aux revers auxquels chacun peut être exposé au cours de sa carrière. Dans de telles circonstances, l’expertise renvoie moins à un entraînement qu’à la faculté d’apprendre à réagir de façon appropriée aux difficultés inédites qui surgissent, compétence qui s’acquiert par l’expérience30. »
33Cette remarque ouvre de nouvelles perspectives pour situer l’action de Münchhausen et comprendre la carrière qu’il fit dans le Hanovre.
34Revenons aux recrutements de professeurs pour l’université. De 1734 à 1763, le corps professoral de l’université a compté 135 enseignants. Parmi eux, 64 ont été engagés sur des postes de professeurs ordinaires, ce qui signifie que l’université leur versait un salaire fixe. Les professeurs extraordinaires à l’inverse étaient uniquement rémunérés pour les cours qu’ils donnaient. Parmi les 64 professeurs ordinaires, seuls dix d’entre eux étaient professeurs ordinaires avant d’arriver à Göttingen. Autrement dit, Münchhausen avait changé de stratégie pour le recrutement de professeurs : conformément au plan arrêté en 1733, qui prévoyait d’engager des professeurs ayant déjà acquis une certaine légitimité, il s’était tourné vers des savants qui occupaient tous des fonctions de professeur ordinaire dans une université. C’est d’ailleurs de cette façon qu’ils avaient été repérés par Münchhausen. Or ce que ces premiers cas ont montré à Münchhausen, c’est que le recrutement par « voie de mutation », pour le dire dans des termes contemporains, n’était pas la bonne méthode pour habiller la nouvelle université. Autrement dit, il fallait renoncer à recruter des professeurs déjà en poste, soit renoncer à faire venir à Göttingen des célébrités. Or comme le projet de l’université avait été pensé de cette façon – attirer des professeurs réputés permettrait de faire venir en nombre des étudiants –, c’est le principe même de l’université qu’il fallait revoir.
35Ainsi, concernant la première génération de professeurs recrutés, seuls 6 professeurs ordinaires recrutés à Göttingen sur 21 avaient été professeurs ordinaires auparavant. Les autres occupaient des positions de conseiller, précepteur, pasteur, professeur dans des gymnases et pour plus d’un tiers, de professeurs extraordinaires. Dans une lettre adressée au premier professeur ordinaire de droit engagé à Göttingen – Georg Christian Gebauer – Münchhausen se justifiait de sa stratégie. La discussion tournait autour des professeurs extraordinaires. Gebauer était opposé à leur recrutement et Münchhausen tentait de le convaincre :
« Mon souhait est et a toujours été […] de faire de Göttingen une pépinière dont l’on puisse tirer les professeurs ordinaires pour toutes les facultés. Qu’il soit difficile d’obtenir la nomination de professeurs qui viennent de l’extérieur et que cela oblige en outre à se plier aux conditions onéreuses qu’ils posent, personne peut-être ne le sait mieux que moi. Si la chance fait que l’on tombe sur un bon choix de professeurs extraordinaires, alors ceux-là ne pourront pas peu contribuer à la gloire de l’institution […].
L’émulation produit dans une université beaucoup de mal, mais aussi beaucoup de bien. Pour cette raison, il est nécessaire que nous soyons très vigilants pour le choix des professeurs extraordinaires, mais aussi qu’on ne leur donne aucun espoir de promotion31. »
36Telle est la description du système que Münchhausen mit en place : sa préoccupation désormais était de repérer des « jeunes talents » qu’il faisait entrer à l’université sur des postes de professeur extraordinaire. De cette façon, il n’avait pas à négocier de salaire avec le roi, puisque ces professeurs n’étaient pas rémunérés par l’université et il n’avait pas à craindre que les souverains s’opposent à leur départ. Ensuite, en fonction de leurs compétences, Münchhausen les promouvait (ou non) au rang de professeur ordinaire. En somme, si recruter un professeur ordinaire médiocre était risqué, engager un professeur extraordinaire peu talentueux n’avait aucune conséquence. Désormais, c’était Münchhausen qui s’était érigé en juge des compétences des professeurs. Göttingen, de fait, a été la seule université à imposer que le choix des professeurs relève du Conseil et non des facultés.
37Il reste alors une question à élucider. Comment Münchhausen a-t-il sélectionné les professeurs extraordinaires ? C’est ici qu’il faut évoquer un autre trait de Münchhausen qui renvoie à des compétences sociales particulières. Celles-ci ont été la clé de son efficacité politique. Une grande partie de l’énergie investie par Münchhausen pour l’université a en effet été consacrée à chercher de bons informateurs, notamment dans les villes universitaires, mais pas seulement. La question du déploiement d’un vaste réseau d’informateurs à travers les grandes universités du Saint-Empire et dans lequel Münchhausen puisse avoir toute confiance est devenu le cœur de sa stratégie. Pas à pas, il s’est employé à tisser des liens pour se faire une carte extrêmement précise et actualisée de « qui sait quoi », « qui est où », « qui est en contact avec qui ». Ce point était tellement capital pour lui que lorsque le grand théologien de Helmstedt, Mosheim, refusa en 1734 de venir à Göttingen, Münchhausen fit tout ce qu’il put pour ne pas perdre le contact qu’il avait péniblement noué avec lui :
« Je dois cependant vous faire une demande. Que vous n’interrompiez pas, votre Grandeur, la correspondance que nous avons suivie, et que vous restiez un ami et un bienfaiteur de la nouvelle université, et que vous autorisiez que je puisse avoir recours à vos lumières et à vos façons de voir. Votre Grandeur me rendrait dès lors un grand service, si vous vous ouvriez auprès de moi, de tout ce qui arrive à vos oreilles et qui pourrait être un avantage au bon développement de ce projet32. »
38Münchhausen savait que les oreilles de Mosheim entendaient loin. De fait, Mosheim fut un conseiller et un intermédiaire important pour Münchhausen. Non seulement il lui recommandait des candidats, mais il utilisa son autorité pour convaincre des jeunes savants de venir à Göttingen.
39L’exemple de Mosheim révèle ainsi quelles étaient les qualités qui faisaient un bon candidat, au-delà des compétences intellectuelles et pédagogiques. Ce que Münchhausen voyait derrière un candidat, c’était une source d’informations et un réseau social. À cet égard, ses premiers échanges avec Gebauer sont révélateurs :
« Je vous ai dit que Sa Majesté le Roi d’Angleterre souhaitait que les arts courtois à Göttingen soient également mieux organisés que dans les autres universités. Quelle est la meilleure voie pour y parvenir […], sur ce point, je souhaite connaître votre avis détaillé. Peut-être se trouve-t-il à Leipzig des gens qui s’y connaissent et par lesquels vous pourriez vous informer. Il m’est aussi revenu que M. Gesner [professeur d’éloquence] a bien connu le Conseiller privé von Marshall à Weimar ; si celui-ci pouvait demander à M. von Marschall ses pensées à ce sujet, ce serait une chose très utile, car il est au fait de ce sujet. M. von Marshall ne doit pas apprendre que cette requête est de mon fait, sans quoi cette demande produira l’effet inverse à l’effet recherché33. »
40Cette manière de faire est caractéristique de Münchhausen. Comme c’était le cas dans le domaine de la diplomatie également, l’information pour Münchhausen n’avait de sens que mise au service de la pratique : Münchhausen ne cherchait pas à rassembler des informations pour assouvir une curiosité intellectuelle, mais pour régler son action34. La sélection des professeurs ordinaires et extraordinaires s’est faite selon cette procédure, par une sorte de bouche-à-oreille dont Münchhausen contrôlait toutes les étapes. Il prenait des informations à des sources qu’il considérait comme sûres, les comparait, les recoupait, convoquait le candidat puis décidait de son engagement comme professeur extraordinaire et enfin, le cas échéant, de sa promotion comme professeur ordinaire. La tâche de Münchhausen consistait désormais à dénicher les jeunes talents, en mobilisant ses réseaux.
41On est donc loin ici du plan initial élaboré à partir de Gutachten et qui faisaient la part belle aux professeurs déjà consacrés par l’espace académique. Le cheminement de Münchhausen l’a conduit à trouver un moyen de contourner les résistances que lui opposait l’Empire, et qui n’étaient autre que la traduction structurelle des relations interterritoriales et de l’enjeu que représentaient les universités dans cet espace à la fois multipolaire et éminemment hiérarchisé. Münchhausen s’est adapté en troquant le recrutement de célébrités contre la fabrication sur place de célébrités. C’est par cette méthode que Münchhausen a réussi à réunir une équipe de professeurs extraordinaires et ordinaires suffisante pour pouvoir officialiser l’université : l’inauguration eut lieu à l’automne 1737. La réussite de l’université n’était pas pour autant acquise – il était trop tôt pour le dire. Mais Münchhausen avait évité l’échec, ce qui est une autre manière de dire qu’il avait gagné en légitimité. Dans la mesure en effet où il n’existait pas de critère pour valider l’expertise, la réussite peut être considérée comme une mesure de l’expertise et la légitimité, comme sa conséquence.
42L’expertise ici réside donc moins dans un savoir pré-établi que dans l’aptitude à adapter un projet au monde social. Elle renvoie en définitive à des pratiques spécifiques, celles-là mêmes que délaisse une historiographie pour laquelle la grande université des Lumières ne pouvait être que la réalisation dans l’histoire d’un projet éclairé.
Münchhausen premier ministre
43À partir de 1740, soit peu après la fondation de l’université de Göttingen, on constate que le ministre domine le conseil. Ce changement de statut au sein de la principauté hanovrienne permet d’interroger les permanences et les écarts dans les usages de la figure de l’expert et de l’expertise par Münchhausen, selon ses différentes positions – jeune conseiller privé, ou premier ministre de fait. Il invite également à considérer la question de l’expertise depuis une autre historiographie.
44Si l’on en croit l’historiographie, le premier ministre de l’Aufklärung tire en effet une partie de sa légitimité de ses compétences administratives ou techniques – à la différence, selon une présentation longtemps restée classique, du « ministre-favori » des périodes antérieures35. Dans le contexte allemand on sait que, dès le xviie siècle, la noblesse de service fréquente les universités et les utilise comme des instruments de domination. Dans l’historiographie, le ministre éclairé est alors associé, peut-être plus qu’ailleurs encore, à l’idée des grandes réformes qu’il met en œuvre, en partie du moins, grâce aux compétences acquises dans les universités, qui sont bien, en Allemagne, les lieux des savoirs novateurs36. Mais dès lors, quel rôle un ministre peut-il faire jouer à un « expert » extérieur à l’État s’il est lui-même censé tirer sa légitimité d’un savoir ? De quoi un principal ministre tel que Münchhausen doit-il pouvoir être un expert, et a-t-il pour autant intérêt à se présenter comme tel, et si oui dans quelles circonstances ? Ou en d’autres mots, la promotion de Münchhausen à l’intérieur de l’appareil d’État, transforme-t-elle l’usage qu’il fait de l’expertise et de l’image d’expert ?
La figure du spécialiste de droit
45Dès les années 1740, Münchhausen semble à plusieurs reprises asseoir son autorité sur une figure d’expert, qu’il revendique à titre personnel : celle d’expert en droit impérial. Si la discipline était devenue, au cours de la seconde modernité, le passage obligé pour qui se destinait à la carrière de l’État37, le cas Münchhausen semble prouver que le passage à l’université n’est pas seulement un instrument de domination sociale, mais aussi le lieu d’apprentissage de compétences concrètes, dont le ministre sait faire usage. En effet, au-delà de son ascension comme juge dans les années 1720, Münchhausen continue à mobiliser et à mettre en scène cette compétence alors même qu’il est devenu l’un des principaux ministres de l’électorat, dans les années 1740.
46C’est le cas en 1742, alors qu’il est choisi pour porter la voix du prince-électeur lors de la nouvelle élection impériale à Francfort. La mission est des plus honorifiques, mais elle demande aussi des connaissances certaines en droit impérial38. Tout du moins peut-on remarquer que Münchhausen a mis en scène, durant sa mission, la maîtrise de ces compétences, pour construire son image de parfait serviteur et pour asseoir son autorité, à la fois sur les autres membres de la délégation, et sur les représentants des autres princes-électeurs présents. C’est ce que l’on constate dans le diaire, qu’il a rédigé entre novembre 1741 et mars 1742, et qui débute par ces mots :
« J’envoie à Vos Excellences, par le diaire ci-joint, ce que je peux rapporter des circonstances présentes. Je dois simplement préciser que monsieur Hugo ne sait rien de ce diaire, mais que je le dicte simplement le soir au secrétaire Unger, qui le recopie ensuite39. »
47Münchhausen s’adresse ainsi à son prince et aux autres membres du conseil privé à l’insu d’Hugo, diplomate accrédité à la diète de Ratisbonne, membre de la délégation hanovrienne, mais qui n’a donc pas été choisi pour porter la voix de l’électeur. À l’instar de ce qu’a pu montrer Jean-Claude Waquet à partir des dépêches d’ambassadeurs40, ce diaire apparaît non pas seulement comme le lieu de l’information politique, mais comme celui d’une négociation sur la propre position de l’envoyé, comme le lieu de la construction de la légitimité du ministre. Or, Münchhausen peut alors y mettre en scène ses compétences propres, acquises au cours de son parcours universitaire, notamment sur la capitulation impériale, c’est-à-dire ce document négocié, les semaines qui précèdent chaque élection, par les princes-électeurs, et dont l’empereur nouvellement élu devra ensuite accepter, librement, les principes41. Nous avons rappelé que Münchhausen avait défendu, à l’université de Iéna, un travail consacré à la capitulation perpétuelle : il s’agissait là d’une revendication, extrêmement puissante dans la seconde moitié du xviie siècle, et qui en appelait à la rédaction d’une capitulation définitive, venant régler, une fois pour toutes, les droits de chacun42. Or, s’il n’a sans doute pas été uniquement – peut-être même pas principalement – choisi, en 1741, du fait de son expertise en la matière, il apparaît dans son diaire, qu’il semble avoir eu intérêt, pour asseoir sa position, à insister sur ses connaissances en la matière – signe de l’utilisation concrète de son parcours universitaire à des fins de légitimation politique. Il souligne sa connaissance de la casuistique et des grandes sources du droit impérial, en multipliant les passages où il se présente comme celui qui, par la connaissance d’un texte précis, permet de faire accepter ou de rejeter une proposition. C’est le cas, par exemple, le 24 novembre, lorsqu’il rapporte le débat mené sur la question de la remise de lettres de créance en français par le représentant français Blondel. Derrière la question de la langue se jouent des enjeux symboliques importants et Münchhausen se présente alors comme celui qui s’oppose et exige un texte en latin43. S’ensuit un débat juridique dans lequel il s’attribue le rôle décisif. Selon Münchhausen, Blondel s’appuie, pour faire accepter le mémoire, sur une préséance de l’année 1684, mais Münchhausen écarte l’argument en s’appuyant sur Samuel Pufendorf, puis sur les travaux de Nikolaus Christoph Lyncker, qui enseigna le droit à Iéna à la fin du xviie siècle :
« Comme on l’apprend dans le De Rebus Brandenburgicis, livre 18 et 48, et dans le De Idiomate Imperiali de Lyncker, page 19, la dispute alors survenue ne concernait pas les créances, mais les simples exhibita [les pouvoirs], que les ministres français ont remis dans leur langue maternelle44. »
48Et Münchhausen de rapporter que l’argument fait mouche et permet donc d’écarter la requête des ennemis du roi d’Angleterre.
49Au-delà de cet exemple, il apparaît à la lecture du diaire que bien servir le prince, c’est, dans la présentation qu’en fait Münchhausen, être expert en droit, tandis que le mauvais serviteur est alors celui qui reste candide en ce domaine. Lorsqu’il s’agit, à propos du premier article de la capitulation, de discuter « des compétences à obtenir par le Corpus Evangelicorum selon la constitution impériale45 », le représentant de la Bavière fait une proposition qui, selon Münchhausen, amoindrirait les droits des protestants dans l’Empire, mais que les représentants de la Saxe et de la Prusse, alliées dans la guerre de succession d’Autriche, acceptent pourtant. Et Münchhausen de se présenter, grâce à sa lucidité qui lui permet de démasquer les pièges cachés derrière la proposition, comme le ministre particulièrement habile car expert, et de raconter, dans une scène théâtrale, que « je me suis alors levé de ma place, et j’ai exigé de pouvoir m’entretenir sur ce point avec les ministres protestants46 ». Or, lorsque le représentant du Brandebourg explique son vote par le fait que « les questions de religion n’appartiennent ni à la diète, ni au Prinzipalkommissar [le représentant de l’empereur auprès de la diète] », Münchhausen devient sarcastique :
« en quoi il a une fois de plus prouvé son manque d’attention sur les sujets traités […], dès lors que le postulat partial réside dans le fait que […] le Corpus Evangelicum puisse trouver en tout moment une oreille attentive auprès de l’Empereur avec ses représentations47 ».
Apparaître comme expert au sein de l’Union personnelle
50Les quelques exemples cités prouvent que, dans ce contexte précis, Münchhausen a intérêt à se présenter comme une figure d’expert juridique – et plus précisément de la capitulation impériale, dont il s’était fait une spécialité en tant qu’étudiant – afin d’asseoir son autorité au sein de la délégation hanovrienne présente à Francfort, et sans doute plus généralement face au roi et aux membres du conseil, à qui il s’adresse. Mais pour comprendre pourquoi Münchhausen semble avoir intérêt à jouer la carte de l’expert en droit impérial, alors même qu’il est devenu le principal ministre du territoire, il faut sans doute prendre en compte le contexte spécifique de l’Union personnelle anglo-hanovrienne. La séparation juridique et institutionnelle stricte entre les deux territoires de l’union née en 1714 représentait une difficulté politique pour les ministres hanovriens, qui tentèrent d’influencer les prises de décisions des ministres anglais – faute de pouvoir y participer officiellement – celles-ci engageant souvent le destin du territoire hanovrien.
51Dans les années 1748-1760, le duc de Newcastle est la personnalité principale du cabinet anglais et il choisit de mener une diplomatie offensive sur le continent, particulièrement dans le Saint-Empire, afin d’y contrer les desseins diplomatiques de la France48. Dans ce contexte, la figure de « l’expert juridique » devient l’une des manières par laquelle Münchhausen entend se présenter comme un conseiller incontournable de Newcastle et ainsi intervenir dans des prises de décision qui lui échappent et qu’il subit en partie. Dès 1748, Newcastle souhaite en effet créer un « parti » anglais dans l’Empire, c’est-à-dire s’attacher un groupe de princes allemands par des traités de subsides49. Mais d’emblée, le sujet se heurte aux réalités du fonctionnement impérial ; le terme de « parti » peut faire craindre une division du corps impérial et le traité risque ainsi d’être jugé contraire aux traités de Westphalie50. C’est là la crainte du premier ministre mayençais, von Stadion, qui propose à Newcastle de négocier non pas des accords bilatéraux, mais une « association des cercles impériaux51 ». Face à cette solution relevant non pas du droit des gens, mais du droit impérial, Münchhausen intervient une première fois à la demande du ministre anglais :
« Voici le Mémoire que Votre Excellence m’a demandé touchant l’association des cercles. Je suis prêt à lui donner des autres eclaircissements tels qu’il lui plaira à m’ordonner52. »
52Münchhausen y explique que Stadion fait référence à une alliance conclue en 1702 entre différents cercles d’Empire, ces subdivisions politiques et fisco-militaires de l’Empire. Et le ministre de donner son avis en cette occasion, à savoir qu’une telle association ne saurait suffire à fédérer des princes allemands derrière le roi. Les négociations continuent alors, et à de nombreuses reprises, au cours des semaines et des mois qui suivent, Münchhausen intervient comme expert : il traduit des documents, explicite certains contenus juridiques, et commente, évidemment, les différentes possibilités. Il produit parfois même des expertises au sens du Gutachten, par exemple lorsqu’il transmet une traduction des mémoires publiés par les électeurs de Trèves et de Mayence au sujet de cette même association des cercles, en les accompagnant, des « réflexions […] que je soumets néanmoins entièrement à la supériorité des lumières de Son Excellence53 ».
53Plus Münchhausen s’immisce, en sa qualité d’expert, dans la fabrique de la diplomatie anglaise, plus la distinction entre expertise, conseil et une sorte de « lobbying » pro-hanovrien s’amenuise. Devant les difficultés rencontrées, Newcastle avait fait évoluer son plan au début des années 1750 : il souhaitait désormais faire élire le jeune Joseph – le futur Joseph II – comme « roi des Romains ». En s’assurant de cette élection du vivant de l’empereur, l’objectif était de raffermir l’alliance anglo-autrichienne et de s’attacher, par une voie détournée cette fois-ci, la majorité des princes électeurs54. Mais ce plan ne convient d’abord pas à Münchhausen, qui y voit un danger : l’élection d’un roi des Romains modifie l’équilibre des pouvoirs au sein de l’Empire au profit de l’empereur, dès lors qu’il annule le moyen de pression que détiennent les princes électeurs lorsqu’ils négocient la capitulation. En l’occurrence, ceci pourrait avoir des conséquences dangereuses, notamment pour les princes protestants qui, à cette époque, s’opposent sur plusieurs dossiers brûlants aux Habsbourg. Dès le 8 juin, Münchhausen intervient en remettant à Newcastle un mémoire portant sur « ces certains griefs du corps evangélique55 ». Dans ce long rapport, Münchhausen rappelle le fonctionnement de l’Empire sur les questions religieuses et décrit quatre cas pour lesquels un procès devant les hautes instances impériales est en cours. Et Münchhausen de conclure que Newcastle aurait tort de vouloir saper l’autorité du roi en tant que prince électeur, dès lors que :
« la conduite du roi et du ministère ici, bien loin d’être contraire au système et aux vues du ministère britannique y répond très bien, puisque la cour impériale, après avoir éprouvé l’influence du roi dans les affaires de l’Empire, n’en deviendra que plus soigneuse à rechercher et à cultiver l’amitié de Sa Majesté56 ».
54Le ministre hanovrien parviendra, sur ce point, à infléchir certaines positions de Newcastle. Mais au-delà de la question de son succès, on constate qu’activer l’image de l’expert est une stratégie qui lui permet, dans certaines situations précises, soit d’asseoir son autorité au sein du conseil, soit de gagner des moyens d’influence dans la situation spécifique de l’Union personnelle.
De la connaissance à la compétence sociale : le savoir-faire propre du premier ministre
55Toutefois, la figure de l’expert en droit impérial ne suffit pas à légitimer la position acquise par le premier ministre : ceux qui, dans l’Empire, sont bien plus experts que lui en la matière sont évidemment légion. De ce point de vue, il y aurait même un danger, pour un premier ministre, à faire dépendre sa position et sa légitimité d’une compétence qui, si elle le distingue en partie de certains de ses confrères du conseil privé, reste très largement partagée dans l’Empire, notamment chez les ministres de son temps. La correspondance échangée durant la guerre de Sept Ans avec son frère Philipp Adolph, alors directeur de la chancellerie allemande à Londres, est révélatrice en cela qu’elle éclaire le savoir-faire propre que le roi attend de son ministre57. Or, on retrouve dans le contexte diplomatique et militaire des années 1750, des modes d’action comparables à ceux décrits au sujet de la fondation de l’université, et qui relèvent d’une compétence spécifique, que l’on pourrait appeler « sociale ».
56En temps de guerre, alors que l’ennemi est partout et que les diplomates accrédités ont dû quitter les cours ennemies, le ministre se voit charger de trouver des « canaux » pour s’informer ou négocier. La compétence propre de Münchhausen, celle que le roi attend de lui spécifiquement, est donc, précisément, de savoir à qui s’adresser et par quelle voie, pour agir discrètement et efficacement. Le 19 juin 1759, Philipp Adolph écrit à son frère pour lui apprendre que le duc de Württemberg serait prêt à changer de camp. Il s’agit donc de débuter une négociation secrète, mais comment ? « Le roi pense que mon cher frère trouvera l’occasion […] d’explorer la chose par un canal fiable58. » Dans sa réponse, Münchhausen met en scène la difficulté de la tâche, qu’il accepte néanmoins : « Toutes les lettres vers Stuttgart doivent passer par des lieux où se trouvent soit des troupes françaises, soit des troupes impériales59. » C’est dans un autre dossier documentaire que l’on comprend la solution que Münchhausen a trouvée : il s’appuie, pour exécuter les ordres du roi, sur ses connaissances personnelles et en l’occurrence sur son ami von Keller, principal ministre de la Saxe-Gotha. Dans une lettre du 27 juin, ce dernier lui apprend qu’est parti, depuis Gotha, un express pour Stuttgart, qui contournera ainsi les lignes ennemies60. Et la négociation de s’engager, par cette voie, au cours des semaines qui suivent.
57De tels exemples ne sont pas rares dans la correspondance du ministre, tant Münchhausen apparaît comme le « maître des canaux » de l’information et de la négociation. L’un d’entre eux nous permet, pour finir, de comprendre que les compétences sociales de Münchhausen dans les champs universitaire et politique se renforcent les unes les autres, et participent d’un mode d’action commun et partagé dans ces différents champs61. En janvier 1759, Münchhausen reçoit une information selon laquelle la cour palatine, qui se trouve dans le camp ennemi, serait, elle aussi, mécontente de son allié français. Il en informe le roi par le canal particulier de son frère, et George II lui demande de débuter la négociation, en trouvant un canal approprié62. Le 21 avril, Münchhausen reçoit une lettre depuis Francfort signée de Friedrich Karl von Moser : le grand juriste et homme de lettres allemand y représente les intérêts du Landgrave de Hesse-Cassel auprès du cercle du Haut-Rhin. Münchhausen connaissait vraisemblablement son père, Johann Jakob Moser, depuis les années 1730, et c’est grâce à ces liens tissés dans le monde de la République des Lettres que la négociation s’engage de vive voix avec l’un des principaux ministres palatins. Reste toutefois à savoir comment faire remonter le contenu des négociations menées de vive voix à Francfort par Moser vers Hanovre, alors que les troupes françaises se trouvent entre les deux villes. Le 17 mai 1759, Münchhausen reçoit une lettre de Gottfried Achenwall, le célèbre historien et statisticien allemand qui enseigna à l’Université de Göttingen63. Il lui écrit pour le prévenir de la bonne réception du courrier de son « beaufrère » : il s’agit bien de Moser, dont la sœur, Luise, avait épousé Achenwall en 1754. Durant plus d’un an, la négociation est ainsi menée grâce aux réseaux de la République des Lettres : Münchhausen écrit à Achenwall dans le cadre d’une correspondance qui n’attire pas l’attention dès lors qu’elle porte habituellement sur des affaires universitaires, ce dernier écrit à son beau-frère, qui négocie de vive voix à Francfort. À l’autre bout de la chaîne, Münchhausen s’appuie sur sa correspondance avec son frère cadet pour faire connaître, le plus secrètement possible, le contenu des négociations à son roi.
58Münchhausen, plus que le détenteur d’un savoir spécifique relevant d’un domaine précis, apparaît plutôt comme celui qui, par ses compétences sociales, sait à qui s’adresser, quand et comment ; il est celui qui rend l’action politique possible et l’ordonne.
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59Tout au long de sa carrière, Münchhausen semble donc comme « tourner » autour de la figure de l’expert qu’il incarne ou auquel il a recours pour légitimer son action. Toutefois, son exemple permet de relativiser le lien presque automatique que l’on pourrait être tenté de faire entre l’expertise et la connaissance, la maîtrise technique ou théorique d’un champ. Münchhausen, en tant que jeune ministre en charge de la création d’une université, ou en tant que principal ministre de l’électorat hanovrien, en partie chargé de la diplomatie, ne saurait tirer sa légitimité de la maîtrise d’un contenu de savoir ou de connaissance spécifique, quand bien même, dans le Saint-Empire du xviiie siècle, la maîtrise préalable de certains savoirs – le droit par exemple – est un passage obligé de l’ascension au sein de l’État : en effet, le ministre n’est pas un commis, ni un administrateur, et s’il peut avoir intérêt, dans certaines situations concrètes, à se revendiquer d’un savoir technique, on trouvera toujours, en ce domaine, plus compétent que lui. Il apparaît ainsi que le principal domaine de compétence dont Münchhausen a su faire montre dans les années 1730 comme dans les années 1750 est de l’ordre de l’habileté sociale, de la capacité à agir, pour le prince, dans un contexte institutionnel, politique et social spécifique et complexe. Capacité à trouver les bons interlocuteurs, la bonne stratégie, le bon canal, en situation de guerre ou de grande concurrence territoriale, habileté à agir dans le contexte de l’émiettement territorial et du feuilletage institutionnel de l’Empire : par-delà les années et les domaines d’application, on observe une même manière d’agir, une « patte » spécifique, qui se trouve au cœur des modes d’action – et sans doute aussi de ce que l’on attend, en propre, du ministre. Reste à savoir si cette dernière compétence est de l’ordre de l’« expertise ». Que le ministre soit, dans certains domaines, un « sachant », ne fait aucun doute, et certainement a-t-il davantage intérêt, au xviiie siècle, à le souligner. Mais le plus souvent, celui qu’on désigne comme « expert » est précisément celui qui, dépositaire d’un savoir, n’est que rarement celui qui prend les décisions en dernier ressort. Finissons donc par une hypothèse : les catégories d’expert d’une part, de ministre d’autre part, plus que de marquer une différence automatique de compétence ou de savoir, rendraient compte, le plus souvent, d’une plus ou moins grande intégration dans le cœur des instances de pouvoir. Ou pour le dire autrement : l’expert n’est-il pas simplement celui qui n’a pas voulu, ou plus vraisemblablement n’a pas pu, notamment du fait de la rigidité de la société d’ordre, pénétrer dans le cœur des gouvernements ?
Notes de bas de page
1Pour un aperçu historiographique sur cette question et des propositions récentes, voir Bretschneider Falk et Duhamelle Christophe, « Fraktalität. Raumgeschichte und soziales Handeln im Alten Reich », Zeitschrift für Historische Forschung, no 43, 2016/4, p. 703-746.
2Pour une bibliographie récente sur le Saint-Empire et en français, voir Bretschneider Falk et Duhamelle Christophe (dir.), Le Saint-Empire, histoire sociale (xvie-xviiie siècles), Maison des sciences de l’homme, coll. « Bibliothèque allemande », 2018 ; Gantet Claire et Lebeau Christine, Le Saint-Empire : 1500-1800, Paris, Armand Colin, coll. « U. Histoire », 2018.
3Nous citons ici plusieurs travaux issus de l’école doctorale de l’université de Göttingen qui s’est développée entre 2009 et 2018 sur « la culture des experts, xiie-xvie siècles », sous la direction de Frank Rexroth : Füssel Marian, Kuhl Antje et Stolz Michael (dir.), Höfe und Experten. Relationen von Macht und Wissen in Mittelalter und Früher Neuzeit, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2018 ; Füssel Marian, Knäble Philip et Elsemann Nina (dir.), Wissen und Wirtschaft. Expertenkulturen und Märkte vom 13. bis 18. Jahrhundert, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2017 ; Reich Björn, Rexroth Frank et Roick Matthias (dir.), Wissen, maßgeschneidert. Experten und Expertenkulturen im Europa der Vormoderne, 2012 (Historische Zeitschrift, Beiheft 57) ; Rexroth Frank et Schröder-Stapper Teresa (dir.), Experten, Wissen, Symbole. Performanz und Medialität vormoderner Wissenskulturen (Historische Zeitschrift, Beihefte 71), Berlin/Boston, 2018.
4Füssel Marian, « Die experten, die Verkehrten ? », in Björn Reich, Frank Rexroth et Matthias Roick (dir.), op. cit, p. 269-288, ici p. 271. Il renvoie sur ce point à Rexroth Frank, Expertenweisheit. Die Kritik an den Studierten und die Utopie einer geheilten Gesellschaft im späten Mittelalter Basel, Schwabe, coll. Freiburger Mediävistische Vorträge, 2008.
5Ibid, p. 271.
6Sur cette période de la carrière de Münchhausen, voir Schick Sébastien, Des liaisons avantageuses. Ministres, liens de dépendance et diplomatie dans le Saint-Empire Romain Germanique (1720-1760), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2018.
7Furetière Antoine (dir.), Dictionnaire universel, contenant generalement tous les mots françois tant vieux que modernes […], La Haye, Leers, 1690, t. I.
8Voir à ce sujet la présentation étymologique et historiogaphique de Calafat Guillaume, « Expertise et compétences. Procédures, contextes et situations de légitimation », Hypothèses, no 14, 2011, p. 95-107.
9Ash Eric H., « Introduction : Expertise and the Early Modern State », Osiris, vol. 25, no 1, 2010, p. 1-24, ici p. 5-9.
10Ibid, p. 6.
11Pour une présentation générale de l’université de Göttingen, voir Hunger Ulrich, « Die Georgia Augusta als hannoversche Landesuniversität. Von ihrer Gründung bis zum Ende des Königreichs », in Ernst Böhme et Rudolf Vierhaus (dir.), Göttingen. Geschichte einer Universitätsstadt, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, vol. 2, 2002, p. 139-216 ; Gierl Martin, « Die Göttinger Aufklärung », in W. P. Fahrenberg et Martin Van Gelderen, Lichtenberg lacht. Aufklärung und Satire, Göttingen, Göttinger Verlag der Kunst, 2015, p. 9-44. On y trouvera les références bibliographiques les plus importantes.
12Schick Sébastien, op. cit, p. 41-76.
13Le Hanovre avait bien hérité de l’université de Helmstedt dans le duché de Wolfenbüttel, mais celle-ci au xviiie siècle avait largement amorcé son déclin.
14Sur les universités allemandes, voir Le Cam Jean-Luc, « Les universités du Saint-Empire à l’époque moderne : problématiques, concepts, tendances historiographiques », in Les universités en Europe : 1450-1814, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2013, p. 265-345.
15La biographie la plus complète sur Münchhausen a été donnée par Frensdorff Ferdinand, « Münchhausen, Gerlach Adolf Freiherr von », in Allgemeine deutsche Biographie, vol. 18, Berlin, Duncker und Humblot, 1885.
16Saada Anne, « Göttingen avant Göttingen : la négociation du privilège universitaire impérial », in Martin van Gelderen et Ere Pertti Nokkala (dir.), Processes of Enlightenment : Essays in the Honour of Hans Erich Bödeker, Voltaire Foundation, Londres, à paraître.
17Lettre de Gerlach Adolph von Münchhausen à Johann Ernst von Hattorf, 27 janvier 1733, éditée dans Rössler Emil Franz, Die Gründung der Universität Göttingen, Entwürfe, Berichte und Briefe der Zeitgenossen, Aalen, Scientia Verlag, 1855, p. 412.
18Cité d’après Frensdorff Ferdinand, art. cité, p. 735.
19Lettre de Johann Ernst von Hattorf à Gerlach Adolph von Münchhausen, 26 janvier/6 février 1733, Niedersächsische Staats-und Universitätsbibliothek Göttingen (désormais NSUBG), Codex Mss 2o H. Lit. 83, fo 121-128, ici fo 126.
20NSUBG, Universitätsarchiv, Kur. 3018, fo 16.
21Sur Heumann, voir Mulsow Martin, Risbjerg Eskildsen Kasper et Zedelmaier Helmut (dir.), Christoph August Heumann (1681-1764) : gelehrte Praxis zwischen Humanismus und Aufklärung, Stuttgart, Steiner Verlag, coll. « Gothaer Forschungen zur Frühen Neuzeit, 12 », 2017.
22Heumann Christoph August, Conspectus reipublicae literariae sive via ad historiam literariam iuventuti studiosae aperta, Hanovre, 1718.
23Heumann Christoph August, Conspectus reipublicae literariae sive via ad historiam literariam iuventuti studiosae aperta, Hanovre, 1753, p. 202-233.
24« Nachträgliches Votum Münchhausens über die Einrichtung der Universität in der Sitzung des geheimen Raths-Collegium », éditée dans Rössler Emil Franz, op. cit, p. 33-34.
25Lettre de Gerlach Adolph von Münchhausen à Johann Lorenz von Mosheim, 29 décembre 1734, ibid, p. 176-177.
26Lettre de Gerlach Adolph von Münchhausen à Johann Ernst von Hattorf, 22 août 1734, ibid, p. 420.
27Rössler Emil Franz, « Geschichtliche Einleitung », ibid, p. 41-42.
28Lettre de Gerlach Adolph von Münchhausen à Johann Ernst von Hattorf, 22 août 1734, ibid, p. 421.
29Ibid, p. 420.
30Ash Eric H., « Introduction : Expertise and the Early Modern State », art. cité, p. 6.
31Lettre de Gerlach Adolph von Münchhausen à Georg Christian Gebauer, 12 juillet 1739, éditée dans Rössler Emil Franz, op. cit, p. 152.
32Lettre de Gerlach Adolph von Münchhausen à Johann Lorenz von Mosheim, s. d., ibid., p. 180-181.
33Lettre de Gerlach Adolph von Münchhausen à Georg Christian Gebauer, 12 juillet 1737, ibid., p. 92-93.
34Schick Sébastien, op. cit
35Bérenger Jean, « Pour une enquête européenne : le problème du ministériat au xviiie siècle », Annales Économies, sociétés, civilisations, no 29, 1974-1, p. 166-192. Scott Hamish M., « The rise of the first minister in eighteenth-century Europe », in Timothy C. W. Blanning et David Cannadine (dir.), History and biography. Essays in honour of Derek Beales, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 21-52. Elliott John H. et Brockliss Laurence W. B., The world of the Favourite, New Haven/Londres, Yale University Press, 1999. Dans le contexte allemand, voir par exemple Kaiser Michael et Pečar Andreas (dir.), Der Zweite Mann im Staat. Oberste Amtsträger und Favoriten im Umkreis der Reichsfürsten in der Frühen Neuzeit, Berlin, Duncker & Humblot, 2003.
36Voir, de manière paradigmatique, l’exemple des Zinzendorf étudié par Lebeau Christine, Aristocrates et grands commis à la cour de Vienne (1748-1791), Paris, CNRS Éditions, 1996. Sur la spécificité du paradigme allemand dans le contexte européen, voir déjà l’ouvrage classique de Hammerstein Notker, Jus und Historie. Ein Beitrag zur Geschichte des historischen Denkens an den deutschen Universitäten im späten 17. und 18. Jahrhundert, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1972.
37C’est ce qui explique le caractère très pragmatique et concret de l’enseignement en droit, récemment souligné, à partir du cas de Helmstedt, par Klein Boris, Les chaires et l’esprit. Organisation et transmission des savoirs au sein d’une unversité germanique au xviie siècle, Lyon, Presses universitaires de Lyon, p. 168-170.
38Ainsi, il n’est pas rare de voir de grands juristes compléter les délégations qui se rendent à Francfort. Ce sera le cas de Pütter à trois reprises, en 1764, 1790 et 1794 : Frensdorff Ferdinand, « Pütter, Johann Stephan », in Allgemeine deutsche Biographie, vol. 26, Berlin, Duncker und Humblot, 1888, p. 749-777.
39Niedersächsisches Staats-und Universitätsbibliothek Göttingen (NSUBG), Nachlass Münchhausen, no 39-40.
40Waquet Jean-Claude, « Dans le guêpier napolitain », in id. (éd.), Négocier sur un volcan. Dominique-Vivant Denon et sa correspondance de Naples avec le Comte de Vergennes (1782-1785), Paris, Direction des archives, ministère des Affaires étrangères, 2007, p. ix-lxxvi, ici p. lvi.
41Les capitulations ont récemment été éditées et présentées par Burgdorf Wolfgang (éd.), Die Wahlkapitulationen der römisch-deutschen Könige und Kaiser 1519-1792, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2015.
42Voir le résumé historique et historiographique proposé par Burkhardt Johannes, Vollendung und Neuorientierung des frühmodernen Reiches 1648-1763 Gebhardt Handbuch der deutschen Geschichte, vol. 11, Stuttgart, Klett-Cotta, 2016, p. 299-301.
43Sur l’enjeu des langues dans le cadre diplomatique en général, voir Couto Dejanira et Péquignot Stéphane (dir.), Les langues de la négociation. Approches historiennes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017. On retrouvera des exemples comparables, et liés directement au contexte impérial, dans les travaux de Guido Braun. Voir son article dans le volume cité ou encore : « Une tour de Babel ? Les langues de la négociation et les problèmes de traduction au Congrès de la paix de Westphalie (1643-1649) », in Rainer Babel (dir.), Le Diplomate au travail. Entscheidungsprozesse, Information une Kommunikation im Umkreis des Westfälischen Friedenskongresses, Munich, de Gruyter, 2005, p. 139-172.
44NSUBG, Nachlass Münchhausen, no 39, fo 84.
45Ibid, fo 100.
46Ibid, fo 100-101.
47Ibid, fo 101.
48Sur Newcastle, voir Browning Reed, The Duke of Newcastle, New Haven, Yale University Press, 1975. Sur le contexte diplomatique de ces années, voir la synthèse de Simms Brendan, Three victories and a defeat. The rise and fall of the first British Empire, 1714-1783, Londres, Penguin Books, 2007.
49Horn David B., « The Origins of the Proposed Election of a King of the Romans, 1748-1750 », The English Historical Review, no 42, 1927, p. 361-370.
50Sur ce débat juridique, Schick Sébastien, « Négociations diplomatiques et pluralité des droits : le Saint-Empire, l’Europe et le problème des “affaires étrangères” (xviie-xviiie siècles) », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, no 64, 2017-3, p. 39-63.
51Terme rapporté par Münchhausen : British Library (BL), Additional MSS 32815, fo 320.
52BL, Additional MSS 32813, fo 207.
53Ibid, Additional MSS 32816, fo 244.
54Browning Reed, « The Duke of Newcastle and the Imperial Election Plan, 1749-1754 », Journal of British Studies, no 7, 1967-1, p. 28-47.
55BL, Additional MSS 32821, le 8 juin 1750, fo 281. Le document est rapidement évoqué par Thompson Andrew C., Britain, Hanover and the Protestant Interest, 1688-1756, Woodbridge, Boydell Press, 2006, p. 209-210.
56Ibid., fo 288.
57L’institution a été analysée par Benjamin Bühring. Voir par exemple « Regieren mit Brief und Siegel. Administrative Kommunikation im Kurfürstentum Braunschweig-Lüneburg zwischen London und Hannover », in Steffen Hölscher et Sune Schlitte (dir.), Kommunikation im Zeitalter der Personalunion (1714-1837), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2014, p. 233-258.
58Niedersächsisches Staatsarchiv, Hannover (NLA HA), Hann. 91, G. A. v. Münchhausen, no 52, fo 3, lettre du 19 juin 1759.
59Ibid, fo 8, lettre du 6 juillet 1759.
60Ibid, no 63, fo 1, lettre du 27 juin 1759.
61La chose est moins fréquente qu’on pourrait le croire, si l’on suit les travaux de Tessier Alexandre, Réseaux diplomatiques et République des Lettres. Les correspondants de Sir Joseph Williamson (1660-1680), Paris, Honoré Champion, 2015.
62Ibid, no 51, fo 1, lettre du 30 mars 1759.
63Solf Hans-Heinrich, Gottfried Achenwall. Sein Leben und sein Werk. Beitrag zur Göttinger Gelehrtengeschichte, Diss. Göttingen, 1938.
Auteurs
CNRS, UMR 8547, Pays Germaniques : Transferts Culturels
Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, IHMC

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