Les ambiguïtés de l’« expert » en diplomatie
Autour des Empresas políticas de Diego de Saavedra Fajardo (1640-1642)
p. 135-156
Texte intégral
1Diego de Saavedra Fajardo (1584-1648) est bien connu à la fois des spécialistes de la littérature politique produite en Espagne dans la première moitié du xviie siècle et des historiens de la guerre de Trente Ans. Ce lettré, dernier né d’une famille d’échevins aisés de la région de Murcie1, fit son droit à Salamanque à l’aube du xviie siècle et servit Philippe IV d’Espagne comme diplomate durant de nombreuses années. Il est habituel de signaler que sa carrière culmine par la mission que lui confie le roi entre 1643 et 1646, lors des négociations qui précèdent la signature des traités de Münster. Poète, littérateur, Diego de Saavedra Fajardo est aussi auteur de pamphlets et de nombreux écrits de circonstance2. Son Idea de un político christiano en cien empresas, recueil de devises3 plus connu sous le nom de Empresas políticas, est imprimé pour la première fois à Munich en 1640, avec des chalcographies conçues et exécutées dans l’atelier des frères Stadeler4. C’est l’œuvre la plus connue du polygraphe murcien. Elle fut aussi la plus traduite de son vivant, dans sa deuxième édition imprimée à Milan en 16425. Celle-ci fut scrupuleusement révisée par Saavedra. Dans la préface au lecteur de ce véritable manuel d’éducation du prince, le Murcien exprime sa volonté de transmettre un savoir à recevoir à la fois par la vue et par l’ouïe (por los ojos y los oídos6). Une telle formule, conservée d’une édition à l’autre, introduit des affinités particulières entre le genre de la littérature emblématique dont relève le recueil, à la composante iconographique essentielle, et l’art de la diplomatie7. Le topos selon lequel l’ambassadeur est le prolongement du corps du prince procède de la tradition médiévale des différentes versions du Secretum secretorum du pseudo-Aristote. Roger Bacon, auteur d’une de ses nombreuses adaptations, explique que « le messager ou l’envoyé du roi est son œil pour ce qu’il ne peut voir, son oreille pour ce qu’il ne peut entendre, et sa langue en son absence8 ».
2Les ouvrages consacrés aux ambassadeurs apparaissent comme l’une des caractéristiques les plus significatives de la construction du discours politique moderne9 ; ils établissent progressivement les liens entre légats du pape et ambassadeurs des princes et manifestent que l’essor des ambassades accompagne l’affirmation des souverainetés10. En Espagne, le développement de la diplomatie sous Philippe II11 puis surtout sous Philippe III12, ainsi que la volonté de trouver des moyens moraux pour aborder la question du gouvernement et de la raison d’État après Machiavel et Botero13, conduisent à une réflexion intense sur la diplomatie. L’augustin Juan Márquez, dans son Gobernador Christiano (1612), est un des premiers à aborder la question en Espagne, en l’incluant dans un ouvrage sur les conditions d’une vraie politique chrétienne14. Mais c’est Juan Antonio de Vera y Zúñiga, futur comte de la Roca, qui formalise le premier ouvrage en castillan entièrement consacré à l’ambassadeur en 162015. Après la déclaration de guerre de la France à l’Espagne, les Empresas políticas de Saavedra Fajardo font de la transmission de l’expérience diplomatique la ligne directrice de la formation politique du prince. L’entrée en matière de l’ouvrage suppose ainsi que les formes de relations et les techniques de négociation entre souverains sont le cœur de la « matière politique », et que la maîtrise de ce savoir est indispensable à qui entend gouverner16. Le contexte de la guerre de Trente Ans sert de toile de fond à ces réflexions. La période des traités de Westphalie correspond à une multiplication des congrès de paix entre États. Les pratiques de négociation y connaissent des évolutions notoires : les traités revêtent un caractère multilatéral (ou sont la somme de plusieurs négociations bilatérales), des États tiers interviennent pour garantir les accords passés entre puissances souveraines, s’affirme la définition de la neutralité des États17 ; la hiérarchisation entre petits États et puissances impériales est bouleversée et les croyances religieuses jouissent d’une égalité théorique de droits.
3Dans un tel contexte, pour légitimer son travail d’écriture, Saavedra évoque sa longue expérience de trente-quatre années au service du roi et ses missions dans les plus grandes Cours européennes. Outre qu’ils affichent l’expérience du diplomate qui se fait auteur pour la transmettre, ces propos scellent le lien qui unit chez lui écriture et jeu social, même s’il proclame conventionnellement s’adonner à l’écriture pour cultiver son otium :
« J’écrivais dans les auberges ce que j’avais pensé par devers moi sur le chemin, lorsque la correspondance ordinaire avec le roi notre seigneur et avec ses ministres, ainsi que les autres affaires publiques qui étaient à ma charge, me laissaient quelque liberté18. »
4Le topos de l’écriture non professionnelle signale bien davantage qu’elle ne masque l’insistance sur l’expérience acquise, laquelle prend de l’ampleur d’une édition à l’autre. Or, dans son traité, Vera fait de l’expérience la clé de voute de la compétence de l’ambassadeur :
« On ne peut en [aucune] façon du monde prescrire ces règles particulières, ni mesme les comprendre, il n’y a point de livre qui les puisse enseigner ni dire ce que c’est : il n’y a que deux maistres pour cette doctrine, qui sont le naturel et l’expérience19. »
5Cette définition, qui met au cœur de la réflexion l’application de principes généraux aux cas particuliers, ne décrit plus seulement un naturel ni une vertu. Elle assoit une compétence fondée sur un savoir sédimenté par l’expérience, et qui doit déboucher sur une prise de décision du roi et de ses conseils. Saavedra Fajardo reprend à son compte cette primauté de l’expérience et prend soin d’actualiser, dans la préface de 1642, la liste de ses différentes missions au service du roi.
6Or, entre 1640 et 1642, on sait qu’il réoriente notablement le contenu des gloses de certaines devises des Empresas políticas. Les picturae sont parfois également modifiées. Il semble qu’il y ait un va-et-vient dynamique entre l’expérience et sa théorisation, entre usages diplomatiques et normes générales édictées sur l’action politique. D’une part, se développe très explicitement un discours de légitimation et de valorisation de l’action d’écriture qui revêt toute son importance dans le cursus honorum du diplomate. De fait, Saavedra reçoit du monarque une gratification sociale peu après la publication de chacune des deux éditions des Empresas : l’habit de Saint-Jacques en 1640 et en 1643, une mission de prestige, celle de ministre plénipotentiaire au congrès de Münster. D’autre part et de manière réversible, le discours normatif se trouve réajusté d’une édition à l’autre en fonction du contexte politique, de sorte que le savoir publié semble tributaire de jeux transactionnels dans lesquels, à la fois acteur agissant sur ordre et conseiller, le diplomate se situe de manière ambiguë. S’articulent ainsi de façon complexe un mouvement généralisant, doctrinal et normatif et en contrepoint, un mouvement inverse d’individuation ; outre qu’elle renvoie à la définition du service diplomatique tel que la donne Vera en 1620, une telle tension induit la question de la marge de manœuvre du diplomate dans son action et partant, celle de l’auteur dans la généralisation édifiante qu’il opère à partir de son expérience personnelle.
7Tout en tenant ensemble les deux facettes de la figure de ce diplomate auteur, nous débuterons notre réflexion par un temps d’analyse sémantique et notionnelle en contexte. Une lecture du traité de Vera, traduit dans toute l’Europe après sa publication à Séville en 162020, guidera notre questionnement. Dans quelle mesure, le profil du diplomate tel que l’esquisse Vera peut-il être dit « expert » ? Et de quoi serait-il expert ? Comme d’autres auteurs diplomates, Saavedra Fajardo semble avoir su faire interagir à merveille l’écriture et l’action politique, la promotion de soi et la réflexion de portée générale. C’est à la lumière de ce double parcours que nous tenterons d’éclairer certains des réajustements opérés dans la réédition des Empresas datée de 1642, et d’en comprendre les implications au regard du statut de l’expert.
Le diplomate, un expert ?
8Le terme « expert » existe dans la langue française du xviie siècle. César Oudin le donne, en 1607, comme équivalent du vocable castillan experto21 et comme synonyme de deux adjectifs dont les traductions consignées dans son dictionnaire sont explicites :
« cursado : expert, qui a expérimenté et pratiqué beaucoup de choses, […] rusé, affiné.
escarmentado : expérimenté, rendu sage et avisé par expérience, expert ».
9Le substantif « experto » n’est pas mentionné par Covarrubias dans son Tesoro de la lengua castellana (1611), mais il choisit de définir le terme experiencia en lien avec le verbe « experimentar » : « Expérience : du latin experientia. C’est la connaissance et l’intelligence de quelque chose que l’on a su par l’usage en l’essayant et en l’expérimentant sans l’enseignement d’un autre. » Cette définition met l’accent sur la pratique accumulée par un expert autodidacte et les traductions d’Oudin introduisent la sagesse qui en découle22. C’est en ce sens que Saavedra consacre toute la glose de la devise 30 « FULCITUR EXPERIENTIIS » (elle est soutenue par les expériences) à la notion d’expérience. Il la définit conventionnellement comme mère de prudence et de sagesse : « l’autre [l’expérience] qui est une habitude de la raison, [s’obtient] par la connaissance du bien & du mal, par l’usage & par l’exercice23 ». L’importance accordée à l’expérience est un topos des littératures comportementales qui fleurissent à partir du xvie siècle mais cela ne peut suffire à éclairer l’insistance du diplomate ; car cet habitus de la raison, décrit dans la devise 30, structure l’ensemble du recueil. Il est non seulement la colonne vertébrale de la science du gouvernement mais aussi, selon Vera, fervent lecteur de Tacite et de Juste Lipse, celle de l’office de diplomate.
10Vera débute son recueil en dressant une liste hiérarchisée de l’ensemble des offices attachés au gouvernement de la monarchie, assortie de leurs champs de compétences respectifs. L’office d’ambassadeur vient la conclure, non comme l’office le plus bas mais au contraire, comme celui qui ne souffre de comparaison avec aucun autre. Il est le plus nécessaire, le plus difficile et le plus périlleux car il établit les liens entre souverains en l’absence du mandataire. Cette mission confère sa complexité à l’office et exige des talents appropriés. Il n’y a rien de fortuit à ce que Vera place sa définition de l’ambassade immédiatement après un passage consacré à la convocation des juntas, ces réunions réduites d’experts, convoquées temporairement et ad hoc par le roi, afin de résoudre un problème politique particulier :
« Les choses graves et susceptibles de causer du danger […] et les affaires très importantes où l’échec suffirait à troubler le royaume, ne sont pas confiées à tous ; elles passent par les mains des membres les plus choisis et les plus entendus des différents tribunaux avec lesquels l’on forme habituellement une junte. C’est ainsi que procédait généralement Philippe II, notre seigneur. Mais l’office d’ambassadeur me semble relever de réalités plus complexes encore et le choix de celui qui va l’exercer me semble devoir être particulièrement pensé24. »
11Ce passage, supprimé dans la traduction française, compare le choix des hommes dans le cas de deux procédures, l’ambassade et la junta, lesquelles soumettent à des hommes compétents des problèmes urgents et ponctuels en vue d’une résolution rapide. Ce cadrage sémantique et notionnel fait du diplomate celui qui aide à la prise de décision politique à propos d’un espace, d’une temporalité et des circonstances particuliers. Son champ de compétences est décisif car un défaut de son savoir peut entraîner la guerre ou la paix. Son savoir sur le pays où il est envoyé, sur ses institutions, sa mémoire des négociations passées, toutes les informations (« noticias ») qu’il recueille ou qu’il mobilise en contexte sont des données indispensables. La mission diplomatique requiert en outre une capacité d’adaptation hors du commun. L’ambassadeur nous dit Vera, n’est souvent pas prévenu de ce dont il va traiter :
« il est en danger d’être surpris, sur des propositions qui se font ordinairement sur le champ, auxquelles il n’a jamais pensé (car il n’est pas un ange), et le surplus des affaires est remis à son jugement et à sa délibération, selon que le temps et les occasions le requièrent25 ».
12Le diplomate est soumis à l’occasion, à la variété des temps que les instructions de son prince ne peuvent anticiper, aussi longues et détaillées soient-elles ; grâce à son expérience et à son savoir, il peut exercer ponctuellement sa capacité délibérative sur les affaires et négociations (double acception du terme castillan « negocios ») qui se présentent inopinément à lui. Olivares remarque en octobre 1639 que « la première règle de toutes est de guetter en permanence l’imprévu et l’accidentel26 ».
13Vera requiert l’ingenium de l’ambassadeur, sa capacité d’invention, laquelle couplée à l’expérience permet l’exercice d’une prudence mixte, inspirée de Juste Lipse, qui conduit à taire le vrai ou à user de feinte, si la réputation du prince mandataire est en péril. En dessinant le profil d’un diplomate prudent et habile, qui sait juger des cas à la manière des casuistes27, par l’application adéquate du général au particulier, Vera se démarque d’une certaine littérature normative antérieure qui assimile l’ambassadeur à un ange, messager du roi28 ; car la parenthèse de Vera, dans le passage cité, refuse précisément de comparer l’ambassadeur à un ange et d’en faire un « médiateur d’amour », tel que l’entendait Le Tasse. Vera insiste certes sur la conciliation exercée par l’ambassadeur29. Mais dans son traité, se profilent déjà deux voies : d’une part, une institutio legati qui participe de cette culture éthico-politique tendant à décrire et discipliner les nouveaux rôles sociaux, bureaucratiques, militaires, gouvernementaux30 ; et d’autre part, la mise en valeur d’un art de la négociation fondé sur les apports de la prudence mêlée ou levis fraus de Lipse qui n’exclut pas la dissimulation lorsque les nécessités publiques l’exigent31.
14C’est en 1715 que l’ouvrage de François de Callières rompit de façon nette avec le thème canonique de l’ambassadeur et de ses vertus. Le projet de Vera n’est pas aussi radical32. Son ouvrage peut néanmoins être mal évalué si l’on ne prend en compte que la traduction française de Nicolas Lancelot, publiée en 1635. De fait, Vera n’a jamais intitulé son ouvrage Le parfait ambassadeur mais El enbaxador, sans l’adjectif qui tire le profil de l’officier vers la représentation idéelle. Contre le titre que lui assigne son traducteur, le livre de Vera consacre peut-être davantage l’aptitude à négocier d’un expert en diplomatie, capable de cette écriture de l’urgence que sont les missives diplomatiques, que le profil de l’ambassadeur parfait.
15Vera fait partie du réseau des relations sociales de Saavedra. Diplomate comme lui, il s’est formé dans le cercle sévillan érudit où évoluait Gaspar de Guzmán, le futur comte-duc d’Olivares33. La glose de la devise 30 se nourrit de l’apport de Vera. Si elle souscrit conventionnellement à la définition normative qui fait de l’expérience le ferment de la prudence et de la juste action dans les négociations, les exemples tirés des anciens et des modernes qu’elle convoque circonscrivent un champ de compétences propre à l’expert, par opposition à celui qui ne l’est pas (inexperto34). Saavedra reprend alors des thématiques qu’il emprunte à Vera sur le choix du personnel diplomatique35. Comme lui, il discute le choix des hommes de religion, puis le rend possible après l’avoir réfuté en termes choisis :
« Chez eux [les religieux], le secret n’est pas toujours fiable, car ils obéissent moins au prince qu’à leurs supérieurs dans les mains desquels tomberont chiffres et documents, s’ils décèdent36. »
16Dans cette réfutation, papiers et chiffres pour rendre ces derniers secrets, apparaissent comme les outils de l’expert en diplomatie ; des outils qui risquent de desservir la monarchie par la faute des hommes de religion, souvent plus fidèles à leur supérieur qu’au roi. Saavedra laisse des centaines de lettres d’une correspondance nourrie avec le monarque et de nombreux dignitaires politiques internationaux ; y sont consignés propos rapportés, rumeurs, tractations entre intermédiaires (medianeros37), sentiment personnel sur le degré de vérité des assertions recueillies38, ou sur l’avancée des négociations39. Outre ce matériau informatif transmis au jour le jour, il signa des mémoires à propos de ses séjours opérant, à l’inverse de l’urgence de l’écriture diplomatique, une patrimonialisation de son savoir expert40.
Un parcours bien négocié : l’expert à l’ombre du valido
17Le 14 juin 1640 Philippe IV écrit à l’empereur, son cousin :
« Il m’a semblé convenir que le marquis de Castañeda revienne en Espagne et j’ai donc ordonné à don Diego de Saavedra Fajardo, de mon Conseil suprême des Indes qu’il parte me servir auprès de Votre Majesté dans la résidence de l’ambassade. En effet c’est un de mes ministres les plus informés et les plus expérimentés ; il essaiera de vous servir pour la satisfaction et l’agrément de Votre Majesté, ainsi que je l’en ai chargé41. »
18On retrouve dans cette lettre la sémantique employée par Vera et Saavedra, appliquée aux usages de la civilité entre souverains ; elle nous indique la façon dont étaient présentés les experts en négociation et en matière diplomatique auprès de qui ils étaient envoyés. Les qualités exaltées chez celui qui doit remplacer l’ambassadeur Castañeda pour officier comme ministre auprès de Ferdinand III, insistent sur les informations (noticias) solides et nombreuses dont il dispose grâce à son expérience. Il s’agit de préparer la Diète impériale qui s’ouvrira à Ratisbonne le 13 septembre.
19En 1640, Saavedra jouit de fait d’une solide réputation. Il a une longue carrière derrière lui. Bachelier en jurisprudence et droit canon de l’université de Salamanque depuis 1606, il débute sa carrière internationale en Italie. Dès 1608, il est à Rome au service du futur cardinal Gaspar de Borja. Il est son secrétaire particulier lorsque Borja devient ambassadeur intérimaire de l’Espagne auprès du Saint-Siège en 1616, vice-roi de Naples en 1620 puis ambassadeur officiel à Rome à partir de 1631. Saavedra est chargé du chiffre de l’ambassade entre 1617 et 162342, s’y occupe des affaires de Naples et de Sicile. En février 1631, lors d’un court séjour à Madrid, Saavedra soumet au jugement d’Olivares deux textes manuscrits : Introducciones a la política, très fortement inspiré de La Politique d’Aristote, et Razón de estado del rey católico Don Fernando, adressé au roi, et qui emprunte sa substance à l’Historia general de Juan de Mariana. Saavedra signe les épîtres dédicatoires de ces deux textes en tant que chapelain du comte-duc43. Lors de la rédaction de ses Empresas, le Murcien se servira de la matière du second texte. Il y conseille notamment que le valido soit nommé président des Conseils et des Tribunaux royaux. Cette proposition sera reprise telle quelle dans les Empresas44. C’était un vœu d’Olivares que d’être appelé ministre du roi et non « privado », et d’intégrer ainsi plus institutionnellement les rouages de l’administration de la monarchie45. Comme Quevedo, Malvezzi et Vera, Saavedra fait partie des hommes de lettres qui entourent Olivares durant son ministériat. En 1631, Saavedra a 47 ans et semble chercher auprès du valido une évolution de sa carrière. Les textes remis ne semblent pas avoir été appréciés au point de donner lieu à une publication éditoriale du vivant de l’auteur. Mais le parcours littéraire de Saavedra se poursuit et il a les honneurs des hommes de lettres de son temps. Lope de Vega fait son éloge dans son Laurel de Apolo publié en 1631. La même année, Saavedra participe par deux dizains au recueil poétique de circonstance Anfiteatro de Felipe el Grande (Madrid, 1631), dans lequel José Pellicer, chroniqueur royal, réunit les meilleurs esprits de la cour pour louer un exploit du roi daté du 13 octobre 163146.
20La trajectoire littéraire de Saavedra est donc entourée de la reconnaissance des pairs. Chronologiquement, elle suit pas à pas sa carrière diplomatique ; car 1631 est également l’année où Saavedra aide à négocier l’appui du prince électeur luthérien de Saxe, Jean-Georges Ier, à l’empereur Ferdinand III. La lettre qu’envoie Saavedra au comte-duc depuis Rome, le 24 juillet 1632, témoigne de ses convictions en matière de négociation, de son pragmatisme, de sa capacité de persuasion et de sa foi dans l’entretien des clientèles au cœur du Saint-Empire :
« Et pour tout cela, il convient également que Sa Majesté envoie une personne qui accompagne le duc de Bavière et le convainque d’amitié envers Sa Majesté, car du peu d’affection qu’il a pour elle est issue une grande part des maux présents. Votre excellence est si prudente et si versée dans la matière politique qu’elle sait que dix mille ducats utilisés dans ces négociations auront plus d’effets que deux cent mille investis dans les armes47. »
21En 1633, c’est bien encore Saavedra qui est envoyé par le roi en Bavière afin de gagner à la cause impériale le prince électeur Maximilien Ier et de récolter toutes les informations possibles sur les relations entre le prince et la France48. En 1637, alors qu’il a assisté l’année précédente à l’élection de Ferdinand III comme roi des Romains à Ratisbonne, Saavedra rédige le Discurso sobre el estado presente de Europa, où il décrit la situation européenne à la fin des années 1630. Le texte est envoyé au Cardinal-Infant, gouverneur des Pays-Bas espagnols, et encore à Olivares. Nous ne détaillerons pas ici l’ensemble de l’abondante production de Saavedra, pas plus que l’ensemble de ses missions49. Mais ces quelques jalons aident à tracer le cadre de l’échange symbolique qu’entretient Saavedra avec le favori de Philippe IV dont l’ombre50 protectrice s’étend sur le cursus honorum de ce « diplomate de l’esprit ». Les Empresas políticas n’échappent pas à cette configuration, encore que l’œuvre déploie des stratégies scripturaires bien plus complexes.
Réajustements et enjeux socio-politiques du savoir expert : la deuxième édition des Empresas
22En juin 1640, date où Philippe IV écrit à l’empereur pour lui recommander la personne de son ministre, le manuscrit des Empresas est déjà prêt pour l’impression. La dernière pièce imprimée, la dédicace à Baltasar Carlos l’est moins d’un mois après. Elle est datée du 10 juillet 1640. Le 27, Saavedra envoie un exemplaire imprimé au Cardinal-Infant depuis Ratisbonne où il se trouve depuis deux jours. Il y prépare désormais la Diète impériale qui s’ouvrira le 13 septembre51. Auparavant lors d’un séjour à Madrid, Saavedra a sollicité l’habit de l’ordre militaire de Saint-Jacques-de-Compostelle. Quelques jours après l’ouverture de la Diète, Philippe IV le fait chevalier de l’ordre par cédule royale. Son investiture a lieu à Ratisbonne le 21 janvier 164152.
23Entre-temps, Saavedra a écrit plusieurs fois au secrétaire du Cardinal-Infant pour savoir si l’exemplaire envoyé a bien été reçu53. Cette préoccupation répétée attire l’attention. Elle a partie liée avec la suite du processus de publication pendant laquelle Saavedra reprend de façon notable le contenu de la première édition. Tout d’abord parce qu’il a constaté des errata nombreuses54. Mais les changements constatés d’une édition à l’autre permettent de comprendre que la raison en est plus contextuelle et idéologique que typographique.
24En juin 1640, la Catalogne s’est révoltée, puis en décembre, le Portugal fait sécession. La monarchie hispanique est atteinte au cœur de la péninsule. Le favori de Philipe IV se trouve dans une posture politique de plus en plus fragile. Les hommages explicites rendus à Olivares dans la devise 58 « CVSTODIVNT NON CARPVNT » (ils surveillent sans en tirer bénéfice) disparaissent dans l’édition milanaise55, qui, de fait, n’a pas été distribuée avant octobre 1643, soit dix mois après la disgrâce du comte-duc et son remplacement dans l’entourage du roi par son neveu Luis de Haro. Dans l’édition de Munich, la grande majorité des citations se réfère à l’œuvre de Tacite. Dans l’édition milanaise, ce sont les notes marginales se rapportant à la Bible qui sont ajoutées en masse56. Les références à l’auteur des Annales dans la littérature politique du temps servaient souvent à s’appuyer sur l’apport de Machiavel sans citer les œuvres du Florentin mises à l’Index. Le rééquilibrage opéré réoriente l’affichage idéologique de l’ouvrage. La prudence courtisane de l’homme de lettres semble avoir primé sur les convictions du diplomate, à tout le moins en apparence57.
25Dans l’édition de Milan, s’affirme une volonté de légitimation par les pairs du travail d’écriture. Plusieurs missives rédigées en latin apparaissent au seuil de l’ouvrage, notamment celles qu’échangent, en octobre 1643, Saavedra et l’humaniste Hendrick van den Putten, connu sous son nom latin, Ericius Puteanus58. Le diplomate est alors sur le chemin de Münster pour rejoindre la ville où il est envoyé comme plénipotentiaire au « congrès universel pour la paix59 ». Dans ses lettres, Puteanus parle d’ouvrages envoyés et reçus, de ces échanges de livres imprimés qui font partie de l’activité diplomatique60 ; il loue les capacités de bon négociateur de son correspondant : « Et quis aptior paci tractandae erat61 ? » (Qui pourrait être mieux indiqué pour traiter de la paix ?). Professeur à l’université de Louvain où enseigna Juste Lipse, Puteanus est historiographe du roi d’Espagne et conseiller de l’archiduc Albert. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et préfacier de divers traités dont celui, anti-français, que l’on doit au médecin de la chambre de Philippe IV, Jean-Jacques Chifflet : Vindiciae Hispanicae publié à Anvers en 164562. Saavedra connaît bien Chifflet. Il le fréquente longuement lorsqu’il séjourne à Besançon et entretient avec lui des liens d’amitié63. Le paratexte des Empresas situe donc l’ouvrage dans le cadre d’une République des lettres qui s’étend en Franche-Comté et en Flandres, et qui recoupe un réseau d’agents, diplomates ou hommes de lettres, défendant les intérêts de la monarchie hispanique au niveau international. Les pièces liminaires posent Saavedra en expert du savoir diplomatique mais aussi en membre de la sociabilité lettrée du parti espagnol en Europe. Pour asseoir sa légitimité au service de l’éducation du prince, l’auteur pratique donc l’autolégitimation et exhibe de façon érudite son appartenance à un réseau international d’hommes de lettres fidèles à Philippe IV, au sein des territoires de la monarchie. Le roi lui-même recourt aux talents d’écriture de Saavedra à diverses reprises. En janvier 1644, il lui demande de faire en sorte que circulent quelques « petits écrits » en défense de l’union entre l’Empereur et les princes du Saint-Empire, et en faveur du rapprochement entre la Hollande et l’Espagne64. Saavedra anticipe en rédigeant la Carta de un holandés en 1642 et les Suspiros de Francia en 164365.
« Mélanger le vrai et le faux », jeux d’écriture dans l’édition milanaise des Empresas
26Ce service d’écriture, exécuté sur ordre royal, n’oblitère pas d’autres actions singulières d’écriture, décelables dans les Empresas. Car l’inflexion idéologique constatée n’est pas la seule évolution que fait subir ce technicien du chiffre à la matière de son ouvrage. On sait que les références marginales aux Saintes Écritures, qui remplacent en 1642 celles qui renvoyaient aux œuvres de Tacite, manifestent, dans l’espace de la page imprimée, l’allégeance de l’auteur à la « bonne » raison d’État chrétienne contre les politiques machiavéliens, dans la lignée d’un Pedro de Ribadeneyra. Mais Jorge García López a démontré qu’en maints endroits, elles ne sont qu’un « maquillage esthétique » offert à l’œil du lecteur alors même que le contenu de la glose situé en regard ne change pas d’une édition à l’autre66. C’est le cas dans la devise 42 « OMNE TVLIT PVNCTVM » (qui a gagné tous les suffrages) de l’édition de Milan. Le passage traite de la nécessité de mêler le vrai et le faux dans les négociations et envisage l’exemple de Tibère :
« Dans les négociations, il convient de mêler la douceur avec la gravité et les tromperies avec les vérités à condition que ce soit opportun et sans offenser la bienséance ni la gravité de l’affaire traitée. Ce en quoi l’empereur Tibère s’illustra particulièrement67. »
27Tibère est généralement employé comme figure du tyran et comme anti-modèle du bon gouvernant68. Ici, son exemple, tiré des Annales de Tacite69, est au contraire valorisé. D’une édition à l’autre, le contenu du passage n’a pas changé et l’expression, tirée de la sémantique littéraire de la tromperie (burlas y veras), est conservée pour qualifier le travail diplomatique. Mais dans les notes marginales, à la référence aux Annales sont venues s’ajouter, comme pour la tempérer, une référence à Horace et une au livre de l’Ecclésiaste. Parfois encore, alors que la citation marginale se réfère à la Bible, le contenu de la glose est un démarquage quasi littéral de certains passages des œuvres de Machiavel70. L’expert en négociations établit plusieurs strates de réception de l’ouvrage et oriente vers une interprétation biaisée de sa prose le lecteur inexpérimenté en littérature politique.
28Il faut sans doute mettre ces ajustements, travestissements et jeux de masque au compte d’une certaine prudence politique et d’un indéniable pragmatisme, preuve de la dépendance sociale de celui qui se pose en expert. Requérir une lecture elle-même experte permet d’éviter censures et critiques. Or, Saavedra a des ennemis à la cour qui s’opposent à sa progression dans l’administration royale71. Par ailleurs il ne fut pas ambassadeur en titre à Münster72 et il aspirait à avoir davantage de pouvoir en matière de négociation que celui qui lui était octroyé. Dans une lettre au marquis de Castel Rodrigo datée d’avril 1645, le roi Philipe IV explique pourquoi il relève Saavedra de ses fonctions de ministre plénipotentiaire à Münster, octroyées en juin 1643 :
« Selon ce que l’Empereur nous a écrit, ce que Don Diego a fait comprendre aux représentants de l’empire à Münster [menaces de suspensions des armes et de traité particulier] a beaucoup étonné car c’est totalement contraire à la tentative qui a été faite et à ce qu’il convient de faire pour que mes intérêts soient toujours unis dans cette négociation à ceux de sa Majesté Césarienne et à ceux des princes et des états qui lui obéissent ; cette façon de discourir a favorisé la désunion que l’on considère comme très préjudiciable pour tous. Je suis également étonné du fait qu’il se dise mon ambassadeur car ce titre n’a jamais été concédé à Don Diego73. »
29Déjà, en 1644, le roi est informé que Saavedra refuse d’assister à une procession du Corpus Christi organisée en faveur de la paix, en raison de la présence de l’ambassadeur de France74. Saavedra profite de toutes les occasions protocolaires pour conserver la première place pour les représentants de la monarchie hispanique ; lors d’un Te deum donné en octobre 1644 en la cathédrale de Münster en l’honneur de l’élection du nouveau pape, il oblige les représentants de la France à choisir un emplacement moins avantageux que le sien75.
30En 1645, Saavedra se plaint au marquis de Castel Rodrigo de ce que le roi contraint ses diplomates à l’attentisme :
« Aujourd’hui, j’ai reçu la lettre de Sa Majesté avec le refrain habituel qui nous demande de ne rien faire. Si nous ne sommes pas bons pour œuvrer, nous le serons encore moins pour être conseillers des autres76. »
31Les négociations sont au point mort pour des raisons de préséance avancées par les Français, au sujet des pouvoirs octroyés aux ministres présents. Saavedra s’impatiente. Il est possible qu’il ne croie plus à la paix77. Une de ses convictions semble reposer sur le fait que les diplomates résidents sont bien mieux informés que les ambassadeurs de passage. En 1633, alors qu’il est consulté en tant qu’expert pour donner son avis au sujet de la nomination d’un agent diplomatique permanent à Rome, il écrit qu’il convient de choisir :
« Un sujet de qualité et de valeur, qui a l’intelligence des affaires et la connaissance des deux droits, car il doit examiner les brefs et les bulles, répondre et faire des rapports sur une grande variété d’affaires et même être conseiller des ambassadeurs, lesquels, comme ils se déplacent, ont besoin d’informations de la part de celui qui est officier perpétuel sur place78. »
32Le texte de son avis, non daté, mais qu’on peut situer après la nomination de Juan de Chumacero comme ambassadeur à Rome en 1633, accorde toute son importance à l’envoyé permanent du roi, seul garant de la mémoire des affaires négociées sur place alors que l’ambassadeur en titre est remplacé fréquemment. Les envoyés permanents sont les véritables experts, indispensables recours pour ceux qui sont nommés ambassadeurs. Saavedra pose de fait le problème de la délimitation des compétences en matière diplomatique et des conditions pour les exercer dans les officines permanentes, présentes dans les grandes capitales européennes. L’agent ou le ministre résident est moins haut placé dans la hiérarchie que l’ambassadeur et jouit d’une capacité décisionnaire moindre. Mais il dispose d’une connaissance indispensable du terrain, cœur de son savoir expert. En référer à un personnage mieux placé dans la hiérarchie mais éloigné des opérations annule la possibilité d’être réactif dans la négociation, du fait des lenteurs du courrier. Temporalité et situation géographique conditionnent l’exercice de la compétence diplomatique. Saavedra se plaint de façons répétées que le fait d’en référer constamment au marquis de Castel Rodrigo, l’entrave dans la progression de ses pourparlers.
33En 1645, Saavedra semble avoir outrepassé ses prérogatives alors qu’il n’avait pas les coudées franches pour négocier de son propre chef. Il semble aussi s’être prévalu d’un titre qu’il n’avait pas. L’expert est sorti des limites de sa mission. À la suite de cet incident, le roi souhaite le déplacer à Bruxelles et envoie le comte de Peñaranda à Münster, avec le statut d’ambassadeur plénipotentiaire. L’expert est désavoué et sa mission s’achève, même s’il voit la possibilité que les pouvoirs octroyés au comte, et dont il ne bénéficiait pas, fassent avancer les négociations.
34Ce revers est révélateur du positionnement paradoxal et ambigu de l’expert. En cas de situation de tension, sa condition sociale, par la dépendance qu’elle induit, entre en conflit avec l’affirmation de ses positions pour le discréditer. Il tente d’imposer ses certitudes nourries par sa grande expérience et son savoir expert mais il échoue à le faire car il a employé des moyens illégitimes. « Qui demande et espère ne peut se fâcher quand il convient », disait déjà Saavedra dans l’avis qu’il rendait en 163379. Pourtant, en juillet 1645, le comte de Peñaranda écrit au roi :
« Don Diego de Saavedra a le caractère que l’on sait. Je peux croire qu’il aura donné matière à ce que Monsieur l’Empereur a écrit de lui. Mais son dévouement est très grand et les ministres de l’Empereur et des Electeurs agissent de telle sorte que parfois ils conduisent à quelque emportement. Je ne me suis pas résolu à le faire partir d’ici car je présume qu’en ma compagnie il pourra corriger quelques défauts et parce que véritablement je refuse de rester sans ministre espagnol80. »
35En exprimant son besoin d’un bon connaisseur des négociations en cours, le comte de Peñaranda rend hommage aux compétences de l’expert qu’est à ses yeux don Diego. Et les nécessités de l’ambassade diffèrent le déplacement de Saavedra qui ne rejoint Bruxelles qu’en mars 164681.
36Ces dissensions tiennent à un faisceau de causes : tensions entre les délégations espagnole et française, discordances sociales entre les hommes de la délégation espagnole, oppositions politiques à Saavedra à Madrid, divergences de vue dans la façon de mener les négociations entre les experts en diplomatie et le monarque et ses conseillers madrilènes. S’y ajoutent les soupçons qu’un autre plénipotentiaire du roi, Antoine Brun, nourrit à l’égard de Saavedra ; il lui reproche de ne pas lui communiquer toutes les informations dont il dispose82. Les actions de l’expert tentent de repousser les limites du cadrage de sa mission. Il y a aussi ces questions de préséances sur place qui, loin d’être des conflits d’orgueil nobiliaire, sont en fait des gestes diplomatiques dans le cadre de luttes d’influence, signes que les relations se raidissent entre Vienne et Madrid, notamment sur la question des pourparlers à mener avec la France. Le courrier du comte de Peñaranda est éloquent à cet égard.
37Au moment de Münster, se cristallisent les évolutions divergentes que connaissent les politiques menées par le Saint-Empire et le gouvernement de Madrid. Alors que depuis le règne de Philippe II, un réseau de clientèle serré a été mis en place dans le Saint-Empire pour se développer de manière cruciale sous Philippe III, les défauts de paiement des pensions aux clients du Roi Catholique se multiplient, sapant sa réputation de solvabilité mais aussi la confiance que les ministres de l’Empereur peuvent mettre en lui et en son administration83. Au tournant des années 1640, avec l’implication de la Monarchie catholique sur plusieurs fronts (Saint-Empire, Flandres, Italie, France) à laquelle s’ajoutent les soulèvements en Catalogne et au Portugal, le maintien des clientèles et la présence espagnole dans l’espace impérial semblent passer au second plan84. Les subsides versés à l’ambassade de Vienne diminuent et le sont par l’intermédiaire des banquiers génois au lieu de l’être par un agent espagnol présent sur place85. Sur le terrain, Saavedra se plaint du manque de subsides pour entretenir clientèles et agents86. Par ailleurs, l’attitude des puissances représentées à Münster face à la France atteste d’une redistribution des cartes géostratégiques en Europe. Les Portugais et les Catalans envoient à Münster des ministres qui négocient à l’avantage des Français87. Le nonce du pape agit en faveur de Paris.
Fig. 1. – Devise no 79, édition de 1640, p. 564.

Exemplaire Bayerische StaatsBibliothek, Munich, cote Res/4 Pol. g. 185.
Fig. 2. – Devise no 77, édition de 1642, p. 583.

Exemplaire BNE, cote R/3470.
38Ces évolutions sur l’échiquier européen affectent la théorisation normative et la généralisation doctrinale que dresse Saavedra de son expérience diplomatique dans les Empresas. Elles sont suggérées de façon subreptice mais bien visible à l’œil attentif. D’une édition à l’autre, l’une des devises consacrées à l’éloge de l’office d’ambassadeur (« PRAESENTIA NOCET » [sa présence est préjudiciable]) est légèrement modifiée dans sa pictura. Elle représente une éclipse de lune cachant la lumière du soleil sur la terre et se réfère symboliquement à la présence néfaste d’un prince auprès d’un autre. Pour conserver l’amitié entre deux princes, même s’ils sont frères, mieux vaut les tenir éloignés l’un de l’autre. En manière d’hommage au service diplomatique et reprenant le thème du faiseur d’amitié entre les princes, Saavedra affirme que la conservation de ces liens amicaux se fera mieux « par l’intermédiaire de ministres et de correspondances88 ». Cette défense et illustration des correspondances constitue un plaidoyer pro domo de l’expertise en diplomatie et de l’efficacité des missions sur le terrain (fig. 1 et 2).
39En 1640, le globe terrestre illuminé par le soleil ne présente aucun contour précis de nature à indiquer l’un ou l’autre État de l’Europe. Dans l’édition milanaise, la vision partielle du globe montre de façon très reconnaissable le pourtour nord de la Méditerranée, la péninsule ibérique sur son flanc est, la péninsule italienne dans sa totalité et les contours de la mer adriatique. L’atelier milanais a transformé la cartographie imaginaire de la première édition en une géographique très discernable, centrée sur la Méditerranée. L’ouverture oblongue qui est ménagée sur le monde par l’encadrement de la pictura renvoie à une conception géostratégique précise que le diplomate murcien, dans le soin qu’il a apporté aux modifications de la deuxième impression, n’a pu laisser au hasard de l’inspiration des graveurs italiens89. D’autant que, dans la pictura de la dernière devise du recueil, la réorientation d’une édition à l’autre va dans le même sens (fig. 3 et 4).
40En 1640, Saavedra fait illustrer les attributs royaux, sceptre et couronne, posés sur un sépulcre, orné de deux guirlandes de fruits marquant la prospérité. Point de représentation cartographiée du monde sous le sépulcre du monarque qui s’éteint, laissant à son successeur les attributs royaux. La devise « HOC SOLVM SVPEREST » (cela seul reste) illustre cette perpétuation de la dignité royale par-delà la mort. En 1642, la devise « FVTVRVM INDICAT » (elle indique le futur) promet un avenir illuminé par les rayons du soleil couchant, symbole du règne finissant dont les bienfaits éclaireront les pas du successeur. Mais dans la pictura, le globe terrestre et les contours marqués du monde méditerranéen rendent plus lisibles les territoires représentés, orientant l’œil du lecteur vers une lecture territorialisée de la représentation. José María Jover avait fait remarquer la clairvoyance de Saavedra qui avait compris, selon lui, que la monarchie universelle sous l’égide des deux branches des Habsbourg était inatteignable90. Lors de la négociation, les Français exigeaient que tous les princes électeurs de l’Empire soient représentés. Selon Saavedra, les intérêts de la Monarchie hispanique qui avait tant payé pour l’Empire s’en trouvaient fortement affectés91. En 1648, la situation atteindra un point critique lorsque, contre l’union indéfectible avec le Roi Catholique, Ferdinand III acceptera de conclure une paix séparée avec les Français et les Suédois. Dans l’édition milanaise des Empresas, le diplomate réussit à ne pas se départir de ses convictions. Il les offre en manière de conseil iconographique à l’héritier de la couronne par le truchement mnémotechnique de la pictura : à défaut d’une sauvegarde de l’union dynastique s’impose un recentrage géostratégique sur la Méditerranée, selon la politique qu’avait toujours menée Ferdinand le Catholique, cité en référence dans la glose. La doctrine du moraliste fortement teintée du savoir politique et historique du négociateur transforme le diplomate expert en conseiller du prince. Limité dans sa marge de manœuvre lors des négociations, sapé dans sa réputation de négociateur international au moins à partir de 164292, Saavedra investit pleinement le champ de la publication éditoriale. Même soumis à la censure du politique, le texte publié et illustré, par la diversité des stratégies scripturaires et iconographiques qu’il met en œuvre, fait aussi passer un message géostratégique. Saavedra y met en scène sa compétence et ses conseils afin de maintenir une renommée relative apte à lui faire accéder aux charges auxquelles il aspire. Les Empresas políticas semblent avoir eu alors la double vocation de défendre certaines options géostratégiques prônées par l’expert alors moins écouté, mais aussi de parfaire la renommée internationale de l’auteur.
Fig. 3. – Devise no 100, édition de 1640, p. 704.

Exemplaire Bayerische StaatsBibliothek, Munich, cote Res/4 Pol. g. 185.
Fig. 4. – Devise no 101, édition de 1642, p. 743.

Exemplaire BNE, cote R/3470.
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41Si l’on doit considérer du point de vue de l’histoire sociale des experts la carrière de Saavedra, un épilogue s’impose. À son retour à Madrid en 1646, il est promu à la charge de conducteur des ambassadeurs93. Cette charge au sein de l’entourage royal constitue une sorte d’aboutissement de son itinéraire courtisan. Créé par les ordonnances royales de 1626, le rôle de conducteur des ambassadeurs devait être confié à un homme de confiance et à un bon connaisseur des « affaires du monde » car celui-ci avait pour fonction de faire respecter le cérémonial de réception des ambassadeurs et de régler les modalités de leurs audiences par le roi. Un tel règlement permettait d’éviter les conflits de préséance94 mais aussi les indiscrétions95. Par ailleurs, Saavedra occupe désormais sa place à la chambre du Conseil des Indes avec 50 000 maravédis de pension96. Le revers de 1645, malgré les oppositions politiques, n’avait donc pas tout à fait compromis le cursus honorum courtisan du diplomate.
42Dans ce parcours, le prestige des Lettres est un atout considérable pour légitimer le savoir de l’expert, son crédit auprès du roi et du valido. Mise en œuvre de pratiques d’autolégitimation, production de preuves de loyauté ou de reconnaissance par les pairs, affichage de conseils doctrinaux et moraux, le service des Lettres permet au diplomate juriste d’affirmer sa compétence, de défendre encore ses options géostratégiques, d’accéder à des charges convoitées et d’obtenir une pension de conseiller. Cette valorisation des savoirs experts permet une ascension sociale et courtisane qui trouve sa conclusion au retour à Madrid du diplomate auteur. Saavedra a également fait en sorte qu’elle se perpétue familialement. Son neveu Gregorio de Saavedra le suit dans ses déplacements au moins depuis la diète de Ratisbonne de 1640, faisant ainsi un apprentissage sur le terrain de la mission diplomatique97.
43La conscience de son savoir expert a néanmoins conduit Saavedra à une attitude de résistance pour rester fidèle à ses certitudes en matière politique, acquises de l’expérience. Cela le conduit à faire usage de pratiques d’écriture oblique, masquée, subreptice, pour maintenir ses positions malgré un affichage plus lisse. Ses réseaux politiques et ses loyautés d’expert en diplomatie lui permettent même d’activer des circuits d’impression du livre hors de la péninsule qui échappent au contrôle royal. Il obtient du marquis de Castel Rodrigo une licence d’impression que le roi lui refusait pour la publication de son ouvrage Corona Gótica, qui finalement n’est pas publié de son vivant98. Cette trajectoire singulière, non linéaire, entre moralisation de la charge et promotion de soi, entre loyauté et convictions propres, entre expertise et conseil, entre tendance à la professionnalisation et aspiration à l’honneur, fait que Saavedra rompt avec la figure de l’ambassadeur tel que la dépeignait le Moyen Âge en la cantonnant dans l’« ordre du reflet du roi ».
Notes de bas de page
1Il a sans doute été apparenté à la famille des Fajardo, marquis de Vélez.
2Édition récente de ces écrits auparavant peu accessibles : Villacañas Berlanga José Luis (dir.), Rariora et Minora Diego de Saavedra Fajardo, Murcie, Tres Fronteras, 2008.
3Jean Rou, traducteur de Saavedra traduit « empresa » par « devise », Le Prince chrestien et politique, traduit de l’espagnol de Dom Diègue Savedra Faxardo, Paris, La Compagnie des Libraires du Palais, 1668. Sur la question de la nature des « empresas » de Saavedra : López Poza Sagrario, « Emblemática », in Pablo Jauralde Pou (dir.), Diccionario filológico de literatura española, siglo XVII, Madrid, Castalia, vol. 2, 2010, p. 742-759.
4Ramaix Isabelle de, Les Stadeler, graveurs et éditeurs, Catalogue de l’exposition Bibliothèque Albert 1er, Bruxelles, 14 février-28 mars 1992, p. 18.
5Le frontispice de l’édition fait apparaître la date de 1642 mais certaines pièces du paratexte sont datées de 1643, ce qui atteste une distribution postérieure. Sur la diffusion internationale de l’ouvrage, Saavedra Fajardo D. de, Empresas políticas, Madrid, Cátedra, 1999, éd. Sagrario López Poza, introduction, p. 128-134. Désormais et sauf indication contraire, toutes les citations de l’ouvrage seront tirées de cette édition notée Empresas Políticas.
6Empresas Políticas, dédicace au prince Baltasar Carlos, p. 169.
7On considère les Empresas políticas comme un des premiers traités espagnols de l’emblématique politique. Pour des exemples de précédents en Europe, voir Emblemata politica de J. Bruck Angermundt (Cologne, 1618, adressé à l’empereur Matthias), Praz Mario, Studies in Seventeenthcentury Imagery : A bibliography of emblem books, Warburg Institute, 1947, édition augmentée, Rome, 1975, p. 192-197.
8Bacon Roger, Secretum Secretorum cum glossis et notulis tractatus brevis et utilis ad declarandum quedam obscure dicta fratris Rogeri, éd. R. Steele, Oxford, 1920, p. 147-148, cité par Stéphane Péquignot, « Les ambassadeurs dans les miroirs des princes en Occident au Moyen-Âge », in Stefano Andretta, Stéphane Péquignot et Jean-Claude Waquet (dir.), De l’ambassadeur. Les écrits relatifs à l’ambassadeur et à l’art de négocier du Moyen Âge au début du xixe siècle, École française de Rome, 2016. Topos déjà présent dans les Siete Partidas d’Alfonse X ou chez Panfilo Persico, Il segretario (1620), Waquet Jean-Claude, « La lettre diplomatique. Vérité de la négociation et négociation de la vérité dans quatre écrits de Machiavel, du Tasse et de Panfilo Persico », in Jean Boutier, Sandro Landi et Olivier Rouchon, Politique par correspondance. Les usages politiques de la lettre en Italie (xive-xviiie siècle), Rennes, PUR, 2009, p. 52.
9Frigo Daniela, « Prudenza politica e conoscenza del mondo : un secolo di riflessione sulla figura dell’ambasciatore (1541-1643) », in Stefano Andretta, Stéphane Péquignot et Jean-Claude Waquet (dir.), De l’ambassadeur, op. cit.
10Waquet Jean-Claude, « Les écrits sur l’ambassadeur et l’art de négocier : “un genere di riconoscibile omogeneita” ? », in ibid.
11Hugon Alain, Au service du Roi Catholique, « honorables ambassadeurs » et « divins espions » : représentation diplomatique et service secret dans les relations hispano-françaises de 1598 à 1635, Madrid, Casa de Velázquez, 2004.
12García García Bernardo, La Pax Hispanica. Política exterior del Duque de Lerma, Leuven University Press, 1996.
13Les œuvres de Nicolas Machiavel sont mises à l’index tridentin en 1564.
14Márquez Juan, El gobernador christiano deducido de las vidas de Moysen, Josué, príncipes del pueblo de Dios, Salamanque, Francisco de Cea Tesa, 1612.
15Vera y Figueroa Juan Antonio de, El enbaxador por don Juan Antonio de Vera i Zúñiga, Séville, Francisco de Lyra, 1620. Vera est élevé en 1628 au rang de comte de Roca par le roi grâce à Olivares. Par désir d’élévation sociale, Vera signe ses livres du patronyme Vera y Zúñiga et non de son nom Vera y Figueroa. Fernández-Daza Carmen, Juan Antonio de Vera, 1er conde de la Roca (1583-1658), Badajoz, Diputación provincial de Badajoz, 1994, p. 132.
16Voir devise no 43 « VT REGNARE SCIAT » (afin de savoir gouverner).
17Lesaffer Randall, « La dimensión internacional de los Tratados de Paz de Westfalia », in Bernardo García García, 350 años de la Paz de Westfalia. Del antagonismo a la integración en Europa, Madrid, Biblioteca Nacional, Fundación Carlos de Amberes, 1999, p. 33-53 ; Cardim Pedro, « Diplomacia y diplomáticos en tiempos de Saavedra », Diego de Saavedra Fajardo. Soñar la paz, soñar Europa, catalogue de l’exposition de Murcie, Centro de Arte Palacio Almudí, 28 avril-27 juillet 2008, p. 94-129. Saavedra participe à cette réflexion sur la neutralité en l’appliquant à la question des cantons suisses. Il y a séjourné comme diplomate entre 1636 et 1639. Cf. glose de la devise no 95, Empresas Políticas, p. 982-991 et Noticias sobre la neutralidad entre le condado y el ducado de Borgoña, Rosa de Gea Belén (éd.), in José Luis Villacañas Berlanga (dir.), Rariora et Minora, op. cit, p. 329-351. Mise en perspective de l’expertise diplomatique en France depuis la guerre de Trente Ans : Jeanneson Stanislas, Jesné Fabrice et Schnakenbourg Éric (dir.), Experts et expertises en diplomatie. La mobilisation des compétences dans les relations internationales, Rennes, PUR, 2018.
18Empresas Políticas, p. 172.
19Vera y Figueroa Juan Antonio de, El enbaxador, op. cit., fo 12 ro-12 vo. Traduction Nicolas Lancelot, Paris, sans nom d’éditeur, 1642 (1re, Paris, A. de Sommaville, 1635), p. 25-26.
20Traduction en néerlandais, Leiden, Theodore Haak, 1709 ; en italien, Venise, 1649.
21Oudin César, Tesoro de las dos lenguas castellana y francesa, Paris, Marc Orry, 1607.
22L’idée que l’on a recourt à un expert pour produire une expertise n’est pas présente chez Oudin ni chez Covarrubias mais apparaît à la fin du xviie siècle, par exemple chez Furetière, Dictionnaire universel, 1690, article « Expertise ».
23Empresas Políticas, p. 426. Traduction de Jean Rou, Saavedra Fajardo Diego de, Le prince chrestien et politique, traduit de l’espagnol… par Jean Rou, Paris, La compagnie des libraires du Palais, 1668, devise 30, p. 312.
24Vera y Figueroa Juan Antonio de, El enbaxador, op. cit., discours premier, fo 11 ro.
25Ibid, discours premier, fo 11 vo. Trad. Nicolas Lancelot, op. cit, p. 23.
26Elliott John H., Olivares (1587-1645). L’Espagne de Philippe IV, Paris, Laffont, 1992 (1986), p. 35, extrait de El conde duque sobre el reparo de las cosas de Alemania, 23 octobre 1639, AGS, Estado, dossier 2054.
27Chaline Olivier, « L’ambassadeur selon les casuistes », in Lucien Bély et Isabelle Richefort (dir.), L’invention de la diplomatie. Moyen Âge-Temps modernes, Paris, PUF, 1998, p. 47-69.
28Le terme latin legatus désignait à la fois l’ange et le légat du pape. Conrad Braun dans son De legationibus Libri quinque (Mayence, 1548) instaure durablement la comparaison entre légat et ange dans la littérature sur la diplomatie. On la retrouve notamment chez le Tasse ; voir Ménager Daniel, Diplomatie et théologie à la Renaissance, Paris, PUF, 2001.
29Vera y Figueroa Juan Antonio de, El enbaxador, op. cit., discours premier, fo 14 ro.
30Quondam Amadeo, Forma del vivere. L’etica del gentiluomo e i moralisti italiani, Bologne, Il Mulino, 2010 ; Bury Emmanuel, Littérature et politesse L’Invention de l’honnête homme 1580-1750, Paris, PUF, 1996 ; Patrizi G. et Quondam A. (dir.), Educare il corpo, educare la parola nella trattatistica del Rinascimento, Rome, Bulzoni, 1998 ; Van Delft Louis, Les moralistes. Une apologie, Paris, Folio, 2008.
31Lagrée Jacqueline, Juste Lipse. La restauration du stoïcisme, Paris, Vrin, 1994, p. 92-95.
32Waquet Jean-Claude, « Callières et l’art de la négociation », in Stefano Andretta, Stéphane Péquignot et Jean-Claude Waquet (dir.), De l’ambassadeur, op. cit.
33Elliott John H., Olivares, p. 34-50 ; Fernández-Daza Carmen, Juan Antonio de Vera, op. cit. ; López-Cordón Cortezo María Victoria, « Juan Antonio De Vera y Zúñiga (1583-1658). Modello di ambasciatori o specchio di trattatisti ? », in Stefano Andretta, Stéphane Péquignot et Jean-Claude Waquet (dir.), De l’ambassadeur, op. cit. ; Bély Lucien, « L’utopie de paix en Espagne », e-Spania, no 21, juin 2015, mis en ligne le 26 mai 2015, [http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/e-spania/24413], consulté le 29 mars 2019.
34L’adjectif est appliqué à la figure de Phormion qui donnait à Hannibal des leçons sur l’art de la guerre sans en avoir l’expérience. Épisode raconté par Cicéron, De oratore, XI, 18, 75-76.
35Vera y Figueroa Juan Antonio de, El enbaxador, op. cit., fo 22 vo-25 vo. Empresas Políticas, p. 427.
36Empresas Políticas, p. 427.
37Diego de Saavedra au marquis de Castel Rodrigo, Münster, 30 mai 1645, BEUM, t. II, fo 245 ro-245 vo, in Sònia Boadas, Dos epistolarios inéditos de Diego de Saavedra : un diplomático en el Franco Condado y en Münster, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2015, p. 314.
38« J’ai pu apprendre que le Vénitien a dit que ce que disent les Césariens est la vérité, ce dont les deux médiateurs doivent donner l’assurance, et que dorénavant, ils ne veulent pas que l’on traite si ce n’est par écrit et avec toutes les précautions nécessaires » (ibid.).
39« Je ne vois rien dans cette assemblée qui ne soit contre Dieu et contre les hommes », Diego de Saavedra au marquis de Castel Rodrigo, Münster, 3 juin 1645, in ibid, p. 315.
40Rosa de Gea Belén, introduction à l’éd. de Noticias del Tratado de neutralidad entre el condado y ducado de Borgoña in Villacañas Berlanga José Luis (dir.), Rariora et minora, op. cit., p. 329-334.
41Philippe IV à l’empereur, Madrid, 14 juin 1640, ANC, Fondo Blanes-Centelles y Saavedra, no 65, fo 175 ro in Boadas Sònia, Dos epistolarios, op. cit., p. 417.
42Sánchez Jiménez Antonio et Sáez Adrián J., Saavedra Fajardo y la confederación helvética, Kassel, Reinchenberger, 2017, p. 9-10.
43Édition de ces deux textes par Elena Cantarino in Villacañas Berlanga José Luis (dir.), Rariora et minora, op. cit., p. 145-205. García López Jorge, « Quevedo y Saavedra : dos contornos del seiscientos », La Perinola, no 2, 1998, p. 237-262.
44Empresas Políticas, devise no 49 « LVMINE SOLIS » (par la lumière du soleil), p. 583.
45Tomás y Valiente Francisco, Los validos en la monarquía española del siglo xvii, Madrid, Siglo Veintiuno Editores, 1990, p. 84-85.
46L’exploit du roi : avoir tué un taureau d’un tir d’arquebuse en plein front. Poèmes de Saavedra retranscrits par Jorge García López in Villacañas Berlanga José Luis (dir.), Rariora et minora, op. cit, p. 71, 104-105.
47Aldea Vaquero Quintín, introduction à D. de Saavedra Fajardo, Empresas políticas, Madrid, Nacional, 1976, p. 32-33.
48Negredo del Cerro Fernando, La guerra de los treinta años. Una visión desde la Monarquía Hispánica, Madrid, Síntesis, 2016 ; Bourdeu Étienne, Les Archevêques de Mayence et la présence espagnole dans le Saint-Empire, xvie-xviie siècle, Madrid, Casa de Velázquez, 2016.
49Dernières mises au point bibliographiques et philologiques, Boadas Sònia, Locuras de Europa : Diego de Saavedra Fajardo y la guerra de los Treinta Años, Madrid, Iberoamericana/Vervuert, 2016 ; Sánchez-Jiménez Antonio et Sáez Adrián J., Saavedra Fajardo y la confederación helvética, op. cit. ; Monostori Tibor, Saavedra Fajardo and The Myth of Ingenious Habsburg Diplomacy. A New Political Biography and Sourcebook (1637-1646), La Corogne, SIELAE, 2019.
50Devise 49 : « Que le favori agisse comme une ombre et non comme un corps », Empresas Políticas, p. 586. La comparaison entre le valido et l’ombre (comme ombre projetée du soleil royal) ou la lune (par opposition au soleil royal) est un topos de la littérature politique du temps.
51Pouvoir octroyé par Philippe IV le 25 juin 1640, Boadas Sònia, Epistolario, op. cit, p. 401-402. Source : ANC, Fonds Blanes-Centelles y Saavedra, no 65, fo 161 ro-162 ro.
52Boadas Sònia, « Diego de Saavedra Fajardo, caballero de Santiago », BRAE, t. XCII, 2012, p. 5-20.
53Aldea Vaquero Quintín, introduction à D. de Saavedra Fajardo, Empresas políticas, op. cit., p. 32-33.
54Ibid.
55La devise 58 porte le no 53 dans l’édition milanaise. Le passage supprimé a trait à la victoire espagnole du 7 septembre 1638 à Fontarrabie contre les Français. Saavedra l’attribue à la prudence du comte-duc.
56Empresas Políticas, p. 68.
57García López Jorge, « Quevedo y Saavedra », art. cité ; « Observaciones sobre la tradición clásica en las Empresas políticas », in Eugenia Fosalba Vela et Carlos Vaíllo (coord.), Literatura, sociedad y política en el Siglo de Oro, Bellaterra, Universitat Autònoma de Barcelona, 2010, p. 335-352 ; « Sobre una edición “corregida” de las Empresas políticas », in Natalia Fernández Rodríguez et María Fernández Ferreiro (coord.), Literatura medieval y renacentista en España : líneas y pautas, Salamanque, SEMYR, 2012, p. 575-583.
58La première page de l’édition de Milan est datée de 1642 mais les lettres figurant dans le paratexte le sont de 1643 : Erycius Puteanus à Guillaume de Bitterwick, Louvain, 3 octobre 1643 ; Erycius Puteanus à D. de Saavedra Fajardo, Louvain, 6 octobre 1643 ; Réponse de D. de Saavedra à Erycius Puteanus, Bruxelles, 13 octobre 1643. Empresas Políticas, p. 186-192.
59Boadas Sònia, « Camino a la paz : el viaje de Saavedra Fajardo a Münster », in Pilar Caballero-Alías, Felix Ernesto Chávez et Blanca RipollSintes, Del verbo al espejo. Reflejos y miradas de la literatura hispánica, Barcelone, PPU, 2011, p. 74-75.
60Fumaroli Marc, « La diplomatie de l’esprit », in Lucien Bély et Isabelle Richefort (dir.), L’Europe des traités de Westphalie. Esprit de la diplomatie et diplomatie de l’esprit, Paris, PUF, 2000, p. 5-11.
61Empresas Políticas, p. 186.
62Ellies du Pin Louis, Nouvelle Bibliothèque des Auteurs Ecclésiastiques, t. XVI, Utrecht, Jean Broedelet, 1730, p. 270
63Boadas Sònia, « Camino a la paz », art. cité, p. 74.
64Villacañas Berlanga José Luis (dir.), Rariora et Minora, op. cit, p. 356.
65Ces deux textes édités par Belén Rosa de Gea in ibid., p. 355-391.
66GarcíaLópez Jorge, « Quevedo y Saavedra », art. cité.
67Empresas Políticas, p. 522.
68Carrasco Martínez Adolfo, « Épaminondas de Thèbes, miroir de la noblesse. La construction du je nobiliaire à partir des modèles classiques », Cahiers de la Méditerranée, no 97/2, 2018, p. 299.
69Tacite, Annales, IV, 4, 60.
70García López Jorge, « Observaciones sobre la tradición clásica en las Empresas políticas », art. cité et « Sobre una edición “corregida” de las Empresas políticas », art. cité.
71Saavedra avait postulé sans succès à la charge de Secretario de despacho en remplacement de Jerónimo de Villanueva. Boadas Sònia, Locuras de Europa. Diego de Saavedra Fajardo y la guerra de los Treinta Años, Madrid, Iberoamericana/Vervuert, 2016, p. 23-24.
72Cardim Pedro, « Diplomacia y diplomáticos en tiempos de Saavedra », art. cité ; Sáez Adrián J., « El ingenio de la diplomacia : Saavedra Fajardo, el conde de Rebolledo y los reyes del norte », Studia Aurea, no 8, 2014, p. 91-110. Saavedra n’était pas noble titré et n’avait ni la condition sociale ni le patrimoine nécessaire pour assumer les dispendieuses charges d’ambassadeurs. Fraga Iribarne Manuel, Don Diego de Saavedra Fajardo y la diplomacia de su época, Madrid, Artes Gráficas, 1956, p. 454-455.
73Fraga Iribarne Manuel, Don Diego de Saavedra y Fajardo y la diplomacia de su época, op. cit., p. 355-356.
74Lettre de Luis Pereira de Castro pour le secrétariat d’État portugais, 10 avril 1644, Bibliothèque nationale de Lisbonne, Caixa 199, no 42, fo 119 vo, cité par Cardim Pedro, « Diplomacia y diplomáticos en tiempos de Saavedra », art. cité, p. 105.
75Boadas Sònia, Locuras de Europa, op. cit, p. 199-201.
76Lettre de Diego de Saavedra Fajardo au marquis de Castel Rodrigo, 25 mars 1645. Aldea Vaquero Quintín, introduction à Saavedra Fajardo D. de, Empresas políticas, op. cit, p. 27.
77Bouzy Christian, « Diego de Saavedra Fajardo o el diplomático panfletario : una visión española de la paz », Empresas políticas, no 9, 2007, p. 109-114. Boadas Sònia, Locuras de Europa, op. cit., p. 25-27.
78« Parecer de Diego de Saavedra sobre la forma de la agencia de España en Roma », non daté. Bibliothèque de Besançon, ms. Chifflet, 22, fo 224 vo-225 vo cité par Boadas Sònia, Dos epistolarios inéditos, op. cit., p. 397.
79Boadas Sònia, Dos epistolarios inéditos, op. cit., p. 397.
80Comte de Peñaranda à Philippe IV, Münster, 11 juillet 1645, CODOIN, t. LXXXII, 1884, p. 94.
81Boadas Sònia, Dos epistolarios inéditos, op. cit., p. 33.
82Antoine Brun au marquis de Castel Rodrigo, Münster, 26 novembre 1644, BEUM, t. II, fo 84 vo-85 vo, Boadas Sònia, Dos epistolarios inéditos, op. cit., p. 160-161.
83Bourdeu Étienne, Les archevêques de Mayence, op. cit., partie III.
84Parker Geoffrey, La guerre de Trente Ans, Paris, Aubier, 1987, p. 376.
85Bourdeu Étienne, Les archevêques de Mayence, op. cit., partie III.
86Diego de Saavedra au marquis de Castel Rodrigo, Münster, 5 décembre 1644, BEUM, t. II, fo 101 vo, Boadas Sònia, Dos epistolarios inéditos, op. cit., p. 177.
87Cardim Pedro, « Diplomacia y diplomáticos en tiempos de Saavedra », art. cité.
88Empresas Políticas, p. 852.
89Les chalcographies de l’édition milanaise ont été probablement exécutées par plusieurs graveurs dont Giovanni-Paolo Bianchi dit Cristoforo Bianchi, actif à Rome et à Milan au xviie siècle, Strutt Joseph, A biographical Dictionary containing an historical account of all the Engravers, Londres, J. Davis, 1785, p. 92 et 100 ; Bénézit Emmanuel, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs dessinateurs et graveurs, (1939), Saint-Ouen, Librairie Gründ, 1960, t. I, p. 644-645.
90Jover José María, 1635. Historia de una polémica y semblanza de una generación, Madrid, CSIC, 2003 (1947), p. 399-404.
91Saavedra dit en 1646 : « Au bout du compte, Monsieur, les guerres que mène aujourd’hui Sa Majesté sont dues au Saint Empire. La faiblesse de la Castille est due, pour partie, aux largesses et aux aides concédées à l’Allemagne et aujourd’hui l’Espagne n’a pas de plus grands ennemis que les princes allemands. Donner de l’argent aux amis n’est pas les conserver mais devoir leur donner encore » (Fraga Iribarne Manuel, Don Diego de Saavedra y Fajardo y la diplomacia de su época, op. cit., p. 532-533).
92Monostori Tibor, Saavedra Fajardo, op. cit, p. 81 et suivantes. L’auteur y étudie plusieurs périodes entre 1640 et 1644 qu’il considère comme des moments de rupture de confiance entre Saavedra et Olivarès puis entre Saavedra et le roi. Je remercie Christian Bouzy de m’avoir fait connaître cette référence lors de sa publication.
93Aldea Vaquero Quintín, Introduction à Saavedra Fajardo D. de, Empresas políticas, op. cit, p. 28. Sur cette charge, Hugon Alain, Au service du Roi catholique, op. cit., p. 367 et Ochoa Brun Miguel Ángel, « Los embajadores de Felipe IV », in José Alcalá-Zamora y Queipo de Llano (coord.), Felipe IV. El hombre y el reinado, Madrid, RAE/CEEH, 2005, p. 218-223.
94Tercero Casado Luis, « “Un atto tanto preguiditiale alla mia persona” : casos de conflictos de precedencia entre Madrid y Viena (1648-1659) », Obradoiro de historia moderna, no 21, 2012, p. 287-307.
95Hugon Alain, Au service du Roi Catholique, op. cit., p. 367.
96Aldea Vaquero Quintín, introduction à Saavedra Fajardo D. de, Empresas políticas, op. cit, p. 28.
97Présentation des services de Gregorio de Saavedra à Philippe IV. ANC, Fonds familial Blanes-Centelles y Saavedra, no 65, fo 44 ro-45 ro, document non daté, in Boadas Sònia, Locuras de Europa, op. cit, p. 199-200.
98Ibid., p. 28-29.
Auteur
Université Côte d’Azur, LIRCES

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