Offre et demande d’expertise politique en France au xviie siècle
p. 61-73
Texte intégral
1L’idée – l’idéologie peut-être – de l’expertise contemporaine repose sur le couple formé par une instance de décision (solitaire ou collective) et un expert extérieur à cette instance appelé par elle, du fait de sa compétence reconnue, à formuler ponctuellement un avis sur un sujet donné. Cette conception de l’expertise existe bien déjà dans la France du xviie siècle, assise sur une solide tradition de pratiques judiciaires, comme en témoignent les dictionnaires du temps, par exemple celui de Furetière (1690) :
« expert, adj : qui est habile en son art. Un maréchal expert. Ce chirurgien est fort habile en son art. expert est quelque fois substantif et signifie un homme habile et connoissant en quelque chose, qu’on nomme pour la faire visiter et en faire le rapport. Les reparations seront visitées par experts et gens à ce connoissant. Les parties conviendront d’experts, autrement il en sera nommé d’office. On paye les fruits du rachat d’un relief au dire des experts ».
2Les exemples pris par Furetière sont cependant au plus loin de l’idée d’une expertise en politique. L’expertise est une pratique d’artisans, à qui l’on ne reconnaît guère de compétence en matière politique au xviie siècle…
3Réfléchir à la politique d’Ancien Régime à partir de la catégorie de l’expertise permet ainsi de revenir sur la question de la figuration d’une compétence en politique quand on n’est pas déjà dans la confiance du prince. Marcel Gauchet, dans un article classique ample et inspirant, a argumenté l’hypothèse d’une « déchiffrabilité » nouvelle des actions du pouvoir au xviie siècle liée au triomphe de la raison d’État, laquelle est fondée en principe sur un intérêt supérieur du prince, objectivable, et que dès lors tout un chacun pourrait s’essayer à deviner. Ce moment de la raison d’État serait ainsi un jalon capital dans l’histoire longue de l’avènement de l’espace public1. La raison d’État inaugurerait-elle le règne des experts, analystes attentifs de la politique des princes, et propres à conseillers ces derniers ? Christian Jouhaud, en commentant cet article, a mis en doute la possibilité qu’il existe au xviie siècle, à la différence de ce qu’écrit M. Gauchet, un « observateur impartial » de la politique2. En effet, tout acteur social en position d’observer se trouvait lui-même pris dans l’action politique du fait de son appartenance aux corps ou aux clientèles qui organisaient la vie politique à cette époque, selon des configurations mouvantes qui n’étaient saisissables du reste que lorsque l’on était soi-même engagé dans le jeu politique. Or tout individu engagé dans ce jeu était plutôt conduit, « pour préserver ses intérêts propres d’acteur, [à] tenter de brouiller les fonctionnements de ces intérêts en action, sous peine de rendre son savoir inopérant dans l’action3 ». L’expert ne pourrait l’être qu’a posteriori, une fois dépris des enjeux du moment.
4Les pages qui suivent proposent un prolongement ou un déplacement de ce débat du côté de la figuration de l’expertise politique. Notre hypothèse est qu’il n’est guère possible, de revendiquer une expertise politique au xviie siècle depuis une position d’extériorité au pouvoir. L’idée de faire appel à un expert heurte à la fois les formes anciennes de gouvernement par conseil – où c’est le corps qui décide collectivement – et l’inflexion absolutiste de la monarchie française, par laquelle le lien domestique est privilégié par rapport au statut, si bien qu’il est difficile d’imaginer pouvoir donner un conseil à un puissant si l’on n’a pas déjà noué un lien personnel avec lui. Dans ce modèle, le conseiller du prince est comme résorbé dans le prince ; il n’est que son prolongement, une émanation de son autorité politique exprimée dans le choix de ceux qui l’entourent.
5Les revendications d’une compétence en politique n’en existent pas moins au xviie siècle, de la part d’acteurs sociaux en quête de postes ou de reconnaissance. Ces revendications passent par une écriture susceptible de permettre à leurs auteurs respectifs de se présenter comme installés du bon côté de la barrière séparant le pouvoir de ce qui lui est extérieur. On s’intéressera dans cette perspective au Desseins des professions nobles et publiques, un traité publié en 1605 et republié en 1612, dont Marcel Gauchet s’est servi dans son article, car son auteur, Antoine de Laval décrit (et décrie) un engouement public pour l’usage de la notion de raison d’État. On voudrait recontextualiser l’image que propose Laval d’un peuple qui n’a que le mot de « raison d’État » à la bouche, à partir de la question de l’expertise telle qu’elle se pose à Laval lui-même. L’analyse de la raison d’État, de ceux qui en parlent, et de la manière dont on devrait en parler, réalisée par Antoine de Laval dans ses Desseins – première théorisation française de la raison d’État, produit d’importation italienne – est inséparable de l’intervention que constitue ce traité dans le cours de la trajectoire sociale de son auteur. Laval peut être considéré comme un grand « politique » devant l’éternel, très hostile aux protestants comme aux ligueurs. Ces pages qui lui sont consacrées contribuent ainsi peut-être à l’exhumation de ce qui serait un « moment Henri IV » de la raison d’État.
Raison d’État et publicité de la politique
6Marcel Gauchet a mis en évidence, dans les écrits politiques produits dans l’entourage du pouvoir royal durant la première moitié du xviie siècle, une tension qui travaille la forte mise en avant de la notion de « raison d’État ». L’autonomisation de l’État comme instance pacificatrice au terme des guerres de Religion, qui consiste en un déboîtement des fins de l’État par rapport à une politique toute chrétienne, serait selon lui la véritable origine du surgissement de la notion de « raison d’État » dans l’horizon politique européen à la fin du xvie et au début du xviie siècle. Cette autonomisation aurait eu deux conséquences contradictoires sur le rapport au secret et à la publicité de la politique royale, et partant sur la possibilité qu’émergent des figures d’expert4.
7Si l’on regarde comme le fait M. Gauchet les livres produits dans l’entourage du cardinal de Richelieu des années 1620 aux années 1640, « l’État de la raison d’État, c’est d’abord un discours d’autorité énonçant une prétention à l’indiscutable au nom du secret5 ». Ces ouvrages insistent sur le fait que seuls de rares initiés, situés dans le pouvoir, sont capables de maîtriser l’ensemble des paramètres à prendre en compte dans une décision qui correspondent à l’intérêt de l’État ou bien promeuvent les « mystères de l’État » comme nouveau lieu de la sacralité royale. En outre cette période est aussi celle où l’accent est fortement mis sur le « droit divin », dont une déclinaison est le colloque singulier du monarque et de Dieu au cours duquel s’effectue la prise de décision. Au total, cet ensemble de représentations produit la raison d’État comme dissociée de tout autre type de considération, comme un savoir spécial, et les décisions prises en fonction d’un tel savoir comme impénétrables. Dans ce cas, point de possibilité qu’adviennent des figures d’expert.
8Cependant « le secret se retourne tendanciellement en son contraire. Le même ressort qui fonde par un côté les conducteurs de l’État à exciper d’un retranchement sans discussion ni appel, voue par l’autre côté leurs entreprises à la déchiffrabilité et partant à la controverse6 ». En effet, même si les thuriféraires de la raison d’État dénoncent volontiers la vaine prétention de ceux qui discutent des décisions royales alors qu’ils ne peuvent rien en savoir au juste, il n’en reste pas moins que ces décisions étant supposément tournées vers la conservation de l’État, et uniquement fondées sur l’intérêt de ce dernier, leurs raisons peuvent être déduites par le raisonnement. De là l’instauration théorique d’un espace de publicité de la politique, cadre intellectuel de formation, un siècle plus tard, de l’« opinion publique ». L’analyse souligne de manière frappante combien, dès le xviie siècle, l’accent mis sur le secret des décisions pouvait exciter en retour des gestes de dévoilement, par exemple dans les pamphlets produits par des adversaires du cardinal de Richelieu. Mais M. Gauchet va plus loin en arguant que l’instauration de « l’État de la raison d’État » dans la France d’après les guerres de Religion a bien été un moment inaugural dans l’appropriation potentielle de la politique d’État par un public débordant les cercles du pouvoir.
9Or on ne voit pas bien pourquoi les individus ordinaires n’auraient pas pu tenter de raisonner sur les décisions des souverains de la Renaissance en tentant d’objectiver les fins poursuivies, au seul motif d’une plus grande adéquation, en ce temps-là, des buts du prince à des fins religieuses – quand bien même on accepterait le postulat discutable que l’intérêt ne conduisait pas en fait dès avant Henri IV la politique monarchique. Le critère d’une telle appropriation ne saurait être la production pamphlétaire, très abondante déjà comme chacun sait dans les temps forts des guerres de Religion. À l’appui de son hypothèse, M. Gauchet livre une petite série de citations d’époque dans lesquelles il est question de gens du commun parlant de la raison d’État. Deux concernent l’Italie – patrie d’origine de la notion – et deux la France. La recontextualisation de la principale d’entre elles va nous conduire vers une possible figure d’expert qui ne se présente pourtant pas comme tel.
Antoine de Laval, guerre civile et raison d’État
« Nous sommes arrivés en une saison si pleine de liberté, d’ignorance et de fainéantise mère de toute pernicieuse curiosité que jusques aux moindres soldatins, aux petits artisans, chacun se mêle de dire son avis des conseils publics, et gloser les desseins et actions de son prince et de ceux qui le représentent. Il ne leur suffit plus d’être gouvernés : chacun veut savoir pourquoi et comment on le gouverne. Il n’y a si petit homme qui ne dise (dès qu’il voit arriver quelque chose au-delà de sa portée) cela se fait par raison d’État, par maxime d’État7. »
10Cet extrait date de 1612. Il vient des Desseins des professions nobles et publiques, traité de 1605 réédité augmenté à cette date, et arrime la (prétendue) nouveauté d’un intérêt pour la discussion de la chose publique par un public large à la thématique de la raison d’État. Il frappe par la violence avec laquelle ce peuple qui entend raisonner se trouve ici stigmatisé. M. Gauchet note bien cette stigmatisation (qui se retrouve dans les autres citations qu’il produit dans son article), mais sans intégrer cette donnée à son analyse. Pourtant la raison d’État désigne en fait ici l’aveuglement populaire. Laval poursuit en effet en montrant que personne ne sait au juste ce que c’est que la raison d’État, cette notion venue d’Italie dont sont farcies les gazettes. C’est un terme à la mode ; personne n’en connaît bien le sens, mais il soutient la prétention à discuter des affaires d’État, en désignant dans le même mouvement un mystère et sa capture dans un logos. La raison d’État n’est pas chez Laval la clef qui permet de raisonner, mais le nom que le peuple donne à ce qu’il prétend saisir de la politique du prince par la réflexion sans être en mesure de le faire.
11Antoine de Laval, quant à lui, va s’attacher à la définir dans trois chapitres successifs d’un assez long traité, qui forme la dernière partie des Desseins. Intitulé « Dessein des problèmes politiques pour tirer profit de l’Histoire & y apprendre les théorèmes du droit public », il vise à préparer la jeunesse aux affaires publiques. Ces trois chapitres sur la raison d’État constituent un ensemble remarquable au sein d’une œuvre de philosophie politique méconnue, qui apparaît fortement lié au « moment Henri IV », et peut contribuer par là à l’éclairer. Laval différencie radicalement la raison d’État des autres « raisons » (« naturelle », « civile », « de coutume », « du droit des gens », « politique ») à partir desquelles opiner – donner son opinion – dans les conseils. Les différentes « raisons » interagissent (« la raison du droit des gens amollit celui de la guerre », écrit par exemple Laval) mais toutes ensemble se trouvent dans une situation d’extériorité par rapport à la raison d’État, laquelle consiste en une rupture avec l’ordre des « raisons », c’est-à-dire des lois et de la justice communes.
12Sa présentation de la raison d’État est d’emblée critique : « Car raison d’État n’est enfin autre chose […] sinon s’éloigner de la justice en quelque fait particulier pour le bien du public. » De là Laval cite Plutarque qui oppose les « choses légères » pour lesquelles on peut ne pas être juste afin de maintenir la justice « aux plus importantes » et le glose ainsi : « c’est la [la raison d’État] décrire par ce qui lui convient le mieux, mais regardez-là en quelque jour que ce soit, & vous trouverez qu’elle biaise & tourne toujours l’épaule à la Justice […] ». Et il termine son commentaire en niant que l’on puisse distinguer, comme le fait Plutarque « choses légères » et « choses importantes » en matière de justice. Par la suite, Laval évoque plusieurs précédents historiques pour montrer comment des pouvoirs (la République romaine, Louis XII puis François Ier) ont résisté à la tentation de ne pas respecter leurs paroles malgré les mauvais conseils tentateurs qui leur étaient prodigués et n’ont ainsi pas décidé par raison d’État. La monarchie française est vantée comme le pouvoir qui ne lui cède jamais, et les trois chapitres, à l’instar du reste de l’ouvrage, sont parsemés d’éloges d’Henri IV en roi antimachiavélien conduit par la foi et la loyauté. Admirateur des nouveautés italiennes, Laval fait même l’hypothèse que lorsque les auteurs transalpins prônent la raison d’État, « ils entendent par ces mots raisons d’état, maximes politiques, règles de gouvernement8 », et non le type de pratiques politiques sans foi ni loi qu’il dénonce.
13Cependant la dénonciation de la raison d’État est suivie d’une justification presque entière de son emploi :
« La raison d’État ne doit pas […] passer pardessus la raison naturelle & le droit des gens. Mais seulement peut en quelque sorte heurter les bornes de la raison civile du droit commun, pour le grand bien du public, si autrement, il souffre une très notable perte & danger de péril éminent. Je croirai bien qu’elle pourrait franchir les barrières de la raison militaire, pour le bien universel ou d’une armée ou d’un royaume. Voire même d’un Pays, d’une Province ; d’une ville ou d’un seul homme, tel pourrait-il être. Car pour la conservation d’un Roy, d’un Prince legitime & de tout l’État ensemble ou pour une paix universelle, cette raison d’Etat a le vol si haut que les yeux communs la perdent de vue. Aussi ne donnons-nous pas si avant. C’est ouvrage de souverain de la diriger selon que Dieu (qui tient les cœurs de Roys en sa main) l’inspire & le conduit9. »
14Laval sépare dans ce passage les cas où il s’autorise à juger que la raison d’État peut être utilisée (pour le bien du public, d’une armée, d’un royaume, voire d’« un seul homme ») et le cas où on n’a même pas le droit de raisonner sur son emploi, quand ce qui est en jeu est la conservation « d’un Roy, d’un Prince légitime & de tout l’État ou pour une paix universelle ». Et il conclut ce propos par une formule remarquable : « C’est un crime capital de […] syndiquer seulement de pensée [le souverain]. »
15L’emploi de la raison d’État apparaît donc successivement illégitime puis légitime. Il y a là en apparence une contradiction insurmontable, qui peut être atténuée si l’on prend en compte deux dimensions de l’ouvrage dans son intégralité. Le but annoncé de ce traité, « Dessein des problèmes politiques pour tirer profit de l’Histoire & y apprendre les théorèmes du droit public », est, au moyen de l’histoire, d’apprendre au fils de Laval, et au-delà à la jeunesse, à bien savoir raisonner dans les conseils. L’éloge du conseil comme collectif raisonnant (« Je veux que le particulier faille, tout homme de sa nature est fautier : le corps public bien assemblé ne faut pas aisément ») est assorti d’une restriction : Laval distingue en effet les « choses qui suivent le cours de l’autorité civile, où le Prince même s’oblige à la raison », de « ce qui se fait par l’autorité absolue : à cela n’y a autre raison bien souvent que la volonté ». Le traité de Laval sert à enseigner comment bien opiner dans le premier cas, mais ne concerne pas le second. Dans la vision ainsi proposée, l’ordre est assuré par le bon fonctionnement du conseil, supérieur à tout individu, mais aussi par la reconnaissance d’une sphère propre de l’autorité absolue où les lois civiles ne s’appliquent pas. C’est donc l’accent mis sur l’importance du fonctionnement du conseil qui autorise Laval à critiquer si vigoureusement la raison d’État dont il reconnaît par ailleurs qu’elle peut et doit s’exercer en dehors de la sphère du conseil. La démarche de Laval en un temps où tout le monde n’a que la « raison d’État » à la bouche consiste bien à la cantonner, en rappelant que dans les conseils on utilise ordinairement d’autres « raisons ».
16Un tel schéma semble bien destiné à permettre de conjurer le spectre de la guerre civile dont la présence est très forte dans les Desseins – pendant négatif de la figure lumineuse d’Henri IV, l’« Hercule gaulois », qui y a mis fin. Cette présence des guerres de Religion est une deuxième caractéristique majeure du traité de Laval, qui se reconnaît dans le camp des politiques – ces catholiques soutiens précoces d’Henri IV au nom de la paix – et qui fustige à de nombreuses reprises les ligueurs, tout en se réjouissant longuement à l’orée de son livre du déclin de l’« hérésie de Calvin ». De la guerre civile est venu le désordre qui autorise tout un chacun à opiner de son chef, ce qui engendre de nouveaux désordres :
« Nous avons vu de nos jours, durant et après la fureur de nos embrasements civils, maint & maint petit soldatin, qui pour s’être trouvé en quelque mauvais petit rencontre où le hasard l’avait plutôt porté que la recherche, au partir de là, venir dans le pays, où après s’être imprudemment vanté d’avoir remis la couronne sur la tête du Roi ; et que sans son épée la France était très malmenée, n’aura pas fait la petite bouche de médire & blasonner, non que de parler seulement des desseins, des conseils, des actions non pas de son capitaine seul, mais de son prince souverain, les contreroller & s’estimer plus capable de les conduire que tous ceux qui s’en mêlent10. »
17Il faut y insister : Antoine de Laval propose ici une interprétation originale de l’avènement d’une parole libre sur les affaires publiques. Ce n’est pas la vulgarisation de la théorie de la raison d’État, l’insistance mise sur la nécessaire préservation de l’intérêt du prince qui suscite en réplique la curiosité universelle pour cet intérêt. Selon Laval, la guerre civile a été un puissant agent de politisation : elle a offert la possibilité à des individus de devenir des acteurs de la politique du temps – en s’enrôlant dans une troupe catholique ou protestante par exemple – et de là a éclos chez eux le sentiment qu’ils détenaient une compétence les autorisant à raisonner sur les affaires publiques. Autrement dit, pour Laval, la raison d’État désigne non un changement dans les fins de la politique, mais le problème posé par la tendance du peuple à raisonner sur les affaires publiques, alors que le bon ordre politique commande l’association entre d’une part un gouvernement par conseil et de l’autre l’application exceptionnelle d’une raison d’État qui ne saurait être décidée que par le souverain dans son commerce particulier avec Dieu. Mais dans une telle configuration, quelle place y a-t-il pour un traité issu d’un individu singulier, et qui enseignerait l’art de la politique ? Comment nommer celui qui réalise cette opération de délimitation des compétences respectives des particuliers, du conseil et du prince ?
Laval expert sans le titre ?
18On va maintenant s’attacher à décrire l’extraordinaire mise en scène par laquelle Antoine de Laval produit continûment dans son traité sa légitimité à écrire sur de telles matières11. Le soin avec lequel Laval dessine, par de multiples touches, sa propre relation au pouvoir, est en lui-même un indice de la difficulté à poser au conseiller, à se figurer en expert. Au début de ce traité consacré à la politique inclus dans les Desseins, Laval pose directement la question de son autorité à écrire sur pareil sujet :
« J’attends qu’on me serve d’entrée d’un reproche, peut-être véritable : qu’il serait plus séant & plus utile à un petit Noble, chef de famille, duquel la cuisine n’est bâtie que sur la Grange, le Pressoir & la Bergerie, de pratiquer l’Œconomique de Xenophon, que de s’alambiquer la cervelle sur les Théorèmes de la Politique de Platon & de Aristote12. »
19Il répond en disant qu’il s’est engagé dans ce travail pour son fils. En effet, selon Laval, les Desseins des professions nobles et publiques étaient initialement destinés à instruire son fils cadet pour l’aider à choisir « quelque honorable profession : soit de Theologie, des Armes, de Iurisprudence, de Secretaire ou de Finances, qui sont toutes de l’employ d’un homme né, élevé, & instruit noblement13 ». Il l’aurait composé dans l’exercice de ses fonctions paternelles, ayant eu un dernier fils sur le tard, après avoir perdu les précédents, et craignant de n’avoir pas le temps de mener à terme l’éducation du benjamin, tant à cause de son âge avancé que des « affaires » qu’il avait « sur les bras, à cause des troubles ». Le cadre tout privé dans lequel Laval inscrit son geste d’écriture lui évite de passer pour présomptueux, et évite le soupçon qu’il pourrait vouloir délivrer des conseils – sinon des leçons – au pouvoir.
20Le traité destiné à rester manuscrit serait finalement devenu livre imprimé à la suite d’une succession d’interventions14. Dans la préface, Laval explique avoir d’abord cédé à la pression de ses amis à qui il avait montré son travail de pédagogue. Dans l’épître à Henri IV ouvrant la première édition (et republiée dans la seconde), il rappelle une visite royale en Bourbonnais, la patrie de Laval, durant laquelle le monarque aurait amicalement reproché à l’écrivain « qu’[il] ne lui présentoi[t] plus rien, comme de coutume », et le livre serait alors venu combler une telle lacune. Les différents aspects de la figure d’Antoine de Laval telle qu’elle se présente ici (pédagogue privé, donneur d’avis, acteur politique) gagnent en épaisseur au fil de la lecture du volume, mais sont spectaculairement noués dans l’épître dédicatoire à Louis XIII placée en tête de l’édition de 1612. Dans ce texte adressé au jeune roi, Laval évoque la mort prématurée de ce dernier fils pour qui il avait composé les Desseins :
« En votre seule considération le feu Roy votre très honoré Seigneur & Pere le retira de moi pour le faire rendre à l’Imprimeur, des mains duquel je l’avais arraché pour le supprimer, puisque mon fils (auquel il servait de leçon) était décédé ; & me daigna ce grand roi dire ces propres mots en me consolant de ma perte. Ne pleurez plus votre fils il est bienheureux, & souvenez-vous que tous ceux qui profiteront en vos écrits vous seront autant d’enfants : je veux que vous me donniez cette œuvre, & toutes les autres que vous avez faits, pour les miens : vous le leur devez comme à moi, & puis on m’a dit qu’ils portent déjà mon Nom. Quant aux Rudiments Politiques que vous me promîtes à Lyon, j’entends que vous les donniez à mon fils. C’est donc par commandement, Sire, par obligation & par devoir que je vous offre ce présent. »
21Laval se trouve ici doté d’une forte légitimité savante par un geste consolatoire qui, en mettant en évidence la bonté royale, masque la question de la source de cette légitimité. Laval est-il un insider, conseiller prolongeant son service du monarque par l’écriture d’un traité ou un outsider, sur le modèle des donneurs d’avis en matière de finance qui vont s’épanouir au xviie siècle15 ? Le texte, en soulignant avant tout la dynamique d’expansion de la destination du traité (du fils au fils du roi et au public) dans des circonstances dramatiques, laisse cette question dans une ombre propice.
Un assez petit personnage ?
22Antoine Mathé de son vrai nom est né à Saint-Germain-Laval en 1550, et se prétend gentilhomme dans son premier livre publié en 157616. Son statut social reste bien incertain, et on peine à saisir les ressorts de sa carrière, notamment parce que l’essentiel des informations relatives à celle-ci est distillé par Laval lui-même dans les Desseins, ouvrage dans lequel il a rassemblé la plupart des écrits produits au cours de vie. Il semble avoir obtenu un petit office de grenetier au grenier à sel de Moulins, en Bourbonnais, où il rencontre le géographe du roi Nicolas de Nicolay dont il devient l’assistant et le gendre, épousant en 1577 la belle-fille de celui-ci. Il hérite de son mentor la charge de géographe du roi, et fait sa résidence au château de Moulins dans lequel Catherine de Médicis lui a concédé un logement, avec le titre de « capitaine du parc et château » de cette ville. Parallèlement il a une activité de poète et de traducteur. Dans l’avis au lecteur de son Isabelle, il implore l’indulgence de ceux qui ouvrent son livre « comme ayant este faict aux heures dérobées du service que ie doibs aux Princes qui me daignent advouer17 », sans plus de précision.
23Dans les Desseins, il se présente comme retiré à Moulins après une brillante vie de cour qui lui aurait permis d’évoluer parmi les plus grandes personnalités du royaume, de la duchesse de Retz à la fin des années 1570 à l’entourage d’Henri III puis d’Henri IV. Il évoque notamment un certain nombre des pièces de son livre qui auraient été produites dans le feu de l’action à la demande de personnages publics. Il explique par exemple avoir participé à un dîner réunissant autour du secrétaire d’État Forget de Fresnes « Messieurs d’Evreux, de Montagne, Du Haillan, Paschal, & autres » durant lequel le ministre proposa à ses invités la question suivante, « d’où venoit que la plupart des grands sçavants piliers des Universitez faisoient de si mauvaises lettres18 ». Chacun des convives donne son avis, et le secrétaire d’État qui a apprécié celui de Laval lui demande de le mettre par écrit, ce qui nous permet de le lire à la suite dans les Desseins. Il est difficile de statuer sur la véracité de cette mise en scène comme de tant d’autres qui forment les écrins des textes composant les Desseins. Sans doute a-t-il effectué des séjours à la cour, et visité le comte et la comtesse de Retz. Mais on peut penser aussi qu’un certain nombre des discours contenus dans l’ouvrage constituent moins des réponses à des commandes que des adresses au pouvoir rédigées par un Antoine de Laval cherchant à se rendre utile. Certes, il a vraisemblablement joué un rôle effectif à Moulins : il affirme qu’il a été mandaté par Henri III, au lendemain des meurtres de Blois, de s’assurer de la fidélité du gouverneur de Bourbonnais. Henri IV de même en aurait fait un relais de son action dans la région. Il a aussi été à plusieurs reprises un porte-parole de sa ville, notamment comme député de robe courte aux États généraux de Blois en 1588 où il aurait prononcé plusieurs discours19. Enfin il est le chargé d’affaires du duc de Bourbon-Montpensier pour ses terres du Bourbonnais.
24On est donc probablement face à un assez petit personnage, qui ne dispose pas d’une charge importante, et dont l’identité sociale repose avant tout sur des écrits – les discours ou les missives qu’il adresse à des figures du pouvoir, le recueil de ses textes qui constitue les Desseins. Mais ces écrits sont toujours présentés comme une demande du pouvoir ou comme liés à la participation à un conseil d’un grand personnage.
Une figure de secrétaire
25La place très importante que tient la figure du secrétaire dans les Desseins est une autre manière pour Laval de situer son rapport au pouvoir. Les Desseins incluent un traité de l’art du secrétaire, mais la fonction de domestique de plume dans la proximité soumise à un puissant qu’il dépeint dans ce traité semble pouvoir caractériser maintes autres actions de Laval telles qu’il les raconte dans son livre. Antoine de Laval s’attache d’abord à démontrer que seuls les secrétaires du roi sont dignes du titre de secrétaire :
« I’appelle secretaire celuy auquel le Prince Souverain, ou celuy qui le represante, commet la charge de declarer son intention par escrit en toutes sortes d’affaires de son estat secretes ou publiques. Ceste definition ou description du Secretaire ne peut pas convenir à ceux qui servent les particuliers en leurs affaires domestiques & privées […] Aussi à dire vray, & pour parler rondement, en tout ce qui part de la main des autres que des Secretaires du Roy, n’y a pas un mot d’Estat20 […] ».
26En réservant la qualité de secrétaire à ceux qui sont au service du souverain, Laval construit le service de l’État comme totalement séparé, et plus honorable, que tout autre service, et dans cette opération, il distingue les secrétaires du roi au sein de l’ensemble de ce personnel de secrétaires particuliers, qui trouve sa fonction sociale dans la mise au service d’aristocrates ou de figures du pouvoir de leurs compétences intellectuelles. Toute la difficulté de leur office réside dans la distance entre la condition de celui qui tient la plume et celui dont il est chargé d’exprimer les pensées. Surmonter cette difficulté suppose un art consommé, qui est la compétence propre du secrétaire, et qui semble toucher aux mystères de l’État. Laval livre d’ailleurs à la suite de ce passage un traité d’art épistolaire, agrémenté de plusieurs lettres qu’il a lui-même rédigées à l’intention de figures du pouvoir de son temps.
27Sous sa plume, le secrétaire, de simple rédacteur des ordres du prince, devient son conseiller, et d’abord par occasion : étant toujours auprès de celui-ci pour expédier ses ordres, il se trouve naturellement en situation de répondre à ses demandes à propos de tel ou tel problème politique21. Mais pour être à même de saisir l’occasion de jouer un rôle de conseiller, il doit en outre s’être forgé une compétence intellectuelle en matière politique, dont la clé est l’observation des pratiques de pouvoir. Les livres aident à déchiffrer l’humeur et l’esprit du « chef de l’État », mais en retour la proximité avec les figures du pouvoir permet de saisir en action les maximes politiques22. Là gît la force spécifique de la position : l’exceptionnelle compétence en politique du secrétaire doit en permanence s’alimenter à la source dont elle découle.
28Une dernière scénographie est à l’œuvre dans les Desseins : Laval figure le sage de la Maison de Bourbon, à laquelle il a consacré un traité historique inclus dans ce livre. Il rapporte soigneusement comme on l’a vu plus haut les entretiens qu’il a eus avec Henri IV ou des membres de l’entourage du monarque à l’occasion de visites royales en Bourbonnais qui font figure de retour à la fois spatial et temporel à l’origine de la puissance de la dynastie. Laval écrit depuis le cœur des Bourbons, et non depuis une position d’extériorité à la famille royale – du moins dans les représentations qu’il donne de son action.
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29Le cas de Laval invite à penser ensemble les figures historiques de l’observateur expert et du commentateur importun des affaires publiques, à condition d’étudier ce qui se joue dans leur écriture simultanée. Laval travaille une figure avec l’autre, et sa propre position tient de l’une et de l’autre, en vertu d’un processus dont il donne une description vraisemblable : il est bien possible en effet que des vocations politiques – incluant action et action de conseil – soient nées dans les moments paroxystiques des guerres de Religion, quand le besoin en personnel politique s’est fait sentir du fait des engagements partisans des gens déjà en place. Donner conseil à un supérieur est une composante de l’action politique et Laval a pu se trouver en position de le faire au temps de la Ligue. Mais son livre est une remise en jeu de cette activité passée. Action par le livre, elle a ses propres caractéristiques : elle théorise le conseil, en installant les figures antagonistes de l’homme du peuple qui se mêle des affaires publiques sans y rien pouvoir comprendre et de Laval lui-même, dont la compétence en politique cristallise à la croisée de la dévotion paternelle et de la dévotion royale.
30Son livre est très ostensiblement dirigé vers le pouvoir royal. Il expose les services rendus au long cours par un agent fidèle et ce geste a pu ou non soutenir une demande précise (charge ou pension), qui concernait peut-être du reste l’ancrage local du géographe de Moulins. Mais parce que ce geste est réalisé avec un livre, il rend présent aussi la question du public – du public de la politique. Les « leçons paternelles » de Laval tiennent doublement à distance les experts autoproclamés de la chose publique : en redonnant vigueur au conseil comme lieu naturel de la prise de décision, en légitimant finalement la raison d’État, sans pouvoir totalement éliminer la tension entre fonctionnement ordinaire de la monarchie par conseil et pratiques extraordinaires du pouvoir23. Cette tension renvoie peut-être aux convictions ou aux lectures – notamment du traité antimachiavélien de Botéro, cité dans les Desseins – de l’auteur mais elle est liée en tous les cas à la mise en scène du projet pédagogique du livre. Certes par l’entremise d’Henri IV, le livre est destiné à Louis XIII, pour son instruction. Mais Laval, dans une distance affichée aux arcana imperii, ne cesse de répéter que son livre n’a pas pour but de former un conseiller du prince, mais seulement de loyaux serviteurs de l’État, bons pour rapporter dans les conseils par exemple. La forte présence des institutions au fonctionnement collégial – où l’on est susceptible d’opiner – sous l’Ancien Régime (tribunaux, conseils municipaux, fabriques, etc.) constitue un horizon de réception pour un livre tel que celui de Laval. Qu’il soit encore possible de faire de la publicité pour de telles pratiques délibératives dans un traité à la gloire du monarque est peut-être caractéristique d’un moment Henri IV de la raison d’État. Cependant, que l’on glorifie le conseil ou la prise de décision du prince dans un colloque avec Dieu, dans les deux cas il n’y a pas vraiment de place pour une pensée de l’expertise.
Notes de bas de page
1Gauchet Marcel, « L’État au miroir de la raison d’État : la France et la chrétienté », in Yves-Charles Zarka (dir.), Raison et déraison d’État, Paris, PUF, 1994, p. 193-244.
2Jouhaud Christian, « La tactique du lierre : sur “l’État au miroir de la raison d’État”, de Marcel Gauchet », Cahiers du Centre de recherches historiques, no 20 : « Miroirs de la raison d’État », 1998, p. 39-48.
3Ibid, p. 45.
4Gauchet Marcel, « L’État au miroir de la raison d’État… », art. cité, p. 234-242.
5Ibid, p. 239.
6Ibid, p. 240.
7Desseins de professions nobles et publiques Conbtenans plusieurs Traités divers & rares : Avec l’histoire de la Maison de Bourbon. Iadis dediez au feu roi Henry IIII et maintenant au Tres-Chrétien & Tres-puissant Roy de France & de Navarre Louis XIII. Autrefois proposés an forme de Leçons paternelles, pour Avis & Conseil des Chemins du Monde. Par Antoine de Laval, Geographe du Roy, Capitaine de son Parc & Château lés Moulins en Bourbonnois. A son fils. De nouveau reveu corrigé & augmenté des Problemes Politiques, avec une Table bien particuliere pour tout le cors de l’œuvre, Paris, Veuve Abel l’Angelier, [1605], 2e édition, 1612, 338 ro. L’orthographe a été modernisée.
8Ibid, 340 ro.
9Ibid, 344 vo.
10Ibid, p. 347 ro.
11Pour une mise en scène différente, voir Naudé Gabriel, Considérations politiques sur les coups d’Etat, [1639], Paris, Les Éditions de Paris, 1988, et le commentaire qu’en donne Louis Marin dans le même ouvrage, « Pour une théorie baroque de l’action politique », en particulier p. 45-46.
12Ibid, 314 ro.
13Ibid, 19 ro.
14Sur de tels récits de publication, voir Grihl, De la publication entre Renaissance et Lumières, Paris, Fayard, 2002.
15Bayard Françoise, Le Monde des financiers au xviie siècle, Paris, Flammarion, 1988, p. 80-103.
16Longeon Claude, Les écrivains foréziens du xvie siècle, Répertoire bio-bibliographique, Centre d’études foréziennes, 1970, p. 93-102 et p. 390-403 ; Lavaud Jacques, Un Poète de cour au temps de Valois : Philippe Desportes (1546-1606), Paris, Droz, 1936, p. 97-98 ; Faure Henri, Antoine de Laval et les écrivains bourbonnais de son temps, Moulins, chez Martial Place, libraire-éditeur, 1870, 2e éd. ; L’œuvre cartographique de Nicolas de Nicolay et d’Antoine de Laval (1544-1619) par M. R. Hervé, Bulletin de la section de géographie du comité des travaux historiques et scientifiques, 1955, p. 223-263 ; Boutier Jean, Dewerpe Alain et Nordman Daniel, Un tour de France royal. Le voyage de Charles IX (1564-1566), Paris, Aubier, 1984, p. 50-54.
17Mathé Antoine, Isabelle, imitation de l’Arioste, Paris, Lucas Breyer, 1576, « Au lecteur ».
18Laval Antoine de, Desseins…, op. cit., fo 212.
19Ibid., fo 104-117
20Desseins, op. cit., p. 199 vo.
21Ibid, p. 224 ro.
22Ibid., p. 199 vo-200 ro.
23Sur cette tension, voir Descimon Robert et Jouhaud Christian, La France du premier xviie siècle, 1594-1661, Paris, Belin, 1996.
Auteur
Université Paris Nanterre, MéMo-Grihl

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